HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 1er décembre 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Nous reprenons aujourd'hui nos travaux conformément à l'article 108(2) du Règlement et notre étude sur la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
Je remercie nos deux témoins de prendre le temps de nous rencontrer aujourd'hui, malgré leur emploi du temps chargé.
Vous savez peut-être que notre comité étudie cette question depuis plus d'un an maintenant et qu'il a commencé cette étude au cours de la dernière législature. Nous sommes allés dans l'Est et avons eu la chance d'entendre les témoignages de gens en Ontario. Cela fait partie de notre tournée dans l'Ouest et il a été proposé que le comité se rende dans des collectivités nordiques. Je ne me rappelle plus qui l'a proposé, mais c'était une excellente idée. Nous avons eu droit à de très bons témoignages ce matin et nous avons entendu des choses inédites. Bien entendu, certaines choses sont un peu différentes. Vous allez nous en dire un peu plus sur certaines de ces choses cet après-midi.
Je vais commencer avec vous, madame O'Donnell. Kate, je crois que vous êtes de Maryhouse. Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu ce qu'est Maryhouse et ce que vous faites et ensuite nous faire des suggestions que le comité pourrait reprendre dans son rapport en vue de faire des recommandations au gouvernement.
Bienvenue madame O'Donnell. Vous disposez de sept minutes. Si vous avez besoin de plus de temps, il n'y a pas de problème. S'il vous en faut moins, il n'y a pas de problème non plus. Nous vous poserons ensuite des questions à toutes les deux après vos témoignages.
Encore une fois, je vous remercie de votre présence. Vous avez la parole pour sept minutes.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de venir vous parler aujourd'hui.
Afin de comprendre de quelle façon Maryhouse aide les personnes considérées comme pauvres, je voudrais vous donner un bref aperçu de nos débuts.
En 1954, l'évêque Jean-Louis Coudert a invité le Madonna House Apostolate de Combermere en Ontario à ouvrir sa première mission. L'évêque nous a demandé d'être une présence dans la ville et de tenter de répondre aux besoins des gens. C'était un mandat plutôt vaste.
Il a fallu tout d'abord fournir un refuge sécuritaire à des personnes qui venaient à Whitehorse pour des raisons médicales. Il s'agissait surtout de femmes enceintes dont la grossesse arrivait à terme. Les médecins nous ont demandé de les accueillir. Nous avons également eu un refuge pour les hommes: ceux qui venaient pour trouver de l'emploi, ceux qui arrivaient de diverses collectivités pour des raisons médicales et bien sûr ceux qui, en raison de leur problème de toxicomanie, avaient besoin d'un endroit sécuritaire pour une ou deux nuits. L'évêque nous a également demandé de répondre à d'autres besoins, comme la distribution de vêtements, de nourriture, etc.
En juin 1954, nous étions trois employés du Madonna House Apostolate à arriver sur les lieux pour commencer notre travail. Essentiellement, nous répondions à la porte. Je crois que la journée de notre arrivée, un groupe d'Américains — des soldats et leurs femmes — a frappé à notre porte; ils se dirigeaient vers Fairbanks et n'avaient pas d'endroit où rester à Whitehorse. Parce qu'ils n'étaient pas Canadiens, ils n'avaient accès à aucune aide. Nous leur avons donc offert un endroit où rester. Je crois que c'était la chambre d'en avant, à Maryhouse. Et c'est de cette façon que nous avons commencé nos activités. C'était à peu près comme cela que nous avons commencé.
Madonna House et ses missions vivent de dons. Comme nous ne sommes pas financés, nous dépendons vraiment de la providence de Dieu par l'aide de nos amis. Lorsque des gens se présentaient chez nous pour demander un refuge, des vêtements et de la nourriture, nous les aidions du mieux que nous le pouvions. Si nous avions ce qu'ils nous demandaient, nous les aidions.
Maryhouse et l'Armée du Salut étaient les seules à offrir une aide alimentaire jusqu'à ce que la banque alimentaire de Whitehorse ouvre ses portes le printemps dernier. Dès le début, nous avons distribué de la nourriture. Je crois que l'Armée du Salut avait déjà été ici et qu'elle est ensuite revenue, mais un peu plus tard. Nous n'avons jamais dit que nous étions la banque alimentaire, mais nous étions là.
Nous avons habillé beaucoup de gens. Certains sont des hommes qui vivent dans la rue. Certains sont arrivés ici au Yukon avec très peu de ressources. Nous avons aidé des gens à se refaire une situation après avoir vécu des moments difficiles. Il y a eu notamment des gens qui venaient dans nos refuges pour tenter de s'établir et des femmes qui fuyaient des situations difficiles. Je crois que nous avons fait cela jusqu'en 1997 et que ce n'est qu'à cette époque qu'on a ouvert le refuge pour femmes à Whitehorse. Je n'en suis pas certaine.
Parfois, notre aide a consisté simplement à partager une tasse de thé ou des sandwichs avec les gens qui venaient cogner à notre porte. Nous avons aidé des personnes qui avaient besoin de quitter le territoire en raison de maladie ou de mortalité dans leur famille et qui n'avaient pas d'autres moyens de s'en aller. Parfois — et c'est très simple — il ne s'agissait que d'offrir un plein d'essence à des personnes afin qu'elles puissent sortir de la ville. Des gens venaient nous voir et nous faisions de notre mieux pour les aider.
Voici un exemple. Il y a quelques années, deux femmes sont venues chercher de l'aide auprès de nous. Elles avaient pris l'autobus à 4 h 30 le matin à partir du Sud des États-Unis pour se rendre en Alaska. Bien entendu, elles n'avaient pas réalisé ce que leur voyage en autobus du Sud-Est des États-Unis jusqu'en Alaska comporterait. Nous avons été en mesure de leur fournir un endroit pour se laver et nous leur avons donné de la nourriture pour leur trajet afin qu'elles puissent poursuivre leur chemin.
Souvent, lorsque nous parlons des pauvres, nous pensons avant tout aux personnes qui sont pauvres financièrement. Cependant, Maryhouse a tenté d'aider tous les gens qui sont venus demander de l'aide. Au fil des ans, beaucoup sont venus chez nous lorsqu'ils se trouvaient dans diverses situations et de temps à autre, lorsqu'ils n'avaient besoin que d'un ami.
Aujourd'hui, nous continuons à distribuer des vêtements à des personnes qui, en principe, pourraient avoir une maison, mais qui vivent dans la rue.
L'autre jour, un homme est venu. Souvent, les hommes de la rue viennent pour demander des mitaines, des chapeaux, des tuques, surtout en hiver lorsqu'il fait froid. J'ai dit à l'homme: « Nous n'en avons pas. Nous n'en avons plus. Nous avons tout donné ce que nous avions. Nous devons attendre d'en recevoir d'autres en don ou d'avoir l'occasion d'en acheter ». Il a dit: « Je ne pensais pas en avoir besoin, donc j'ai laissé ma paire à la maison ». C'était intéressant.
Il y a des gens qui ne sont pas capables de garder leur emploi en raison d'une maladie mentale ou d'un problème de toxicomanie. Parfois, il y en a qui au contraire travaillent et certains ont même plusieurs emplois, habituellement à temp partiel, mais ils n'ont pas d'avantages sociaux. Lorsque la voiture tombe en panne, que la machine à laver se brise ou que surviennent des blessures ou une maladie, ils ont besoin d'aide.
Je crois qu'aujourd'hui, il est plus difficile de ranger simplement des gens dans la catégorie des pauvres. Nous avons beaucoup de pauvres cachés. Ils reçoivent peut-être de l'aide, mais ce n'est jamais assez, et franchement, je pense que ce ne sera jamais assez, car nous vivons dans une société où nous pouvons obtenir des vêtements décents à bas prix pour eux, mais où ces gens-là vivront toujours sous le seuil de la pauvreté.
Des gens frappent toujours à notre porte pour demander des vêtements, surtout en hiver. Il y a quelques jours, un homme est arrivé d'une autre province et a demandé des vêtements de travail. Nous avons pu l'habiller avec de bons vêtements pour l'extérieur et nous avons même pu lui fournir une paire de bottes qui lui convenait bien. Pendant que nous tentions de trouver les articles en question, l'homme nous a dit qu'il en avait besoin pour son emploi de déneigeur. Le déneigement n'est pas payant. Vous prenez ce que vous trouvez.
Une femme, dont le mari est dans l'incapacité de travailler et dont les petits-enfants sont en difficulté, est venue nous demander de l'aide. Elle est dans une situation qui perdure. Elle a un emploi, mais elle fait face à de multiples problèmes.
Avec le programme d'aide alimentaire, nous savons que beaucoup de personnes comptent sur nous pour boucler leur budget. Lorsque nous avions le programme d'aide alimentaire et que l'Armée du Salut l'avait aussi, les gens pouvaient venir nous voir une fois par mois pour avoir des provisions. Il n'y avait pas beaucoup de provisions; c'était avant tout pour les aider à attendre l'arrivée du prochain chèque. Alors, lorsqu'ils le pouvaient, ils allaient à l'Armée du Salut. Ils venaient à différentes périodes pour demander de l'aide.
Ils comptaient bel et bien sur nous. Et souvent, certains disaient que nous avions toujours les mêmes personnes, mais ce n'était pas toujours le cas, car si des gens étaient capables d'obtenir un emploi, un emploi saisonnier, ils ne venaient pas. Ils n'avaient pas besoin de nous. Ils allaient bien.
J'ai appris à connaître au fil des ans les gens qui venaient nous voir. Souvent, des gens, des hommes venant de communautés, avaient besoin d'un endroit où rester. Ils avaient de la parenté en ville, mais ils avaient tout de même besoin d'un endroit où rester. Les membres de leur famille les invitaient à rester, mais avaient besoin d'un sac de provisions. Cela leur permettait d'avoir une aide fiable et d'aider leur famille.
Il y a un homme qui vient encore au programme d'aide alimentaire et qui ne demande qu'une ou deux choses. Il vient encore. Il frappe à notre porte de temps en temps et nous dit: « Avez-vous des raviolis du Chef Boyardee? Je n'ai besoin que d'une boîte. J'en n'ai besoin que de deux. Avez-vous de la sauce piquante? ». Il ne réclame toujours qu'une chose. Je me demande pourquoi il vient encore nous voir, mais il le fait. Donc, lorsque nous avons quelque chose, nous le donnons.
Il y a une chose que j'aimerais dire. À Maryhouse, nous avons été invités par l'évêque Jean-Louis Coudert à ouvrir une mission à Whitehorse. C'est vaste. Je ne crois pas que Maryhouse ne pense qu'en fonction des pauvres. Nous tentons vraiment d'aider la personne qui cogne à notre porte et de ne pas placer tout le monde dans la même catégorie.
Merci de m'avoir écoutée.
Merci, madame O'Donnell. C'était très bien.
Nous recevons Nyingje Norgang, du Centre pour femmes Victoria Faulkner.
Soyez la bienvenue. La parole est à vous. Vous avez sept minutes.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui. J'espère vous faire connaître ce qu'on voit, entend, sent, ressent et goûte au Yukon.
C'est un endroit magnifique, mais mon travail d'intervenante au Centre pour femmes Victoria Faulkner me fait voir autre chose que ce qui est montré dans la publicité. Je vois de belles jeunes femmes qui, d'une façon qui est le propre de la jeunesse, se croient invulnérables et qui sont pleines d'espoir face à une vie qu'elles imaginent remplie de rires. Quelques années plus tard, tandis que d'autres jeunes femmes concrétisent les promesses de leur jeunesse et s'épanouissent pleinement, je vois ces jeunes femmes devenues vieilles de corps et d'esprit.
Elles sont plus jeunes que moi mais leur peau est vieillie, leurs dents tombent, leur corps est courbé et usé et leur âme souffre. Ces jeunes femmes âgées racontent des histoires de mauvais traitements, de consommation de substances et de pauvreté. Elles témoignent du besoin pressant de solutions à la pauvreté différenciées selon le sexe.
En matière de consommation d'alcool et de drogues, il existe des différences selon le sexe, tant pour les facteurs menant à la consommation que pour les effets de la consommation.
La violence envers les femmes est un des facteurs importants qui mènent à la consommation d'alcool et de drogues. Les jeunes filles victimes de violence physique ou sexuelle aux mains de leur ami de coeur sont plus susceptibles de commencer à consommer de l'alcool et des drogues. Elles risquent 2,5 fois plus que les autres de souffrir de tabagisme, 1,7 fois plus de s'adonner à la consommation excessive d'alcool et 3,4 fois plus de consommer de la cocaïne. Elles sont 5,7 fois plus susceptibles de penser au suicide et leur taux de tentatives de suicide, au cours de l'année où elles commencent à consommer, est 8,6 fois plus élevé que celui du reste de la population. L'incidence des problèmes de consommation d'alcool et de drogues est 15 fois plus élevée chez les femmes victimes de violence que dans la population en général. Jusqu'à 80 p. 100 des femmes traitées pour consommation d'alcool et de drogues ont été victimes de violence ou d'agression.
Tout comme il existe des différences selon le sexe pour les facteurs menant à la consommation, il existe des différences selon le sexe pour les effets de la consommation. En fait, les femmes deviennent malades plus rapidement.
