HUMA Réunion de comité
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CANADA
Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 1er décembre 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la contribution fédérale visant à diminuer la pauvreté au Canada.
J'aimerais d'abord prendre quelques instants pour souhaiter la bienvenue à nos invités. Je tiens à vous remercier infiniment d'avoir réussi à trouver le temps, dans votre horaire chargé, pour nous parler des activités en cours dans votre communauté, des exemples de réussite et des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour mieux vous aider dans votre travail de première ligne, qui consiste à prendre soin de nos personnes les plus vulnérables.
Nous avons voyagé dans l'Est et dans l'Ouest du pays, mais les membres du comité ont jugé que nous devions nous rendre un peu plus loin dans le Nord. De façon générale, lorsque nous avons effectué notre étude sur l'employabilité il y a deux ou trois ans, nous ne sommes pas venus dans le Nord; nous le faisons maintenant, et j'aimerais vous remercier pour votre accueil à ce jour. Encore une fois, je tiens à vous remercier de votre présence ici tôt ce matin.
Je ne veux pas prendre plus de temps pour vous parler. Nous allons maintenant écouter la déclaration préliminaire.
Je cède la parole à Julie Ménard. Madame Ménard, vous disposez de sept minutes. Je vais tenter de vous faire signe lorsque cette période sera presque écoulée; je ne vous couperai pas la parole, mais j'apprécierais que vous vous limitiez à sept minutes. Par la suite, nous demanderons aux députés de poser leurs questions ou de clarifier, s'ils le désirent, certains des points que vous aurez abordés.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Julie Ménard, de la Banque alimentaire de Whitehorse.
Merci de votre présence. La parole est à vous. Vous avez sept minutes.
Depuis au moins dix ans, nous discutons, à Whitehorse, de la possibilité d'offrir un service de banque alimentaire aux citoyens les plus démunis. Il était évident que nous avions besoin de ce type de service. Nous avons ouvert nos portes le 30 avril dernier. C'est donc un tout nouveau service. Le conseil a travaillé sur ce projet pendant plus d'un an avant son lancement. Avant avril 2009, je pense que la ville de Whitehorse était la dernière capitale au Canada à ne pas offrir ce service à sa population. C'est une bonne nouvelle pour nous, et le service fonctionne bien.
J'aimerais vous donner quelques chiffres sur la situation ici. Depuis avril, nous avons eu 750 clients. Ils ont dû remplir des formulaires pour vérifier leur admissibilité, et ces formulaires concernent 1 470 personnes. Un client peut représenter de une à neuf personnes. Nous avons un ménage de neuf personnes.
La banque alimentaire compte un employé, et je suis cette personne. Il y a aussi des bénévoles qui sont au nombre de 100. Ce nombre ne cesse d'augmenter, de sorte que la dynamique change rapidement. Nous avons 50 bénévoles actifs la plupart du temps.
Chaque mois, nous recevons un grand nombre de dons en argent ou en denrées de la part d'environ 75 personnes ou entreprises. Nous distribuons à nos clients environ 300 sacs de denrées chaque mois. Ces clients ne viennent pas tous les mois; bon nombre d'entre eux ne font que passer par Whitehorse, particulièrement pendant l'été, car ils ont entendu parler de la Banque alimentaire. Ils viennent nous voir pour obtenir un sac et ils poursuivent leur chemin.
La ville de Whitehorse compte environ 23 000 âmes. De ce nombre, on estime qu'environ 5 p. 100 de la population a besoin des services de la Banque alimentaire, mais ce n'est pas la réalité parce que, comme je l'ai mentionné, certaines personnes ne font que passer par Whitehorse ou viennent des collectivités environnantes. Nous ne servons pas uniquement les citoyens de Whitehorse; nous fournissons aussi des services aux collectivités locales. Des gens viennent de Mayo pour obtenir un sac de denrées. Le besoin existe, et il est présent dans l'ensemble du Yukon.
Quiconque possède un numéro d'identification peut devenir client de la Banque alimentaire. Actuellement, les clients ont droit à un sac de denrées par mois seulement, ce qui équivaut à environ trois jours de nourriture. Il y a, dans ce sac, des aliments frais et des conserves. En fonction du jour, nous pouvons offrir des articles supplémentaires. La plupart des denrées que nous offrons proviennent de dons, mais nous achetons aussi quelques articles frais chaque semaine.
Il y avait un besoin. Au Yukon, nous avions des services d'urgence pour les personnes de passage qui leur permettaient d'obtenir quelques denrées pour la journée, mais c'est la première fois que ce service existe en permanence.
L'expérience est concluante, et l'objectif dans un avenir prochain est de donner deux sacs de denrées aux clients chaque mois pour subvenir à leurs besoins pendant au moins une semaine. Notre objectif à long terme est de cesser d'exister: nous pourrons fermer nos portes parce que tout ira bien.
Nos clients viennent de tous les milieux. La plupart d'entre eux sont des hommes célibataires vivant de l'aide sociale, mais nous comptons aussi un grand nombre d'immigrants, de mères monoparentales, de membres des premières nations ou de personnes qui ont simplement perdu leur emploi. Leur voiture peut être en panne et ils sont incapables de payer les réparations nécessaires.
J'ai remarqué que de nombreuses personnes ne sont pas en mesure d'acheter des aliments en raison du coût de leur logement. Le prix des loyers est tellement élevé ici que la plupart du temps, les gens y consacrent tout leur budget. Lorsqu'il y a une augmentation du prix des loyers, les gens font davantage appel à nos services. J'ai aussi remarqué qu'au début de la période scolaire, les gens ont de la difficulté à payer tous les vêtements nécessaires à l'approche de l'hiver, en plus du matériel scolaire qu'ils doivent se procurer. À l'approche de l'été, c'est une toute nouvelle clientèle qui afflue. L'an prochain, nous en serons à notre deuxième été, ce qui nous permettra de vérifier si la tendance est la même.
D'après mes observations, je pense que le gouvernement fédéral pourrait mettre en place une stratégie nationale contre la pauvreté au Canada. Il faudrait que les objectifs de cette stratégie soient clairs et réalisables en plus d'être applicables à toutes les provinces et tous les territoires au Canada. Nous établissons parfois des stratégies ambitieuses pouvant convenir à une ville comme Toronto, mais des stratégies ne sont peut-être pas adaptées aux petites administrations comme celle de la ville de Whitehorse.
La situation n'est pas facile parce que nous n'avons pas de statistiques sur l'utilisation des abris ou de nos ressources alimentaires à Whitehorse ou au Yukon. C'est d'autant plus difficile que nous n'avons pas de statistiques actuellement. Nous avons dû prouver que nous avions besoin d'une banque alimentaire à Whitehorse parce que nous n'avions pas ces statistiques. Tous les fournisseurs de service, dont la plupart sont situés à Whitehorse, savaient qu'il existait un besoin, mais nous n'avions pas de données pour le prouver.
Nous avons aussi besoin d'une statistique nationale en matière d'hébergement qui pourrait faire partie de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Je pense aussi que nous devrions travailler avec les organisations nationales afin de trouver la source du problème de pauvreté. Je crois que nous devons faire preuve d'imagination pour créer et réinventer le système, qui ne fonctionne pas vraiment actuellement.
Merci beaucoup, madame Ménard.
C'est maintenant autour de la personne située à votre droite, et j'ai nommé Laurie MacFeeters, qui représente la Coalition anti-pauvreté du Yukon.
Merci de votre présence. Vous avez sept minutes pour présenter votre exposé.
Merci, monsieur Allison.
Merci, de m'avoir donné l'occasion de présenter un exposé aujourd'hui, et merci de vous être déplacés dans le Nord. C'est très important pour nous de faire partie de vos voyages nationaux.
La mandat de la Coalition anti-pauvreté du Yukon est de faciliter l'élimination de la pauvreté au Yukon par la sensibilisation, l'action militante et l'intervention. Créée en 1996, notre Coalition compte plus de 130 membres qui forment une équipe axée sur l'intervention et qui travaillent en partenariat avec d'autres membres de la collectivité sur diverses questions entourant se rapportant aux denrées, au logement et à l'accès aux services. Aujourd'hui, je veux vous dire que j'appuie les recommandations et suggestions que vous êtes susceptibles d'entendre dans tout le pays. J'aimerais vous donner une idée du point de vue du Yukon en ce qui concerne son expérience à l'égard des initiatives fédérales qui donnent des résultats et des initiatives qui pourraient être améliorées.
J'aimerais parler particulièrement du processus et susciter une réflexion sur les deux sujets que nous avons trouvés très pertinents dans notre lutte contre la pauvreté, à savoir la collaboration interorganisme et la participation des utilisateurs de services.
En ce qui concerne la collaboration, je fais référence en particulier aux solutions de logement. Le gouvernement fédéral doit réinvestir dans les programmes de logements sociaux pour s'assurer que les personnes et les familles à faible revenu ont les moyens d'acheter des logements adéquats, sécuritaires et abordables. Nous avons besoin d'une gamme complète de logements, qu'il s'agisse de logements, d'unités résidentielles pour personnes autonomes ou encore d'unités résidentielles pour personnes non autonomes, de même que des installations de qualité disponibles à tous les niveaux et des programmes visant à s'assurer que les personnes vivent dans la dignité et jouissent de la plus grande autonomie possible.
Le Canada doit mettre en place une stratégie nationale en matière de logement afin que chaque province ou territoire vise le même objectif. Grâce à la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, le gouvernement fédéral est parvenu à faciliter la collaboration entre les collectivités et le financement de projets. La collaboration interorganisme, qui visait à réunir tous les joueurs clés à la même table, a donné des résultats très positifs. Nous reconnaissons le rôle de catalyseur que le gouvernement fédéral a joué dans cet exemple; l'octroi de sommes supplémentaires et un processus d'exécution moins coûteux de ce programme profiteraient aux personnes vivant dans des logements inadéquats et à celles qui tentent de les aider.
En ce qui concerne la participation des utilisateurs de services et la conception de programmes, il est essentiel que les personnes vivant dans la pauvreté participent à la recherche de solutions, et nous espérons que votre processus comprendra ce genre de consultation. Selon notre expérience au Yukon, ce type de consultation a été très utile. En voici un bref exemple:
Il y a environ 10 ans, un groupe de discussion, comptant essentiellement des mères monoparentales sur l'aide sociale, s'est réuni un samedi après-midi dans la région. Le groupe devait se prononcer notamment sur la façon d'utiliser une petite somme d'argent versée par le gouvernement fédéral pour des services aux enfants. Un représentant du gouvernement des territoires participait à ce groupe, et il a formulé quelques suggestions. Les autres membres du groupe ne pensaient pas que ces idées allaient vraiment faire une différence.
Les membres du groupe se sont ensuite entretenus sur la peine qu'ils ont eue de ne pas pouvoir inscrire leurs enfants à des cours de musique ou à des activités sportives en compagnie de leurs amis, parce que ces activités dépassaient largement leurs moyens. C'est grâce à cette conversation et à la participation des membres de ce groupe de discussion que le Kids Recreation Fund a pu être établi ici. Le gouvernement des territoires, des entreprises et des particuliers ont également collaboré à ce fonds, et depuis 1999, plus de 4 000 enfants ont profité du programme. Les capitaux de démarrage versés par le gouvernement fédéral ont été dépensés en tenant compte des préférences des bénéficiaires concernés, ce qui a permis d'établir un programme très efficace.
J'aimerais aussi parler des liens nationaux et certains sujets d'intérêt à l'échelle pancanadienne.
La Coalition anti-pauvreté du Yukon appuie Dignité pour toutes — la campagne pour un Canada sans pauvreté. Nous savons que vous pourrez obtenir de l'information bien documentée et complète auprès de cet organisme et nous espérons que vous la trouverez utile. Nous nous joignons à cet organisme pour vous encourager à reconnaître la pauvreté comme un droit humain, à élaborer un plan fédéral qui complétera les plans provinciaux et territoriaux, à assurer l'engagement et la reddition de comptes à long terme du gouvernement fédéral ainsi qu'à fournir des fonds fédéraux suffisants pour assurer la sécurité sociale de tous les Canadiens.
Nous appuyons principalement les suggestions en ce qui concerne l'aide fédérale aux personnes handicapées qui ne peuvent travailler et aux personnes aptes qui sont en mesure de travailler. Lors d'une discussion récente avec un cadre supérieur du gouvernement des territoires, nous avons appris que plus du tiers des personnes sur l'aide sociale au Yukon ont un handicap. Nous constatons que le titre de votre comité comprend la condition des personnes handicapées. Par le fait même, nous espérons, que vous recommanderez au gouvernement fédéral de travailler en collaboration avec toutes les régions du pays pour faciliter la mise en place d'une prestation d'invalidité uniforme à l'échelle nationale. Nous devons aider les personnes handicapées à se sortir de l'aide sociale tout en leur apportant le soutien dont elles ont besoin pour vivre dans la dignité.
D'un autre côté, les personnes qui peuvent travailler doivent pouvoir bénéficier de mesures incitatives et d'un soutien pour retourner au travail. L'emploi est primordial pour éviter la pauvreté. Tous les ordres de gouvernement devraient travailler en étroite collaboration avec le secteur privé pour aider les Canadiens à perfectionner leurs compétences et à appuyer la recherche d'emplois convenables. À cette fin, il faudra peut-être repenser les modèles d'emploi traditionnels et organiser la main-d'oeuvre pour permettre aux employés de donner leur plein potentiel, ce qui pourrait se traduire par des horaires de travail différents de l'horaire traditionnel de 40 heures par semaine.
Enfin, l'assurance-emploi doit prendre sérieusement en considération la situation d'emploi au Yukon. Les activités traditionnelles de trappe, de pêche et de coupe de bois ainsi que les activités touristiques sont saisonnières, et il faut tenir compte de cette réalité lorsque des décisions sont prises concernant l'admissibilité à l'assurance-emploi.
En conclusion, toutes les mesures qui précèdent ne pourront voir le jour sans partenariats, qui devront être élaborés et encouragés entre les gouvernements du Canada, des provinces et des territoires et les administrations des premières nations, de même qu'avec les organisations non gouvernementales de lutte contre la pauvreté. Nous sommes tous aux prises avec le problème, nous en partageons tous les coûts, nous avons tous une responsabilité quant à la recherche de solutions et nous avons tous une partie de la réponse. Aucune solution satisfaisante ne pourra être trouvée au problème si nous ne trouvons pas de façons de travailler davantage en collaboration grâce à la mise en place d'un programme concerté visant à éliminer la pauvreté dans notre beau et riche pays.
Nous avons les ressources et la volonté, mais nous n'avons pas les partenariats qui nous permettraient d'oublier nos conflits liés à la compétence et d'adopter un modèle de propriété conjointe, de respect mutuel et d'équité dans nos prises de décisions.
Merci.
Merci, madame MacFeeters.
Nous allons maintenant écouter notre dernier témoin, Amy Martey, du Yukon Council on Disability.
Bienvenue, madame Martey. Vous avez sept minutes pour présenter votre exposé.
Bonjour. Merci pour l'invitation. Je représente le Yukon Council on disABILITY. Nous oeuvrons principalement dans le domaine de l'éducation et de l'emploi pour les personnes handicapées; nous défendons également les intérêts de ces personnes et leur offrons des possibilités d'éducation communautaire. Je parlerai donc de ce groupe de personnes aujourd'hui.
Nous voyons apparaître les mêmes tendances en ce qui a trait au logement ou, devrais-je dire, au manque de logements abordables. Au Yukon, nous avons des lois très désuètes qui régissent les loyers résidentiels, auxquelles le NPD compte s'attaquer stratégiquement si ce n'est déjà fait. Toutefois, en partie pour cette raison, beaucoup de logements inadéquats comptent parmi les logements disponibles. Les loyers s'échelonnent de 750 à 1 100 $ par mois pour un appartement d'une pièce. Certains de ces logements sont chauffés et éclairés et d'autres, non.
Nous remarquons que de nombreux clients sont continuellement aux prises avec des problèmes de logement, qui viennent s'ajouter à tous les autres enjeux ou obstacles à l'emploi qui se dressent devant eux en raison de leur handicap. Les statistiques suivantes proviennent en fait de la Coalition anti-pauvreté du Yukon. Le pourcentage général de loyers vacants est d'environ 2,6 p. 100 à Whitehorse, tandis que celui des logements subventionnés s'établit à zéro. Selon ce que nous avons pu voir, il faut compter en général de six mois à un an pour placer des clients dans des logements à Whitehorse. Un délai d'attente d'un à deux mois suffit souvent à mettre une personne à la rue.
Nous remarquons en outre que nos clients qui sont d'anciens toxicomanes vivent souvent dans des logements inadéquats où ils sont entourés d'autres personnes également aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Donc en dépit du counseling et de tous les nobles efforts déployés pour enrayer la toxicomanie, ces personnes sont continuellement ramenées vers leurs anciennes habitudes.
Selon d'autres organisations avec qui nous collaborons étroitement depuis six mois, le nombre de jeunes sans-abri dans la tranche d'âge des 13 à 15 ans ne cesse d'augmenter. Compte tenu de notre clientèle, nous voyons que beaucoup de ces jeunes ont des problèmes d'apprentissage, qu'ils sont atteints de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale ou qu'ils souffrent d'éventuels problèmes de santé mentale. Le logement subventionné est un programme exécuté par le ministère de la Santé et des Services sociaux; ce programme a des incidences positives et permet à une personne handicapée de vivre dans un logement adjacent à celui occupé par l'aidant. Toutefois, ce programme manque de volontaires à l'heure actuelle. Nous sommes donc d'avis que de meilleures mesures de sensibilisation du public et une augmentation des efforts déployés en ce sens aideraient grandement nos clients.
À un moment ou un autre, la plupart de nos clients finissent par toucher de l'aide sociale lorsqu'ils arrivent au bout de leurs prestations d'assurance-emploi, quand viennent à échéance leurs prestations de maladie. Nous tendons à constater que beaucoup de clients deviennent des assistés sociaux à long terme parce qu'ils ne sont pas en mesure de réintégrer la population active. Ils craignent de manquer d'argent pour payer l'épicerie, le logement, les médicaments et le transport s'ils reprennent le travail à 40 heures par semaine sans bénéficier de prestations. Selon certaines de nos données que j'ai établies en collaboration avec un client, pour en arriver à gagner juste un peu plus que les sommes qui lui sont versées chaque mois au titre de l'aide sociale, il faudrait que ce client travaille 40 heures par semaine et qu'il soit rémunéré 14 $ de l'heure. Le hic, c'est que cet homme ne sera jamais capable de travailler 40 heures par semaine sans aggraver son état actuel. Il faut donc un système pour aider les personnes à travailler du mieux qu'elles peuvent tout en développant leurs aptitudes sociales et leurs aptitudes à l'emploi.
Les mesures de soutien à la transition sont insuffisantes. Les choses se passent souvent comme suit chez bon nombre de nos clients ayant des limitations fonctionnelles: à un moment ou un autre de leurs études secondaires, ils sont dirigés vers un programme de développement des compétences au lieu de poursuivre leur cheminement scolaire. Cela signifie qu'ils obtiendront un certificat de réussite de la 12e année. Essentiellement, cela veut dire qu'ils ont fréquenté l'école ou bien pendant 12 années complètes ou bien jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 21 ans. Cela implique qu'ils ne pourront pas être admis dans des établissements d'enseignement postsecondaire sans d'abord s'astreindre à une importante mise à niveau. Nous constatons que beaucoup d'élèves ne savent pas ces choses lorsqu'ils sont dirigés vers les programmes en question, à 16 ou 17 ans. Ils ne sont pas pleinement conscients de la mesure dans laquelle cette situation influera sur leur avenir. Nous avons constaté que la plupart des élèves aux prises avec des problèmes d'apprentissage auraient pu mener à bien leurs études et obtenir ce diplôme de 12e année avec un petit peu d'aide et quelques mesures additionnelles de soutien.
Comme c'est là, la majorité de nos clients occupent des emplois où ils sont rémunérés 12 $ de l'heure ou moins, ce qui représente un salaire raisonnable dans le reste du Canada mais pas au Yukon, compte tenu du coût élevé de la vie. Ainsi, notre recommandation serait de mieux planifier la transition dans le système scolaire. Tout juste la semaine dernière, nous avons formulé des recommandations à l'intention du ministère de l'Éducation en ce qui concerne la transition. Nous espérons que ces groupes de travail en arriveront à dégager quelques recommandations solides.
