FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 3 novembre 2005
½ | 1915 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
Nadia Alexan (à titre personnel) |
Le président |
Nadia Alexan |
½ | 1920 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
½ | 1925 |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
Nadia Alexan |
M. Kevin Sorenson |
½ | 1930 |
Le président |
Cébert Hermann (Présentation personnelle) |
Le président |
Cébert Hermann |
Le président |
Cébert Hermann |
Le président |
Cébert Hermann |
½ | 1935 |
½ | 1940 |
½ | 1945 |
½ | 1950 |
½ | 1955 |
¾ | 2000 |
Le président |
Cébert Hermann |
Le président |
Cébert Hermann |
Le président |
Maureen Adelman (Présentation personnelle) |
¾ | 2005 |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
¾ | 2010 |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
Maureen Adelman |
Le président |
M. Pierre Bricault (Présentation personnelle) |
¾ | 2020 |
Le président |
M. Pierre Bricault |
¾ | 2025 |
Le président |
M. Pierre Bricault |
Le président |
M. Pierre Bricault |
¾ | 2030 |
Le président |
Mme Judith Berlyn (Présentation personnelle) |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
¾ | 2035 |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
¾ | 2040 |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
Jonathan Bujault (Présentation personnelle) |
Le président |
Jonathan Bujault |
¾ | 2045 |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Jonathan Bujault |
M. Kevin Sorenson |
Jonathan Bujault |
Le président |
Jonathan Bujault |
Le président |
Jonathan Bujault |
Le président |
¾ | 2050 |
Jonathan Bujault |
M. Kevin Sorenson |
Jonathan Bujault |
M. Kevin Sorenson |
Jonathan Bujault |
Mme Beth Phinney |
Jonathan Bujault |
Mme Beth Phinney |
Jonathan Bujault |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Jonathan Bujault |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
Mme Judith Berlyn |
Le président |
M. Pierre Bricault |
Le président |
M. Pierre Bricault |
Le président |
M. Pierre Bricault |
Le président |
M. Pierre Bricault |
Le président |
M. Pierre Bricault |
¾ | 2055 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
½ (1915)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): La séance est ouverte.
Le Comité des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude de l'énoncé de la politique internationale.
Il s'agit ce soir d'une assemblée publique, et nous prions nos témoins de s'identifier, s'il vous plaît.
Nadia Alexan (à titre personnel): Je m'appelle Nadia Alexan.
Le président: Vous témoignez à titre personnel?
Nadia Alexan: C'est exact.
Je vais parler avec les mots du coeur parce que je n'ai pas eu vraiment le temps de me préparer pour cela. Mon amie, Judy, m'en a parlé hier soir à minuit, lorsque je suis arrivée à la conférence de John Sigler, et je n'ai pas eu le temps de me préparer. Je vais donc m'exprimer avec les mots du coeur et dire ce que je pense.
Comme je l'ai dit plus tôt, les gens s'intéressent à ce que vous faites, ce n'est peut-être pas votre problème à vous, mais il y a un problème de communication, essentiellement parce que tous les médias du pays appartiennent à une ou deux personnes. Bien sûr, ils disent aux gens ce qu'ils veulent bien leur dire, et parfois, ce n'est pas nécessairement la vérité.
En ce qui concerne la politique étrangère du Canada, je vais d'abord parler de notre proximité avec les États-Unis. Le problème que nous avons ces temps-ci, c'est que nous suivons aveuglément les États-Unis. Leurs entreprises ont leurs lobbyistes chez nous, et ils parlent très, très fort, et la seule chose qui les intéresse, c'est de gagner de l'argent et de faire des profits, la plupart du temps au détriment des êtres humains.
Cela ne va pas durer longtemps parce que partout dans le monde, on voit apparaître en ce moment des mouvements de résistance, les gens résistent et disent que c'est assez, c'est assez, c'est assez.
Qui dirige notre pays? Est-ce Tom d'Aquino ou nos élus? Qui gouverne le pays? C'est ce que je veux savoir.
Par exemple, notre politique à l'égard d'Haïti. On hurle démocratie, démocratie, mais lorsque les gens élisent démocratiquement une personne et que les États-Unis font destituer cette personne par un coup d'État, nous suivons la politique des États-Unis. Qu'est-ce que c'est que cette absurdité? C'est de la folie, de la folie pure. À mon avis, il faut que notre pays ait une politique indépendante de la politique des États-Unis, totalement indépendante.
Les gens crient aux loups, ils disent que la fin de monde s'en vient et que le ciel va nous tomber sur la tête, qu'on va se venger de nous et que les États-Unis vont se venger sur le Canada. Rien de tel ne s'est produit. Nous avons toujours eu une politique indépendante en matière de commerce et en matière de relations internationales, et aussi en ce qui concerne nos rapports avec les États-Unis. Nous avons toujours été indépendants.
Depuis quand devons-nous suivre aveuglément la politique des États-Unis? Les États-Unis, à l'heure où nous nous parlons, constituent un État truand. Ce pays est discrédité partout dans le monde. Les Américains eux-mêmes qui sortent du pays ont peur de dire qu'ils sont Américains, ils disent donc qu'ils sont Canadiens.
J'étais en Italie il n'y a pas très longtemps, et les gens ont honte; ils ont honte de ce qui arrive aux États-Unis et de la façon dont ce pays se conduit en voyou, en forçant tous les autres à se soumettre.
Notre politique, par exemple, à l'égard d'Haïti... il y a aussi cette politique d'intégration, nous voulons intégrer nos frontières, nous voulons intégrer nos pharmaceutiques, nous voulons intégrer notre énergie. C'est suicidaire. Plus nous allons harmoniser nos politiques avec celles des États-Unis, le plus vite nous allons courir au suicide, parce que si nous cédons notre souveraineté aux États-Unis, nous irons à notre perte. Ce n'est plus nous qui décidons de notre sort.
Prenez par exemple les hormones de croissance, on les administre encore aux vaches aux États-Unis, ce que nous ne faisons plus, et il ne fait aucun doute que cela cause le cancer et que c'est toxique.
Nous devons nous dégager de ce que font les États-Unis.
Pour ce qui est de la politique commerciale, je pense que quiconque sait lire, peut voir que ce commerce ne profite qu'à quelques personnes. Cela ne profite qu'à ceux qui ont des millions de dollars. Cela ne profite pas à la vaste majorité des gens dans le monde. Ils n'en tirent aucun profit. Ce que nous devons faire, c'est pratiquer le commerce équitable, et non le libre-échange. Cet échange n'est libre que pour ces personnes qui dictent les règles, ces personnes qui imposent leurs règles à d'autres pays. Eux, ils sont libres. Ceux qui ne sont pas libres, c'est la vaste majorité des paysans et ces milliers de personnes qui meurent de faim.
Je n'arrive pas du tout à comprendre comment les gens peuvent se lever le matin, se regarder dans le miroir, et accepter que des enfants meurent par milliers à toutes les secondes. Et on tourne le dos et on dit : « Ce n'est pas mon problème. »
Je parle de tout et de rien, mais je pourrais peut-être plus tard être plus précise. Je tiens à dire clairement que notre politique étrangère ne devrait pas épouser la politique des États-Unis. Nous devons nous éloigner de la politique des États-Unis si nous tenons au bien de la majorité des Canadiens et non seulement des 10 p. 100 qui sont au sommet de la société et qui profitent de ce genre d'intégration.
Ils disent que notre eau est exemptée, que notre énergie est exemptée. Ce n'est pas sur la table de négociation. Tom d'Aquino veut que ce soit sur la table, et John Manley veut que ce soit sur la table.
Ce que tout le monde veut à Washington, c'est que nous soyons dociles. Hier, John Sigler disait : « Nous revenons à l'époque féodale. Comprenez-vous ce qui se passe? Nous revenons à l'époque féodale. »
C'est intenable. Il est inadmissible que le commerce devienne plus important que les êtres humains et leur gagne-pain, leur bien-être, leur éducation, leur énergie, leur eau et tout le reste. L'eau? L'eau? Nous sommes faits d'eau. L'eau n'est pas un luxe; c'est une nécessité. Comment pourrait-on mettre l'eau sur la table de négociation?
En tout cas, je pourrais continuer, mais je vais m'arrêter ici parce que je suis de plus en plus en colère.
½ (1920)
Le président: Ne vous mettez pas trop en colère. Ce n'est pas bon pour la santé.
Y a-t-il des questions?
J'en ai une, si vous...
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Je vais vous redire exactement la même chose que je vous ai dite lorsque vous êtes arrivée : merci d'être venue. Bien sûr, vous vous êtes exprimée avec les mots du coeur. Nous voyons ça souvent, des gens qui viennent ici et qui sont irrités, ou inquiets, ou qui ont peut-être perdu espoir dans l'avenir du Canada.
À votre avis, quel est le rôle premier du gouvernement au Canada?
Nadia Alexan: La réglementation. Si notre gouvernement n'avait pas autant peur du grand capital et qu'il le réglementait comme il faut, nous ne serions pas dans le gâchis où nous sommes.
M. Kevin Sorenson: D'accord.
Nadia Alexan: Monsieur, la vaste majorité des Canadiens versent 60 p. 100 de leur revenu en impôts. Le grand capital, lorsqu'il paie de l'impôt, il ne paie que 4 p. 100. Puis il obtient des subventions. Puis il a droit à des échappatoires fiscales. Puis il se sert des paradis fiscaux pour cacher son argent. Pour l'amour du ciel, à quoi sert le gouvernement? Le gouvernement sert-il à me protéger, ou sert-il à protéger les 5 ou 10 p. 100 de riches dans notre pays?
Savez-vous ce qui se passe? Les gens sont tellement mécontents qu'ils ne votent plus. Ils ne votent pas. Seulement 62 p. 100 des gens votent en ce moment, et cette proportion ne cesse de diminuer.
Les gens sont dégoûtés, et ils disent : « À quoi ça sert? » Les jeunes disent : « Si le vote pouvait changer quoi que ce soit, ce serait illégal. » Ils sont devenus cyniques à ce point.
Le président: Je n'ai qu'une question...
Excusez-moi. Allez-y.
M. Kevin Sorenson: Je vous ai demandé : « Quelle est la première responsabilité du gouvernement? », et vous m'avez répondu : « La réglementation. » Je vous répondrai que la première responsabilité du gouvernement consiste à créer une économie où les Canadiens peuvent prospérer dans un pays sûr, tout en jouissant des droits de la personne et des valeurs que les Canadiens jugent importants.
