AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 avril 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, la séance est ouverte.
Bienvenue à la 70e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-428. Nous allons entendre deux témoins, un par vidéoconférence et l'autre, M. Chartrand, qui est comme vous pouvez le voir parmi nous dans la salle.
Nous allons commencer par le chef Perry Bellegarde. Merci beaucoup d'avoir bien voulu témoigner. Vous serez le premier à prendre la parole. Nous allons écouter votre déclaration liminaire qui sera suivie de celle de M. Chartrand, et nous allons ensuite passer aux questions.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour. Je comparais aujourd'hui par vidéoconférence à titre de chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations et de chef régional pour la Saskatchewan de l'Assemblée des Premières Nations, au sein de laquelle je m'occupe du portefeuille national des traités. J'aimerais vous remercier ainsi que le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord d'avoir accédé à ma demande de comparution.
Notre fédération représente 74 Premières Nations de la Saskatchewan. Je prends toujours le temps de mentionner les Dénésulines; les Dakotas, les Lakotas et les Nakotas; les Cris des marais, les Cris des bois et les Cris des plaines; ainsi que les nations Nakawes, les Anishinabes et les Saulteaux. Notre fédération s'engage à honorer l'esprit et l'intention des traités et à promouvoir, à protéger et à mettre en œuvre les promesses faites il y a plus d'un siècle.
Je suis actuellement chef de la FSIN et chef régional pour la Saskatchewan de l'Assemblée des Premières Nations, mais j'ai été élevé dans la Première Nation de Little Black Bear sur le territoire visé par le Traité no 4, qui couvre le sud de la Saskatchewan, le sud-ouest du Manitoba et une petite partie du sud de l'Alberta, ce qui représente une superficie d'environ 75 000 milles carrés. J'ai déjà été élu chef à tous les paliers des organisations des Premières Nations: chef de la FSIN, chef régional de l'APN, représentant et représentant adjoint de conseil tribal ainsi que chef et conseiller de la Première Nation de Little Black Bear.
Pendant ces mandats, j'ai eu l'honneur d'apprendre auprès de plus de 60 gardiens du savoir traditionnel et aînés, aussi bien des hommes que des femmes, qui provenaient de l'ensemble des nations signataires de traités de la Saskatchewan et d'autres régions de ce que nous appelons maintenant le Canada. Ils m'ont instruit sur l'esprit et l'intention des traités.
Le respect et la mise en œuvre absolus par les gouvernements des droits autochtones issus de traités sont essentiels pour influer sur la vie quotidienne des Autochtones qui vivent dans les réserves et les centres urbains du Canada. Il est urgent que le Canada montre un respect et un engagement à long terme véritables par rapport à ce qui a été décidé dans le cadre de la Rencontre de la Couronne et des Premières Nations de 2012 et de la réunion qui a eu lieu en 2013 entre le premier ministre et les dirigeants des Premières Nations.
L'évolution du Canada et le principe du fédéralisme dépendent du respect et de la mise en œuvre absolus de nos traités. En effet, mettre fin aux discussions sur les initiatives importantes, par exemple en modifiant unilatéralement la Loi sur les Indiens, constitue une entrave à la coopération et à l'harmonie au sein de la fédération canadienne. Nous ne pouvons pas établir de liens fondés sur la coopération et l'harmonie si les traités sont dévalués ou si le gouvernement prend des mesures unilatérales. Il faut plutôt qu'il soutienne et qu'il suive un processus détaillé reposant sur une collaboration ouverte et étroite avec les Premières Nations.
Nous pensons tous qu'il faut aller au-delà de la Loi sur les Indiens et de ses mesures de contrôle colonialistes; nous sommes tous d'accord sur ce point. Ce qu'il ne faut pas perdre de vue est le processus adopté pour y arriver. Il doit être dicté par les Premières Nations, pas par un projet de loi d'initiative parlementaire. De plus, il faut qu'il reçoive un soutien politique et financier complet de la part du gouvernement et qu'il prenne appui sur l'engagement que le premier ministre a pris dans le cadre de la Rencontre de la Couronne et des Premières Nations de 2012 et de la réunion du 11 janvier 2013. L'option qui consiste à préparer un projet de loi d'initiative parlementaire n'offre pas suffisamment de ressources pour consulter et accommoder les Premières Nations.
Le gouvernement s'y prendrait autrement s'il voulait vraiment modifier la Loi sur les Indiens. Il veillerait plutôt à ce qu'il y ait suffisamment de ressources pour mener des consultations approfondies auprès des Autochtones vivant à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. L'approche actuelle n'est pas respectueuse. Elle ne correspond pas à l'obligation de consultation et d'accommodement, ne témoigne pas de l'honneur de la Couronne et ne respecte pas le principe et la pratique du consentement libre, préalable et informé découlant de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que le gouvernement a appuyée en 2010.
Nos traités ont une portée internationale, et j'ai toujours dit qu'ils l'emportent sur la politique, pas l'inverse. En 1876, on nous a donné la Loi sur les Indiens. Ce n'était pas une loi de mise en œuvre de traités, mais une loi sur les Indiens. Le problème ici est que rien ne donne force de loi aux traités sacrés que nous avons conclus avec la Couronne, de nation à nation.
En tant qu'Autochtones, beaucoup d'entre nous sont devenus colonisés au point où ils pensent que leurs droits proviennent de la Loi sur les Indiens, même que certains appellent encore leurs certificats de statut d'Indien des certificats de traité.
Compte tenu de l'engagement que le premier ministre a pris le 11 janvier à l'égard d'un mécanisme de haut niveau et d'un processus d'examen de la mise en oeuvre des traités, nous pensions avoir l'occasion d'aller au-delà de la Loi sur les Indiens vers une loi sur la mise en oeuvre des traités, pour ainsi donner force de loi à nos traités internationaux et mettre en vigueur l'article 35, qui reconnaît et affirme les droits issus de traités dans la Constitution du Canada.
En tant qu'Autochtones, nous avons un droit inhérent à l'autodétermination et la capacité d'établir des relations fondées sur des traités avec la Couronne et d'autres nations autochtones. Nous nous prévalons de ce droit, et parce que nous avons partagé les terres et les ressources avec les nouveaux arrivants à Turtle Island, nous avons aussi maintenant des droits issus de traités. Conformément à ce droit inhérent à l'autodétermination, nous pouvons créer nos propres lois sur nos terres. Nous n'avons pas besoin de règlements établis en vertu de la Loi sur les Indiens, mais seulement que nos propres lois soient respectées et reconnues.
