FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 3 novembre 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. André Donneur (professeur, Département de science politique, Université du Québec à Montréal) |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
M. André Donneur |
¿ | 0915 |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
M. André Donneur |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
¿ | 0925 |
M. André Donneur |
M. Pierre Paquette |
M. André Donneur |
¿ | 0930 |
M. Pierre Paquette |
M. André Donneur |
Le président |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
M. André Donneur |
Mme Beth Phinney |
¿ | 0935 |
M. André Donneur |
Mme Beth Phinney |
M. André Donneur |
Mme Beth Phinney |
M. André Donneur |
Mme Beth Phinney |
Le président |
¿ | 0940 |
M. André Donneur |
Le président |
M. André Donneur |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
¿ | 0945 |
M. André Donneur |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Beth Phinney |
M. André Donneur |
Le président |
M. Pierre Paquette |
M. André Donneur |
¿ | 0955 |
Le président |
Mme Beth Phinney |
M. André Donneur |
Le président |
Le président |
M. William Hogg (professeur, Études politiques, Université Bishop's) |
Le président |
À | 1015 |
M. William Hogg |
Le président |
M. William Hogg |
À | 1020 |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
À | 1025 |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
À | 1030 |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
À | 1035 |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
À | 1040 |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
À | 1045 |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
Le président |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
Le président |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
À | 1050 |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
Le président |
Mme Beth Phinney |
M. William Hogg |
À | 1055 |
Mme Beth Phinney |
M. William Hogg |
Mme Beth Phinney |
M. William Hogg |
Mme Beth Phinney |
M. William Hogg |
Mme Beth Phinney |
M. William Hogg |
Mme Beth Phinney |
M. William Hogg |
Mme Beth Phinney |
M. William Hogg |
Le président |
M. William Hogg |
Á | 1100 |
Le président |
M. William Hogg |
Le président |
M. William Hogg |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
Á | 1105 |
M. William Hogg |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
Á | 1110 |
M. Kevin Sorenson |
M. William Hogg |
Le président |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
Le président |
M. William Hogg |
M. Pierre Paquette |
M. William Hogg |
Le président |
M. William Hogg |
Á | 1115 |
Le président |
M. William Hogg |
Le président |
Le président |
Mme Judith Berlyn (coprésidente, Initiative de Westmount pour la paix, Alliance canadienne pour la paix) |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Normand Beaudet |
Á | 1145 |
Á | 1150 |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Á | 1155 |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judith Berlyn |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
M. Pierre Paquette |
Normand Beaudet |
M. Pierre Paquette |
Normand Beaudet |
M. Pierre Paquette |
Normand Beaudet |
M. Pierre Paquette |
Normand Beaudet |
 | 1200 |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
Normand Beaudet |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Normand Beaudet |
M. Pierre Paquette |
 | 1205 |
Normand Beaudet |
M. Pierre Paquette |
Normand Beaudet |
M. Pierre Paquette |
Le président |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
M. Pierre Paquette |
Mme Judith Berlyn |
 | 1210 |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Beth Phinney |
Mme Judith Berlyn |
Mme Beth Phinney |
Mme Judith Berlyn |
Mme Beth Phinney |
Mme Judith Berlyn |
 | 1215 |
Normand Beaudet |
Mme Beth Phinney |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
Normand Beaudet |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Français]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'examen de l'Énoncé de la politique internationale du Canada. Ce matin, nous avons le plaisir de recevoir M. André Donneur, professeur au Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal.
Monsieur Donneur, vous n'êtes pas sans savoir que le comité, à la suite de l'Énoncé de la politique internationale du Canada rendu public en avril dernier, en a entrepris une revue à Ottawa, par le biais de tables rondes. Nous traversons maintenant le pays. Nous visitons toutes les capitales du pays. Aujourd'hui et demain, nous sommes à Montréal. Il nous fait grand plaisir de vous recevoir. Nous attendons avec impatience vos commentaires sur l'Énoncé de la politique internationale du Canada. La parole est à vous.
M. André Donneur (professeur, Département de science politique, Université du Québec à Montréal): Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de m'écouter.
L'Énoncé de politique internationale du Canada est constitué d'une série de documents qui, à mon avis, sont équilibrés. Il insiste à la fois sur le continentalisme, c'est-à-dire sur la nécessité du partenariat nord-américain, plus particulièrement avec les États-Unis, et sur le multilatéralisme, ou un partenariat mondial, notamment par l'entremise des Nations Unies et les institutions multilatérales, ce qui se situe dans une vieille tradition canadienne.
Comme exemples tirés du document de ce continentalisme, je retiendrai ceux d'assurer le partenariat avec les États-Unis dans le domaine de la sécurité et du commerce, la frontière intelligente approfondie, l'élargissement des programmes EXPRES et NEXUS, le Partenariat pour la sécurité et la prospérité qui a été adopté en 2005, le Groupe de planification binational en matière de défense et, plus généralement, l'utilisation de l'ALENA et des institutions militaires communes existantes, tout en assurant la souveraineté canadienne.
Du côté du multilatéralisme, je prendrai comme exemple le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction pour répondre rapidement à toute crise internationale, en mettant l'accent sur les trois D, la diplomatie, la défense et le développement, qui impliquent une coopération interministérielle et également une coopération sur le terrain pour planifier les crises des pays en déroute ou fragiles.
Un autre exemple est celui de développer des efforts ciblés en matière de commerce et d'investissements, par exemple avec la Chine, l'Inde et le Brésil, dans le cadre d'organisations internationales et sur le plan bilatéral.
Contribuer aux objectifs du Millénaire pour le développement est un autre point qu'on peut relever dans l'ensemble des documents de même que la création d'un L-20 pour la gouverne mondiale. Il y a donc un souci d'équilibrer à la fois le continentalisme et le multilatéralisme, renvoyant dos à dos les tenants de l'un ou de l'autre en montrant que ce n'est pas incompatible.
Cela dit, ce programme, cet énoncé n'est-il pas trop ambitieux? Il a l'avantage d'intégrer toutes les composantes de la politique internationale du Canada. Cependant, n'y en a-t-il pas un peu trop? Les moyens prévus sont-ils suffisants? C'est à voir attentivement pour l'avenir et pour sa mise en oeuvre.
Je ferai quelques remarques qui se veulent un peu provocatrices, en reconnaissant toujours les difficultés d'application. En appliquant l'énoncé, il faudra bien entendu s'assurer du respect des droits de la personne, à la fois sur les plans bilatéral et multilatéral. On l'affirme dans l'énoncé, mais je pense que c'est important de le souligner. Notamment, sur le plan bilatéral, la coordination et la sécurisation de la frontière avec les États-Unis, qui résulte d'un long processus, pourra être renforcée tout en veillant au respect des droits de la personne.
Ma prochaine remarque sera plus provocatrice: ne faudrait-il pas s'efforcer de faire en sorte que les règles du commerce international soient assorties de l'application des conventions de l'Organisation internationale du Travail, l'OIT? Cela aurait le triple avantage de favoriser un commerce plus équitable, d'assurer des conditions de travail normales dans les pays tiers et de préserver également des emplois au pays.
Les objectifs du développement durable ciblés sont très beaux, mais ne faudrait-il pas veiller, dans la mesure du possible, à en augmenter les moyens?
En conclusion, je dirais que dans le cadre de son partenariat avec les États-Unis et en général, le Canada doit veiller à ce que les intérêts des Canadiens et des Canadiennes soient préservés en tout temps.
Merci, monsieur le président.
¿ (0910)
Le président: Merci, monsieur Donneur.
Nous allons passer à la période de questions et de réponses.
[Traduction]
Commençons par le vice-président, M. Sorenson. Vous avez la parole.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Encore une fois, bonjour et merci d'être venu ce matin.
Comme vous le savez, notre comité en est au début de son voyage au Canada. Une partie des membres du comité a passé une semaine aux États-Unis. Lors de notre voyage, nous avons parlé de nombreuses questions relatives à la sécurité et au commerce. Vous avez parlé dans votre mémoire du fait qu'il faut toujours garder à l'esprit et entretenir nos relations avec les Américains, en raison de l'importance du continentalisme. À ce sujet, nous nous sommes rendu compte que le fait de dépendre autant des États-Unis dans nos relations commerciales mène à des frustrations occasionnelles. Nous entretenons des relations commerciales avec le plus grosse puissance du monde, les États-Unis. Nous avons la chance d'être proches d'eux, et je pense notamment au commerce. Un voisin de 300 millions de personnes pour un pays qui en compte 30 millions... nous sommes très proches et nous nous sommes rendu compte que 80 p. 100 de nos échanges commerciaux, en gros, se font avec nos voisins et nous ne voulons certainement pas perdre cet avantage.
Ceci étant dit, ils ont fait des déclarations très strictes en matière de sécurité: elle prime sur le commerce. Pour eux, les considérations de sécurité sont toujours une priorité. Je me demandais quel était votre avis sur certaines de ces mesures. Vous avez parlé de NEXUS et de certains autres éléments, comme les voies rapides aux frontières, mais les États-Unis parlent maintenant d'exiger les passeports pour passer du Canada aux États-Unis. Avez-vous des idées sur la façon dont on peut conserver un continentalisme fort tout en protégeant notre souveraineté?
[Français]
M. André Donneur: Monsieur le président, monsieur Sorenson, il s'agit d'un sujet très vaste. Déjà, les mesures qui ont été adoptées sont assez efficaces. Elles peuvent évidemment être approfondies et continuer à être appliquées et développées.
En ce qui a trait à la question des passeports, je pense qu'il y a encore moyen de négocier. On ne doit pas oublier que notre commerce avec les États-Unis est extrêmement important, mais pour les États-Unis, nous sommes également très importants sur les plans commercial et économique, même si nous sommes plus petits. Comme vous venez de l'Alberta, monsieur le député, vous connaissez l'importance de nos exportations énergétiques aux États-Unis.
Il y a donc des moyens de discuter et de négocier, à la fois par la diplomatie, à la fois par des demandes répétées et à la fois par des pressions.
D'ailleurs, en ce qui a trait à la question des passeports, on constate maintenant un certain recul de la position américaine. On parle de carte d'identité plutôt que de passeport. Toutefois, il est évident que la meilleure assurance demeure notre propre travail de contrôle des frontières, et cela, toujours dans une perspective de respect des droits de la personne.
¿ (0915)
[Traduction]
M. Kevin Sorenson: Comment faire? Par exemple, que faire si les valeurs canadiennes semblent atteintes d'une façon ou d'une autre...? Et il ne s'agit même pas de valeurs, car le processus canadien serait bien différent du processus américain.
Nous parlons de renforcement des frontières. Nous ne voulons pas de l'exigence des passeports et pourtant les Américains veulent la mettre en application. Alors comment négocier avec eux?
Vous avez parlé du fait qu'il faut être plus ferme, plus dur et qu'il faut faire des pressions sur nos voisins. Je pense que ce sont les mots que vous avez utilisés. Je dirais que chaque fois que nous voulons faire des pressions sur les Américains, nous finissons par perdre. Comment les pousser efficacement à faire quelque chose, alors qu'ils ont clairement exprimé leurs intentions? Nous avons beaucoup de postes frontaliers où il n'y a qu'un seul douanier, mais de l'autre côté de la frontière, nous remarquons que les Américains ont beaucoup plus de ressources que nous. Leurs agents sont armés, par exemple. Notre gouvernement dit que ce n'est pas nécessaire, mais les Américains trouvent que nous ne prenons pas la sécurité suffisamment au sérieux.
Alors comment exercer cette pression sur eux, comment les forcer à nous laisser décider des mesures adéquates à ces postes frontaliers? Comment exercer cette pression dont vous parlez? Qu'êtes-vous prêts à négocier?
Même dans le dossier du bois d'oeuvre, il semble que chaque fois qu'on essaie de négocier ou d'exercer des pressions sur les États-Unis, notre premier ministre se met immédiatement à parler d'exercer un chantage avec nos ressources énergétiques ou de se tourner vers les marchés chinois et indiens. À mon avis, il ne fait aucun doute qu'il faut développer ces marchés. Mais les États-Unis font peu de cas de ces menaces. J'ai lu ce matin dans le journal que, s'il s'agit d'énergie, l'Alberta prévient tout de suite que ce n'est même pas la peine d'envisager cette possibilité.
Au sujet du bois d'oeuvre, le premier ministre, de façon peu menaçante, essaie d'être franc avec les Américains et leur dit: « Écoutez, vous n'avez aucune garantie; nous irons chercher nos marchés ailleurs. » Alors le premier ministre de l'Alberta intervient et dit: « Ne mettez pas les ressources et le bois d'oeuvre dans le même panier; ne commencez pas à mélanger bois d'oeuvre et agriculture; ne commencez pas à mélanger toutes ces questions ». Nous avons un premier ministre qui essaie d'exercer des pressions sur les États-Unis alors que chez nous, les premiers ministres des provinces s'y opposent.
Comment nous en sortir?
Le président: Nous n'avons pas de réponses. C'est pour ça que nous vous posons la question.
[Français]
M. André Donneur: Je sais que c'est extrêmement difficile. Il est toujours extrêmement délicat de lier deux éléments. Il s'agit d'un travail de longue haleine qui demande beaucoup de persévérance.
En ce qui a trait aux questions de sécurité des frontières, je pense qu'on a tout de même progressé, dans une large mesure. Toutefois, il y a des limites aux mesures que nous pouvons adopter. Il se peut également, je pense, que des personnes qui voudraient voyager davantage au Canada sans être astreintes à un passeport exercent des pressions internes aux États-Unis. C'est peut-être un moyen, un des éléments qui pourrait être pris en considération.Toutefois, il n'y a pas de recette miracle, en effet. Il fait faire preuve de persévérance sur le plan diplomatique et utiliser des réseaux de personnes à Washington qui peuvent exercer une certaine pression. Je ne vois rien d'autre pour l'instant. J'ai peu d'idées.
D'autre part, les États-Unis tiennent à avoir des relations étroites avec le Canada. Nous devons nous présenter devant eux avec une certaine énergie et une certaine force.
¿ (0920)
[Traduction]
Le président: Monsieur Paquet.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Donneur, de votre présence.
J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées. Vous avez identifié une piste, celle de souligner, auprès des Américains, l'intérêt qu'ils pourraient avoir à régler certains litiges avec le Canada. Prenons le cas du bois d'oeuvre, par exemple. Plusieurs groupes et organismes font les frais, actuellement, du lobby protectionniste américain. Le Canada n'a pas beaucoup utilisé ses alliés. Je pense à Home Depot et d'autres entreprises qui vendent du bois et qui sont obligées d'assumer une partie de la taxe. On pourrait peut-être adopter une stratégie du même ordre en ce qui a trait à la question des passeports.
Récemment, je suis allé à Washington discuter de questions de frontières entre le Canada et les États-Unis. On nous a dit que les pièces d'identité ne seraient pas une réponse valable et qu'il faudrait un document équivalent au passeport. C'est leur position actuelle. Cela voudrait dire qu'il faudrait une carte qui prouverait la citoyenneté canadienne. Le responsable américain nous a dit que n'importe qui résidant au Québec pouvait avoir un permis de conduire et qu'il en était de même pour la carte d'assurance-maladie. Pour eux, cela ne serait donc pas valable.
Je suis d'accord avec vous que probablement plus d'Américains que de Canadiens seront pénalisés par cela parce que moins d'Américains que de Canadiens ont un passeport. On devrait peut-être s'assurer que les chambres de commerce qui sont du côté américain, au sud de la frontière canadienne, se fassent entendre davantage.
Nous avions donné l'exemple, aux responsables américains, d'une vieille dame de 80 ans qui est toujours entrée au Canada par une ville voisine américaine, sans passeport. Elle va sortir des États-Unis sans avoir besoin de montrer quoique ce soit. Quand elle va revenir, elle sera bloquée à la frontière. Elle dira qu'il y a 80 ans qu'elle traverse la frontière sans problème. Les Américains n'avaient pas vu le problème du point de vue de leurs propres concitoyens, ils le voyaient uniquement en termes de sécurité à la frontière.
Vous avez donc évoqué une piste que l'on devrait suivre éventuellement. Par contre, je m'intéresse surtout à la question du lien entre les droits de la personne et le commerce, car elle a été soulevée par plusieurs personnes.
Une chose me chatouille un peu. Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Martin, on a tendance à vouloir séparer les affaires étrangères et le commerce international. Cela s'est manifesté entre autres par le décret où les libéraux avaient décidé de créer deux ministères complètement distincts plutôt que de conserver le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Comme vous le savez, le projet de loi a été défait à la Chambre. Il n'en demeure pas moins qu'on nous présente les crédits pour les affaires étrangères et les crédits pour le commerce international. Il semble y avoir une volonté, malgré tout, de faire une distinction entre les deux.
Vous avez parlé des conventions de l'OIT. Le Canada n'a pas signé toutes les conventions les plus importantes, qui ont été identifiées lors du 50e anniversaire de la création de l'Organisation internationale du Travail.
Comment s'assurer que les questions liées aux affaires étrangères, les engagements que prend le Canada sur le plan international — en particulier sur la question des droits de la personne et dans d'autres domaines, comme l'environnement ou les droits sociaux — soient pris en compte lors de l'élaboration de notre politique commerciale? Il n'y a pas grand-chose dans l'Énoncé de la politique internationale du Canada qui nous assure que ces choses seront vraiment liées.