Nadia Alexan: D'après ce que je vois, ce n'est pas le cas. Il existe cette théorie néo-libérale reaganiste de l'effet de contagion, mais il n'y a pas de contagion, et il n'y a pas de prospérité. La grande majorité des gens doivent avoir trois emplois, ou alors le mari et la femme doivent avoir deux emplois chacun, rien que pour joindre les deux bouts. Regardez-moi. Je suis enseignante, et les retraites sont tellement chiches aujourd'hui que je dois aller travailler deux fois par semaine, rien que pour acquitter mes factures — ce n'est pas pour le luxe. On diminue les retraites. Comment un gouvernement peut-il permettre à une entreprise d'accepter des subventions du contribuable et dire ensuite : « Ah, non, maintenant on s'en va au Mexique? »
Comment un gouvernement peut-il permettre des choses pareilles? Comment pouvez-vous dire que ces entreprises agissent de leur propre chef, qu'elles prennent des risques. Elles ne prennent pas de risques; elles prennent des risques avec nos subventions, avec notre argent, avec l'argent du contribuable. C'est comme ça qu'elles font.
½ (1925)
M. Kevin Sorenson: Si notre but premier doit être la réglementation, nous n'aurions pas besoin d'une démocratie pour faire ça.
Nadia Alexan: Au contraire. Nous vivons en démocratie, mais dans une démocratie, un segment de la population n'a pas le droit d'écraser un autre segment. En ce moment, les entreprises raflent le tout.
Je ne sais pas si vous avez vu l'émission « Frankensteer » l'autre jour à la télévision, sur ce qu'on fait de notre viande. Après avoir vu cette émission, je me suis juré de ne plus jamais manger de viande.
M. Kevin Sorenson: Vous croyez tout cela?
Nadia Alexan: C'est dégoûtant. Le gouvernement doit réglementer. J'oublie le nom de l'abattoir. Une seule entreprise contrôle 80 p. 100... ce qui veut dire qu'elle étouffe toute la petite concurrence et forme une seule énorme... Bien sûr, que fait-elle alors? « Nous n'allons pas augmenter vos salaires. » J'ai lu dans le journal que ces personnes qui travaillent dans les abattoirs n'ont même pas le temps d'aller aux toilettes. Ces abus doivent...
C'est là où le gouvernement doit intervenir. Le gouvernement doit réglementer. Vous ne pouvez pas enlever les retraites aux gens, dépenser cet argent pour vous-même et votre entreprise, et dire ensuite : « Vous qui avez travaillé toute votre vie pour votre retraite, vous n'y avez plus droit. » Qu'est-ce que c'est que cette absurdité?
Pourquoi ne nous inspirons-nous pas des pays scandinaves qui jouissent d'une certaine prospérité, oui, mais d'une prospérité dont jouissent leurs habitants aussi. Voyez le modèle scandinave.
Quand on voit maintenant le classement international des pays, le Canada se dirige vers le bas et les pays scandinaves se dirigent vers le haut.
M. Kevin Sorenson: Me permettez-vous d'intervenir?
Nadia Alexan: Bien sûr.
M. Kevin Sorenson: De quels éléments du modèle scandinave voudriez-vous qu'on s'inspire?
Nadia Alexan: La réglementation.
M. Kevin Sorenson: Eh bien, en fait, certains pays scandinaves ont un système de santé à plusieurs vitesses. Le privé a le droit d'y offrir des services de santé.
Nadia Alexan: Je vais vous dire quelque chose. Ce sont là les histoires qu'on entend en Amérique du Nord à cause de ces entreprises américaines qui exercent constamment des pressions pour s'emparer de notre système de santé.
M. Kevin Sorenson: Non, mais il n'y a que trois pays : la Corée, le Canada et Cuba...
Nadia Alexan: Laissez-moi terminer. En France, il y a un système à deux vitesses, mais le système privé est très limité et petit. Ce n'est que 5 ou 10 p. 100 du système. Il est très réglementé, et le système public est tellement fort que ce 10 p. 100 n'obère pas les ressources publiques, et le système privé ne peut pas s'emparer du système public.
Il faut comprendre qu'en Europe, il y a une culture du partage des ressources et du système. C'est différent de l'Amérique du Nord, avec cette culture individualiste et barbare du tout pour moi, cet individualisme écrasant, et cette idée que la solidarité n'existe absolument pas dans notre culture.
En ce moment, nous avons plus de systèmes privés dans notre pays qu'en France. En France, c'est 10 p. 100; ici, c'est 30 p. 100 qui est privatisé.
M. Kevin Sorenson: Oui, il y a donc des services comme ceux des optométristes qui sont privés.
Nadia Alexan: En Nouvelle-Zélande, on a privatisé le système, et ça n'a pas marché. On est revenu là-bas à l'ancien système. On en a fait l'essai en Angleterre. Le système ferroviaire qui était toujours à l'heure est aujourd'hui... Ici, c'est la même chose parce que nous avons privatisé.
Écoutez, la première raison d'être d'une entreprise, c'est le profit; ce n'est pas votre bien-être ou le mien. Donc lorsque les profits entrent en conflit avec le bien-être, devinez qui gagne? Le privé coupe les coins ici et là. On ne rénove pas l'infrastructure, on n'assure aucun entretien, on ne fait que des profits — aux dépens de qui?
M. Kevin Sorenson: Merci.
½ (1930)
Le président: Madame Alexan, merci.
Nous allons entendre d'autres témoins. Pouvez-vous vous approcher?
Êtes-vous ensemble?
[Français]
Cébert Hermann (Présentation personnelle):
Non, je suis seul.
Le président: Parfait.
Cébert Hermann:
Je vais parler en français.
Le président: Cela ne pose pas de problème.
Pouvez-vous vous identifier, s'il vous plaît?
Cébert Hermann: Je suis Cébert Hermann et je suis étudiant en science politique à l'UQAM.
Le président: C'est bien.
Cébert Hermann: L'Énoncé de la politique internationale du Canada du premier ministre et du ministre Pettigrew a attiré mon attention, et je l'ai lu. J'en profite aujourd'hui pour exprimer ma pensée, compte tenu du fait que le pays dont je suis originaire, Haïti, fait partie des endroits du monde où le Canada entend réaliser des choses. Je suis flatté, à la limite, de pouvoir exprimer ma pensée et partager certaines de mes perceptions face aux relations internationales et à certaines façons de régler certains conflits dans le monde.
J'ai écouté aujourd'hui plusieurs personnes parler et j'ai pleuré un peu, parce que je me suis dit qu'elles ne saisissaient pas le danger actuel. Le Canada doit s'affirmer et doit définir ses grandes lignes pour parvenir d'abord à s'affirmer et à apporter ensuite quelques solutions à des problèmes de certains pays du Sud. C'est le contexte dans lequel je veux exprimer certaines de mes pensées.
Je commencerai par un constat. Le Canada a imité pratiquement en tout son puissant voisin, les États-Unis, sauf pour une chose. Les États-Unis sont une puissance impérialiste et conquérante avec laquelle le Canada a développé des liens d'affaires. Tout ce qui se fait aux États-Unis est entendu au Canada, et celui-ci y réagit dès le lendemain. À la limite, au niveau financier, chaque fois que les Américains rêvent de baisser leur taux directeur, le Canada réagit le lendemain matin. Autrement dit, on écoute très bien les États-Unis sur certains points, sauf pour une seule chose. Je vais vous dire laquelle.
En page couverture de l'Énoncé de la politique internationale du Canada, on peut lire ceci: « Fierté et influence: notre rôle dans le monde ». J'aimerais souligner qu'à mon avis, l'Europe a cessé d'être une puissance impériale et a été rattrapée par les anciens pays de l'Est, qui avaient des programmes socialistes tournés vers le communautaire, bref des politiques et des économies socialistes. La France, l'Allemagne, l'Italie à la limite, et la Belgique ont cessé d'être impérialistes, selon ce que je constate, ce qui fait que l'Europe — ou la Communauté économique européenne — a cessé d'être une puissance impériale.
Selon la théorie de Benjamin Constant, quand, dans une situation donnée, tout le monde se sent et se met ensemble, il y a une certaine égalité. Le plus puissant, les États-Unis aujourd'hui, doit s'affirmer. Celui qui devra assurer la gouverne des autres prend la tête et gouverne les autres.
Je reviens à mon idée de départ. Ce que le Canada n'a pas imité des États-Unis est cette volonté de puissance.
½ (1935)
On trouve cette théorie chez Nietzsche. Il dit clairement que le surhomme arrive à son sommet, crée et invente des choses qui deviennent une nouvelle grammaire, et cette grammaire devient la règle. Par conséquent, il fixe les normes.
Cette grammaire, dont parle Nietzsche, n'est rien d'autre que la capacité financière, économique et militaire de dicter les choses.
Pour pouvoir concurrencer ce grand ami que sont les États-Unis, je crois que, contrairement à ce qui a été dit aujourd'hui lors de certaines interventions, le Canada doit assumer cette volonté de puissance, en définissant ses propres règles, en établissant ses propres limites, etc.
M. Sorenson a parlé un peu des transformations et des changements qui doivent être apportés à l'ONU. Toutefois, on ne peut changer l'ONU si on n'en a pas la capacité financière. Vous l'avez dit: environ 23 p. 100 de son budget provient des contributions des États-Unis, et 19 p. 100 de celles du Japon, sans compter les souveraines puissances qui définissent et font un plan d'investissement dans ce domaine.
Par conséquent, on a le pouvoir de définir les règles selon notre capacité de financement et d'appui aux organisations internationales comme l'Union européenne, c'est-à-dire une organisation suprarégionale qui tend à devenir une organisation politique. Le Canada doit répondre à ces besoins.
Je n'ai pas entendu de propositions aujourd'hui, et c'est ce qui me fait mal. Voici donc ce que je propose. Tout d'abord, il faut redéfinir le rôle du Canada dans le monde, c'est-à-dire que le Canada doit décider de s'affirmer dans le monde. Si personne ne peut assurer la gouverne du monde tout en étant juste avec les autres, c'est-à-dire en tenant compte de ceux qui sont sous la table comme les petits pays du Sud, personne ne le fera à leur avantage. Or, le Canada est reconnu partout dans le monde pour être un des pays qui permet aux petits pays de résister et d'avoir accès à certaines possibilités.
Il faut donc orienter la politique canadienne vers une affirmation exceptionnelle, c'est-à-dire prendre sa place, et créer de nouvelles institutions. Comme le dirait Nietzsche, le processus d'affirmation exceptionnelle permet de créer de nouvelles institutions. Ces nouvelles institutions sont complexes; à mesure qu'on les adapte aux besoins, aux réalités et aux tendances nouvelles, on crée des institutions qui répondent exactement aux besoins nationaux canadiens.
Je pense qu'il faut que le Canada redéfinisse sa politique internationale en s'affirmant, c'est-à-dire choisir l'affirmation du Canada dans le monde, prendre sa place aux côtés des grands pour pouvoir redéfinir les choses.
