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Le témoin s'exprime en gwich'in.]
Bonjour. Je constate qu'il n'y a pas de service d'interprétation. Je vais donc agir comme mon propre interprète.
Des voix: Oh, oh!
Mme Sarah Jerome: Bienvenue aux Territoires du Nord-Ouest. Merci de m'avoir invitée à témoigner.
Je m'excuse, mais je ne me sens pas très bien ce matin. J'ai un nerf coincé, mais je suis tout de même venue en pensant que je me sentirais mieux aujourd'hui, mais j'ai l'impression que c'est pire ce matin.
Je suis accompagnée ici ce matin par ma conseillère juridique, Shannon Gullberg. Elle occupait le poste de commissaire aux langues avant ma nomination en mai 2009 et elle a travaillé partout dans le territoire avec les 11 langues officielles. Shannon a déjà vécu ici à Yellowknife et elle a été en contact direct avec les communautés francophones d'ici et de partout aux Territoires du Nord-Ouest. Je préférerais donc que ce soit Shannon qui fasse l'exposé après mes quelques commentaires. Je voulais simplement vous en faire part.
C'est tout un défi de travailler avec neuf langues officielles ici aux Territoires du Nord-Ouest. J'ai travaillé toute ma vie ici — j'y suis née et j'y ai grandi. Toutefois, étant donné que j'ai passé 12 ans dans les pensionnats indiens, j'ai un peu perdu ma langue au fil des années, comme c'est le cas de bon nombre de nos membres qui y ont passé autant de temps.
Nous avons essayé au cours des années de revitaliser notre langue et de la réapprendre. Certains de nos membres n'y sont jamais parvenus. J'ai été extrêmement chanceuse, parce que mes parents nous ramenaient au camp chaque été durant deux mois. Nous étions en situation d'immersion; nous n'avions pas d'autre choix. Ma mère ne parlait que gwich'in. Elle ne parlait pas anglais. Je l'en remercie; grâce à cela, je parle encore ma langue. Cependant, je ne peux pas en dire autant de la majorité des gens de la région.
Plus les années passaient, plus notre langue disparaissait. Aujourd'hui, nous faisons tout en notre pouvoir pour lui donner un second souffle. Nous l'enseignons dans les écoles, mais pour vraiment y arriver, il faut le faire en milieu naturel, en situation d'immersion et possiblement en dehors du cadre institutionnel. À l'heure actuelle, nous l'enseignons dans les écoles.
J'aimerais maintenant demander à Shannon d'enchaîner avec l'exposé.
Merci.
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Nous n'avons pas d'exposé proprement dit, mais si le comité le veut bien, j'aimerais peut-être simplement faire quelques commentaires ou me faire l'écho de ce que Sarah a déjà dit.
Évidemment avec 11 langues officielles... et si vous n'étiez jamais venus dans le Grand Nord auparavant, seulement en venant à Yellowknife, vous avez pu constater les énormes distances géographiques. Vous en avez encore long à faire vers le nord avant d'arriver vraiment au bout des Territoires du Nord-Ouest. Les distances sont immenses, et c'est un énorme problème. Je ne crois pas que c'est insurmontable, mais c'est certainement un problème important.
Nous avons donc 11 langues officielles, de grands problèmes de distances géographiques et, comme Sarah l'a mentionné, nous avons aussi une histoire, pour ainsi dire, qui inclut les séquelles laissées par les pensionnats indiens. Non seulement il n'y avait aucune promotion des langues officielles, mais on critiquait aussi, c'est le moins qu'on puisse dire, les gens qui parlaient des langues autochtones. Lorsque nous additionnons tous ces facteurs, nous nous rendons compte que ce ne sont pas des assises idéales.
Du côté positif, il y a de nombreuses choses encourageantes en cours en ce moment. Comme Sarah l'a mentionné, nous enseignons beaucoup les langues dans le milieu scolaire. L'ancien ministre de l'Éducation, de la Culture et de la Formation a adopté une directive qui obligeait l'enseignement d'une langue seconde dans toutes les écoles. Résultat: chaque enfant des Territoires du Nord-Ouest apprend à l'école le français ou une langue autochtone en plus de l'anglais. On ne peut y échapper. Dans certaines écoles, comme dans celle que mes enfants fréquentent, les enfants y apprennent l'anglais, le français et une langue autochtone, le dogrib. Donc, lorsque nous additionnons tous ces éléments, cela laisse présager que nous obtiendrons en fait de bons résultats.