Il ne suffit pas de traiter la dépendance; il faut aussi s'occuper des causes. Dans la lutte contre la pauvreté, nous devons tenir compte du fait que la dépendance peut être un moyen utilisé pour s'adapter à des circonstances particulièrement difficiles. On ne peut pas guérir les gens de leurs stratégies d'adaptation sans leur proposer de meilleures avenues.
J'habite sur la route qu'empruntent les ambulances pour se rendre à l'hôpital et, chaque fois que j'entends les sirènes, je me demande s'il s'agit d'une de mes clientes. Est-ce la jeune femme qui n'avait pas d'endroit pour aller dormir et qui est retournée auprès d'un homme violent? A-t-elle été battue si sauvagement qu'on a dû appeler l'ambulance? Est-ce celle que j'ai vue cet après-midi à la roulotte d'entraide, qui y allait pour demander à manger et qui, trop faible pour tenir sa boisson chaude l'a renversée sur son pantalon déjà souillé? La femme qu'on n'a pas écoutée quand elle a demandé de l'aide aujourd'hui — et qui ne demandait peut-être qu'un lit propre relativement peu coûteux — va maintenant profiter de services plus coûteux: transport par ambulance et séjour à l'unité de soins intensifs de l'hôpital. Ne rien faire contre la pauvreté coûte cher, tant au plan financier qu'au plan humain.
Je sens la puanteur qui se dégage de certains endroits où logent à grands frais des résidents de Whitehorse, qui vivent entourés d'odeurs de vomissure, d'urine et de moisissures. Cela est très différent de ce que je considère comme les odeurs typiques du Yukon comme la sauge qu'on foule des pieds et les roses sauvages qui fleurissent en été.
Nous avons besoin de politiques nationales pour que tous aient accès à des logements abordables et sécuritaires. Nous avons besoin de politiques sociales et de soutien pour permettre aux gens qui vivent dans ces logements de progresser, d'être en santé et d'avoir une espérance de vie qui se situe dans la moyenne canadienne.
Certains jours, peu importe le nombre de couches de vêtements que je porte, je peux sentir le froid. Je suis reconnaissante d'avoir un endroit chaud où travailler et où vivre. Je pense à une jeune femme qui grelotte dans la rue et qui me dit qu'elle doit encore attendre des heures avant de pouvoir rentrer dans la chambre qu'elle a louée. Habiter avec une connaissance a été sa seule option. C'est payant pour cette connaissance, mais c'est de l'exploitation pour la jeune femme. Elle n'a pas de clé et doit attendre le retour de l'autre, ce qui sera peut-être après son travail, peut-être beaucoup plus tard. Elle vérifie régulièrement, dans l'espoir de pouvoir rentrer. Elle n'a pas de téléphone, ni d'abri et elle n'a rien pour se tenir au chaud. C'est une sans-abri même si elle a un endroit où dormir la nuit.
Certaines de ces personnes souffrent, comme 1 p. 100 des personnes nées au Canada, du syndrome d'alcoolisation foetale. Elles sont exposées aux agressions sexuelles, à la violence physique, à la manipulation et à l'exploitation de la part de personnes qui ont une meilleure habilité mentale qu'elles. Les jeunes filles et les femmes sont particulièrement vulnérables.
Certaines des femmes qui subissent le froid mordant du Yukon sont séropositives. La réduction des préjudices est un outil important pour aider à régler les problèmes de pauvreté et les problèmes de santé liés à la consommation d'alcool et de drogues. Parmi les utilisateurs de drogues injectables, les femmes ont un taux de VIH plus élevé parce qu'elles sont souvent les deuxièmes à utiliser la seringue.
À la cuisine communautaire, je goûte le délicieux repas chaud qui est servi à des femmes pour qui c'est peut-être le repas le plus sûr et le plus réconfortant de la semaine. Elles demandent un pain ou des fruits pour mettre dans leurs poches. Elles pourraient avoir un repas à l'Armée du Salut, mais cela pourrait ne pas être sécuritaire. C'est vrai pour beaucoup de femmes qui viennent au Centre pour femmes Victoria Faulkner.
C'est vrai pour la femme trop fatiguée pour se sentir gênée des ecchymoses qu'elle porte au visage. Elle sait que beaucoup de femmes qui viennent au centre ont déjà vu cela, et même pire encore. Les aliments ont bon goût. Elle refuse de prendre davantage d'aliments solides. Les mâcher serait douloureux. Ses dents ne sont pas très bonnes pour mâcher.
Ce que je vois, entends, sens, ressens et goûte me rappelle profondément à quel point le Yukon a besoin de solutions à la pauvreté adaptées pour les femmes. Pour s'attaquer à la pauvreté, il faut régler le problème de la violence envers les femmes. Pour s'attaquer à la pauvreté, il faut s'occuper des facteurs qui mènent à la consommation et des conséquences de la consommation de drogues et d'alcool qui sont différentes pour les femmes. Pour s'attaquer à la pauvreté, il faut donner accès à des logements sécuritaires et abordables aux femmes célibataires, aux mères et aux femmes âgées.
La lutte contre la pauvreté passe également par la réalisation de programmes adaptés pour les femmes qui tiendraient compte — de leur conception jusqu'à leur mise en oeuvre — des besoins des femmes, dans le choix notamment de l'emplacement, du personnel affecté à ces programmes et dans l'élaboration des programmes, de leur contenu et du matériel utilisé.
La lutte contre la pauvreté axée sur les femmes doit comprendre des services conçus pour elles. Ces services prendraient en compte nos connaissances sur les effets des traumatismes ainsi que notre compréhension du fait que les problèmes de comportement sont un moyen pour faire face à des abus. Il faut prendre en considération les répercussions de la violence et de la victimisation sur le développement et sur les stratégies d'adaptation. Ces services seraient fondés sur la responsabilisation et l'objectif serait de redonner à la femme sa capacité de prendre des décisions et d'avoir le contrôle sur sa vie. Les services seraient également fondés sur la collaboration relationnelle et créeraient une atmosphère respectueuse du besoin des femmes d'être en sécurité, respectées et acceptées. Ils réduiraient le plus possible les risques que les femmes soient de nouveau victimes d'expériences traumatisantes. Enfin, ces services seraient adaptés sur le plan culturel: les interventions auprès de chaque femme tiendraient compte de son expérience de vie et de son milieu culturel.
Merci. Puissions-nous voir, entendre, sentir, ressentir et goûter les effets qu'aurait la réduction de la pauvreté au Canada sur la vie des femmes.
Merci beaucoup, madame Norgang.
Nous allons commencer avec M. Savage, du Parti libéral. Il a sept minutes.
Merci beaucoup.
Le comité, comme l'a mentionné le président, a voyagé quelque peu. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour entendre les témoignages de ceux qui travaillent avec des personnes qui vivent dans la pauvreté. Nous espérons entendre des témoignages de personnes qui vivent dans la pauvreté plus tard. Nous en avons déjà reçu.
Vous nous avez toutes les deux livré un message fort puissant.
J'aimerais commencer avec vous, Kate, si vous le permettez. J'aime ce que vous dites: vous avez l'obligation de vous occuper de la personne qui frappe à la porte. Il ne s'agit pas de partir à la recherche des pauvres mais de ceux qui se présentent à la porte. Nous avons parfois tendance à penser qu'il faut déterminer qui sont les pauvres qui méritent qu'on s'occupe d'eux. Je serais porté à croire que les personnes qui se présentent à la Maryhouse ou au Centre pour femmes Victoria Faulkner ne sont pas là parce qu'elles ont de nombreuses options. Nous n'avons pas à déterminer qui est pauvre, pas vrai?
Nous avons reçu un député de ma province cette semaine — ceci n'est pas télévisé ou quoi que ce soit, je n'ai donc pas l'intention de m'en prendre à cette personne en particulier — qui a qualifié des gens de Halifax de bons à rien vivant dans la rue. Certaines personnes pensent encore que ceux qui vivent dans ces conditions le méritent. Mais tout le monde est humain.
Il me semble que quiconque se présente à la Maryhouse ou au Centre pour femmes Victoria Faulkner a besoin d'aide. Et ce n'est pas votre travail de... Je respecte ce point de vue. Vous servez les gens qui viennent chercher de l'aide.
Oui. Chaque printemps, les églises tiennent une campagne de collecte d'aliments pour venir en aide à la Maryhouse et à l'Armée du Salut, et maintenant elles le font aussi pour la banque alimentaire. Une fois, un homme de confession évangélique qui était en quelque sorte responsable de l'organisation de la collecte m'a affirmé que, dans la Bible, il est dit que si on ne travaille pas, on ne peut pas manger. J'ai dit que beaucoup de personnes qui viennent nous voir et qui ont besoin d'aliments travaillent vraiment fort pour se débrouiller dans le système pour pouvoir manger. Ce n'est pas qu'elles ne travaillent pas; elles n'ont tout simplement pas d'emploi ou ne sont pas payées pour leur travail. Mais elles travaillent et font des pieds et des mains pour obtenir ce dont elles ont besoin.
C'est vrai que lorsque des personnes frappent à notre porte, nous ne leur demandons pas si elles ont besoin de notre aide ou si elles veulent notre aide, autrement elles ne seraient pas là. Elles ne viendraient pas nous voir si elles avaient d'autres options.
Je suis fasciné par le nom de votre maison: Maryhouse. Je viens de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, un des endroits du Canada les plus éloignés d'ici. Il y a une banque alimentaire multiconfessionnelle à Dartmouth qui s'appelle Margaret's House et qui a été nommée ainsi en l'honneur de ma mère, qui s'appelait Margaret et qui avait la même philosophie, soit que la dernière chose que nous devrions faire est de chercher à déterminer qui est pauvre. Il y avait, à un certain moment, un groupe qui pensait que beaucoup de ces personnes n'étaient pas vraiment pauvres. On ne leur demande pas si elles sont pauvres. Si vous faites la file dans le froid du Yukon, je suppose que c'est parce que vous n'avez pas le choix.
Nyingje, vous avez dit quelque chose qui m'a frappé, à savoir qu'il faut offrir de meilleures options à ces personnes, parce qu'il faut traiter l'être humain dans son ensemble. Je me souviens d'une visite au Kenya que j'ai faite il y a quelques années. Nous étions dans un village où les taux de tuberculose, de VIH et de co-infection étaient très élevés. Ils pouvaient traiter la tuberculose au moyen de comprimés administrés pendant six mois. Malheureusement, lorsque les personnes commençaient à se sentir mieux, elles arrêtaient de prendre leurs médicaments parce qu'elles n'avaient rien à manger.
Nous devons considérer les personnes de façon globale. Je crois que c'est ce dont vous parlez. Si quelqu'un a une dépendance, vous pouvez l'aider à s'en défaire, mais si cette personne n'a ni nourriture, ni logement ou n'a pas accès à quelque réseau d'entraide que ce soit, nous ne réglons pas vraiment le problème. Nous ne faisons que nous y attaquer en surface. Est-ce un portrait fidèle de ce que vous nous dites?
J'aimerais simplement commenter ce que vous avez dit plus tôt concernant les pauvres qui méritent ce qui leur arrive. Hier, j'étais à l'établissement correctionnel pour femmes. Je travaillais avec des femmes sur leur estime de soi. Les victimes de violence, qui ont été agressées et qui sont passées par le système, ne se sentent pas très bien dans leur peau. Il est difficile pour elles de s'attendre à quelque chose de différent et elles deviennent beaucoup plus susceptibles d'être de nouveau victimes d'agression et de mauvais traitements.
Par exemple, vous pourriez très bien traiter la dépendance d'une telle personne mais si vous ne faites rien concernant le traumatisme qui a mené à la dépendance, le problème réapparaîtra. Quoi qu'il en soit, j'avais une vingtaine de citations à faire lire à cinq femmes. L'une d'entre elles en a choisi une et des larmes se sont mises à couler. Elle était si surprise qu'une de ces citations puisse dire que toutes les personnes ont des droits. Ce n'était pas que son incarcération ou sa consommation de substances ait pu lui enlever le droit à un traitement décent. C'était la pensée que votre seul statut d'être humain vous confère une certaine valeur et que cette valeur reste intacte même si vous faites des erreurs.
Quand nous parlons de mérite, nous devons dire que tous les êtres humains ont du mérite. Que vous ayez commis des erreurs ne signifie pas pour autant que vous ne méritez pas de manger et de vous loger.
Tout à fait.
Vous avez également dit que ne pas lutter contre la pauvreté coûte très cher. Je crois que cette idée est beaucoup mieux reçue maintenant. Ne rien faire contre la pauvreté coûtera beaucoup plus cher que de s'en occuper. Fournir un logement, un lit et de quoi se nourrir, entre autres, n'est rien en comparaison de ce que coûtent la dépendance, l'incarcération et toutes les personnes prises dans l'engrenage de systèmes très dispendieux pour lesquels, semble-t-il, nous dépensons sans sourciller.
J'ai travaillé à l'hôpital et nous assistons à un défilé de personnes qui n'ont nulle part où aller, qui ne reçoivent pas de traitement contre leur dépendance et qui font la navette entre la rue et l'unité des soins intensifs. Cela coûte très, très cher. Elles se retrouvent dans la même situation qu'avant et elles reviennent. Il serait beaucoup plus économique — et plus valorisant pour elles — de leur fournir un endroit où vivre ainsi que des services pour les aider à vivre.