J'aimerais poser la question suivante au comité. Si la Loi sur les Indiens était abolie demain matin, est-ce que nos droits inhérents le seraient aussi, tout comme nos droits issus de traités? Est-ce que cela mettrait fin aux obligations fiduciaires fédérales? Bien sûr que non. Nous aurons toujours nos droits inhérents et ceux découlant de traités. Ils proviennent d'une alliance sacrée avec le Créateur, et nous en jouirons tant que le soleil brille, que la rivière coule et que l'herbe pousse. Ce que je veux dire, c'est que nous sommes des Autochtones. Nous avons nos terres, nos lois, nos coutumes, nos traditions et nos langues, et nous sommes un peuple identifiable, tout comme l'est notre forme de gouvernement. Nous pouvons exercer notre droit à l'autodétermination en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés. Pour cette raison, nos chefs ont établi une relation fondée sur des traités avec la Couronne. Ils ont exercé ce droit inhérent et conclu un traité international. Malheureusement, aucune loi prévoyant la mise en oeuvre de ces traités n'a été adoptée par la suite.
La Loi sur les Indiens est entrée en vigueur en 1876. Le projet de loi d'initiative parlementaire n'est pas la solution pour s'en défaire, et il ne facilitera pas l'élaboration d'une loi sur la mise en oeuvre des traités. Cette approche n'aide pas du tout le Canada à appliquer sa constitution. Je le répète, nous voulons tous nous départir de la Loi sur les Indiens, mais il faut s'entendre sur la manière de s'y prendre. Je suis ici pour parler du processus approprié, dans le cadre duquel serait respectée l'obligation de consulter et d'accommoder de la Couronne. Nous ne pouvons pas appuyer vos démarches en l'absence d'un tel processus.
Je pense que vous devriez renoncer à ce projet de loi et revenir à la case départ. Si votre objectif était d'amorcer le dialogue, Rob, vous avez fait un excellent travail, et je vous en félicite. Vous avez réussi. Cela dit, c'est un dialogue que le gouvernement n'appuie pas entièrement, car je crois que de réelles mesures de consultation auraient autrement été prises pour garantir à long terme un processus de mise en oeuvre des traités viable et entièrement financé bénéficiant du plein soutien du Cabinet du premier ministre.
C'est ma déclaration officielle pour le moment, mesdames et messieurs. J'attends avec impatience le moment de répondre à vos questions.
Merci monsieur.
Nous allons maintenant passer à M. Chartrand. Merci beaucoup d'avoir bien voulu témoigner. Vous pouvez commencer votre présentation liminaire.
Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais d'abord saluer les membres du comité. Merci de m'avoir invité à comparaître.
Je vais vous dire quelques mots sur moi en guise d'introduction. Je suis un professeur de droit à la retraite. J'ai enseigné pendant quelques dizaines d'années, surtout au Canada et en Australie. Mon principal champ d'intérêt est le droit et les politiques concernant les peuples autochtones.
Compte tenu de ce qui a été dit, je devrais également ajouter que j'étais entre autres un des commissaires nommés par le premier ministre Mulroney dans le cadre de la Commission royale sur les peuples autochtones créée en 1996.
Je suis ici pour vous faire part de mes observations sur le projet de loi C-428 à titre professionnel. Je ne représente personne. Je vais formuler certaines recommandations fondées sur ce qui constitue selon moi de bonnes mesures législatives et de bonnes politiques en fonction des principes de la démocratie et des valeurs constitutionnelles au Canada.
Voici ce que j'ai à vous dire.
Le préambule du projet de loi C-428 décrit la loi comme étant dépassée et colonialiste. Est-ce que sa modification est la meilleure façon de remédier à la situation? Le rapport final de la Commission royale publié en 1996 proposait d'autres solutions, qui relevaient généralement de la négociation de traités, mais depuis, aucun gouvernement n'y a eu recours.
Je dirai tout d'abord que selon certains, modifier la Loi sur les Indiens revient, en quelque sorte, à essayer de tirer de la farine d'un sac de son. Compte tenu de la nature litigieuse de chaque modification sur le plan politique, on pourrait même rendre l'image plus éloquente en ajoutant que le son doit être moulu à l'aide d'une passoire.
La loi sur les Indiens est effectivement une loi archaïque imposée depuis 1876 pour permettre aux bureaucrates et aux politiciens d'Ottawa d'administrer les affaires des Indiens dans les réserves. Il faut s'en défaire, d'une manière ou d'une autre. Cela dit, au Canada, on ne peut pas changer la façon dont on a administré ces gens pendant des générations tout en préservant ce qui a mené en premier lieu à la création de la loi, c'est-à-dire l'idée qu'Ottawa peut mieux gérer les affaires des Indiens dans les réserves que les Indiens eux-mêmes. La Loi sur les Indiens aborde également la question des droits issus de traités en raison de l'article 88, qui porte sur l'application des lois provinciales et les exceptions relatives aux traités.
Selon l'article 2 du projet de loi, un ministre doit présenter chaque année un rapport à votre comité. Ma première recommandation est d'élaborer une politique selon laquelle aucune modification à la loi ne peut être proposée ou présentée au Parlement avant que des consultations appropriées n'aient été menées auprès des représentants des Premières Nations, et que tous les projets de loi doivent être élaborés en consultation avec eux.
Cette approche aura tendance à promouvoir le principe démocratique selon lequel les lois ne doivent pas être adoptées sans le consentement de ceux qui en porteront le fardeau ou qui en tireront des avantages. Cela permettra au moins de remédier partiellement au manque de représentation équitable et de participation des Premières Nations dans le cadre des travaux du Parlement et du gouvernement.
Le deuxième point que j'aimerais aborder est le suivant. Les modifications rendent plus complexe la loi visant les Indiens et les terres qui leur sont réservées. Une version annotée dépasse facilement 400 pages. Il y a constamment de nouvelles modifications en vertu de divers projets de loi, dont certains ont des titres obscurs tels que les lois d'exécution du budget et autres projets de loi omnibus. La loi devient de plus en plus complexe à cause de ce genre de projets de loi, qui soit dit en passant n'encouragent aucunement l'étude démocratique des mesures législatives proposées.