Depuis 10 ans, j'ai l'impression que le gouvernement est beaucoup plus conscient des problèmes entourant les langues. Je crois que la Fédération franco-ténoise y a joué un rôle important en soulevant certains problèmes et en demandant que des mesures soient prises pour les régler.
À mon avis, l'objectif n'est pas vraiment que tout le monde s'entende sur les solutions pour remédier aux problèmes. L'objectif est de mettre l'accent sur les langues, et les gens doivent user de leur imagination pour faire progresser la cause. Selon moi, cela nous indique que nous progressons dans la bonne direction.
Bien entendu, je crois que l'argent est toujours le facteur déterminant. C'est l'un des grands problèmes lorsqu'il est question du gouvernement et de trouver des solutions. Je crois que c'est probablement l'un des obstacles les plus importants en ce moment.
Nous sommes heureuses d'être ici aujourd'hui. Bienvenue aux Territoires du Nord-Ouest et à Yellowknife. J'espère que vous apprécierez ce que nous appelons l'hospitalité nordique.
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Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Au nom de mes collègues et en mon nom, c'est un réel plaisir de représenter le Parlement canadien et de faire sentir la présence du fédéral ici. Vous avez une belle et merveilleuse collectivité dynamique.
Je vous poserai quelques questions sur les langues officielles et vos fonctions de commissaire. À Ottawa, ce poste est occupé par M. Graham Fraser, qui est nommé par le gouvernement fédéral, et il soumet bien entendu des rapports d'étape au Parlement. Cependant, il reste aussi assez vigilant — et je crois qu'il serait d'accord avec moi à ce sujet —; il est même presque critique des nombreuses mesures que le gouvernement a prises ou n'a pas prises pour atteindre, selon lui, les objectifs de la politique des langues officielles.
Je dois dire que nous avons eu le privilège de lire à l'avance les commentaires que le ministre Lafferty pourrait faire aujourd'hui, j'ai entendu vos commentaires et je comprends la situation, à savoir qu'avec autant de langues officielles, les efforts sont déployés dans tous les sens. Toutefois, serait-il juste de dire qu'il y a moins d'accent mis sur le français comme langue seconde ou comme langue maternelle, une langue officielle du Canada, en raison des nombreuses autres langues officielles de votre territoire?
Je dis cela, parce que les commentaires du ministre Lafferty louangent énormément les efforts faits en ce qui concerne les langues autochtones. Bien entendu, je crois que vous avez fait d'énormes progrès en ce sens. Cependant, est-ce possible que l'épanouissement du français se perde dans tout ça et que les efforts en ce sens, selon nous, soient moins importants qu'ils le devraient?
Je porte aussi votre attention sur l'argent qui a été transféré du programme fédéral des langues officielles aux Territoires du Nord-Ouest. J'imagine que la question complémentaire à cette question générale est de savoir si cet argent... C'est peut-être de l'ignorance de ma part, mais au sujet de l'argent accordé aux Territoires du Nord-Ouest par le programme fédéral Développement des communautés de langue officielle, par exemple, les 3,2 millions de dollars et le reste, ces fonds sont-ils investis seulement dans le français en tant que langue officielle, dans l'anglais et le français en tant que langues officielles, ou dans les langues officielles reconnues par votre commissariat et votre loi territoriale?
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Je parlerai en premier. Sarah m'a demandé de répondre à vos questions.
Pour ce qui est de la première question, je crois que c'est une question légitime: le français est-il négligé étant donné qu'il y a 10 autres langues officielles? Selon moi, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour améliorer la prestation des services en français — beaucoup de chemin.
Cependant, pour revenir au commentaire que j'ai fait plus tôt, je crois que d'énormes progrès ont été faits en ce qui concerne la prestation des services en français, et c'est en grande partie attribuable aux efforts déployés par la Fédération franco-ténoise. Par exemple, il y a le centre de langue française situé ici sur l'avenue Franklin. Je ne sais pas si vous aurez l'occasion de le visiter, mais le personnel peut fournir les renseignements de base sur les services gouvernementaux. Depuis cinq ou six ans, le gouvernement fait beaucoup plus attention pour s'assurer que les publications sont en anglais et en français. Donc, ces progrès ont eu lieu en grande partie grâce aux pressions, et oui, je crois qu'il y a eu une certaine résistance.