Il y a un besoin criant d'aidants professionnels au Yukon. Lorsque nous envoyons les clients en counseling, l'attente est de trois à six mois juste pour rencontrer un conseiller en santé mentale. En règle générale, lorsqu'une personne se voit affecter un aidant, il faut compter d'une à trois d'heures de soutien par semaine. Les travailleurs assistés qui vivent en autonomie se butent également à un délai d'attente d'un à deux mois.
Les personnes aux prises avec des limitations fonctionnelles nouvellement acquises manquent de mesures spéciales de soutien. Nous avons beaucoup de clients qui ne savent pas comment s'y retrouver dans le système. Ces personnes essaient pour la première fois de toucher des prestations et elles sont complètement perdues. En septembre, notre organisation a présenté une demande de financement territoriale, pour embaucher une personne qui aiderait les gens à s'y retrouver dans le système. Cette demande de financement a été refusée parce qu'elle ne s'inscrivait pas dans notre mandat. Dans le même ordre d'idées, nous voyons également des clients demander des indemnités pour accidents de travail et devoir attendre des semaines, des mois et parfois même des années. J'ai moi-même vu des gens dont l'état de santé s'est terriblement détérioré pendant ce temps.
La tendance voudrait également que les personnes ayant des limitations fonctionnelles occupent des emplois faiblement rémunérés ou sans avantages sociaux. Le ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario a constaté en 2006 que la moitié des adultes handicapés en âge de travailler étaient soit au chômage ou encore ne faisaient pas partie de la population active, et que 36 p. 100 de la majorité des personnes handicapées gagnaient moins de 19 000 $ par année. Je serais portée à croire que les statistiques sont semblables au Yukon. Cela s'explique par un certain nombre de facteurs, notamment un marché de l'emploi au ralenti et la situation dont nous avons parlé comme quoi les personnes ayant des limitations fonctionnelles interrompent leur cheminement scolaire parce qu'ils sont dirigés vers d'autres types de programmes. Nous sommes encore confrontés à de nombreux employeurs qui refusent d'accommoder ces personnes.
L'invalidité est encore aujourd'hui stigmatisée. Les personnes aux prises avec ces problèmes ont du mal à dénicher des emplois mieux rémunérés, assortis de plus grandes responsabilités. C'est à la fois un enjeu sociétal et un enjeu qui concerne les employeurs. Bien que certains programmes soient offerts par l'entremise du gouvernement territorial, comme le programme de diversification de la main-d'oeuvre, nous constatons que nos clients n'y sont pas tous admissibles ou n'ont pas tous les compétences fondamentales ou encore la personnalité requises pour travailler dans tel ou tel domaine.
Ceci met fin à mes observations. Merci.
Merci beaucoup, madame Martey.
Les députés auront maintenant sept minutes pour poser des questions et entendre les réponses. Nous allons commencer avec M. Savage.
Merci, monsieur le président, et merci à vous tous. Vos exposés étaient tous très intéressants.
Le président vous a expliqué comment fonctionne en gros notre comité. Nous travaillons à ce dossier depuis environ un an et demi, bref, depuis avant la dernière élection. Nous nous sommes rendus dans l'Est du Canada plus tôt cette année. Nous sommes ici cette semaine.
Normalement, nous serions plus nombreux, mais il y a eu une situation de crise à Ottawa — ce qui survient environ six fois par semaine là bas —, et c'est pourquoi plusieurs membres ont dû rebrousser chemin. Ils ont prévu être des nôtres à Yellowknife demain; du moins, nous l'espérons. Nous étions à Vancouver hier. Cette semaine, nous souhaitons continuer de recueillir de l'information auprès des gens qui travaillent comme vous sur le terrain. Si tout va comme prévu, nous comptons entendre les témoignages de personnes vivant ou ayant vécu dans la pauvreté, après quoi nous tenterons de produire un rapport sensé.
Je suis tout particulièrement intéressé par les éléments qui caractérisent la situation des personnes handicapées au Yukon. Vous êtes quelques uns à avoir abordé le sujet. Je pense même que vous avez tous parlé de cette situation. Je regarde les statistiques auxquelles j'ai accès, qui indiquent que le revenu annuel moyen d'une personne handicapée bénéficiaire de l'aide sociale au Yukon est de 15 000 $. À Winnipeg, il est de 9 000 $. À Edmonton, je crois qu'il est encore moins élevé. Ce n'est pas beaucoup d'argent. Y a-t-il selon vous au Yukon davantage de personnes handicapées bénéficiaires de l'aide sociale qu'ailleurs au pays? Tout est relatif.
Je crois que la façon dont cela fonctionne, c'est que ces personnes sont admissibles à des prestations d'aide sociale et, qu'en plus, il y a une subvention territoriale versée aux personnes souffrant d'invalidité de longue durée.
Cela dépend si ces personnes travaillent ou non. Il existe une formule pour calculer le tout. Je crois qu'une personne peut gagner autour de 5 000 $ avant de commencer à perdre certaines prestations.
Quoi qu'il en soit, les personnes handicapées font face à d'incroyables défis qu'ils n'ont tout simplement pas la capacité de relever dans bien des cas. Ils ont été lésés et oubliés par le destin.
Cependant, depuis quelque temps, une proposition a suscité beaucoup d'attention, à savoir la notion de revenu annuel de base. Voici ce qu'en dit un rapport que le Caledon Institute a présenté un peu plus tôt cette année à votre comité. Permettez que je paraphrase le passage en question dans une certaine mesure:
Parmi les possibilités étudiées par le Caledon Institute dans le cadre de la réforme de l'architecture des programmes visant les personnes handicapées... la mise en place d'un programme de base fondé sur le revenu qui assurerait un soutien financier adéquat à long terme et qui ne comporterait aucune restriction de temps pour les personnes souffrant d'incapacités graves.
Un tel programme serait « financé et géré par le gouvernement fédéral » et s'inspirerait d'une combinaison des programmes de la sécurité de la vieillesse (SV) et du supplément de revenu garanti (SRG) pour les personnes âgées qui vivent dans la pauvreté afin de les faire accéder à un certain niveau de revenu — certainement pas un revenu très important, mais un programme qui a fait ses preuves en réduisant le taux de pauvreté des personnes âgées.
Alors, le Caledon Institute suggère un revenu annuel de base pour les personnes handicapées.
Le comité sénatorial du gouvernement du Canada, qui publie ce rapport, a adopté l'idée d'un revenu annuel de base, en commençant avec les personnes handicapées.
Est-ce que certains d'entre vous avez réfléchi à cette question?
Nous parlons d'une pension, mais c'est vraiment une autre façon d'arriver au même résultat afin que, plus particulièrement, les personnes souffrant d'incapacité permanente n'aient pas à se présenter chaque mois... voire redemander constamment de l'aide sociale ou presque. Cette solution ne convient pas. Il faut concevoir un système qui établit leur admissibilité, sur le plan médical ou autre, et qui indique que leur situation est permanente et ne va pas changer, ce qui leur permettrait de continuer à recevoir une pension indexée ou tout autre montant quel qu'il soit.
Nous sommes certainement inquiets du coût de la vie, plus élevé dans le Nord. Nous avons dû offrir un supplément du revenu pour les personnes âgées au Yukon parce que la SV et la SRG ne couvrent pas le coût de la vie réel au Yukon comme elles font dans les autres provinces et territoires. Ce supplément provient évidemment du fonds gouvernemental territorial. Il y a peut-être des façons dont le gouvernement fédéral pourrait contribuer davantage. Le régime fiscal constitue une belle occasion pour le fédéral de contribuer au coût de la vie. De plus, nous avons l'indemnisation fiscale des localités isolées et du Nord. Il faut peut-être trouver une façon de se rappeler que le coût de vie est plus élevé dans le Nord, c'est-à-dire dans toute la partie qui relève du gouvernement territorial.
Tout à fait. Ne serait-ce que du point de vue du logement, j'ai remarqué que la valeur moyenne d'une unité d'habitation ici, est de 230 000 $, ce qui est plutôt élevé. À Winnipeg, on parle de 168 000 $. C'est très coûteux d'être propriétaire d'une maison ici.
Je vous remercie de m'avoir fourni ces renseignements.
Je crois que l'une des absurdités de notre système de bien-être social — et il y en a beaucoup — c'est que les personnes handicapées doivent constamment prouver qu'elles sont toujours handicapées pour recevoir les maigres sommes qu'on leur offre, ce qui n'a aucun sens.
Julie, la semaine dernière ou il y a deux semaines, les banques alimentaires du Canada ont publié leur bilan-faim, soit le nombre de personnes qui ont fait appel à leurs services. Je ne suis pas certain si vous connaissez ce bilan ou si la banque alimentaire que vous représentez y est associée. On remarque que, dans l'ensemble, le recours aux banques alimentaires au Canada a augmenté de 18 p. 100. Toutefois, l'une des statistiques sur laquelle j'aimerais attirer votre attention, c'est que dans l'ensemble, 12 p. 100 des personnes qui font appel aux banques alimentaires ont déclaré être membres des premières nations, métis et inuits. Dans les territoires, leur pourcentage s'élève à 91 p. 100.
Est-ce que cela correspond à la situation qui prévaut ici?
Bien sûr, la plupart de nos clients sont membres des premières nations, mais, en réalité, je n'en ai jamais fait le compte. Sans en être tout à fait certaine, je dirais que c'est près de la moitié. En fait, bon nombre de nos clients ont le choix de montrer une carte d'identité. Mais il arrive qu'ils ne nous montrent pas leur carte d'appartenance aux premières nations. Alors, je ne peux dire qui en fait partie ou non, même si on peut constater à l'occasion que certains appartiennent visiblement aux premières nations. Je ne tiens pas de statistiques sur le sujet, mais il est tout à fait sûr que leur pourcentage n'atteint pas 91 p. 100.
Oui, nous commençons à compter dans nos rangs beaucoup de nouveaux arrivants. Au cours des dernières années, Whitehorse est devenu une place d'accueil des immigrants. De partout dans le monde, ils viennent directement à Whitehorse, ce qui est un fait nouveau. Depuis septembre, nous avons croisé plusieurs personnes qui, de toute évidence, étaient de nouveaux arrivants. Tout juste la semaine dernière, une personne est arrivée en provenance de Toronto mais n'en était pas moins un nouvel arrivant au Canada.
Alors oui, nous vivons une situation où les immigrants sont de plus en plus nombreux.
Évidemment, la grande question dont ce comité doit débattre est la mise au point d'un plan de lutte contre la pauvreté pour le pays, un plan qui commence par une reconnaissance du rôle que le gouvernement fédéral doit jouer. Cela semble aller de soi, mais le gouvernement fédéral a fait savoir — par divers moyens, notamment en affirmant qu'il n'a pas l'argent nécessaire et, plus particulièrement, en faisant appel aux diverses compétences sous prétexte qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale ou territoriale — qu'il adoptait une approche un peu passive, mais pas complètement, et que c'était là sa réponse à l'examen périodique mené en juin par les Nations Unies et qui recommandait au Canada de se doter d'un plan de lutte contre la pauvreté. Je crois que vous estimez tous et toutes que le gouvernement fédéral a un grand rôle à jouer, plus particulièrement là où une nombreuse population autochtone relève de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral et ce, à bien des égards, et que nous devons nous donner un solide plan national de lutte contre la pauvreté au Canada.
Vous avez relevé quelques priorités. Y a-t-il d'autres éléments particuliers à prendre en compte?
Est-ce que mon temps d'intervention est écoulé?
Comme Laurie l'a mentionné, on travaille actuellement à l'élaboration d'une stratégie nationale du logement. De plus, il y a une rencontre à laquelle je n'ai pu assister.
Peut-être devrait-elle en parler.
Vous n'y étiez pas?
Mercredi, il y avait une rencontre des organismes à but non lucratif de Whitehorse où on devait travailler à l'élaboration de certaines recommandations précises en matière de logement. Il y a un sujet sur lequel nous travaillons en parallèle et ce, depuis quelque temps déjà: la création de refuges d'urgence pour les sans-abri. Nous avons déjà mis sur pied un refuge pour les jeunes qui est prêt à les accueillir, mais nous n'avons pas encore reçu le financement nécessaire pour les coûts opérationnels de base. Comme je l'ai mentionné précédemment, le nombre des jeunes sans-abri est actuellement en hausse et pourrait continuer d'augmenter.
Le refuge d'urgence de l'Armée du Salut est très petit, mais c'est le seul qui existe à Whitehorse. Nous parlons ici de 8 à 10 lits. C'est pourquoi cette question est une priorité immédiate pour nous.
Merci.
Merci, monsieur Savage.
Je vais maintenant donner la parole à M. Martin du NPD.
Monsieur, vous avez la parole pendant sept minutes.
Merci d'être venus nous rencontrer ce matin.
Nous sommes heureux d'être ici. Nous, qui sommes réunis autour de la table, estimons qu'il est important d'entendre de vive voix ce que vous avez à dire. Comme notre objectif est de susciter une réflexion sur le rôle fédéral vis-à-vis d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, il est important que nous nous déplacions pour venir dans des endroits comme Whitehorse et ici même.
Ainsi que Mike l'a dit, il y a pas mal de temps que nous consultons sur le sujet, que nous écoutons les gens et les différentes organisations qui parlent au nom de ceux qu'ils représentent, et les pauvres eux-mêmes, et certains thèmes communs commencent à émerger. Nous espérons être en mesure de présenter un rapport au gouvernement fédéral quelque part en février ou mars. Cela prend toujours un petit peu plus de temps qu'on ne le voudrait, mais j'aimerais m'assurer que ce rapport soit bien étayé lorsque nous le déposerons et qu'il incite à passer à l'action. C'est pourquoi je trouve important d'entendre ce que vous avez à dire.
Est-ce que notre pensée reflète bien vos besoins? Y a-t-il des choses que nous oublions? Est-ce qu'il y a des caractéristiques propres à cette partie du Canada?
Vous nous avez parlé du coût de la vie élevé dans cette partie du pays. Ce n'est pas un aspect que nous, qui vivons dans le Sud et l'Est du pays, puissions vraiment saisir à moins de venir ici et de le constater par nous-mêmes. Ainsi, il y a quelques années, j'ai passé plusieurs jours dans une communauté des premières nations située sur la côte de la Baie James à étudier la question de la pauvreté. On m'a donné l'exemple d'une caisse de lait Carnation qui coûtait alors 25 $ à Timmins, et là j'arrondis les chiffres; à Cochrane, là où les moyens de transport sont plus accessibles, le prix était d'environ 10 $, alors que si elle était transportée par train à Moosonee, son coût pouvait atteindre près de 40 $ et, par le temps que cette caisse atteigne Attawapiskat, par exemple, elle valait 65 $. Voilà qui est assez étonnant. Et il faut noter que les gens qui vivent là reçoivent les mêmes prestations de bien-être social qu'ailleurs et, à ce moment-là, la plupart d'entre eux ne pouvaient compter que sur cet argent pour vivre.
Cette situation m'a ouvert les yeux et je crois que nous devrions la garder à l'esprit. Nous avons un grand pays, une géographie difficile et les choses sont différentes.
L'autre question que vous avez soulevée ce matin est celle de l'AE et de la nature du travail ici. Des gens d'ailleurs nous en ont également parlé, mais je vais vous demander de nous entretenir un peu plus de la nature du travail et de l'importance d'avoir un revenu dans l'intersaison, par exemple.
Il y a quelques éléments que j'aimerais aborder dans le rapport, des questions qu'il nous faut préciser, notamment la sécurité du revenu et, comme vous l'avez tous signalé, le logement — un problème important partout au pays. De plus, il y a la question de l'inclusion sociale.
Je crois que je vais m'arrêter ici et voir ce que vous avez à répondre à tout cela.
J'ai pris en note deux points que vous avez soulevés.
Le premier est lié aux statistiques et à la recherche. Vous avez abordé la question du coût des aliments et j'aimerais vous dire que certains travaux ont été menés récemment au sujet du panier d'épicerie, je parle ici du panier d'épicerie de base, de ce qu'il coûte et de ce qu'on devrait y retrouver. Puisque certains aliments qui y figurent ne sont même pas disponibles dans le Nord, quels sont les produits qui les remplacent? Il y a eu des consultations sur le sujet, alors nous espérons que l'on utilisera un panier réaliste lorsque viendra le temps d'analyser le coût de la vie dans le Nord. En effet, cela concerne de nombreux travaux de recherche.
J'ai remarqué que quelques personnes semblaient perplexes lorsque Julie a affirmé qu'elle ne disposait pas de certaines statistiques. En raison de la taille de notre territoire, lorsque Statistique Canada procède à divers sondages, celui-ci est jugé trop petit pour que les statistiques soient fiables. Donc, au Yukon ou dans le Nord, il n'y a pas de statistique sur un très grand nombre de sujets. Je constate que votre analyste hoche la tête en signe d'assentiment, un signe qu'elle s'est penchée sur la question et a fait la même constatation.
Afin de trouver des moyens d'obtenir de meilleures recherches comparatives, la Direction des statistiques du gouvernement territorial a pris quelques mesures à cet effet, mais il est très difficile de nous situer sur le plan national en raison de la façon dont les recherches sont menées à l'échelle du pays, parce qu'il est très rare que les recherches de portée nationale englobent le Nord. Voilà un aspect sur lequel le gouvernement fédéral a légitimement un rôle à jouer pour remédier à la situation.
Un autre aspect qui a été abordé est le soutien aux personnes et la nature du travail. Un autre élément caractéristique du Nord que nous n'avons pas vraiment abordé, bien que Amy pourrait peut-être en dire davantage sur le sujet, est l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale (ETCAF). Je crois que tout le monde ici reconnaît que cette situation prévaut davantage dans le Nord que dans le Sud du Canada et qu'il y a d'énormes conséquences qui se traduisent par des contraintes permanentes pour les personnes souffrant de l'ETCAF. Je vous accorde qu'il y a toute une gamme de contraintes et que celles-ci varient d'une personne à l'autre, mais ce sont des contraintes permanentes qui exigent des efforts incroyables de soutien permanent. Autrement, la plupart des personnes atteintes sont soit mortes, soit fichées dans le système correctionnel. Nous devons donc veiller à ce que cette situation soit connue de tous.
Cela peut vous sembler un petit peu incohérent, mais ce sont les points que j'avais pris en note.
Je pourrais peut-être ajouter que nous avons besoin de beaucoup de services pour beaucoup de nos clients, tous autant que nous sommes, mais qu'il est difficile de trouver du personnel convenable, pour s'occuper de ces personnes et parfois c'est à cause de questions de logement ou dans d'autres cas, c'est parce que le salaire ne permet pas de payer les factures. Beaucoup de services sont fournis par des organismes sans but lucratif, et nos salaires ne sont pas très élevés, même si nous vivons dans le Nord. Je sais que mon salaire est inférieur à celui d'un administrateur de banque alimentaire à Ottawa, où le coût de la vie est pourtant moins élevé. Il y a donc toute cette réalité dont nous devons tenir compte, comme le fait qu'il est difficile de trouver du personnel dûment formé pour faire le travail, et de le garder.
Merci, Tony.
J'aimerais intervenir ici, parce que l'une des choses que nous entendons dans nos déplacements à travers le pays c'est qu'il n'existe pas de mesure officielle de la pauvreté, que ce soit la MPC ou le SFR. Votre argument est très pertinent, car aucun de ces indices n'est mesuré au Yukon.
La question que je vous pose est la suivante. En se fondant sur le coût de la vie ici, etc., préférez-vous une mesure plutôt que l'autre? Si nous devions proposer une définition de la pauvreté, le ferions-nous en nous basant sur la mesure du panier de consommation? De toute évidence, à salaire égal, le coût de la vie dans le Nord est beaucoup plus élevé. Hier, à Vancouver, les gens nous ont dit : « Je ne parle pas de salaire de subsistance, mais il est certain qu'un salaire comparable, qui serait réaliste, serait de l'ordre de 11 $ l'heure ». Il est clair que ce ne serait pas suffisant ici, en raison du coût du logement, etc.
Avez-vous réfléchi à ces questions? Peut-être même que nous pourrions recommander d'envisager une mesure. Je suis conscient que ni l'une ni l'autre des mesures n'est parfaite, mais il serait bien que nous en ayons une pour que nous puissions déterminer si nous faisons des progrès ou non. Nous devons pouvoir prendre la mesure de la situation, d'une façon ou d'une autre.
Y a-t-il eu une réflexion de faite au sujet des mesures fondées sur le panier de consommation, par opposition au SFR?