Il semble que nous attendons que les personnes se retrouvent sans issue, puis nous les jetons en prison ou des choses du genre, alors que nous pourrions nous occuper de réduction des préjudices, de prévention et de santé communautaire.
C'est terminé, je crois, non? Puis-je continuer?
D'accord, nous y reviendrons. Nous ferons le tour. Nous avons beaucoup de temps.
Monsieur Martin, sept minutes, je vous prie.
Merci d'être venues aujourd'hui et de partager vos expériences, vos connaissances et vos témoignages avec nous.
Vous êtes toutes les deux, il va sans dire, des personnes qui se retrouvent sur la ligne de feu à tous les jours, à travailler auprès des personnes pour lesquelles nous essayons de mettre en place un programme national. Il semble que nous sommes loin de pouvoir vous fournir ce programme pour vous aider dans votre travail. Je crois que ce serait extraordinaire d'avoir un système où nous n'aurions pas besoin de votre aide, mais à mon avis, cela n'arrivera pas. Que faire, alors?
Kate, vous avez parlé de l'évolution du rôle de la Maryhouse, qui a d'abord accueilli les personnes qui venaient en ville pour recevoir des soins de santé, puis des hommes à la recherche de travail; la maison s'occupe maintenant des personnes qui sont déjà ici et qui ont besoin de nourriture quotidiennement.
Maintenant qu'il y a une banque alimentaire qui effectue une partie du travail, votre rôle change-t-il? Dans quelle direction allez-vous? Que pensez-vous que nous, les députés fédéraux qui se penchent sur un programme national, pouvons faire de plus utile pour vous aider dans votre travail?
J’ignore vers quoi nous nous dirigeons. Vous savez quoi? Nous continuons de répondre à la porte, et c'est vraiment notre simplicité. En tant que maison de la mission de l’apostolat de Madonna House, nous voulons demeurer disponibles et répondre aux besoins des gens qui viennent nous voir pour que nos activités se poursuivent. Une bonne partie des gens qui viennent nous voir vivent dans la rue l’été. En hiver, ces personnes ont habituellement un toit. Il y a des années, on a fait une étude sur le sans-abrisme, et quelqu’un a dit que quand une personne a les moyens de quitter le Yukon pour l’hiver, elle s’en va ailleurs. Il est possible d’aller à Vancouver, car il fait moins froid qu’ici.
Les gens viennent nous voir pour obtenir des vêtements ou un repas pour emporter, que nous continuons de servir deux jours par semaine, et des gens en profitent. Ils ne sont pas nombreux à le demander, mais ils le font à l'occasion. Parfois, comme c’est le cas d’un homme que nous connaissons plutôt bien, les personnes nous demandent si nous avons de la nourriture à leur donner, car elles ont raté la soupe populaire pour une raison quelconque — elles n’ont pas pu se rendre à l'Armée du Salut ou à la cuisine communautaire de la fin de semaine. C’est donc ce qui se passe.
Je ne sais pas comment aider les gens davantage, mais voici ce que j’ai pu constater, au cours des années. Parmi les personnes qui bénéficient du programme alimentaire, si elles ont un emploi, il peut être à temps partiel. Au Yukon, lorsqu’une personne occupe un emploi à temps partiel et qu’elle a touché des prestations d’aide sociale, elle doit les rembourser. S’il s’agit d’un homme, il lui faut les rembourser. En règle générale, si la personne se trouve un emploi, elle ne sera pas très bien rémunérée. Ensuite, elle doit rembourser les prestations d’aide sociale reçues et elle cesse de recevoir des prestations de maladie, entre autres. Je crois donc qu’il serait bien de trouver une manière pour que les gens puissent décrocher un emploi tout en conservant certains avantages, de sorte qu'ils ne sont pas laissés pour compte — c'est comme si c’était mieux de recevoir des prestations d’aide sociale que de se trouver un emploi et d’en souffrir. Ce que j’essaie de dire, c’est que le style de vie est pire lorsqu’on occupe un emploi. Nous avons tous besoin d’un emploi pour nous sentir bien dans notre peau. C’est utile quand c’est possible, mais l’obtention d’un emploi pénalise les gens.
Je ne sais pas comment le gouvernement peut s’y prendre, mais c'est un moyen d'aider les gens à aller mieux.
En Ontario, entre 1995 et 2003, le gouvernement a tenté d’éloigner la population de l'aide sociale, car il y avait un piège de l’aide sociale. Il a réduit les cotisations des chômeurs au lieu de rendre le travail plus attrayant en maintenant les prestations. C’était punitif. Nous devons songer à ce qui donne les résultats escomptés ou non.
J’aimerais interroger Nyingje quant à son travail et à cette question de la violence contre les femmes. Au fil des témoignages, nous constatons que la violence contre les femmes les entraîne de plus en plus vers la pauvreté, si elles n’y sont pas déjà. Qui plus est, si elles sont déjà pauvres, elles le deviennent encore plus.
Cela semble être un autre point sur lequel le gouvernement doit concentrer ses efforts. Comment pouvons-nous créer l’énorme changement nécessaire sur le plan de l’attitude et de la sensibilisation et comment, en fin de compte, aider les hommes à changer de comportement? Je sais que cela m'a occasionné certains problèmes sur le plan de ma carrière politique dans ma circonscription, car elle est à moitié rurale.
Les événements survenus à Montréal, qui seront commémorés dans quelques jours, ont accru la sensibilisation, et le gouvernement a déposé un projet de loi visant la création d’un registre des armes à feu. J’ai pris connaissance des données parce que j’ai vraiment dû y réfléchir afin de prendre une position dans ma circonscription. Au départ, je croyais que le registre des armes à feu était simplement imposé aux agriculteurs et aux chasseurs, notamment. Cependant, j'ai vérifié les statistiques après quelques années d’existence et j'ai écouté les policiers me dire que le registre leur permet de se sentir plus en confiance quand ils sont appelés à régler un conflit domestique, où un homme est souvent en train de battre sa femme ou ses enfants, et parfois à l'aide d'une arme.
Le Parlement est sur le point d’abolir ce registre. Parlez-moi un peu des répercussions possibles. Vous habitez dans une région où il y a de la chasse et du piégeage. Vous ne faites peut-être pas tellement d’agriculture, mais il doit y en avoir un peu. Vous utilisez les armes pour vous nourrir.
C’est probablement difficile, mais quelle est votre position sur cette question de la violence contre les femmes?
Je suis manifestement triste de la tournure des événements. À mon avis, il est insensé d’abolir le registre, compte tenu de ce que nous savons sur l'utilisation des armes à feu, même ici au Yukon. On dit que les armes d'épaule sont utilisées pour la chasse, mais elles sont utilisées pour tuer les femmes. La fréquence de la violence infligée aux femmes par l'utilisation d'une arme à feu est élevée. Ainsi, cela me semble insensé.
Quand nous savons qu'il y a différents niveaux de violence contre les femmes — en les frappant, poignardant, brûlant, bousculant et en les tirant —, que cela touche les femmes et leurs enfants et que ces enfants répètent ces mêmes types de comportements en grandissant, régler la question de la violence contre les femmes est…
Nous avons, avec le Yukon Aboriginal Women's Circle et Les EssentiElles, une campagne en cours à Victoria Faulkner qui nous mènera vers l'anniversaire de la tuerie de Montréal et qui nous fait également prendre conscience que plus de 520 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées. Nous demandons à 521 hommes de signer une carte pour dire qu'ils ne vont pas infliger de violence aux femmes et qu’ils ne vont pas la tolérer ou rester silencieux. Nous ne leur demandons pas seulement de signer la carte, mais aussi de dire ce qu'ils vont faire pour mettre fin à la violence contre les femmes. Nous demandons aux hommes d’intervenir. Nous disons que la violence des hommes est en train de nuire à notre monde: il faut agir.
J’aimerais dire ceci. Dans le cadre du rapport à la Chambre des communes sur la pauvreté, recommandez-vous qu’une mesure soit d’abord prise afin d’éliminer la violence contre les femmes pour pouvoir lutter contre la pauvreté?
Imaginez, 8,6 fois plus de femmes… Ce sont des femmes qui sont victimes de violence physique ou sexuelle par un partenaire. Nous ne parlons même pas des conséquences à long terme de la violence répétée que vivent de nombreuses femmes ou qui les poussent à tenter de se suicider en une seule année. De plus, 3,4 fois plus de femmes utilisent de la cocaïne. Nous savons donc quelles sont les répercussions sur le plan de la santé, de la capacité à avoir une vie paisible, de la santé des enfants et de la famille.
Je doute que la pauvreté puisse être abordée sans tenir compte du genre. Une telle approche de la pauvreté reconnaît les répercussions extrêmes de la violence dans la vie des femmes.
Je n’ai qu’un commentaire. Je tiens à vous remercier énormément d’être venues témoigner et d’avoir fourni beaucoup d’explications. J’espère que les hommes rassemblés ici aujourd’hui vous ont écoutées et qu’ils seront désormais sensibles à ces questions.
Je n’ai pas vraiment de questions. Vous m’avez tout simplement abasourdie. Je n’ai rien à ajouter.
Merci.
Je vais peut-être vous poser quelques questions avant de céder la parole à Mike.
Kate, j’allais dire que je suis un ancien évangéliste; j’ai grandi de confession baptiste.
Sachez que cela se voulait une blague.
Je plaisante un peu, mais d’après les témoignages entendus, il semble y avoir de plus en plus d’activités en collaboration avec des groupes confessionnels et des organismes sans but lucratif. Nous avons appris ce genre de nouvelles, et je ne crois pas que ce fut toujours le cas.
Je sais que M. Savage a parlé un peu du fait que les personnes peuvent avoir des opinions bien arrêtées sur certaines questions à l'église sans vraiment se voir comme étant un prolongement. J’en conviens, et je crois que ce sont de bonnes nouvelles.
J'ai deux questions, en quelque sorte. Comment se déroulent vos activités? Ce matin, nous avons entendu des témoins, mais avez-vous l’impression que vous êtes capables de travailler ensemble dans la ville avec les organismes sans but lucratif et les administrations locales, ainsi que les entreprises? S’agit-il d’un quelconque défi? Où en êtes-vous?
Kate, vous disiez que vous receviez tout votre financement de l'extérieur. Je présume qu’il s’agit de dons privés, des entreprises et ainsi de suite. Comment voyez-vous la coopération tandis que vous vous penchez sur certaines de ces questions?
J’aurai ensuite une question pour Nyingje.
D’après moi, le Yukon est vraiment un endroit unique où les gens travaillent généralement ensemble. Je crois que cette dynamique a toujours été vraiment merveilleuse.
J'ai été affectée ici en 1979. Je ne suis restée ici que pour 10 mois, mais j’ai été réaffectée quelques années plus tard. Lorsque je suis venue ici en 1979, on parlait encore de passer le pas de la porte. On emballait notre épicerie, une activité très intéressante. De surcroît, on s’entraidait, peu importe où. L’aide était tout. Les organisations non confessionnelles et les ONG venaient le plus possible en aide aux gens.
Prenez l'exemple des refuges pour femmes, dont Kaushee's Place. Si l’établissement a quelque chose, on nous appelle, et si nous pouvons fournir de l’aide, nous le faisons. Si nous ne pouvons pas, nous essayons de trouver autre chose, ou ils appellent ailleurs. J'ai toujours eu l’impression qu'il y a au Yukon une merveilleuse coopération entre les différentes organisations, qui aident à répondre aux besoins des gens et qui cernent les besoins.
Lorsqu’on nous a demandé de fermer nos refuges en 1997, beaucoup de gens se sont présentés au gouvernement pour lui demander d’intervenir et de fournir un refuge, car c’était important. C’est ce qu’il a fait le temps de le dire, puis cela s'est ensuite effondré. Alors, l'Armée du Salut a repris ce qu'elle pouvait; l’organisation ne peut pas en faire beaucoup, mais elle offre son aide. Nous nous entraidons effectivement.
Nous continuons de recevoir des dons de nourriture, car l'Armée du Salut a des heures d’ouverture très limitées. Parfois, lorsque nous en recevons beaucoup, nous l’apportons à l'Armée du Salut à la place des donateurs incapables de le faire. Ils n'ont pas le temps ou ils ne sont pas là au bon moment.
Je crois donc qu’au Yukon, c’est incroyable. Il y a beaucoup de coopération entre les différentes organisations. Oui, les relations ont toujours été merveilleuses.
Madame Norgang, je sais que quelques personnes nous l’ont dit ce matin, mais j’aimerais que vous résumiez la question des femmes qui essaient de se sortir d'une relation de violence et les défis de la pauvreté. Je sais que nous en avons discuté, mais rafraîchissez-moi simplement la mémoire quant aux logements disponibles, à l'absence de logements et aux différents besoins. De toute évidence, un abri pour une nuit ne suffit pas aux femmes qui tentent de sortir de cette situation. Quels types de logements avez-vous? De quels types de logements avez-vous besoin?
Je tiens d’abord à faire un lien avec ce que Kate disait, car je trouve que les gens sont incroyablement généreux. Les gens appellent mon centre tout le temps. Ils tricotent des vêtements pour les personnes. Ils ont été à la chasse et nous donnent leur excédent de viande pour la cuisine. Si nous en avons trop, nous en donnons à Kaushee's. Les gens sont fantastiques. C'est vraiment touchant.