Cette situation entraîne toutes sortes de conséquences pour les Premières Nations. J'aimerais vous faire remarquer à ce sujet que le projet de loi C-45, le récent projet de loi omnibus, contenait lui aussi une modification à la loi, qui concernait la participation du ministre à l'administration des affaires indiennes dans une réserve. Le lecteur intéressé par le projet de loi C-428 n'y trouvera pas cette modification.
Je vais parler du titre de la loi. J'ai mentionné qu'il s'agit d'un de ses bons éléments étant donné qu'il en décrit le contenu de manière appropriée. Ce qui n'est pas le cas de certaines lois adoptées récemment dont les titres dissimulent le contenu plutôt que de le faire connaître. L'exemple le plus flagrant qui me vient à l'esprit est celui du projet de loi C-3, qui était intitulé la Loi sur l'égalité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens. Il est entré en vigueur en janvier 2001. Il portait sur le droit à l'égalité s'appliquant à tous sans discrimination fondée sur le sexe, comme le prévoit l'article 15 de la Charte. Il n'est pas question d'équité entre les sexes dans la Constitution.
Je vais maintenant me pencher sur les objectifs de la loi. Quelle est la situation qui doit être réformée par les modifications proposées dans le projet de loi C-428? La première déclaration, le préambule, indique de manière implicite que les Premières Nations du Canada ne doivent pas être assujetties « à un traitement différentiel ». Cela va à l'encontre de la reconnaissance et de l'affirmation constitutionnelles des droits collectifs distincts des Indiens en tant qu'Autochtones ayant droit à un traitement différentiel. La Constitution exige le traitement différentiel. Le concept de l'égalité des droits liés à la citoyenneté, que toutes les Premières Nations et tous les Indiens peuvent revendiquer, est facilement confondu, dans l'opinion publique et dans le préambule, avec les droits ancestraux et les droits issus de traités prévus dans la Constitution, qui sont des droits collectifs exigeant un traitement différentiel.
Je recommande qu'une nouvelle disposition de fond définissant clairement les intentions ou les objectifs de la loi soit insérée dans le préambule du projet de loi. Cette mesure aiderait grandement les tribunaux et les autres intervenants à interpréter la loi. Je signale que l'article 3 de la Loi sur les Indiens — et c'est un passage important — stipule que: « Le ministre est chargé de l’application de la présente loi; il est le surintendant général des affaires indiennes. » Si cette disposition n'est pas éliminée ou modifiée, il risque d'être difficile d'interpréter les modifications qui renvoient aux objectifs décrits dans le préambule.
Je vais maintenant parler de l'abrogation des articles 32 et 33, qui portent sur l'interdiction du libre-échange. Si vous ne connaissez pas bien l'histoire de ces articles, qui, je crois, a commencé au Manitoba, je vous invite fortement à en prendre connaissance. Dans la région de Brandon, les fermiers dakotas s'en sortaient mieux que les autres. Les agriculteurs locaux, qui n'aimaient pas cette situation, ont donc appelé leurs amis à Ottawa et ont obtenu l'interdiction du libre-échange des produits agricoles de la réserve grâce à ces dispositions.
Je pourrais citer la professeure Sarah Carter, qui a écrit un livre et quelques articles qui vous donneraient un excellent aperçu historique du déroulement des événements. Sachez, mesdames et messieurs, que l'article 32 n'a pas été appliqué depuis longtemps. Un décret prononcé en 2010 a exempté de l'interdiction toutes les bandes des Prairies.
J'ai une suggestion modeste à vous faire par rapport à l'abrogation de ces dispositions. Il ne fait aucun doute que leur application a constitué un désavantage économique pour les agriculteurs autochtones des Prairies. En effet, la loi a contribué à l'héritage de pauvreté et de marginalisation qui fait partie de la mythologie nationale fondée sur des préjugés racistes envers les Indiens.
Est-ce que l'abrogation suffira pour tourner la page? Je propose qu'elle soit accompagnée de nouvelles mesures. Le gouvernement fédéral a l'occasion de faire amende honorable en mettant sur pied des programmes correctifs pour stimuler l'agriculture chez les Indiens. Des spécialistes du domaine pourraient vous donner des conseils détaillés par rapport à la façon de s'y prendre. Vous conviendrez sûrement comme moi que nous devons être guidés dans ce dossier par un réel désir de finalement faire la bonne chose.
Je vais maintenant parler des dispositions sur les testaments et les successions, qui se trouvent à l'article 7 du projet de loi et qui proposent d'abroger les articles 42 et 47 de la Loi sur les Indiens.
En passant, je recommande de mettre un peu d'ordre dans le libellé, qui pourrait être beaucoup mieux dans le cas des articles 5 et 7 où l'on rassemble de manière disparate des dispositions de fonds et des intertitres devant tous être abrogés. Il faudrait plutôt dire « nous abrogeons l'intertitre, nous abrogeons l'article 32, nous abrogeons l'article 33 » plutôt que « l'intertitre et bla, bla, bla... », ce qui peut porter à confusion. Nous n'avons pas besoin de compliquer les choses pour rien, et il serait donc utile d'apporter certaines améliorations.
La Cour suprême du Canada s'est penchée sur le principal problème lié à l'abrogation proposée de ces articles, qui portent sur les testaments et les successions. Une fois de plus, l'affaire Canard issue de la Première Nation Sagkeeng du Manitoba en 1976 constitue un arrêt de principe dans le domaine. À première vue, l'abrogation de ces dispositions laisse penser que les testaments des Indiens qui vivent dans les réserves seraient dorénavant régis par des lois provinciales d'application générale plutôt que par la législation fédérale aux termes de la Loi sur les Indiens, ce qui s'expliquerait par le partage constitutionnel des pouvoirs et l'application de l'article 88 de la Loi sur les Indiens.
De prime abord, il semble que ce genre de dispositions sur les testaments et les successions concernent nécessairement les relations familiales et, par conséquent, les valeurs traditionnelles, les coutumes et les pratiques des Premières Nations. Si ces dispositions, qui, en passant, visent également les terres de réserve, font partie de la législation d'une Première Nation, par exemple du droit de la famille des Cris, l'abrogation des articles 42 à 47 aurait d'importantes répercussions.