On en a beaucoup parlé.
Les gens du gouvernement du territoire sont-ils censés vous parler? Je n'ai pas vu votre calendrier, donc je ne le sais pas.
Il s'est fait beaucoup de travail. Et il en ressort notamment, comme l'a dit Julie, que nous ne sommes pas très nombreux sur le terrain. Elle est la seule personne à l'effectif de sa banque alimentaire. Nous parlons d'une seule personne. Nous n'avons guère de temps pour mener ce genre de recherche et de travail sur le terrain, donc nous ne le faisons pas. Nous nous en remettons aux organisations nationales et comptons sur elles pour le faire, et malheureusement, nous devons nous contenter d'adapter les données au Yukon, et c'est très difficile.
Bien que le salaire annuel garanti ou des mesures de ce genre soient tout à fait intéressants, et pour un tas de raisons, nous appuyons ce genre de modèle en matière de revenu, le panier de consommation présente le grand avantage d'être adaptable à la situation du Nord. Nous avons des communautés comme Old Crow qui ne sont accessibles que par voie aérienne, et ces communautés sont très différentes de Whitehorse. Le modèle du panier de consommation serait peut-être plus avantageux, étant donné qu'il est adaptable.
Chez nous, à la coalition, je n'arrive pas à me souvenir quand nous avons eu des discussions spécifiques là-dessus. La dernière fois que j'en ai parlé, c'était avec un gars qui travaillait au gouvernement du territoire, et le gouvernement s'inquiète de la situation, par rapport à l'aide sociale.
Lorsque j'ai dit que la banque alimentaire n'existait pas, nous avons eu des discussions pendant dix ans au Yukon, dix ans pendant lesquels nous avons effectivement travaillé là-dessus. La société du Yukon est le bailleur de fonds, la source de soutien qui met la banque sur pied. L'une des raisons à cela tient au fait que le gouvernement du territoire n'a pas reconnu l'existence de la pauvreté au Yukon, étant donné qu'on y trouve quelques-uns des salaires les plus élevés. Si on regarde la situation en surface, on sera porté à penser que tout le monde ici est riche. Que tous travaillent pour le gouvernement fédéral ou le gouvernement territorial. C'est peut-être vrai dans une certaine mesure, mais une partie importante de la population travaille pour des organisations sans but lucratif ou pour des salaires inférieurs, on a tendance à l'oublier.
Nous nous employons maintenant à le faire savoir. Je pense que le gouvernement territorial s'en est rendu compte et s'est aperçu que la banque alimentaire est nécessaire ici, pour cette autre partie de la population à laquelle nous devons penser.
Je n'ai pas de statistiques à ce sujet, mais la ville de Whitehorse donnerait l'impression d'être une communauté à l'aise, pour quelqu'un qui ne ferait qu'y passer une journée. Mais j'ai l'impression que la classe moyenne de cette ville est très modeste. Nous avons des gens qui font bien au-delà de 50 000 $ par an, puis nous avons la majeure partie de la population, qui est toujours à un ou deux chèques de paye près de l'itinérance. Et cela inclut les personnes mêmes qui travaillent pour les organisations sans but lucratif. Vous y trouvez des travailleurs de soutien, parmi lesquels le taux d'épuisement professionnel est très élevé, qui gagnent 16 $ ou 17 $ l'heure à travailler pour une clientèle qui inclut aussi les gens qui gagnent 50 000 $ et plus. Voilà un autre facteur à prendre en considération.
Avant de laisser la parole à Mme Cadman, j'aurais une dernière question.
Je veux parler de la question du salaire minimum au Yukon, par opposition aux salaires versés dans les industries de services... Je sais que dans des endroits comme Fort McMurray et Edmonton, le salaire minimum est probablement entre 8 $ et 10 $ l'heure, mais que dans la restauration, on paye les gens 15 $ l'heure. Avons-nous le même phénomène ici?
La situation n'est peut-être pas aussi mauvaise quand des endroits comme Fort McMurray, où il existe toutes sortes d'emplois. Ceci nous ramène à ce dont vous venez de parler, à savoir que la classe moyenne n'est pas nombreuse, et que les travailleurs pauvres sont ceux qui travaillent pour les organismes sans but lucratif, et peut-être aussi dans l'industrie des services.
Je crois que toutes les entreprises sont différentes, mais la plupart des gens que je connais touchent au moins de 10 $ à 12 $ l'heure.
Merci. Je voulais simplement savoir.
Madame Cadman, la parole est à vous, pour cette deuxième série de questions.
Merci beaucoup mesdames, pour votre présence.
J'aurais quelques questions à vous poser.
Dans ce que vous avez dit, j'ai relevé que la principale industrie ici est le gouvernement. Est-ce exact? Il s'agit des gouvernements fédéral et territorial.
Il y a les administrations fédérale, territoriale et des premières nations parce que nous avons des premières nations en régime d'autonomie gouvernementale. Nous avons parlé précédemment du rôle du gouvernement fédéral, et avons dit que la plupart de nos premières nations sont en régime d'autonomie gouvernementale.
Il y a 25 p. 100 d'Autochtones dans l'ensemble du territoire, mais bien moins que cela à Whitehorse. Mais Whitehorse est la communauté la plus importante du territoire.
Mais dans l'ensemble du territoire. Bien des communautés sont entièrement constituées d'Autochtones. Le CPNY pourrait sûrement vous donner des chiffres plus précis.
Bien, je vois.
Quel est le taux de prévalence de la toxicomanie ici dans le Nord? Est-il plus élevé, d'après vous?
Difficile à dire. Je n'ai pas la moindre statistique concernant l'ensemble du Canada, alors c'est difficile de le dire. Je me bornerai à parler des clients de la banque alimentaire. Beaucoup de mes clients ont des problèmes de dépendance sans que je puisse toutefois donner de statistiques là-dessus. Je ne sais même pas s'il existent des chiffres là-dessus pour le Yukon.
Nos clients se situent dans diverses catégories de handicaps et nous incluons là-dedans les dépendances. Les toxicomanes sont notre cinquième catégorie de clients en importance, la première étant celle des personnes ayant un handicap permanent, la deuxième étant les personnes ayant des problèmes de santé mentale et viennent ensuite les difficultés d'apprentissage, les handicaps multiples, puis la toxicomanie.
Combien de personnes handicapées vivent dans des logements inférieurs aux normes, ici dans votre région?
Notre organisation ne s'occupe pas spécifiquement des questions de logement, étant donné que l'emploi et l'éducation sont nos cibles principales. L'une des principales raisons pour lesquelles nous avons demandé un porte-parole, c'est que les gens nous répétaient sans cesse: « Je ne peux pas travailler. Je n'ai plus de toit. J'ai été expulsé ». Certains nous disent qu'ils doivent se lever tôt le matin, mais qu'ils entendent les voisins faire la fête toute la nuit dans l'immeuble inférieur aux normes où ils habitent. Il est très difficile pour les gens de garder un travail lorsqu'ils n'ont même pas accès à une douche. Il y a beaucoup de problèmes de ce genre.
Pour ce qui est des statistiques exactes, je répète que je n'en ai pas, mais le GTY serait sans doute mieux en mesure de vous répondre.
Merci.
Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il devrait y avoir une stratégie nationale en matière de logement. Pensez-vous qu'il devrait y avoir une stratégie distincte pour le logement à l'intention des Autochtones qui vivent hors des réserves?
Le CPNY serait mieux en mesure que moi de répondre à cette question. Ce n'est pas le concept qui convient pour nous. Nous n'avons pas réellement de réserves. Il serait préférable de s'adresser au CPNY. L'autonomie gouvernementale de nos premières nations, la question des terres de réserve et beaucoup d'autres encore fait en sorte que la situation du Yukon est bien différente d'autres endroits au pays, alors eux seront en mesure de vous donner une vue d'ensemble.
Nous n'avons pas beaucoup parlé des garderies. Vous avez fait allusion à Canada sans pauvreté, à la campagne Dignity for All, à la campagne 2000. Bien des organisations nationales qui oeuvrent pour combattre la pauvreté soulignent la nécessité spécifique de disposer d'un solide régime national, de grande qualité, accessible et abordable d'aide à l'enfance et d'aide à l'apprentissage en bas âge.
L'une de vous pourrait-elle dire un mot là-dessus, brièvement?
Je ne connais pas vraiment le système, ni son fonctionnement. Je ne pense pas être vraiment en mesure d'en parler.
Laurie, avez-vous un point de vue là-dessus? Cela fait-il partie de votre plan de lutte contre la pauvreté, ou est-ce une idée que nous devrions...?
En théorie, cela fait partie de notre mandat, mais notre objectif du moment concerne plus particulièrement le logement, et dans une certaine mesure, la santé. Dans le passé, nous nous sommes pas mal occupés d'alimentation, ce qui nous a en quelque sorte amenés à créer la banque alimentaire, qui est devenue une organisation autonome. Il existe une organisation vouée aux services de garde qui représente fort bien les pourvoyeurs de soins ici, mais je ne sais pas s'ils sont censés comparaître devant vous.
Le territoire dispose d'un système assez bon, sans être parfait, des subventions pour les places en garderie. Je pense que ce régime est meilleur que celui de certaines autres provinces et de certains territoires, où le nombre des places subventionnées, pour autant que je sache, n'est pas limité comme il l'est dans certains autres endroits. La subvention est liée à la personne, par opposition à la place en garderie. Dans cette optique, notre régime est meilleur.
Notre régime de service de garderie est différent. Il existe un grand nombre de très petites garderies en milieu familial, par opposition à ces grands centres, comme il en existe dans d'autres provinces et territoires. Nous voyons donc que certaines choses sont différentes, encore une fois, dans le Nord. Mais, bien entendu, tout n'est pas parfait, il existe des problèmes, mais...
J'aimerais ajouter un mot, si vous le voulez bien.
La meilleure source d'information à ce sujet serait probablement les groupes de femmes à Whitehorse, en l'occurence les EssentiElles ou encore le Victoria Faulkner Women's Centre. Ces deux organismes ont fait beaucoup de travail, aussi bien au niveau national, qu'au niveau du territoire.
En ce moment, je pense qu'il en coûte environ 700 $ par enfant par mois, pour une place en garderie. Alors, selon le revenu, si vous ne bénéficiez pas d'une subvention, je constate, dans les faits, que certains clients choisiront de ne pas avoir deux personnes qui travaillent, dans la famille. Si vous avez deux ou trois enfants, il est effectivement plus avantageux qu'un parent reste à la maison, ce qui au bout du compte permet à la famille d'avoir un meilleur revenu.
Nous tenons à remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous ce matin, pour nous avoir informé de la situation à Whitehorse. Merci encore.
Je vais suspendre temporairement la séance, le temps que les nouveaux témoins s'installent.
Nous voici de retour, pour parler de la question de la pauvreté et pour entendre d'autres témoignages.
Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins, et les remercie d'avoir pris le temps, malgré leurs occupations, de venir nous parler. Comme je l'ai dit auparavant, nous nous penchons sur le dossier de la pauvreté depuis l'an dernier et même un peu avant. Nous sommes allés dans l'est, puis nous sommes venus dans l'ouest, et il nous a été suggéré de venir aussi dans le Nord. C'est donc la première fois que notre comité voyage jusqu'ici, et nous apprécions l'accueil chaleureux auquel nous avons eu droit et nous sommes heureux également d'entendre un point de vue différent de ceux que nous avons entendus auparavant.
Nous entendrons en premier lieu Patricia Bacon, d'Outreach Van. Je compte sur vous pour nous dire ce que fait votre organisation, et aussi peut-être pour soumettre quelques recommandations à notre comité, dont nous pourrions ensuite parler et faire part au gouvernement.
Bienvenue parmi nous. Sept minutes vous sont allouées pour les questions et réponses. Après avoir entendu la déclaration des deux témoins, nous passons aux questions des députés, soit pour clarifier des choses ou pour examiner un peu plus en profondeur certains éléments dont vous nous aurez parlés.
Merci beaucoup. Merci de m'avoir invitée à prendre la parole.
Je m'appelle Patricia Bacon, je suis directrice exécutive du Blood Ties Four Directions Centre, et je suis l'un des gestionnaires participants de la fourgonnette de services No Fixed Address Outreach Van. Aujourd'hui, je viens vous parler plus particulièrement de notre fourgonnette de services.
La fourgonnette de services No Fixed Address Outreach Van est un concept issu du regroupement de quatre organismes collaborant ensemble à la réduction des effets néfastes de la pauvreté et de la toxicomanie à Whitehorse. La fourgonnette Outreach Van est entrée en service en 2001 et, actuellement, elle circule dans la communauté six soirs par semaine assurant un certain nombre de services importants, notamment la distribution de denrées alimentaires. Chaque soir, le véhicule passe par les rues et distribue de la soupe, des sandwichs et des fruits frais ainsi que des vêtements et des articles d'hygiène de base. Il assure également des services de soins infirmiers itinérants, fait de l'éducation en matière de réduction des méfaits, apporte de l'équipement — tel que des seringues de rechange —, assure des services de soutien et de counseling et distribue des bas et des mitaines. Pour vous donner un exemple, la fourgonnette Outreach Van distribue en moyenne 3 000 paires de bas par année aux populations marginalisées qui vivent dans la rue.
En ce qui concerne la nourriture, au cours des six premiers mois du présent exercice financier, 2009-2010, nous avons distribué plus de 5 700 repas ou des aliments — soit de la soupe chaude ou un sandwich — à plus de 1 200 personnes différentes à Whitehorse, ventilées comme suit: 800 hommes et 400 femmes, 900 Autochtones et 300 non-Autochtones. Ce groupe comptait 97 enfants, 96 jeunes et 205 jeunes adultes. Le problème de la sécurité alimentaire et de la faim relié à la pauvreté à Whitehorse recoupe donc toutes les tranches de la population.
La sécurité de l'approvisionnement en aliments de base demeure un problème dans le Nord. Pour beaucoup de clients, la fourgonnette est l'une de leurs rares sources fiables d'aliments. Le véhicule transporte suffisamment de denrées pour répondre aux besoins de base d'environ 70 personnes chaque soir. Parfois, la demande est plus grande et dépasse nos capacités.
Au niveau des refuges et du logement, où notre clientèle habite-t-elle? La majorité des clients de la fourgonnette vivent dans des conditions d'habitation chaotiques, dangereuses et instables, notamment dans des maisons de chambre de piètre qualité et des appartements illégaux. Beaucoup de nos clients font le commerce du sexe ou des drogues pour avoir un lit ou une place pour coucher pour la nuit. L'été, ils ont tendance à camper à l'extérieur; l'hiver, ils vivent dans des centres d'hébergement d'urgence, des maisons de trafiquants de drogue et des maisons de chambre. L'obtention d'un logement sécuritaire et adéquat constitue l'une des préoccupations les plus pressantes de la clientèle de notre fourgonnette de services.
Au centre Blood Ties Four Directions, l'un des organismes de soutien qui contribuent à faire rouler notre fourgonnette de services, le logement est également l'une des préoccupations les plus pressantes pour ceux qui vivent avec le VIH et l'hépatite C. Eux aussi se battent pour trouver un endroit sécuritaire et stable où loger.
Tel est le visage de la pauvreté dans une ville du Nord canadien. Je crois comprendre que le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées est disposé à recevoir des recommandations; nous en avons donc élaboré quelques-unes.
L'itinérance est un problème urgent à Whitehorse et le tableau de l'itinérance dans le Nord peut différer de celui du Sud du Canada. L'itinérance peut être cachée et les sans-abris, ne pas être très visibles. Nous demandons respectueusement au comité de donner de l'itinérance une définition large, parce qu'elle présente de nombreux visages au Canada. Dans le Nord, ses caractéristiques sont l'insécurité, la médiocrité ou l'insalubrité, le changement fréquent d'endroit où coucher, le chaos, le coût prohibitif du logement et le surpeuplement. Tel est le visage de l'itinérance dans le Nord.
De plus, nous demandons respectueusement au comité de faire des recommandations ayant pour objet de créer des possibilités de programmes propres à répondre au besoin de divers types de logement abordable et stable pour les gens du Nord. Nous avons besoin de logements subventionnés en nombre suffisant pour permettre de faire face au coût de la vie élevé dans le Nord et il existe un urgent besoin de différentes options de logements subventionnés à Whitehorse.
Merci.
Merci, madame Bacon.
Nous entendrons maintenant M. Schultz au nom du Conseil des Premières Nations du Yukon.
Monsieur Schultz, je crois que vous êtes directeur exécutif de cette organisation. Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé. Vous avez sept minutes, monsieur.
Merci. Merci beaucoup.
Je voudrais remercier les membres du comité permanent pour l'occasion qu'il nous donne d'échanger sur différentes réalités d'un point de vue nordique, ce qui est une rare occasion par rapport à nos frères et à nos soeurs des nations visées par un traité au sud de notre région.
L'un des problèmes fondamentaux que connaissent beaucoup de groupes de la région est celui de la capacité, ou du manque de capacité, et je m'excuse par conséquent dès à présent que notre mémoire écrit ne soit pas entièrement achevé, mais vous le recevrez dès que ce sera faisable.
Je veux profiter de l'occasion — et je vous en remercie encore — pour exprimer verbalement certains points qui vous seront peut-être utiles pour vos travaux et pour votre examen d'une question qui est manifestement d'une très grande importance pour tous.
Je suis actuellement directeur exécutif du Conseil des Premières Nations du Yukon. Le Conseil des Premières Nations du Yukon a été mis sur pied en 1973 à titre d'organisme de promotion agissant au nom de toutes les premières nations du territoire. Depuis, le conseil s'est quelque peu transformé. Aujourd'hui, il représente dix premières nations du Yukon sur les 14 reconnues aux termes du traité moderne en vigueur ici au Yukon.
En 1993, après une vingtaine d'années de négociations, les premières nations en sont arrivées, de concert avec l'État fédéral et le gouvernement du territoire, à un accord moderne de règlement des revendications territoriales dont vous connaissez peut-être l'existence. Il s'agit d'un accord global, à la différence des traités numérotés conclus avec les provinces. Il est global par sa portée, puisqu'il traite de la participation des premières nations du territoire à pratiquement tous les aspects de la société, que ce soit l'éducation, la santé, l'économie et ainsi de suite.
Il y est question non seulement de droits issus de traités, tels qu'ils sont définis plus spécifiquement par rapport aux terres, mais également de responsabilité partagée en matière de gouvernance pour la prestation et la réalisation des programmes et services publics sous l'égide des accords d'autonomie gouvernementale. Le pouvoir peut être exercé par les premières nations. Il y a actuellement onze premières nations au Yukon qui sont en régime d'autonomie gouvernementale. Fait intéressant, sur les 17 communautés en autonomie gouvernementale au Canada, 11 se trouvent ici. Et quatre autres sont juste au nord d'ici, à Inuvik, Fort McPherson et Arctic Red. Si on compte ensemble toutes ces communautés, ce sont pratiquement toutes les communautés en autonomie gouvernementale du Canada qui se trouvent ici.
Nous sommes véritablement perçus par de nombreux observateurs, non seulement au Canada mais ailleurs dans le monde également, comme étant à l'avant-garde d'un processus d'établissement de nouvelles relations entre les gouvernements contemporains et les populations autochtones. En soi, c'est très excitant, mais la situation présente néanmoins un certain nombre de défis très intéressants.
Dans le contexte des rapports entre le Canada et ses citoyens autochtones, nombre de politiques et d'initiatives émanant d'Ottawa sont résolument orientées vers les nations visées par un traité au sud d'ici, qui forment la majorité de la population autochtone du pays. Comme vous le savez, les arrangements sont arrivés tôt dans la conceptualisation du Canada lui-même, et ils étaient en fait rendus nécessaires après la Proclamation royale de 1763 et l'ordonnance de 1870, quand le Canada s'est engagé sur la voie devant le conduire au statut de nation à part entière.
J'aimerais vous faire part d'un certain nombre de réalités. Je vais tenter de les organiser de mon mieux pour les présenter dans un ordre logique, mais notre mémoire leur rendra davantage justice. Quoi qu'il en soit, sachez que, en 1973, la situation sociale et économique de nos peuples était désespérée à un point tel qu'ils ont été forcés de se rassembler. À l'époque, nos nations formaient différentes organisations de défense des droits des indiens inscrits et des indiens non inscrits ainsi que des femmes autochtones — ils étaient fragmentés — puis ils ont travaillé ensemble à mettre sur pied le Conseil des Indiens du Yukon, lequel a rédigé un document de griefs qui a été présenté au premier ministre Trudeau et à monsieur Chrétien, le ministre des Affaires indiennes de l'époque. C'est ce qui a marqué le début du processus moderne de règlement des revendications territoriales dans ce pays. Le Canada a accepté que ce document constitue la base des négociations qui s'amorçaient.