Cela répond aux problèmes, mais nous avons vraiment besoin que le gouvernement fédéral s'attaque aux racines des problèmes. Sinon, nous continuons à distribuer des mitaines et des soupes chaudes, mais la vie des gens demeure épouvantable. Le logement est l'un des volets les plus pénibles de mon travail. Chaque jour, on demande aux défenseurs des femmes de l'aide au logement, et je n'ai pas de solutions à leur donner.
Je vais même chercher dans le journal et appeler ailleurs pour certaines femmes. Je sais que pour les propriétaires, ces femmes ne sont pas aussi attrayantes, car ils ont la liberté absolue de choisir la crème de la crème en raison de la pénurie de logements. Pour un propriétaire, la crème de la crème, c'est ce qu'ils appellent le professionnel. La femme pour laquelle je tente de trouver de l’hébergement n’en fait pas partie.
Que peut-elle faire? Elle est vraiment laissée dans des circonstances particulières qui l’exposent au risque de violence et d'agression sexuelle, et au froid. Elles viennent prendre une douche chaude pour se réchauffer. Elles ont dormi dehors durant la nuit. Je n’ai pas de solutions à leur offrir. Je ne peux pas faire mon travail.
Que ce soit au cours de cette étude ou en général, je ne félicite guère le gouvernement fédéral. L’étude que nous sommes en train de mener ne comporte pas beaucoup de raisons de le faire. Néanmoins, la prestation fiscale pour le revenu gagné a connu un bon départ. De nombreux groupes de politique sociale ont dit que cette mesure, entre autres, était un bon début. Il s'agit d'un véhicule qui a besoin de beaucoup plus de ressources.
La prestation fiscale pour le revenu gagné permet notamment aux provinces et aux territoires d’adapter leur infrastructure sociale à celle du gouvernement fédéral. Je crois que le Yukon n’en fait pas partie pour l’instant, mais c’est le cas du Nunavut.
J’aimerais en savoir plus sur ce dont vous parliez tout à l'heure. Vous avez dit que lorsque quelqu'un est sur le marché du travail, il est tenu de rembourser les prestations de l’aide sociale. Comment cela fonctionne-t-il?
J’ignore quelle est la situation des femmes, mais je connais celle des hommes célibataires qui vivent de l’aide sociale. Lorsqu’ils décrochent un emploi, ils doivent rembourser les prestations dans un délai relativement court. Essentiellement, ils se font harceler pour qu’ils donnent leur chèque de paie en remboursement.
Je crois qu’ils en remboursent une bonne partie. Cela représente une grande part de leurs chèques de paie.
Il faudrait aborder cette question de la récupération dans l'étude sur la pauvreté, particulièrement la disparité entre les provinces et les territoires. Je crois que nous convenons tous que les Canadiens peuvent être très généreux. L’un des problèmes, sur le plan individuel et collectif, c'est que nous avons tendance à être généreux lors d’événements particuliers. Par exemple, lorsqu’une maison passe au feu, la collectivité rassemble ses efforts pour la reconstruire.
Si un tsunami frappe l’Asie du Sud-Est, les Canadiens mettent leurs efforts en commun. Ils envoient beaucoup d'argent pour poser tel ou tel geste. Lorsque les vedettes rock embrassent des causes particulières, les gens s’y rallient. Nous ne sommes pas très bons pour nous attaquer aux causes sous-jacentes chroniques de la pauvreté ou aux déterminants sociaux de la santé qui mènent à la pauvreté. Il me semble que les gens vivant dans la pauvreté chronique ne bénéficient pas autant de cette générosité que les personnes qui vivent des mésaventures particulières.
Nous réagissons mieux aux situations d'urgence qu’aux problèmes chroniques. Si la pauvreté au Canada n'est pas une urgence, je ne sais pas ce que c’est. Reconnaissez-vous que nous réagissons mieux aux mésaventures particulières qu’aux problèmes chroniques?
En fait, les gens d’ici sont plutôt stables, mais je constate que c'est le cas, dans diverses situations. Il est difficile de passer une semaine sans qu’il y ait de collecte de fonds pour une personne en difficulté, qui a besoin de soins médicaux et ainsi de suite.
Pour nous, à Maryhouse, la situation est assez stable toute l'année. Les gens sont fidèles; ils continuent d’offrir des dons. Comme vous l'avez dit, nous ne cherchons pas à résoudre le problème, et j’ignore s’il peut être résolu. Maryhouse satisfait les besoins immédiats.
Nous espérons changer un peu la situation. Lorsque nous accueillions les hommes dans les refuges, nous travaillions avec eux. Certains d’entre eux ont été capables de changer leur vie et de s’en sortir. Nous avons un excellent bénévole qui nous est très fidèle. C’est maintenant un septuagénaire, mais, lorsque nous l’avons rencontré la première fois, il devait être l'un des pires hommes de la rue. Il a réussi à arrêter de boire et à refaire un peu d’ordre dans sa vie. Il fait maintenant du bénévolat pour nous. Il est très fidèle.
Cette évolution a eu lieu en partie parce qu'il est venu à nous et que nous l’avons aidé là où il en était. Un jour, il a pu dire qu’il était effectivement capable de changer. Je crois que c'est semblable au Centre pour femmes Victoria Faulkner. Nous pouvons plaider en faveur de ce changement, mais ce sont les rencontres individuelles qui permettent aux gens d’affirmer qu’ils ont une dignité et qu’ils peuvent changer. Par la suite, pour y arriver, ils sont appuyés par les ressources nécessaires. Je crois que c'est l’un des points sensibles: quand il y a une rupture, sur quoi peut-on s’appuyer pour réussir à continuer?
À mon avis, dans notre examen de la question de la pauvreté, nous nous sommes éloignés de la charité pour nous rapprocher de la justice. J’espère que nous allons en arriver au point où ce sera perçu comme un investissement et où l’on comparera le coût de la pauvreté par rapport à ce qu'il en coûte de ne pas régler la pauvreté.
Ce matin, Charlotte Hrenchuk, du conseil du statut de la femme du Yukon, nous a présenté des recommandations précises. L'une d’elles visait à donner suffisamment de financement aux organismes qui travaillent auprès des pauvres. Ces organismes qui aident les pauvres sur le terrain ne reçoivent pas beaucoup d'aide du gouvernement. Pourtant, ils mettent sur pied de merveilleux programmes et ils sont les mieux placés pour assurer ce service, et je suis sûr que c'est aussi le cas de Maryhouse et de Victoria Faulkner, mais nous leur rendons la vie dure. S’ils sont admissibles à du financement gouvernemental, ils doivent souvent embaucher quelqu'un pour rédiger des demandes de subventions et pour envoyer des demandes ici et là, par opposition au financement fondé sur les services votés.
Je crois qu’il est vraiment important de le comprendre, car nous pensons parfois qu’il est plus efficace d'avoir de grands programmes nationaux, mais ils ne répondent pas, à bien des égards, aux besoins de Whitehorse, Saskatoon ou Sydney, au Cap-Breton, notamment.
Selon moi, une partie du défi réside dans la provenance des fonds, et je crois que c'est une chose plutôt honnête pour tous les ordres de gouvernement. Ce sont des fonds publics, et nous devons avoir une responsabilité. Dans le cadre de nos activités, il faut rendre des comptes.
Lorsque Maryhouse a fermé son refuge, les gens continuaient de s’y présenter. On en a ouvert un autre. Le gouvernement a payé 1 000 $ par nuit pour l’hébergement d'urgence. Un jour, il s’est rendu compte que ce serait moins cher de placer les gens dans une chambre d'hôtel si seulement deux personnes avaient besoin d’un abri pour une nuit. Il allait donc mettre fin à ce programme et procéder ainsi.
On nous a demandé si nous voulions être un service d’aiguillage, et j'ai demandé ce dont il en retournerait. La première chose qu’on nous a dite, c'est qu’il fallait déterminer si les gens venaient nous voir parce qu'ils étaient sans le sou ou parce qu’en parcourant le pays à pied, ils ont trouvé que ce serait un bon endroit où passer la nuit. C'est là l’obligation de rendre des comptes sur la manière de dépenser l'argent et sur le fait que le gouvernement ne souhaite tout simplement pas jeter l’argent par les fenêtres.
C'est difficile. C’est difficile, et cela nous ramène à la question de savoir qui sont les pauvres et comment évaluer la pauvreté. Cependant, c'est aussi la responsabilité relativement à l’administration: si le gouvernement appuie ces initiatives financièrement, il veut voir les résultats de cet investissement, et c'est un défi.
Il y a beaucoup de défis. Beaucoup de problèmes sont difficiles à résoudre en ce qui a trait à la pauvreté, mais une chose est très claire: les héros de ce combat sont les personnes qui travaillent sur le terrain, comme vous, parce que ce doit être fait.
Certaines personnes s’investissent là-dedans parce qu’elles considèrent que c'est ce que Dieu leur demande de faire en tant qu’êtres humains. D’autres le font simplement parce qu’elles savent que des gens ont besoin d'aide. Peu d'entre eux le font pour leur perfectionnement personnel ou de gros salaires. Nous le savons. Il me semble donc que le gouvernement devrait au moins reconnaître que nous avons abandonné une partie de ce terrain et qu’il faut donner des ressources aux personnes qui s’occupent de la question. L'argent du gouvernement fédéral serait mis à profit de manière significative s’il ne privait pas de leurs droits les gens les mieux placés pour effectuer ce travail. Ce n'est pas que vous voulez absolument le faire, mais quelqu'un doit s’en occuper, et vous vous y adonnez déjà.
Puis-je simplement répondre à votre commentaire quant au fait que l’orientation est passée de la charité à la justice, puis à l'investissement? C'est joliment formulé et c’est la base de la question.
J'ai travaillé un peu partout au Canada, ainsi qu’aux États-Unis et en Thaïlande. Je n'ai jamais constaté autant de violence qu’au Yukon. À mon avis, il y a deux raisons: d'abord, certaines situations sont particulièrement liées au Yukon, mais il existe peut-être aussi une certaine détérioration dans les divers systèmes canadiens. La situation semble donc avoir empiré par rapport à mes débuts il y a une trentaine d’années.
Aujourd’hui, je vois régulièrement des jeunes femmes qui sont dans une relation très malsaine. En tant que conseillère, mon rôle est d'essayer de les aider à envisager une meilleure situation pour elles-mêmes. Souvent, elles ont des enfants. Elles sont souvent conscientes que leurs enfants sont témoins de leur situation et qu’ils vont grandir dans le même contexte.
Lorsque je leur demande d'imaginer l'homme idéal avec qui elles aimeraient être, elles me regardent comme si j’étais une extraterrestre. Elles croient que je suis complètement coupée de la réalité et elles affirment que tous les hommes sont pareils. Tous les hommes qui ont fait partie de leur vie étaient des toxicomanes, abusaient leur partenaire ou leurs enfants, étaient nuisibles ou n’étaient pas fiables d’une manière ou d’une autre. Lorsque je leur demande d'imaginer une meilleure situation, elles songent seulement au meilleur d'une mauvaise situation, de sorte qu’elles restent dans une relation malsaine, car elles ne peuvent pas se payer un logement elles-mêmes et elles savent qu’elles sont encore plus vulnérables, dans la rue avec leurs enfants ou en déménageant sans cesse, qu’elles ne le sont avec leur partenaire. Parfois, une femme reste avec son partenaire en se disant qu’il boit tout le temps ou qu’il est agressif verbalement, mais qu’il ne la bat pas. C’est le mieux qu’elle peut imaginer.
Il faut envisager des questions comme les consultations offertes aux femmes afin d’attaquer la source du problème. Si je réussis à parler à une jeune femme assez longtemps et que nous pouvons travailler ensemble, je peux réussir à la convaincre qu’il peut y avoir un autre avenir pour elle et ses enfants. Par ailleurs, si je pouvais aussi lui dire qu'il y a du logement et qu'il y a un avenir pour elle, ce serait fort utile.
Merci beaucoup.
J’aimerais terminer en remerciant de nouveau nos témoins d’avoir été des nôtres aujourd’hui et de nous avoir expliqué ce que vous faites. Comme Mike le mentionnait, les héros sont réellement ceux qui jouent un rôle d’avant-plan. Nous voulons le mieux possible miser sur cela et présenter ces recommandations. Je vous suis donc énormément reconnaissant de votre travail et de votre présence ici aujourd’hui.
Il n’y a pas de quoi.
Nous allons marquer une pause le temps que les derniers témoins d’aujourd’hui prennent place.
Je souhaite la bienvenue à notre dernier groupe de témoins de la journée. Encore une fois, merci d'être venues et de nous avoir accordé du temps pour nous parler de certaines de vos activités ici à Whitehorse et au Yukon. De plus, vous allez peut-être formuler quelques recommandations pour que nous les présentions au gouvernement fédéral dans notre rapport de comité.
Je vais commencer par Brooke Alsbury, de la Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon.