D'après mon expérience, j'ajouterai que l'éducation en immersion française à laquelle les jeunes peuvent participer ici est sans parallèle, si vous regardez ce qui se fait ailleurs au pays. Je peux vous le confirmer en me basant sur l'expérience de mes enfants.
Le gouvernement doit-il aller de l'avant et améliorer la situation? Tout à fait. Fait-il des progrès? Oui.
Selon moi, la frustration se situe en fait ailleurs: ceux dont la langue maternelle est une langue autochtone disent que les francophones reçoivent tout cela, mais qu'ils ne reçoivent pas leur part pour pouvoir organiser le même genre d'activités. Par exemple, où se trouve le centre en gwich'in, ou pour toute autre langue, où les gens pourraient avoir accès aux mêmes types de services centralisés?
Les collectivités, où se trouve ce genre de centres, ont dû exercer — encore une fois — beaucoup de pressions. Par exemple, à Behchoko, les gens ont consigné activement les histoires de leurs aînés, mais c'est une initiative communautaire; ce n'est pas le gouvernement qui les a vraiment incités à le faire.
En résumé, je crois que l'objectif est de progresser, mais je crois que le vrai problème est que la perception des gens est différente de la vôtre; elles sont presque opposées.
En ce qui concerne le budget, je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'examiner les budgets depuis deux ans. Je ne sais pas si Sarah se sent à l'aise de répondre sans l'avoir regardé auparavant. Le ministre Lafferty sera probablement mieux placé que nous pour vous répondre.
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Sarah m'a demandé de répondre à votre question. Je crois que je vais vous raconter mon expérience personnelle, parce que je crois que c'est plus intéressant. J'ai trois filles: deux ont terminé leurs études et la dernière est encore à l'école secondaire. Toutes les trois ont participé au programme d'immersion française, qui est exceptionnel.
Notre famille a toujours entendu parler positivement du programme. Pour vous donner une petite idée du calibre, nous avons vécu six mois en Alberta, parce que mon mari y travaillait. Là, nos enfants ont fréquenté six mois, un semestre, une école à un régime pédagogique en immersion française à St. Albert. La qualité du français parlé de nos enfants a impressionné les enseignants, mais ils n'aimaient pas cela, parce que nos enfants avaient appris dans une école à deux régimes pédagogiques. Je me plais à croire que mes enfants sont brillants, mais il y a plus; ils ont reçu une éducation de qualité.
Toutefois, l'un des problèmes que nous rencontrons dans les écoles secondaires des collectivités éloignées — et j'inclus Yellowknife — est le besoin d'enseignants de niveau secondaire qui sont capables de donner les cours nécessaires pour obtenir le diplôme et pour aller à l'université — je ne sais pas si cela se traduit bien en français. Ainsi, les jeunes se sentiront à l'aise de poursuivre leurs études secondaires en français et obtiendront leur diplôme bilingue.
C'est parfois difficile d'attirer ici des enseignants qui sont à l'aise de donner des cours au secondaire. Il se peut qu'un enseignant de biologie 20 qui donne son cours en français dise: « Je suis francophone et je peux enseigner un peu de français aux jeunes, mais ce n'est pas du tout mon domaine. Je ne suis donc pas vraiment à l'aise. » Les jeunes le perçoivent. Ils s'inquiètent de leur éducation. Ils décident donc délibérément de suivre ce cours en anglais, parce qu'ils se demandent ce qu'ils feront après le secondaire.
Selon ma propre expérience, si vous voulez que les jeunes continuent d'apprendre, vous devez investir des fonds — et cela s'applique aussi aux jeunes francophones qui prennent ces décisions éclairées et qui se demandent ce qu'ils feront après le secondaire. C'est particulièrement vrai au secondaire, parce que les jeunes pensent à leur avenir. Je suggère d'avoir recours à des mesures incitatives pour attirer les enseignants bien formés qui ont confiance en leurs moyens et qui se sentent à l'aise de donner ces cours nécessaires à l'obtention du diplôme. Selon moi, c'est le problème.
Outre cela, je crois que les écoles travaillent activement à essayer d'offrir un programme d'immersion française très complet. Selon mon expérience, je suis prête à mesurer non seulement mes enfants, mais également tous les autres qui y ont participé aux autres jeunes de partout au pays.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais saluer tout le monde, en particulier les députés que je n'ai pas eu la chance de rencontrer hier, MM. Lauzon et Galipeau. Je pense que j'ai eu la chance de rencontrer les autres membres hier.