Pour notre peuple, la situation était désespérée. Il se débattait toujours avec la question des pensionnats. Les taux de succès dans les études des élèves des premières nations étaient considérablement inférieurs à ceux des autres Canadiens et des Yukonnais. Le taux de chômage chez les nôtres était le triple de celui des autres Canadiens. Sur le plan de notre bien-être général, notre état de santé était naturellement très détérioré par rapport à celui des autres Canadiens.
En fait, pour tous les indicateurs sociaux, sans les mettre tous en évidence mais en faisant une corrélation avec les Yukonnais ou avec les Canadiens, il y a une énorme disparité par rapport aux premières nations qui habitaient ici.
Parlons des conditions de logement. Quand j'ai habité dans la réserve indienne de Whitehorse, ici même, j'habitais essentiellement dans un hangar fait de morceaux ramassés à droite et à gauche. Nous n'avions ni eau, ni électricité ni véritable infrastructure dans la communauté qui permettent d'avoir de meilleures conditions de vie. Les gens vivaient dans le désespoir, les taux d'alcoolisme et de toxicomanie étaient élevés, le crime sévissait, et il y avait tous les disfonctionnements sociaux qui accompagnent la vie dans des conditions de pauvreté abjecte et désespérante.
Je me rappelle un garçon qui n'avait rien mangé depuis des jours alors que le territoire environnant produisait une abondante richesse. Rappelez-vous que, quand j'étais un jeune garçon, on était toujours en pleine période de prospérité économique grâce aux métaux de base, ici, au Yukon. Il y avait la mine de Faro; il y avait une intense activité d'exploitation minière. Les gens en grand nombre se faisaient construire de belles maisons et, quand j'allais à l'école, je voyais que les autres portaient de beaux vêtements et avaient de beaux véhicules et plein d'activités parascolaires à faire. C'est l'idée de la différence qui me frappait, même quand j'étais un jeune enfant.
À l'époque, face aux taux de suicide vertigineux et aux comportements destructeurs pour lesquels rien n'était fait, nos nations ont pris sur elles de promouvoir l'adoption d'un traité moderne.
Sans entrer dans le détail du traité, je peux dire qu'il ne visait pas tant à acquérir davantage de pouvoir qu'à avoir le pouvoir de faire face à tous les problèmes sociaux qui se posaient à nous et de trouver des moyens d'encourager nos communautés à adopter des comportements plus sains en pratiquant des activités, parce que l'oisiveté est mère de beaucoup de problèmes.
Depuis 1993, je travaille à la mise en oeuvre des ententes. Il est intéressant de souligner que ces ententes sont financées au moyen de transferts fiscaux comparables à ceux qui existent entre le Canada et les provinces et les territoires. Ce sont des arrangements fiscaux de cinq ans. Ils sont assortis de clauses d'échelles mobiles reliées à des facteurs tels que la démographie et l'inflation, et ainsi de suite, tout comme les provinces et les territoires. Elles sont renégociées tous les cinq ans pour que des ajustements soient apportés en tenant compte des facteurs de ce genre.
Il y a dans le traité une affirmation très claire, et un engagement du Canada à ce qu'elle y figure, selon laquelle nous constituons bel et bien un peuple autochtone, nous sommes citoyens canadiens, sans restrictions, et que nous nous verrons reconnaître tous les droits et accorder toutes les possibilités dont bénéficient les autres citoyens canadiens, sans restrictions, que ce soit dans les services publics, les programmes ou d'autres types de soutien.
Pendant la mise en place, ce qui est vraiment intéressant pour nous — et c'est ici que ça peut devenir intéressant pour vous, je crois — c'est que nous poursuivons beaucoup d'activités reliées à la condition sociale de notre peuple. Mais nous nous rendons compte, avec la mise en place des programmes par le Canada, qu'il y a une bonne part de la terminologie utilisée, comme les programmes poursuivis « dans les réserves » et « à l'extérieur des réserves », qui ne s'applique pas à notre situation.
Pour commencer, il n'y a peut-être que deux ou trois réserves reconnues sur le territoire. Pour la plupart, nos communautés n'ont pas de réserve; elles ont ce qu'on appelle de la « terre mise de côté ». Pour la majorité de nos nations qui sont en régime d'autonomie gouvernementale, il y a ce qu'on appelle les « terres désignées ». Les terres désignées constituent un régime foncier équivalent à un fief simple, mais le mot important ici est « équivalent »; ce n'est pas la même chose. C'est équivalent au fief simple pour ce qui est de la façon dont nous pouvons les utiliser, mais nombre de ministères fédéraux ne reconnaissent pas qu'il s'agit d'une délégation. Autrement dit, ils en restent toujours aux notions de « dans la réserve » et « à l'extérieur de la réserve »; on vit dans une réserve ou on ne vit pas dans une réserve.
Pour les premières nations comme les nôtres, les programmes destinés aux réserves ne s'appliquent pas. Pourtant, nous nous efforçons toujours de corriger les problèmes sociaux dont j'ai parlé plus tôt. Nous ne sommes toujours pas parvenus à trouver une position d'équilibre entre les autres Canadiens et notre peuple.
Nous avons besoin de ces outils; nous avons besoin des instruments que possèdent d'autres Autochtones et d'autres Canadiens. Nous ne pouvons pas permettre que quelque chose de si instructif et si bon qu'un traité moderne, que tous nos représentants politiques respectifs et nos bureaucraties ont négocié pendant 30 ans et sur lequel ils se sont mis d'accord, devienne un obstacle — encore moins un obstacle à la résolution des problèmes signalés dans ces traités, toutes ces conditions sociales négatives.
Nous savons que, par exemple, dans toutes nos premières nations, il existe un important fossé entre les régions rurales et urbaines. Je parle ici du contexte de Whitehorse, et je le précise parce que je suis certain que les gens de Vancouver ne comprendront pas — de Montréal ou d'ailleurs non plus — mais nous avons notre propre fossé entre les régions rurales et urbaines ici au Yukon. Whitehorse est très petite par rapport à la plupart des collectivités canadiennes, c'est vrai, mais vous comparez Whitehorse, qui compte de 20 000 à 21 000 habitants, avec nos collectivités rurales, qui comptent entre 300, 400 et 500 habitants. Par ailleurs, dans ces collectivités rurales, la grande majorité de la population est autochtone. Le type de soutien des infrastructures offert pour les initiatives et le développement des collectivités locales est différent.
Quand on examine les mesures de relance qui sont mises en oeuvre, en particulier dans le Nord, liées à tout un tas d'initiatives fédérales, on veut s'assurer que certaines des collectivités les plus démunies reçoivent une partie des fonds destinés à ces mesures et aux infrastructures. Lorsqu'on se rappelle l'histoire de ce territoire — la traite des fourrures avec les Russes et la Compagnie de la Baie d'Hudson, la ruée vers l'or de 1898, la hausse soudaine de la demande de métal commun à la fin des années 1960 et au début des années 1970, et l'activité en cours aujourd'hui — et qu'on constate la richesse qu'engendre ce territoire, il n'y a aucune raison valable, à notre avis, pour qu'une collectivité n'ait pas de l'eau potable de qualité. Il n'existe aucune raison acceptable, quand ce territoire génère des milliards de dollars qui sont versés à des actionnaires ou encore à l'État ou au gouvernement territorial sous forme de paiements de redevance. Pourquoi avons-nous toujours de la difficulté à fournir de l'eau potable de bonne qualité dans les collectivités? Aucune raison ne peut le justifier. Il faut mettre l'accent sur les éléments essentiels pour mettre fin à la pauvreté. Dans nos collectivités, le problème de la pauvreté demeure un véritable fléau. Un fléau qui vous empêche d'avancer et vous rend désespéré, et vous fait poser des gestes épouvantables.
Dans l'étude de ce fossé entre les régions rurales et urbaines, il faut évidemment tenir compte des éléments de base: la qualité de l'eau potable, les eaux usées et l'évacuation adéquate des eaux usées, et ainsi de suite. Pourquoi est-ce important? Lorsqu'on regarde les masses critiques nécessaires pour réaliser les activités dans les collectivités, les petites collectivités ne peuvent pas attirer de gens pour travailler là-bas parce qu'elles n'ont pas de quoi loger adéquatement ces personnes. Nous n'avons pas assez de logements — je sais que chacune de nos communautés des premières nations a une liste longue comme le bras de besoins en matière de logement social. C'est symptomatique d'un problème plus vaste, bien sûr. Le mot clé est logement « social ». Si les gens étaient plus autonomes financièrement, ils ne seraient pas sur cette liste; ils achèteraient leur propre maison.
Lorsqu'on regarde l'éventail des programmes sociaux mis en oeuvre au Canada, une fois encore, le problème dans les réserves/hors réserves continue de nuire à la mise en oeuvre ici au Yukon. On envisage le soutien des entreprises et le perfectionnement des dirigeants d'entreprises dans nos collectivités et on parle de relance économique. Si on n'a pas les infrastructures fondamentales nécessaires — comme de l'eau potable de bonne qualité et des logements adéquats — pour attirer les travailleurs qualifiés dans les collectivités éloignées afin qu'ils participent aux activités entrepreneuriales, alors le cycle se perpétue. L'exode des zones rurales vers les centres urbains continuera, et cela se perpétue là où les gens deviennent assez qualifiés ici à Whitehorse et décident alors de se rendre à Winnipeg, à Toronto ou à Vancouver.
Lorsqu'on pense au Nord et à la question à laquelle le Canada doit répondre, ainsi qu'à la question de la souveraineté à l'échelle internationale, aux défis liés aux changements climatiques, et à l'attente constante, pas seulement de la part du Canada, mais de la Chine, de la Corée, de l'Extrême-Orient, des Européens, concernant l'ouverture du Nord et l'accès aux nouvelles ressources, on constate que le Canada a la possibilité d'essayer de bien faire les choses, pas seulement en partenariat avec le gouvernement territorial mais aussi avec les collectivités locales et autochtones.
Si j'avais plus de temps j'en parlerais encore longtemps, mais je sais que je dois céder la parole à quelqu'un d'autre. C'est une question très complexe à laquelle il n'y a pas de réponse simple. Je vous remercie tous de consacrer votre temps et votre attention à cette question.
Je pense que beaucoup d'outils existent, mais qu'ils ne sont pas à notre disposition. Votre comité pourrait jouer un rôle essentiel pour changer les choses. Dans les documents que nous vous fournirons, vous pourrez lire en détail nos idées et nos recommandations sur le sujet.
Merci.
Merci, monsieur Schultz.
Les députés, qui sont renommés pour parler un peu, ont de la difficulté à poser toutes leurs questions pour avoir toutes les réponses dans la période de sept minutes, il y a donc toujours de la frustration à cet égard. Nous aurions pu obtenir plus de renseignements, mais merci beaucoup de votre intervention.
Cela étant dit, je donne la parole à M. Savage. Il dispose de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Et merci, monsieur Schultz et madame Bacon.
Je suis député fédéral de la Nouvelle-Écosse et porte-parole en matière de ressources humaines pour le Parti libéral. Je participe à cette étude sur la pauvreté depuis le début, avec M. Martin et M. Allison, je crois, et M. Lessard du Bloc.
Nous nous déplaçons cette semaine. Nous devrions être plus nombreux, mais certains ont dû retourner à Ottawa. Ils reviendront à Yellowknife demain.
On nous dit souvent qu'il est inutile d'étudier la pauvreté. On sait qu'elle existe. On en connaît les causes profondes et, en général, on sait qu'on peut trouver des solutions s'il y a une volonté politique. L'une des raisons importantes de venir sur le terrain, c'est qu'il peut y avoir des besoins dont on ne peut pas se rendre compte en restant à Ottawa.
Hier, à Vancouver, par exemple, on a beaucoup entendu parler de la perte du saumon du Fraser et du mal que cela a fait aux peuples autochtones dans de nombreuses collectivités.
Ici, le problème de l'eau en est un que la plupart des Canadiens ignorent. Il y a des endroits au Canada où il n'y a pas assez d'eau potable. On attire beaucoup l'attention lorsqu'on parle d'endroits comme Kashechewan ou Attawapiskat. Mais il ne fait aucun doute que c'est quelque chose qui doit figurer dans un plan de lutte contre la pauvreté. C'est un besoin très essentiel. On ne peut pas vivre sans eau propre.
D'après ce que nous avons entendu jusqu'ici au Yukon, le problème des sans-abri semble être une priorité — la mise en place de cette stratégie nationale en matière de logement permettra de répondre à tous les besoins dans toutes les collectivités.
J'aimerais soulever un autre point. Il semble y avoir un fossé grandissant entre les riches et les pauvres au Canada, même si nous avons connu des périodes décentes au cours des dix dernières années. Je cite Campagne 2000:
L’inégalité entre les riches et les pauvres au Canada a augmenté plus que dans tous les autres pays de l’OCDE au cours de la dernière décennie, à l’exception de l’Allemagne. Pour chaque dollar dont disposait une famille parmi les 10 % plus pauvres [...], une famille parmi les 10 % plus riches disposait de [...] pratiquement douze fois plus. Manifestement, la richesse générée en période de prospérité économique n’est pas équitablement répartie.
Est-ce le cas au Yukon? Quel est votre avis?
Je pense, monsieur Savage, que vous soulevez un très bon point. Nous constatons que l'écart entre les nantis et les démunis s'élargit. Nous avons constaté dans notre travail par l'intermédiaire de Blood Ties et la camionnette itinérante que le besoin en matière de logement de base décent a continué de croître au lieu de diminuer, ce qui fait que moins de gens peuvent avoir accès à des logements décents et abordables.
Dans notre collectivité, plusieurs personnes s'en sortent très bien; ils connaissent du succès dans leur travail et ont un travail qui leur permet d'acheter une maison qui leur convient. Cependant, il y a de plus en plus de gens qui ne peuvent pas satisfaire ce besoin. Il ne s'agit pas seulement de personnes ayant des problèmes d'alcool ou de drogues, mais des jeunes qui essaient d'aller au collège et de commencer sur le marché du travail. J'imagine que vous avez constaté cette tendance au Canada. De moins en moins de personnes sont en mesure de se faire une vie. Nous le voyons vraiment ici aussi.
Je pense que cela explique le problème de surpeuplement, qui est lié au logement. Dans le Nord, on ne voit pas nécessairement une personne dormir dans l'embrasure d'une porte ou la devanture d'un magasin. Ce n'est pas le genre d'itinérance qu'il y a ici — pas l'hiver, en tout cas. Mais on a bien un problème d'itinérance. Comment on le définit et comment on veut y faire face sont deux choses vraiment importantes. Je crois que c'est un travail important de la part du comité de simplement le constater.
Il se pourrait que je sois influencé par les personnes pour lesquelles je travaille en général, qui sont autochtones — je ne peux pas répondre à la question pour tous les Yukonnais —, mais d'après ce que j'ai vu au fil des années, oui, il peut y avoir une plus grande différence entre les riches et les pauvres. Je vais vous donner un exemple.
Par le passé, on ne devait pas parler des autres. Je vais donc parler de moi. Quand on examine les défis liés à la pauvreté — par exemple, tôt dans la vie, j'ai arrêté l'école pour travailler à temps plein, par nécessité. Ce n'était pas parce que je ne voulais pas faire d'études ou parce que mes parents ne voulaient pas que j'en fasse. On avait besoin d'argent. Quelqu'un devait gagner plus d'argent parce qu'il y avait des bouches à nourrir, des factures à payer. Parfois, on se retrouve dans une situation où on n'a pas le choix de le faire.
Personnellement, j'ai été très chanceux de retourner à l'école et de poursuivre mes études. Mais beaucoup de personnes n'ont pas cette chance. Quand on étudie la racine du problème pour connaître la cause du fossé et savoir pourquoi le fossé s'agrandit, on étudie les défis associés aux résultats chez l'apprenant autochtone, par exemple. Nous savons qu'il y a une énorme différence entre les résultats de nos membres et ceux des autres Yukonnais et des autres Canadiens, ce qui devient un obstacle très sérieux pour les personnes qui essaient d'avoir une autonomie financière ou de décrocher un emploi intéressant. C'est un cercle vicieux. Ça devient un problème.
Je dirais que les conditions sociales de notre population se sont certainement améliorées depuis 1973. Il n'en fait pas de doute. Mais nous sommes toujours loin de rattraper le reste de la population canadienne.
Puis-je vous poser cette question? Nous avons entendu à de nombreux endroits, et surtout ici aujourd'hui, qu'il faut mettre en place une stratégie nationale en matière de logement, et je crois que cela fera partie de notre rapport, je peux vous l'assurer.
Il semble également qu'il faut une stratégie nationale de l'eau. Nous parlons de plus en plus d'une stratégie nationale de l'eau, mais c'est généralement du point de vue de l'eau douce, de la protection de l'eau douce et de sa non-exportation. Mais des personnes comme Larry Bagnell, que vous connaissez, qui est un collègue et ami à moi, a parlé de l'intérêt de sa collectivité à l'égard de la question de l'eau en particulier à Ottawa. C'est peut-être aussi ce qu'il nous faut — une stratégie nationale de l'eau, dont une partie consiste à faire en sorte que chaque collectivité canadienne a de l'eau propre.
Je suis tout à fait d'accord. Au cours des années, j'ai participé à plusieurs initiatives liées au développement communautaire. J'ai fait partie du comité national sur l'infrastructure rurale, et j'ai pris part à l'initiative touchant les villes et les collectivités réalisées à l'époque de Paul Martin. Nous avons examiné beaucoup d'éléments relatifs à ce dossier, et notre groupe rassemblait des gens de partout au pays.
Il ne semble tout simplement pas y avoir de motifs valables au Canada justifiant que les gens ne disposent pas d'une infrastructure de base de bonne qualité, notamment en ce qui a trait à l'eau potable, aux besoins fondamentaux. Malgré toute la richesse qui est produite dans bon nombre des régions où se trouvent ces collectivités, les gens n'ont pas vraiment d'eau potable. Une collectivité peut se trouver tout près d'une mine ayant généré des revenus de 450 millions de dollars en un an, mais qu'est-ce que ça lui rapporte?
Je vais vous dire ce que les collectivités locales retirent du développement, ou ce qu'elles en ont toujours retiré. On finit toujours par utiliser les fonds publics pour tous les travaux de mise en valeur et la restauration permanente requise pour limiter la contamination qui menace la qualité de l'eau, cette eau qui n'est déjà pas assez bonne. Non seulement les gens doivent composer avec le fait que leur eau n'est pas assez bonne, ils doivent aussi veiller à ce que la situation n'empire pas.
Si nous sommes des promoteurs incontournables de grands projets au pays sur le plan des contributions, alors le gouvernement fédéral peut grandement influencer ce qui se passe au moyen de ses lois et de ses règlements. À mon avis, nous devons nous assurer que les collectivités locales, quelle que soit leur appartenance ethnique, bénéficient de l'activité qui se déroule à proximité et disposent d'une infrastructure de bonne qualité. Le Canada a la capacité de l'imposer de bien des façons.
Merci beaucoup.
Nous avons bel et bien beaucoup appris ici ce matin. J'ai l'impression que parfois, quand nous sommes aux prises avec d'importants problèmes fondamentaux, nous nous perdons dans les détails. Nous nous penchons sur des programmes en particulier que nous voulons et que nous devons mettre en oeuvre, mais nous omettons de tenir compte de la nature systémique des difficultés auxquelles nous faisons face.
Je n'aurais jamais pensé que, dans une petite collectivité aussi compacte que celle de Whitehorse, il y avait des problèmes comme ceux que vous nous avez décrits, Pat. Au Canada, nous avons un défi à relever dans bien des régions du pays en ce qui a trait à la population et à la main-d'oeuvre. Nous faisons venir des travailleurs de l'étranger pour nos entreprises, pourtant il y a tous ces gens pleins de potentiel qui dépérissent. D'où viennent les personnes qui font appel à vos services? Quelles sont les causes profondes qui expliquent pourquoi elles en sont là?