Dans un instant, je vais vous laisser présenter vos exposés. Vous aurez sept minutes chacune, après quoi les députés vont vous poser des questions à tour de rôle. Au cas où vous ne seriez pas au courant, cette étude est en cours depuis un certain temps déjà. Corrigez-moi si je me trompe, chers collègues, mais je crois qu’elle dure depuis un an et demi. Elle est en cours depuis un certain temps. Nous sommes allés dans l’Est, puis nous sommes rendus dans l’Ouest. On nous a ensuite recommandé d’aller dans le Nord, et je suis très content de l’avoir fait. Nous avons entendu d’excellents témoignages aujourd'hui.
Je vais simplement en rester là. Si un autre député souhaite compléter, il n’y a pas de problèmes.
Brooke, je vous remercie d'être des nôtres. Je vais maintenant vous céder la parole.
Formidable, merci. Je vous remercie également de m'avoir invitée à comparaître.
Pendant que je me dépêchais de préparer cet exposé, je me disais: « Bon sang, dis quelque chose d'intelligent », alors j'espère que ce sera le cas.
Je représente la Fetal Alcohol Syndrome Society du Yukon. Nous offrons des services de soutien direct aux personnes qui souffrent de l'ETCAF et des services de prévention et d'éducation. Nous coordonnons également la tâche de diagnostiquer les adultes au Yukon.
Dans l'ensemble, je suis certaine que vous avez entendu tout cela des centaines de fois. Nous savons que la pauvreté est un problème aux multiples facettes qui comporte un certain nombre de facteurs de risque, dont la discrimination fondée sur le sexe, le racisme, l'itinérance, le manque d'éducation et la dépendance envers l'aide sociale. Je crois que, lorsqu'on pense à l'ETCAF, il est important de se rappeler que tous ces facteurs de risque s'appliquent aux personnes qui en souffrent, et bien d'autres encore.
Lorsque nous envisageons la complexité des personnes ayant l'ETCAF, nous examinons tant ceux qui en sont déjà atteints que les femmes qui risquent de consommer de l'alcool pendant leur grossesse. Et lorsque nous pensons à ces femmes en particulier, nous constatons que l'abus d'alcool et d'autres drogues est inextricablement lié à la violence, à l'instabilité en matière de logement, aux problèmes juridiques et aux problèmes de santé mentale. C'est à ce moment-là que je me rends compte à quel point la pauvreté est un problème complexe pour les personnes atteintes de l'ETCAF, parce que je songe à tous les systèmes qu'ils doivent naviguer malgré leur déficience cognitive.
Puis, il y a les femmes qui font face à la pauvreté, à l'itinérance, à la marginalisation et aux problèmes juridiques. Pour elles, essayer de demeurer sobres pendant les neuf mois de leur grossesse, tout en vivant dans des milieux qui peuvent être plus ou moins propices à cela, devient particulièrement ardu. Donc, lorsque nous envisageons les services, nous devons penser à leur intégration plutôt qu'à leur cloisonnement. Je crois que, dans notre territoire, c'est en passe de devenir l'une de nos plus grandes difficultés — le cloisonnement des services d'un gouvernement à l'autre, tant au sein du territoire qu'à l'échelle du gouvernement fédéral, du gouvernement territorial et des collectivités autochtones.
Une personne peut bénéficier de 20 services ou plus et recevoir les soins de 20 personnes ou plus, qu'elle soit atteinte de l'ETCAF ou qu'elle soit enceinte à ce moment-là. Donc, je pense qu'il est particulièrement difficile pour une personne qui vit dans la pauvreté d'user de tous ces systèmes et de chercher un logement en même temps.
Nous observons dans notre organisation quelques chiffres ou statistiques qui sont également appuyés par la recherche. Environ 13 p. 100 de nos clients sont complètement sans abri et 8 à 10 p. 100 de plus le sont plus ou moins. Donc, nous constatons qu'environ un cinquième de notre clientèle est sans abri, qu'elle consomme régulièrement des quantités excessives d'alcool et de drogues et qu'elle est régulièrement victime de violence.
Donc, lorsque nous mêlons ces facteurs à la pauvreté, et que nous remarquons que les taux d'abus d'alcool chez les mères sont beaucoup plus élevés dans le Nord — ou du moins, c'est ce que les données disponibles démontrent — nous commençons à nous rendre compte que ces personnes sont touchées par de très nombreux facteurs de risque.
Lorsque notre équipe de diagnostic découvre qu'une personne est atteinte de l'ETCAF, elle recommande qu'on lui fournisse un logement subventionné, que sa santé mentale soit surveillée de manière continue, qu'on utilise des méthodes différentes pour traiter sa toxicomanie et son alcoolisme et qu'elle reçoive un soutien externe pour naviguer le système judiciaire. Malheureusement, nous constatons qu'il est impossible de mettre en oeuvre bon nombre de ces recommandations parce que nous ne possédons pas les systèmes nécessaires — pour offrir des services de soutien intégrés à vie. Nous observons donc des gens qui passent des programmes pour les jeunes ou du système de justice pénale à rien du tout. La personne quitte le système de justice pénale, n'a nulle part où loger et ne bénéficie d'aucun soutien dans la collectivité. Vivre dans la pauvreté avec une déficience cognitive est très difficile lorsqu'on vient de quitter le système de justice pénale. On se demande ensuite pourquoi les gens récidivent.
On peut dire la même chose du traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme. La plupart des études semblent indiquer que les méthodes traditionnelles de traitement n'ont pas d'effets visibles ou ne sont pas efficaces auprès des personnes ayant une déficience cognitive ou l'ETCAF. Donc, une fois encore, une personne qui termine un programme de traitement de 28 jours sans bénéficier de services de soutien structurés continus postcure, y compris un logement subventionné... Si le mot « logement » n'a pas encore été mentionné aujourd'hui, permettez-moi de le répéter à plusieurs reprises.
Nous constatons donc que 65 p. 00 de nos clients ont eu ou ont en ce moment des démêlés avec le système de justice pénale, et les études menées partout au Canada ou aux États-Unis semblent indiquer que ce pourcentage est assez constant chez les personnes atteintes de l'ETCAF. Par conséquent, nous devons encore une fois examiner les facteurs de risque liés à la pauvreté qui, lorsqu'ils sont conjugués, entraînent des démêlés avec le système de justice pénale.
L'Institute of Health Economics a publié récemment une déclaration de consensus qui disait: « Il ne devrait y avoir aucune aide à dédaigner pour les gens atteints de l'ETCAF qui ont besoin d'appui... Les services devraient s'attaquer aux risques cumulatifs... et ne devraient pas être fondés sur des soins isolés. » Je pense que cette déclaration illustre ce que nous devons envisager pour aider les personnes qui vivent dans la pauvreté ou qui sont atteintes de l'ETCAF.
À mon avis, l'intervention précoce et la prévention sont deux aspects particulièrement importants. Encore une fois, lorsque nous envisageons la prévention, nous devons songer à développer des méthodes de prévention centrées sur les femmes, qui cernent le problème dans toute sa complexité. Les femmes enceintes qui vivent dans la pauvreté ont besoin de services de soutien intégrés.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Susan Gwynne-Timothy qui est membre de la Second Opinion Society.
Susan, nous nous réjouissons à la perspective d'entendre quelques-unes de vos recommandations et d'en apprendre un peu sur la Second Opinion Society. Je vous cède la parole pendant sept minutes.
La Second Opinion Society est un organisme sans but lucratif qui offre des services de soutien intégrés et non institutionnalisés aux personnes qui ont survécu à leurs troubles mentaux — aux personnes qui ont survécu à des maladies psychiatriques, mais également aux personnes qui s'inquiètent de leur santé mentale.
C'est une halte-accueil. Nous offrons des services et un programme d'activités principalement récréatives, comme le canot et la randonnée pédestre l'été et le ski de fond l'hiver. Nous organisons des dîners le jeudi et des cercles de discussion et de guérison. Nous avons également une bibliothèque.
La société a été fondée il y a 18 ans. La fondatrice était une Allemande titulaire d'une maîtrise en santé communautaire. Elle était très enthousiaste à l'idée de venir au Yukon et d'utiliser une approche communautaire pour s'attaquer à la façon dont sont traitées les personnes qui ont survécu à des troubles psychiatriques. Elle était passionnée par les approches intégrées et la normalité d'une conception élargie de la nature humaine, par opposition à une version très étriquée de la normalité.
Elle souhaitait également que les gens ne soient pas soignés dans des institutions, mais qu'ils trouvent plutôt des façons de s'aider eux-mêmes au moyen d'habitudes de vie saines. Des études ont montré que les médicaments utilisés en psychiatrie ne sont pas tout ce que l'on prétend qu'ils sont et que si l'on améliore son régime alimentaire, on maintient un bon niveau d'activité physique, etc., et on reçoit l'appui de ses pairs, en particulier, on améliorera beaucoup sa santé mentale. Cela s'applique à tout le monde, même aux gens qui ne sont pas considérés comme normaux.
C'est ce que nous faisons. Nous offrons cette possibilité aux habitants de Whitehorse. Il y a beaucoup d'endroits comme celui-ci dans les grands centres urbains du Canada. Whitehorse a beaucoup de chance d'en avoir un.
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de participer aujourd'hui à cette réunion d'experts et de vous renseigner sur la Second Opinion Society. Je vous en remercie.
J'aimerais soulever trois principaux points. Le premier concerne les logements subventionnés. Nous avons besoin de logements supervisés et d'autres services de soutien, comme les conseils pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, pour les aider à échapper à la pauvreté. Deuxièmement, j'aimerais souligner que les services de soutien continu non institutionnalisés sont beaucoup plus économiques et qu'ils aident à prévenir les crises chez les gens qui ont des problèmes de santé mentale. Gérer les situations de crise nécessite des interventions beaucoup plus coûteuses, comme l'admission à un hôpital ou l'intervention d'un agent de la GRC. Troisièmement, je tiens à mentionner que l'entraide, qui est le principal objectif de la Second Opinion Society, est efficace et ne coûte pas cher.
Il y a une forte corrélation entre la santé mentale et la pauvreté. Les gens qui ont des problèmes de santé mentale sont souvent sans abri ou fonctionnent à un niveau beaucoup moins élevé qu'ils le pourraient si des services de soutien avaient été mis en oeuvre à leur intention. En outre, il y a d'énormes lacunes en ce qui concerne les services qui devraient être offerts.
Le logement supervisé est l'un des principaux services qui doivent être améliorés. Un rapport portant sur les services de santé mentale du Yukon a été rédigé en 2006 par un dénommé Dr Goldner de l'Université Simon Fraser. Selon ce rapport, presque tout le monde s'entend pour dire que parmi toutes les nécessités hautement prioritaires, nous avons grandement besoin de logements supervisés pour les personnes atteintes de graves troubles mentaux ou de troubles liés à l'abus d'alcool et d'autres drogues.
La valeur du logement supervisé est bien documentée dans les ouvrages scientifiques et ce type de logement a été signalé comme étant l'une des meilleures pratiques de la réforme des soins de santé mentale.
Selon le rapport, les autres services de soutien qui pourraient être améliorés sont les services de traitement de jour pour la réadaptation continue. Essentiellement, c'est le domaine dans lequel la Second Opinion Society se spécialise de manière non structurée.
De même, nous défendons leurs intérêts et leur offrons des services d’entraide afin de les aider à se frayer un chemin dans un système dans lequel ils s’égareraient souvent autrement. C’est l’un des problèmes que nous les aidons fréquemment à régler.
Le deuxième point que je veux soulever, c’est qu’étant donné le manque de services continus, les gens qui en ont besoin risquent davantage d’être victimes d’une crise. Ils nécessiteront alors des services beaucoup plus coûteux, comme les hôpitaux et la police. Je ne sais pas si vous êtes déjà allé à Vancouver, en Colombie-Britannique, mais la partie est du centre-ville est tristement célèbre, et 49 p. 100 des appels que la police reçoit en provenance de ce secteur concernent des situations mettant en jeu au moins une personne atteinte d’une maladie mentale. Selon un article qui a paru l’année dernière dans le Vancouver Sun, les policiers interviewés là-bas ont déclaré que la situation avait pris les proportions d’une crise en raison de la fermeture de certaines institutions et du resserrement du financement gouvernemental.
Je tiens à le répéter: tous les services d’urgence sont beaucoup plus coûteux qu’un soutien continu de faible niveau. Si les gens bénéficiaient de meilleurs services de soutien continu, ils ne seraient pas aussi souvent victimes de crises et n’auraient pas aussi souvent besoin de services coûteux.
Le troisième point que j’aimerais soulever, c’est que la Second Opinion Society offre de nombreuses interventions efficaces qui aident les gens à éviter les crises — au cas où vous ne l’auriez pas déjà compris. En tant que petit organisme sans but lucratif, nous fonctionnons avec un budget restreint d’environ 100 000 $ par année. Toutefois, même les tout petits budgets peuvent être mis à l’épreuve, et nous sommes extrêmement sous-financés en ce moment. En fait, notre principal financement, qui provient du gouvernement du Yukon, est demeuré le même depuis le milieu des années 1990.
Selon le Yukon Bureau of Statistics, si l’on compare les prix moyens en vigueur en 1995 à ceux de 2008, ils ont augmenté de 26 p. 100 à Whitehorse. Compte tenu de ces conditions, notre financement fixe nous a placés dans une situation intenable, au point où nous n’avons plus aucune marge de manoeuvre. Malgré cela, nous sommes très fiers de l’énorme quantité de services que nous offrons à nos membres.