Je commence, sans plus tarder. Une copie du mémoire, que je vais abréger en vous lisant des extraits ce matin, vous sera remise.
Selon le recensement de 2006, plus de 3 720 personnes ont aujourd'hui la capacité de parler le français à l'échelle du territoire, soit 9,1 p. 100 de la population; 2,6 p. 100 de la population ténoise avait le français pour première langue officielle sur un total d'environ 41 055 habitants; 8 Franco-Ténois sur 10 sont nés hors du territoire; un peu plus de 9 p. 100 des francophones des Territoires du Nord-Ouest sont nés hors du pays. Il est à noter que Yellowknife compte parmi ses citoyens plus de 110 nationalités venant de partout dans le monde.
En ce qui concerne le rôle joué par le fédéral dans l'affirmation et l'épanouissement de la francophonie boréale en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, nous sommes contraints de constater que la tâche n'est pas encore complétée. Nous allons illustrer un peu notre constat.
Nos infrastructures communautaires, vous l'avez peut-être constaté hier, sont les plus pauvres au Canada. Nous manquons toujours d'un espace où peuvent se regrouper toutes nos forces vives de développement communautaire. Elles sont éparpillées dans la capitale actuellement, par la force des choses.
Nous devons dire, à regret, que le fédéral a lamentablement laissé filer, en 2009, une occasion de régler une bonne partie de notre problème d'espace, dans le dossier manqué d'acquisition du bureau de poste.
Un espace déclaré en surplus et géré par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a été vendu à un tiers pour 100 000 $ de moins que ce que nous avions offert. Cinq ministères et organismes fédéraux avaient été interpellés dans le cadre de ce dossier, en rapport à la partie VII, avant que nous le perdions. Nous avons demandé réparation à ce sujet. Le dossier est encore entre les mains du commissaire aux langues officielles.
Le 15 février 2008, nous avons fait une petite enquête maison sur la partie VII et les institutions fédérales. Nous avons adressé une lettre à tous les gestionnaires fédéraux des T.N.-O., soit 22 lettres aux membres du Conseil fédéral. Notre intention était d'obtenir une rencontre personnalisée, de façon à échanger de l'information sur les programmes et services offerts par chacune des institutions. En outre, notre demande renvoyait explicitement à la partie VII de la loi, invitant les autorités responsables à établir ce qui serait dans bon nombre de cas un premier contact. Le but était de mieux connaître leurs politiques et leurs programmes. La réponse à été éloquente: 25 p. 100 d'entre eux ont pris rendez-vous et sont venus nous rencontrer; 25 p. 100 ont opté pour une rencontre réunissant un groupe nombreux afin d'établir un niveau de base de connaissance mutuelle et déposer des documents. Quant aux 50 p. 100 restants, nous n'avons eu aucune nouvelle.
Pour ce qui est de la mise en oeuvre de la Feuille de route pour la dualité linguistique 2008-2013, nous sommes très fiers de constater l'ouverture manifestée par Justice Canada envers nos jeunes; l'accueil offert par Patrimoine canadien au démarrage de notre Collège des T.N.-O., première institution postsecondaire francophone dans le Nord canadien; le maintien d'un appui constant de Santé Canada; l'accueil d'un nouveau projet en démarrage pour soutenir l'immigration francophone chez nous; la contribution de Patrimoine canadien au soutien minimum du fonctionnement de nos organismes communautaires; l'appui du Commissariat aux langues officielles et de Patrimoine canadien à un projet de recherche sur la revitalisation des trois territoires canadiens réalisé avec l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques de Moncton; l'ouverture manifeste du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à une collaboration plus étroite entre les organismes de concertation des trois territoires en matière de développement économique et communautaire.
Néanmoins, les normes qui gouvernent la gestion des politiques et des programmes fédéraux sont généralement appliquées à la lettre. Par exemple, certains projets ciblés sur la jeunesse exigent la participation d'au moins 400 jeunes. Si nos institutions fédérales ne trouvent pas une façon d'ajuster à notre réalité nordique cette règle sur le nombre de participants, ce fonds va nous échapper étant donné que notre réalité est différente. Quoique comparable, en pourcentage, à d'autres provinces canadiennes, notre population risque l'exclusion si certaines règles d'application des programmes ne sont pas adaptées.