Pour chaque bande et d'où ils viennent? La plupart d'entre eux sont au Yukon depuis longtemps. Certains d'entre eux sont de passage. Pendant l'été, la demande à l'égard de nos services augmente. Et une grande partie de cette clientèle est constituée de gens qui sont de passage. Notre clientèle principale, qui varie de 50 à 70 personnes par nuit, sont des Yukonnais qui vivent ici à longueur d'année, dont un grand nombre sont de descendance autochtone et sont au Yukon depuis longtemps.
Les problèmes auxquels ces gens font face sont complexes. Plusieurs d'entre eux ont des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie de même que des troubles de santé mentale. Bon nombre de nos clients souffrent de l'hépatite C; certains sont coinfectés par le VIH. Vous ne le savez peut-être pas, mais le Yukon affiche le taux d'hépatite C le plus élevé au Canada. Deux fois la moyenne nationale. Un grand nombre de nos clients sont aussi à risque de contracter l'hépatite C, à cause de l'injection de drogues ou de certains comportements, comme par exemple des pratiques de tatouage risquées.
Nos clients font face à plusieurs problèmes, comme le racisme systémique et la pauvreté systémique. Bon nombre d'entre eux sont des survivants des écoles résidentielles et sont aux prises avec un traumatisme complexe découlant de leur passé, donc la consommation excessive et la violence font partie de leur vie de même que les troubles de santé mentale. Leur combat touche vraiment plusieurs fronts. La fourgonnette d'intervention leur fournit certains services de consultation de base et certains services de soins infirmiers. Pour bon nombre de nos clients, les seuls soins de santé auxquels ils ont accès sont ceux offerts par l'entremise de la fourgonnette d'intervention. Ils ne vont pas à l'hôpital. Ils n'ont pas de médecin. Pour certains d'entre eux, les seuls soins de santé qu'ils reçoivent leur sont prodigués par l'infirmière qui travaille deux fois par semaine dans la fourgonnette d'intervention.
Pourquoi les systèmes dont nous disposons — éducation, soins de santé, programmes sociaux — ne permettent-ils pas de répondre aux besoins de ces gens et de leurs familles, pour que tant de gens tombent dans les mailles du filet et se retrouvent dans une telle situation?
Pour ce qui est des peuples autochtones et des premières nations, le processus de règlement des revendications territoriales constitue manifestement un pas dans la bonne direction. On semble de nouveau considérer le Nord comme la nouvelle frontière. Nous allons en assurer le développement, cette fois en chargeant l'armée de le protéger contre les superpuissances envahissantes qui voudraient peut-être voler nos ressources. De toute façon, nous n'avons pas très bien réussi en ce qui concerne le partage de nos ressources, que nous avons déjà exploitées en grande partie.
Selon les données démographiques, la population autochtone représente le segment de notre population qui affiche la croissance la plus rapide. C'est là que se trouve notre avenir. C'est notre potentiel. Ce sont nos travailleurs de demain, nos génies, nos chercheurs et nos travailleurs du domaine de la santé; pourtant, une tonne d'entre eux nous glissent entre les doigts.
Nous parlons de la sécurité du revenu, du logement et de l'inclusion sociale. Ce sont là de beaux mots et de beaux concepts, mais quand on passe de la théorie à la pratique, par où faut-il commencer?
Eh bien, je suis heureux que vous posiez cette question, parce que j'ai omis d'en parler dans mon exposé. Le Créateur fait bien les choses.
À mon avis, et de l'avis de bien des gens pour qui je travaille, nous avons déjà le cadre sur lequel nous pouvons nous fonder pour commencer à demander ce changement d'attitude et d'approches. Ce cadre est bien illustré dans ce traité moderne que nous avons conclu avec le Canada et le gouvernement territorial.
Nous savons que nous sommes déjà au terme d'un examen de 10 ans et, à l'heure actuelle, ce processus d'examen nous cause des difficultés quant à la mise en oeuvre... Il serait sage d'examiner la façon dont nous mettons en oeuvre cette entente, dont nous mettons en oeuvre ce partenariat. Comme je l'ai mentionné, le partenariat repose non seulement sur le fait de donner ceci ou cela aux premières nations. C'est plus que cela. Il s'agit davantage d'une gouvernance fondée sur la collaboration. Il est davantage question de la collaboration et de la coopération de même que de la prestation de programmes et de services publics visant à favoriser le mieux-être social des populations autochtones, mais aussi par extension, si vous lisez le traité, des autres Yukonnais et Canadiens.
Parmi les problèmes fondamentaux associés à ce dossier, il y a par exemple le fait que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien examine la situation en tant que guichet unique pour le Canada. L'obligation du Canada à l'égard du traité concerne les institutions canadiennes. Il ne s'agit pas d'Affaires indiennes en soit. Affaires indiennes ne représente pas tous les divers domaines des institutions canadiennes et tout ce que font les institutions canadiennes. Il y a Développement des ressources humaines Canada, il y a Environnement Canada, et il y a Pêches et Océans Canada. Je n'ai pas besoin de vous le dire; vous le savez déjà.
Nous savons qu'au Canada, dans le cadre de l'établissement de notre régime de gouvernance, nous avons toujours beaucoup favorisé le cloisonnement de nos institutions et de nos ministères. Nous voulions que ce traité nous permette de nous éloigner du cloisonnement afin de favoriser une plus grande collaboration. Essayons de veiller à ce que ces communautés autochtones locales disposent d'une infrastructure de base, d'un soutien communautaire de base ainsi que de programmes et services publics dont elles peuvent assurer la prestation en vue d'atténuer les problèmes sociaux qui sont le fruit des pratiques coloniales du passé.
Ces examens permettent de relever certaines des barrières découlant des politiques fédérales, et il y en a plusieurs. Elles sont trop nombreuses pour que je vous les énumèrent maintenant, mais vous les trouverez dans la version écrite de mon exposé. Il s'agit de barrières connues, qui ont même été reconnues comme telles par de nombreux représentants du gouvernement fédéral et, pourtant, personne n'est prêt à proposer une solution qui permettrait de surmonter ces barrières qui empêchent les collectivités du Yukon d'avoir accès à des programmes de bonne qualité, une solution qui les aiderait à commencer la mise en oeuvre de certaines des initiatives requises pour favoriser le mieux-être.
En l'an 2000, quand j'étais en Russie — j'y ai passé deux semaines en tant qu'invité — je me suis intéressé à la condition sociale. Nous savons que la Russie a mis fin à 90 ans de communisme. J'y étais en tant qu'invité et j'ai pu voir beaucoup de choses. L'un des éléments qui m'a particulièrement intéressé est la condition sociale de la population russe. J'ai été fasciné par la corrélation qui existe entre les indicateurs utilisés pour évaluer la condition sociale de la population russe et ceux qui sont utilisés pour la population autochtone du Canada: la consommation excessive d'alcool et de drogues qui est omniprésente, le taux élevé de crimes, le taux élevé de suicides, l'emprisonnement, etc. Si on avait remplacé le mot « Russes » par « premières nations du Yukon » ou « Indiens du Canada », je ne l'aurais pas vraiment remarqué. Les indicateurs sont les mêmes.
Il est évident que, quand le Canada a adopté la Loi sur les Indiens et les principes qui y figurent en ce qui a trait à un système social réel, cela a vraiment fait du tort aux Indiens; même si ce n'était peut-être pas l'intention au départ, c'est ce qui s'est produit. Il en est résulté une onde de dépendance, un système où les gens étaient systématiquement pris en charge, du berceau au tombeau.
C'est ce qui s'est produit, bien sûr, tout au long de la durée de vie de la Loi sur les Indiens. Nous nous sommes enfin débarrassés de cette loi en 1993, comme je l'ai dit, mais nous peinons toujours à savoir comment nous allons maintenant aller de l'avant. Comment allons-nous procéder? Nous avons ces traités qui prévoient des partenariats, qui prévoient les dispositions financières requises.
Le problème que nous avons toujours eu — et je vais simplement le mentionner — c'est que Pêches et Océans Canada, en tant que ministère, ne connaît pas très bien les responsabilités qui lui reviennent en vertu de ce traité. Environnement Canada ne connaît pas très bien ses responsabilités. Ressources humaines Canada ne connaît pas très bien ses responsabilités. Il ne s'agissait pas seulement d'Affaires indiennes. Les institutions canadiennes à Ottawa doivent trouver un meilleur moyen de mettre en oeuvre ces traités modernes. Quand je pense à l'expérience que nous vivons ici — et c'est le mot que certains utilisent — nous avons la possibilité, en tant que Canadiens, de faire quelque chose de vraiment constructif et utile pour aider à corriger une part de notre histoire et adapter la dynamique sociale de manière à favoriser un meilleur équilibre entre les peuples autochtones et les autres Canadiens.
Si nous pouvions commencer à marquer des points à cet égard, je pense que d'autres régions du pays diraient: « Il existe des outils utiles qui nous pourrions peut-être utiliser ». Nous savons que, dans d'autres régions du Canada, les populations autochtones locales ont des problèmes. Nous devons innover. Nous avons la possibilité de le faire ici même.
Je recommanderais fortement que le Canada poursuive la mise en oeuvre de ces traités, et je vous recommanderais bien sûr vivement, si vous en avez l'occasion, de prendre connaissance de nos traités, de prendre connaissance de ce qu'ils contiennent. On y trouve beaucoup de matière. Ils contiennent beaucoup de bonnes choses qui les Canadiens ne savent pas; mais lorsque les gens vont les découvrir, surtout les parlementaires... J'ai déjà été en politique et je salivais chaque fois que je voyais quelque chose de bien. Je voulais le faire. Je voulais en faire partie. C'est ma recommandation par rapport à ce que nous devons faire.
Merci, Tony, et merci, Ed.
Nous allons maintenant passer à la dernière série de questions pour ce groupe de témoins.
Madame Cadman, la parole est à vous, vous avez sept minutes.
Merci.
Je vous félicite d'avoir autant de communautés autonomes... C'est impressionnant. Je pense que nous devrions prêter une attention particulière à votre évolution. Vous pourriez devenir un modèle pour nous. Je sais que dans la vallée du Bas-Fraser en Colombie-Britannique, les premières nations sont nombreuses à se chamailler entre elles. Elles ne se sont pas encore attaquées au problème.
Comment en êtes-vous arrivés à l'autonomie gouvernementale? Quel processus avez-vous utilisé?
À l'origine, il s'agissait d'un processus d'engagement avec le Canada. Comme vous le savez, le Canada a introduit son livre blanc vers 1973. Le livre blanc a été rejeté par de nombreux peuples autochtones de l'ensemble du pays qui le percevaient comme un simple exercice d'assimilation, une chose que notre peuple ne voulait pas.
Notre peuple s'est serré les coudes. À cette période, nous étions plutôt isolés, même au Yukon. Nous avions l'Association des Indiens non inscrits du Yukon qui représentait tous les Indiens non inscrits. Nous avions la Fraternité des Autochtones du Yukon qui représentait tous les Indiens inscrits. Il y avait également le Yukon Aboriginal Women's Council. Je ne me rappelle pas de tous les noms parce qu'à l'époque, je n'étais qu'un jeune garçon. Toutefois, leur façon de voir les choses quant à l'approche à adopter à cet égard était très divergente. Ils voulaient tous se faire les défenseurs de la même cause pour composer avec le problème de la pauvreté, les faibles taux d'éducation et tout ce genre de chose, mais le vrai débat et la vraie division résidaient dans la manière d'aborder cette question.
Éventuellement, on en est venus à un point où les engagements étaient représentés de manière bien trop différentes. Par conséquent, selon ce que j'ai lu dans la documentation, je crois que ça a contribué au fait que les autres gouvernements n'ont pas été aussi à l'écoute qu'ils auraient dû l'être. Lorsqu'ils se réunissaient ici au Yukon, ils avaient la ferme conviction qu'ils le faisaient en fonction de leurs relations historiques et non parce que quelqu'un avait établi une frontière géographique à ce degré et à cette latitude. C'est une chose qui a été imposée à notre peuple.
Nous reconnaissons également que la distinction entre « inscrits » et « non inscrits » a divisé énormément nos communautés. À titre d'exemple, dans ma famille, j'étais un Indien inscrit. Ma soeur ne l'était pas, bien que nous ayons les mêmes parents, la même mère et le même père, et ce, en raison de l'application de la loi. Je suis né juste avant que mes parents ne se marient, je suis donc un Indien inscrit. Comme mon père est un Métis, qu'il n'avait pas le statut d'Indien inscrit et que ma mère l'a marié, elle a perdu son statut. Par conséquent, ma soeur a le statut d'Indien non inscrit.
Nous savions qu'il s'agissait d'une question qui causait une très grande division dans nos communautés. Les gens ont commencé à être étiquetés. Il ne s'agissait pas uniquement d'un outil administratif pour le ministère des Affaires indiennes visant à déterminer les sommes d'argent qui devraient être mises de côté pour soutenir les Indiens. Ça a créé une grande scission entre les peuples. Vous savez, vous n'êtes pas vraiment un Indien, mais vous l'êtes. Nous avons appris à aller au-delà de ça.
Comme je l'ai mentionné, nous nous sommes ensuite engagés avec le Canada. En réponse au livre blanc, nous avons déposé le document intitulé Together Today for Our Children Tomorrow, dans lequel il est mentionné que nous souhaitons qu'une approche différente soit adoptée à l'égard des relations entre nos peuples.
Il faut se rappeler qu'à cette époque, il y avait de nombreuses discussions au sujet du pipeline de la route de l'Alaska qui viendrait jusqu'ici. Bien des gens parlaient des grosses sommes d'argent et des grandes richesses qui allaient être créées. Nous avons dit: « Attendez une minute; nous avons manqué le commerce des fourrures, nous avons manqué la ruée vers l'or et nous avons manqué l'essor minier des années 1960 et 1970. Nous ne passerons pas à côté de cette occasion. » Comme je l'ai dit dans ma présentation, il était essentiel que nos communautés en retirent quelque chose. Historiquement, chaque fois qu'il y a eu un important événement économique, nous n'avons rien obtenu.
Le Canada peut s'assurer, notamment parce qu'il a plus de pouvoir dans les territoires que dans les provinces, que des régimes soient mis sur pied afin que les communautés locales du Nord retirent réellement le plus d'avantages possible des événements qui se produisent dans leur propre cour. Si on disposait de l'infrastructure de base adéquate dans ces communautés, ça nous permettrait d'avoir une longueur d'avance. Les gens auraient des milieux sains à partir desquels ils peuvent essayer de créer de la richesse. Remarquez que je ne dis pas que cela résoudra tous nos problèmes.
Lorsque vous essayez de composer avec un véritable fléau... Je l'admets ouvertement, publiquement et de quelque autre façon que ce soit, j'ai connu des problèmes d'alcoolisme et de consommation de drogues par le passé, et je sais que ces problèmes doivent être abordés d'un point de vue personnel. Lorsqu'on croit qu'on n'a plus d'espoir d'obtenir un emploi ou de jouer un rôle significatif dans la société, on n'a plus l'espoir ni l'intention de faire autre chose. Ce sentiment, en plus du reste, contribue à perpétuer une image négative de soi.
Quand vous allez vous prendre un peu d'eau et que vous pouvez goûter les minéraux qui se trouvent dans cette eau, lorsque vous pouvez voir le déversement à ciel ouvert des égouts dans les cours d'eau douce, lorsque vous pouvez voir toutes ces choses autour de vous sans que vous ne puissiez faire quoi que ce soit et que vous vous sentez impuissant, ça renforce les sentiments qui découlent de la pauvreté que partagent déjà les gens. Ça contribue à perpétuer le sentiment de désespoir.
À mon avis, l'obtention de l'infrastructure de base constitue un des éléments essentiels qui nous permettrait de nous sortir de la pauvreté. Cependant, à elle seule, elle ne serait pas utile. Je crois que le gouvernement fédéral doit vraiment se pencher sur ce type d'incitatifs entourant les projets grandioses. Nous connaissons le projet d'exploration pétrolière et gazière, le pipeline du Mackenzie, le pipeline de l'Alaska, les diamants, le forage en mer, tous ces très, très glorieux projets d'envergure qui sont fantastiques lorsqu'ils se concrétisent. Toutefois, lorsqu'on examine les économies locales, qu'est-ce qui est disponible? Comment pouvez-vous créer une économie durable qui permet au plus grand nombre de gens...?
J'ai eu l'occasion de visiter des pays scandinaves dont le terrain, le climat, la population et les problèmes sont similaires. Je crois qu'on peut apprendre des autres pays. Ils ont adopté des approches très intéressantes pour stimuler l'économie locale. Ici, au Yukon, nous sommes très ouverts à l'idée de les examiner. J'encourage le Canada à les examiner également.
Je souhaitais conclure en posant une question à Mme Bacon. J'apprécie réellement le type de travail que fait votre organisation.
Parlez-moi du financement. Ça m'intéresse toujours de savoir ce que les organisations locales doivent endurer pour simplement faire des choses. Recevez-vous du financement du gouvernement, voire des administrations municipales? Faites-vous des campagnes de financement? Parlez-moi de vos bénévoles et de votre base opérationnelle.
Merci pour votre question.
Blood Ties est une organisation qui appuie le service extérieur par fourgonnette. Blood Ties est financé par les gouvernements territorial et fédéral. Nous obtenons du financement du programme d'action communautaire sur le SIDA qui est financé par le gouvernement fédéral. Nous obtenons également de l'argent de la stratégie concernant l'hépatite C.
En ce qui a trait à la stratégie concernant l'hépatite C, j'encouragerais le comité à veiller à ce que le financement de cette stratégie soit maintenu à long terme. Il a été précaire d'année en année. Je crois que le gouvernement fédéral doit renforcer son engagement envers la stratégie concernant l'hépatite C et financer les agences qui évoluent autour d'elle.
C'est à ça que ressemble la situation de Blood Ties. Blood Ties a entre autres fourni, sous la forme d'un don en nature, les services de certains de ses employés pour soutenir le service extérieur par fourgonnette. Le service extérieur par fourgonnette compte quatre organisations différentes, toutes des ONG, qui travaillent de concert pour que la fourgonnette puisse arpenter les rues. Ces quatre organisations travaillent en partenariat avec le gouvernement territorial pour obtenir du financement. Le service extérieur par fourgonnette a, jusqu'en 2007, fonctionné de lui-même sans financement du gouvernement. Nous avons été en mesure de faire rouler la fourgonnette jusqu'à deux ou trois nuits par semaine. Le budget était vraiment restreint. Tout dépendait d'organisations qui fournissaient du personnel. On comptait sur les dons du milieu des affaires et les bénévoles pour faire rouler ce projet. Malgré tout, il a été difficile à maintenir. Par conséquent, nous avons entamé en 2007 des négociations avec le gouvernement territorial afin qu'il se joigne à nous comme partenaire de financement.
Le gouvernement territorial aide à maintenir le service extérieur par fourgonnette. À l'heure actuelle, la fourgonnette parcourt les routes six nuits par semaine, dont quatre sont financées par le gouvernement territorial, et deux qui dépendent des dons en nature. C'est ainsi que ce service a pris une telle ampleur.
On compte également énormément sur les bénévoles qui préparent des sandwichs, de la soupe et d'autres choses du genre. Le volet alimentaire de ce projet dépend donc en grande partie des bénévoles. On reçoit également des dons, comme des bas, des vêtements et des choses comme ça. Les services de soins infirmiers fournis deux nuits par semaine sont des dons en nature offerts par la première nation Kwanlin Dun, qui est une première nation locale.
Sans les bénévoles et les dons en nature du milieu des affaires et d'autres ONG, ce service ne pourrait être offert, et ce, même s'il est essentiel à Whitehorse. Malheureusement, c'est toujours un service essentiel. C'est très important.
Pour ce qui est du financement, il demeure indispensable d'obtenir un plus grand engagement en la matière. On a discuté plus tôt, à la demande de M. Martin, des raisons pour lesquelles on continue à connaître certains problèmes et pourquoi les gens sont laissés pour compte. Je crois qu'à un niveau plus général, nous devons être plus critiques relativement au financement des programmes au Canada et à la façon dont nous réglons les problèmes. Je me tire peut-être dans le pied, mais je crois que lorsque nous continuons à financer des projets au cas par cas ou en fonction d'un modèle de maladie, on manque son coup.