Nous tenons un compte des personnes qui nous rendent visite et des services dont ils se prévalent — l’aide entre pairs, le bavardage ou le soutien en temps de crise, ainsi que des services comme l’accès à la buanderie, au téléphone, ou à l’ordinateur, etc.
Nos clients se rangent dans deux principales catégories: les sans-abri ou les itinérants, et les bénéficiaires de l’aide sociale qui vivent près du seuil de la pauvreté même s’ils ont un logement. Les deux groupes ont besoin d’être soutenus de manière continue, d’être défendus, et d’avoir des rapports amicaux. Ceux qui dorment dans la rue ont vraiment besoin d’avoir accès à des buanderies, des douches et des endroits accueillants où se détendre, et ils en bénéficient.
De plus, grâce à nos activités de ski de fond, etc., nous avons prouvé que les activités récréatives amélioraient la santé mentale de toute personne et qu’elles étaient particulièrement bénéfiques aux reclus typiques qui s’assoient, fument et regardent la télévision dans leur appartement. Tout le monde apprécie nos dîners communautaires, nos rencontres et nos cercles de discussion ou de guérison. Cette collectivité est vraiment merveilleuse et forte.
Ces gens sont aussi intensément spirituels. J’ai entendu la dame avant moi parler du genre de désespoir que bon nombre de gens ressentent. Je pense que l’endroit où je travaille est empreint d’espoir, mais c’est parce que nos méthodes sont peu subversives et que nous prenons plaisir à pratiquer notre spiritualité. Cela nous aide à nous sentir mieux. Donc, il règne ici un sens aigu de la communauté qui est vraiment agréable.
Je veux vous raconter l’histoire de quelques personnes. Certains de nos clients viennent en ville et sont incapables de trouver un médecin. S’ils prennent des médicaments qui engendrent une dépendance, à qui peuvent-ils s’adresser? Nous plaidons en leur faveur afin qu’ils obtiennent les soins dont ils ont besoin.
Nous avons une cliente avec qui je fais des exercices de respiration au téléphone, parce qu’elle était presque trop effrayée pour quitter sa demeure. Elle a fait d’immenses progrès au cours des six derniers mois. Elle était dans une situation de crise il n’y a pas très longtemps. Elle n’avait pas de logement, pas de médecin et ne recevait aucun conseil. Elle risquait d’être expédiée dans un hôpital de l’Alberta contre son gré, parce que c’est là qu’on envoie les gens. Ils n’ont nulle part où aller au Yukon.
Nous avons été en mesure de lui prêter une oreille amicale et de lui fournir un soutien pratique, à tel point qu’elle a été capable de se trouver un logement, un médecin et un conseiller. Elle a récemment réussi à déménager dans un nouvel appartement sans paniquer. Elle a cessé d’avoir des démêlés avec la police, et elle mène une vie presque stable maintenant.
Un autre de nos membres fait partie d’une cellule familiale autochtone éprouvée. Elle a survécu à des troubles psychiatriques occasionnés par la liste habituelle de problèmes: le pensionnat, les mauvais traitements, les suicides, etc. Elle travaille maintenant, et sa force de caractère et sa santé lui permettent d’être un roc pour sa famille. Elle est un merveilleux exemple de guérison. Elle a résidé pendant un moment dans un hôpital de l’Ontario mais, depuis son retour, elle est un membre fidèle de notre organisation, et c’est une personne remarquable.
Enfin, j’aimerais attirer votre attention sur l’importance générale des services que nous offrons. Je ne sais pas si la dame qui se tenait à l’extérieur de la salle vous les a donnés, mais j’ai ici deux articles, un canadien et un américain, qui indiquent que l’aide entre pairs fonctionne que ce serait un bon endroit où investir l’argent du gouvernement.
L’article américain cite le psychiatre Daniel B. Fisher, qui a lui-même survécu à des troubles psychiatriques et fait maintenant partie de la commission de la Maison-Blanche sur la santé mentale. Il a déclaré:
Les personnes atteintes de maladies psychiatriques reçoivent de meilleurs soins auprès de personnes qui ont déjà souffert de troubles psychiatriques qu’auprès de médecins et de psychologues traditionnels qui travaillent dans un milieu médical traditionnel.
Il dit, « Nous n’offrons pas un endroit où passer la nuit », et il parle ensuite de ces endroits. Mais les coûts d’exploitation sont à peu près 80 p. 100 moins élevés. Cela fait une énorme différence.
Puis, j'ai un article qui a été publié dans le Globe and Mail par un professeur de la faculté de travail social de l'Université de Toronto. Il affirme que:
Selon une récente étude sur le coût des maladies menée par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), nous dépensons de 8 000 $ à 12 000 $ chaque fois qu'une personne atteinte d'un trouble bipolaire ou de schizophrénie est hospitalisée. Nous choisissons de dépenser ces sommes pour un séjour de 10 à 12 jours à l'hôpital, alors que le même montant nous permettrait de leur offrir des traitements et des services pendant toute une année ou plus.
Je peux en témoigner. Je sais exactement combien de personnes nous servons. Si nous disposions de 8 000 $ à 12 000 $ par personne par année, nous serions morts de rire. Nous en serions très heureux.
Cet article semble également indiquer qu'au moins 10 p. 100 des budgets affectés à la santé mentale devraient être consacrés à des centres d'entraide. Parmi les 10 principales suggestions que l'auteur formule pour améliorer les soins de santé mentale au Canada, la troisième est l'accès à un ami. Bon nombre de gens atteints de maladie mentale veulent parler à d'autres personnes qui ont vécu la même chose. Ils veulent s'entraider. Les systèmes de santé mentale doivent réserver 10 p. 100 de leurs dépenses au financement de programmes d'entraide destinés aux personnes qui vivent avec des gens atteints de maladies mentales. Ils doivent également établir des centres d'activité de jour, des cuisines communautaires et des programmes qui favorisent l'esprit communautaire. J'ai dit qu'on estime que les services de traitement de jour offerts par le gouvernement du Yukon laissent à désirer. Ils existent. Ils sont bons. Ils représentent une bonne norme à suivre, mais ils sont insuffisants.
En résumé, nous aimerions dire que nous sommes très fiers que la Second Opinion Society se soit établie au Yukon, et ce depuis 18 ans, en dépit du fait que notre territoire est peu peuplé. C'est le genre de services qu'on trouve habituellement dans les grands centres urbains.
C'est tout.
Je vais lire mes notes. J'ai apporté des copies. Je ne sais pas si vous les voulez maintenant ou si vous préféreriez que je vous les donne plus tard.
Le Skookum Jim Friendship Centre a ouvert ses portes dans le centre-ville de Whitehorse en 1962. Au début, le centre d'amitié était une salle de réunion où les Autochtones vivant en milieu urbain pouvaient se rencontrer, socialiser et s'entraider lorsqu'ils quittaient leur collectivité pour déménager dans la zone urbaine.
En 1983, le centre a été rénové et est devenu un organisme d'application de programmes et de prestation de services à l'intention des Autochtones en milieu urbain. Le centre d'amitié ne se préoccupe pas du statut des gens et accueille tous ceux qui le visitent, y compris les Indiens inscrits, les Indiens non inscrits, les membres des premières nations, les Métis, les Inuits, et tous les autres. Le Skookum Jim Friendship Centre est régi par un conseil d'administration bénévole composé de membres des premières nations et d'Inuits.
Le centre d'amitié n'est qu'un des 120 centres éparpillés partout au Canada qui offrent des programmes de formation professionnelle et des services qui habilitent les enfants, les jeunes, les femmes, les hommes, les aînés et les familles autochtones. C'est un endroit où nous nous rassemblons pour étudier, apprendre, pratiquer et célébrer nos cultures. Les centres d'amitié sont des endroits sûrs où nos clients peuvent obtenir du soutien et s'acheminer vers la guérison.
Le centre d'amitié de Whitehorse offre des programmes d'enseignement tutoriel parascolaires destinés aux élèves autochtones de niveau secondaire vivant en milieu urbain, un programme prénatal pour les mamans et leurs bébés, un programme de prévention du diabète, un programme de loisirs et d'activités récréatives pour les enfants et les jeunes. Dans le cadre de ce programme, nous offrons des activités dans quatre écoles primaires de la ville, à raison de quatre jours par semaine.
Nous avons un spectacle annuel de folklore, une section de services de formation et de services financiers pour les étudiants, un programme de déjudiciarisation pour les jeunes et un programme de formation au rôle de parent traditionnel dans le cadre duquel nous amenons les participants et les aînés en pleine nature. Nous possédons un centre urbain polyvalent pour les jeunes autochtones qui offre des programmes de leadership des jeunes. Nous jouons également le rôle de bureau régional du Nord pour les centres urbains polyvalents pour les jeunes autochtones, et nous offrons un programme d'approche et de refuge d'urgence pour les jeunes, ainsi que des services de renvoi à nos clients.
Au cours de l'exercice 2008-2009, le programme d'enseignement tutoriel parascolaire a permis aux élèves autochtones de niveau secondaire d'obtenir de la formation en anglais, en mathématique, en études sociales, en science et en dynamique de la vie. La formation en dynamique de la vie comprenait des cours de cuisson axé sur la salubrité des aliments, de secourisme et de conduite, de même qu'un camp d'été d'appoint. Trente-sept élèves autochtones de la 8e à la 12e année ont participé au programme d'enseignement tutoriel. Trois d'entre eux ont obtenu leur diplôme en juin 2009.
En 2009, 63 personnes se sont inscrites au programme de nutrition prénatale. C'est 9 de plus qu'en 2008 et 21 de plus qu'en 2007. Au total, 2 159 jeunes ont participé à nos programmes d'activités récréatives offerts aux jeunes âgés de 6 à 24 ans. Dans le programme de déjudiciarisation pour les jeunes autochtones, on a ouvert 46 dossiers en 2008-2009. Dans 61 p. 100 des cas, les délinquants étaient des jeunes filles.
Le programme de services de formation et de services financiers pour les étudiants comprenait 10 clients financés par le programme ARDA CRF — 6 hommes et 4 femmes — et 8 clients financés par le programme ARDA EI — 5 femmes et 3 hommes. La formation offerte dans le cadre de l'ARDA comprenait des cours relatifs au TMD, au H2S, au SIMDUT, à l'utilisation sécuritaire d'une scie à chaîne, au secourisme, à la conduite automobile, à l'élaboration de sites Web, à la préparation au collège, à l'informatique, etc.
Dix femmes ont participé au programme de formation postsecondaire des TNO: neuf d'entre elles prévoyaient d'aller au Collège du Yukon et l'une d'entre elles avait l'intention de quitter le territoire pour étudier à l'Université de Victoria. Dans la plupart des cas, les étudiants suivaient la formation pour se préparer au collège, pour administrer des bureaux et, dans un cas, pour administrer des affaires. En 2009, six membres du conseil des jeunes autochtones supervisaient le programme de leadership des jeunes et 794 jeunes âgés de 10 à 24 ans y participaient.
Au cours de l'exercice 2008-2009, le refuge d'urgence pour les jeunes a reçu 267 appels de la part de 60 jeunes. On a fait appel au refuge 187 fois au cours de l'année. La majorité des jeunes ont communiqué eux-mêmes avec le refuge d'urgence et, dans la plupart des cas, ils sont retournés vivre avec leur famille.
En ce qui concerne la pauvreté, nous constatons auprès de notre clientèle que le niveau d’éducation des Autochtones en milieu urbain est moins élevé, que le système scolaire ne répond pas aux besoins des enfants et des jeunes autochtones, que peu de jeunes autochtones du Yukon obtiennent leur diplôme d’études secondaires, que le taux de chômage chez les Autochtones en milieu urbain est élevé, que le taux de naissance autochtone s’est accru, que le nombre de familles monoparentales est élevé, que les logements pour les femmes et les enfants manquent, que le taux de diabète chez les Autochtones a augmenté, que le nombre de jeunes délinquants s’est accru, que le nombre de jeunes délinquantes autochtones a augmenté, qu’il y a une pénurie de logements pour les jeunes de 17 à 18 ans qui sont trop âgés pour être placés dans des programmes de protection et trop jeunes pour vivre seuls. Nous voyons une hausse des taux d’abus d’alcool et d’autres drogues chez les jeunes et les adultes, des cas de déficience mentale chez les jeunes, notamment l'ETCAF, une pénurie de logements avec services de soutien et des personnes ayant des déficiences qui deviennent victimes de prédateurs. Nous constatons que nous avons besoin de plus de services de soutien familial et de services de transport sécuritaire pour nos jeunes, que les aînés sont délaissés ou maltraités et que nos aînés autochtones sont confrontés à une pénurie de logements convenables ou qu’ils ont du mal à y avoir accès. Les services et les programmes de soutien offerts aux Autochtones en milieu urbain sont minimes, le nombre de centres des premières nations, de centres d’amitié et d’autres organismes sans but lucratif est insuffisant, et l’infrastructure ne répond pas aux besoins croissants de la collectivité.