La question est de savoir si les lois provinciales de portée générale s'appliqueraient aux Indiens qui vivent dans les réserves, et, le cas échéant, si elles seraient constitutionnellement valides, malgré la violation potentielle des droits ancestraux ou issus de traités du peuple cri. Je profite de l'occasion pour faire remarquer que le gouvernement actuel a également présenté d'autres mesures législatives à l'égard des foyers familiaux et des intérêts et droits matrimoniaux dans les réserves, et la même question se pose de nouveau. Il faut donc être très prudent quand on examine les répercussions qu'auraient ce type de mesures. À défaut de quoi, on risque d'ouvrir la voie aux litiges ou aux différends concernant leur validité constitutionnelle.
J'aimerais dire, dans l'intérêt des membres du comité, qu'il y a longtemps que l'on reconnaît au Canada les mérites du droit cri, particulièrement le droit de la famille. Il en a d'ailleurs été question dans le cadre de l'affaire Connolly et Woolrich de 1867, dont la décision a été publiée.
Pour en revenir à ce que je disais, j'aimerais également mentionner que les traités modernes négociés avec les Premières Nations comprennent des dispositions qui reconnaissent leur pouvoir d'adopter des lois par rapport à certains aspects du droit de la famille. Par exemple, le traité des Maa-nulth de 2007 prévoit le pouvoir d'édicter des lois concernant l'adoption, la garde d'enfants, les services de garde, le développement social et la célébration des mariages des citoyens Maa-nulth.
L'article 6 propose de modifier l'article 36 actuellement en vigueur qui porte sur les réserves spéciales et les terres de réserve. C'est un sujet très délicat, tant sur le plan politique que celui de l'interprétation législative. Il n'est pas très facile de cerner l'objectif de cet article. Encore une fois, il serait utile, comme je l'ai déjà dit, que certaines dispositions permettent de mieux décrire l'objectif visé.
Selon ce que j'ai compris du texte de la modification proposée, elle aurait pour effet de maintenir uniquement le statut des terres de réserve qui font maintenant partie de la catégorie des réserves spéciales. On peut en déduire qu'à l'avenir, le titre de propriété de toutes les terres de réserve qui seraient créées appartiendrait au gouvernement fédéral ou provincial.
Je crois qu'il faut examiner très attentivement les conséquences que cela aurait, car il est difficile de déterminer quelle loi s'applique aux terres de réserve des Indiens. Je cite notamment une proposition envisagée depuis quelques années mais qui n'a pas encore, je crois, fait l'objet d'un projet de loi. On lui a donné divers noms, y compris la loi sur le droit de propriété des Premières Nations. Dans le cadre de mon travail, j'ai conclu, du moins pour le moment d'après ce que j'ai compris d'un livre qui n'a pas été rédigé par des avocats, que l'objectif de créer des terres de réserve détenues en fief simple est irréalisable sur le plan constitutionnel. En fait, c'est peut-être une des raisons pour lesquelles aucun projet de loi n'a encore été présenté.
Excusez-moi.
Je regrette de devoir vous interrompre, mais nous avons largement dépassé le temps alloué. Si vous le voulez bien, nous vous donnerons quelques minutes pour conclure.
Merci.
Je vais essayer de voir quels sont les points qui pourraient être les plus importants.
Il faut retravailler un peu la proposition concernant les boissons alcoolisées, car le maintien du pouvoir accordé à un chef ou à un conseil d'édicter des lois à cet égard est ambigu. Il faudrait se pencher là-dessus.
Il faut également examiner de très près la proposition selon laquelle les règlements établis par une bande entrent en vigueur au moment de leur publication. Le ministre préserve son pouvoir d'administrer les affaires d'une réserve, tandis que le cabinet continue, tout comme le ministre, d'avoir le pouvoir d'édicter des règlements. Comment allez-vous concilier les deux? Si des règlements entrent en vigueur au moment de leur publication et que le ministre désire ensuite exercer le pouvoir discrétionnaire qui est le sien de les désapprouver, que se passera-t-il? Je proposerais que toute une série de nouveaux règlements soit créée avant l'entrée en vigueur de cette mesure législative. À mon avis, il faudrait vraiment faire le tour de la question, à moins que ce ne soit déjà fait. Cela dit, rien de la part du gouvernement ne m'indique comment ces deux pouvoirs irréconciliables en apparence pourraient être accordés en même temps.
Monsieur le président, ceci conclut mon humble présentation.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup. Nous reconnaissons la valeur de votre point de vue.
La parole est maintenant à vous, madame Crowder, pour les sept premières minutes.
Merci, monsieur le président.
Je veux remercier le chef Bellegarde et M. Chartrand d'être venus nous donner de très bons exposés.
On nous dit régulièrement que les modifications à la Loi sur les Indiens impliquent un devoir de consultation et d'accommodement. En fait, la plupart des témoins — à quelques exceptions près — ont dit qu'il n'y avait autrement pas de modifications possibles.
Jeudi dernier, un témoin nous a dit — c'était Wab Kinew — qu'il fallait selon lui consulter les Premières Nations et collaborer avec elles pour établir un processus en vue de décrire les délais, les ressources et les mandats, et que ces mandats devaient être mis sur pied conjointement avec les Premières Nations avant de pouvoir apporter des modifications.
Monsieur Bellegarde, pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez? Monsieur Chartrand pourrait peut-être ensuite nous donner lui aussi son avis.
Non. Je suis tout à fait d'accord. Il faut entièrement appuyer l'obligation de consultation et d'accommodement, le processus, chaque fois que vous voulez modifier un texte législatif ou une loi concernant les Autochtones. Tout ce qui aura force de loi doit faire l'objet d'une action concertée. Les mandats doivent être élaborés conjointement dès le départ, et les ressources doivent être suffisantes. Nous devons nous assurer que tous les Autochtones, à l'intérieur et à l'extérieur des réserves, peuvent participer au dialogue et partager leur point de vue. Ces mesures auront des répercussions sur eux jusqu'à la fin de leur vie et de celle de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Je donne mon plein appui à tout processus respectueux qui vise véritablement à garantir le respect des principes de consultation et d'accommodement.
Il y a également la question du seuil. Qu'entend-on par une consultation adéquate, qui permet de dire, oui, la Couronne remplit son obligation? Il s'agit là d'un élément essentiel. Je rappelle que nous voulons tous nous défaire de la Loi sur les Indiens, mais c'est un processus qui doit être véritablement établi de concert. Pour apporter les changements voulus, nous devons tous tenir le volant, si je peux m'exprimer ainsi. Je soutiens toute démarche qui vise à faciliter un tel processus.