La partie VII de la Loi sur les langues officielles est pourtant claire en ce qui concerne l'obligation de résultat. Le droit à un traitement juste et équitable est peut-être différent parce que justifié par des besoins différents. Le jugement émis dans la cause CALDECH nous a éclairés à ce propos. Notre demande est la suivante. Nous voudrions que l'offre en matière de communications et de services soit adaptée à la réalité du Nord. Les limites que nous vivons à maints égards accentuent les impacts des compressions budgétaires, des lenteurs administratives ou de l'ignorance de nos réalités ainsi que de nos enjeux critiques.
Il faut se rappeler de l'engagement fédéral de 1984, lorsque le gouvernement des T.N.-O. a adopté sa loi sur les langues officielles, qui était calquée sur la loi fédérale. Le gouvernement canadien s'était alors engagé à payer ce qu'il en coûterait pour offrir des services à la communauté francophone. La cour a démontré que le fédéral avait négocié à rabais depuis toutes ces années en appliquant une politique de délégation confiante, malgré le constat évident de l'absence d'un plan de mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles. La partie VII requiert des résultats et l'application de mesures positives pour changer cet état de choses.
Je vais maintenant parler des mécanismes de concertation fédérale-territoriale favorisant le dialogue sur le développement de la communauté francophone.
Le budget territorial démontre que le gouvernement territorial n'a pas la même capacité de soutenir financièrement notre communauté, comparativement aux gouvernements albertain et manitobain, par exemple. Ici, nous avons donc davantage besoin d'Ottawa. Dans les T.N.-O., nous vivons une situation particulière de désinformation du public. En effet, l'Assemblée législative et le gouvernement affirment qu'il y a 11 langues officielles à l'égard desquelles des services sont offerts, mais ce n'est vraiment pas le cas. Les communautés autochtones ne bénéficient pas, comme on le laisse entendre, de services associés à la langue. Par ailleurs, elles n'ont ni les mêmes revendications ni les mêmes droits constitutionnels. Nous respectons leurs démarches, mais nous constatons qu'elles accordent la priorité à d'autres objectifs.
Le gouvernement est d'accord pour que Patrimoine canadien, le président du Conseil du Trésor et Justice Canada incitent les institutions fédérales à collaborer avec les gouvernements provinciaux pour assurer la mise en oeuvre de la partie VII. Par contre, dans les ententes, les clauses linguistiques nous apparaissent plutôt faibles. Cet élément nous frappe, puisque nous en avons été victimes dans l'affaire de l'acquisition manquée du bureau du poste de Yellowknife. Il y a un manque de cohésion entre les ministères fédéraux et un manque de politique claire de la part du Conseil du Trésor.
Nous avons sollicité par écrit l'intervention des ministres de Patrimoine canadien, de Justice Canada, des Affaires indiennes et du Nord canadien, de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et du Conseil du Trésor. Ces correspondances remontent à mars 2009. Nous avons évoqué les obligations de la partie VII, les besoins extrêmes et urgents en infrastructures pour la communauté. Malgré cela, nous avons raté l'acquisition de l'édifice du bureau de poste après avoir offert, lors d'une deuxième étape de négociations, 1,2 million de dollars, ce qui était le prix demandé. Finalement, la bâtisse a été vendue pour la somme de 1,1 million de dollars. Or, elle répondait à l'essentiel de nos besoins communautaires et était située dans un endroit stratégique et avantageux pour la communauté. Nous avons formulé une plainte au commissaire aux langues officielles et nous attendons sa réponse depuis maintenant deux ans.
Nous voudrions, en conclusion, proposer d'associer le fédéral à un concept de fonctionnement différent et à la dimension nordique. À titre de membre du comité de consultation et de coopération formé par le gouvernement et la Fédération franco-ténoise pour établir, promouvoir, évaluer et adopter un plan de mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, en regard de son offre de communications et de services en français, nous mettons en avant un concept novateur, économique et prometteur d'efficacité.
Plutôt que de copier le modèle fédéral des postes bilingues et unilingues, qui n'a pas connu, on le sait, tous les succès attendus, nous favorisons la mise en place d'équipes de service. Nous proposons un pôle identificateur francophone pour la communauté dans lequel le fédéral pourrait donner le ton et regrouper certains services fédéraux dans un centre de service bilingue, avec la collaboration de la communauté. Des services territoriaux pourraient s'y associer, et même certains services municipaux. Ça s'inspire un peu du modèle manitobain, mais amélioré et adapté au Nord. La raison de ce concept est que le modèle fédéral de postes désignés bilingues n'a pas si bien fonctionné en ce qui a trait à son objectif de garantir des services de qualité égale, et il a certainement coûté cher. Ce modèle est encore moins rassurant dans le Nord, notamment en raison du taux élevé de roulement de nos ressources. On risque de former des employés bilingues et de les perdre tour à tour. On sera alors contraints de toujours recommencer et, entretemps, les services ne seront pas de qualité.