Par exemple, le travail que nous accomplissons à Blood Ties est financé au moyen de l'enveloppe de la stratégie concernant l'hépatite C et le VIH. On est financé pour se pencher sur les problèmes de VIH/SIDA et d'hépatite C au Yukon. Le problème est que nous devrions être financés pour pouvoir se pencher sur les déterminants sociaux de la santé plus généraux qui vont bien au-delà de l'hépatite C. Je peux distribuer tous les condoms que nous avons dans les communautés rurales du Yukon, mais lorsque nous parlons, par exemple, aux femmes des communautés rurales qui ne se sentent pas en mesure de discuter du port du condom avec leur partenaire, et ce, pour une foule de raisons, je peux leur dire: « Voici ton condom », parce que c'est pour ça que je reçois du financement. Cependant, personne n'est financé pour se pencher sur ces questions plus générales. Je crois que c'est un des vrais problèmes au Canada. C'est un problème qui sévit particulièrement dans le Nord au sein de populations plus petites. Nous avons tous nos chasses gardées et nous sommes tous financés en fonction de notre modèle de maladie ou de notre cas. Nous n'abordons pas correctement le problème. Je crois qu'on devrait examiner cette situation d'un oeil très critique.
Par exemple, un des thèmes qui reviennent tout le temps est le logement. Le logement est très important parce que c'est un problème général. Quand je parle de la nécessité de disposer de divers modèles de logements subventionnés, c'est parce que le logement est essentiel à bon nombre d'autres aspects des conditions sociales.
Tout être humain a droit à un logement. Le logement est en corrélation directe avec le risque d'infection au VIH, avec la consommation et la consommation abusive de substances, avec le risque de contraction de l'hépatite C, avec la capacité de surmonter un traumatisme et d'aller de l'avant et avec la capacité de se sentir bien dans sa peau et d'avoir un sentiment d'appartenance à sa collectivité. Il faut passer au niveau supérieur. Le gouvernement fédéral doit s'occuper de ces enjeux et déléguer. Je crois qu'il faut mettre un peu de côté notre modèle de financement axé sur les maladies et se demander comment donner aux organisations, aux organisations non gouvernementales, aux gouvernements territoriaux et aux administrations municipales les moyens d'influer sur les grands déterminants sociaux de la santé pour apporter des changements réels et atténuer de façon directe les problèmes de gens, par exemple se lier à la consommation de substances, à l'hépatite C ou au VIH.
Je crois que nous devrions poursuivre encore une heure environ, monsieur le président.
J'aimerais souligner deux points pour nos attachés de recherche. Le premier point a été soulevé par Patricia. Il est intéressant de voir de nos jours que dans le domaine du développement international, on commence à se rendre compte que certaines personnes vont se concentrer sur la malaria alors que d'autres s'intéresseront au VIH, à la tuberculose, à l'hygiène et au logement. Dans certains cas, il s'agit d'organisations religieuses ou des organisations non gouvernementales. Mais nous devons renforcer le système de santé public de ces pays et leur fournir les moyens d'accroître la force de tous, et nous ne le faisons pas dans notre propre pays. Je crois que c'est très important. Je ne sais pas dans quelle mesure le rapport traite de ce point, mais j'ai jugé nécessaire de le souligner.
L'autre point que je souhaitais mentionner a été soulevé par Ed; il faut s'assurer que les collectivités et que leurs habitants tirent profit du développement économique qui s'opère chez eux. Normalement, ce devrait être du ressort d'Industrie Canada, du ministère des Finances ou de Ressources naturelles Canada; mais je crois que notre comité devrait consacrer un peu plus de temps à la question de la lutte contre la pauvreté et que les membres se penchent sur ce qu'ils ont entendu, sur le rôle que le comité jouera, s'il y a lieu, ou sur les recommandations qu'il formulera aux termes de son étude sur la réduction de la pauvreté.
Je tiens à vous remercier de votre aide.
Et je conclurai en vous remerciant chaleureusement. Nous sommes conscients que c'est vous qui êtes aux premières lignes et qui faites bouger les choses. Nous, en tant que membres du gouvernement, tentons de déterminer comment vous appuyez et vous donnez les moyens de poursuivre le travail que vous accomplissez sur le terrain.
Donc merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Nous avons déjà eu des discussions enrichissantes avec les membres des deux groupes de ce matin et, croyez-le ou non, nous avons entendu des propos que nous n'avions jamais entendus, et c'est parfait, parce que cela nous permet d'avoir une perspective unique de la situation, et c'est là le but de notre travail.
Je vous remercie encore une fois.
Chers collègues, nous sommes en pause jusqu'à 11 heures, donc si vous avez besoin de sortir par exemple, c'est le temps.
La séance est suspendue pour une demi-heure.
Le comité reprend ses travaux. Il est 11 heures.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Dougherty. Merci d'être ici aujourd'hui. Nous recevons également M. Routledge et M. Hrenchuk. Merci à vous tous de prendre le temps de venir nous rencontrer.
Certains membres vous ont peut-être déjà dit que nous menons cette étude depuis un an environ et que nous souhaitions venir rencontrer les gens de l'Ouest. Puis, certains membres ont laissé entendre que nous ne pouvions pas aller dans l'Ouest sans au moins tenter de faire un saut dans le Nord. C'est une première pour plusieurs d'entre nous, et nous sommes reconnaissants de l'accueil qui nous a été réservé depuis notre arrivée. Cette expérience a également été révélatrice pour nous; nous avons eu l'occasion de constater que certaines nuances ne sont pas tout à fait différentes. Je suis sûr que vous auriez pu nous le dire et même que vous nous le direz, mais malgré tout, merci beaucoup d'être ici.
Je cède d'abord la parole à M. Dougherty pour sept minutes. Je crois que vous faites partie du Social Justice Committee de la Sacred Heart Cathedral.
Bienvenue, et merci encore d'être ici. Vous avez sept minutes.
Nous écouterons d'abord nos témoins, puis les députés poseront quelques questions, parfois pour demander des explications sur ce qui a été dit. Nous voulons bien entendu que vous nous parliez du travail que vous accomplissez ici et que vous nous fassiez des recommandations que nous pourrons transmettre au gouvernement.
Je me tais maintenant. Je vous cède la parole, monsieur Dougherty. Vous avez sept minutes. Je vous ferai signe lorsque votre de temps de parole tirera à sa fin. Il va de soi que je vous laisserai terminer vos remarques et vos réflexions.
Le Social Justice Committee de la Sacred Heart Cathedral fait partie d'un jeune réseau, du moins dans notre collectivité, de comités de justice sociale. Trois écoles secondaires ont maintenant un comité de justice sociale, et l'Église unie, l'Église anglicane, l'Église luthérienne et l'Église catholique romaine mènent toutes des activités en matière de justice sociale qui soient plus ou moins structurées.
Notre comité a été mis sur pied en 1991 par l'évêque Thomas Lobsinger, qui est décédé dans un écrasement d'avion en 2000. Il avait investi le comité d'un double mandat, c'est-à-dire de poser des gestes tant à l'échelle locale que mondiale. Il considérait que ces deux facteurs étaient indissociables.
Ce mandat nous a amenés à jouer un rôle prépondérant dans les initiatives locales; nous avons par exemple instauré un service de soupe populaire les fins de semaine. Pendant longtemps, aucun service n'offrait tous les jours des repas chauds aux personnes affamées. L'Armée du Salut offrait ce service cinq jours par semaine, mais il n'y avait rien la fin de semaine. En 1992, si je ne me trompe pas, nous avons mis sur pied un service de soupe populaire offert les fins de semaine qui a permis, au cours des 17 dernières années, de servir des dizaines de milliers de repas aux personnes affamées de notre collectivité. Nous fonctionnons comme une organisation sans lourdeur administrative. Nos bénévoles proviennent de différentes organisations et prennent en charge le service de soupe populaire un samedi ou un dimanche tous les mois ou tous les deux mois. Il y a donc un vaste réseau de personnes qui s'efforcent de répondre à ce besoin fondamental dans notre collectivité.
Parallèlement, nous nous efforçons d'entretenir des relations durables axées sur la solidarité avec des groupes comme DESMI, qui est une organisation de développement économique et social des Mexicains indigènes de Chiapas, au Mexique. Nous avons envoyé des gens là-bas et vice versa. Nous avons mené des campagnes de financement pour l'organisation et elle nous a sans nul doute transmis la sagesse qu'elle a acquise en travaillant à l'avancement de la population locale.
Cet enseignement mutuel nous a permis de comprendre ce qui est généralement à l'origine de la pauvreté et des inégalités, tant à l'échelle locale qu'à l'échelle mondiale. Comme d'autres témoins vous l'ont déjà dit — dont la représentante de la Coalition anti-pauvreté —, le réseautage est très important dans les collectivités nordiques. En fait, c'est essentiel. Ces contacts ont sans nul doute contribué aux efforts que nous avons déployés ici. L'appartenance à de grands réseaux est à la base de notre travail, selon nous.
Nous adhérons aux conclusions de l'analyse des répercussions de la pauvreté à l'échelle locale et mondiale de groupes comme KAIROS, un mouvement oecuménique canadien de justice sociale, que vous connaissez, j'en suis sûr. Je vous lis un extrait de leur énoncé de mission:
Inspirée par l'enseignement biblique, KAIROS intervient sur des enjeux qui nous préoccupent toutes et tous et s'efforce d'être une voix prophétique sur la place publique.
Inspirée par la vision de la justice compatissante de Dieu, KAIROS promeut le changement social, amplifiant et renforçant le témoignage public de ses membres.
Répondant à l'appel du Christ en s'engageant dans la transformation de la société, KAIROS habilite le peuple de Dieu et se laisse habiliter par lui à vivre concrètement notre foi commune dans une action de justice et de paix, nous joignant à toute personne de bonne volonté du Canada et d'ailleurs dans le monde.
Dans le même ordre d'idées, nous avons eu la visite de conférenciers d'Abolissons la pauvreté — que vous connaissez sans aucun doute — et nous avons pris part à certaines campagnes de l'organisme. Vous vous souvenez sans doute que selon cet organisme, la pauvreté est une violation des droits de la personne à grande échelle. Il nous a d'ailleurs exhortés — nous et sans doute le Canada — à appuyer les objectifs du Millénaire des Nations Unies, qui visent à réduire la pauvreté, la faim, l'analphabétisme et la discrimination envers les femmes ainsi qu'à préserver l'environnement. Ces objectifs doivent être atteints d'ici 2015. Nous sommes aussi en lien avec d'autres organisations, par exemple Campagne 2000 — que vous connaissez sans doute —, qui a présenté, la semaine dernière je crois, une autre motion devant la Chambre des communes, et tous deux ont fait valoir que nous avons fait preuve d'une négligence déplorable quant à l'atteinte de ces objectifs.
Mais cela ne nous empêche pas de voir le lien qui existe entre la situation à l'échelle locale et celle à l'échelle mondiale, ni d'être conscients que nous devons absolument être au courant de la réalité internationale pour pouvoir répondre aux besoins à l'échelle locale.
Abolissons la pauvreté souligne — et cela va de soi — qu'il faut absolument changer la politique nationale et internationale pour pouvoir éliminer la pauvreté. Sur ce point, nos actions et les causes pour lesquelles milite notre comité de justice sociale cadrent bien avec le point de vue et les intentions de l'organisme, qui réclame davantage d'aide au développement international et de meilleurs moyens pour y parvenir — un commerce juste et équitable, l'annulation de la dette et, à l'instar de Campagne 2000, l'éradication de la pauvreté infantile au Canada. D'autres organisations dont vous avez sûrement entendu parler, par exemple Canada sans pauvreté, mènent des campagnes similaires.
Il y a souvent un grand écart entre les objectifs que nous visons et la vision du gouvernement. Nous avons souvent droit à des discours pour la forme, mais dans la réalité, il existe généralement un grand écart entre les deux. D'une certaine façon, cela fait partie, de par sa nature, de la réalité bien établie dans laquelle nous vivons.
L'une des premières fois où j'ai vu un gouvernement présenter une vision qui contrastait avec les conditions sociales et économiques en place, je me trouvais au Chili. Il y a bien des années, j'ai eu la chance de me rendre au Chili avec un groupe d'étudiants; j'y était lors de l'élection de 1970, qui a porté Salvador Allende et l'Unité populaire au pouvoir. Ils avaient un point de vue très différent; ils proposaient des solutions concrètes et faisaient des choix clairs. Les mesures pour lesquelles ils militaient, c'est-à-dire une réforme des banques, une réforme agraire et une grande restructuration de la société dans le but de remédier aux inégalités entre les riches et les pauvres, ont été contrecarrées par les structures internationales dont on ne pouvait faire abstraction. Donc, à moins que nous envisagions de transformer ces grandes structures et de les harmoniser avec les enseignements sociaux de l'Église catholique, c'est-à-dire privilégier les pauvres et être conscients que la vision du progrès que nous perpétuons depuis la révolution industrielle nous mène tout droit vers le gouffre — comme l'indiquent les encycliques depuis le début du siècle —, il ne peut y avoir de progrès; nous ne pouvons pas nous épanouir entièrement en tant qu'individus si nous ne renouons pas tous avec notre dimension humaine et solidaire.
Je peux m'arrêter là. Il me restait des choses à dire, mais vous avez mes notes en main.
Merci. J'espère que les questions qui suivront nous permettront d'aborder ces points.
Accueillons maintenant Don Routledge de la Société d'habitation du Yukon.
M. Don Routledge (conseiller principal de programme, Société d'habitation du Yukon):
Merci beaucoup. Avant de commencer, je tiens à vous remercier sincèrement de vous être déplacés jusqu'ici et de nous avoir invités. Nous n'avons pas souvent la possibilité de présenter notre point de vue. C'est une très belle occasion pour nous.
Pendant mon exposé, j'aimerais présenter certaines réalisations de nos gouvernements respectifs au cours des dernières années. Je vais ensuite conclure en présentant différents aspects sur lesquels nous pourrions travailler pour améliorer notre collaboration en ce qui a trait aux programmes. Qui sait, je vous donnerai peut-être même des idées à ramener à Ottawa.
À titre d'organisme gouvernemental responsable du logement, la Société d'habitation du Yukon joue un rôle de soutien pour les questions d'itinérance et de pauvreté. Nous apportons une contribution en fournissant des logements sociaux aux personnes dans le besoin. L'accès au logement abordable est un facteur important de la lutte contre la pauvreté. La Société d'habitation du Yukon gère environ 575 unités de logement. Si l'on tient compte des constructions en cours et de celles qui sont prévues, nous y ajouterons en tout 100 unités d'ici à la fin de 2011.
Nous créons de l'emploi dans le domaine de la construction et de l'entretien de notre parc immobilier grâce au plan d'action économique du Canada et au financement provenant du gouvernement du Yukon. Nos projets emploient actuellement plus de 100 Yukonnais tout au long de l'année, sans compter les emplois indirects et les autres avantages pour l'économie.
En 2009, dans le cadre du plan d'action économique du Canada, le Yukon a signé un accord d'environ 60 millions de dollars en financement visant à stimuler l'économie. L'accord portait sur la construction et la rénovation de logements sociaux. Le Yukon a été le premier ordre de gouvernement à engager la totalité du financement au cours de l'exercice actuel. La Société d'habitation du Yukon est très reconnaissante aux responsables de la Société canadienne d'hypothèques et de logement pour leur assistance, et au gouvernement du Canada pour son aide financière.
Selon les calculs du ministère de l'Expansion économique, les contrats actuels permettront de créer des emplois directs correspondant à plus de 100 années-personnes, et des emplois indirects de l'ordre de 22 années-personnes. Grâce à ce financement, nous avons déjà commencé à bâtir des logements abordables pour les aînés dans les collectivités de Watson Lake, Teslin et Faro. De plus, deux projets de logement familial sont en cours à Whitehorse. Le financement du gouvernement fédéral nous permettra de créer environ 95 nouvelles unités, dont la construction est déjà commencée. Nous prévoyons d'autres logements sociaux et d'autres logements destinés aux aînés à partir de 2010.
Au cours des deux prochaines années, la Société d'habitation du Yukon construira environ 130 nouvelles unités de logement abordables partout au Yukon. Même si certaines de ces unités remplaceront le parc résidentiel vieillissant, au final, on observera tout de même un accroissement d'environ 100 unités de logement. Grâce aux investissements considérables — tant actuels que futurs — du gouvernement du Yukon et du gouvernement fédéral, le portefeuille de la Société d'habitation, actuellement de 575 unités, augmentera pour atteindre 675 unités, ce qui représente une augmentation globale d'environ 17 p. 100 ou 100 logements. Par nos efforts concertés, nous aidons les habitants du Yukon qui en ont le plus besoin.
Grâce à l'initiative en matière de logement abordable instaurée par le gouvernement du Canada et le Yukon, nous avons déjà bâti un immeuble de neuf unités destiné aux aînés de la collectivité de Haines Junction. À Whitehorse, pour les Jeux d'hiver du Canada de 2007, nous avons bâti le Village des athlètes, qui comprend un logement de 48 unités destinées aux aînés et une résidence familiale de 24 unités à l'intention des étudiants du Collège du Yukon. Ensemble, forts du financement octroyé par le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon, nous avons ajouté 81 unités de logement abordables destinées aux aînés, aux étudiants du collège et aux familles. Grâce à cet investissement précis, nous avons augmenté le nombre de logements sociaux de 11 p. 100, et le nombre d'unités de logement abordables destinés au Collège du Yukon d'environ 35 p. 100.
Même si nous observons des améliorations considérables dans le domaine du logement social au Yukon, il est important que nous vous présentions certains des principaux problèmes que le Yukon doit surmonter sur le plan du financement durable pour le logement abordable.
En 1998, le Canada et le Yukon ont signé un accord de transfert sur le logement social. Cet accord fournit au Yukon une plus grande marge de manoeuvre afin de fournir des unités de logement; toutefois, il fonctionne selon le principe du financement décroissant, de sorte qu'en 2029-2030, le gouvernement fédéral ne financera plus du tout le logement social au Yukon.
L'initiative en matière de logement abordable est très difficile à mettre en oeuvre au Yukon. Le programme actuel prévoit un partage des coûts selon une proportion 50-50, jusqu'à concurrence de 75 000 $ par unité. Toutefois, il en coûte environ 300 000 $ pour bâtir une nouvelle unité au Yukon. Le partage des coûts en parts égales devient donc un partenariat selon une proportion 25-75, sans compter le fait que le Yukon assume tous les frais de fonctionnement et d'entretien associés à l'unité, pour toute sa durée de vie.
Le financement actuel provenant du gouvernement fédéral, qu'il s'agisse de la Fiducie pour le logement dans le Nord, de l'initiative en matière de logement abordable ou du plan d'action économique du Canada, se limite aux simples dépenses en capital. C'est à des administrations comme celle du Yukon qu'il incombe d'assumer l'entière responsabilité financière associée aux coûts de fonctionnement et d'entretien, ce qui la place dans une situation difficile.
Le Yukon doit établir avec le gouvernement du Canada un financement exhaustif et durable, à long terme, qui tienne compte des frais de construction et des coûts de fonctionnement et d'entretien liés à la question des logements abordables.
En conclusion, le Yukon s'efforce par tous les moyens d'optimiser le financement provenant du gouvernement fédéral, mais un partenariat plus solide qui tiendrait davantage compte des besoins de la population du Yukon en matière de logement nous aiderait grandement à fournir des logements abordables.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Routledge.
Je donne maintenant la parole à Charlotte Hrenchuk, du Conseil de la condition féminine du Yukon.
Je tiens à vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui, madame Hrenchuk. Vous avez maintenant la parole pour sept minutes.
Avant de commencer, je tiens également à vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité. Les femmes du Yukon n'ont pas souvent l'occasion de participer directement à des consultations publiques à l'échelle nationale.
La situation des femmes qui vivent au nord du 60e parallèle n'a rien à voir avec celle qui a cours au Sud, que ce soit sur le plan économique, social ou culturel. Beaucoup de facteurs contribuent à la pauvreté et à l'itinérance des femmes au Yukon, notamment l'isolement, la rigueur du climat, le manque de ressources, l'accessibilité et le coût du système de transport, le sous-développement des infrastructures, le coût de la vie, l'ampleur des problèmes d'ordre social, le manque de possibilités d'emploi et de formation, et l'héritage laissé par les pensionnats et la colonisation. Ces facteurs contribuent à maintenir de nombreuses femmes du Yukon dans le cycle de la pauvreté, avec peu d'espoir de s'en sortir.
Ici, 23 p. 100 de la population est autochtone, comparativement à un taux de 3,3 p. 100 pour l'ensemble du Canada. Les abus physiques, sexuels et émotionnels subis par les femmes autochtones, de même que l'aliénation culturelle et le manque de respect, sont plus fréquemment observés dans le Nord qu'ailleurs au pays. C'est ce qui fait que les taux de violence conjugale, d'homicide et d'agression sexuelle sont plus élevés chez les femmes autochtones. Elles vivent avec des disparités découlant de la Loi sur les Indiens et subissent de la discrimination jour après jour. Tous ces éléments sont des déterminants sociaux de la pauvreté.