Avant de passer à M. Chartrand, j'aimerais faire remarquer que lui et les autres ont tous signalé que la Loi sur les Indiens a été unilatéralement imposée, et il ne semble pas très logique de la modifier de la même façon...
Chef Perry Bellegarde: Tout à fait.
Mme Jean Crowder: ... parce que cela aurait des conséquences imprévues.
Monsieur Chartrand.
Merci.
C'est un sujet extrêmement intéressant, et je suis pour et contre à la fois. En tant que professionnel, je crois que si la question était déférée à la justice, les tribunaux concluraient qu'il n'y avait pas d'obligation de consultation relativement au projet de loi. J'insiste sur la structure de gouvernement qui est la nôtre. Comme vous le savez, nous avons trois organes de gouvernement, et il y a de bonnes raisons pour qu'ils restent séparés. Il existe des tensions, particulièrement depuis l'adoption de la Charte, entre, d'une part, les représentants élus et, d'autre part, les personnes nommées à la magistrature, quant à savoir qui sera le dernier, en quelque sorte. Cette situation dure déjà depuis un certain temps.
Je tiens entre autres à souligner que, de toute évidence et compte tenu de la façon dont les tribunaux élaborent actuellement le concept, l'obligation prend naissance lorsque le gouvernement envisage une mesure. La question est de savoir s'il doit s'agir d'une mesure législative, et on ne sait pas si une telle mesure sera adoptée avant qu'elle ne le soit vraiment. C'est très difficile de se prononcer, et je ne suis pas du tout convaincu que les tribunaux savent vraiment à quoi s'en tenir. Seulement deux cours d'appel provinciales se penchent sur la question, et leurs opinions divergent. C'est une question ouverte en droit. Je vous ai donné mon opinion.
Cela dit, je crois toutefois qu'il y a de bonnes raisons pour mener le genre de consultations proposées par le chef Bellegarde. J'en conviens. Comme je l'ai mentionné dans mes propres commentaires, le gouvernement devrait sans aucun doute adopter une politique selon laquelle il ne modifiera jamais une loi sans avoir mené de consultations appropriées auprès des Premières Nations, parce qu'il est question de principes démocratiques. Les gouvernements sont entre autres fortement incités à procéder ainsi conformément à certains droits émergents des peuples autochtones, comme ceux énoncés dans les dispositions du préambule et les dispositions de fonds de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Merci.
J'ai encore du temps?
J'aimerais juste parler brièvement des testaments et des successions. Je soulève la question parce que, de ce côté-ci, nous pensons qu'il ne faudrait pas donner suite au projet de loi. Cela dit, il suffit de faire le calcul pour reconnaître qu'il sera adopté si les conservateurs l'appuient.
Pour en revenir aux testaments et aux successions, l'Association du Barreau canadien a effectué une analyse approfondie de l'article concerné du projet de loi. Sa première recommandation était de ne pas y donner suite parce qu'il aurait des conséquences imprévues, par exemple sur l'adoption selon les coutumes.
Selon ce qui est dit dans d'autres comités, les intervenants du système judiciaire provincial ne comprennent pas bien la complexité des codes fonciers des collectivités autochtones.
Auriez-vous des remarques à faire à ce sujet? Je vais d'abord m'adresser à M. Bellegarde. Avez-vous une opinion sur les testaments et les successions? Devrions-nous complètement éliminer l'article et peut-être étudier davantage la question pour avoir une idée des conséquences possibles?
Monsieur Bellegarde.
À propos de cette section, je répète qu'il y aura des problèmes chaque fois que vous déchargez des responsabilités de la Couronne fédérale sur la Couronne provinciale. En effet, les lois provinciales d'application générale qui seront appliquées dans les terres des Premières Nations causeront beaucoup de difficultés.
J'ai toujours parlé de l'occupation du terrain, et en vertu des lois des Premières Nations — comme pour toutes les mesures législatives actuellement élaborées par ce gouvernement, qu'il soit question de biens immobiliers matrimoniaux, de la Loi sur la transparence financière des Premières Nations ou de modifications à la Loi sur les Indiens —, quand nous avons des modèles de loi en place, ce seront selon moi ces lois qui occuperont le terrain.
À Little Black Bear, nous aurons donc notre propre loi sur les testaments et les successions des membres des Premières Nations, conformément au droit et à la compétence des Premières Nations. Nous aurons notre propre loi sur la propriété foncière, si c'est là notre volonté. Bref, nous devons établir nos propres mesures législatives; nous ne voulons pas que la province s'en mêle. Je pense que donner suite au projet de loi serait très prématuré et causerait beaucoup de problèmes, particulièrement en ce qui concerne les testaments et les successions. Nous devons exercer notre compétence à cet égard, et toute modification intégrale posera beaucoup de problèmes parce que les provinces, encore une fois, ne comprennent pas bien les compétences des Premières Nations, et nous devons donc constamment les revendiquer.
En ce qui concerne les terres, j'ai lu toutes les déclarations de ceux qui sont venus témoigner jusqu'à maintenant. En vertu du paragraphe 91(24), la Couronne fédérale est responsable des Indiens et des terres des Indiens, mais en tant que peuple autochtone, nous pensons que les terres de la Première Nation de Little Black Bear nous appartiennent. De notre point de vue, la Couronne fédérale ne les a pas mises de côté pour l'usage et au profit des Indiens. Parler de propriété individuelle de la terre pose donc un problème parce que nous ne pouvons pas en posséder. On ne peut pas posséder la Terre-Mère. Même notre vision du monde... Il faut tenir compte de ces choses, et toujours leur accorder l'importance qu'elles méritent.
Il s'agit là de brefs commentaires sur la question.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Chartrand, un certain nombre de vos commentaires ont été pour moi très éclairants. Cela me rappelle mes études de droit, quand j'écoutais un de mes professeurs traiter de sujets qu'il ou qu'elle connaissait bien mieux que moi.
Je veux aborder plusieurs sujets et je ne dispose que de sept minutes. Je tenterai de les passer en revue aussi rapidement que possible.
Nous avons, entre autres choses, parlé des articles relatifs aux testaments, que les gens qualifient de problématiques. Je crois comprendre que si ces articles sont éliminés, les questions afférentes à la légalité et à l'interprétation des testaments relèveraient des autorités provinciales ou des règles applicables aux provinces.