Avant que vous ne répondiez, je voulais vous signaler qu'on avait présenté un amendement pour s'assurer qu'Exportation et développement Canada, EDC, soit liée par les engagements internationaux pris par le Canada au chapitre de l'octroi des prêts ou de l'appui qu'elle donne aux exportateurs. Cet amendement a été rejeté. Les libéraux ne semblent pas intéressés par cette dimension.
Comment pourrait-on s'assurer, dans un tel énoncé, qu'il y ait véritablement un lien entre nos affaires étrangères et notre commerce international, dans un contexte où nous avons l'impression que le gouvernement a tendance à vouloir faire une distinction assez radicale entre les deux domaines?
¿ (0925)
M. André Donneur: Je vous remercie de votre question.
M. Pierre Paquette: Le Canada ne devrait-il pas signer les conventions fondamentales de l'OIT? Il y en a au moins trois ou quatre qu'il n'a pas signées.
M. André Donneur: Étant donné la politique générale et l'esprit même de nos politiques étrangères, nous aurions à mon avis avantage à signer ces conventions. La politique étrangère doit faire état d'une certaine cohérence. Notamment, quand nous intervenons sur le plan international, entre autres au sein des tribunaux internationaux, il est particulièrement important que nous ayons ratifié ces conventions. Il en va de la réputation du pays.
En matière de négociations commerciales, je pense malgré tout qu'il se fait certaines représentations sur les droits de la personne. Il faudrait absolument accentuer cette intervention diplomatique et, pour ce faire, donner davantage d'instructions à nos diplomates et à nos représentants commerciaux. Ainsi, ces éléments fondamentaux du respect des droits de la personne pourraient être mis de l'avant.
Je ne cache pas le fait que ce genre d'initiative représente d'énormes difficultés. Il existe une longue histoire en matière de relations économiques et commerciales, et on ne peut pas complètement faire abstraction des problèmes que pose l'application concrète d'une telle approche. Je n'implique pas ici qu'il ne faille pas s'y employer, quitte à créer des coalitions avec des pays qui vont dans la même direction. Cela n'est pas impossible, à mon avis.
¿ (0930)
M. Pierre Paquette: En ce qui concerne la réputation du Canada à l'échelle internationale, bien des gens ont été très déçus de constater que l'Énoncé de la politique internationale ne faisait aucunement allusion à l'objectif de 0,7 p. 100 du PNB précisé par l'ONU en matière d'aide publique internationale. On sait que la France et l'Allemagne ont pris cet engagement pour 2015, si ma mémoire est bonne. Or, la situation financière de ces deux pays est drôlement plus précaire que celle du Canada. La Grande-Bretagne, qui n'est pourtant pas réputée pour son avant-gardisme dans ce domaine, a elle aussi pris cet engagement.
Selon vous, aurions-nous dû prendre, dans le cadre de l'énoncé, l'engagement d'atteindre ce niveau de 0,7 p. 100 de notre PNB d'ici 2015? Croyez-vous au contraire que cet objectif n'est pas en soi important pour la réputation du Canada à l'échelle internationale? L'énoncé comporte un grand nombre de phrases qui expriment la générosité au chapitre de l'aide aux pays en développement. Malheureusement, il n'inclut aucun engagement concret sur le plan de l'aide publique canadienne.
M. André Donneur: Monsieur le président, il serait en effet préférable, dans la mesure du possible, de se fixer un objectif de 0,7 p. 100. Il s'agit en fait pour le Canada d'un objectif qui remonte à assez longtemps. Certes, nous savons qu'il y a eu des récessions et des problèmes financiers. Plusieurs gouvernements ont successivement diminué ce pourcentage. Or, même si la tendance est maintenant à l'augmentation, il est important de fixer et de réaliser cet objectif en y assortissant une date d'échéance. Il faut garder en tête qu'il ne s'agit pas là d'une entreprise facile. Il reste que bien des choses ne sont pas faciles en politique.
Le président: Merci.
Madame Phinney.
[Traduction]
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Professeur, merci d'être venu ce matin.
J'aimerais continuer dans la même veine que la question de M. Paquet et vous demander ce que vous pensez de la scission du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en deux entités distinctes. Quelle est votre opinion à ce sujet?
[Français]
M. André Donneur: Monsieur le président, il est important, à mon avis, que la politique internationale ou extérieure soit aussi intégrée que possible. Ce n'est pas facile. Or, il existe un paradoxe dans l'Énoncé de la politique internationale, et il est cette fois-ci beaucoup plus présent que dans les précédents livres blancs ou énoncés de politique. On y a séparé le commerce des affaires étrangères. Pour ma part, je considère important d'intégrer les éléments commerciaux, et ceux de la défense, d'ailleurs, à la politique étrangère.
[Traduction]
Mme Beth Phinney: Il faut reconnaître que nous ne savons pas pourquoi les deux ministères ont été séparés. En fait, je crois que la Chambre a voté contre la motion, et pourtant le ministère du Commerce international est séparé des Affaires étrangères, comme l'a dit M. Paquet. Il fonctionne comme une entité distincte et nous ne savons pas pourquoi. La plupart des gens que nous avons entendus jusqu'ici à ce sujet sont contre cette séparation; peut-être que nous pourrons les rassembler de nouveau et nous verrons l'effet que ces observations auront lorsque nous rentrerons à Ottawa.
J'aimerais également que vous nous parliez des Nations Unies. Ces derniers mois, elles ont tenté de procéder à une réforme, de changer leur orientation et d'être plus efficaces. Tout cela n'a pas été très concluant.
Que pensez-vous des Nations Unies? Comment, selon vous, le Canada doit-il réagir face à ces événements? Doit-il continuer à fournir des efforts auprès des Nations Unies? Est-ce que le G-20 nous fait nous éloigner des Nations Unies? Comment faut-il nous y prendre?
¿ (0935)
[Français]
M. André Donneur: Monsieur le président, je suis convaincu que les Nations Unies restent un acteur important, que ce soit à l'égard de notre politique étrangère ou de la société internationale. Certes, on est souvent témoin des échecs auxquels fait face cet organisme. En revanche, ce dernier a connu des réussites, en l'occurrence des conflits évités et des opérations de secours menées auprès de certaines populations.
La réforme des Nations Unies se fait à la fois très lentement et difficilement. Il faut bien sûr tenir compte des rapports de force internationaux et du fait que certains États ont des intérêts contradictoires. Il ne faut pas pour autant renoncer à rendre les Nations Unies plus efficaces. En outre, il faut se rappeler qu'il est possible d'appuyer certaines organisations régionales dont le rôle est subsidiaire.
Je pense donc que malgré toutes les difficultés que peuvent éprouver les Nations Unies, elles demeurent un acteur d'une très grande importance. Il faut prendre en considération ses succès, et non pas seulement ses échecs. Sans entrer dans les détails, je dirai que l'énoncé comporte des exemples assez clairs à ce sujet.
[Traduction]
Mme Beth Phinney: Vous voyez donc le G-20 comme un organisme secondaire distinct? Il pourrait y avoir des organismes régionaux également. Est-ce que c'est ce que vous imaginiez quand vous pensiez au G-20?
[Français]
M. André Donneur: Non. Cet organisme vise un rapprochement entre les principales puissances du Nord et du Sud. Son action se joindrait entre autres à celle du G8.
[Traduction]
Mme Beth Phinney: Oui, mais j'aurai dû parler du L-20 plutôt que du G-20.
[Français]
M. André Donneur: Oui, d'accord.
[Traduction]
Mme Beth Phinney: Merci.
[Français]
Le président: J'aimerais vous poser une question, professeur.
En plus de visiter diverses capitales du pays, nous avons effectué une consultation en ligne par le biais de notre site Internet. Nous voulons vraiment nous rapprocher des jeunes. On dit toujours qu'ils sont l'avenir de notre pays. Le professeur Cooper, de l'Université de Waterloo, nous a dit cette semaine qu'il sentait chez les jeunes une volonté de contribuer à la politique internationale.
Avez-vous également observé ce phénomène? En tant que professeur de science politique à l'UQAM, pouvez-vous me dire ce qui intéresse les jeunes dans ce domaine? S'agit-il des droits de la personne, des dépenses en développement, de la défense? Pourriez-vous nous résumer ce que ces jeunes vous disent en classe?
¿ (0940)
M. André Donneur: Monsieur le président, on note en effet un engouement pour la politique et les relations internationales. Le nombre d'étudiants inscrits, particulièrement à des programmes d'études supérieures, est considérable.
Il est intéressant de noter qu'en réalité, les intérêts sont multiples. Certains de nos étudiants sont passionnés par ce qu'on appelle le tiers monde, en l'occurrence par les interventions dans les pays en développement. Nous avons eu des exemples concrets, à savoir des étudiants qui se sont engagés à faire des stages et à participer à des activités de ce genre. Il y a par ailleurs des étudiants qui s'orientent vers le droit international. Ceux-là sont également engagés, mais ils s'intéressent surtout aux droits de la personne. D'autres encore s'intéressent aux questions de sécurité. Plusieurs d'entre eux ont fait des stages au ministère de la Défense nationale. Certains y sont même restés.
Les étudiants ont manifestement le désir de contribuer à la communauté internationale. Sans tomber dans l'utopie, je dirais qu'ils aspirent à un monde qui soit à la fois plus sûr et plus équitable. Les intérêts varient d'un étudiant à l'autre.
Le président: Des étudiants étrangers viennent étudier à l'UQAM, alors que certains étudiants canadiens du cycle supérieur ont l'occasion d'aller étudier à l'étranger. Que pensez-vous de ces échanges? Sont-ils fréquents?
M. André Donneur: Oui, les étudiants étrangers sont nombreux, et il existe en effet des programmes d'échange. Plusieurs étudiants sont allés, entre autres, aux États-Unis et en Europe. En outre, des programmes leur permettent de visiter certains pays. Par exemple, un programme d'été leur permet d'aller à Berlin et un autre en Russie. Il y a également eu des programmes réalisés en collaboration avec d'autres pays, l'Afrique du Nord par exemple.
[Traduction]
Le président: M. Sorenson et Mme Phinney.
M. Kevin Sorenson: En tant que professeur de science politique, je suis sûr que vous avez votre avis sur la question et j'aimerais bien le connaître.
J'aimerais revenir sur ce dont nous parlions plus tôt au sujet de l'incidence de nos politiques nationales sur nous au niveau international. Ces 15 à 20 dernières années, notre taux de natalité a diminué au Canada. En fait, il a descendu à 1,2 enfant par couple, ce qui a eu une incidence sur la population active. Il est remonté et s'établit maintenant à 1,6 enfant par couple.
Partout où nous allons, on nous parle du manque de main-d'oeuvre et de son incidence sur notre société, surtout dans les 15 prochaines années. Notre ministre de l'Immigration a présenté un nouveau programme qui comprend un objectif assez élevé, soit de faire venir 300 000 nouveaux Canadiens par an au pays. Cette initiative doit être échelonnée sur les cinq prochaines années. Or, nous avons déjà un arriéré de 750 000 dossiers.
Nous avons donc des objectifs très élevés pour faire venir des nouveaux Canadiens au pays et nous reconnaissons que notre population est vieillissante et que nous allons manquer de travailleurs qualifiés dans les années qui viendront. L'autre côté de la médaille, c'est que les Américains disent que la sécurité est une priorité et beaucoup de gens pensent que certains de nos contrôles d'immigration posent des problèmes énormes aux États-Unis. Je vous parle de cela parce que vous avez abordé la question des droits de la personne et que c'est précisément là où je veux en venir.
Certains pensent que des contrôles d'immigration plus stricts peuvent permettre d'éviter les menaces que perçoivent les Américains et les Canadiens, dans le cadre de notre lutte contre le terrorisme et d'autres choses. Or, nous voulons également nous assurer de ne pas violer les droits de qui que ce soit, surtout ceux des très bons Canadiens musulmans d'origine arabe.
Comment trouver un équilibre? Est-il possible de présenter une politique qui permette de faire augmenter le nombre de Canadiens qui viennent au pays, puisque nous en avons besoin, tout en reconnaissant les problèmes de sécurité, qui sont une priorité, et en respectant les droits de la personne? Quelles sont les façons les plus efficaces de protéger les droits de la personne dans notre tentative d'atteindre ces objectifs ambitieux en matière d'immigration?
¿ (0945)
[Français]
M. André Donneur: Merci de votre question.
Monsieur le président, on doit en effet être très attentif à la question de sécurité en regard du recrutement. Nous disposons déjà d'instruments, mais peut-être devrions-nous en augmenter le nombre, du moins si cela s'avérait nécessaire. Il s'agit ici de faire en sorte qu'en matière de sécurité, les vérifications relatives à la sélection soient bien faites.
Il me paraît tout à fait légitime que l'ensemble des pays, y compris le Canada, il va sans dire, ait ce genre de préoccupation. Cela dit, je suis persuadé qu'un nombre important d'immigrants est en mesure de répondre aux critères de sécurité que nous avons établis. Je parle ici d'individus qui possèdent les qualifications requises, qui sont respectueux des droits de la personne et qui répondent à nos normes en matière de sécurité.
¿ (0950)
[Traduction]
Le président: Madame Phinney.
Mme Beth Phinney: Merci beaucoup.
L'ACDI a décidé récemment de réduire le nombre de pays dont elle s'occupe et de se concentrer sur 25 pays seulement. J'ignore si vous savez de quels pays il s'agit et si vous êtes d'accord avec ce choix. Que pensez-vous de l'idée de s'en tenir à 25 pays?
[Français]
M. André Donneur: Par expérience, je sais qu'il est préférable d'avoir une concentration de l'aide à un nombre de pays plus restreint que de saupoudrer l'aide un peu partout. En ce sens, cela est une bonne chose. Évidemment, la concentration doit se faire dans les pays dont les besoins sont plus importants, les pays dont les besoins sont criants et nécessaires pour le bien-être et le développement des populations. Je crois que c'est important.
Je suis un peu mal à l'aise de me prononcer sur le choix des pays. Toutefois, la concentration est une bonne chose, et d'autres en ont fait l'expérience. Par exemple, certains pays scandinaves ont pratiqué cette méthode de concentration, et les résultats obtenus ont été plus efficaces que le fait de saupoudrer un peu partout. De toute façon, on n'a pas les moyens de saupoudrer. Il est important de se concentrer effectivement sur...
Le président: Merci.
Monsieur Paquette.
M. Pierre Paquette: Le rôle des parlementaires est un autre élément que plusieurs, à commencer par nous, considèrent absent de l'Énoncé de la politique internationale. Au Canada, l'exécutif a la responsabilité de ratifier les traités internationaux. Il est très rare que la Chambre des communes soit saisie de cette question, sauf par le biais d'une loi de mise en oeuvre des traités eux-mêmes. Il y a eu une exception récemment, alors que le premier ministre Chrétien a décidé de tenir un vote à la Chambre des communes sur le Protocole de Kyoto. Toutefois, c'était une décision du premier ministre.
D'abord, quel devrait être le rôle des parlementaires, surtout au moment où il y a des négociations qui ont des impacts majeurs sur la vie de tous nos concitoyens? Je pense, par exemple, à l'OMC?
Ensuite, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international ne devrait-il pas avoir un plus grand rôle à jouer? Quelqu'un nous a dit, je crois qu'il s'agit de Jeffrey Sachs mais je ne suis pas certain, que la politique étrangère aux États-Unis était plus consensuelle parce que le comité responsable avait un rôle plus important à jouer dans sa définition, ce qui fait que lorsque les administrations changent, en règle générale, la politique varie relativement peu. Par contre, au Canada, si les conservateurs sont au pouvoir, c'est une certaine politique; si ce sont les libéraux, il s'agit d'une autre politique. Et lorsque le Bloc québécois sera au pouvoir, il y en aura une troisième. Malheureusement, le NPD a peu de chances d'accéder au gouvernement à Ottawa.
Selon vous, quel devrait être le rôle des parlementaires et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international?
M. André Donneur: Je pense que le rôle du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international devrait être renforcé. J'aurais voulu que le comité soit plus impliqué, même dans la définition de l'Énoncé de la politique internationale.
C'est toujours un peu difficile de faire la comparaison avec les États-Unis, parce que leur Constitution est différente. Toutefois, je pense qu'il est important que le Parlement soit plus impliqué sur le plan de la politique étrangère et des politiques en général, bien qu'il y ait tout de même eu une augmentation du rôle du Parlement.
Si on prend une longue période, on s'aperçoit qu'il y a eu une augmentation du rôle du comité et du Parlement. Cependant, dans la conjoncture internationale actuelle et avec les changements que nous avons connus dans la structure internationale depuis le début des années 1990, je crois que c'est particulièrement important que le Parlement soit associé le plus possible à un tel processus. Particulièrement, je pense qu'il est important que le comité, où on peut approfondir les questions plus longuement, soit associé à la politique internationale. Je pense que c'est effectivement important.
¿ (0955)
[Traduction]
Le président: Madame Phinney, vous avez une autre question?
Mme Beth Phinney: J'aimerais faire une remarque sur le point dont nous sommes en train de discuter. On dirait que nous avons une certaine influence puisque nous semblons anticiper les décisions que prend le ministère. Nous adoptons des motions — peut-être le président peut-il en expliquer quelques-unes. Nous sommes très en avance sur ce que décide le ministère, donc nous avons une influence. Nous allons peut-être découvrir dans six mois que des domaines dont il n'envisage même pas de s'occuper actuellement sont devenus la politique du gouvernement simplement parce que nous aurons rédigé un document que nous aurons transmis à la Chambre.