Les femmes du Yukon sont 2,9 fois plus susceptibles d'être victimes d'agressions sexuelles que les autres, et elles courent aussi davantage le risque de se faire tuer par leur conjoint. Les disparités entre les familles à faible revenu et à revenu élevé, qui constituent une indication de l'inégalité du revenu, se sont accentuées au cours de la dernière décennie, et ce sont les mères chefs de famille qui sont les plus touchées. La pauvreté chez les enfants découle de la pauvreté chez les femmes, et cette pauvreté s'accroît dans notre environnement hostile. De plus en plus de femmes et d'enfants ont recours aux soupes populaires, aux banques alimentaires et à l'hébergement d'urgence.
Le Conseil de la condition féminine du Yukon a publié une étude sur les femmes et l'itinérance au Yukon en 2007. J'ai d'ailleurs remis cette étude au greffier. Elle fait état des déterminants de l'itinérance chez les femmes et de ses répercussions. L'itinérance et la pauvreté sont étroitement liées. Mais l'itinérance dans le Nord est souvent camouflée, particulièrement chez les femmes. Au Yukon, le sexe de survie est une façon courante pour les femmes de s'assurer d'avoir un toit, tout comme le fait de chercher refuge chez des hommes qui ne leur conviennent pas. Lorsqu'il fait moins 40, on ne peut pas se permettre d'être trop difficile. Nous avons entendu parler de femmes qui s'enivrent afin d'être acceptées en centre de désintoxication. D'autres ne peuvent trouver repos dans une maison d'hébergement pour femmes qu'après avoir été agressées. Nous ne disposons d'aucun refuge d'urgence destiné aux femmes et aux enfants, et nous n'en avons que très peu pour les jeunes.
Ce que nous avons constaté, c'est que toutes les femmes sont susceptibles de sombrer dans l'itinérance et la pauvreté qui l'accompagne, pour peu que les conditions néfastes soient réunies. C'est dans le Nord que le taux de fréquentation des refuges est le plus élevé par habitant. Le prix du logement a augmenté radicalement au cours des dernières années. Le prix médian d'un loyer à Whitehorse en décembre 2007 avait augmenté de 3,7 p. 100 par rapport à l'année précédente, et s'est encore accru de 3,4 p. 100 en septembre 2009. Le taux d'inoccupation à Whitehorse est de 2,6 p. 100.
Les femmes et les enfants endurent des relations de violence parce qu'il n'y a pas d'autre choix. Le taux des prestations d'aide sociale du ministère des Affaires indiennes n'a pas augmenté depuis 10 ans et demeure inférieur aux taux en vigueur dans les territoires. En raison du coût actuel du logement, des aliments et des biens de première nécessité, les femmes sont condamnées à faire un choix: soit elles payent leur loyer, soit elles se nourrissent et elles nourrissent leurs enfants.
Tout comme dans le reste du Canada, les familles monoparentales dirigées par des femmes sont surreprésentées chez les personnes qui vivent dans la pauvreté. La situation des femmes autochtones est encore plus dramatique, dans un contexte où 73 p. 100 des mères chefs de famille vivaient sous le seuil de faible revenu en 2000.
Les inégalités en emploi, la discrimination et le travail à temps partiel et saisonnier sont des facteurs qui contribuent à la pauvreté et à l'itinérance. Nous devons cesser de pénaliser les femmes qui vivent dans la pauvreté et les aider à s'en sortir. La pauvreté les force à prendre des décisions que personne ne devrait jamais avoir à prendre. Leurs enfants sont pris en charge par des organismes de protection de la jeunesse si elles n'arrivent pas à trouver un logement approprié ou si elles ne sont pas en mesure de les nourrir ou de les vêtir convenablement. Les incapacités peuvent condamner les femmes et leurs enfants à la pauvreté intergénérationnelle.
La pauvreté nuit au développement durable. Et elle ne se limite pas à un faible revenu. La pauvreté englobe les problèmes de santé, l'analphabétisme, l'itinérance, l'endettement, la dépendance, le désespoir profond et l'incapacité de tirer parti de la croissance économique et des occasions qui en découlent.
Le gouvernement du Canada doit aborder le problème de la pauvreté en tenant compte des spécificités de chaque sexe et des droits de la personne. Il doit aider la population canadienne à se doter de moyens de subsistance durables. Ainsi, tous les citoyens pourraient se relever des périodes difficiles, maintenir et améliorer leurs capacités et leurs avoirs, fournir des possibilités à la prochaine génération et assurer la pérennité, et contribuer à la vitalité de leurs collectivités.
Les recommandations à l'intention du gouvernement fédéral qui suivent permettraient de réduire grandement la pauvreté au Canada et au Yukon. La première recommandation porte sur l'adoption d'une loi nationale contre la pauvreté qui serait fondée sur les droits de la personne, une analyse approfondie selon le sexe et des moyens de subsistance durables, assortie d'objectifs et d'échéanciers précis. Ce serait une façon d'aider le Canada à remplir les engagements qu'il a pris lorsqu'il a signé des traités internationaux qui mettent en évidence le droit d'être logé et nourri convenablement.
Instaurer une politique nationale du logement qui tient compte des besoins de la femme pendant toute sa vie, ainsi qu'augmenter le financement et le soutien à l'égard des initiatives en matière de logement et d'itinérance. Exiger que le territoire mette fin à la récupération du Supplément de la prestation nationale pour enfants. Augmenter et indexer les taux d'aide sociale du ministère des Affaires indiennes. Changer les règles de l'assurance-emploi, qui désavantagent les travailleurs saisonniers et à temps partiel, en majorité des femmes. Remplacer les formules de financement en fonction de la population pour ce qui est du financement des programmes sociaux et des programmes en matière de logement et d'itinérance par une formule fondée sur les besoins qui tient compte des coûts élevés de la vie et de la construction dans le Nord. Faire participer les personnes vivant dans la pauvreté à la création de solutions. Enfin, accroître le soutien aux organismes communautaires qui travaillent pour réduire la pauvreté, mettre fin aux mythes de la pauvreté, et changer les systèmes qui cherchent à garder les femmes prisonnières du cycle de la pauvreté, de l'itinérance et du désespoir.
Merci.
Merci, madame Hrenchuk.
Nous allons commencer par M. Savage, qui représente le Parti libéral. Il disposera de sept minutes pour des questions et réponses.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Il nous fait plaisir, et c'est aussi notre obligation, d'être ici pour comprendre ce qui se passe dans cette communauté. C'est très éclairant, du moins à l'intérieur, jusqu'à présent.
J'aimerais commencer par M. Dougherty. Il y a vingt ans, lorsque le Parlement s'est fixé comme objectif d'éradiquer la pauvreté infantile d'ici 2000, je ne crois pas qu'il y avait autant de groupes confessionnels qu'aujourd'hui qui ont joué un rôle à ce chapitre. Je sais par expérience qu'il y a une réapparition des communautés religieuses qui participent à la question de la pauvreté. Et pas seulement au Canada. Vous avez parlé de KAIROS.
Quand on examine le travail des Églises dont vous avez parlé ici à Whitehorse à l'égard des questions de justice sociale, et si on prend l'Église catholique et Développement et Paix, l'Église Unie du Canada et le Micah Challenge, l'Église anglicane du Canada et le Primate's World Relief and Development Fund, ainsi que l'effort international, je crois que les communautés religieuses ont un rôle important à jouer.
Ce n'est qu'une théorie, mais selon mon expérience dans ma propre communauté — je viens de la Nouvelle-Écosse —, je crois que pendant un certain temps, on a eu l'impression que les groupes confessionnels n'étaient presque pas... Je ne dirais pas qu'ils n'étaient pas les bienvenus, mais ils n'étaient pas considérés comme des partenaires égaux dans la lutte contre la pauvreté. Ils se sont joints à la lutte sous un angle religieux qui semblait un peu déconnecté de la réalité d'une société séculaire, mais je crois que les choses ont changé maintenant.
Et je crois que le potentiel est immense. Nous avons écouté hier à Vancouver plusieurs organisations religieuses qui font le même travail que vous — groupes de pauvreté interconfessionnels et multiconfessionnels —, et je crois que des groupes comme les vôtres ont un rôle important à jouer. Lors du forum social à Calgary, j'ai dit que je croyais que l'un des éléments essentiels à l'adoption d'un plan anti-pauvreté par le gouvernement — pas seulement par notre comité, mais par le gouvernement —, c'étaient les gens qui ne se considèrent pas comme des militants. Des gens qui vont à l'église le dimanche et qui estiment que c'est leur devoir envers leur Créateur de faire quelque chose pour ceux qui ne se considèrent pas comme des militants. Ils participent à certains dossiers, par exemple la question des conjoints de même sexe, et j'entends beaucoup de gens qui ne partagent pas mon opinion sur le mariage civil, et je leur dis de participer maintenant à la politique, de participer politiquement à la lutte contre la pauvreté. Le groupe Abolissons la pauvreté nous montre ce que la participation peut faire. Et ces bracelets blancs indiquent que le réseau est vaste. Je vous encourage à participer.
Je me demande si vous avez des idées sur le rôle précis des groupes confessionnels.
Plusieurs autres organisations existaient certainement avant les fameuses réductions au milieu des années 1990. Nous avions un réseau très cohérent de centres appelés centres de sensibilisation globale partout au pays, et 75 p. 100 ou plus de ces centres ont fermé après avoir perdu leur financement de l'ACDI. Il en a été de même pour les coalitions. KAIROS est le résultat d'un amalgame de coalitions. Auparavant, il y avait 13 coalitions indépendantes. PLURA — pour les Églises presbytérienne, luthérienne, unie, catholique romaine et anglicane — était l'organisme social national. Au fil des années, les réductions ont forcé les coalitions à ne former qu'une structure, la structure KAIROS. Le réseau s'est effondré au lieu de prendre de l'expansion.
Si on examine l'histoire du Yukon, le premier hôpital du territoire a été construit par le célèbre père Judge, un prêtre jésuite à Dawson City à l'époque de la ruée vers l'or. Les premières écoles étaient religieuses. Les premières structures de secours d'urgence à l'extérieur des réseaux traditionnels qui existaient dans les communautés des premières nations étaient liées à l'Église. Elle a joué ce rôle constamment au fil du temps. Le premier refuge pour femmes, je crois, était probablement Maryhouse, qui a été établi ici en 1954. Ce sont donc toutes des structures religieuses, mais elles ont souvent été démantelées lorsqu'on leur retirait le financement qu'elles recevaient en vertu d'ententes avec des gouvernements de niveaux supérieurs.
On vit souvent le yin et le yang: les gens s'engagent, mettent sur pied des organisations, cherchent à prendre de l'expansion, obtiennent du financement et en deviennent dépendants, puis on retire ce financement et les organisations réduisent leur effectif ou disparaissent. Mais certainement, quand on examine la situation, il y a toujours au Yukon une source inépuisable de sentiment communautaire, de sorte que si une famille vit une grande détresse, qu'elle est victime d'un désastre quelconque ou qu'elle doit faire face à la réalité permanente de la pauvreté, la générosité des gens est vraiment très impressionnante. Je l'ai constatée lors des collectes de denrées annuelles, et nous commencerons bientôt recueillir des aliments en prévision de Noël. Les Églises participent souvent à ces activités, tout comme d'autres membres non gouvernementaux de la société civile en général. Ils font partie des divers organismes de charité qui sont en faveur d'une justice à l'égard de la solidarité.
Je crois que vous pourriez mentionner l'Armée du Salut également, particulièrement avec les marmites qu'elle prépare maintenant, et que nous verrons.
Il y a beaucoup d'organisations religieuses qui participent.
J'aimerais m'adresser à Mme Hrenchuk. Je vous remercie beaucoup de vos recommandations. C'est ce que nous voulons. Nous voulons des recommandations précises que nous pouvons inclure dans un plan.
Vous avez parlé d'une loi nationale anti-pauvreté qui comprendrait entre autres une analyse comparative entre les sexes, qui est très importante selon moi. Vous avez parlé d'une politique nationale du logement, et c'est probablement ce dont nous avons entendu parler le plus au cours de nos échanges. Vous avez également parlé de la récupération de la prestation pour enfants au Yukon. C'est bien.
Pour ce qui est de l'assurance-emploi, la plupart des changements qui ont été apportés au cours des deux ou trois dernières années n'ont pas avantagé les femmes dans l'ensemble. Si on prend les cinq semaines additionnelles qui figurent dans le budget du printemps, elles ont été bien accueillies, mais cette mesure n'a en rien accru l'accessibilité pour les travailleurs saisonniers ou les travailleurs à temps partiel. Depuis que nous sommes passés du calcul en fonction des semaines à celui en fonction des heures, les résultats sont négatifs pour les femmes. Donc, au chapitre de l'assurance-emploi, y a-t-il des mesures précises que vous aimeriez voir? Une norme nationale? Une période de référence plus courte? En quoi consisteraient ces mesures?
Je dirais les deux mesures que vous avez mentionnées, tout ce qui tiendrait compte de la nature saisonnière et à temps partiel du travail de nombreuses femmes, ainsi que de la nature du travail des femmes tout au long de leur vie. Les femmes travaillent d'abord à temps plein. Souvent, elles arrêtent de travailler à temps plein pour rester à la maison et élever leurs enfants. Certaines femmes choisissent cette option. Certaines femmes la choisissent parce qu'elles veulent passer du temps avec leurs enfants et leur famille. Certaines femmes la choisissent en raison du manque de disponibilité des services de garde d'enfants, qui est un problème ici également.
Puis, lorsque les femmes retournent sur le marché du travail quand leurs enfants sont à l'école — c'est un scénario commun — la situation devient très difficile. Pendant cette période, les femmes perdent une bonne partie de l'élan qu'avait pris leur carrière, et souvent elles se sont enfoncées dans la pauvreté, particulièrement les femmes seules qui ont dû avoir recours à l'aide sociale.
J'ai posé une question plus tôt sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, et on m'a laissé entendre qu'une personne comme vous pourrait être mieux placée pour y répondre. Est-ce un besoin ici, comme ce l'est ailleurs, d'avoir un certain apprentissage de qualité pour les jeunes enfants et certains services de garde d'enfants accessibles, abordables et de grande qualité?
Je vous remercie beaucoup d'être ici.
Nous sommes presque à la fin d'un exercice de plus de deux ans qui vise à essayer de comprendre en quoi devrait consister le rôle du gouvernement fédéral dans le cadre d'une stratégie nationale anti-pauvreté, et nous examinons ce qui pourrait être mis dans un rapport à l'intention du gouvernement, rapport qui l'obligerait à agir et à élaborer un plan.
Trois des choses dont j'ai parlé et auxquelles j'ai pensé sont appuyées par certains des témoignages que nous avons entendus. La première, c'est que les gens s'inquiètent de leur sécurité du revenu à tous les niveaux, qu'il s'agisse des aînés, des mères de famille monoparentale ou des familles. La deuxième, c'est le logement, dont on a parlé à plusieurs reprises ici aujourd'hui, qui pose un défi et un problème. La troisième chose est relativement nouvelle, mais je crois que les communautés religieuses en ont probablement pris conscience au fil des ans, et c'est la notion d'inclusion sociale. Dans le rapport que nous avons, qui a été rédigé par nos excellents attachés de recherche, je remarque que le Yukon a en fait annoncé le lancement d'une nouvelle stratégie d'inclusion sociale.
Je me demandais — je commencerais peut-être par vous, Mike — si vous pourriez me dire un peu comment cela fonctionne. La stratégie a-t-elle été mise en branle? Est-ce que les choses progressent? Qu'est-ce qui arrive à ce chapitre?
Comme vous commencez probablement à le savoir, dans un petit territoire comme le nôtre, on rencontre les gens qui travaillent concrètement pour mener à bien cette stratégie dans la file d'attente à l'épicerie locale. On peut donc contourner une grande partie de la bureaucratie et parler directement aux gens. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Mike McCann, qui dirige les efforts à l'intérieur du gouvernement territorial concernant la politique d'inclusion sociale. Je sais qu'il s'est fait accrocher par un intervenant qui a été amené ici, Rob Rainer, de Canada sans pauvreté, qui lui a demandé de s'assurer qu'il n'est pas seulement question de la politique sur l'inclusion sociale, mais également de la politique anti-pauvreté.
Mais comme vous le savez probablement déjà, il y aura un forum, en février j'espère, qui rassemblera des intervenants, à la fois des communautés religieuses ainsi que des ONG et du grand public, qui parleront des éléments généraux d'une politique sur l'inclusion sociale, ce qu'elle signifierait, ce à quoi elle ressemblerait. Ensuite, on réalisera un sondage auquel la Coalition anti-pauvreté — je suis certain que la représentante en a parlé plus tôt dans son témoignage — participera également, puis on tiendra un second forum à l'automne pour concrétiser en quelque sorte tout cela et faire progresser les choses très rapidement.
Avant l'existence de la Coalition anti-pauvreté, nous avions une organisation en ville appelée Collaborators. Elle visait à abolir les barrières entre les différents cloisonnements du gouvernement, les poches, et nous avons lancé une publication dès le début intitulée Surviving in Whitehorse. C'était un guide sur l'accès au niveau de la rue à des services de base. Nous voulions également passer à une deuxième étape, Thriving in Whitehorse, qui parle de la façon dont on peut, avec un faible revenu, améliorer la qualité de vie des gens. Nous n'avons jamais fait cela. Nous n'avons jamais abouti à la façon dont nous passons à la prospérité, et c'est le véritable défi pour nous dans la création d'une économie durable. Comment s'éloigner, sur le plan des enseignements sociaux catholiques, d'une économie dominée par le marché à une économie orientée vers les gens, et ce que cela signifie en réalité sur le plan de la restructuration de façon à fournir à tous l'occasion de prospérer plutôt que de survivre uniquement.
Je regarde la vue d'ensemble — l'inclusion sociale, évidemment, se juxtapose à l'exclusion sociale — et ça parle de pauvreté, de logement, d'éducation, d'emploi et de participation sociale.
Nous avons beaucoup entendu parler de logement aujourd'hui, ainsi que des difficultés qu'éprouvent certaines personnes à trouver un logement adéquat et abordable. Le territoire prend certaines mesures, et il a tiré parti de certains programmes fédéraux — bien que nous ayons lu hier que les fonds qui ont été récemment débloqués pour le logement social tardent à être distribués.
Don, vous nous avez dit avoir utilisé tout votre argent dans la première année. J'ai entendu Charlotte décrire les problèmes rencontrés par les femmes qui cherchent un logement abordable et convenable, particulièrement lorsqu'elles ont été victimes de violence et qu'elles doivent quitter leur résidence; comment pouvons nous réaliser la quadrature de ce cercle?
J'aimerais faire un bref commentaire. L'article d'hier auquel vous faites allusion porte sur la prolongation de l'Initiative en matière de logement abordable qui, je crois, a été annoncée en septembre ou en octobre dernier par le gouvernement du Canada. C'est un point que j'ai abordé dans le cadre de notre exposé. Le problème que pose cette initiative pour un territoire comme le Yukon — et nous disposons d'une allocation budgétaire de 1,97 millions de dollars —, c'est que la formule de partage des coûts est de 50-50 et que la contribution maximale du Canada est de 75 000 $, alors que les frais de construction d'une unité s'élèvent à 300 000 $.
Lorsque j'ai mentionné, au cours de mon exposé, que nous éprouvions des difficultés avec certaines initiatives bien intentionnées du fédéral, celle-ci en faisait partie. Ça signifie qu'il faut qu'une ONG, un promoteur privé ou le gouvernement du Yukon fournisse 75 p. 100, en plus d'assumer continuellement les frais de fonctionnement et d'entretien. Il nous est parfois difficile de lancer une initiative fédérale. Nous réussissons de temps en temps, mais il arrive aussi que nous éprouvions beaucoup de difficultés.
Charlotte, avez-vous des commentaires à faire sur la situation du logement? Je crois que vous vous êtes bien débrouillée lors de votre exposé. J'ai entendu Don parler de certains éléments assez positifs relativement à ce qui se passe dans le domaine du logement. J'ai aussi entendu certaines choses assez difficiles que vous et d'autres témoins qui ont parlé plus tôt dans la journée avez abordées, particulièrement en ce qui concerne les gens qui se situent au bas de l'échelle et les femmes qui tentent d'obtenir un logement sécuritaire et abordable.