Je ne me suis jamais occupé de testaments ou de successions, mais je crois comprendre que le cadre juridique qui les entoure ne diffère pas beaucoup d'une province à l'autre au pays; j'ignore si vous le savez ou pas. Je ne vois donc pas en quoi cela constitue un gros changement, d'après ce que j'entends.
J'ai l'impression, j'espère, que cela appuie votre observation au sujet de l'uniformité relative de la loi sur les testaments.
Sachez toutefois que quand les provinces ont adopté la loi sur les testaments — une loi ancienne pour l'ensemble du Commonwealth —, elles ne l'ont pas appliquée en pensant à la situation particulière des peuples et communautés autochtones, et de leurs relations familiales. Voilà où le bât blesse.
Quelles sont exactement les conséquences? Je ne le sais pas vraiment. Voilà pourquoi je souscris à l'idée que l'abrogation proposée de ces dispositions requiert un examen très attentif et la mise en place d'un processus pour tenter de mieux s'y prendre à cet égard.
Je changerai de sujet.
On a proposé au comité d'éliminer le mot « organisations » du préambule du projet de loi —j'ignore si vous le savez ou non...
M. Paul Chartrand: Oui.
M. Kyle Seeback: ... pour indiquer qu'il faudrait, aux termes de la loi, collaborer avec les Premières Nations au lieu des organisations des Premières Nations.
J'ai remarqué que vous avez indiqué dans votre témoignage aujourd'hui qu'il ne peut y avoir d'amendement sans consultations auprès des représentants des Premières Nations, ce qui, pour moi, est assez similaire aux « organisations ».
Vous faites signe que « non ». Qu'en pensez-vous alors?
Merci.
Non, ce n'est pas la même chose. J'ai dit « représentants » pour tenter d'employer un mot neutre.
Qui sont les représentants légitimes des Premières Nations signataires d'un traité? C'est à ces dernières d'en décider. Je ne veux pas mentionner une organisation en particulier. Je laisse aux Premières Nations le soin de décider comment elles souhaitent procéder.
Oui. Il faudrait simplement indiquer « Premières Nations ». On traite avec les Premières Nations et leurs représentants, peu importe de qui il s'agit.
La seule manière de traiter avec une Première Nation consiste à convoquer une assemblée de toutes les communautés, ce qui n'est probablement pas ce que vous comptez faire. C'est irréalisable. Il faudra passer par les représentants. Les gens transigent par l'intermédiaire de leurs représentants, quels qu'ils soient, et non par celui d'« organisations ».
Je suis certainement d'accord avec cette proposition.
Voilà qui me mène à un autre sujet de questionnement que j'ai abordé à quelques reprises, que ce soit avec le comité ou, par la suite, avec certains témoins.
Quand il est question de consultation, j'ai posé un certain nombre de questions. Connaissant l'étendue de vos connaissances en la matière, je veux connaître votre avis à ce sujet.
J'ai demandé si les consultations peut-être menées auprès de l'APN comptaient. On m'a répondu que non, ces démarches ne sont pas considérées comme des consultations.
J'ai alors demandé ce qu'il en était si on s'adresse à l'APN et aux chefs régionaux. Certains ont dit non, que ce n'était pas des consultations non plus.
Quand j'ai demandé si les démarches entreprises auprès de l'APN, des chefs régionaux et de tous les chefs des Premières Nations étaient des consultations, je me suis fait répondre que ce n'était pas des consultations non plus, qu'il fallait consulter toutes les communautés des Premières Nations.
À ce que je sache, il y en a environ 631.
Selon vous, en quoi consiste une consultation adéquate en ce qui concerne le devoir de consulter dont il est énormément question devant le comité?
Ma réponse comprendra deux parties.
D'abord, de façon générale, qu'est-ce qu'une consultation, une bonne consultation? Je renverrais les membres du comité à la description que le défunt juge en chef Brian Dickson en a faite dans son rapport officiel au premier ministre Mulroney, où il a formulé ses recommandations sur le mandat et la composition de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Dans ce rapport, vous trouverez l'avis du défunt juge en chef sur ce qui constitue une consultation raisonnable. Il est notamment indiqué — et c'est ce qui est au coeur de la question — qu'on ira parler aux gens et leur demander leur opinion, après quoi on réfléchira sur ce qu'on a entendu. On formulera ensuite des suggestions en tentant d'intégrer ces opinions. Puis on retournera voir les gens pour leur dire: « Voici ce que nous avons entendu dire, et c'est ce que nous avons fait pour tenter d'inclure vos opinions. Est-ce que cela vous convient? »
Voilà l'essence des remarques du défunt juge en chef.
En ce qui concerne l'autre point, qui est évidemment très difficile, je vous rappellerais simplement la fonction des représentants de l'État — et je fais ici référence à l'« État » dans le sens national, comme l'État du Canada ou des États-Unis —, dans des situations difficiles, par exemple, quand ils doivent composer avec des parties différentes ou des périodes révolutionnaires. Ils font de leur mieux et tentent de concilier substantiellement les divers points de vue et perspectives.
Je ne crois pas qu'on puisse aller bien plus loin, sinon, on s'empêtre à tout propos dans les menus détails.
Au début de mon exposé, j'ai indiqué que j'essaierais de formuler quelques suggestions fondées sur des principes généraux, et c'est ce que je tente de faire ici.
Merci beaucoup.
Je crois que la majorité des témoins nous ont indiqué qu'on ne s'était pas acquitté du devoir de consulter au sujet de ce projet de loi.
Je vous remercie, monsieur Chartrand, de nous avoir rappelé la description que le juge Dickson a faite de ce qui constitue une consultation. Je crois qu'on entend encore dire que ce qui a fait la force de la Commission royale sur les peuples autochtones, c'est qu'elle est allée parler aux communautés et a pu entendre directement ce que les gens avaient à dire.
Mes collègues ont demandé ce qui constitue une consultation adéquate. Je commencerai peut-être par poser au chef régional la question suivante.
Chef régional Bellegarde, vous a-t-on consulté à ce sujet? Vous êtes le chef régional pour le député qui a présenté le projet de loi d'initiative parlementaire. Avez-vous été consulté à propos de ce projet de loi?
Non. Je n'ai pas été consulté à propos du projet de loi.
Je ferai simplement remarquer de façon générale que je considère ce projet de loi très prématuré, compte tenu de l'engagement que le premier ministre a pris en décembre dernier, à l'occasion de la rencontre entre la Couronne et les Premières Nations, ainsi que le 11 janvier.