Voici ce dont la population autochtone urbaine et les autres membres de la collectivité ont besoin, d’après nous: l’accès à des logements pour tous les groupes, y compris les femmes, les enfants, les familles monoparentales, les aînés et les jeunes; des logements spécialisés pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, ainsi que pour les aînés; des services de soutien familial — nous constatons que même si on leur fournit un logement et d’autres services, ils ont besoin que quelqu’un soit auprès d’eux —; des programmes de lutte contre l’abus d’alcool et d’autres drogues chez les jeunes; l’accès à des aliments sains; l’accès au financement pour les études, y compris des allocations de subsistance, des perspectives de formation en cours d’emploi, de la formation postsecondaire dans le domaine des métiers et au niveau collégial; des perspectives d’emploi; des postes de stagiaire de premier échelon au sein du gouvernement local; des fonds supplémentaires pour financer la formation dans le cadre de l’ARDA destinée aux Autochtones en milieu urbain, et la surveillance de ces fonds de sorte qu’ils soient effectivement utilisés pour la population vivant en milieu urbain; un gouvernement et des entreprises qui font appel aux collectivités autochtones pour combler leurs pénuries de main-d’œuvre; des partenariats pour aider les Autochtones en milieu urbain à progresser; des fonds pour développer l’infrastructure des organismes sans but lucratif qui offrent des programmes et des services; et des ordres de gouvernement qui consultent les centres d’amitié avant d’élaborer des politiques relatives aux Autochtones en milieu urbain.
Dans le Nord, les personnes vivant dans la pauvreté ont du mal à se prévaloir des services en raison du manque de moyens de transport, du climat et des conditions de vie. Dans cette région, la couverture sociale est limitée, ce qui entraîne un taux de surmenage élevé chez les fournisseurs de services et au sein des collectivités.
Pour répondre aux besoins du Nord et réduire la pauvreté, tous les ordres de gouvernement et les organismes sans but lucratif doivent collaborer afin d’aider les gens à trouver des logements ou à accéder à la propriété de leur logement. En outre, en offrant des programmes de promotion professionnelle visant à aider les gens à profiter de tout un éventail de perspectives en matière d’éducation qui répondent à leurs besoins et leur permettent de décrocher un emploi intéressant, on contribuera à réduire davantage la pauvreté.
Merci.
Je vous remercie d’être venues cet après-midi et de nous avoir révélé ce que nous avons besoin de savoir, c’est-à-dire comment élaborer un plan de lutte contre la pauvreté pour le Canada.
Il y a pas mal de choses qu’on pourrait dire et que certaines personnes approuveraient ou désapprouveraient. Mais je pense qu’il y a une chose qu’à peu près tout le monde au pays désapprouverait, et c’est quelqu’un qui arriverait et dirait: « Je viens d’Ottawa et je suis venu vous aider. » Je pense que tout le monde comprend qu’une affirmation de ce genre ne tient pas debout dès le départ.
Les solutions aux problèmes qui existent dans les collectivités se trouvent dans les collectivités. Je pense que les centres d’amitié autochtones en sont un parfait exemple.
Je veux vous lire un passage tiré du rapport de Campagne 2000, qu’ils nous ont remis la semaine dernière lorsqu’ils sont venus sur la colline du Parlement pour nous parler de la résolution, que nous avons prise en 1989, d’éliminer la pauvreté infantile au Canada avant l’an 2000. Je vais simplement lire la page 5 du rapport:
En 2006, suivant la croissance régulière de la population autochtone urbaine au Canada, plus de la moitié — 54 p. 100 — des Autochtones vivait dans une agglomération urbaine. Pourtant, le financement accordé aux centres d’amitié autochtones offrant des services culturellement adaptés aux… communautés hors réserve n’a pas été augmenté depuis 1996, ce qui exerce des pressions indues sur les ressources humaines et financières restreintes pour répondre aux besoins de ces communautés.
Nous avons entendu ce que les centres d’amitié autochtones avaient à nous dire; nous en avons entendu un hier à Vancouver. Nous connaissons tous les centres d’amitié autochtones. Il me semble que ce serait une recommandation très sensée. Je ne pense pas que vous ayez précisément demandé des fonds supplémentaires pour les centres d’amitié autochtones, mais j’imagine que cela ne vous nuirait pas, n’est-ce pas?
Oui. En fait, nous avons organisé une journée de lobbying sur la colline du Parlement le 17 novembre. J’y ai participé et j’ai rencontré un certain nombre de députés afin de leur parler de cette question. Nous avons également sollicité l’appui de notre député local.
Votre député local a tenté d’en persuader bien d’autres.
J’ai reçu la visite des responsables du centre d’amitié autochtone. Je pense que nous nous entendons tous pour dire qu’ils font un merveilleux travail, et c’est une chose que nous devrions certainement mentionner dans notre rapport. Merci.
Brooke, je suis le parrain d’une fille atteinte de l’ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale. Elle est formidable. Elle se débrouille plutôt bien ces temps-ci. Ma soeur et son conjoint l’ont adoptée en Ontario. La situation est toujours difficile, mais ils disposent de certaines ressources pour y faire face. Ce serait extrêmement pénible s'ils vivaient dans une collectivité où il y a peu d’argent ou de soutien disponible pour les aider à composer avec l’ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale.
Dans votre exposé, lorsque vous avez mentionné que 13 p. 100 des gens étaient complètement sans abri et que 7 p. 100 étaient généralement sans abri, parliez-vous de personnes atteintes de l’ETCAF ou de femmes enceintes qui risquent de donner naissance à un bébé atteint de l’ETCAF? De qui est-il question?
Je parlais précisément de notre clientèle, c’est-à-dire des personnes qui ont été diagnostiquées comme ayant l’ETCAF.
Elles ont été diagnostiquées comme ayant l’ETCAF.
Quelle est la solution à ce problème? Évidemment, il y a des programmes d’intervention précoce et d’éducation. Quels sont les aspects que nous devrions examiner dans notre rapport pour faire face à l’ETCAF?
Je ne crois pas qu’il y ait une solution unique au problème. Une des difficultés, à mon avis, c’est que les besoins sont nombreux. À la base, je pense que chaque personne a mentionné que le logement subventionné est l’un de nos besoins les plus criants. Si nous pouvions offrir des logements subventionnés tant aux personnes atteintes de l’ETCAF qu’aux femmes enceintes, nous aurions alors une base pour gérer certains des autres problèmes, qu’il s’agisse de l’abus d’alcool ou d’autres drogues, ou des problèmes de santé mentale.
En réalité, nous constatons que nos systèmes sont organisés de manière à ne gérer qu’une partie de la personne. Nous avons des services de santé mentale, des services de toxicomanie et des services de santé. Une personne atteinte de l’ETCAF aurait besoin de presque tous ces services. Il arrive parfois qu’une personne devienne trop âgée pour être prise en charge par les services de protection de la jeunesse, qui sont souvent très structurés. Qu’elle vive en famille d’accueil ou en foyer de groupe, si elle n’habite pas avec sa famille biologique ou sa famille adoptive, tous les services de soutien auxquelles elle a accès cessent lorsqu’elle atteint 17 ou 18 ans. Michelle a parlé de cette période pendant laquelle ces jeunes n’ont accès à aucun service.
Dans une situation de développement typique, une personne parviendrait habituellement à l’âge adulte et serait en mesure de vivre seule. Ce que nous observons chez les personnes atteintes de l’ETCAF, c’est qu’elles ont besoin de ces services de soutien pendant toute leur vie. Tant à l’échelle fédérale qu’à l’échelle provinciale, le système n’a pas été nécessairement conçu pour répondre au besoin que ces gens ont de recevoir des services à vie dans un logement subventionné. Il se peut que nous accordions ces services au cas par cas. Une personne peut obtenir un logement avec services d'aide à l'autonomie, si quelqu’un plaide fermement en sa faveur.
Idéalement, nous voulons que le système s’occupe de ces gens dès le début et qu’ils aient droit à des services à vie plutôt qu’à des services fractionnés ou cloisonnés.
Je ne suis pas certaine d’avoir répondu à votre question.
Je comprends que les services doivent travailler ensemble afin que les gens puissent trouver dans le système quels sont les soutiens offerts aux personnes chez qui on a diagnostiqué un ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale. Cela dit, si vous avez des recommandations précises en termes de la façon dont le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec les gouvernements territoriaux et provinciaux ou apporter sa contribution par le biais de Santé Canada ou d'un autre ministère, je serais très intéressé à les recevoir afin que nous les prenions en considération dans le rapport.
Au sujet de la santé mentale, M. Mike Kirby a témoigné devant le comité au printemps. Nous lui avons demandé ce qui peut être fait précisément pour les usagers des services en santé mentale, les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, et il nous a fourni deux réponses: la première étant le logement. Tout le monde nous a mentionné le logement, et nous avons de bons exemples.
Dans ma ville, Dartmouth, en Nouvelle-Écosse — je suis Néo-Écossais —, il y a ce qu'on appelle le logement favorisant l'intégration. Les adultes qui ont affronté des problèmes de santé mentale y vivent en payant un loyer, en vue de devenir propriétaires. L'objectif que cela leur donne et la dignité qui en découle font une énorme différence. Cette initiative remporte beaucoup de succès.
Qu'il s'agisse de gens aux prises avec des problèmes de santé mentale ou avec un handicap, de personnes âgées à faible revenu, de parents uniques ou de mères monoparentales, on commence à comprendre qu'on ne peut pas simplement construire des logements tout ce qu'il y a de plus banal en disant avoir accompli le travail. Ils doivent être intégrés à la communauté. Il doit s'agir d'immeubles résidentiels mixtes de bonne qualité, et le projet de Dartmouth est un bon exemple.
J'aimerais avoir votre opinion, madame Gwynne-Timothy, sur un autre commentaire de M. Kirby selon lequel l'infrastructure sociale du Canada n'est pas conçue pour aider les gens souffrant de déficience mentale, diagnostiquée ou non, notamment ceux éprouvant des troubles passagers. Par exemple, ils ne peuvent pas recevoir de prestations de maladie en vertu du régime d'assurance-emploi. Notre système n'est pas très flexible pour répondre aux besoins de nombreuses personnes, dont celles aux prises avec un handicap ou des problèmes de santé mentale.
Je me demande ce que vous pensez du système canadien.
Selon moi, ce qui ressort de vos propos est la dignité et l'accès à l'autonomie. Si l'on donne une chance aux gens, à ceux diagnostiqués en psychiatrie... Tout d'abord, je crois qu'il s'agit d'un Canadien sur cinq. Je ne suis pas très sûre quant aux statistiques.
Un autre point est qu'environ 90 p. 100 de la population souffre de dépression ou d'un quelconque problème lié à un deuil ou à la perte d'un être cher à un certain moment dans la vie. Donc, une partie du travail à faire est de briser le tabou.
Si les gens apprenaient à prendre soin de leur santé mentale de la manière qu'on nous enseigne tous... Je me souviens que lorsque j'étais enfant on nous disait qu'un Suédois de 60 ans était en meilleure santé qu'un Canadien de 35 ans. Soudainement, on s'est mis à nous faire faire plus d'activités physiques à l'école. Il faut s'attarder à ce genre de point de vue terre-à-terre selon lequel il faut s'occuper de sa santé mentale.
Actuellement, prendre soin de sa santé mentale est perçu soit comme un luxe que s'offrent les hypocondriaques aux poches pleines pouvant se payer des thérapeutes, soit comme une question qui touche les sans-abri. Si les gens voyaient cela autrement... Oui, j'en arrive à une réponse. Si les gens estimaient qu'il valait la peine de s'attaquer à cette problématique parce que c'est nécessaire, au même titre que de la nourriture décente, alors la question serait réglée. Il faut changer les mentalités en lançant une campagne gouvernementale...
Je veux simplement mettre au clair ce que vous avez dit. Vous aviez trois recommandations pour nous — vous avez mentionné trois enjeux —, qui figurent dans les notes que j'ai consultées. La première était le logement subventionné. C'est compris. Vous avez aussi fait valoir qu'il est moins coûteux d'aider les gens dès que le besoin se fait sentir plutôt que d'attendre qu'ils soient en crise et qu'ils doivent être pris en charge par le système de justice criminelle ou les hôpitaux. Enfin, vous avez parlé d'entraide. Est-ce bien les trois points principaux de votre argumentation?
Oui, c'est bien cela, mais j'estime avoir été plus loin avec l'idée de l'entraide. On devrait pouvoir compter sur l'aide de ses proches à tout moment. Si les gens étaient plus au fait dans ce domaine, il ne paraîtrait pas si étrange d'en parler. Donc, oui, l'entraide est vraiment économique.
Le problème, c'est que les personnes souffrant de déficiences mentales ont tendance à s'isoler. Ces gens ne veulent pas parler d'eux, alors ils se cachent plutôt que de s'afficher en disant être normaux, comme cette personne — peu importe son nom — qui travaille pour le président des États-Unis dont j'aborde le cas dans un de mes articles.
On doit parler de santé mentale. On doit en parler plus et y consacrer davantage d'argent. Dans l'article du Globe and Mail que vous devez avoir, le journaliste explique qu'il serait relativement facile de simplement dépenser un peu plus de sous pour faire une grande différence. Il mentionne que le Canada dépense vraiment peu d'argent en santé mentale, comparativement à d'autres pays, et qu'on pourrait très facilement changer la situation.
Nous avons amorcé une initiative positive dans cette direction avec la Commission de la santé mentale du Canada.