Si le gouvernement réunit un nombre adéquat de postes et crée une équipe bilingue, on aura plus de chances d'assurer un service de qualité en tout temps. Cela n'exclurait pas stratégiquement un certain nombre de postes bilingues dans les ministères et les agences. Notre communauté s'est dite intéressée à donner la priorité aux services et à agir avec intelligence et une certaine souplesse pour soutenir l'organisation progressive et ordonnée d'une offre de services. Le développement de ce concept, les principes qui le sous-tendent, les règles qui éclairent sa mise en place, les motifs légaux qui le soutiennent, sont examinés par le comité d'experts. Ce comité réunit des experts externes de très haut niveau et son fonctionnement se voit présentement interrompu, faute de financement.
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Mahsi, monsieur le président.
[Le témoin s'exprime en tlicho.]
Monsieur Ie président, permettez-moi avant tout de vous souhaiter la bienvenue aux Territoires du Nord-Ouest. Je crois comprendre qu'il s'agit de la première visite officielle de votre comité dans les Territoires. Je suis persuadé que ce ne sera pas la dernière non plus. J'espère avoir le plaisir de vous accueillir de nouveau.
Laissez-moi vous présenter mon équipe.
Je m'appelle Jackson Lafferty, ministre responsable des langues officielles, ministre de l'Éducation, de la Culture et de la Formation, ainsi que ministre de la Justice et membre de l'Assemblée législative pour la circonscription de Monfwi, une circonscription tlicho qui fait partie des quatre collectivités que je représente dans les Territoires du Nord-Ouest.
J'ai à mes côtés Dan Daniels, sous-ministre du ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Formation; M. Benoît Boutin, conseiller principal au ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Formation; Lorne Gushue, consultant pour les langues officielles au ministère de la Santé et des Services sociaux; Sonya Saunders, directrice, ministère de l'Industrie, du Tourisme et de l'Investissement, et Laura Gareau, directrice, ministère des Affaires municipales et communautaires. Tous au service du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
Faute de temps, je n'ai malheureusement pas pu m'adresser à vous hier au cours de votre visite à l'Assemblée législative. J'ai toutefois informé le premier ministre que vous étiez en ville et je lui ai expliqué le but de votre visite. Tout le monde était très enthousiaste, même notre Président. Il était prêt à vous rencontrer, mais comme je le disais, le temps nous a fait défaut.
Mais tout va bien maintenant. Je crois que vous avez eu la chance d'explorer l'Assemblée législative. C'est un des attraits qui donnent ce caractère unique aux Territoires du Nord-Ouest, et j'imagine que le reste du Canada est aussi en mesure de l'apprécier. Nous en sommes très fiers.
Vous avez eu l'occasion de voir comment fonctionne le régime de gouvernement par consensus. Nous avons l'un des deux gouvernements par consensus au Canada, un style qui se démarque du régime traditionnel fondé sur les partis politiques, que l'on trouve à la grandeur du pays. Le gouvernement par consensus est plus conforme à la façon dont les peuples autochtones prennent depuis toujours leurs décisions, où tout se passe en cercle. Tous les membres de l'Assemblée législative sont élus à titre de représentants indépendants de leurs circonscriptions respectives. Il importe donc de travailler dans un esprit de collaboration et de respect pour faire avancer les enjeux importants, même lorsque nos opinions diffèrent.
Monsieur le président, les langues représentent un aspect important de notre histoire, mais elles forment surtout notre identité personnelle: elles sont le reflet de qui nous sommes et un outil de compréhension et d'interaction mutuelles, et personne à cette table ne fait exception à cette règle.
Les Territoires du Nord-Ouest sont uniques au Canada, en ce sens que l'Assemblée législative et le gouvernement reconnaissent 11 langues officielles.
En 1984, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a adopté la Loi sur les langues officielles. Au départ, la création de la loi visait à protéger les droits linguistiques des francophones, mais elle a ensuite servi de fondement à l'inclusion, puis à l'expansion des droits linguistiques des Autochtones au sein du cadre législatif des Territoires.