Il évoque un processus de mise en oeuvre des traités, lequel permettrait, pour chaque nation et chaque traité, d'examiner de nouveaux mécanismes pour mettre en oeuvre les traités et de nouvelles méthodes grâce auxquelles l'État pourrait voir à l'application de l'article 35.
Nous commençons donc à étudier un processus à cette fin, et voilà qu'est déposé le projet de loi C-428. S'il est adopté, qu'en est-il des liens et de l'union des parties? Vous savez, quand le premier ministre fait des affirmations en public, et qu'ensuite, un projet de loi d'initiative parlementaire est adopté... Voilà pourquoi je vous conseille de reléguer ce projet de loi aux oubliettes.
À la lumière de cet autre processus, nous espérons qu'il y aura une consultation et des arrangements valables, avec l'inclusion et la participation pleines et entières des Autochtones. C'est ce que nous voulons réclamer.
C'est ce que bien de gens nous ont affirmé. Ce n'est pas comme si le gouvernement accorde trop d'intérêt à la réduction des préjudices; mais si nous voulons atténuer les effets de ce projet de loi, et que le gouvernement ou le député refuse... Je crois que si le député décidait de retirer le projet de loi, toutes les parties y consentiraient. Nous avons entendu dire que le moins qu'on puisse faire, ce serait d'éliminer les dispositions sur les testaments et les successions, et de dissiper la confusion relative aux réserves « sobres » et aux réserves spéciales.
Chef régional, est-ce ce que vous proposeriez s'ils insistent pour aller de l'avant, ou est-il possible de faire quelque chose pour corriger la situation? Considérez-vous qu'il ne vaut même pas la peine de s'occuper des amendements?
Honorable député, je serais d'avis qu'il faut abandonner tout le projet de loi, établir le processus que le premier ministre s'est engagé à instaurer et travailler à partir de là. Ce serait plus sensé. La démarche serait mieux acceptée et permettrait de faire progresser le processus collectivement. Si le projet de loi est adopté, la bisbille éclatera constamment, ce qui n'est pas convenable et respectueux.
Le premier ministre a pris des engagements. Nous espérons que toutes les parties s'entendront pour réclamer l'abandon du projet de loi, travailler avec le premier ministre et le Cabinet, et voir ce qu'il en est. Ils ont pris ces engagements, et nous commençons à réaliser des progrès en vue d'ébaucher un processus pour permettre la mise en oeuvre des traités, nation par nation, et examiner les revendications globales. Il faut revenir aux huit points énoncés le 11 janvier. C'est à cela que nous voulons revenir, pas à un projet de loi d'initiative parlementaire unilatéral.
Je ne veux même pas toucher au projet de loi; reléguons-le aux oubliettes. Nous avons établi un excellent dialogue. Il faut toutefois instaurer un processus plus valable pour assurer la pleine inclusion des parties en vue d'éliminer la Loi sur les Indiens. Cette dernière existe depuis plus de 100 ans, et la situation ne changera pas unilatéralement du jour au lendemain. Il faut passer par un processus respectueux, et je crois que c'est la voie vers laquelle nous devons continuer de tendre.
Vous considérez donc que le projet de loi porte atteinte à l'engagement que le premier ministre a pris lors de la rencontre entre la Couronne et les Premières Nations et dans les points énoncés le 11 janvier.
Totalement. Je ne vois pas de lien du tout; c'est pourquoi je remets cette mesure en question et considère qu'il faut abandonner le projet de loi C-428 et repartir à neuf avec le processus qui a été annoncé. C'est la voie qu'il convient d'emprunter afin d'étudier de nouveaux mécanismes avec le plein soutien du cabinet du premier ministre, examiner de nouvelles institutions de la Couronne avec l'aide du Bureau du Conseil privé pour mettre en oeuvre l'article 35 dans les traités, et respecter la relation de nation à nation. C'est dans cette direction que nous devons continuer d'aller.
Si, en toute bonne foi, nous entreprenions des travaux pour remplacer la Loi sur les Indiens, vous dites que vous commenceriez par l'engagement relatif à la mise en oeuvre des traités. Je crois que le chef régional de la Colombie-Britannique nous a ensuite conseillé d'adopter une approche ascendante pour renforcer la capacité communauté par communauté afin de leur permettre d'instituer leurs propres lois.
Parlez-moi alors un peu de la manière dont on procéderait, et du temps et des ressources qui seraient nécessaires. En quoi consisterait un véritable engagement à agir dans ce dossier?
Il conviendrait d'adopter une stratégie à long terme pour 5, 10 ou 15 ans. Il faut qu'une stratégie soit en place.
Par exemple, je suis visé par le Traité 4. Où est le processus du Traité 4 pour se libérer collectivement de la Loi sur les Indiens? Où sont les processus du Traité 6? Où sont les traités antérieurs à la Confédération et le traité Robinson-Huron? Il existe une foison de traités au Canada. Le problème vient du fait qu'ils ne sont pas mis en oeuvre et n'ont pas d'effet juridique; il faut donc instaurer un processus. Je prévois qu'il faudra peut-être 20 à 30 processus avec le temps, mais ils nous permettront de nous débarrasser de la Loi sur les Indiens.
Il ne fait aucun doute que je ne veux pas vivre sous le régime de la Loi sur les Indiens, mais l'instrument, le processus et le mécanisme pour m'en libérer prendraient la forme d'une loi portant mise en oeuvre des traités. C'est ce qu'il faut faire pour le Traité 4. Little Black Bear adhère à ce traité; je ne peux faire cavalier seul. Je ne représente qu'une Première Nation parmi 633, c'est certain, mais nous sommes visés par le Traité 4 et ferons toujours partie de la nation crie. Il faut donc prévoir un processus pour le Traité 4.
Alexander Morris représentait la Reine quand Little Black Bear a noué des relations avec lui au nom de la Couronne, mais malheureusement, rien ne conférait un effet juridique au traité. La Loi sur les Indiens, cette mesure législative du gouvernement fédéral, est ici même, pas là-bas dans la nation. Il faut donc instaurer un processus pour chaque traité afin qu'ils aient un effet juridique. C'est ce à quoi le premier ministre s'est engagé, selon moi, et je considère qu'il faut exiger que lui et le Cabinet honore cet engagement. Je crois que votre comité et toutes les parties peuvent s'entendre pour repartir à zéro et revenir à cet engagement. C'est ce que je vous encouragerais à faire.