Vous êtes venu aujourd'hui nous faire un petit exposé, mais y a-t-il un secteur particulier de la politique étrangère dont vous n'avez pas encore parlé et sur lequel vous souhaiteriez vous étendre un peu?
[Français]
M. André Donneur: Je pense qu'on a fait le tour de la question. Il y aurait énormément d'éléments à discuter. Je réfléchis une seconde.
On pourrait peut-être parler du point...
Le président: Si vous avez des recommandations à nous faire, vous pouvez toujours les faire parvenir au comité. Je tiens également à vous redire que nous offrons des consultations en ligne. C'est très important pour les étudiants.
Pour continuer dans la même veine que mes collègues, le comité a fait plusieurs études, dont l'une visait à déterminer ce que le Canada devrait faire après les 10 ans d'existence de l'ALENA. Nous avons fait une très belle étude sur le sujet.
Je tiens à dire que toutes les études et tous les rapports que nous faisons ont été adoptés à l'unanimité. Le gouvernement et les trois partis de l'opposition travaillent vraiment en consensus.
Nous avons également fait une étude sur les relations entre le Canada et les pays du monde musulman après les attentats aux États-Unis. Le gouvernement s'en sert beaucoup. Nous avons fait une étude sur le 0,7 p. 100; nous avons adopté un rapport sur le sujet. Nous avons adopté un rapport sur les droits de la personne dans le cas des compagnies canadiennes qui travaillent à l'étranger, surtout dans le domaine minier. Nous avons fait énormément de rapports. Nous avons également présenté un rapport, très bien fait par M. Paquette, au sujet du chapitre 19 de l'ALENA.
Il faut vous dire que cela ne fait pas la manchette des journaux. Ce n'est pas important pour nous. Ce qui est important, c'est d'avoir une certaine influence sur le gouvernement et de pouvoir lui dire que les parlementaires de tous les partis politiques voudraient qu'il aille dans telle ou telle direction.
Je vous remercie beaucoup d'être venu ici ce matin. C'était très intéressant pour nous. Je vous rappelle que nous voulons avoir l'opinion des jeunes. Si vous pouviez avoir une certaine influence sur les jeunes en ce qui a trait à la consultation en ligne, ce serait très apprécié. Merci, monsieur Donneur.
Nous allons faire une pose de cinq à dix minutes.
À (1000)
À (1010)
Le président: Nous reprenons maintenant l'examen de l'Énoncé de la politique internationale. Nous avons le plaisir d'avoir avec nous M. William Hogg, qui est professeur d'études politiques à l'Université Bishop's.
Bienvenue, monsieur Hogg.
M. William Hogg (professeur, Études politiques, Université Bishop's): Bonjour, monsieur Patry.
Le président: Il me fait vraiment plaisir de vous recevoir. Comme je vous l'ai dit déjà, nous recevons rarement des professeurs de l'Université Bishop's. Nous allons écouter vos commentaires sur l'Énoncé de la politique internationale.
À (1015)
M. William Hogg: Merci beaucoup. Je vais lire mon texte en anglais parce que c'est dans cette langue que je l'ai tapé.
Le président: Vous pouvez utiliser l'une ou l'autre des deux langues, cela ne pose pas de problème.
M. William Hogg: On pourra ensuite discuter dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Le document que j'ai préparé est le fruit de mes réflexions après la publication de l'EPI en avril. Je ne m'en suis plus vraiment occupé depuis, mais je pense qu'il demeure tout aussi pertinent aujourd'hui. Il s'intitule « Something Old, Something New, and a Leaner, Meaner Canada ».
Certains se demanderont si le nouvel énoncé de politique internationale intitulé « Fierté et influence: notre rôle dans le monde », méritait l'attente. Certes, toutes les tergiversations et les manoeuvres politiques du premier ministre Martin à propos des détails de cet énoncé avant sa publication ont permis de susciter certaines idées nouvelles et ont permis à ceux que cela intéressait d'assister à un assez bon spectacle à mon avis. Mais en substance, l'essentiel de ce document n'est qu'une nouvelle mouture de l'énoncé publié il y a une dizaine d'années, « Le Canada dans le monde ». On y ressasse beaucoup de vieilles idées, et on n'y trouve pas beaucoup de nouveautés à mon avis. Cependant, on peut constater une tendance intéressante en toile de fond de ce document. Je crois que l'EPI nous présente un Canada plus pur et dur.
Je vais commencer par l'ancien. On retrouve implicitement dans ces documents les trois piliers de 1995: la sécurité, la prospérité et les valeurs, sous forme de ce que le premier ministre avait dit dans le budget: la citoyenneté mondiale. Tout cela est toujours là. On retrouve aussi un bon nombre des slogans accrocheurs de la politique étrangère et de défense de la dernière décennie: la sécurité humaine, la responsabilité de protéger, la promotion de la démocratie, l'importance des droits de la personne et la primauté du droit dans les relations internationales.
Aussi bien le document de 1995 que celui de 2005 sont saupoudrés de préoccupations à l'égard des États en déroute, du terrorisme et des armes de destruction massive, encore que le terrorisme occupe beaucoup plus une place de premier plan maintenant, à juste titre.
Une bonne partie de l'énoncé sur la défense est reprise du livre blanc de 1994: les forces armées canadiennes doivent demeurer une force polyvalente et prête au combat, capable d'affronter les meilleurs grâce à l'interopérabilité et à la coordination. Certains aspects de l'énoncé sur le développement international demeurent identiques, avec un souci du bon gouvernement, du développement du secteur privé, de la santé, de l'éducation de base et de la durabilité de l'environnement qui fait écho aux objectifs centraux des programmes officiels d'aide au développement de 1995.
La pénétration des marchés par les biens, les services et les investissements canadiens à l'étranger demeure un objectif fondamental de notre politique commerciale, comme c'était le cas en 1995. Et nous sommes toujours sous le règne du multilatéralisme.
Beaucoup des nouveaux aspects de l'EPI datent aussi relativement. Quand on lit le budget de février 2005 de M. Martin, on y trouve déjà les piliers. On y trouve la création du fonds pour la paix et la sécurité dans le monde dans le cadre du budget et de l'enveloppe d'Affaires étrangères Canada. Les réinvestissements dans le ministère de la Défense nationale étaient aussi l'un des points forts de ce budget. En dehors du budget, les trois D — le développement, la diplomatie et la défense coordonnée à l'étranger — et la notion de guerre sur trois pâtés de maisons, qui étaient fortement présents dans l'énoncé de la politique de défense, ont été institutionnalisés dans l'EPI, mais sont loin d'être des notions nouvelles. Cela fait bien trois ou quatre ans que le MDN en parle.
La ministre du Développement international a aussi déclaré en mars à Montréal que le Canada allait désormais sérieusement rationaliser son aide au développement. Elle nous a dit en mars, pratiquement un mois et demi avant l'EPI, que nous allions concentrer notre aide sur 25 pays seulement. Évidemment, elle n'a pas dit lesquels, mais nous avions tout de même une assez bonne idée de l'orientation qui allait être suivie.
Autrement dit, les gens qui s'intéressaient à la place du Canada dans le monde n'ont pas eu besoin d'attendre la publication de l'EPI pour avoir une bonne idée de la nouvelle politique étrangère du premier ministre.
« Dans ce qu'il y a de nouveau »: on trouve de nouvelles orientations politiques importantes dans l'EPI. Premièrement, l'accent mis sur l'Amérique du Nord dans nos perspectives en matière de diplomatie, de défense et de commerce est passablement nouveau dans un énoncé de politique étrangère. Les gouvernements libéraux évitaient traditionnellement de prononcer le mot « Washington » dans le texte de leur politique internationale; voyez les livres blancs de Trudeau et de Chrétien. L'EPI est différent, puisqu'il est rare qu'on n'y trouve pas une allusion à notre voisin du sud dans une page.
Deuxièmement, la rationalisation du développement international va plus loin que ce que la plupart des observateurs attendaient, avec la création de ce noyau de 25 partenaires du développement qui vont maintenant recevoir l'essentiel de l'aide publique du Canada au développement. Cela nous permettra certainement d'utiliser plus efficacement les fonds canadiens d'aide au développement mais, d'un autre côté, cela entraînera un recul de la présence du drapeau canadien dans de nombreux pays en développement et francophones.
À (1020)
Du point de vue de la défense, la création de Commandement Canada évoque un souci de donner la priorité à la défense et à la sécurité du territoire canadien par rapport aux préoccupations concernant l'hémisphère ou l'ensemble du monde. Affaires étrangères Canada peut se réaffirmer comme l'interprète, le porte-parole, l'intégrateur, l'avocat, le fournisseur et l'intendant de la voix et des actions du Canada dans le monde, encore qu'il sera intéressant de voir comment les autres ministères réagiront à long terme à cette situation.
Venons-en maintenant au Canada pur et dur. Soit dit en passant, je n'entends pas cela au sens de méchant; j'entends par là un Canada plus efficient et plus efficace.
Ce que nous annonce en grande partie cet EPI, c'est la présence d'un Canada plus pur et dur dans le monde. Le ton des 200 et quelques pages du document annonce une retraite d'ensemble du Canada dans notre hémisphère, Ottawa fixant comme suit la hiérarchie de ses intérêts: la nation, puis les États-Unis, puis l'Amérique du Nord puis l'hémisphère occidentale et enfin le reste du monde. C'est donc un énoncé de politique étrangère beaucoup moins internationaliste que les précédents. Cette orientation, que certains ont qualifié de quasi-isolationnisme compte tenu des traditions historiques du Canada à l'étranger, se retrouve dans certains des principes sous-jacents dans la nouvelle politique étrangère.
L'aide au développement, tout en préservant les sujets mentionnés ci-dessus, abandonne discrètement les besoins humains fondamentaux, à savoir la nécessité de nourrir des masses d'hommes, de femmes et d'enfants dans les pays en développement. Il n'en est plus question dans l'énoncé sur le développement. L'action du Canada auprès des organisations internationales sera désormais axée sur les résultats plutôt que sur le processus, un changement qui, s'il avait été appliqué en 2003, aurait à mon avis entraîné la participation du Canada à guerre contre l'Iraq.
Le forces armées du Canada sont censées se préoccuper en priorité de la protection des rivages du Canada plutôt que des interventions à l'étranger pour assurer la paix et la sécurité, encore qu'il reste à voir comment cette politique sera appliquée concrètement. L'EPI poursuit la tendance annoncée dans le livre blanc de la défense de 1994 où l'on prévoyait que des effectifs de 60 000 à 65 000 hommes et femmes — nous en sommes en fait à 52 000 actuellement — feraient tout partout, dans le cadre de missions plus nombreuses.
Le présent EPI et le budget de 2005 n'ont pas réglé le problème du tempo opérationnel et de l'exploitation des forces à leur limite. Les Forces canadiennes ne pourront entreprendre de nouvelles actions internationales et poursuivre celles qui sont déjà engagées tout en protégeant l'Arctique et en défendant le Canada contre les terroristes, en tout cas pas avec les effectifs, le matériel et les limites budgétaires actuels ou prévus pour les prochaines années. La mise sur pied d'un groupe d'opérations spéciales est aussi le signe que nous serions prêts à envoyer plus souvent sur le terrain la FOI-2, une machine de combat plus pure et dure.
En conclusion, le Canada doit probablement devenir plus pur et dur. Il est probablement temps de laisser tomber en partie l'image internationale de bon gars que véhicule le Canada depuis 1945 au profit de l'image d'un pays plus ferme et plus dur. C'est le contexte international qui l'exige. Face aux grondements qui se font entendre dans les capitales alliées et sur CNN, à la guerre contre le terrorisme international, aux négociations musclées à l'OMC et à l'ALENA, et à un gouvernement minoritaire chez nous, même le meilleur des politiciens ne saurait résister à ces pressions. M. Martin leur a cédé dans son EPI. La question est maintenant de savoir s'il s'est trop laissé infléchir.
Il y a une dernière remarque que je voudrais faire à propos de l'EPI, et qui résulte des discussions que j'ai eues avec des fonctionnaires à Ottawa. L'EPI a peut-être un autre but beaucoup plus important que de simplement énoncer la politique étrangère du Canada, à savoir poser la question de la façon dont nous concevons notre politique étrangère. Ce qu'il y a de plus important à retirer de cet EPI, c'es t le processus de création de cet énoncé. C'est ce qui est le plus intéressant dans toute cette entreprise. Le jumelage de l'interaction publique et des intervenants d'État, comme je le dis dans mes cours de science politique, est assez nouveau et devrait probablement être repris à l'avenir.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hogg.
Nous passons maintenant aux questions et réponses.
Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: Merci.
C'est ma première journée de participation à ce voyage, mais nous avons passé une semaine à Washington et j'ai assisté à certaines de nos réunions à Toronto la semaine dernière. Au cours des prochaines semaines, notre comité ira dans les Maritimes et ensuite dans l'Ouest.
Ce que j'essaie de trouver chez nos intervenants, et ce que je leur demande de me dire, c'est ce qu'ils pensent de la façon dont le Canada est vu dans le monde et de la façon dont il est vu de l'intérieur.
Dans votre exposé, à propos des pays en développement et des 25 pays sur lesquels nous allons cibler notre aide, vous avez dit que cela signifiait un recul de la présence du drapeau canadien dans de nombreux pays, et vous avez mentionné plus particulièrement les pays francophones. Est-ce une bonne chose? Quelle va d'après vous être la réaction dans le monde si nous nous retirons de certains pays où nous faisions acte de présence jusque-là? Bien des gens se demandent si notre action dans le monde a été vraiment efficace. Certes, nous étions présents dans ces pays; nous étions simplement le Canada, vous savez. Est-ce une bonne chose? Ce recul est-il une bonne chose? Va-t-il entraîner des répercussions négatives?
À (1025)
M. William Hogg: Il y a une chose que je dis à mes étudiants — et c'est très fréquent dans mes cours en fin de semestre, quand ils viennent me demander ce que je pense — c'est qu'en tant que professeur, je ne suis pas censé leur dire ce que je pense. Je suis simplement censé leur présenter dans une certaine mesure la réalité, et c'est ensuite à eux de l'interpréter.
M. Kevin Sorenson: Cela ressemble tout à fait à un discours de politicien.
M. William Hogg: Je sais, mais au moins j'espère que les politiciens essaient d'être...
Pour ce qui est de la perception de la politique étrangère canadienne à l'étranger, comment les pays étrangers nous voient-ils? Dans l'ensemble, je crois qu'il y a un problème de malentendu sur le Canada dans le monde. Quand j'analyse la politique étrangère dans le monde, je crois que nous sommes un pays qui se préoccupe essentiellement de l'intérêt national. Or, d'autres pays attendent de nous autre chose. Ils nous voient comme des casques bleus, de bons aides au développement, des fournisseurs, même si la plupart du temps tout l'argent que nous investissons ne sert qu'à creuser des puits. Je crois qu'il y a une dichotomie entre ce que fait l'État canadien et ce que les gens s'attendent à nous voir faire.
C'est un peu la même chose de l'intérieur. Je crois qu'une grande partie du public canadien demeure prisonnière de cette vision des années 60 ou 70 de la présence du Canada dans le monde, et je ne dis pas que c'est une bonne ou une mauvaise chose — Andrew Cohen a gagné beaucoup d'argent en disant qu'il fallait revenir à l'âge d'or de la politique étrangère du Canada dans les années 60 parce que c'est ce que les Canadiens aiment entendre.
Personnellement, je crois que le Canada a une politique étrangère réaliste. Même si parfois nos énoncés de politique étrangère semblent un peu aventureux, dans l'application concrète de cette politique, nous agissons conformément à notre capacité d'État démocratique disposant de moyens très limités. Le public canadien n'aime pas qu'on dépense de l'argent à l'étranger, il préfère qu'il soit dépensé au Canada. Disons que nous essayons de faire ce que le système international — en particulier nos voisins du sud, nos alliés de l'OTAN et les pays d'Afrique — attendent de nous dans la mesure de nos moyens limités.
Est-ce une bonne chose, notamment à propos de la question du drapeau que vous venez de soulever? Je crois qu'il y a d'autres moyens de faire flotter l'étendard du Canada actuellement dans le contexte du développement. J'ai une étudiante qui est en ce moment en Tanzanie dans le cadre d'un projet de Corps Canada. Ce n'est pas vraiment de l'aide au développement, mais c'est quand même de l'argent fédéral qui permet à une Canadienne de travailler à l'étranger sur le terrain, de faire flotter notre drapeau dans une certaine mesure — encore que je ne sois pas certain qu'elle ait apporté avec elle des drapeaux canadiens. Je pense qu'il y a donc d'autres moyens d'action que l'APD.
Pour en revenir aux États francophones, je crois que cela va être un changement important car cela pose certaines des questions les plus fondamentales de notre politique étrangère, à savoir la question de la relation entre les intérêts anglophones et francophones dans la politique étrangère canadienne.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Kevin Sorenson: Oui. Nous sommes intrinsèquement... J'ai un mauvais rhume aujourd'hui, et j'ai parfois du mal à prononcer des mots comme « intrinsèquement ».