L'entrée en vigueur de la loi, qui a donné une reconnaissance juridique à l'anglais, au français et aux langues autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest, a donné lieu à des efforts considérables pour consolider et mettre en oeuvre une politique sur les langues officielles dans les Territoires.
La loi a fourni un cadre législatif pour l'établissement de l’égalité de statut entre le français et l'anglais et pour l'avancement de l'égalité de statut des langues autochtones au sein du gouvernement. De plus, monsieur le président, la loi prévoit la nomination d'un commissaire aux langues officielles et le dépôt d'un rapport annuel. La commissaire aux langues officielles était ici d'ailleurs.
La loi contient également une disposition particulière visant l'examen obligatoire de son application et de sa mise en oeuvre, de l'efficacité de ses dispositions et de l'atteinte des objectifs énoncés dans son préambule. Cet examen peut inclure des recommandations visant à modifier la loi. Après 1984, devant la montée constante de l'anglais, on a tenté à quelques reprises de revitaliser les langues autochtones et d'offrir des services appréciables en langue française.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi, le Canada et les Territoires du Nord-Ouest ont conclu plusieurs accords de financement, appelés Accord de coopération Canada-Territoires du Nord-Ouest relatif au français et aux langues autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest. Toutefois, depuis 10 ans, les accords conclus n'ont pas véritablement permis d'obtenir du financement supplémentaire.
Il me faudrait des jours pour résumer toutes les activités liées aux langues officielles qui ont été entreprises depuis 1984. Toutefois, à l'intention de votre comité, j'aimerais parler de quelques-unes des principales initiatives concernant le français et les langues autochtones.
L'an dernier, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et la Fédération franco-ténoise ont formé un comité de consultation et de coopération, ayant pour mandat de favoriser les consultations relativement à l'ébauche, à la mise en oeuvre, à la gestion et à la promotion, par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, d'un plan stratégique de prestation des communications et des services en français prévus par la Loi sur les langues officielles.
Les travaux du comité comptent principalement deux phases, à savoir la phase initiale d'ébauche, suivie de la phase de mise en oeuvre, d'administration et de promotion. Jusqu'à présent, le comité s'est réuni à deux reprises. La prochaine réunion aura lieu en avril.
Le plan stratégique contiendra des dispositions relatives à l'offre active en français, aux méthodes d'évaluation des capacités écrites et orales des employés occupant des postes bilingues et à l'évaluation des compétences des interprètes francophones dans les services de santé. D'autres témoins en ont parlé avant moi.
L'an dernier s'est également révélé important pour la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, que nous avons été très fiers d'accueillir. La Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne est un intervenant clé dans les mesures intergouvernementales visant à renforcer le tissu social canadien grâce à l'avancement de la francophonie canadienne. L'engagement de la conférence se manifeste par la participation active des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans cette importante tribune.
En juin dernier, pour la première fois, les Territoires du Nord-Ouest ont été l'hôte de la rencontre annuelle des ministres, ce qui a permis aux ministres responsables de la francophonie canadienne de mieux comprendre la cohabitation du français et des langues autochtones au Canada, et de mieux connaître la réalité de la francophonie nordique dans les Territoires.
Depuis cette dernière rencontre, je suis président de la conférence et le demeurerai jusqu'à la prochaine rencontre, qui aura lieu en juin 2011 à Moncton-Dieppe, au Nouveau-Brunswick.
Le 23 novembre 2010, j'ai rencontré le ministre du Patrimoine canadien, l'honorable , avec qui j'ai discuté du sort des langues autochtones, qui ont grand besoin de soutien. Au fil des ans, notre partenariat avec le gouvernement du Canada, par le biais de l'Accord de coopération Canada-Territoires du Nord-Ouest relatif au français et aux langues autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest, a permis d'entreprendre de nombreuses activités. Toutefois, il est clair qu'il reste beaucoup de travail à faire, et j'ai fait valoir qu’il était important de travailler ensemble à revitaliser les langues autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest.
Pour que la revitalisation des langues autochtones soit une réussite, les peuples autochtones doivent impérativement en faire une priorité, et les gouvernements doivent pouvoir les soutenir. Pour ce faire, Kevin Menicoche, président du Comité permanent des opérations gouvernementales, et moi-même avons organisé un symposium de trois jours sur les langues autochtones, qui s'est tenu du 30 mars au 1er avril 2010. Plus de 200 Nordistes issus de chacune des communautés de langues autochtones officielles ont assisté au symposium et discuté des défis criants et des priorités liées à la revitalisation des langues autochtones.