Je pense qu'il y a toute une gamme de logements destinés aux femmes dont il faut se préoccuper. Yukon Housing est en train de construire une unité à prix abordable qui était supposée être destinée aux femmes et aux enfants, mais qui a été étendue aux familles monoparentales, incluant les hommes.
Nous avons désespérément besoin de logement pour les femmes seules qui n'ont pas de personnes à charge, qui reçoivent le plus bas taux d'aide sociale. Il arrive fréquemment qu'elles n'aient pas de famille et ne dispose d'aucune solution de rechange.
Nous avons désespérément besoin d'un plus grand nombre de logements pour les femmes qui quittent la maison de transition. Il y a cinq unités qui sont toujours remplies, et c'est ce que nous avons pour l'ensemble du Yukon. Les femmes quittent souvent les régions rurales et viennent à Whitehorse en quête de sécurité et d'un refuge. Il n'y a pratiquement rien dans les communautés. Dawson City et Watson Lake ont un refuge, mais dans l'état actuel des choses, il n'y a que cinq unités servant de refuge de deuxième étape pour tout le Yukon.
Kaushee's Place, qui est une maison de transition pour les femmes, a un projet prêt à démarrer, mais le gouvernement ne cesse de leur renvoyer la balle en leur demandant de peaufiner leur projet encore et encore. Ça dure maintenant depuis plusieurs années. Il peut y avoir de nombreuses raisons à cela, mais je ne les comprends pas vraiment. Je pense que Yukon Housing fait tout ce qu'il peut étant donné le financement dont il dispose.
J'aimerais dire quelque chose sur la politique d'inclusion sociale. Ça semble progresser rapidement, ce qui est une bonne chose, mais le problème c'est que ça ne modélise pas vraiment l'inclusion sociale de la manière dont c'est présenté. Jusqu'à maintenant, aucune organisation non gouvernementale n'a été mise à contribution dans le cadre de la conception ou de la recherche d'idées. Je ne crois pas que ça modélise l'inclusion sociale. Je crois que l'inclusion d'organisations non gouvernementales à partir du tout début du projet et de sa conception aurait été une très bonne chose. Ça aurait indiqué aux organisations non gouvernementales du Yukon, qui fournissent beaucoup de ressources aux gens qui vivent dans la pauvreté... Ça aurait été une très bonne initiative.
Merci d'être venue.
L'analyse comparative entre les sexes examine les différences qui existent entre la vie des hommes et des femmes et évalue les différentes répercussions que les politiques, les programmes et les lois peuvent avoir sur eux. Si le gouvernement central adopte une stratégie nationale de réduction de la pauvreté, pensez-vous que ce type d'analyse devrait être utilisé dans le cadre de son élaboration?
Comment l'analyse comparative entre les sexes peut-elle orienter l'élaboration des politiques de réduction de la pauvreté? Pouvez-vous m'expliquer?
Comme vous l'avez dit, la vie des femmes diffère clairement de celle des hommes. Les femmes font l'objet de nombreuses formes d'abus et d'actes violents qui ne touchent pas les hommes, ce qui a une incidence sur la manière dont la pauvreté se répercute sur leur vie et donne lieu à des cas de pauvreté, de dépendance, etc. Le cycle de vie des femmes est différent dans la mesure où, comme je l'ai mentionné plus tôt, les femmes choisissent souvent de ne pas participer à l'économie basée sur les salaires pendant une certaine période pour élever leurs enfants. Toute la question des familles monoparentales concerne davantage les femmes que les hommes. Tous ces facteurs ont des répercussions sur la pauvreté, alors si l'on doit établir une stratégie de réduction de la pauvreté qui s'attaque réellement et systématiquement aux fondements de la pauvreté, alors on doit examiner ces aspects en tenant compte de la différence entre les sexes et de la réalité des femmes.
Aussi, les femmes âgées — les aînées — vivent plus souvent dans la pauvreté que les hommes, peut-être parce que leur période de procréation les a fait dévier de leur trajectoire professionnelle, ou parce qu'elles sont moins bien payées ou travaillent de façon saisonnière ou à temps partiel. Ainsi, la réalité des femmes âgées est très différente de celle de beaucoup d'hommes âgés. Il faut prendre cela en considération si l'on veut réduire la pauvreté des femmes âgées, des femmes seules, des mères monoparentales, des jeunes filles et des adolescentes.
Il faut examiner toute la question de la pauvreté infantile, qui a été, selon moi, complètement déformée. La pauvreté des enfants est la pauvreté des femmes. La plupart des enfants vivent avec leur mère ou au sein d'une famille. Ils n'errent pas seuls dans les rues, à moins que leur système familial ne se soit effondré. Il s'agit d'un tout autre problème qu'une stratégie et une loi anti-pauvreté doivent régler. Je pense qu'il faut examiner de très près la pauvreté des femmes si l'on veut résoudre le problème de la pauvreté infantile.
J'ai deux ou trois questions à poser et elles concernent les refuges. Combien y a-t-il de refuges à Whitehorse? Le savez-vous?
Nous avons un foyer de transition d'urgence pour les femmes victimes de violence. Nous avons un refuge d'urgence mixte qui est géré par l'Armée du Salut et qui compte dix lits. Il est supposé répondre aux besoins d'hébergement d'urgence de l'ensemble du Yukon. On n'y accepte pas les enfants. Il y a trois lits réservés aux femmes, mais la plupart d'entre elles ne veulent pas y aller à moins que tout ce qui les attende soit un banc de parc à 50 degrés sous zéro, parce que dans ce refuge, elles se trouvent en présence de ces mêmes hommes qui les ont maltraitées. C'est aussi une formule premiers arrivés, premiers servis. Les gens doivent quitter le refuge pendant la journée et, pendant l'hiver, ils vont et viennent entre le centre de désintoxication, la bibliothèque et les divers autres organismes sociaux, jusqu'à ce qu'ils puissent revenir à l'heure du souper.
Il y a une maison de transition pour les femmes à Dawson City et une autre à Watson Lake. C'est tout.
Il y a aussi le refuge pour les jeunes que l'on a essayé d'établir et qui utilise les lits du centre de désintoxication pour alcooliques et toxicomanes. Ici encore, on ne considère pas qu'il s'agit d'une véritable solution pour les jeunes qui ont besoin d'un refuge d'urgence. L'an dernier, une organisation non gouvernementale a tenté de créer, à quelques rues d'ici, un autre refuge de dix lits, mais elle n'a pas réussi à obtenir le financement nécessaire et s'est heurtée à certains problèmes bureaucratiques relatifs aux normes gouvernementales. Le projet n'a pas démarré. Alors ils ne sont pas d'une grande aide.
Oui, l'appui de la communauté à l'égard de ce refuge destiné aux jeunes était considérable. Il y a eu une grande campagne de financement; ils avaient beaucoup d'idées excellentes, et une grande partie de la communauté était derrière eux. Mais je ne comprends vraiment pas pourquoi ça n'a pas abouti, parce qu'ils avaient même un édifice entièrement équipé, mais ils ne disposaient pas de l'argent nécessaire au fonctionnement et à l'entretien.
Je crois qu'ils lancent en ce moment même une nouvelle campagne de financement pour tenter de ramener ce projet à la vie, mais nous verrons si leur démarche est couronnée de succès. Il est manifestement difficile d'assumer les coûts initiaux nécessaires à la réalisation d'un projet de ce genre dans la communauté.
J'ajouterais seulement un autre point relativement à votre question précédente; je suis depuis maintenant 11 ans arbitre en matière de droits de l'homme pour le territoire, et il y a, évidemment, toute cette importance que l'on accorde aux droits individuels. Dans tout processus visant à lutter contre la pauvreté, il faut réellement mettre l'accent sur les droits collectifs, dans le sens où il faut travailler ensemble, en tant que communauté, pour le bien commun, et fournir le logement, la nourriture, le refuge et la sécurité dont les membres de la population ont, au minimum, besoin. Pendant cette partie de ma vie, je me suis surtout occupé des droits individuels. Nous avons mis l'accent sur cet aspect plutôt que sur le besoin, dont nous prendrons de plus en plus conscience dans le contexte global, d'insister vraiment sur les droits collectifs dans le cadre des programmes de lutte contre la pauvreté — que ce soit à l'échelle territoriale, nationale ou autre.
Je veux seulement vous poser deux ou trois questions, Don. Elles concernent uniquement le logement.
Je sais que vous parlez d'environ 100 nouvelles unités. Certains des intervenants précédents ont parlé des difficultés liées à l'établissement de statistiques fiables, dû au manque de ressources. Nous parlons d'environ 100 nouvelles unités pour le Yukon; c'est très bien, et le travail est fantastique, mais de quels types de pénuries parlons-nous encore?
Merci, monsieur le président.
Nos statistiques actuelles — et nous les calculons chaque mois — parlent d'une liste d'environ 85 personnes qui seraient en attente de logement social à Whitehorse. D'après l'organisme qui fournit ces services pour nous — la Whitehorse Housing Authority — environ 50 d'entre elles seraient des célibataires et des familles, et environ 30 à 35 seraient des aînés. Nos projets de construction actuels pour les deux prochaines années éliminent cette liste d'attente.
L'un des problèmes fondamentaux qu'il nous faut encore reconnaître, c'est que nous avons beaucoup d'unités qui se détériorent et qui sont en train de franchir le cap à partir duquel il ne sera plus avantageux de les restaurer. La corporation a déjà désaffecté un logement social qu'elle jugeait trop endommagé pour être réparé. Nous nous trouvons donc en ce moment sur une voie stratégique qui nous permettrait d'éliminer la liste d'attente que nous avons, tant dans les régions rurales du Yukon qu'à Whitehorse. Mais même si l'on règle un problème immédiat, il nous reste encore de nombreux problèmes à régler dans le futur, particulièrement avec la population qui vieillit.
Si je peux me permettre, mon bureau est au Victoria Faulkner Women's Centre, qui est une halte-accueil pour les femmes. Je dirais qu'en moyenne, une femme qui n'a nulle part où aller se présente là-bas chaque jour. L'hiver dernier, des femmes se présentaient à moins 50 degrés Celsius — elles vivaient dans leur camion, des simples fourgonnettes de camping, dans la cabine de leur camion, dans une camionnette ou une cabane dont les fenêtres n'avaient pas de carreaux ou dont la porte s'ouvrait au moindre coup de vent. Ces femmes ne sont pas sur la liste d'attente pour la Société d'habitation du Yukon. Un bon nombre de femmes n'y figurent pas parce qu'elles savent qu'elles seraient au bas de la liste. C'est une situation qui crée encore plus de désespoir.
Il y a un autre organisme dans la ville qui s'appelle la Grey Mountain Housing Society; elle offre des logements en ville aux Autochtones. La situation de cet organisme est désastreuse. Il n'a pas reçu de fonds lors des derniers transferts fédéraux pour le logement. Une bonne partie de leurs unités seront désaffectées pour les mêmes raisons que le sont les unités de la Société d'habitation: ce n'est tout simplement plus possible sur le plan économique de les réparer. Je crois que selon les prévisions de l'organisme, il n'y aura plus d'unités d'ici 2012.
Je ne sais pas où tous les occupants de ces unités iront, ni où sont censés vivre tous les Autochtones qui continuent de venir à Whitehorse pour la sécurité, de meilleures possibilités économiques ou les études. Comme vous le savez, chaque première nation a la responsabilité de ses logements.
Les ajouts que la Société d'habitation du Yukon fait au logement social dans le territoire pourraient éliminer la liste d'attente, mais cette liste ne tient pas compte de la réalité de la situation du logement dans le Nord. Nous n'avons pas de normes minimales pour la location, par exemple, alors les gens vivent dans une pauvreté incroyable qui rappelle le tiers monde. Lorsque je faisais mon étude, une femme m'a dit qu'elle n'était pas sans abri; elle vivait entre quatre murs. Elle n'avait pas de toit, mais elle avait quatre murs, et c'était au beau milieu de l'hiver, au Yukon.
Il faut que l'on fasse beaucoup plus ici, au Yukon, pour améliorer la situation des sans-abri ou y mettre fin. Une seule personne sans abri, c'est beaucoup trop.
Il est clair que notre communauté a également reçu un appui important. Nous venons tout juste d'inaugurer les six unités construites ici par Habitat pour l'humanité. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de les visiter ou d'y jeter un coup d'oeil. Elles permettent de répondre à un besoin qu'ont les gens à faible revenu et que les structures officielles existantes ne réussissent pas à combler, et c'est dans notre communauté. Le dernier triplex a été construit au moyen d'une collaboration extraordinaire avec votre organisation ainsi qu'avec le Collège du Yukon et les programmes de formation là-bas. C'est une coïncidence très heureuse, une harmonisation des buts, mais ça témoigne aussi du besoin réel qui se fait sentir sur le terrain.
On parlait du déficit lié au logement social ici. Je crois que le dernier immeuble de logement qui a été construit est la place Cyr, et c'était en 1994. Votre déficit accumulé est encore très loin d'être... et c'est ici. Nous ne parlons pas du tout des communautés. Si vous allez à Ross River, à Faro, c'est une toute autre situation pour ce qui est de la réponse à ces besoins plutôt fondamentaux. Tous les problèmes principaux dont vous avez certainement entendu parler ou dont vous entendrez parler dans d'autres communautés du Nord — surpeuplement, manque d'entretien, hygiène déficiente, etc. — s'appliquent aussi à nos communautés.
J'ai une autre question avant de passer à Mike pour la dernière question. Pardonnez-moi mon ignorance au sujet des communautés du Nord, mais pouvez-vous parler de ce qui fait monter les prix du logement au-delà de ce qui semble... On pourrait penser que beaucoup de terrains sont disponibles, mais ce n'est manifestement pas le cas. Je ne suis jamais allé à Fort McMurray, mais je sais qu'il y a un gros problème là-bas qui semble dû à l'offre et à la demande. Parlez-moi de ces problèmes en particulier et de la raison pour laquelle ça coûte 300 000 $, par rapport à ce que ça coûterait dans d'autres communautés.
Je suis conscient de tous les kilomètres qui doivent être parcourus par les matériaux avant d'arriver ici, alors c'est sûrement une partie de la réponse. Est-ce qu'il y a également un manque de terrains? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Une panoplie de facteurs entre en ligne de compte. Pour vous donner un exemple très représentatif, nous avons construit de nouvelles unités à Dawson. En raison du pergélisol — le pergélisol est discontinu, là-bas —, il faut souvent creuser jusqu'à 15 ou 20 pieds de profondeur. Un entrepreneur a brisé sa pelle rétrocaveuse en voulant creuser un lot, et il y avait toujours de l'eau dans ce qui était censé être le trou des fondations. Nous avons fini par dire: « Comblons-le, et nous l'utiliserons pour un stationnement. » Nous avons dépensé beaucoup d'argent pour rien.
Tout ce que vous voyez ici a été fabriqué ailleurs. Nous n'avons pas d'assise manufacturière. Les 18 roues viennent d'Edmonton et du Sud de la Colombie-Britannique. La disponibilité de certains produits semble aller de soi pour les autres Canadiens parce qu'ils ont une assise manufacturière — c'est le cas aussi dans le Sud de l'Ontario. Ce n'est pas notre cas, alors nous devons payer les coûts supplémentaires du fret. Nos coûts de main-d'oeuvre sont plus élevés comparativement au Sud du Canada.
Généralement, des terrains sont disponibles. Il y a quelques années, nous avons eu une hausse importante de la construction de logements à Whitehorse. Le gouvernement du Yukon a manqué temporairement de terrains aménagés. Mais c'est très dispendieux de prendre un terrain vierge et de l'aménager. Ça augmente les coûts des terrains dès le début du processus, ce qui accroît ensuite le coût global du logement.
Le temps prévu pour la construction est très court comparativement au Sud du Canada. Par exemple, des immeubles sont en construction en ce moment, et les travailleurs essaient d'en terminer le revêtement pour pouvoir travailler à l'intérieur en raison des conditions météorologiques. Il faut aussi des radiateurs électriques Herman Nelson dans les immeubles pour que les travailleurs et les matériaux restent au chaud, et pour assurer la productivité. Avez-vous déjà essayé de changer un pneu à moins 30 degrés Celsius? Essayez de clouer et de scier à cette température. Ce n'est pas très productif.
La combinaison de tous les facteurs fait en sorte que c'est très coûteux de construire dans le Nord. L'index spatial pour notre communauté la plus au nord, Old Crow, est de 220, et celui de Whitehorse est de 100. Alors vous pouvez comprendre les différences de coûts, même à l'intérieur du territoire.
Il n'y a pas de réponse unique. C'est une combinaison de plusieurs facteurs.
Sur cette question, on essaie de faire preuve d'innovation ici. Il y a eu un programme de maisons préfabriquées en bois rond. Il y a eu des projets de constructions avec des murs de bois cordé et des ballots de paille et des constructions en pisé de terre, mais on encourage très peu l'innovation, en particulier pour les gens à faible revenu. On a parlé de créer des coopératives de constructions autostables et d'autres types de structures pour s'en charger. Mais quelle est la procédure? Et comment, à l'échelle fédérale et territoriale, ces processus sont-ils appuyés pour que les gens à faible revenu puissent bien vivre au lieu de seulement survivre?
Comme je l'ai dit, mon travail au Chili était lié aux programmes de logement. Avant la dictature militaire de Pinochet, l'innovation dans le logement et la réponse aux besoins fondamentaux en matière de logement étaient incroyables pour un pays du tiers monde. Je crois toujours que nous ne sommes pas rendus où ils l'étaient au début des années 1970; ils savaient comment encourager les gens à répondre eux-mêmes à ces besoins ou par le biais de leur communauté.
Quelqu'un a parlé de relance. Nous savons tous qu'un budget de relance important a été présenté en janvier, mais c'est très révélateur que tous les investissements pour les personnes pouvant être considérées comme dans le besoin soient temporaires. Le logement social, la prolongation des périodes de prestations d'assurance-emploi — c'était des avantages temporaires, alors que toutes les réductions d'impôts qui ont profité de manière disproportionnée aux personnes qui en avaient besoin... ce sont des mesures permanentes. Le problème est que ça crée un déficit structurel qui fait en sorte qu'il est encore plus difficile pour le gouvernement de débloquer des fonds qui devraient l'être. En fait, le ministre des Ressources humaines ne pouvait pas attendre après le budget pour insister sur le fait que c'était un investissement unique du gouvernement dans le logement social. Ça ne représentait pas un changement de politique pour accroître l'importance du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine du logement social. Nous n'avons pas de stratégie sur le logement au Canada. Nous avons besoin d'une stratégie nationale.
Charlotte, vous parliez des familles monoparentales. Je vais citer un passage du rapport Campagne 2000 de la semaine dernière:
Il y a eu des progrès, mais les familles monoparentales dirigées par une femme portent un fardeau disproportionnellement lourd: leur taux de pauvreté infantile est de 40 p. 100 (SFR 2007 avant impôt). Les mères seules tout en étant l'unique pourvoyeur doivent trouver des services de garde adéquats pour leurs enfants et un logement sûr, deux biens souvent inabordables. Elles se débattent aussi pour concilier études, perfectionnement, bénévolat, travail et responsabilités familiales.
Avez-vous dit que 73 p. 100 des familles monoparentales autochtones vivaient en dessous du SFR? Est-ce le chiffre que vous avez donné?
Oui. Ça provient des chiffres de l'année 2000 qui se trouvent dans le rapport de 2006 de Statistique Canada.
Nous n'avons pas vos rapports encore. Ils doivent être traduits, alors je voulais juste clarifier ce point.
Je vous remercie.
Nous prendrons certainement en considération toutes vos recommandations pour la rédaction de notre rapport.
Merci, monsieur le président.
Merci.
Je remercie encore tous nos témoins d'avoir pris le temps de venir ici. Nous nous rendons compte que les choses avancent concrètement grâce à beaucoup d'entre vous, et si ce n'était pas de vous, nous serions dans une situation beaucoup plus difficile.
Nous essayons de rassembler des idées pour encourager le gouvernement à agir, à aller dans ces directions, et nous apprécions vraiment les nuances qui nous sont communiquées. Bien que nous parlions d'un sujet global, chaque région a certainement ses propres problèmes. Merci de parler de ce que vous vivez et d'être ici aujourd'hui.
Nous reprendrons à 13 h 30.
La séance est levée.
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