Nous sommes cependant étroitement liés aux États-Unis et 80 p. 100 de notre commerce, de notre culture... Nous avons beau parler de culture canadienne, ce n'est pas facile de la définir si l'on ne tient pas compte de la présence des États-Unis. Nous avons donc des liens très étroits dans le domaine du commerce et de la culture. Ce sont des Américains qui sont venus ouvrir et développer la région du pays d'où je viens, l'Ouest. Par exemple, mon grand-père est arrivé du Minnesota, il a obtenu une concession et il a créé son exploitation agricole. Donc, nous avons beaucoup de liens au niveau du continent même.
Dans une perspective internationale, pensez-vous que nous sommes pénalisés par nos liens avec les États-Unis? Vous n'en avez pas beaucoup parlé dans la réponse que vous m'avez donnée sur l'attitude des gens dans le monde à l'égard du Canada. Est-ce positif ou négatif? Bien que ce soit une réalité incontournable, est-ce que ce lien ne nuit pas à nos relations avec d'autres pays, et que pouvons-nous y faire?
À (1030)
M. William Hogg: Certainement. Je crois que la façon dont les Américains regardent ce que fait le Canada dans le monde n'a rien à voir avec la relation concrète sur le terrain entre le Canada et les États-Unis. Tout le monde dit qu'il faut faire attention à ce que nous faisons parce que les Américains vont être mécontents. Parlons du commerce. Depuis la guerre de 2003 en Iraq, il ne s'est rien passé. Nous avons dit non, et il ne s'est rien passé. En fait, nos relations commerciales se sont améliorées dans une certaine mesure.
Même avec un dollar canadien plus fort, notre excédent commercial avec les États-Unis ne cesse de croître. Ils n'arrêtent pas d'acheter ce que nous produisons. Sur le terrain, je pense qu'il y a une différence entre ce que Washington et Ottawa...
M. Kevin Sorenson: Permettez-moi de vous interrompre. Vous dites que nos relations se sont améliorées, mais pourtant il y a plus d'irritants. Je viens d'une circonscription rurale de l'Alberta. Les problèmes là-bas sont surtout liés à l'ESB et aux exportations de boeuf. Avant cela, il y avait le libre-échange et le commerce loyal. Il y avait des règles très claires régissant l'ouverture de la frontière, mais ils n'ont pas voulu l'ouvrir.
Actuellement, nous avons un très lourd contentieux avec le bois d'oeuvre. En fait, il est tellement lourd que notre premier ministre en est arrivé à dire que si les Américains ne respectaient pas leurs obligations, il allait peut-être devoir durcir le ton avec eux. Il a dit que nous allions nous tourner vers d'autres pays pour une bonne partie de nos échanges commerciaux, y compris le commerce de l'énergie — l'Inde, la Chine et ce genre de pays.
Ensuite, il y a les États-Unis qui nous disent depuis 2003 qu'il va falloir un passeport pour aller au Canada. Les retombées commerciales de cette simple... Nous avons des députés de tous les partis dans la région de Windsor, et ils s'inquiètent énormément des conséquences que cela aura sur le trafic frontalier. Il y a des familles américaines de quatre personnes qui viennent au Canada acheter, dépenser de l'argent, voyager, peu importe, mais qui vont y réfléchir à deux fois maintenant si elles doivent d'abord débourser 80 $ par personne pour obtenir un passeport.
Tous ces petits irritants s'accumulent. Le commerce est en expansion mais notre productivité est assez bonne et l'économie est solide. Donc, il est normal que les échanges commerciaux progressent, mais cela n'empêche que les irritants sont aussi en augmentation.
M. William Hogg: À ce sujet, je pense qu'il ne faut pas séparer le Canada du reste du monde. Les Européens et les Asiatiques ont le même genre de problème d'accès au marché américain que le Canada.
Les Britanniques sont tout autant visés que les Canadiens par cette décision concernant les passeports. Ce n'est pas bien, et je pense que nous allons voir à Washington une levée de boucliers des sénateurs et des membres du Congrès pour faire abandonner cette règle. Je pense que c'est ce qui va se passer; je ne peux pas le garantir, mais je crois qu'il y a beaucoup de gens à Washington qui veulent qu'on renonce à cette exigence de passeport à Washington, parce que c'est une mesure qui fera aussi mal à l'Amérique qu'au Canada.
M. Kevin Sorenson: Il ne s'agit pas simplement d'une carte d'identité. Il y aura peut-être des dispositifs biométriques. Il pourrait s'agir de toutes sortes de choses. On ne parle pas, comme le disait M. Paquette lors du tour précédent, d'un simple permis de conduire. Tout le monde peut avoir un permis de conduire.
Notre situation n'est pas vraiment la même que celle des Britanniques, parce que si je suis Américain et que je vais en Grande-Bretagne, je dois avoir un passeport...
M. William Hogg: Certainement.
M. Kevin Sorenson: ... mais si j'ai une famille de quatre personnes, je peux très bien traverser la frontière pour aller à Toronto ou n'importe où ailleurs au Canada. C'est quelque chose de courant.
M. William Hogg: Certainement. Je comprends. Je crois que ce qu'il y a — et je ne veux pas donner l'impression que j'ai peur de la frontière ou quelque chose comme cela — c'est qu'il est peut-être temps de demander aux Américains de présenter autre chose qu'un permis de conduire comme pièce d'identité quand ils se présentent à notre frontière. Nous ne sommes plus à la belle époque des années 80 et 70 où il n'y avait pas de problème à la frontière. Nous vivons dans un climat de terrorisme, et le terrorisme est lié à la liberté de mouvement des migrants à travers le monde, en Europe comme en Amérique du Nord. Il est assez facile de franchir ces frontières et il serait peut-être temps de resserrer un peu les contrôles frontaliers pour éviter ce problème.
La pire crise qui pourrait se produire dans les relations canado-américaines — et c'est un sujet qui a été abordé à une conférence à laquelle j'ai assisté durant la fin de semaine — serait qu'une bombe sale soit amenée du Canada pour exploser à New York. Autant dire que ce serait la fin de la frontière. Ce serait la fermeture définitive de la frontière, avec en gros une mexicanisation de la frontière nord des États-Unis. Alors peut-être que ces cartes d'identité sont une nécessité, peut-être.
À (1035)
Le président: Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: J'ai une autre petite question à l'opposé complètement. Je ne peux pas enchaîner sur celle-ci, mais nous parlons de politique étrangère.
Depuis un certain nombre d'années, nous assistons à la montée en puissance de la Chine. C'est devenu une grande puissance économique. Nous sommes très préoccupés par la question des droits de la personne dans ce pays. La Chine est un grand pays. L'Inde joue aussi dans la cour des grands. Comme le dit Thomas Friedman, les frontières du monde s'estompent et l'économie s'est mondialisée, que cela nous plaise ou non. Nous sommes en concurrence avec des pays qui n'ont pas les mêmes coûts d'intrants pour bien des choses.
Il y a un an, plusieurs grandes entreprises d'exploitation des ressources se sont tournées vers la Chine. Minmetals, Noranda, Falconbridge, toutes ces entreprises, tout un pan de ce secteur a commencé à vouloir vendre des denrées à la Chine. Est-ce que cela vous inquiète?
Quand des intérêts étrangers ou des entreprises étrangères deviennent propriétaires de ressources — comme on le voit dans le cas des sables bitumineux — est-ce que le fait que ce soit tel ou tel État est important?
M. William Hogg: Ce qui est intéressant, c'est que j'ai justement écrit à ce sujet un article voisin de la page éditoriale du Globe en août, à peu près au moment où la CNCP, la Compagnie nationale chinoise de pétrole, une entreprise d'État qui essayait d'acheter Unocal, l'une des entreprises pétrolières américaines détenant des intérêts importants en Asie de l'Est, posait la question de savoir si la mondialisation était ou non une réalité. Pourquoi l'offre d'achat d'Unocal a-t-elle été rejetée? C'est parce que le Congrès américain a refusé en disant que c'était une menace pour la sécurité nationale.
Je pense que nous devons avoir au Canada un débat sur la limite que nous ne voulons pas dépasser dans la mondialisation... parce que nous sommes pour la mondialisation. Nous en sommes dépendants — 45 p. 100 de notre PIB vient du commerce international — et cette relation va devenir de plus en plus importante puisqu'il y a un an le chiffre de nos échanges bilatéraux avec les États-Unis était de 87 p. 100 et qu'il est maintenant tombé à 80 p. 100. Où sont passés les 7 p. 100 manquants? De l'autre côté du Pacifique.
La notion de mondialisation va donc devenir de plus en plus importante pour le Canada. Je crois par conséquent qu'il faudrait que nous ayons un débat pour savoir jusqu'où nous sommes prêts à accepter que le libre capitalisme lié à la mondialisation l'emporte sur l'intérêt national qui veut qu'on préserve au moins la capacité de décider que de grandes entreprises comme Noranda ou Petro Kazakhstan, qui a été rachetée par la CNCP, doivent investir chez nous, au Canada. Il faut que nous décidions dans quelle mesure nous voulons que ces ressources restent au Canada, un peu comme pour les sables bitumineux. Je ne sais pas quel est le pourcentage de propriété et de droit de développement des sables bitumineux que nous conservons au Canada, mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'entreprises canadiennes. Je doute que nous puissions même prétendre être propriétaires de près de 50 p. 100 de ces ressources. Or, cela peut être une question de sécurité nationale si l'on considère que la garantie d'avoir accès à des ressources énergétiques est une des conditions de notre sécurité nationale. Les Américains en sont bien conscients, et c'est pour cela qu'ils ont bloqué l'initiative de la CNOOC. La CNCP menaçait la préservation de l'intérêt national des Américains dans le domaine de l'énergie.
Donc je crois qu'il faut que nous ayons ce débat, et que c'est une excellente question: où s'arrête la mondialisation et à quel moment l'intérêt national l'emporte-t-il?
À (1040)
M. Kevin Sorenson: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette: Je voudrais revenir à la question de la frontière. Vous avez dit en gros que la frontière d'aujourd'hui n'est plus celle que nous avions auparavant. En même temps, on atterrit en Europe, on montre son passeport et ne le ressort plus. Je suis parti de l'Italie pour aller en Slovénie le lendemain des attentats de Londres, et on passait la frontière sans problème. Ces pays essaient d'harmoniser leurs politiques en matière de sécurité.
Au fond, ne serait-il pas préférable que nous travaillions, si c'était possible, à l'harmonisation d'un certain nombre de règles de sécurité avec les autorités américaines et même mexicaines — je reviendrai ensuite au Mexique —, plutôt que décider de travailler à reculer par rapport à ce qui était acquis, c'est-à-dire la libre circulation relative des personnes? Je dis « relative », parce que s'il y avait des doutes à notre sujet, il pouvait arriver que les États-Unis demandent plus de détails. Alors, ne devrions-nous pas travailler en faveur d'une frontière intelligente, au lieu de revenir en arrière et d'avoir une frontière qui ressemble à celle qui existait en Europe il y a 20 ou 30 ans?
L'intégration économique s'accroît de façon incroyable. On vient encore de le voir avec Bombardier, qui déménage une partie de sa production de véhicules récréatifs au Mexique. Dans le cadre de l'échange Canada—États-Unis et, de plus en plus, Canada-Mexique, ce sont les mêmes compagnies qui circulent. Il y a également des enjeux. Si on veut une frontière intelligente avec les Américains et créer un périmètre de sécurité, ces derniers vont avoir des exigences par rapport aux valeurs canadiennes et québécoises, ce qui risque peut-être de créer des frictions.
Est-ce une voie que nous devrions approfondir?
M. William Hogg: C'est une voie qu'on peut explorer. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure voie à prendre.
Je vis dans les Cantons-de-l'Est. Je suis très près de Stanstead et de Newport. Je connais l'importance de la frontière, en termes de sécurité. Je ne crois pas qu'une forteresse nord-américaine serait dans l'intérêt du Canada. Nous avons des besoins différents de ceux des États-Unis, par exemple en ce qui concerne la question de l'immigration, celle des réfugiés, des personnes qui cherchent à fuir les pays vraiment dangereux et qui veulent venir au Canada pour faire une nouvelle vie et construire un meilleur avenir pour leur famille.
En fin de semaine, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déclaré qu'il voulait augmenter le nombre d'immigrants de 40 p. 100 au cours des cinq prochaines années. Il veut faire entrer au pays 700 000 personnes qui sont en attente à la frontière. Le ministre des Affaires étrangères a dit qu'il voulait que le Canada compte 40 millions de personnes d'ici 10 ans. Cela sera possible grâce à l'immigration.
M. Pierre Paquette: Peut-être que le ministre des Affaires étrangères contribuera à accroître la population aussi.
M. William Hogg: Je n'ai pas tout à fait terminé. Il y a une différence entre le Canada et les États-Unis, et je ne crois pas que le développement d'une forteresse...
M. Pierre Paquette: Je croyais qu'une bonne partie des réfugiés provenait des États-Unis.
M. William Hogg: Je ne sais pas, je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine, sauf en ce qui concerne nos réfugiés, mais c'est certain qu'il en vient effectivement des États-Unis. Toutefois, la grande majorité de nos immigrants viennent de l'Asie de l'Est et de l'Asie du Sud. Ce sont des gens d'affaires, des entrepreneurs de petites et moyennes entreprises.
M. Pierre Paquette: À votre avis, quelle est la place du Mexique par rapport aux affaires étrangères du Canada?
M. William Hogg: Je pense qu'il faudrait l'agrandir. En effet, on a vu que les Mexicains sont un allié en ce qui concerne le bois d'oeuvre. D'une certaine façon — ce n'est pas tout à fait pareil — ils sont dans une situation similaire à la nôtre face à Washington. C'est un petit pays très peuplé où il n'y a pas beaucoup de ressources, alors qu'ici, il y a une petite population et beaucoup de ressources. Quant aux États-Unis, ils ont une grosse population et beaucoup de ressources, mais ils ont besoin de nous. Par contre, ils sont dans une position dominante.
Il faudrait que nous puissions construire, au sein de l'ALENA, une espèce de bloc avec le Mexique, pour indiquer aux États-Unis qu'il faut suivre les règles du jeu parce que nous avons négocié en toute bonne foi.
À (1045)
M. Pierre Paquette: Justement, lorsque nous avons fait notre étude sur l'ALENA, nous avons constaté que les Canadiens — et les Québécois un peu moins — n'ont pas le réflexe de dépasser Washington.
M. William Hogg: Non, c'est vrai. Il s'agit d'une faiblesse dans le...
M. Pierre Paquette: Au Québec, il y a un peu plus de préoccupations concernant l'Amérique latine, le Mexique et le Brésil.
M. William Hogg: Ce sont plus des choses comme celles-là.
M. Pierre Paquette: Toutefois, j'ai été surpris de constater comment, en dehors de nos relations avec les Américains...
M. William Hogg: Oui, c'est un allié possible. Le problème est qu'on n'a pas suffisamment d'échanges. Les relations commerciales représentent une base importante pour avoir une relation politique. Les relations commerciales font en sorte qu'il faut avoir une bonne relation politique. Cependant, je pense qu'on commence à l'envers: on a une bonne relation politique, ou une relation possible, mais on n'a pas assez de relations commerciales avec le Mexique pour que...
M. Pierre Paquette: Pour qu'il soit un vrai allié sur le plan politique.
M. William Hogg: Exactement.
M. Pierre Paquette: Justement, est-ce aujourd'hui ou demain que s'ouvre le Sommet des Amériques?
Le président: Le 4 novembre.
M. Pierre Paquette: Il semble très clair, du côté des Latino-Américains, qu'il n'y a pas d'intérêt à négocier une zone de libre-échange des Amériques, probablement parce qu'ils veulent se renforcer avant de commencer à négocier avec les Américains. De notre côté, au Canada, on aura intérêt à travailler à renforcer l'ALENA.
Il y a eu des rencontres, et M. Manley a participé à un genre d'ALENA-plus. Même à l'égard de la société civile. On discute beaucoup de l'intégration sociale de l'Amérique du Nord, donc de la possibilité d'aller au-delà de l'intégration économique, pour avoir des éléments en termes social et politique.
Pensez-vous qu'il s'agit d'une voie que l'on devrait explorer, peut-être pas à court terme?
M. William Hogg: L'ALENA-plus?
M. Pierre Paquette: Oui.
M. William Hogg: Avant de devenir fanatique de la politique étrangère au Canada, je l'étais de l'intégration européenne. Les Européens ont dépassé une simple intégration économique et sont allés davantage vers une intégration sociale et politique parce qu'ils ont une histoire assez différente de celle de l'Amérique du Nord. Les expériences de guerre y jouent pour beaucoup. Le Canada entretient une relation tellement pacifique avec les Américains qu'on ne sent pas la nécessité d'aller plus loin. C'est une des raisons pour lesquelles l'ALENA-plus cause un peu de crainte parmi la population.
Également, je ne les ai pas lues, mais j'ai entendu des critiques de la part de MM. Bouchard et Facal relativement au plan de la nouvelle société québécoise. Il ressemble beaucoup à ce que M. Manley désire, soit une espèce de rapprochement des valeurs américaines, une réforme des principes économiques au Canada, une petite réduction de la taille de l'État, etc. Cela est peut-être en train de se produire, mais ne fait pas l'objet de négociations avec les Américains; c'est implicite.