Passons aux solutions pour les petits pays du Sud, dont mon pays fait partie.
Je ne fais pas de littérature, je vais plutôt droit au but.
Je pense que la civilisation occidentale a créé des institutions qui répondent à sa réalité et à ses besoins, par exemple la démocratie, le libre marché, la libre circulation des services, des biens et des hommes, etc.
Voici ce que je pense qu'il faut faire pour aider des pays comme Haïti qui vivent dans des conditions difficiles. L'appui que le capitalisme occidental a créé est un rapatriement des valeurs sociales. Autrement dit, les luttes ouvrières ont donné des mécanismes de tradition qui permettent de sortir l'individu du cercle familial, des contraintes familiales, de la fragilité familiale, pour le ramener à un niveau de liberté parfaite.
½ (1940)
Je veux dire par là que dans les pays du Sud, on n'a pas les moyens de permettre à l'individu de devenir un consommateur. Quand on leur propose des politiques tournées vers le libéralisme et le capitalisme, ces pays ne répondent pas à l'appel. Que faut-il faire alors? Il faut soutenir la transition de l'individu sortant de la famine vers une affirmation de soi exceptionnelle, afin qu'il puisse se prendre en charge. C'est cela, le baromètre.
Selon l'ACDI, seulement 7 ¢ de chaque dollar donné pour l'aide internationale sont dépensés dans les pays du Sud. Quatre-vingt-treize p. 100 des montants donnés aux pays du Sud retournent au pays donateur. Il faut d'abord que le développement soit assumé localement. Pour cela, il faut que les États du Sud, aient la capacité de créer des mécanismes de transition qui permettent à ces individus de laisser le cercle familial dont ils sont dépendants, pour aller vers la société de production, de consommation, etc.
En Occident, au Canada, je peux décider de laisser ma famille et de prendre ma liberté, peu importe la détermination de ma famille à me forcer à y rester. Par rapport au phénomène « Tanguy », c'est-à-dire l'individu qui demeure chez ses parents jusqu'à l'âge de 30 ans, on peut aller chercher ça.
En Occident, et surtout au Canada, l'individu peut se prévaloir de l'aide sociale et de l'assurance-emploi. Tous ces moyens sont des mécanismes qui permettent à l'individu de se libérer des contraintes des liens familiaux pour devenir un consommateur, donc quelqu'un qui absorbe, qui assimile les valeurs libérales. Tout ce que je dis aujourd'hui découle de ma thèse qui s'intitule « L'appropriation des valeurs libérales par les pays du Sud ».
Financer la transition des individus, voilà ce que le Canada peut proposer au monde. Il peut le faire. Maintenant, où trouver l'argent pour y arriver? C'est toujours la question qui est posée. Où trouver l'argent?
Les pays occidentaux, dont le Canada, la Grande-Bretagne, les États-Unis et la France, ont un nombre insuffisant de militaires chez eux. On l'a vu dans la guerre d'Irak, où les individus, les compagnies, les groupes de mercenaires ont offert leurs services à des puissances qui voulaient envahir l'Irak.
Pourquoi alors ne pas institutionnaliser ces groupes de mercenaires? Pour illustrer la meilleure façon de le faire, compte tenu des problèmes, prenons l'exemple d'Haïti, dont je suis originaire. En Haïti, des individus se réclament encore des militaires. Ils veulent le pouvoir, ils veulent des armes, ils se croient puissants. Toutefois, lorsqu'ils ont des armes, ils finissent pas détruire la population. En conséquence, ils s'opposent à des groupes rivaux — dont des organisations populaires — pour détruire le pays.
½ (1945)
Le Canada pourrait financer la formation des militaires de ce pays. Il pourrait y avoir une armée de 50 000 à 100 000 hommes, mais elle ne serait pas habilitée à utiliser les armes en Haïti. Elle offrirait des services dont veulent les puissances comme le Canada et les États-Unis. Ces puissances pourraient utiliser à leur avantage cette intelligence, cette ressource humaine. En retour, ces pays auraient des revenus.
Au lieu de donner directement à Haïti de l'argent dont on sait que seulement 7 p. 100 seront investis directement dans le pays, on pourrait le prêter à Haïti, qui financerait une armée à même ses citoyens. Au XXIe siècle, on est à l'aube des grands changements. On pourrait former une armée de 50 000 à 100 000 hommes dans des pays comme Haïti.
Ce serait de l'argent prêté, pas de l'argent donné. Ce ne serait pas un cadeau. Cela veut dire que ce ne peut pas être empoisonné.
Étant donné qu'on ne retrouve pas de Noirs dans les armées américaine, canadienne, française, allemande, italienne, etc., on peut utiliser ces ressources pour régler certains conflits dans le monde.
Voilà une première démarche.
On peut donc former des militaires en Haïti et leur donner le pouvoir qu'ils veulent. Mais ce pouvoir doit se transformer en force productive, en agent multiplicateur de changements. Ainsi, sur le sol haïtien, ces individus ne participeront qu'à la construction de ponts et de routes. De plus, on pourra vendre leurs services.
Ce n'est pas du cynisme! Je regrette, ce n'est pas du cynisme, mais du réalisme politique.
Étant donné que moins d'individus issus de communautés ethniques canadiennes décident de s'enrôler dans l'armée canadienne, on pourrait utiliser les services de ces armées, compte tenu de la situation internationale actuelle de l'énergie, et de la recherche de nouvelles sources d'énergie.
On sait que l'Afrique de l'Ouest dispose présentement de suffisamment de ressources énergétiques pour répondre à certains besoins. Les compagnies américaines Exxon /Esso et Shell sont déjà en Afrique en train de faire de la prospection et de définir les enjeux.
Le Canada pourrait se tourner vers cet univers, parce qu'il y aura des conflits. Il faut être réaliste: il y en aura.
En cas de conflits dans ces pays, la meilleure façon de soutirer de l'argent serait que le Canada achète les services militaires d'Haïti ou d'autres pays. J'imagine que ce pourrait être mondial.
J'en profite pour vous rappeler que cette semaine, les Nations Unies vont envoyer en Haïti des militaires camerounais et d'autres pays africains. Ces Noirs vont se retrouver chez nous. Cela va calmer les tensions.
On oublie souvent que le peuple haïtien s'est révolté contre l'homme blanc, l'homme français. Le Français, c'était un Blanc. À chaque fois qu'un militaire blanc arrive chez nous, cela suscite des réactions. On sait que les Haïtiens sont réfractaires à toute présence de Blancs. Cela a causé, à plusieurs reprises depuis 1994 ou après 2001, des interventions malheureuses.
Les Haïtiens tolèrent les touristes et les autres; ils sont très accueillants. Mais quand quelqu'un vient chez nous et qu'il se présente comme un colon, cela crée une unité nationale qui réagit à ces présences.
½ (1950)
Par conséquent, la présence de militaires haïtiens en Afrique, ou de militaires africains en Haïti, peut calmer les choses. J'arrête là-dessus. Je crois que cela pourrait soulever un débat.
Parlons de sécurité. J'ai entendu beaucoup de gens poser des questions sur le terrorisme aujourd'hui. Je dirai d'abord une chose. Le modèle théorique des services de renseignement qui permettait de définir et d'identifier des futurs terroristes ne correspond pas à la nouvelle réalité, aux données actuelles.
Le terroriste n'est plus seulement celui qui vient de l'Afghanistan, du Pakistan ou de partout ailleurs. Le terroriste est sur place, il est déjà ici. Il connaît bien le pays et toutes ses structures.
Je m'excuse de faire un aparté, mais j'ai eu la chance de faire un stage d'études en sciences politiques en Ontario, où j'ai travaillé pour le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario et pour le Collège de police de l'Ontario. J'ai eu la possibilité de proposer certaines choses, parce que j'étais stagiaire. J'ai vu que l'on ne saisissait pas les enjeux actuels du terrorisme. Je vais donc vous proposer quelque chose. Je suis là pour proposer. Je ne veux pas discuter puisque je ne possède pas bien l'art de la rhétorique et que je n'ai rien écrit.
Essayons de redéfinir le cadre du recrutement des terroristes. Le terroriste est d'abord en Occident. Il ne prend plus l'avion, il est déjà là. On l'a constaté en France. Je me souviens d'une discussion que j'ai eue avec des amis. Je disais que bientôt ce serait la guerre en France et que bientôt ce serait la révolte. Les communautés qui n'arrivent pas à s'intégrer, les communautés méconnues, négligées et rejetées finissent par payer la note et finiront par réagir.
Dans l'est de Montréal, il y a présentement des groupes qui affirment clairement vouloir une Black Revolution. Il s'agit d'un mouvement raciste. Lundi ou vendredi dernier, des événements ont eu lieu dans l'est de Montréal. Des Blancs ont bastonné des Noirs avec des bâtons de baseball. Je me dis que les gens réagiront et que les Noirs décideront de répondre directement à ce comportement. Je ne sais pas et j'espère que cela n'arrivera pas.
Ma thèse est un peu la suivante: nous participons au recrutement des terroristes. Je m'explique. Souvent, un Arabe — ou un Noir — travaille dans une manufacture. Il s'agit d'une personne qui a un diplôme universitaire, des compétences, etc. Elle a été obligée de passer pleins de tests, et on lui propose des conditions d'existence déplorables. Certains arrivent à s'intégrer, à s'adapter. Je rappelle qu'une théorie veut que lorsque des immigrants arrivent dans un pays, ils ne viennent pas pour réaliser le rêve de ce pays, ils viennent pour réaliser leur propre rêve et répondre à leurs propres besoins. Ils viennent au Canada parce qu'ils ont fui des catastrophes naturelles: la misère, la guerre civile, des problèmes politiques, etc. Ils ne le font pas pour régler les problèmes du Canada. Ils viennent ici parce qu'ils ont fait le calcul rationnel qu'ils pouvaient réaliser leur rêve ici. C'est pourquoi le rêve américain fonctionne.
½ (1955)
Aujourd'hui, il est nécessaire de définir le rêve canadien. Ce doit être la terre où les hommes peuvent se réaliser, peuvent partir de ce qu'ils savent et connaître la prospérité.
Revenons au recrutement des terroristes. Je dis que s'il n'y a pas de programmes de reconnaissance des compétences acquises par les immigrants dans leur pays d'origine au moment de leur arrivée, certains d'entre eux seront susceptibles de devenir des terroristes. Comment cela se fait-il? Suivons le processus, sans trop entrer dans les détails.