L'information découlant du symposium a servi à créer une nouvelle stratégie, intitulée « Northwest Territories Aboriginal Languages Plan — A Shared Responsibility » (le plan). Le plan a été déposé au cours de la session d'octobre 2010 de l'Assemblée législative, et je l'ai transmis au ministre .
Le plan est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes venant de l'ensemble du territoire. À noter que notre ministère ne sera pas le seul responsable de la mise oeuvre du plan; toute la population des Territoires du Nord-Ouest devra aussi y mettre du sien. Le plan non seulement témoigne des priorités des habitants des Territoires du Nord-Ouest, mais il reconnaît également que les langues renforcent notre société et constituent le fondement de notre culture.
Le plan présente une stratégie visant à renforcer la compréhension des langues autochtones, à encourager leur utilisation et à trouver des moyens pratiques d'offrir les services gouvernementaux dans ces langues. Ce n'est pas toujours évident quand on a neuf langues autochtones, mais nous y arrivons.
Cette année aussi sera productive, monsieur le président. En effet, nous sommes en train de préparer une stratégie complète de mise en oeuvre de la stratégie relative aux langues autochtones; lorsque nous l'aurons terminée, nous amorcerons sa mise en oeuvre en collaboration avec la communauté francophone et son plan stratégique pour des services en français.
Les Territoires du Nord-Ouest sont un endroit où il fait bon vivre en raison de leur grande diversité démographique et géographique. Le Nord a subi des changements dans le passé et continuera d'évoluer. Toutefois, un fait demeure: notre sentiment d'identité se doit d'être fort. Ce sentiment d'identité repose sur notre culture et notre patrimoine, et cela comprend notre langue.
De nombreux facteurs sont liés au déclin linguistique, notamment les médias et les technologies, le vieillissement de la population, le décès des anciens et les répercussions des pensionnats indiens. Le a parlé des répercussions de ces pensionnats sur la langue et la culture lors des excuses nationales très importantes et émouvantes qu'il a livrées en juin 2008. Ces pensées ont été reprises par les commissaires de vérité et de réconciliation, M. Willie Littlechild et Mme Marie Wilson, lors du symposium sur les langues autochtones des Territoires du Nord-Ouest qui s'est tenu en avril dernier à Yellowknife.
Monsieur le président, lors de mes déplacements dans les communautés des Territoires, j'ai eu l'occasion et le plaisir de discuter des langues autochtones avec de nombreuses personnes. II est clair que cette question leur tient à coeur. Nos dirigeants et nos anciens ont déclaré que si nous perdons notre langue, nous perdons notre identité et notre importance en tant que peuple.
Pour terminer, monsieur le président, j'aimerais vous inviter tous à revenir dans les Territoires du Nord-Ouest. Bien que cette visite ait été de courte durée, elle aura porté fruit. Un deuxième passage serait pour vous une excellente occasion de visiter nos écoles francophones et de discuter des questions linguistiques avec nos communautés de langues autochtones.
Mahsi, monsieur le président.
:
Merci beaucoup, monsieur Lauzon.
[Traduction]
Le temps est venu de mettre fin à cette séance enrichissante.
Encore une fois, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir témoigné devant notre comité qui en est à sa première visite dans votre coin de pays et de nous avoir accueilli hier à l'Assemblée législative. Les propos de M. Boutin, votre adjoint, nous ont considérablement aidés à mieux saisir vos problèmes.
L'hon. Jackson Lafferty: Il est compétent.
Le président: Tout à fait, et il parle français.
M. Guy Lauzon: Il vit ici depuis 21 ans.
Le président: Effectivement, il vit ici depuis 21 ans.
En perdant notre langue, nous perdons notre identité individuelle et affaiblissons notre identité collective. Je vous remercie donc de promouvoir cette identité linguistique. Nous pouvons constater que cette question vous tient à coeur, particulièrement en ce qui concerne les langues autochtones.
Cela ne fait pas directement partie du mandat de notre comité, mais je vous dirai que, en veillant à la promotion de la dualité linguistique dans les Territoires du Nord-Ouest, vous faites de notre pays un meilleur endroit où vivre.
Avant que nous nous quittions, je voudrais vous demander une faveur: serait-il possible qu'on prenne une photo de nous avec vous lorsque la séance sera levée? Merci.
L'hon. Jackson Lafferty: Merci.
Le président: La séance est levée.