M. Pierre Paquette: Me reste-t-il encore un peu de temps, monsieur le président?
Le président: Oui.
M. Pierre Paquette: Vous avez dit, à la fin de votre exposé, que le processus pour définir la politique étrangère était aussi important que la politique elle-même. Cet énoncé fait peu — ou pas du tout — référence aux parlementaires, sauf une fois, peut-être, au tout début. Il y a des références à la société civile, mais cela demeure très vague.
Quel serait, selon vous, le rôle des parlementaires et de la société civile dans l'élaboration de la politique étrangère canadienne? Un processus de consultation qui ferait en sorte que la politique s'adapterait constamment aux nouvelles réalités ne serait-il pas préférable à des exercices aux 10 ans...
M. William Hogg: Oui.
M. Pierre Paquette: ...où on célèbre une grand-messe, qui est peut-être nécessaire aussi?
M. William Hogg: Rob McRae, un directeur général du ministère des Affaires étrangères, était à notre conférence. Il a dit que l'Énoncé de politique internationale du Canada était déjà périmé.
M. Pierre Paquette: Ah oui?
M. William Hogg: En un sens, oui. Mais il a aussi dit que le processus de révision annuelle est ce qu'il y a de plus important. Les ministres impliqués dans l'EPI, en consultation avec le Parlement et la société civile, sont censés procéder à une mise à jour annuelle. Cette mise à jour sera plus importante que l'EPI lui-même, parce qu'on peut affirmer que l'EPI est dépassé au moment même où il est déposé. Comme le système international est en perpétuel changement, les réalités sont différentes.
On avait dit cela du Livre blanc de la Défense en 1994, et du « Canada dans le monde », de 1995. Le monde change trop vite pour qu'on ne fasse cet exercice que tous les 10 ans, comme vous dites. C'est donc un processus de mise à jour annuelle. C'est pour cela que l'EPI n'est déjà plus tout à fait à jour. En ce moment, on prépare notre révision annuelle.
Il serait donc intéressant que les parlementaires contribuent davantage. Je ne suis pas certain que cela se fera, car je sais que les bureaucrates sont jaloux de leurs pouvoirs. J'étudie beaucoup la politique étrangère canadienne et je ne suis pas sûr que les parlementaires aient le temps de le faire chaque année. Quelqu'un l'a dit: vous êtes très occupés et vous siégez à plusieurs comités.
À (1050)
M. Pierre Paquette: Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international le fait constamment, presque naturellement.
M. William Hogg: Oui.
M. Pierre Paquette: Les liens avec la conception de la politique étrangère pourraient être plus formels qu'ils ne le sont présentement. On fait des rapports et — M. Patry l'a mentionné tout à l'heure avec notre autre témoin — on a des réponses du gouvernement. Or, on ne sent pas toujours que nos commentaires sont pris en considération.
M. William Hogg: Le pouvoir du Cabinet du premier ministre dans la formulation de la politique étrangère constitue un autre problème. Sur le plan théorique — et cela fait consensus —, le Cabinet du premier ministre a beaucoup d'influence sur le contenu final de n'importe quel énoncé de politique étrangère. Cela en enlève aux bureaucrates, et un peu aussi aux députés. Dans ce domaine, on procède de façon plus élitiste que pluraliste. Je ne ferai pas ici l'évaluation de cette approche, mais c'est la réalité, et je crois que c'est aussi le problème.
Le président: Madame Phinney.
[Traduction]
Mme Beth Phinney: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Vous avez dit dans votre déclaration que l'EPI ne tient pas compte des besoins de la personne. Je crois que l'intervenant qui vous a précédé a dit que les pays choisis par l'ACDI n'étaient pas nécessairement les pays les plus démunis. En fait, la ministre responsable de l'ACDI a affirmé que le facteur principal qui avait été pris en compte était celui de la bonne gouvernance, bien qu'elle n'ait pas ajouté que ces pays n'étaient pas les plus démunis. Pour elle, ce qui compte avant tout, c'est une fonction publique solide, une magistrature indépendante, le respect des droits de la personne et le rejet de la corruption.
Quel est votre avis à ce sujet?
M. William Hogg: Tout dépend de l'objectif qu'on vise. Je crois que le développement ne peut être viable que s'il s'accompagne d'une bonne gouvernance, mais la bonne gouvernance elle n'est pas possible sans la stabilité dans un pays qui, à son tour, n'est pas possible si la population n'est pas notamment en bonne santé, instruite et bien nourrie.
La ministre a donc raison dans une certaine mesure, mais cela signifie qu'il faudra que quelqu'un d'autre s'occupe de répondre aux besoins fondamentaux de ces populations. Si ce n'est pas le Canada qui le fera, il faudrait que la ministre sache qui assumera ce rôle parce qu'il ne peut pas y avoir bonne gouvernance tant que les besoins fondamentaux des populations vivant dans les types de pays que nous voulons aider ne sont pas satisfaits.
Je crois que la ministre a dit que le Canada se retirait progressivement du créneau qui consiste à nourrir ceux qui ont faim et qu'il s'efforcerait de faire en sorte que les gouvernements de certains pays traitent mieux leur population. Je ne sais pas si les États s'occupent en secret de satisfaire les besoins fondamentaux des populations... Je ne sais pas si la ministre compte sur les ONG ou si elle sait que certains autres États vont remplacer le Canada dans le rôle qui consiste à nourrir ceux qui ont faim.
Le programme alimentaire mondial a fait une annonce ce matin au Pakistan. Les responsables du programme ont dit qu'ils n'avaient reçu que 10 p. 100 des dons qu'il leur faut. Ils ont ajouté qu'ils devraient mettre fin à leurs vols humanitaires parce qu'on ne leur a pas donné de la nourriture pour assurer la survie des victimes du tremblement de terre. Si la population d'un pays ne survit pas, la bonne gouvernance importe peu.
La ministre sait peut-être que d'autres États vont désormais assumer le rôle qui était celui du Canada. Je ne saurais le dire. Je n'en ai pas discuté avec elle.
À (1055)
Mme Beth Phinney: À ma connaissance, elle n'a rien dit de la sorte. Nous n'aurions peut-être pas à nous en faire autant si nous avions accepté l'objectif du 0,7 p. 100.
M. William Hogg: Peut-être pas.
Mme Beth Phinney: Je vous remercie.
M. William Hogg: En ce qui touche cet objectif de 0,7 p. 100, lorsque le premier ministre Pearson — en fait il n'était plus premier ministre à ce moment-là — a parlé de cet objectif, le Canada aurait pu l'atteindre dans les cinq ou six années suivantes si le gouvernement libéral avait maintenu les dépenses au titre du développement international au même niveau que ce qu'elles étaient sous le premier ministre Pearson. À cette époque, il s'agissait d'un objectif tout à fait réaliste. Je crois qu'il s'agit malheureusement maintenant d'un objectif auquel le gouvernement ne souscrit toujours pas parce qu'il représente un investissement important.
Ce serait bien si nous pouvions cependant réaliser cet objectif. Ce serait bien si le gouvernement pouvait donner une date cible comme l'ont fait certains de nos alliés, mais en raison de mauvaises décisions passées, la réalisation de cet objectif sera très coûteuse.
Est-ce que cela répond à votre question?
Mme Beth Phinney: Le premier ministre Martin a dit qu'il veut atteindre cet objectif.
M. William Hogg: Oui.
Mme Beth Phinney: C'est ce qu'il souhaite vraiment, mais il ne veut pas s'engager à le faire par écrit au cas où quelque chose surviendrait...
M. William Hogg: Et je le comprends.
Mme Beth Phinney: Beaucoup de gens ne comprennent pas que nous nous sommes engagés à réaliser cet objectif. Le premier ministre y tient, mais le Canada pourrait se retrouver dans une situation terrible dans cinq ans, de sorte qu'il ne pourrait pas respecter cet objectif, mais si nous nous y étions engagés par écrit...
M. William Hogg: La difficulté, c'est que beaucoup de gouvernements canadiens de diverses tendances politiques ont fait la même promesse par le passé et à moins que cet engagement ne soit mis par écrit, le gouvernement ne le respectera pas dans les délais qui avaient été prévus. C'est malheureusement la réalité à l'échelle nationale et internationale. La conjoncture évolue.
Mme Beth Phinney: Pourquoi ne pouvons-nous pas prendre cet engagement comme l'ont fait des pays comme la Norvège?
M. William Hogg: Dans le cas de ces pays, cela va de soi parce que c'est le statu quo. Notre niveau d'aide se situe actuellement à 0,27 p. 100 ou 0,28 p. 100 et 0,7 p. 100, c'est loin du statu quo. Quiconque a suivi un cours d'administration publique ou d'élaboration des politiques publiques — et c'est ce que j'enseigne à mes étudiants —, c'est qu'il est beaucoup plus facile de maintenir le statu quo que de changer la situation, en particulier lorsqu'il s'agit de dépenses budgétaires. Il nous faudra dix ans pour passer de 0,26 p. 100 ou 0, 27 p. 100 à 0,35 p. 100. Combien de temps mettrons-nous à atteindre 0,7 p. 100? Cela représentera un grand changement par rapport à la situation actuelle.
Si nous avions maintenu notre niveau d'aide internationale au même niveau que ce qu'il était sous le premier ministre Pearson, nous aurions déjà atteint cet objectif et nous l'aurions sans doute dépassé, mais les années 70 sont malheureusement survenues. On ne peut pas jeter tout le blâme sur le premier ministre Trudeau, mais le fait est que ce niveau de financement représente le statu quo dans les pays scandinaves. En fait, ce niveau diminue actuellement. Je crois qu'il est maintenant presque inférieur à 0,7 p. 100 au Danemark, alors qu'il a toujours été supérieur à ce niveau. La situation change donc aussi dans d'autres pays.
Le président: J'ai une question à vous poser.
J'aimerais revenir à la question que posait M. Paquette.
Vous avez dit que le processus d'élaboration de l'EPI était plus important et plus intéressant à long terme que l'énoncé lui-même. C'est une observation très importante qui ne nous pas encore été faite. Étant donné que le gouvernement a mis plus de six mois à rédiger cet énoncé, nous mettrons sans doute encore plus de temps à rédiger notre rapport, d'autant plus que le gouvernement est minoritaire, et que cette question nous a été renvoyée tout juste avant que la Chambre suspende ses travaux pour l'été.
Quels sont, à votre avis, les éléments négatifs et positifs de cet énoncé compte tenu du fait que nous sommes signataires de traités en matière de diplomatie, de défense et de développement? À notre sens, cet énoncé porte sur tous les aspects des activités du Canada à l'échelle internationale. Êtes-vous du même avis? Préféreriez-vous un énoncé qui ferait le point sur la situation globale chaque année ou qui dégagerait une tendance pour une année?
J'aimerais connaître votre avis.
M. William Hogg: James et moi parlions justement de cela avant le début de la séance.
Il y a toutes sortes de questions qui ne sont pas abordées dans l'EPI. Je me spécialise dans une certaine mesure dans les questions de contrôle d'armes à feu, et ces questions n'y sont pas abordées.
J'ai interviewé beaucoup de gens qui s'intéressent au contrôle des armes à feu à Ottawa depuis l'apparition de l'EPI. Je leur ai demandé ce qui, à leur avis, ne figurait pas dans l'EPI en ce qui touche le contrôle des armements. Ces personnes m'ont dit que peu leur importait. Ils savent quels sont les fonds dont ils disposent. Ils savent quels sont les engagements à respecter en ce qui touche le TNP, ainsi que les armes légères. Ils savent exactement quels sont les mandats en ce qui touche l'ensemble des questions liées au contrôle des armements.
La même chose vaut en ce qui a trait au processus de paix au Moyen-Orient. J'ai interviewé plusieurs personnes sur ce sujet et elles m'ont dit la même chose.
Si l'EPI ne traite pas de ces questions, faut-il en comprendre que le gouvernement ne s'y intéresse pas? Il s'y intéresse certainement. Je crois qu'il faut cependant en déduire que l'EPI ne reflète pas nécessairement la position finale du gouvernement sur ces questions étant donné que deux importantes questions, celle du processus de paix au Moyen-Orient et celle du contrôle des armes à feu, en sont presque absentes.
Les personnes avec lesquelles j'ai discuté de la question m'ont dit qu'elles aimaient la façon dont l'EPI avait été élaboré puisqu'il y a eu coopération entre les divers organismes visés et que la contribution d'Affaires étrangères dans le domaine de l'élaboration de la politique étrangère ressort bien de l'énoncé. On a beaucoup craint qu'Affaires étrangères cesse d'avoir son mot à dire en politique étrangère parce que tous les ministères ont maintenant leur propre bureau d'affaires internationales. Affaires étrangères a craint perdre du terrain chaque fois que Commerce international recrute un nouveau spécialiste du commerce international et chaque fois qu'Immigration Canada élabore ses propres politiques en matière d'immigration internationale. Les personnes auxquelles j'ai parlé ont aimé le fait qu'il y a eu collaboration entre les Affaires étrangères et les autres ministères visés.
Voilà, à mon avis, quelle est la force de ce document. Le contenu de l'EPI est important, mais en fait, c'est le processus plutôt que le produit final lui-même qui importe.
Á (1100)
Le président: Vous avez parlé du processus par opposition au contenu, et vous avez aussi dit qu'il fallait ranger parmi les résultats la décision quant à la participation du Canada à la guerre en Iraq et à la coalition des pays consentants. Le processus exige-t-il que nous participions aux initiatives multilatérales et les résultats signifient-ils que nous devions nous débarrasser de Saddam Hussein? Pensez-vous que la façon dont le Canada mène sa politique étrangère est bonne?
M. William Hogg: Voulez-vous dire que cette politique est menée en fonction du processus plutôt qu'en fonction des résultats?
Le président: Oui.
M. William Hogg: Un pays comme le Canada doit fonder sa politique étrangère sur le processus. Ce n'est pas nécessaire pour un pays comme les États-Unis.
Le Canada est un petit pays qui n'a pas beaucoup de ressources à consacrer au système international. Nous devons compter sur la règle de droit, sur les traités internationaux ainsi que sur les règles officielles qui régissent le comportement des États entre eux.
Par ailleurs, les États-Unis eux vont respecter les traites internationaux, le droit international et les règles de comportement s'il est dans leur intérêt de le faire. Ils peuvent s'écarter des règles de comportement et faire ce qu'ils veulent. Pour eux, les résultats sont plus importants que le processus.
Je ne pense pas que le Canada puisse se comporter de la sorte en raison de sa position au sein du système international. Nous ne sommes pas un État puissant. Nous ne pouvons pas faire fi du système international si nous décidons de faire fi du droit international comme peuvent le faire les États-Unis. Voilà pourquoi le processus est plus important dans notre cas que les résultats.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: J'aimerais connaître votre avis sur une position qui a été exprimée. Avez-vous lu ce document?
M. William Hogg: Qui en est l'auteur? Est-ce Jack Granatstein?
M. Kevin Sorenson: Oui.
M. William Hogg: Il était le conférencier principal à cette conférence. J'étais présent lorsqu'il a fait cette déclaration.
M. Kevin Sorenson: Dans ce cas, dans l'intérêt des multitudes qui nous écoutent aujourd'hui, je vais vous lire la déclaration puis l'énoncé et vous demander de nous dire ce que vous en pensez:
D'après un historien connu, la société de plus en plus multiculturelle du Canada ne doit pas exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il adopte une politique étrangère qui fasse fi de l'intérêt national pour privilégier les demandes disparates de divers groupes ethniques. |
« La politique étrangère ne vise pas à aimer tout le monde ou même à aider tout le monde », a affirmé Jack Granatstein. « Notre politique étrangère doit être fondée sur ce qui importe pour les Canadiens dans leur ensemble et pas seulement aux Canadiens pour qui ce qui importe est leur ancien pays, leur ethnicité ou leur religion. Une politique étrangère semblable mènerait à la fragmentation, à la dissension et à la discorde. » |
Vous avez déjà insisté sur certains des points qui importent aux Canadiens. Nous croyons au respect des droits de la personne. Nous croyons à la bonne gouvernance. Nous croyons que ces principes doivent être respectés pas seulement au Canada, mais dans le monde entier. Il y a une longue liste de valeurs dans lesquelles nous croyons. Le Canada doit s'assurer que les droits de la personne, la règle de droit ainsi que le principe de la bonne gouvernance sont respectés au pays comme à l'étranger.
J'ai peut-être deux questions à vous poser plutôt qu'une seule. Concentrons-nous d'abord sur ce qu'a dit M. Granatstein. J'aimerais connaître votre avis sur sa déclaration.
Nous avons peut-être déjà discuté de cette question, mais j'aimerais savoir s'il n'y a pas d'autres façons, dans le cadre de notre politique étrangère, de promouvoir les droits de la personne et la bonne gouvernance dans le monde entier? Lorsque nous parlons de l'ACDI, du développement et des secours, nous ne disons pas qu'il faudra attendre qu'un pays améliore son bilan en matière de droits de la personne ou sa gouvernance pour l'aider s'il est frappé par un tsunami, un tremblement de terre ou une catastrophe naturelle. Nous nous occupons d'abord des gens et nous essayons ensuite d'exercer un autre type d'influence.
Il y a d'abord la déclaration de M. Granatstein et ensuite quelle serait la façon la plus efficace pour le Canada de jouer un rôle utile dans le monde.