Supposons que quelqu'un arrive ici, qu'il travaille dans une manufacture. Parmi les conditions qu'on lui a imposées pour rentrer ici, il y avait la possession d'un diplôme universitaire et le fait qu'il devait parler français ou anglais. Il arrive ici et qu'est-ce qu'on lui offre? Il n'y a rien pour l'accueillir. Puisqu'il n'y a rien, il choisit de rester en vie et se retrouve dans une manufacture. Il ne travaillera pas avec des intellectuels, avec des gens qui ont un diplôme universitaire — j'ai fait un peu le tour du Canada, je suis en mesure de parler de ce sujet —, mais avec des gens qui ont au maximum un diplôme d'études secondaires. Ces Canadiens ou ces Québécois, parce qu'ils considèrent qu'ils sont chez eux, vont lui dire qu'il ne leur est pas supérieur, qu'il ne fait rien, qu'il prétend avoir un diplôme alors qu'il travaille dans une manufacture. Ils lui diront qu'eux ne possèdent qu'un diplôme d'études secondaires, qu'ils savent simplement lire et écrire et lui demanderont ce qu'il fait là. La frustration commence.
Imaginez que cette personne soit dans un bar et qu'elle achète et boive une consommation. Si quelqu'un, un Blanc, juste à côté décide de lui dire qu'il sent mauvais, la frustration continue.
Imaginez ce qui se passe si cette personne tente de se trouver un logement. Je parle des minorités visibles, donc des Arabes, Haïtiens, Africains, Latino-Américains et des Asiatiques. La frustration augmente. La haine se développe. On commence par haïr le voisin, puis par haïr le travail, le patron et d'autres dimensions de son univers jusqu'à créer cette volonté d'agir que j'appelle le processus qui mène au recrutement, qui oblige l'individu à se rendre quelque part.
Supposons qu'il soit musulman et qu'il existe des groupes disposés à l'aider à réaliser ce qu'il désire le plus au monde, se venger de ceux qui lui ont fait du mal. Supposons aussi qu'il ait les moyens financiers nécessaires pour le faire. Par la suite, à cause de la dérive, il décidera de s'attaquer au système. Il ne voit plus l'individu d'à côté, il ne voit plus le pays dans lequel il vit, il ne voit que le système mondial.
¾ (2000)
Le président: Nous aimerions entendre vos conclusions, s'il vous plaît
Cébert Hermann: Je vais conclure.
Le président: Plusieurs personnes sont présentes. Pourriez-vous terminer, s'il vous plaît?
Cébert Hermann: En conclusion, l'individu se trouvera à côté de quelqu'un qui disposera de moyens et financera son action. Alors, il sera recruté et il sera prêt. On ne l'aura pas recruté mais il se sera recruté lui-même. On l'aura forcé à se recruter, et il deviendra capable d'agir, d'exploser, de s'imploser, voire de tenter de ce suicider pour tuer le système. C'est le symbolisme de la mort: il se suicidera, espérant que le système en fera autant après sa mort.
Compte tenu de la nouvelle réalité internationale et du système qui se met en place — que l'on nomme « mondialisation », mais que j'appelle « expansion de l'Occident sur le reste du monde » —, plus que jamais le Canada doit rester aux côtés de celui qui décide d'être le plus grand, soit les États-Unis, pour répondre aux demandes des petits pays. Si on laisse les États-Unis seuls, ils ne feront pas grand-chose. Ils continueront d'agir comme des géants, et aucune personne naine, nulle part, ne leur rappellera que des petits sont à leurs côtés. Le géant ne se soucie pas des petits qui sont à côté de lui, alors qu'un nain a la conscience de ceux qui l'entourent.
J'espère que tout cela apportera quelque chose et modifiera la relation. Il faut que le Canada prenne sa place, car il représente l'espoir pour les pays du Sud comme Haïti et les pays africains. Il faut que le Canada intervienne. Pour cela, il doit axer sa politique internationale vers les autres petits pays, par le biais de promesses et d'engagements.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Je donne maintenant la parole à Mme Maureen Adelman.
Maureen Adelman (Présentation personnelle):
Je remercie le comité de m'avoir invitée.
[Traduction]
J'aimerais savoir ce que le gouvernement entend faire en ce qui concerne son engagement face à la résolution 1325 des Nations Unies. C'est la première chose.
L'argument le plus important que je voudrais avancer est très simple : si nous voulons encourager la paix internationale et la sécurité, nous devons faire plus d'efforts pour négocier des règlements pacifiques, éliminer la production et le trafic d'armes, et trouver des solutions humanitaires dans les situations de conflit. Ce qui veut dire abolir la guerre comme moyen de résoudre les conflits. J'aimerais savoir si notre gouvernement croit dans la paix, s'il compte oeuvrer pour la paix; si notre gouvernement est disposé à consacrer les 10 prochaines années à la paix; si notre gouvernement va montrer qu'il est sérieux et créer et établir un ministère de la paix; et si notre gouvernement va prendre cet engagement.
Je crois que tous les Canadiens veulent la paix dans le monde; les conflits armés ne les intéressent plus. Nous avons les organisations internationales; nous avons la Cour pénale internationale; nous avons les Nations Unies. J'aimerais que notre gouvernement appuie davantage les initiatives des Nations Unies.
Pour cela, il faut que des femmes soient présentes à toutes les tables de négociation des conflits. Ce sont les femmes et les enfants qui sont les victimes innocentes de la guerre. Ce sont les femmes et les enfants du Darfour, par exemple, qui risquent leur vie tous les jours rien que pour trouver du bois pour faire cuire leurs repas; et cette situation se voit partout dans le monde.
Donc ce que j'ai à dire est très bref. Je veux savoir si le gouvernement est vraiment désireux de faire quelque chose pour la paix dans le monde. Cela comprend aussi oeuvrer pour la santé des gens partout dans le monde — trouver des vaccins pour le traitement de la malaria, par exemple. Cette maladie n'existe plus dans certaines régions du monde, mais on a cessé de financer cet effort, et j'aimerais savoir quelle est la position de notre gouvernement là-dessus, parce que cela fait partie de la paix et de la sécurité. C'est ainsi qu'on va contrer le terrorisme, en donnant des chances égales à tous les habitants du monde.
C'est tout ce que j'ai à dire. J'en dit beaucoup plus dans mon texte, et j'aimerais vous le remettre, et j'aimerais savoir où. Quelle est votre adresse électronique?
Il y a d'autres personnes qui n'étaient pas au courant de cette assemblée publique, pour une raison quelconque, et elles tiennent beaucoup à vous envoyer des courriels pour que vous sachiez ce qu'elles pensent. Je ne sais pas; regardez autour de vous, il n'y a presque personne. C'est incroyable. Êtes-vous surpris? J'aimerais le savoir.
Vous n'êtes pas surpris? Pourquoi n'êtes-vous pas surpris?
¾ (2005)
Le président: Nous ne le savons pas nous-mêmes.
Maureen Adelman: Je veux savoir pourquoi vous n'êtes pas surpris, parce que cette question est essentielle pour nous.
Le président: Merci.
Maureen Adelman: Nous sommes un pays riche.
Le président: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous voulez savoir pourquoi nous ne sommes pas surpris? C'est parce que les communications ont été insuffisantes. Nous n'avons reçu que mercredi dernier la permission de voyager.
Maureen Adelman: Mercredi dernier?
Le président: C'est à ce moment-là que nous avons reçu la permission, nous avons envoyé des messages électroniques, et c'est la raison pour laquelle nous sommes venus ici à l'UQAM, parce que c'est central, et nous allons entendre d'autres personnes demain matin. C'est comme parcourir tout le pays.
Nous tenons aussi une consultation électronique; nous avons un site Web. Nous allons vous remettre toutes les informations à ce sujet. J'ai envoyé moi-même, de mon bureau, plus de 800 courriels, juste pour m'assurer que les gens vont... nous dire s'ils ne peuvent pas venir... Il y a cette consultation électronique.
Maureen Adelman: Oui.
Le président: Nous rencontrons des groupes, des groupes nationaux et locaux, et aussi des particuliers, comme vous ce soir.
Mais vous me demandez si nous sommes surpris. Rien ne surprend un politicien. Nous sommes des politiciens. Dans un sens, nous aimerions entendre plus de monde. Nous avons travaillé hier de 9 heures du matin jusqu'à 22 heures. C'est la journée que nous avons eue hier.
Maureen Adelman: Je constate que vous travaillez très fort.
Le président: Mais vous m'avez demandé si j'étais surpris. Non, parce que la population canadienne nous fait de moins en moins signe.
Maureen Adelman: Je ne peux pas accepter cette réponse.
Le président: Je veux dire qu'on nous fait moins signe pour nous dire qu'on va venir nous voir. Mais c'est bien, c'est ce que nous voulons, c'est pourquoi nous sommes venus ici. Mais les gens ne peuvent pas toujours venir.
Maureen Adelman: Comment nous avez-vous informés? C'est ce que je veux savoir parce qu'il y a des tas de gens que je connais qui n'étaient pas du tout au courant lorsque je leur ai téléphoné.
Le président: La seule façon d'informer les gens, c'est d'informer l'association ou le groupe. Vous appartenez à un groupe et vous avez reçu un avis électronique. C'est la seule façon, autrement les gens doivent venir sur notre site Web.
Maureen Adelman: Mais notre gouvernement sait bien sûr que nous existons parce que nous figurons sûrement sur les listes du gouvernement, donc comment se fait-il que nous n'avons pas été informés?
Le président: Il y a une distinction à faire : nous ne sommes pas le gouvernement, nous sommes le comité.
¾ (2010)
Maureen Adelman: Vous êtes le comité.
Le président: Nous sommes un comité parlementaire, et non le gouvernement.
Maureen Adelman: Ah, je vois.
Le président: Nous sommes tous des parlementaires des trois partis ici ce soir, mais ce n'est pas le gouvernement lui-même qui organise cette consultation; ce sont les parlementaires, de leur propre chef.
Maureen Adelman: D'accord, nous devons donc vous fournir la liste des organisations qui veulent être informées à l'avance. Je vais aller sur votre site Web, mais puis-je avoir aussi votre calendrier de voyage au Canada?
Le président: Bien sûr, pas de problème. Tout est public, et tout figure sur notre site Web. Si vous avez des mémoires, nous serons très heureux de les recevoir et d'en prendre connaissance, et nous allons en faire une lecture attentive. C'est le rôle des parlementaires, mais nous ne sommes pas le gouvernement.
Maureen Adelman: D'accord. Très bien alors.
Le président: Ça va. Je voulais simplement vous expliquer la procédure. Ce n'est pas toujours facile à comprendre.
Maureen Adelman: Bien.
J'espère que cette consultation va se poursuivre l'an prochain parce que lorsque vous viendrez à Montréal l'an prochain, je vous garantis que tout ce côté-ci sera rempli.
Le président: Bien. J'en suis très heureux.
Merci.
Maureen Adelman: Merci beaucoup.
[Français]
Le président: J'invite maintenant M. Pierre Bricault à prendre la parole.
M. Pierre Bricault (Présentation personnelle):
Bonsoir. Je n'aurai pas la prétention de parler au nom de tous les Canadiens. Nous ne sommes que cinq ou six ce soir.
Je vais d'abord parler de quelques sujets qui me préoccupent en ce moment, comme la situation du Tibet et celle de Taiwan. Ce sont des sujets difficiles pour le Canada, puisque nous sommes en train d'établir des échanges de plus en plus étroits avec le plus gros marché de la planète. Évidemment, les Canadiens qui sont trop dépendants des États-Unis aimeraient avoir une alternative. L'Europe traite avec l'Afrique et y fait ses affaires; l'Union européenne est à se construire. Nous cherchons des alternatives au marché américain, et la Chine s'y prête merveilleusement. Mais ce faisant, peut-être mettons-nous de côté certains de nos principes fondamentaux.
Je m'intéresse beaucoup à ce qui se passe au Tibet, parce que j'ai toujours été sensible à sa situation. Je m'y suis intéressé de plus en plus et j'ai découvert que le Tibet, pour mon plus grand malheur, appartenait théoriquement à la Chine. Je ne sais trop quand cela s'est passé dans l'histoire. Lorsque Mao a envahi le Tibet c'était, semble-t-il, de plein droit. Pour ma part, je continue à considérer que la nation tibétaine est souveraine. Il semblerait qu'autour de 1914, il ait recouvré sa souveraineté, mais cela n'a duré que quelques années. Je souhaite que le Tibet retrouve cette souveraineté. Je considère que le dalaï-lama est le chef spirituel et temporel du Tibet. Je dis cela avec prudence, parce que je sais que la Chine est très sensible à tout empiètement lorsqu'il est question de sa souveraineté.
Cela étant dit, je crois que le peuple du Tibet est souverain, avec une langue et une culture qui lui sont propres. J'ai vu à plusieurs reprises le film de l'ONF Ce qu'il reste de nous, qui m'a beaucoup touché. Il est rare que je revoie un film tant de fois. On y voit que la Chine dilapide les ressources du Tibet et qu'elle s'en empare, sans respect pour la population. De plus, on veut inonder la population autochtone de gens d'origine chinoise, en l'occurrence des Han. Pour moi, cela équivaut à un génocide en douce.
Il y a aussi le cas de Taiwan. Je possède un poste radio à ondes courtes, et jusqu'à tout récemment, je captais Radio Taiwan International. Taiwan est une démocratie en émergence, et je pense que le président Chen Shui-bian gère son pays au meilleur de ses capacités. Je vois que le Guomindang tire du côté de la Chine. Cette situation ne me regarde pas, mais elle m'irrite. J'ai eu le privilège de voyager au Japon de même qu'en République populaire de Chine, où j'ai pu observer deux extrêmes: Shanghai et Kunming. J'ai visité la région de [Note de la rédaction: inaudible], qui constitue en quelque sorte les contreforts du Tibet, de même que Hong Kong, Macau et Taiwan. Cela m'a permis de connaître un peu cette région. Quand on passe six mois en Asie, tout se passe très vite, et on n'a pas le temps d'analyser les situations. On se laisse guider par ses impressions ou ce qu'on appellerait en anglais des feelings .
Pour moi, la culture de Taiwan est indiscutablement chinoise, mais elle s'est développée de façon unique. Quand j'y suis allé, j'ai pu percevoir cette différence. J'ai tout de même passé un certain temps en République populaire de Chine. On sent que c'est un ancien pays communiste où règne le collectivisme. L'énergie qui prévaut dans ces deux pays est différente. Taiwan, de par l'influence des missionnaires protestants ainsi que celle de quelques catholiques, a pris une tangente différente en métissant la culture qui prévalait avant la prise du pouvoir par les communistes et de nombreuses influences occidentales. Étrangement, même si Taiwan est vraiment très chinois, je m'y suis senti chez moi.
Il serait regrettable que Taiwan se trouve englobé dans ce gros tout dominé par Beijing. Je ne sais pas si vous êtes allés en Chine, mais je peux vous dire que lorsque j'y étais, en 1995, il n'y avait qu'un fuseau horaire: celui de Beijing. Où que vous soyez en Chine, vous êtes à l'heure de Beijing. Ici, la symbolique dépasse la réalité. J'ai vu à Kunming plusieurs minorités qui étaient en fait des gens assimilés. Ils n'étaient pas heureux d'être sous le joug chinois. M. Deng Xiaoping disait qu'il ne fallait pas balkaniser la Chine, que les Chinois ne le toléreraient. Il reste que certaines minorités aimeraient avoir davantage d'espace. Je ne sais pas comment cela pourrait se faire. Il s'agirait simplement de savoir ce que les Canadiens pensent des rapports entretenus avec la Chine.
Je suis déçu de voir que Bombardier contribue au génocide tibétain en construisant cette fameuse ligne de chemin de fer qui va favoriser la sortie des ressources. Je suis agacé également de voir que Nortel va fournir le système de télécommunication destiné à ce train. Je sais que Nortel a besoin d'argent, vu ses importantes difficultés. Un de mes frères avait des contacts avec cette compagnie. Apparemment, elle est restée avec un inventaire gigantesque de produits de basse qualité sur les bras. Elle n'arrivait pas à s'en départir. Voila qui est lourd à porter. En conséquence, Nortel prend les contrats qui se présentent.
Lorsque M. Martin a accueilli le dalaï-lama, la Chine a réagi avec force, en demandant ce que penserait le gouvernement canadien si la Chine aidait les Québécois à acquérir leur autonomie à l'égard d'Ottawa. Dans les semaines qui ont suivi, Nortel a obtenu ce très important contrat, qui se chiffrait à plusieurs centaines de millions de dollars, et Bombardier a aussi obtenu le sien. Bref, Hu Jintao travaille tout en douceur sur le plan diplomatique, mais il force la main de ses interlocuteurs malgré tout. Voilà pour ce qu'est de la Chine.
En ce qui a trait à l'ONU, j'aimerais que cet organisme ait davantage de pouvoir. On se dirige vers une société planétaire de plus en plus intégrée. L'époque des États-nations où chacun vivait dans son propre petit monde est révolue. De plus en plus, des gens qui n'ont pas été élus se rencontrent officieusement et prennent des décisions à notre place. Ce n'est ni juste ni acceptable. Lorsque quelqu'un décide pour moi ce qui va se passer sur le plan économique et que mon premier ministre renchérit en disant qu'il en a été décidé ainsi et qu'il n'y a plus rien à dire, je réponds que pour ma part, je n'ai pas voté pour que ce genre de chose se passe. Un jour, l'ONU sera peut-être appelée à exercer plus de pouvoir face à ces grandes questions d'envergure internationale.
J'ai participé à l'une des rencontres organisées par l'Université du Québec au sujet de la réforme de l'ONU. Présentement, ceux qui travaillent pour cette organisation disent qu'elle est en plein chaos. Il est certain qu'elle doit prendre davantage de place et se libérer de l'influence américaine.
J'avais à cet effet proposé une taxe d'un cent par achat de 10 dollars. Les pays en développement ne paieraient pratiquement rien, alors que les pays développés, qui ont de l'argent, renfloueraient ainsi tout naturellement les coffres de l'ONU. Nous n'en sommes pas encore là, mais peut-être le Canada pourrait-il favoriser cette mesure. Il faudrait que la taxe Tobin soit adoptée et que les sociétés étrangères, ces paradis fiscaux, se voient d'une manière ou d'une autre imposer des taxes. Il serait bien que l'ONU le fasse. Il s'agirait là d'une autre source de revenus. Pourquoi pas?
Par ailleurs, Fortress America, ce concept américain selon lequel les terroristes seraient parmi nous un peu comme les virus, est aussi un sujet de préoccupation. Selon ce concept, tout le monde est susceptible d'être terroriste, si bien qu'il faut tous nous surveiller. Cela va donner lieu à une société paratotalitaire. Il s'agira alors d'un pays où il est difficile de vivre. Je connais des gens qui, comme moi, vont alors quitter le Canada. Si j'en ai la chance, j'irai pour ma part exercer mes minuscules talents ailleurs. Je ne veux pas d'une société dans laquelle je me sentirais comme en République populaire de Chine. Lorsque j'y étais, soit des gens du Public Security Bureau, le PSB, soit des personnes en civil me surveillaient en permanence. Je dis avoir été surveillé, et ce n'est pas une élucubration.
Je me rappelle avoir visité le Bund, à Shanghai. Il y a un genre de place nommée the diamond. On trouve là la navette qui se rend au Pudong New Area, de même que des restaurants. Deux dames s'étaient approchées pour me parler. Il s'agissait de Chinoises très simples qui nettoyaient les tables. J'avais en main mon petit dictionnaire et dès qu'elles se sont mises à me parler, trois personnes ont surgi et m'ont dit: « We are university students and we would like to practice our Chinese with you ». À plusieurs reprises, des gens sont apparus subitement. Ils parlaient un anglais impeccable. Les Chinois du secteur, qui ne parlaient que le chinois, se retiraient alors, tout gênés. Je me rappelle que ce fut le cas de ces deux dames d'une cinquantaine d'années. Elles avaient eu envie d'entrer en contact avec un westerner. Ce pays est présentement un État policier. Les gens y sont solidement encadrés. Je ne veux pas de cela au Canada.
Dans les années 1990, lorsque l'empire soviétique s'est effondré, il a fallu que la CIA détermine ce qu'elle ferait de toute l'organisation et du personnel en cause. Ces gens étaient équipés pour combattre les Soviétiques, mais il n'y en avait plus. Le nouveau concept qui est apparu — et je possède quelques livres à ce sujet — avait trait aux insurrections populaires. Tous les hommes et femmes qui constituaient ces effectifs ont été entraînés pour faire face à une insurrection populaire. Ils ont développé leur leadership, de façon à prendre le contrôle d'un groupe. Pour être en mesure de surveiller les gens dans des cas d'insurrection, on a installé des caméras partout. Il y a les caméras Omnitron, ces appareils avec micro intégré qui font une rotation de 360° et qui comportent également un zoom permettant de capter ce que les gens écrivent. Nous ne sommes pas loin de Big Brother, présentement. Certaines compagnies canadiennes et américaines aident les Chinois à surveiller plus efficacement leur population. Il semble qu'une certaine culture sociétale commence à apparaître. Elle n'est saine ni pour nous ni pour le reste de la planète. Pour ma part, je ne veux pas de cela ici. Or, c'est vers cela que nous nous dirigeons. Le processus est en route. J'aimerais que le Canada, de concert avec d'autres pays, devienne plus actif. Je pense entre autres à cet organisme de recherche spatiale, que nous finançons mais qui n'est pas très productif. Peut-être qu'en ayant recours à l'association de plusieurs organismes, un peu comme l'a fait l'Union européenne dans le cas de Airbus et Ariane, le Canada pourrait davantage prendre sa place. Je rêve d'un Canada de ce genre.
Par ailleurs, j'aimerais qu'on dépasse éventuellement la dichotomie qui oppose l'anglais et le français. Comme dans le cas d'une personne partagée entre deux pôles qui déploierait une énergie ne menant à rien, cette dichotomie use le pays. Il existe un problème réel. Je me souviens d'avoir parlé avec un homme qui venait de Terre-Neuve. Il s'est dit abasourdi de voir à quel point l'ouest de la ville était un autre monde. Il m'a dit que les francophones n'y existaient tout simplement pas.
¾ (2020)
Le président: C'était dans l'ouest de Montréal?
M. Pierre Bricault:
Oui.
Donc, cet homme est venu ici et il se sentait comme un étranger. Je l'ai rencontré à l'époque où il venait de se produire de gros problèmes à Terre-Neuve, lorsqu'un ministre avait voulu « briser » ses fonctionnaires provinciaux. En fait, il avait voulu les mettre au pas en leur imposant des conditions assez sévères. Il y a eu une grève, et finalement les gens ont repris le collier.
Si j'aborde cette question, c'est que je suis assez sensible à ce qui se passe dans la province. Il y a tout de même des difficultés, comme des baisses de production dans les secteurs forestier et des pêches. Il faut que la province survive. J'approuve tout à fait la récente approche particulière du Canada pour les provinces les plus faibles. Quand une personne est handicapée, on l'aide. L'Ontario est fort, wonderful! Il ne s'agit pas ici d'être stupidement égaux, tout le monde ayant les mêmes répartitions.
Tout cela pour dire qu'en fin de compte, j'aimerais que le Canada finisse par régler ce problème. Nous ne pouvons forcer les anglophones à s'intéresser aux francophones. Nous avons une culture dynamique qui est appréciée même en France. Nous sommes les petits cousins d'Amérique. Nos artistes et nos cinéastes vont en France, aux États-Unis. Nous avions un Montréal unifié, même si les Anglo-Saxons dans l'ouest de l'île, les gens de Westmount, de Pointe-Claire et d'autres territoires se sont séparés tout récemment. Ils ont décidé d'établir des frontières. Cela est malsain. Nous faisons partie du même groupe et il faut penser Canadien. Pour l'instant, cela n'existe pas encore, et nous perdons de l'énergie.
Ce serait bien s'il y avait un libre-échange canadien. Je ne comprends pas pourquoi M. Charest rêve d'avoir un train rapide entre New York et le Québec. Je n'ai rien à faire avec les Américains! Pourquoi n'y aurait-il pas un train rapide vers Toronto? Ce n'est pas une niaiserie. Pourquoi M. Charest vend-il de l'électricité aux Américains, alors que le reste du pays en a besoin? Quelle est l'idée derrière cela? Pourquoi aiderais-je mon voisin du Sud qui a beaucoup d'argent et qui est très puissant, alors que je n'aide pas les gens de mon pays? Je ne comprends pas. C'est une étrange façon de voir les choses. On vend de l'électricité et du pétrole aux États-Unis. Et le Canada dans tout cela? Il prend ce qui reste. No good. En tout cas, brièvement, c'est mon point de vue.
J'aimerais également que nous ouvrions un peu plus nos frontières. Je viens de parcourir le récit de ce qui se passe dans l'enclave espagnole au Maroc. Il s'agit d'Africains qui se heurtent contre les barbelés et qui se font tuer. Ils ont essayé un coup de force pour entrer dans le pays de la prospérité, mais ils n'ont pas réussi, ils sont morts. Je trouve monstrueux que de tels événements se produisent encore sur la planète. Il y a des gens qui veulent s'en sortir, mais s'ils y arrivent, ils vont crever. Ce n'est pas correct. J'aimerais que nous accueillions un peu plus de gens.
Est-ce que mon exposé est trop long?
¾ (2025)
Le président: Non, cela va aller.
Toutefois, je veux bien qu'on comprenne que nous essayons de trouver des solutions au Canada, mais aussi des solutions internationales. Je comprends que ce qui est survenu à Melilla et Ceuta, les deux enclaves espagnoles de la côte méditerranéenne du Maroc, soit terrible. J'y suis allé et j'ai vu les barbelés, etc. C'est très difficile pour nous également.
Nous pouvons faire des recommandations d'ordre diplomatique au sujet du rôle du Canada là-bas, mais notre comité ne peut s'interposer dans les affaires d'autres États. Néanmoins, je peux vous assurer que nous examinons cela de très près parce que nous sommes au courant de la situation.
M. Pierre Bricault: En fait, on devrait peut-être augmenter la population canadienne. Présentement, il y a un afflux de Chinois. Pour plusieurs raisons, le Canada accepte davantage de gens de la Chine. C'est un droit. Ce serait bien qu'on accepte des gens d'un peu partout, pour garder un meilleur équilibre. De plus, cela augmenterait le marché intérieur, ce qui le rendrait beaucoup plus dynamique et créerait une masse critique. On atteindrait une masse critique sur le plan de la population, de sorte qu'on pourrait agir beaucoup mieux. Il ne faut pas oublier non plus toutes les richesses en termes de connaissances.
Hier, j'ai assisté à une conférence de Jean Ziegler. C'était touchant. Il y a 100 000 personnes qui meurent de faim tous les jours.
Le président: Mme Alexan nous en a parlé.
M. Pierre Bricault: Il y a un gâchis de richesses sur notre planète. Je vois des gens comme M. Pratte ou M. Piché, qui écrivent dans La Presse ou ailleurs, et qui défendent la vision de l'école de Chicago. C'est du néo-libéralisme pur et dur. C'est destructeur sur le plan des populations, sur le plan de la planète, sur tous les plans.
Serait-il possible que les produits naturels dits stratégiques au Canada soient protégés? Je ne comprends pas que les mines d'or soient des propriétés privées et étrangères. Je ne comprends pas non plus que le pétrole, qui va devenir de plus en plus stratégique, soit une propriété étrangère. Les États-Unis ont une classification dite de ressources stratégiques; on n'y touche pas. Cela leur a permis de refuser une compagnie pétrolière en disant que c'était stratégique. Pourquoi le Canada ne le fait-il pas?
Présentement, le Canada vend des matières premières à bon marché. Et que ce passe-t-il? On achète à gros prix des produits à valeur ajoutée en disant que c'est une bonne affaire. Êtes-vous certain qu'il s'agit d'une bonne affaire? Les Américains sont en train d'acheter le Canada en entier. Ils ont tout! Allez dans n'importe quel supermarché, prenez votre produit préféré et regardez à l'endos. Vous pourrez lire Made in USA sur à peu près tous les produits. Presque toutes les entreprises prospères canadiennes deviennent des propriétés américaines.
Récemment, Sears déclarait que ses revenus avaient baissé. C'est malheureux. Qu'ont-ils fait? Ils se sont empressés de déclarer un dividende de 2 milliards de dollars. À qui ont-ils payé le dividende? [Note de la rédaction: difficultés techniques] Deux milliards de dollars ont quitté le pays et s'en sont allés aux États-Unis. Ce n'est pas bon.
¾ (2030)
Le président: Monsieur Bricault, je vous remercie.
Je veux simplement vous dire que j'étais président du comité lorsque le dalaï-lama est venu à Ottawa. Il a comparu devant le comité pendant deux heures. Nous avons eu une très belle discussion avec lui, c'était très intéressant.
Je vous remercie de vos commentaires sur le Tibet, Taiwan, les Nations Unies, l'égalité, etc. Tout a été enregistré, nous réécouterons et lirons tout ce que vous nous avez dit. Je vous remercie encore d'être venu à titre de citoyen responsable.
[Traduction]
D'autres commentaires?
[Français]
Nous vous remercions beaucoup de votre présence.
[Traduction]
Vous êtes venue aujourd'hui. Madame Berlyn, vous êtes toujours la bienvenue.
Mme Judith Berlyn (Présentation personnelle): Merci beaucoup.
Je m'appelle Judith Berlyn. Je suis ici à titre de membre du comité directeur du Réseau canadien pour l'abolition des armes nucléaires. Je n'ai qu'effleuré ce sujet plus tôt. J'espérais qu'on me pose des questions; on ne m'en a pas posé, j'aimerais donc maintenant en parler un peu plus longuement. Je vais être concise.
Est-ce que je peux me diviser en deux? J'aimerais témoigner à titre personnel pendant un instant, simplement à titre de citoyenne canadienne avec ce document-ci. Je suis rentrée chez moi et j'y ai consacré une autre heure et demie, et j'ai envoyé mon mari chercher à manger pour que je n'aie pas à faire la cuisine.
J'ai la nouvelle politique. Comme je vous l'ai dit plus tôt, j'ai lu l'aperçu et le cahier qui portent sur la défense, et j'ai relu les notes que j'avais faites dans la marge. Je sais que M. Sorenson pense que je suis négative, mais ce que j'ai surtout remarqué dans ce document, c'était ce qui n'y était pas, des choses qui sont très importantes pour moi. Et je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on ne définit pas. On y emploie des termes qui peuvent avoir des sens divers, et dans de nombreux cas, on ne donne pas de définition.
J'ignore si j'aurai le temps de passer le texte en revue presque page par page et de vous envoyer mes commentaires par écrit, mais je vais essayer. Quel est le délai pour le dépôt des mémoires?
Le président: Je suis sûr que vous pouvez obtenir un mois de plus.
Une voix: Je pense qu'on va prolonger le délai.
Mme Judith Berlyn: Ce serait une bonne idée. Je vous prie instamment de prolonger le délai.
¾ (2035)
Le président: Si vous pouviez nous le soumettre d'ici la première semaine de décembre, ce serait très bien — je vous dis cela pour mémoire.
Mme Judith Berlyn: Oui, et il y a aussi les Fêtes, je pourrais même y travailler pendant le congé de Noël, peut-être, parce que vous allez accorder des vacances à ces personnes-là.
On ne fait presque pas mention — juste une petite fois, je pense — du fait que nous vivons dans un monde où 20 p. 100 de la population de la planète consomme 80 p. 100 de ses ressources, et cet écart entre riches et pauvres s'accentue. On mentionne cet écart en un endroit. C'est une situation intenable. Il y a des choses qu'on ne mentionne pas du tout.
Ce n'est peut-être pas l'opinion du gouvernement, mais on mentionne ici qu'on vit dans un monde où il n'y a qu'une seule superpuissance, un monde très unipolaire. C'est une situation malsaine. Le Canada doit se voir comme un élément du contrepoids à cela et s'employer avec d'autres pays à s'assurer qu'il y ait un meilleur équilibre, à mon avis.
Nombreux sont ceux qui ont dit qu'elle est trop proche de la politique américaine. Ce que je remarque, c'est que non seulement on n'essaie pas de se distancer des États-Unis... sauf qu'à l'approche des élections, on parle tout le temps de notre politique étrangère indépendante, parce que c'est presque un mentra, mais elle n'est pas indépendante, et on ne cesse de vous dire que les Canadiens en veulent vraiment une.
Non seulement nous ne prenons pas nos distances, mais on dit en fait plusieurs fois que nous voulons être plus intégrés, particulièrement dans le domaine militaire, nous associer plus étroitement au militarisme américain.
J'ai noté ici : « Défense, page 12 ». Je ne sais pas ce que ça dit. Mais il y a une définition sur laquelle je veux attirer votre attention, parce que je la trouve très alarmante, et c'est l'expression « engagement dans le monde » qu'on emploie dans la conclusion du document intitulé Survol. C'est à la page, et je cite :
Le présent Énoncé de politique internationale définit les principes et les priorités qui guideront le nouvel engagement du Canada dans le monde. |
J'ai sursauté en lisant cela parce que je me rappelle très bien que sur le site Web du commandement spatial des États-Unis, on parlait beaucoup du plan à long terme. Mais dans ce document, intitulé Vision for 2020, qui a inquiété bon nombre d'entre nous pendant des années, on juge bon de définir cet engagement dans le monde. C'est la première fois que j'ai lu l'expression : « L'engagement dans le monde, c'est l'application d'une force de précision à partir de l'espace, et dans l'espace. » C'est ainsi qu'ils définissent l'engagement dans le monde. Nous ne disons pas que nous avons une autre définition.
Le président: Je veux juste vous faire remarquer, même si je veux vous entendre... Enfin je vous donne un exemple. Quand les États-Unis vont en guerre contre l'Irak, ils parlent de « libérer l'Irak ». Je n'accepte pas la terminologie qu'utilisent les États-Unis à propos de l'Irak. Cela signifie que je n'accepte pas forcément la terminologie qu'ils utilisent à notre propos.
Mme Judith Berlyn: J'espère que nous n'acceptons pas...
Le président: C'est ce que je veux dire. Je ne veux pas qu'on fasse des comparaisons avec les États-Unis à ce sujet.
Mme Judith Berlyn: Il faut que nous précisions ce que nous entendons par certains termes.
Le président: Absolument. Là-dessus, je suis d'accord. Je suis tout à fait d'accord quant à la définition mais je ne veux pas dire que parce que les États-Unis ont une définition, c'est celle que nous devons retenir.
Mme Judith Berlyn: D'accord.
Pour être plus précise à propos de la question nucléaire, ce qui manque là-dedans c'est que l'on déclare que le désarmement nucléaire est une exigence internationale. En vertu d'un traité international, le Canada est tenu de faire son maximum. Il n'en est pas question là-dedans.
C'est un fait; ceci est une opinion. L'opinion, et je pense que c'est un fait, c'est que la seule façon d'éviter la prolifération des armes de destruction massive — en particulier, des armes nucléaires — est de les éliminer de la planète. C'est la seule façon de l'éviter car tant qu'elles existent et tant que les pays puissants déclarent qu'ils en ont besoin, d'autres vont en vouloir et nous ferons face à un problème de prolifération. Si nous voulons donc éviter la prolifération, il nous faut parvenir au désarmement.
J'ai parlé tout à l'heure de la politique de l'OTAN qui est en fait en violation de ce traité. Il s'agit de droit international. Il n'en est pas question ici. La politique de l'OTAN sur les armes nucléaires n'est même pas mentionnée et l'on ne conteste absolument pas le fait que ces horribles armes continuent d'exister.
Quant à ce que nous recherchons, vous voulez une suggestion concrète?
Une voix: Absolument.
Mme Judith Berlyn: Le gouvernement canadien devrait déclarer clairement et sans aucun équivoque qu'il préconise une interdiction totale des armes nucléaires, une interdiction mondiale. Les armes nucléaires sont les seules armes de destruction massive qui ne sont pas interdites par accord international.
Les armes chimiques le sont. Les balles explosives aussi. On n'a pas le droit d'utiliser des balles explosives.
Alors, que le Canada préconise l'interdiction. Le gouvernement, le Canada ne le fait pas. Nous ne l'avons jamais fait et nous refusons de le faire. Nous aurions pu le faire à la conférence sur le traité de non-prolifération à New York l'an dernier, à l'ONU.
Un document de travail très intéressant circulait à cette conférence. Je peux vous en laisser des exemplaires mais j'aimerais retrouver les titres. C'était un document très pratique préparé par les avocats qui ont travaillé aux projets de la Cour internationale de justice pour que celle-ci se prononce. Le titre est : « Suite donnée à l'Avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires: conditions juridiques, techniques et politiques pour l'avènement d'un monde libre d'armes nucléaires. »
C'est une conférence qui a duré un mois dont je suis revenue il y a quatre jours. J'ai trouvé ça tellement intéressant que j'ai remis ce document entre les mains du plus haut fonctionnaire du ministère une semaine avant de rentrer, demandant que le gouvernement l'examine. Quelqu'un devait me rappeler. On ne l'a pas fait. J'ai retéléphoné. Finalement, le dernier jour de la conférence, le 27 mai, on m'a téléphoné pour me dire que le gouvernement l'examinerait. Évidemment, c'était trop tard. L'occasion était perdue parce qu'il s'agissait d'un document de travail pour la conférence.
Toutefois, le gouvernement aura d'autres occasions d'agir. Il y a des tas de gens, des ONG et d'autres gouvernements dans le monde qui veulent que le Canada lance un genre de nouveau processus d'Ottawa à propos des armes nucléaires, comme nous l'avions fait...
Nous avons déjà parlé des problèmes de l'ONU, des obstacles et des vetos au Conseil de sécurité. Il existe toutefois des moyens de manier le bâton à l'ONU et c'est ce que nous avons fait pour les mines antipersonnel, de façon très astucieuse. Si nous utilisions davantage l'Assemblée générale, où il n'y a pas de veto, nous pouvons essayer de faire certaines choses.
Dans ce cas, on va demander au Canada d'être l'hôte d'une conférence internationale des pays qui veulent envisager précisément cela : les éléments légaux, techniques et politiques requis. C'est quelque chose de très pratique et j'espère que le gouvernement acceptera d'être l'hôte d'une telle conférence.
¾ (2040)
Le président: Avez-vous ce...
Mme Judith Berlyn: C'est le document qui disparaissait à la fin de la...
Le président: Nous aimerions...
Mme Judith Berlyn: Je suis sûre que vous l'aurez avant de terminer tout cela.
Le président: Bien.
Mme Judith Berlyn: Il y a donc juste une ou deux choses concrètes que nous pourrions faire pour réellement aider à se débarrasser des armes nucléaires, qui sont toujours une menace énorme, pour tous ceux qui ne croit pas à l'infaillibilité de la technologie. Je vis avec un marin ingénieur et mon père était également ingénieur. Ces ingénieurs ne croient pas qu'il existe des technologies à sécurité intégrée. Quand j'ai demandé à mon mari s'il s'inquiétait des armes nucléaires, il m'a répondu : « Bien sûr, parce que je suis ingénieur et que je sais que la technologie à sécurité intégrée n'existe pas. »
Lorsque nous aurons un accident avec des armes nucléaires, ce qui est inévitable tôt ou tard — nous avons juste eu beaucoup de chance de ne pas en avoir connu dans les 55 dernières années. Quand on les fabrique, on les entrepose, on les transporte, etc., il est inévitable qu'il y aura un accident horrible comme on n'en a jamais vu ou comme on n'a jamais vu de catastrophe naturelle, en dehors d'Hiroshima et de Nagasaki. Et ce sera même pire parce que les bombes sont beaucoup plus grosses qu'elles ne l'étaient.
Nous devons absolument nous débarrasser de ces armes et le Canada pourrait faire beaucoup plus. S'il vous plaît.
Le président: Merci.
Mme Judith Berlyn: Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres témoins?
Merci beaucoup.
Mme Judith Berlyn: Merci.
M. Kevin Sorenson: Pourriez-vous me donner une minute?
Le président: Je vous donne 30 secondes. Vous êtes jeune, vous pouvez courir. Je ne cours plus.
Mme Judith Berlyn: Ne laissez pas les bureaucrates s'occuper des politiques. C'est ce qui arrive. Ils veulent en fait limiter leurs homologues.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Kevin Sorenson: Venez. Ne croyez pas qu'il vous faut avoir préparé un exposé. Nous voulons entendre tout le monde, jeunes et vieux.
Le président: Pourriez-vous nous donner votre nom, s'il vous plaît.
[Français]
Jonathan Bujault (Présentation personnelle):
Je m'appelle Jonathan Bugeau. Mon s'épelle Bugeau, et non pas Bujault.
Le président: C'est pourquoi je vous le demande.
Vous avez la parole.
[Traduction]
Jonathan Bujault: Je serai très bref.
Une des visions plus larges de politique étrangère que les Affaires étrangères aient exposées est celle de la sécurité humaine, mélange entre la sécurité des particuliers dans le monde et le développement économique. Les deux sont inséparables; ils ne vont pas l'un sans l'autre.
Si nous voulons travailler pour la sécurité humaine, il va nous falloir prendre des mesures plus concrètes. À l'heure actuelle, c'est un très beau slogan. Nous avons certains accords avec le Danemark. Je crois qu'autrefois, même avant que nous ayons une politique officielle de sécurité humaine, nous avons pris des mesures pour créer des piliers internationaux susceptibles de la défendre. Notamment la Cour pénale internationale et la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel.
Je crois qu'il sera nécessaire de créer un autre pilier de droit international capable d'habiliter des groupes et des pays comme le Canada à s'engager davantage, tant dans les questions de sécurité que de développement économique. Je pense qu'il faudrait créer une convention réglementant le commerce international d'armes légères. À l'heure actuelle, la communauté internationale a tout au plus quelques protocoles, déclarations et résolutions mineures mais rien de solide.
Je sais que le comité sur le désarmement est en train de terminer ses négociations sur le protocole de localisation. Il y a le protocole de l'ONU sur les armes à feu mais, en dehors de cela, il n'y a pas de norme universelle sur le commerce d'armes légères, qui sont parmi les systèmes d'armement les plus volatiles au monde. Ces armes légères tuent quotidiennement plus de monde que n'ont tué les armes de destruction de masse depuis 50 ans environ.
Un autre témoin a soulevé un point très important en disant qu'une des choses que le Canada a ajoutée à la diplomatie de l'après-guerre froide, c'est la diplomatie multipiste et l'habilitation de la société civile et de la société civile internationale dans la création d'un droit et de normes internationales. On l'a vu à la fois dans l'information de la Cour pénale internationale et dans le processus de négociation d'Ottawa pour la convention sur les mines antipersonnel.
Ces différentes pistes diplomatiques pourraient être très utiles, non seulement pour des questions comme les armes nucléaires mais également pour des questions comme les armes légères, dans lesquelles, comme chacun sait, le P-5 a de gros intérêts. Ce sont les plus gros marchands d'armes légères.
C'est quelque chose qui nous aiderait également ici au pays. En effet, la moitié des armes à feu utilisées pour tuer des Canadiens sont importées illégalement des États-Unis.
Je répète que c'est une question qui est importante pour nous ici tout autant qu'elle l'est pour les engagements que nous avons pris en matière de sécurité, de maintien de la paix, de renforcement de la paix et de développement économique à l'étranger. C'est quelque chose que le gouvernement canadien devrait à mon avis commencer à envisager comme piste d'avenir.
¾ (2045)
[Français]
Le président: Merci, Jonathan.
[Traduction]
M. Kevin Sorenson: Merci beaucoup.
Tout d'abord, ce n'est pas une observation ni une critique à l'égard de quiconque, mais il est bon d'avoir des jeunes qui viennent témoigner.
J'ai remarqué que vous avez passé toute la soirée ici.
Jonathan Bujault: Nous sommes arrivés un peu en retard, mais...
M. Kevin Sorenson: Oui, c'est vrai...
Vous savez, nous avons un grand pays; il pourrait être encore meilleur. Il est bien d'avoir des jeunes qui s'en préoccupent, qui s'y intéressent et qui sont prêts à venir à une réunion politique ennuyeuse nous dire ce qu'ils pensent.
J'espère que vous défendrez toujours vos points de vue et essaierez de faire grandir notre pays.
Jonathan Bujault: Merci beaucoup.
Vous l'avez bien dit, nous vivons dans un pays merveilleux.
Le fait que nous, citoyens de ce pays, ayons la possibilité de venir ici... c'est une démocratisation du processus, non seulement pour l'élaboration de notre politique intérieure et de notre législation mais également de notre politique étrangère. C'est une façon de démocratiser la politique étrangère. Dans un sens, c'est une prolongation de la création de la société civile internationale.
Nous sommes Canadiens mais nous partageons des valeurs internationales avec des gens du monde entier et de milieux très différents. Ces valeurs se recoupent. Nous avons une vision commune d'un monde débarrassé du despotisme, de la guerre, du génocide et des violations des droits de l'homme. En travaillant avec d'autres membres de cette communauté internationale, le Canada peut aider à défendre ces valeurs en usant d'institutions juridiques internationales et de notre influence douce, influence que nous exerçons beaucoup dans le monde.
Le président: Vous avez fait un commentaire sur la sécurité humaine et je voulais signaler que le Centre Liu de l'Université de la Colombie-Britannique vient de publier son premier rapport annuel sur les droits de la personne; ce rapport offre un aperçu général de la sécurité humaine à l'échelle internationale et suit à peu près le même modèle que le rapport sur le développement humain.
Je voulais simplement vous dire que certaines universités se penchent...
[Français]
Jonathan Bujault:
Cela a été créé par l'Université de la Colombie-Britannique.
Le président: Je crois que ce sujet vous intéresse beaucoup. Il serait bon d'essayer de trouver ce rapport, car il s'inscrit dans la lignée de ce que vous venez de nous dire.
Jonathan Bujault: Connaissez-vous le nom précis du document?
Le président: Mon recherchiste vous le donnera. J'en parle, car cela vous intéresse, et voir que d'autres universitaires au pays s'intéressent à ce domaine peut vous aider dans vos réflexions futures.
Merci, monsieur Bugeau.
¾ (2050)
Jonathan Bujault: Merci.
[Traduction]
M. Kevin Sorenson: Étudiez-vous là-bas?
Jonathan Bujault: J'étudie à l'Université Concordia.
M. Kevin Sorenson: Concordia?
Jonathan Bujault: Oui, mais je travaille à l'occasion pour le Parti libéral dans le domaine des affaires étrangères et des choses de cette nature.
Mme Beth Phinney: [Note de la rédaction: Inaudible]
Jonathan Bujault: Mon ami, M. Van Gelder... il a disparu.
Mme Beth Phinney: Non il est là-bas.
Jonathan Bujault: Je n'ai appris cela qu'une heure avant le début de la réunion, alors je n'ai pas eu le temps de me préparer.
Le président: Nous sommes très heureux que vous soyez venu rencontrer le comité.
M. Kevin Sorenson: À titre de représentant du Parti conservateur, je ne vous en voudrai pas simplement parce que vous aidez les libéraux, mais je tiens à vous remercier...
Jonathan Bujault: Mais nous sommes tous ici unis par le même objectif, n'est-ce pas?
Mme Judith Berlyn: Je vous donnerai... Vous l'avez demandé, mais il serait utile que ce soit distribué de façon plus générale. Voulez-vous une autre copie?
[Français]
Le président: Je ne comprends pas.
[Traduction]
Mme Judith Berlyn: Le troisième D. Avez-vous bien dit qu'il y avait trois D?
Le président: Oui.
Mme Judith Berlyn: Ça ne devrait pas être la défense mais plutôt le désarmement. Le développement...
Le président: À ce moment-là c'est cinq D. On les a décrits comme étant les cinq D. Il y en a trois plus le désarmement et la démocratie. Nous avons maintenant cinq D.
Mme Judith Berlyn: Ah, je vois. Est-ce qu'on fait souvent ce commentaire? Je dois vous dire que je n'inclurais pas la défense. Je ne crois pas que la défense telle que nous la définissons a vraiment beaucoup à voir avec la sécurité.
Le président: Mais c'était aux fins de l'étude, comme un énoncé de...
Mme Judith Berlyn: Ah, j'ai oublié de dire aussi qu'il nous fallait un ministre responsable de la paix et du désarmement comme c'est le cas en Nouvelle-Zélande. Le ministre responsable du désarmement. J'ai appris cela aux Nations Unies également.
Le président: La Nouvelle-Zélande est une zone libre.
Mme Judith Berlyn: L'immeuble Lester B. Pearson est énorme et il serait très facile d'y accueillir trois ministres.
Le président: Angela, voulez-vous intervenir? Très bien.
Monsieur Bricault, oui.
[Français]
M. Pierre Bricault: Merci beaucoup, monsieur Patry.
Une chose me préoccupe. Présentement, en Amérique du Sud, une expérience a cours avec M. Chavez. Je ne connais pas beaucoup la situation, mais j'ai lu différents livres sur la torture, que ce soit au Brésil, en Argentine ou ailleurs. Il s'est passé des choses assez monstrueuses à l'époque du grand plan américain de lutte contre ce qui pouvait constituer une insurrection communiste. J'ai entendu les propos de M. Allan Rock, notre ambassadeur à l'ONU, sur ce sujet. Il semblait vraiment en désaccord avec l'expérience bolivarienne.
Le président: De quelle expérience parlez-vous?
M. Pierre Bricault: Je parle de l'expérience bolivarienne.
Le président: Quelle est cette expérience bolivarienne?
M. Pierre Bricault: M. Chavez parle de révolution bolivarienne.
D'autre part, le Telesur s'en vient. Une chose m'a touchée. M. Chavez faisait partie des militaires en charge de la répression lorsque la population s'est révoltée, à la suite des demandes du FMI et de la Banque mondiale. À un moment donné, la population a fait du bruit, et les forces armées ont été envoyées pour mater la population. Toutefois, à un moment donné, M. Chavez...
Le président: Parlez-vous du Venezuela, ou de la Bolivie?
M. Pierre Bricault: Je parle du Venezuela.
Le président: C'est bien.
M. Pierre Bricault: À un moment donné, M. Chavez s'est rendu compte que cela n'avait aucun sens, parce que ses concitoyens étaient en droit de dire qu'ils subissaient trop de pression de la part du FMI et de la Banque mondiale. C'est à ce moment que M. Chavez a commencé à faire de la politique. Quand il y a des abus d'un côté, à un certain moment, il s'en crée d'autres.
Récemment, j'apprenais que le Venezuela est un pays aussi riche que le Canada sur tous les plans, y inclus en matière de ressources naturelles. Quatre-vingts pour cent de sa population serait pauvre, et de ce nombre, 60 p. 100 de la population serait extrêmement pauvre. Comme l'a dit M. Chavez, il faut que cela arrête et qu'on redistribue la richesse. M. Trudeau partageait ce point de vue. Oui, certains peuvent être plus riches que d'autres, il y en aura toujours, c'est normal. Seulement, qu'il y ait des écarts monstrueux comme en Amérique du Sud, c'est trop!
Je vais conclure en disant que je ne suis pas d'accord avec M. Rock, malgré tout le respect que je lui dois. Son poste est beaucoup plus important que le mien et il a sûrement plus d'expérience que le simple citoyen que je suis. Mais il faut redistribuer la richesse, vivre et laisser vivre, partout sur la planète. C'est un point de vue canadien: vivre et laisser vivre. Cette recette nous réussit bien, alors qu'aux États-Unis, le taux de criminalité fait exploser les prisons. Ils en construisent d'autres et elles débordent sans cesse. Ils tuent des détenus, et il n'y en a encore trop.
C'est le choix de société des Américains et c'est leur droit. Notre choix de société à nous est de redistribuer la richesse, ce qui fait que notre société est beaucoup plus paisible. Il y a moins d'explosions sociales. Nous ne sommes pas parfaits, aucun être humain ne peut prétendre l'être. Toutefois, notre société dit:
¾ (2055)
[Traduction]
« Je ne veux pas être un Américain »
[Français]
Peu importe ce que les gens peuvent penser.
[Traduction]
« Je ne veux pas être un Américain »
[Français]
Des efforts sont faits en vue d'une très forte intégration continentale.
[Traduction]
« Je ne veux pas être un Américain »
[Français]
Le président: Merci.
En ce moment, le Venezuela est un pays exportateur de pétrole, comme le Canada, en un sens. Sept pour cent de sa production est exportée aux États-Unis. Les États-Unis ne peuvent pas faire grand-chose. Ils ont créé, non pas
En ce moment, 14 000 médecins cubains et 6 000 infirmières travaillent au Venezuela, dans tous les villages, pour améliorer le niveau social, la santé, l'éducation, etc. Avec son pétrole, le Venezuela aide aussi beaucoup les petits pays. Toutefois, est-ce une bonne ou une mauvaise chose? C'est à eux d'en décider, pas à nous.
Merci quand même. Merci de vos interventions de ce soir. On reprendra nos travaux demain.
La séance est levée.
[Traduction]
non pas le programme pétrole contre nourriture mais bien le programme pétrole contre mesures sociales.