Beaucoup de discussions ont eu lieu ces derniers jours. Nous étions à Vancouver hier, nous sommes ici aujourd'hui et nous serons à Yellowknife demain pour ensuite aller à Edmonton et à Winnipeg. Nous avons reçu un grand nombre de témoignages.
Nous en venons à penser qu'il est plus dispendieux de ne rien faire au sujet de la pauvreté que d'investir maintenant, que ce soit pour offrir de l'aide en santé mentale ou aider les jeunes à risque, ou d'injecter des fonds dans les soins aux enfants plutôt que dans les prisons.
En tant que pays, nous devons faire le choix d'investir dans la prévention et un mode de vie sain, sinon nous finirons par en payer le prix. Je suis convaincu que vous êtes tous d'accord pour dire qu'il est plus logique d'investir maintenant.
À ce sujet, il est question de redéfinir la conception que se font la population et le monde politique. Souvent, avec la prévention, il faut du temps pour constater l'effet de nos actions.
Nous pouvons affirmer avoir bâti plus de prisons, ce qui est très concret. Nous devons changer le paradigme aux niveaux de la population et des milieux politiques.
Effectivement.
Les travaux de ce comité sont bénéfiques. Tous ses membres ont bien exercé leurs fonctions. Plusieurs d'entre nous sont absents à cause d'un incident survenu à Ottawa. Je suis très convaincu que vos observations donneront lieu à un rapport qui contribuera éventuellement à améliorer les choses. Lorsque ce sera fait, nous vous remercierons pour votre contribution, comme nous le faisons aujourd'hui.
Merci, monsieur Savage.
Nous allons donner la parole à M. Martin. Je suis désolé, mais M. Savage a utilisé la moitié de votre temps de parole. Non, vous avez sept minutes, vous pouvez y aller.
Je voudrais tout d'abord, comme tous mes autres collègues, vous remercier de votre présence et de vos témoignages.
J'espère que nous pourrons mener à terme nos audiences sous peu et que nous ne tarderons pas à présenter au Parlement un rapport pour demander que des mesures soient prises afin de lutter contre la pauvreté, tant ses causes que ses symptômes. Voici ce que je répète sans cesse, et mes collègues sont probablement fatigués de m'entendre: il y a trois aspects — il y en a d'autres, j'en suis convaincu — auxquels nous devons accorder la priorité. Le premier, c'est la sécurité du revenu. Le deuxième, c'est le logement, le logement subventionné, auquel tous ont fait allusion au moins une fois. Le troisième, que vous avez, je pense, toutes les trois bien abordé, c'est l'inclusion sociale dans toute son intégralité, c'est-à-dire que nous devons trouver les moyens de restructurer nos collectivités pour qu'elles puissent mieux aider les personnes ayant des besoins particuliers et les faire participer sainement aux activités quotidiennes des autres membres de la société.
Nous avons appris que le Yukon travaille à une stratégie sur l'inclusion sociale, ce qui implique l'exclusion sociale. La stratégie portera notamment sur la pauvreté, le logement, l'éducation, l'emploi et la participation sociale. J'aime la façon dont elle est structurée. Ses recherches et ses statistiques fondées sur des données probantes ainsi que ses indicateurs sociaux aideront le gouvernement à adopter les mesures pertinentes afin d'atteindre l'objectif visé, c'est-à-dire aider tous les membres de la société et promouvoir des modes de vie sains.
Participez-vous à l'élaboration de cette stratégie? Vous a-t-on mises à contribution? Que pensez-vous de cette stratégie? N'importe laquelle d'entre vous peut répondre.
Je peux répondre en premier.
Ce que je comprends jusqu'à présent de cette stratégie, c'est que le gouvernement territorial a annoncé qu'il présentera tout d'abord une version provisoire pour ensuite nous remettre la version définitive. Il s'ensuivra une série de réunions, de forums et de sommets où tous pourront faire connaître leur opinion. Le gouvernement a mené à bien la première étape. C'est ainsi que je vois les choses.
Michelle, je ne suis pas certaine...
Je suis encore un peu néophyte à cet égard. Je suis en fonction depuis quelques mois seulement. J'ai bien peur de ne pas avoir d'idée bien arrêtée sur la question, du moins pour l'instant.
Si j'ai bien compris, Mike McCann travaille depuis longtemps à cette idée de stratégie d'inclusion sociale, et le dossier est remonté jusqu'au Cabinet qui a approuvé la solution proposée. La mise en oeuvre incombera au gouvernement pendant environ la première année. Par la suite, la collectivité, un organisme à but non lucratif ou une autre organisation sera mis à contribution.
Je peux simplement vous dire que notre organisme n'a pas encore été mis à contribution. Il a été convoqué à une réunion, qui n'a pas encore eu lieu. Nous n'avons pris connaissance d'aucun document.
Certainement que je l'espère. J'espère aussi que nous aurons l'occasion de faire connaître notre opinion avant l'élaboration du document définitif.
Comme je l'ai signalé dans mes recommandations, nous demandons au gouvernement de consulter les centres d'amitié sur la stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Encore une fois, notre organisme aimerait être consulté avant l'élaboration du rapport.
Il m'arrive de penser qu'on nous réserve toujours pour la fin, c'est-à-dire qu'on sollicite notre opinion après coup, nous demandant simplement d'endosser le produit final. Ce n'est pas uniquement le gouvernement territorial qui agit ainsi, ce sont tous les ordres de gouvernement. Ce serait bien que notre avis soit sollicité au début du processus.
Si nous mettions davantage à contribution la collectivité au stade initial du processus pour certains de ces problèmes, nous pourrions, il me semble, procéder à une mutation profonde des mentalités et des attitudes, qui amène soudainement les gens à vouloir avoir voix au chapitre au lieu d'être considérés comme le problème, une mutation qui enthousiasme les membres de notre collectivité ayant des compétences particulières qui n'étaient pas reconnues auparavant, entre autres.
Encore une fois, j'espère que nous pourrons intégrer à notre rapport certains de ces aspects et certaines des recommandations que vous avez formulées aujourd'hui. Je ne vois pas encore très bien comment nous y parviendrons, mais le gouvernement fédéral pourrait apporter sa contribution et appuyer les mesures mises en oeuvre pour favoriser l'inclusion sociale.
Merci.
Cela me fait penser à une notion dont je pourrais vous parler. Au Canada, on considère que, si vous avez un appartement et êtes autonome, vous possédez le bien le plus cher. Dans un sens, Il y a d'autres aspects dont il faut tenir compte par rapport au logement subventionné.
En outre, nous avons participé, il y a quelques semaines, aux travaux d'un groupe sur l'approche des Autochtones en matière de santé mentale, et j'en ai conclu que ne s'applique pas à tous la solution qui consiste à offrir un logement aux personnes qui vivent dans la rue et à dire qu'elles s'en tireront mieux ainsi. Je vous en prie, cette solution ne convient pas à tous. Certains préfèrent ne pas avoir d'adresse fixe, comme dans le bon vieux temp. Je pense que nous nous engageons sur un terrain très glissant. Je m'attaque à l'idée toute faite qu'avoir un appartement à soi constitue la solution. Je ne dis pas que ce n'est pas une solution. Par conséquent, il serait utile de mettre les gens à contribution au stade initial du processus, comme vous l'avez signalé.
Oui.
Je suis d'accord avec vous qu'il faut se pencher sur la question de la santé mentale et que les attitudes doivent changer à cet égard. Lorsque quelqu'un dit éprouver des problèmes de santé mentale, on pense systématiquement qu'il est fou. S'il fait quelque chose qui sort un peu de l'ordinaire, on se dit: « Problème de santé mentale, bien sûr! »
Comment pourrions-nous enlever cette connotation péjorative et faire disparaître ces préjugés? Que faut-il faire pour se prendre en main? Qu'en pensez-vous? Que proposez-vous?
À mon avis, l'entraide est d'un secours incommensurable à cet égard. Dans un cours de yoga, j'ai appris comment cette technique peut nous aider lors d'une situation d'urgence, notamment si vous êtes en proie à une vive émotion et croyez avoir perdu la tête. Après vos mouvements de yoga et vos exercices de respiration fondés sur les approches corporelles, vous reprenez le dessus. Vous vous rendez compte que vous avez mûri et qu'il suffisait simplement de contourner le mur qui se dressait littéralement devant vous. Soudainement, vous avez acquis de la maturité et vous savez comment réagir, même si vous avez vécu une grave crise.
J'espère que je ne vais pas trop loin sur le plan philosophique, mais je pense que nous pourrions régler bien des problèmes si nous nous arrêtions à l'aspect mental et à l'entraide. Nous constaterions ainsi que la santé mentale va de pair avec la santé physique. Nous en sommes presque rendus là grâce au chemin parcouru ces 20 dernières années.
C'est notre cheval de bataille à la Second Opinion. Society. Recourir aux médicaments, notamment aux antidépresseurs, coûte cher. C'est également contraire à un mode de vie sain. Ces médicaments créent rapidement un cycle de dépendances. Il faut se fier à soi et chercher les causes du problème. Nombreux sont ceux qui s'en tirent beaucoup mieux avec les approches corporelles et la ludothérapie.
Il conviendrait de sensibiliser la population au fait que les médicaments ne font que masquer les problèmes. Cela équivaut à prendre du Claritin pour soigner vos allergies. Ce n'est qu'une solution temporaire. Claritin ne fait que traiter les symptômes, mais se révèle inefficace pour traiter le problème en profondeur. Si mon petit garçon souffrait d'éruptions, j'en chercherais la cause, je m'y attaquerais et il ne serait pas obligé de prendre du Claritin. C'est une analogie.
Deux ou trois choses me viennent à l'esprit. Je sais que vous avez parlé de santé mentale. D'après les organismes communautaires, on craint l'autre et on exclut la personne aux prises avec un trouble mental, la toxicomanie et le TSAF. On les exclut. On les craint. Il y a un aspect lié à la criminalité et à ce qu'on appelle le comportement imprévisible.
Sur le plan de l'éducation communautaire, nous devons dissiper la crainte de l'autre. Il faut montrer l'envers de la médaille. Comptons sur nos forces et nos capacités au lieu de nous concentrer sur les problèmes. Nous voyons les forces et les capacités des gens avec qui nous travaillons. Les autres membres de la collectivité ne s'en rendent pas compte. Les médias nous racontent comment des personnes atteintes de troubles mentaux ou du TSAF en arrivent à commettre des crimes et à devenir un danger pour la société, mais nous ignorons souvent l'envers de la médaille.
J'ignore si cela fait partie de la stratégie, mais il faut certes compter sur l'inclusion sociale pour mettre en valeur ces forces et ces capacités afin que l'accent ne soit plus mis sur le problème. Il ne faudrait pas envisager que les troubles mentaux, la toxicomanie le TSAF sont tous des problèmes et qu'ils ne laissent entrevoir aucun espoir.
Je pense que nous ferons évoluer les choses lorsque nous modifierons le message véhiculé et nos interventions dans la collectivité. C'est peut-être là mon côté optimiste.
Michelle, vous avez fait allusion aux programmes de déjudiciarisation pour les jeunes. J'ai joué un rôle dans l'un de ces programmes dans le Lower Mainland. Pourriez-vous me parler un peu du vôtre?
Notre programme vise les jeunes de 12 à 17 ans. Au lieu d'être traduits devant les tribunaux lorsqu'ils ont commis des infractions mineures — consommation d'alcool, contravention, introduction par effraction ou violence physique —, ces jeunes sont inscrits à l'un des trois programmes que nous avons à Whitehorse.
Ils sont alors adressés à notre centre. Ils y suivent un programme de huit semaines et doivent également respecter les conditions que leur a imposées le tribunal. Il faudra peut-être avoir recours à d'autres organismes.
Deux jours par semaine, ils assistent à nos séances d'une heure et demie à deux heures. Après cette période de huit semaines, ils se présentent de nouveau devant le tribunal pour prouver qu'ils ont satisfait aux exigences. Les jeunes n'ont donc pas de casier judiciaire et peuvent accéder à un mode de vie plus sain.
Un spécialiste en aide aux familles travaille de concert avec le coordonnateur du programme de déjudiciarisation. Nous avons également recours à des facilitateurs. Le spécialiste peut rencontrer les jeunes lors de séances individualisées.
Je peux vous citer l'exemple d'une famille dont trois enfants ne fréquentaient plus l'école. L'un de ces enfants participait à notre programme de déjudiciarisation. Le spécialiste a rendu visite à la famille, et il a aidé non seulement le jeune inscrit à notre programme mais également toute la famille, notamment en établissant un horaire pour montrer ce qu'est une journée normale lorsqu'il faut se lever le matin et préparer les enfants à se rendre en classe. Les trois enfants de cette famille sont tous retournés à l'école.
Cependant, il faut beaucoup d'efforts. Parfois, il est très difficile d'obtenir l'adhésion et la participation du jeune et celles de la famille.
Je tiens simplement à remercier tous nos témoins de leur présence. Nous sommes convaincus que vous travaillez d'arrache-pied dans la collectivité, et nous souhaitons pouvoir formuler des recommandations qui viendront vous appuyer en ce sens.
Je vous remercie encore d'avoir trouvé du temps pour venir comparaître.
La séance est levée.
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