Á (1105)
M. William Hogg: M. Granatstein était le conférencier principal de la conférence à l'organisation de laquelle j'ai contribué. Je sais donc pourquoi il a fait ce discours. La conférence portait sur la démographie et la politique étrangère du Canada. Elle visait à établir comment l'évolution démographique du pays influerait sur notre politique étrangère. C'est assez intéressant, mais j'ai fait un cours semblable à mes étudiants hier.
M. Granatstein présume que les immigrants amènent au Canada les problèmes auxquels ils faisaient face dans leur pays d'origine et qu'ils vont exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il trouve des solutions à ces problèmes. En prévision de cette conférence, le CDFAI a commandé un sondage qui a montré que M. Granatstein se trompe. Il s'inquiète de quelque chose qui ne va sans doute pas se produire. Il craint que les nouveaux venus au Canada amènent au pays leurs problèmes et exercent une influence sur l'élaboration de la politique étrangère canadienne tandis que...
M. Kevin Sorenson: Nous l'avons déjà constaté. La tragédie d'Air India en est un exemple. Mais vous dites que ce n'est peut-être pas...
M. William Hogg: Le sondage conclut plutôt que les nouveaux arrivés au Canada sont... C'est vrai qu'on se demande toujours si les sondages permettent vraiment de bien évaluer la situation, mais ce sondage a conclu que les nouveaux Canadiens ont les mêmes préoccupations en matière de politique étrangère et les mêmes exigences à cet égard que les Canadiens anglais de souche.
Le professeur Granatstein pensait peut-être que les nouveaux Canadiens remettaient en cause les éléments fondamentaux de la politique étrangère du Canada. Ce sondage a montré le contraire. Je crois que je suis ici aujourd'hui parce que j'ai écrit un article sur cette question qui est paru en regard de la page éditoriale dans le Citizen.
Nous n'avons pas à nous inquiéter de l'influence de la démographie si la tendance qui est ressortie du sondage se maintient. Les nouveaux Canadiens adoptent les valeurs des Canadiens anglais.
Ce que je vais dire ne va pas plaire à M. Paquette, mais...
[Français]
ils adoptent des points de vue opposés à ceux du Québec sur le Canada dans le monde et les relations internationales en général. Sur le plan des relations internationales, le Québec est différent.
Il y a un autre problème en vue. On prévoit, au cours des deux ou des cinq prochaines années, l'arrivée d'environ 1,1 million de nouveaux immigrants. Ils s'installeront probablement à Toronto et à Vancouver, et adopteront plutôt les valeurs canadiennes-anglaises que canadiennes-françaises. Le poids du Québec dans l'élaboration de la politique étrangère pourrait se voir noyé.
M. Pierre Paquette: Cela constitue un argument de plus pour la souveraineté du Québec.
M. William Hogg: Il y a d'autres [Note de la rédaction: inaudible], On ne fera pas cela ici: c'est une autre question, mais j'ai des arguments contre cela.
Á (1110)
[Traduction]
Voilà pour la question qui portait sur la démographie. Je crois que M. Granatstein cherchait un peu à semer la peur et je pense qu'un certain nombre de personnes dans l'auditoire ont été un peu... L'article dit que bon nombre de personnes dans l'auditoire ont trouvé ses remarques très controversées.
Devons-nous nous servir de notre aide publique pour faire avancer la cause de la bonne gouvernance? Prenons l'exemple du tsunami, du tremblement de terre au Pakistan et d'autres catastrophes naturelles. Je ne pense pas que les sommes que nous donnons aux victimes de ces catastrophes proviennent des fonds dont dispose l'ACDI pour l'aide publique. Je pense que le gouvernement fédéral tire ces sommes du Trésor public. Je ne pense pas que Mme Carroll puisse se servir de ces fonds pour faire avancer la cause de la bonne gouvernance. Le gouvernement canadien lui-même pourrait le faire, mais il y a des milliards et des milliards de dollars qui ont été donnés pour les victimes du tsunami. Les dons dans le cas du Pakistan ne sont pas suffisants, mais...
Le Canada n'est pas le pays qui contribue le plus à ce genre de levée de fonds et je me demande dans quelle mesure il peut exercer une influence dans ces pays en ce qui touche la bonne gouvernance, le développement de la société civile et la règle de droit. Ce genre d'aide n'est peut-être pas la façon la plus efficace d'intervenir dans ces domaines.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Kevin Sorenson: Oui, certainement. Je vous remercie.
Monsieur le président, M. Hogg a dit que c'était la première fois qu'il comparaissait devant un comité parlementaire. Je pense qu'il devrait comparaître plus souvent parce que ses vues nous sont très utiles.
M. William Hogg: Je vous remercie.
Le président: Nous voulions aussi quelqu'un de l'Université Bishop.
[Français]
M. Pierre Paquette: Étant donné que monsieur a pris le temps de taper son texte, le greffier pourrait peut-être...
M. William Hogg: Il n'est qu'en anglais. C'est pour cette raison que je ne vous en ai pas donné de copie.
M. Pierre Paquette: Nous voudrions l'avoir pour la suite de nos travaux.
[Traduction]
Le président: J'ai aussi une question à poser. Nous voulons faire participer les jeunes à nos audiences. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons tenu une réunion à l'UQAM. Nous avons rencontré les représentants de Canada 25, un organisme de jeunes, à Ottawa, et nous avons aussi rencontré des jeunes à Toronto.
Constatez-vous des changements dans les vues des jeunes, et notamment de vos étudiants, en ce touche les affaires étrangères? Comment les amener à s'intéresser au sujet? C'est très important pour nous.
Il y a les consultations électroniques auxquelles participent surtout les jeunes.
M. William Hogg: Oui, nous pouvons parler des consultations électroniques et nous demander s'il s'agit de véritables consultations ou simplement d'un outil d'approche.
Nous avons eu un long débat lors de la conférence qui a eu lieu en fin de semaine parce que Mark McLaughlin, qui est le directeur des consultations électroniques, y a fait un exposé. Il discutait de la façon de faire participer les jeunes au processus d'élaboration de la politique étrangère.
On se demande vraiment quel est le rôle des consultations électroniques. S'agit-il d'un outil d'approche ou d'un outil pour faire passer son message? Une personne exprime son avis et peut se demander si l'on en tiendra compte ou non.
Un professeur d'UNBC, Heather Smith, est d'avis qu'il faut viser l'objectif de l'élaboration conjointe de la politique en faisant participer à ce processus les personnes qui sont ciblées par les consultations électroniques ainsi que soit le Parlement, soit la fonction publique. Nous ne sommes pas vraiment parvenus à cet objectif. Les personnes qui s'intéressent à la politique étrangère mais qui ne sont ni des universitaires, ni des fonctionnaires, ni des députés, ni membres d'un ONG, ont beaucoup de mal à participer au processus de façon constructive.
Quant aux jeunes, j'ai parlé à l'un des représentants de Canada 25 qui était présent à la conférence. Je suis censé toujours être un jeune. Je ne pense pas que je le sois, mais...
[Français]
M. Pierre Paquette: ...rester jeune longtemps.
[Traduction]
M. William Hogg: Je lui ai dit que je n'étais pas sûr d'avoir autant confiance dans les jeunes que Canada 25. Canada 25 ne reflète pas la jeunesse d'aujourd'hui. C'est une élite qui représente 2 ou 3 p. 100 de ce segment de la population. C'est très bien. Ce segment a donc une voix.
Le président: Très bien.
M. William Hogg: Je crois que l'étudiant que j'ai envoyé en Tanzanie est l'un de ces Canadiens qui s'intéressent à la politique étrangère et qui joue un rôle dans ce domaine, mais le groupe lui-même n'est pas représentatif de la jeunesse.
J'ai remis la semaine dernière à mes étudiants leurs travaux de mi-semestre. La moyenne que j'ai donné est 59 p. 100. Je ne sais pas si nous pouvons vraiment faire confiance à ce segment de la population. Il y a évidemment cinq étudiants qui ont obtenu un A. Il y a donc de l'espoir.
Nous parlons maintenant de politique intérieure et je dois dire que je m'élève contre un système d'éducation auquel on a apporté tellement de réformes tant au Québec que dans le reste du Canada que les étudiants ne savent plus écrire.
De façon générale, je ne suis donc pas sûr que ce segment de la population sera aussi intéressé dans la politique étrangère que leurs parents et leurs grands-parents l'ont été. Ce qui est rassurant, c'est que les 3 à 5 p. 100 des jeunes qui s'y intéresseront s'y intéresseront vraiment. Le reste du groupe s'y intéresse un peu. Les jeunes s'intéressent aussi à la question des soins de santé et à la politique, aux frais de scolarité et, de façon secondaire, à la politique étrangère.
Á (1115)
Le président: Très bien. Je vous remercie.
Je vous rappelle que nous avons aussi une réunion publique ce soir.
M. William Hogg: J'ai un cours à donner cet après-midi.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Nous allons faire une pause de quelques minutes.
Á (1115)
Á (1130)
[Français]
Le président: Nous reprenons maintenant l'examen de l'Énoncé de la politique internationale.
Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous Mme Judith Berlyn, qui est coprésidente de l'Initiative de Westmount pour la paix, et M. Normand Beaudet, qui représente le Centre de ressources sur la non-violence.
[Traduction]
Bienvenue, madame Berlyn. Bienvenue, monsieur Beaudet.
Je vais d'abord accorder la parole à Mme Berlyn. Vous avez quelques minutes pour faire votre déclaration. Avez-vous une déclaration à faire?
Mme Judith Berlyn (coprésidente, Initiative de Westmount pour la paix, Alliance canadienne pour la paix): J'ai...
Le président: Tout est dans votre tête. Allez-y.
Mme Judith Berlyn: Permettez-moi d'abord de vous corriger: je ne suis pas présidente de l'Initiative de Westmount pour la paix, bien que j'en sois membre active. Je témoigne aujourd'hui au nom de l'Alliance canadienne pour la paix, une organisation-cadre, pancanadienne, regroupant les groupes qui oeuvrent pour la paix.
Nous avons rédigé un document qui résulte de consultations que nous avons menées nous-mêmes. Ce processus s'est amorcé il y a environ cinq ans. À l'époque, le gouvernement ne menait pas de grandes consultations de ce genre. En fait, si ma mémoire est bonne, voilà maintenant 12 ans qu'ont eu lieu les dernières consultations d'ensemble sur le rôle du Canada dans le monde, consultations qui ont mené, en 1994, au dépôt d'un livre banc sur la défense et peut-être aussi d'un autre sur la politique étrangère, je ne me souviens pas. Quoi qu'il en soit, nous estimons que 12 ans, c'est trop long.
Nous vous remercions de nous avoir invités. Nous vous demandons avant tout de recommander au gouvernement de mettre en place un processus continu de consultations sur le désarmement et la paix au sein du ministère, car c'est un modèle qui fonctionne très bien au chapitre des droits de la personne. Tous les deux ou trois ans, des consultations se tiennent à l'immeuble Lester B. Pearson sur les droits de la personne. Ce sont des consultations très ouvertes. Toutes les ONG canadiennes s'intéressant aux droits de la personne peuvent y participer et discuter avec les fonctionnaires et aussi avec les ministres. Nous aimerions que soit mis en place un processus semblable sur les questions de désarmement, de paix, et sur le rôle du Canada dans le monde.
C'est une recommandation générale qui ne figure pas dans notre rapport.
Vous lirez notre mémoire et je ne vais donc pas vous le lire. Nous y formulons 42 recommandations de modifications à la politique gouvernementale. Ce sont des recommandations très précises et très concrètes. Ce mémoire ne constitue pas une réponse à une nouvelle politique mais je crois qu'il pourrait servir à cela et c'est ainsi que nous vous le présentons aujourd'hui.
En ce qui concerne la nouvelle politique, je n'ai lu que l'aperçu et le cahier sur la défense et je les ai trouvés très décevants, loin d'être à la hauteur des Canadiens et du Canada. Les Canadiens ont beaucoup... Ils vous donneront leur avis eux-mêmes.
J'aimerais aborder très brièvement trois grands sujets. D'abord, l'Alliance canadienne pour la paix existe depuis 20 ans. Nous célébrerons notre 20e anniversaire lors d'une conférence qui se tiendra à Ottawa le week-end prochain. Pendant ces 20 années, nous avons travaillé essentiellement dans trois domaines: le rôle des forces armées canadiennes, la participation du Canada au commerce international des armes et le rôle du Canada dans le désarmement nucléaire de la planète.
Eut égard au rôle des forces armées canadiennes, nous encourageons vivement le gouvernement... En fait, j'ai vu très peu de concret dans la nouvelle politique. Néanmoins, nous avons constaté que le rôle des Forces canadiennes a changé. Elles ont toujours assumé un double mandat, ce qui nous semblait contradictoire. D'une part, les Forces canadiennes ont pour mandat d'aider les gens, comme elles le disent dans leur publicité ou contribuent à sauver des vies, comme on le dit dans la plus récente campagne de recrutement. C'est là l'aspect positif du rôle des Forces canadiennes, celui qui plaît aux Canadiens — la recherche et sauvetage, les secours d'urgence en cas de catastrophe, la prestation d'aide humanitaire et les missions traditionnelles de maintien de la paix de l'ONU — ce qui est très bien.
D'autre part, les Forces canadiennes ont aussi le mandat qu'on appelle par euphémisme la préparation au combat mais qu'on pourrait aussi appeler, pour reprendre les expressions employées dans les campagnes de relations publiques, tuer des gens ou contribuer à écourter des vies. C'est ce pourquoi les forces sont actuellement en Afghanistan et, pour ma part, je sais gré au major-général Rick Hillier d'avoir décrit les choses telles qu'elles sont quand il a déclaré en juillet dernier que nos soldats étaient là pour tuer et être tués. Bill Graham a fait écho à cette déclaration récemment quand il a dit, au cours d'un discours qu'il a prononcé devant le CORIM ici à Montréal, qu'il fallait s'attendre à des pertes de vie.
Selon nous, ce changement dans les priorités s'est produit par suite d'une série de décisions ponctuelles qui ont été prises depuis le début des années 90, en commençant probablement par la décision concernant les Balkans et qui a été prise à l'été de 1992. Cependant, ces décisions n'ont jamais fait l'objet de discussions publiques et je crois que même les parlementaires n'en ont pas débattu. Quoi qu'il en soit, il est certain que le public n'a pas été appelé à se prononcer sur ces décisions.
Á (1135)
Au chapitre du rôle des forces armées canadiennes, ce que nous proposons, c'est une progression logique axée sur les quatre D. Premièrement, il faut définir le rôle des forces armées et tenir un débat public sur ce rôle; deuxièmement, il faut délimiter les fonctions que nos troupes devront remplir dans l'exercice de ce rôle; troisièmement, il faudra décider de la formation et de l'équipement dont auront les forces armées pour bien s'acquitter de leurs fonctions et, quatrièmement, il faudra déterminer quel sera le budget nécessaire. Ne donnons pas d'argent aux forces sans savoir à quoi il servira. Ne dressons pas de listes d'équipement militaire sans savoir à quoi il servira, ce que nous faisons actuellement. En suivant ces quatre étapes logiques, on pourra déterminer quelles sont les ressources dont les forces ont vraiment besoin pour faire le travail qu'on attend d'elles. Mais il faut d'abord définir ce travail.
La participation du Canada au commerce international des armes m'attriste au plus haut point, et ce, pour les raisons suivantes. Il y a quatre formes de commerce qui font des victimes: le commerce des esclaves, le trafic de la drogue, le commerce du sexe et le commerce des armes. Ce sont toutes des façons très vilaines de faire de l'argent. Vous ne pouvez vous adonner à l'un de ces quatre commerces sans victimiser directement des êtres humains.
Or, bien que la plupart des gouvernements condamnent les trois premiers, ils acceptent le commerce des armes. En fait, c'est bien pire que cela. Ils ne se contentent pas de l'accepter, ils appuient activement le commerce des armes et le subventionnent à même les deniers publics. Un peu partout se tiennent des foires commerciales où des entreprises canadiennes font la promotion de leur technologie de la mort et de la destruction en vue de la vendre un peu partout dans le monde, et ce, avec l'appui du gouvernement. Le gouvernement les aide à obtenir des contrats. J'ai entendu des hauts fonctionnaires s'excuser auprès des PDG de sociétés de Montréal telles que Oerlikon et SNC-Lavalin, Pratt & Whitney et, bien sûr, Bombardier, car avec tous les investissements du gouvernement, il est très rentable de fabriquer des armes.
Mais pourquoi, pourquoi, quand on sait que...
Á (1140)
Le président: Excusez-moi, mais que fait Bombardier par rapport aux armes?
[Français]
Normand Beaudet:
Ce sont des composantes de systèmes d'armement reliés aux avions.
Le président: D'accord.
[Traduction]
Mme Judith Berlyn: Vous trouverez dans notre mémoire des recommandations sur la participation du Canada au commerce international des armes, alors, je vous prie d'être attentif.
Au sujet du nucléaire, très brièvement, quand je tente d'expliquer aux gens la politique canadienne en matière d'armes nucléaires, je parle de la politique du double E. Ces deux E, heureusement, écrivent des mots semblables dans les deux langues officielles: éliminer et essentiel. Ayant ratifié le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le Canada s'est engagé à oeuvrer pour l'élimination de toutes les armes nucléaires du monde. Le Canada fait de beaux discours à ce sujet. Il affirme y croire, depuis toujours. Toutefois, entre-temps, nous qui sommes membres de l'OTAN ne nous opposons pas à la politique de l'OTAN selon laquelle les armes nucléaires sont essentielles et pourraient être utilisées par l'OTAN pour une première frappe.
C'est tout à fait contradictoire. Combien d'entre vous, après avoir passé en revue les contenus du placard pour voir quels vêtements pourraient être donnés ont décidé de donner à l'Armée du Salut leur meilleur manteau d'hiver, celui qui les protégera le mieux pendant nos hivers rigoureux? On n'élimine pas ce qu'on considère essentiel. Il faut donc résoudre cette contradiction et, à l'heure actuelle, dans les faits, c'est l'OTAN qui en sort gagnante.
J'ai été ravie d'entendre William Hogg dire que nous devons en tout temps respecter le droit international; je suis entièrement d'accord. Ce traité fait partie du droit international. Nous l'avons signé. Les obligations qui en découlent priment sur tout le reste au chapitre des armes nucléaires. Mais nous nous contentons de garder le silence sur de trop nombreuses questions. Notre politique est celle du silence.
J'aurais dû mentionner que je siège aussi au comité directeur du Réseau canadien pour l'abolition des armes nucléaires dont l'Alliance canadienne pour la paix est l'un des membres fondateurs. Je suis certaine qu'ils vous présenteront un mémoire que nous appuyons sans réserve.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, madame Berlyn.
Monsieur Beaudet, s'il vous plaît.
[Français]
Normand Beaudet:
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître à ce comité. Je vais aborder deux questions. La première concerne la position du Collectif Échec à la guerre. J'aimerais souligner avec force qu'au Québec, au moment où le Canada devait décider s'il se joignait ou non aux Américains pour faire la guerre en Irak, 250 000 personnes se sont rassemblées dans les rues, par temps très froid, en plein mois de mars, pour exprimer leur opposition à une éventuelle offensive en Irak de la part du Canada. Le Collectif Échec à la guerre avait organisé cette manifestation. Il ne s'agissait pas d'une toute petite portion de la population, mais bien de centaines de milliers de personnes très préoccupées par la tendance adoptée par le gouvernement canadien. Les organisations pour la paix en ont d'ailleurs été impressionnées. Bien sûr, nous avons gagné en ce qui concerne la non-participation du Canada à la guerre en Irak.
Par contre, en catimini cet été, en pleine période de vacances, le gouvernement canadien a pris une décision de nature plutôt administrative, il nous semble, à savoir d'envoyer des troupes canadiennes remplir une mission clairement offensive dans le sud de l'Irak, plus précisément à Kandahar, pour débusquer des talibans. Comme Judith l'a précisé, aucune politique de défense claire, nette et précise n'avait été énoncée à l'égard d'un genre d'engagement comme celui-là. Pour nous, cela constitue un revirement draconien de la politique canadienne. Ce genre d'opération de type offensif constitue une menace immédiate pour le Canada, dans la mesure où il l'expose à d'éventuels actes terroristes.
Les membres de nos organisations et la population canadienne n'ont jamais exprimé leur accord concernant le fait que la politique canadienne s'oriente vers des opérations offensives. On cache des choses aux jeunes qu'on recrute maintenant en masse dans les écoles au Québec. Le ministère de la Défense nationale s'est donné comme objectif de faire passer les effectifs de l'armée canadienne de 62 000 à 90 000 membres environ. Cela implique un recrutement massif chez les jeunes dans les écoles. Or, on continue d'invoquer l'image du maintien de la paix, ce qui est profondément hypocrite. Il faudrait dire aux jeunes qu'on cherche à les embaucher et que dans le cas où ils accepteraient l'emploi, ils pourraient être appelés à participer à des opérations offensives. À l'heure actuelle, on fait du recrutement et on achète des systèmes d'armement en catimini avec les fonds qui viennent d'être octroyés. On ne dit pas aux gens ce qu'on leur fera faire. On berne ceux qui vont participer à des opérations. À mon avis, c'est épouvantable.
Des gens de ma famille sont allés en mission récemment. Quand je les ai mis au courant de la situation, ils en ont été très surpris. Je ne peux nommer personne, mais je dirai cependant qu'un de mes cousins se trouve actuellement sur une base en Arabie Saoudite. Il n'était pas au courant de ce changement de politique, pas plus que ne l'était son entourage. La politique canadienne prend une nouvelle orientation, mais les gens ne sont pas impliqués dans ce changement. Voilà qui constitue un problème. Le Collectif Échec à la guerre en est très préoccupé.
Au Québec, près d'une centaine d'organismes sont membres de ce collectif. Nous sommes d'avis qu'il faudrait retirer de l'Irak tous les conseillers qui s'y trouvent actuellement, peut-être même les conseillers techniques rattachés à des entreprises comme SNC-Lavalin. Il semblerait que des consultations reliées à des opérations militaires seraient présentement effectuées par certaines entreprises. Cela devrait cesser immédiatement. Le Canada devrait empêcher ce genre d'opérations. La population canadienne n'a pas accepté que le Canada s'oriente vers des missions offensives.
Nous voudrions exiger que les dépenses militaires soient gelées jusqu'à ce qu'un débat public ait lieu. Il s'agirait alors de déterminer si le Canada doit s'orienter vers des missions offensives ou se limiter à des missions de maintien de la paix, par exemple, qui sont défensives par tradition. Il faudrait décider si le pays doit opter pour des missions offensives de l'OTAN ou rester dans le cadre des Nations Unies. Un débat de fond doit se faire sur ces questions.
À l'heure actuelle, les citoyens et citoyennes rejettent la perspective économique voulant que nous entretenions un partenariat continu avec la machine de guerre américaine.
Á (1145)
Pour le moment, nous sommes à sa remorque. Faute d'avoir défini notre propre politique de défense et d'avoir réalisé les tâches préliminaires si bien présentées par Mme Berlyn, à savoir définir la politique et mettre en pratique les quatre D, nous avançons à l'aveuglette. Nous prenons des décisions sans consulter le public et nous nous engageons dans des directions tout à fait inacceptables, et ce, sous prétexte qu'en tant que membres de certaines alliances, nous n'avons de toute façon pas le choix. C'est absurde et incohérent, et cela doit être remis en question. On parle d'une augmentation des dépenses du ministère de la Défense pouvant atteindre 12,8 milliards de dollars sur 5 ans. Il s'agit là d'un changement d'orientation important, et les gens doivent avoir leur mot à dire à ce sujet.
On demande aussi que les déserteurs américains ayant quitté les lieux lors de missions offensives puissent être acceptés comme réfugiés politiques. Ces gens ont subi la même situation en ce qui a trait à l'orientation offensive, même s'ils pouvaient peut-être s'y attendre. Néanmoins, il s'agit de réfugiés à des fins politiques.
Nous sommes très préoccupés par le changement de la politique interne du Canada. En effet, toute cette dynamique voulant qu'on s'oriente vers des missions de type offensif rend le Canada plus vulnérable face à d'éventuels actes terroristes. On nous dit par conséquent qu'il faut inévitablement opter pour une politique de protection accrue calquée sur le système américain. Pour notre part, nous sommes profondément opposés à une telle position. Je vais maintenant mettre de côté mon chapeau de membre du Collectif Échec à la guerre et le remplacer par celui de coordonnateur du Centre de ressources sur la non-violence.
Depuis des années, on travaille à des méthodes de prévention en matière de conflits internationaux. Il existe de multiples façons d'intervenir de manière préventive, que ce soit par le biais de mécanismes civils de détection avancée des crises, de documentation des crises, de vigie face aux crises ou d'alerte internationale face à des situations conflictuelles.
Il est faux de prétendre qu'on ne peut pas prévenir des situations comme celle du Rwanda. J'ai participé à une mission préventive au Burundi. J'étais présent sur le terrain avec Ould-Abdallah, le représentant du Secrétaire général des Nations Unies. On avait clairement compris que des événements dramatiques allaient se produire. Des mesures ont été proposées. La majorité d'entre elles n'étaient pas de nature militaire. Pourtant, on ne prépare que des mesures militaires.
Le seul moyen non militaire qu'on utilise et qu'on prépare à l'avance, c'est la diplomatie. Or, cette dernière est un mécanisme de négociation, et non un mécanisme de sanctions non violentes. Il y a un travail énorme à faire au Canada en ce qui a trait à l'application de sanctions et de mécanismes de détection avancée. C'est le cas également pour ce qui est de contenir les situations de conflit international. Le Canada devrait parler à ses militaires. Je vous mets au défi d'en trouver un seul pour qui le recours à la force n'est pas le tout dernier recours, en d'autres mots, celui qu'on utilise une fois que tous les autres moyens sont épuisés. Aucun militaire n'applaudit à l'idée d'aller en guerre. Je vous lance aussi un défi en vous demandant de m'indiquer cinq moyens d'action non violents qui auraient été utilisés de façon préventive dans le cas du Rwanda. Je vous écoute. Je parle ici de 5 façons seulement, alors qu'on en a répertorié au moins 150.
Vous êtes spécialisés dans le domaine. Nommez-moi cinq mesures non violentes que le Canada a appliquées avant de décider d'intervenir sur le terrain par le biais d'un représentant militaire. Quels sont les moyens non violents que le Canada utilise de façon préventive dans les situations de conflit? Quelqu'un peut-il répondre?
Á (1150)
Le président: Habituellement, ce ne sont pas les députés qui répondent aux questions des témoins.
Normand Beaudet: Non?
Le président: Nous sommes ici pour vous écouter.
Normand Beaudet: Il reste que la plupart des gens sont incapables de répondre à cette question. Il y a donc un problème.
Le président: Dans le cadre de la Francophonie, il y a eu Bamako. Il y aura, la semaine prochaine, une réunion qualifiée de Bamako +5. Il est beaucoup question de prévention et de vigie pour ce qui est d'intervenir, non pas diplomatiquement mais de façon différente, comme vous l'avez mentionné. Cette tendance existe un peu dans le Commonwealth. Il s'agit ici de réagir avant que les événements surviennent, comme on le fait actuellement en Côte d'Ivoire. On se penche sur cette approche en Éthiopie également.
Normand Beaudet: Ils sont très maigres.
Le président: Nous travaillons là-dessus. Disons que je porte un autre chapeau. Comme vous, j'en ai plusieurs. Je suis président international de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, et c'est un sujet que nous avons développé et que nous voulons poursuivre.
Normand Beaudet: Alors, nous allons collaborer avec vous.
Le président: Habituellement, je ne réponds pas aux questions des témoins. Cependant, il me fait plaisir de vous dire que nous portons nous aussi d'autres chapeaux à l'occasion.
Avez-vous terminé votre présentation?
Normand Beaudet: Oui. De toute façon, pour la forme, je vais déposer un mémoire qui est en lien avec les moyens de prévention des conflits internationaux et des crises.
Le président: Merci.
[Traduction]
Avant de céder la parole à mes collègues, j'aimerais dire ceci à Mme Berlyn.
Je suis très heureux que vous vous souveniez du rapport du Comité permanent des affaires étrangères — vous le mentionnez aussi à la page 30 — mais je dois vous faire remarquer que, par suite de notre examen de la politique canadienne sur la non-prolifération nucléaire, le contrôle des armes et le désarmement en 1998, nous avons notamment recommandé dans Le Canada et le défi nucléaire que l'on consulte chaque année la société civile. Je sais que cela s'est fait — au moins deux ou trois fois — mais j'ignore si la pratique se poursuit.
Nous avions aussi recommandé à l'époque que soit revue la politique nucléaire de l'OTAN, ce que l'OTAN a accepté de faire en 1999 — bien que, avec le déclenchement de la guerre au Kosovo, cet examen n'est pas allé aussi loin que le Canada et l'Allemagne le souhaitaient.
Mais nous prenons note de vos observations à ce sujet.
Mme Judith Berlyn: Puis-je faire une observation sur les consultations dont vous venez de parler?
Le président: Oui.
Mme Judith Berlyn: Je vous suis très reconnaissante d'avoir fait cette recommandation et je peux vous expliquer comment ça se passe. C'est un processus limité auquel seuls les invités peuvent participer. On invite généralement seulement une trentaine de personnes: 10 universitaires, 10 fonctionnaires et 10 représentants d'ONG.
J'ai déjà parlé du Réseau canadien pour l'abolition des armes nucléaires, un regroupement de diverses coalitions. Dix-sept organisations, je crois, ont fondé ce réseau qui en compte maintenant une vingtaine, mais puisque seulement 10 ONG sont consultées, tous les membres du réseau ne peuvent participer à ces consultations. Nous ne pouvons même pas y assister à titre d'observateur; c'est un processus très peu ouvert.
J'espère donc que vous transmettrez notre demande, que le ministère se fera son propre émule et adoptera le modèle des consultations sur les droits de la personne, qui est très bon. J'y participe depuis 1992. J'y demande que nous ne vendions pas d'armes au régime qui viole les droits de la personne. Si les consultations sur le désarmement suivaient ce modèle et étaient ouvertes à toutes les ONG du Canada oeuvrant pour le désarmement et la paix ou s'intéressant au rôle du Canada dans le désarmement et la paix dans le monde, les consultations seraient meilleures et je suis certaine que le ministère ne serait pas submergé de représentations. Si ces consultations ne se tiennent pas à chaque année, elles pourraient au moins avoir lieu tous les deux ans, ce qui soutiendrait la discussion.
Á (1155)
Le président: Nous en prenons bonne note.
Mme Judith Berlyn: Merci.
Le président: Monsieur Sorenson, vous avez la parole.
M. Kevin Sorenson: Je ne crois pas avoir de questions. J'ai passé en revue de livret et j'apprécie la passion qui anime les témoins que nous avons entendus ce matin. Mais quand j'ai lu ce qu'on dit ici sur la mondialisation de la paix, j'ai trouvé qu'on était très amer et critique du Canada et des États-Unis et qu'on ne parle pratiquement de rien d'autre.
... les États-Unis prévoient utiliser... les représentations à la Commission populaire mettent en évidence le fait que le Canada compte sur la menace et le recours à la force militaire pour faire progresser ses intérêts économiques et ceux de ses riches alliés... Le Canada vend des armes partout dans le monde, participe à des programmes militaires qui perpétuent la course aux armements et est disposé et désireux... |
Ce sont des observations très négatives.
Mme Judith Berlyn: J'espère que vous lirez aussi nos recommandations.
M. Kevin Sorenson: Oui, je le ferai.
Mme Judith Berlyn: Car elles sont très concrètes et, je l'espère, positives.
[Français]
Le président: Monsieur Paquette.
M. Pierre Paquette: Je vous remercie de vos présentations. Je ne suis pas un grand expert des questions militaires. Mon ami Claude Bachand, député de Saint-Jean, serait mieux placé que moi pour discuter de ce sujet.
Pourriez-vous m'expliquer un peu ce que sont [Note de la rédaction: difficultés techniques] en Irak? Est-ce que ce sont des militaires canadiens?
Normand Beaudet: Ce seraient des entreprises canadiennes agissant à titre de consultants auprès d'entreprises américaines qui ont des mandats sur le plan de la gestion...
M. Pierre Paquette: Sur le plan de la technologique
Normand Beaudet: ... de la technologie, des infrastructures. Je sais qu'on émet beaucoup de sous-contrats actuellement pour la gestion des bases militaires qu'on place à certains endroits, et ce sont des entreprises privées qui sont responsables de les gérer.
Personnellement, je suis consultant. À mon avis, lorsqu'on commence à parler de la défense et des opérations militaires, on n'est plus dans un marché de consultation civil qui ne doit pas être encadré par des politiques. Même le marché des consultants qui participent actuellement à des opérations de soutien s'oriente vers des opérations militaires. Cette façon de faire est profondément discutable; ce n'est pas encadré, c'est peu connu et cela doit faire l'objet d'une investigation par le gouvernement fédéral.
M. Pierre Paquette: Donc, vous proposez qu'il y ait une réglementation ou une législation encadrant le genre de consultations que feraient des firmes canadiennes en lien avec des opérations militaires offensives.
Normand Beaudet: Oui. Si cela ne correspond pas à la politique canadienne, on ne doit pas appuyer ce genre d'opérations, c'est très clair.
M. Pierre Paquette: D'accord.
Cela me permet justement de faire le lien avec le document de l'Alliance canadienne pour la paix. Votre deuxième recommandation porte sur l'obligation de toute société d'État, dont Exportation et Développement Canada et Énergie atomique du Canada limitée, de se soumettre tant à la Loi sur l'accès à l'information qu'à la Loi sur les évaluations environnementales. N'y aurait-il pas lieu d'aller plus loin, c'est-à-dire d'obliger ces sociétés à respecter les engagements internationaux pris par le Canada?
Je l'ai mentionné tout à l'heure, mais je le répète: quand on a changé la Société d'expansion des exportations pour Exportation et Développement Canada, j'avais présenté un amendement faisant en sorte que cet organisme devait agir en fonction des obligations prévues dans les conventions que le Canada avait signées. L'amendement a été rejeté. Je me demande si on devrait élargir cette deuxième recommandation et obliger toutes les sociétés d'État à agir dans le respect des traités signés par le Canada sur le plan international.
Normand Beaudet: Surtout que la plupart de leurs opérations à l'échelle internationale sont associées à la politique canadienne, qui subventionne souvent les opérations commerciales. Cela signifie que l'on injecte des fonds canadiens pour nourrir ce type d'opérations, surtout leur mise en marché.
 (1200)
Mme Judith Berlyn: C'est une excellente suggestion que j'appuie fortement. Cependant, c'est choquant pour nous de voir que ces sociétés d'État ne sont pas obligées de répondre aux demandes d'accès à l'information.
M. Pierre Paquette: On travaille, dans le cadre de l'initiative d'Halifax, à cette question. Je pense que cela évolue dans le bon sens. Il devrait y avoir...
Mme Judith Berlyn: Nous allons prendre note de votre suggestion pour améliorer notre recommandation. Merci, monsieur Paquette.
M. Pierre Paquette: Vous parliez ensuite des permis d'exportation de matériel militaire vers les États-Unis. Il existe déjà des permis d'exportation. On mentionnait tout à l'heure que le ministère du Commerce international émet actuellement ces permis. On a suggéré au comité que le ministère des Affaires étrangères soit responsable de l'émission de ces permis pour s'assurer que ce soit une logique qui relève davantage des affaires étrangères que du commerce international.
J'aimerais avoir votre avis à ce sujet. En même temps, vous pourrez peut-être nous expliquer en quoi les permis d'exportation du matériel militaire vers les États-Unis ajouteraient quelque chose.
Mme Judith Berlyn: On n'est pas obligé d'exporter. Actuellement, la politique du Canada consiste à ne pas exporter de biens militaires vers les pays en...
M. Pierre Paquette: En guerre?
Mme Judith Berlyn: ...qui s'engagent dans une action militaire offensive. Je présume que toute exportation de biens militaires vers les États-Unis a cessé le 19 mars 2003, mais j'en doute. J'imagine qu'on ne suit pas notre propre politique, dans ce cas. Je n'ai pas vérifié, mais...
Normand Beaudet: On contourne la politique en empruntant le canal Américain. C'est une voie très bien connue de contournement de la politique canadienne. De toute façon, l'excuse est très souvent qu'on ne produit que des pièces et des composantes qui vont dans des systèmes d'armes assemblés aux États-Unis. Donc, on peut exporter aux États-Unis des composantes qui se rendront par la suite dans des pays en guerre.
Pourquoi sommes-nous si prompts à faire du traçage dans le domaine de l'agriculture alors qu'on ne le fait pas pour les composantes militaires? Pour plus de cohérence, il faudrait peut-être faire un traçage des composantes qui s'en vont dans les systèmes d'armes exportés dans des pays où il y a des conflits.
M. Pierre Paquette: En ce qui concerne les sanctions, vous proposez que le gouvernement:
26. N'impose aucune sanction sans avoir obtenu au préalable et le consentement éclairé des groupes d'opposition à larges assises dans les pays en question, et celui des Nations Unies |
Qu'arrive-t-il dans une situation où des groupes ne sont pas en accord? Je vous donne un exemple.
Lorsqu'on a enclenché la campagne de boycottage des investissements canadiens en Afrique du Sud, la COSATU était en accord — c'était le syndicat présent alors que j'étais à la CSN; c'est pourquoi j'ai participé à ces débats —, mais le syndicat en exil, dont je ne me souviens plus du nom, était en désaccord. Finalement, on s'est fié aux gens sur place. Mais il me semble que vous devriez peut-être mieux définir...
[Traduction]
Mme Judith Berlyn: Oui, en effet.
[Français]
M. Pierre Paquette: Cela me fait souvent peur. Lors de conflits comme celui de l'Afrique du Sud, c'est-à-dire la campagne pour l'abolition de l'apartheid par le biais du boycottage, il y a aussi des groupes d'opposition internes, et des rapports de force s'exercent. Ce type de sanction sera souvent appuyé par un groupe plutôt qu'un autre, pour des raisons qui relèvent de la dynamique interne. C'est une idée que j'aimerais vous voir développer.
Normand Beaudet: À quelle page est-ce?
M. Pierre Paquette: C'est à la page 31.
 (1205)
Normand Beaudet: Parfait.
M. Pierre Paquette: Je peux vous donner un autre exemple. Je vais déposer un projet de loi qui ferait en sorte que l'Accord de libre-échange Canada—Israël soit limité aux territoires reconnus par les Nations Unies en 1948. Je suis certain que l'on me dira qu'on va nuire à des Palestiniens qui travaillent actuellement dans les territoires occupés à produire des biens exportés au Canada ou en Europe. D'autre part, beaucoup de monde des communautés arabes et musulmanes appuient déjà ce projet de loi. Comment faire les [Note de la rédaction: difficultés techniques]?
Normand Beaudet: On est vraiment au coeur de la problématique des sanctions non violentes. En ce moment, un des problèmes est qu'on met la totalité des ressources financières dans la préparation des infrastructures militaires et qu'on investit d'infimes parts du budget dans la préparation d'une stratégie de sanctions non violentes pour contrer certaines situations. On se retrouve alors obligé d'attendre que la crise soit importante pour justifier le recours aux militaires. On doit attendre que la situation ait vraiment dégénéré et qu'il soit trop tard pour intervenir. On attend parce qu'on ne veut pas utiliser la voie militaire trop rapidement. On doit développer des sanctions non violentes beaucoup plus diversifiées. Des sanctions préalables à l'utilisation du boycottage existent. Il faut d'abord imposer ces sanctions, faire de la détection avancée, mettre en place toutes sortes de mesures de surveillance, de contrôle des frontières, pour aider les dirigeants et empêcher les armes d'arriver sur le terrain. Lorsqu'on arrive aux sanctions économiques dont vous parlez, on obtient un appui dans leur application parce que les autres sanctions ont été utilisées. Si on ne fait rien, si on attend d'être rendu au boycottage pour agir, il est un peu tard. On doit développer tous les mécanismes d'intervention civile, non militaire et non violente avant de tout investir dans les ressources militaires.
M. Pierre Paquette: J'ai encore deux brèves questions.
Le président: Cela ne pose pas de problème.
M. Pierre Paquette: Je partage l'approche générale, en dépit de quelques détails. La proposition 27 se lit ainsi:
27. Oeuvre à rendre les règlements de l'Organisation mondiale du commerce subordonnées aux lois locales portant sur l'environnement et les droits de la personne. |
Mme Judith Berlyn: Oui.
M. Pierre Paquette: Je suis d'accord sur le principe visant à subordonner l'OMC. Il me semble qu'on devrait davantage parler de convention internationale, parce que si les lois locales sont faibles en ce qui a trait aux questions environnementales, évidemment, cela ne fait pas avancer du tout la cause. Lorsque je travaille à ces questions, en tant que porte-parole en matière de commerce international, je propose habituellement de trouver un moyen de s'assurer que l'OMC développe des mécanismes avec l'Organisation internationale du travail pour que les conventions fondamentales soient respectées et que les grandes conventions internationales sur le plan environnemental le soient aussi, dans le cadre des échanges internationaux.
Je comprends que le but ici est de laisser aux Parlements nationaux la capacité de légiférer pour le bien commun sans être entravés par les règles de commerce international. Cependant, je trouve que la proposition ne rend pas bien cette idée.
Mme Judith Berlyn: C'est mal formulé.
M. Pierre Paquette: J'aimerais mentionner une dernière chose.
Mme Judith Berlyn: J'apprécie ces suggestions d'amélioration.
M. Pierre Paquette: Je n'ai rien vu à propos de l'interdiction des essais nucléaires. À l'OTAN, il y a un groupe auquel vous faites référence, je crois, lorsque vous parlez des [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Ce groupe travaille à l'interdiction de la prolifération des armes nucléaires et à l'interdiction des essais nucléaires.
Je me demande si, en vue de l'interdiction globale des armes nucléaires, on ne devrait pas travailler à l'interdiction des essais nucléaires.
Mme Judith Berlyn: Il y a un mouvement pour un traité. Est-ce ce dont vous parlez?
M. Pierre Paquette: Exactement, et c'est à l'intérieur de l'OTAN.
Mme Judith Berlyn: Non, c'est au sein de l'ONU.
M. Pierre Paquette: Oui, mais cela inclut aussi des pays membres de l'OTAN, entre autres la Norvège.
Mme Judith Berlyn: En effet. Il y a une coalition.
M. Pierre Paquette: Est-ce que le Canada devrait y participer?
Mme Judith Berlyn: Nous sommes d'avis qu'à titre de membre de l'OTAN, le Canada pourrait jouer un rôle beaucoup plus important concernant la question des armements nucléaires. Le Canada et la Grèce sont les deux pays de l'OTAN à avoir exigé que des armes nucléaires américaines se trouvant sur leur territoire soient retirées. La Belgique est en train de mener un débat au sein de son Parlement à ce sujet, mais je n'en connais pas les derniers développements.
Le Canada jouerait un rôle fort appréciable s'il aidait d'autres pays non dotés d'armes nucléaires membres de l'OTAN à demander que tous les armements nucléaires soient retirés de leur territoire. À l'heure actuelle, la situation est très confuse. J'ai un document qui traite de la question. Malheureusement, il n'est qu'en anglais. En ce qui a trait à la question nucléaire dans son ensemble, nous sommes d'avis que le Canada a fait deux pas en arrière au mois d'octobre. Il a renversé sa politique relative à l'exportation de la technologie nucléaire vers l'Inde. Tout le monde sait que l'Inde dispose maintenant d'une bombe nucléaire et que cela est dû à un réacteur canadien. Ce dernier procure instantanément à tout pays qui l'acquiert une mine de plutonium, en l'occurrence une matière brute qui permet de produire des armes!
Par ailleurs, la résolution à l'ONU était une étape très positive. Le Canada s'était uni à cinq ou six autres pays pour que des groupes de travail affectés à des sujets précis soient formés. Il s'agissait de Genève, si ma mémoire est bonne. Quoi qu'il en soit, c'était dans le cadre de la Conférence sur le désarmement à l'ONU. Or, à la dernière minute, le Canada a retiré son appui à cette résolution, probablement à cause d'une pression directe de Washington. C'est du moins ce que j'imagine.
 (1210)
[Traduction]
Mais les manchettes à la une des journaux disaient que le Canada avait renoncé à la résolution de l'ONU sur le désarmement.
[Français]
Ce n'est pas une priorité!
Le président: Merci.
Mme Judith Berlyn: Pardon?
[Traduction]
Le président: Mais les manchettes ne sont pas...
Mme Judith Berlyn: Mais c'est ce qui se produit. En l'occurrence,
[Français]
c'est la vérité.
[Traduction]
Le président: Je cède maintenant la parole à Mme Phinney.
Mme Beth Phinney: Merci beaucoup de votre exposé. Vous avez fait des suggestions positives qui nous seront utiles.
Pourriez-vous prendre un moment pour nous parler des progrès qui ont été réalisés? C'est vraiment dommage que vous n'ayez que des choses négatives à souligner. Vous avez fait beaucoup de travail dans ce domaine et il faut vous en donner le crédit, et il y a beaucoup d'autres organisations qui font de l'excellent travail qui méritent reconnaissance. J'imagine qu'on réalise des choses positives, qu'avec certains des programmes de l'ACDI, on peut agir sans faire la guerre.
Pourriez-vous nous parler de ce qui se fait de positif dans votre domaine?
Mme Judith Berlyn: Je connais mal ce qui se fait au chapitre de l'aide au développement. J'ai beaucoup d'amis qui travaillent dans ce domaine. Dans l'ensemble, ils ne sont pas très satisfaits de l'ACDI. Cela ne signifie pas que tout ce qui relève de l'ACDI...
De façon générale, ce qui nous déplaît, c'est que l'aide au développement étranger est trop souvent vue en fonction des contrats et des emplois que ça représente pour les Canadiens. Des sommes considérables servent à...
En matière d'aide au développement étranger, nous souhaitons procurer aux collectivités l'infrastructure dont elles ont besoin. Si elles ont besoin de puits, nous leur creusons des puits. Si elles ont besoin d'écoles, nous leur construisons des écoles, ou des hôpitaux, mais nous agissons pour le bien de la collectivité, en collaboration avec la population locale, sans chercher à obtenir des contrats.
Mon père était ingénieur civil. Il n'a jamais autant travaillé qu'à la fin des années 40 et au début des années 50, en Europe et en Afrique du Nord. Pourquoi? Parce que les êtres humains, pas seulement au Canada, suivent un cycle de destruction et de reconstruction. À mesure que nous perfectionnons nos technologies de mort et de destruction — et je suis désolée si M. Sorenson ne veut pas connaître la vérité — chaque décennie, ces technologies deviennent de plus en plus efficaces. Nous estimons donc qu'il faut s'éloigner de cette approche en matière d'affaires internationales pour se demander ce qui est bon pour les gens et la planète.
Mme Beth Phinney: Je sais que la fondation Aga Khan reçoit des sommes importantes de l'ACDI. C'est le genre d'organisation qui fait précisément ce dont vous parlez. Elle se rend dans une région, détermine les besoins et aide les habitants de l'endroit à faire ce qui doit être fait.
Mme Judith Berlyn: C'est formidable. C'est sur cette voie que nous devons nous diriger.
Mme Beth Phinney: Il y a donc des choses positives qui sont réalisées grâce aux deniers publics.
Mme Judith Berlyn: Absolument. Il y a beaucoup de positif.
 (1215)
[Français]
Normand Beaudet: Je ne vais pas aborder uniquement le développement international, étant donné que le rôle du Canada au sein de la force de maintien de la paix de l'ONU remonte à assez longtemps. Notre pays a en effet participé, par l'entremise de militaires, à la mise en place de plusieurs mécanismes de contrôle très intéressants visant à contenir des situations conflictuelles. Or, j'ai l'impression qu'on n'a pas fait un bilan systématique du travail accompli. Cela a fait en sorte que nous ne pouvons pas apprendre à développer davantage cette approche.
La chute du mur de Berlin a mis fin au droit de veto entre l'Est et l'Ouest. Avec la disparition de ce recours, qui empêchait la moindre action et limitait nos rôles à l'occasion de conflits, l'endiguement de notre rôle dans ces situations a pris fin également. On s'est alors orienté vers des missions offensives plutôt que de tirer une leçon du passé et de se demander comment il serait possible d'améliorer ces mécanismes en les rendant plus efficaces et de faire en sorte d'intervenir d'abord sur le plan civil avant d'opter pour une solution militaire. De façon à rendre nos interventions plus efficaces, il se serait agi ensuite de faire concorder le rôle des militaires à la philosophie du maintien de la paix.
Or, dès que le mécanisme de veto des Nations Unies a disparu, le Canada s'est lancé corps et âme dans des missions à caractère offensif. C'est, pour notre part, ce que nous critiquons. On semble ne rien avoir appris de ces 40 ans de missions de maintien de la paix. C'est une triste situation qui illustre assez bien la dynamique négative qui prévaut. Nous considérons qu'il y a un réel dérapage.
[Traduction]
Mme Beth Phinney: Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Phinney.
[Français]
J'ai une question d'ordre tout à fait pratique à vous poser sur les sanctions non violentes.
Normand Beaudet: C'est précisément dans ce contexte que je suis allé au Burundi. Je suis donc en mesure de vous répondre.
Le président: J'aime cette approche. Le Conseil de sécurité des Nations Unies va étudier la possibilité d'imposer des sanctions à la Syrie. À votre avis, comment pourrait-on faire en sorte qu'il s'agisse de sanctions non violentes?
Normand Beaudet: Je ne connais pas très bien le cas de la Syrie. Je préférerais parler des Grands Lacs, dont je connais la situation pour y être allé.
Le président: D'accord.
Normand Beaudet: La situation du Burundi est en voie de se stabiliser, mais elle est néanmoins très précaire pour le moment. Les gens observent cette stabilisation politique en se disant qu'il y a là des éléments positifs, mais ils demeurent incertains. Or, la communauté internationale devrait aller sur place. Il est connu qu'au Burundi, depuis la décolonisation belge, au moins 5 cycles de massacres ont fait 100 000 victimes. Il semble qu'à tous les 15 ans, un nouveau cycle de massacres commence. Les jeunes ayant vécu les massacres contiennent leur haine jusqu'au moment où une bavure ou un assassinat politique la déclenchent. C'est un phénomène vérifiable, typique de l'histoire de cette région.
Il y aurait un travail énorme à faire sur le terrain en matière de sanctions non violente. Il faudrait que des intervenants sociaux s'emploient à désamorcer la situation de crise profonde que vivent les gens sur le plan personnel. Nombre de services pourraient être dispensés, entre autres pour repérer les nouvelles factions radicales qui se forment à l'heure actuelle et dont la propagande haineuse pourrait devenir une menace. On pourrait même repérer et surveiller les gens qui sont en train de mettre au point des outils visant à faire de la propagande haineuse et se tenir prêt à appliquer des sanctions non violentes. On pourrait contrôler la circulation d'armes partout autour de ce pays, d'autant plus qu'il est en phase de stabilisation.
Si on ne fait rien, il est possible que d'ici cinq ou dix ans, le même série d'interventions soit à recommencer. Je pourrais mentionner des dizaines de mesures non militaires et civiles. Nous en avons répertorié environ 198.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Beaudet.
Merci, madame Berlyn.
[Traduction]
Comme toujours, votre contribution nous sera utile.
Nous reprendrons nos travaux à 13 h 45 cet après-midi. Merci.
La séance est levée.