Merci, monsieur le président. Je remercie également le chef Bellegarde et M. Chartrand de comparaître aujourd'hui.
Ma question porte sur les articles 82 et 85 traitant des règlements administratifs. M. Clarke a indiqué qu'il proposait d'apporter une modification à la Loi sur les Indiens parce que les gouvernements des Premières Nations sont traités différemment des autres gouvernements en ce qui concerne leurs affaires internes. À l'heure actuelle, l'article 82 de la Loi sur les Indiens exige que les règlements administratifs soient soumis à l'approbation du ministre, qui a le pouvoir de les rejeter.
Je crois que les bandes devraient être tenues de soumettre leurs règlements administratifs au ministre et que ce dernier devrait être autorisé à les rejeter s'il le souhaite.
Monsieur Chartrand.
C'étaient les objectifs considérés appropriés en 1876, quand les députés du Parlement du Canada croyaient à l'extinction des Autochtones, des Indiens. Ils s'employaient à établir un régime en vue de l'extinction des Indiens et de la poursuite de l'assimilation.
Toutes ces dispositions ont perdu leur sens aujourd'hui. Il faut remplacer la loi au complet. Il est selon moi essentiel que le gouvernement se restructure afin de pouvoir agir convenablement dans ce dossier.
Il peut notamment le faire en modifiant la structure actuelle du ministère, en créant une nouvelle institution relevant d'un ministre de premier ordre — qu'il pourrait appeler « bureau des relations relatives aux traités de la Couronne », par exemple — et en agissant comme vous le faites avec les traités modernes, c'est-à-dire mettre en oeuvre les traités historiques dans le cadre de négociations avec les représentants concernés. Voilà le processus, l'institution qui doit remplacer le mécanisme existant.
Aux termes du régime actuel, nous réalisons assurément des progrès considérables dans ces négociations.
Je parle précisément des négociations relatives aux traités.
Permettez-moi de continuer. J'aborderais maintenant l'article 85, en ce qui concerne notamment les règlements administratifs sur les boissons alcoolisées.
Mon collègue, M. Clarke, a indiqué que cet article visait à accorder des pouvoirs aux Premières Nations, comme nous en avons discuté, et à éliminer le rôle du ministre dans l'équation. L'article sur les boissons alcoolisées est une sorte de conséquence imprévue, d'après ce que je comprends. Selon des renseignements privilégiés que j'ai reçus, il pourrait y avoir un amendement de forme...
... permettant aux bandes de conserver ce pouvoir.
À l'heure actuelle, j'imagine que vous appuieriez sans réserve cet amendement.
Merci.
En ce qui concerne les amendes perçues par la Couronne pour des infractions relatives aux règlements administratifs des bandes, nous avons entendu dire qu'elles devraient être remises directement à la bande et non à Sa Majesté au profit de la bande.
Que pensez-vous de la possibilité d'apporter un amendement pour remplacer « Sa Majesté » par « la bande » afin de permettre le versement des amendes directement à la bande?
Il serait, à mon avis, malavisé de tenter de le faire dans un projet de loi visant des dispositions en particulier. Il faudrait plutôt examiner toute la structure et la relation entre, d'une part, l'autorité administrative du ministre et, d'autre part, l'autorité de la bande en ce qui concerne le gestion des finances et la perception des revenus. Il faut au moins examiner la question en tenant compte de l'ensemble de la relation et non isolément.
N'est-ce pas une bonne idée que d'apporter ce changement et de verser les revenus directement à la bande?
En un certain sens, oui, mais il est dangereux de... Je n'ai pas examiné cette question en détails. Je fais simplement remarquer qu'il faut examiner très soigneusement les avantages qu'il y a à essayer d'apporter des modifications concernant les relations financières entre les bandes d'aujourd'hui et le ministre sans avoir une vue d'ensemble des répercussions sur d'autres parties de la loi et l'application d'autres lois connexes, par exemple. Il existe toutes sortes de lois.
Je considère qu'il s'agit plutôt d'une question de respect. Nous n'avons pas besoin de percevoir l'argent au nom de... Voilà pourquoi je dis...
Vous avez employé le mot « archaïque » dans votre exposé, et d'autres témoins ont utilisé celui de « paternaliste ». Considérez-vous que dans l'ensemble, les mesures de M. Clarke contribueraient à rendre la relation entre le gouvernement et les Premières Nations moins paternaliste?
Les gens utilisent le mot « paternaliste » en lui conférant un sens différent. Je ne suis pas spécialiste des sciences sociales. Je sais que le mot « paternalisme » est abondamment employé en histoire, en éducation et en sociologie. Je ne suis pas tout à fait sûr de ce qu'il signifie. À titre de père et de grand-père, je considère le paternalisme merveilleux.
Mais certaines personnes l'utilisent dans d'autres sens, et il est certain que l'idée de s'occuper...
Oui, mais il m'a semblé être très clair et éloquent dans mon exposé quand j'ai indiqué que nul ne sait mieux ce qui lui convient que la personne concernée. Ce principe s'applique aux Premières Nations. Je ferais respectueusement remarquer que ce sont elles qui savent le mieux ce qui sert le mieux leurs intérêts, pas les gens à Ottawa.
En effet.
Puis-je demander enfin si vous avez personnellement communiqué avec le bureau de M. Clarke pour offrir de lui donner votre avis sur le projet de loi?
Pouvez-vous nous donner quelques exemples précis de ce que vous lui avez proposé d'inclure au projet de loi?
Oui. Je lui ai proposé certains des amendements dont j'ai parlé aujourd'hui, mais pas tous. Je peux dire — et je remercie M. David de son aide précieuse au chapitre des communications — que nous avons eu d'excellents échanges au téléphone, et il a dit que dans certains cas particuliers, il avait reçu des commentaires fort semblables aux miens, et que M. Clarke, d'après ce que j'ai compris, était disposé à examiner ces amendements à l'étape de l'étude en comité.
Merci beaucoup.
Nous tenons à remercier le chef Bellegarde de s'être joint à nous aujourd'hui. Nous remercions également M. Chartrand d'avoir témoigné aujourd'hui.
Merci beaucoup d'avoir comparu.
Chers collègues, nous allons maintenant lever la séance. Ceux d'entre vous qui font partie du sous-comité savent que nous resterons ici pour la prochaine heure pour une réunion du sous-comité.
La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication