FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 octobre 2005
 | 1220 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. Jeremy Paltiel (professeur, Université Carleton, à titre personnel) |
 | 1225 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
M. Kevin Sorenson |
 | 1230 |
M. Jeremy Paltiel |
M. Kevin Sorenson |
M. Jeremy Paltiel |
 | 1235 |
Le président |
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ) |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Francine Lalonde |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Francine Lalonde |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Francine Lalonde |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Francine Lalonde |
 | 1240 |
Le président |
M. Jeremy Paltiel |
Le président |
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
 | 1245 |
M. Jeremy Paltiel |
 | 1250 |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Alexa McDonough |
M. Jeremy Paltiel |
Le président |
 | 1255 |
M. Jeremy Paltiel |
Le président |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Beth Phinney |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Beth Phinney |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Beth Phinney |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Beth Phinney |
Le président |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
Le président |
M. Ted Menzies |
· | 1300 |
M. Jeremy Paltiel |
M. Ted Menzies |
Le président |
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC) |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Helena Guergis |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Helena Guergis |
M. Jeremy Paltiel |
Mme Helena Guergis |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Dan McTeague |
· | 1305 |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Dan McTeague |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Dan McTeague |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Dan McTeague |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Dan McTeague |
Le président |
L'hon. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.) |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
M. Jeremy Paltiel |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Le président |
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC) |
· | 1310 |
M. Jeremy Paltiel |
M. Jim Abbott |
M. Jeremy Paltiel |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
Le président |
Mme Beth Phinney |
Le président |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 octobre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
 (1220)
[Français]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue à la séance n° 58.
[Traduction]
En conformité avec le paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons examiner des questions reliées au projet de loi C-357, Loi sur les relations avec Taïwan.
Nous accueillons le professeur Jeremy Paltiel, de l'Université Carleton, qui comparaît à titre personnel.
Avant de céder la parole à M. Paltiel, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre nouvelle greffière, Mme Angela Crandall. Bienvenue, madame Crandall.
Monsieur Paltiel.
M. Jeremy Paltiel (professeur, Université Carleton, à titre personnel): Merci. Je suis ravi de pouvoir m'entretenir avec vous aujourd'hui.
J'ai consacré l'essentiel de ma carrière à la politique de la République populaire de Chine et à ses relations internationales. J'ai visité le pays pour la première fois dans le cadre d'un programme d'échanges étudiants entre 1974 et 1976. Depuis, j'y ai effectué près d'une demi-douzaine de voyages de recherche de durée variée, le dernier remontant à mai cette année. J'ai aussi eu l'occasion de visiter Taïwan en 1996 et en 2000 grâce à un fonds de bourses d'études de sources taïwanaises.
Je suis politicologue et non juriste. Je n'ai donc pas les compétences requises pour me prononcer sur les répercussions juridiques du projet de loi à l'étude. En revanche, j'ai étudié la souveraineté telle que la conçoivent les Chinois et, dans ce contexte, les relations qu'ils entretiennent avec leur voisin de l'autre côté du détroit de Taïwan.
Mon objectif ici est de vous mettre en garde contre les répercussions que risque d'avoir ce projet de loi sur nos relations avec la République populaire de Chine.
En effet, la République populaire de Chine a fait de la question du statut de Taïwan la pierre angulaire de ses relations internationales depuis le tout début. Cette question constituait le plus important obstacle sur la voie de l'instauration de relations diplomatiques entre nos deux pays et demeure l'objet d'interventions vigoureuses de la part du gouvernement de la République populaire de Chine chaque fois qu'elle est soulevée à l'échelle internationale.
Comme vous le savez, le gouvernement chinois considère que le statut de Taïwan est un sujet qui relève de sa sphère de souveraineté. Tout en préconisant une résolution pacifique du contentieux, Beijing s'est réservé le droit d'user de la force. D'après le livre blanc publié en février 2000, la Chine affirme être prête à intervenir militairement dans trois circonstances différentes. Premièrement, si l'île entend affirmer son indépendance; deuxièmement, si une puissance étrangère menace d'intervenir; troisièmement, si le problème dure indéfiniment. La plus récente déclaration a pris la forme de la loi anti-sécession que le congrès national du peuple de la République populaire de Chine a adoptée l'année dernière. Cette loi prévoit des moyens « non pacifiques » si l'île tient à affirmer son indépendance.
Tout en déplorant le ton des appréhensions de la Chine, nous ne devons pas sous-estimer sa détermination. Au cours de mes rencontres et de mes voyages en Chine continentale, j'ai constaté que l'attitude du gouvernement de la République populaire de Chine au sujet de la souveraineté de Taïwan jouit du soutien quasi unanime de la population. J'ai été parfois étonné par la véhémence des opinions exprimées par une population qui autrement se veut critique à l'endroit du gouvernement. Des universitaires à Beijing m'ont même dit que le gouvernement chinois serait renversé si jamais il manquait de fermeté dans ce dossier.
Pour bon nombre de Chinois, voire la majorité, la question de l'unité de la nation touche à l'essence même de leur identité. À leurs yeux, l'intervention étrangère est la seule raison pour laquelle Taïwan demeure une entité distincte de la Chine continentale. Ils font ainsi référence à la guerre sino-japonaise de 1894-1895, à l'issue de laquelle Taïwan est devenue une colonie japonaise, et à la décision prise par les États-Unis le 25 juin 1950 de déployer la septième flotte américaine dans le détroit de Taïwan après le déclenchement de la guerre de Corée.
En revanche, la population de Taïwan est divisée au sujet de son identité. Une majorité de Taïwanais se considèrent à la fois Taïwanais et Chinois.
L'adoption du projet de loi C-357 ne fera qu'attiser l'opinion des Chinois contre le Canada aux échelons officiel et officieux. Ce projet de loi, selon mon interprétation, offre à Taïwan une sorte de personnalité internationale aux termes du droit canadien et oblige le gouvernement canadien à prendre position sur le statut international de l'île au sein d'organisations internationales. C'est non seulement peu judicieux du point de vue de nos relations avec la République populaire de Chine, mais c'est également préjuger sans justification du statut définitif de Taïwan alors que le différend demeure entre les parties directement concernées. D'une part, beaucoup de Chinois, sinon la majorité, nous accuseront d'ingérence dans leurs affaires internes tandis que, d'autre part, les Taïwanais conclueront que nous appuyons une partie plus qu'une autre dans la recherche d'une solution.
C'est particulièrement imprudent puisque nous-mêmes n'aimerions pas voir étalés sur la scène internationale nos débats sur la souveraineté. Au lieu d'être perçu comme une initiative diplomatique, comme l'a prétendu devant vous mon collègue M. Cohen, ce projet de loi nous laisserait pieds et poings liés sur la scène internationale sans avancer la cause de la paix de l'un ou l'autre côté du détroit de Taïwan.
Il ne fait aucun doute que l'adoption de ce projet de loi nuira aux liens historiques que nous entretenons avec la République populaire de Chine. Ce lien, duquel les gouvernements canadiens successifs, tant libéraux que conservateurs, ont retiré une fierté, subirait un sérieux recul. Le partenariat stratégique qui a été amorcé à la fin de 2003, puis réitéré et bonifié plus récemment lors de la visite du président chinois Hu Jintao à la fin de septembre, serait rompu.
Compte tenu des divers arrangements que nous avons pris au fil des années à l'égard de Taïwan, il est fort probable que l'ambassadeur chinois serait rappelé. Ce retrait serait suivi de représailles économiques contre les entreprises canadiennes. Les investissements chinois au Canada seraient réduits et le commerce en subirait également les contrecoups.
Durant une grande partie de la dernière décennie, la Chine a été le facteur principal de l'expansion du commerce international. La croissance de l'économie chinoise a été la cause principale de l'augmentation du prix des matières premières dans le monde, facteur qui s'est répercuté favorablement sur l'économie canadienne, d'un bout à l'autre du pays, dans des secteurs allant du nickel au blé.
Il faut en grande partie attribuer aux échanges commerciaux avec la Chine la renaissance de l'économie de la Colombie-Britannique, qui était en pleine récession au début de la décennie. Les investissements chinois, provenant principalement des sociétés d'État du secteur énergétique, auront sans doute un impact considérable sur la Colombie-Britannique et l'Alberta. Malgré cela, notre part des exportations en Chine de biens manufacturiers a diminué par rapport aux importations totales de la Chine. Il existe aussi des secteurs, tels que l'aérospatial, où la Chine entretient de bonnes relations avec nos concurrents, qui seraient très vulnérables aux représailles de la Chine.
Les hauts dirigeants chinois ont à plus d'une occasion indiqué clairement qu'ils étaient prêts à sacrifier d'autres intérêts pour atteindre leur objectif de réunification nationale.
Comparée à la croissance économique explosive de la République populaire de Chine, dont nous pouvons faire abstraction à nos risques et périls, la croissance économique de Taïwan, après une montée spectaculaire entre les années 60 et 80, a atteint un sommet et s'est mise à ralentir. Depuis quelques années, l'impasse dans les relations outre-détroit nuit considérablement à la croissance économique, une impasse, ajouterais-je, à laquelle ont contribué sensiblement les intérêts nationaux de Taïwan.
La question des relations outre-détroit est complexe pour les Taïwanais eux-mêmes et ne cadre pas avec le portrait noir et blanc peint par mon collègue, Andrew Cohen, la semaine dernière.
Les liens que nous entretenons actuellement avec Taïwan ont été tissés au fil des ans. Ces liens m'ont permis de mener des recherches et de faire la connaissance d'étudiants et de collègues universitaires. Ils ont aussi donné aux Canadiens une grande marge de manoeuvre pour le commerce et les contacts culturels.
Appuyer la démocratie n'exige pas que nous traitions Taïwan comme un État souverain. L'opinion taïwanaise au sujet de l'évolution des relations avec la Chine est très divisée et ambivalente. Si nous adoptons ce projet de loi, chacune des deux parties nous accusera de nous aligner sur l'adversaire dans ce différend.
Réviser notre politique n'est pas urgent, à mon avis. Bon nombre des dispositions du projet de loi vont au-delà de l'engagement que les États-Unis eux-mêmes ont pris unilatéralement vis-à-vis de Taïwan dans leur Taiwan Relations Act — par exemple, concernant la délivrance de visas ou l'appui de l'adhésion de Taïwan aux organisations internationales.
 (1225)
Nos relations historiques avec Taïwan n'ont absolument rien à voir avec le rôle joué par les États-Unis de telle sorte qu'il n'est pas logique ni nécessaire, à mon avis, d'aligner notre position à l'égard de Taïwan sur celle des États-Unis. Comme nous n'avons ni la capacité, ni l'intention d'appuyer Taïwan advenant une épreuve de force au sujet de son statut international, il serait irresponsable de notre part d'intervenir dans le contentieux. Je peux vous assurer que c'est ainsi que sera perçu le projet de loi à Beijing.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Paltiel.
Nous allons maintenant passer aux questions et réponses, avec des interventions de cinq minutes.
Je vais d'abord donner la parole à M. Sorenson.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci, monsieur, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
Comme vous l'avez mentionné, nous avons entendu votre collègue la semaine dernière. Je crois que nous avons bien aimé le témoignage de la chambre de commerce et celui d'Andrew Cohen la semaine dernière.
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Nous en avons aimé certains plus que d'autres.
M. Kevin Sorenson: Oui.
Votre témoignage est bien différent de ce que nous avons entendu dans toutes nos réunions précédentes. Vous parlez de la « croissance économique explosive » de ces pays. C'est presque comme si ce projet de loi allait avoir des ramifications ou des conséquences explosives également — comme si la Chine surveillait ce que nous faisons avec ce projet de loi parce qu'il sera d'une importance cruciale pour la croissance économique de Beijing. Nous n'avons rien entendu de la sorte jusqu'à présent. En fait, la plupart des témoignages que nous avons entendus laissent plutôt croire que ce projet de loi passerait à peu près inaperçu sur le plan commercial.
J'ai bien aimé que vous nous parliez de vos liens avec Taïwan — comment vous vous y êtes intéressé et comment vous êtes au courant des problèmes actuels — , mais je reviens à ce projet de loi. Du point de vue politique, je me demande pourquoi maintenant? Pourquoi ce projet de loi est-il ici alors que nous avons un gouvernement minoritaire et que son dénouement pourrait être différent si ce n'était pas un gouvernement minoritaire?
Je me demande aussi, lorsque nous adoptons une bonne politique gouvernementale, en particulier en matière d'affaires étrangères, dans quelle mesure nous devons... Nous devons certainement tenir compte des effets ou des ramifications de ces mesures. Par exemple, certains ont dit que si le Canada n'adhérait pas à la défense antimissiles balistiques, il y aurait d'énormes conséquences. Certaines personnes pourraient croire que ce fut le cas, tandis que d'autres diraient qu'ils n'ont pas vu beaucoup de changement.
La Chine enregistre un énorme surplus commercial avec nous. C'est un pays qui prend de l'expansion et qui s'industrialise. Son économie est forte. Où que vous alliez, vous entendez parler des économies de la Chine et de l'Inde. La Chine n'a-t-elle pas besoin du Canada et de ses ressources? La Chine veut ce que nous avons à offrir. Pourquoi croyez-vous qu'elle compromettrait ses propres intérêts pour un projet de loi aussi insignifiant?
 (1230)
M. Jeremy Paltiel: Parce que, pour la Chine, ce projet de loi a effectivement de l'importance. Elle l'a affirmé plus d'une fois. Elle était prête à envoyer des troupes, à proférer des menaces militaires. Elle ne le ferait pas si elle ne considérait pas cet enjeu important.
Il y a également des précédents historiques. Au début des années 90, lorsque la France et les Pays-Bas ont vendu des armes à Taïwan, des représailles économiques ont été exercées contre ces pays. Par ailleurs, de très hauts dirigeants chinois ont affirmé qu'ils feraient des sacrifices pour cet enjeu particulier. Du point de vue chinois, c'est une question fondamentale. Tous les experts de la question chinoise vous le diront. Pour les gens de Beijing, il n'y a rien de plus important dans les affaires internationales que la réunification nationale, qui vise notamment Taïwan. Ils l'ont affirmé. Nous devrions les prendre au sérieux, parce qu'ils ont en fait joint l'acte à la parole. S'ils sont prêts à utiliser les essais de missiles, ils sont certainement prêts à nuire à nos échanges commerciaux.
M. Kevin Sorenson: Jusqu'où devons-nous aller? Que devons-nous faire? Avons-nous subi de graves conséquences lorsque nous avons ouvert un bureau commercial à Taïwan? Y a-t-il eu des représailles dans ce cas? Y a-t-il eu des représailles contre d'autres pays qui ont reconnu Taïwan? Vous avez mentionné des cas assez lointains, comme celui des Pays-Bas. Nous devrions peut-être simplement faire tout ce que nous pouvons pour ne pas reconnaître les changements qui se sont opérés à Taïwan dans une quête de liberté et de démocratie. Nous n'avons peut-être aucun rôle à jouer, et nous devrions juste nous retirer et fermer notre bureau à Taïwan.
M. Jeremy Paltiel: Tout d'abord, notre bureau à Taïwan est une bonne chose. Il s'insère dans le cadre de nos relations existantes. Les choses fonctionnent très bien. Toutefois, Beijing a clairement indiqué qu'il y avait une différence entre, d'une part, les contextes commerciaux et économiques, que les Chinois eux-mêmes considèrent tout à fait normaux, et d'autre part, la reconnaissance politique, ce à quoi ce projet de loi équivaut, d'une certaine façon.
Permettez-moi de vous donner un exemple précis. En 1998, les États-Unis se sont engagés à ne pas reconnaître la qualité de membre de Taïwan au sein des organisations internationales qui exigent le statut d'État. Ce projet de loi exigerait que le gouvernement du Canada fasse ce que les États-Unis se sont engagés à ne pas faire. Je crois que la Chine s'intéresserait beaucoup aux suites de cette mesure, parce que le Canada est un pays du G8 et qu'il est bien perçu sur la scène internationale. Si nous faisons bande à part, les Chinois prendraient la chose très au sérieux.
 (1235)
Le président: Merci.
Nous donnons maintenant la parole à Mme Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci.
Monsieur Paltiel, pourriez-vous me rappeler quelle était la position de la Chine lorsque l'Organisation mondiale du commerce a accepté que la Chine et Taiwan en fassent tous deux partie.
[Traduction]
M. Jeremy Paltiel: La République populaire de Chine a une position un peu différente de celle de la plupart des autres pays sur la qualité de membre au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Toutefois, elle a accepté le principe général voulant que Taïwan, Penghu ou les Pescadores, Kinmen et Matsu soient des territoires douaniers. L'adhésion à l'APEC est un autre exemple où Taïwan est également acceptée en tant que territoire commercial.
Encore une fois, on fait une distinction entre l'adhésion à des organisations qui exigent la qualité d'État souverain et l'adhésion à d'autres types d'organisations. Les pays ont des vues différentes à savoir où se situe exactement la ligne de démarcation, mais on s'entend généralement sur cette distinction.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je n'ai pas fait de recherche à ce sujet, mais j'en ferai plus tard. J'imagine que compte tenu de la situation actuelle, la République populaire de Chine a dû essayer de faire pression sur l'OMC pour que Taiwan ne soit pas reconnue?
M. Jeremy Paltiel: Non, ce ne fut pas le cas.
Mme Francine Lalonde: Non?
[Traduction]
M. Jeremy Paltiel: Je m'exprime mieux en anglais, alors pardonnez-moi.
Il y a eu un genre d'entente entourant ce que la République populaire de Chine a essayé de faire. L'adhésion de Taïwan à l'OMC a été en quelque sorte retardée jusqu'à ce que la République populaire de Chine soit admise. Beijing voulait également — et je n'ai pas les détails techniques devant les yeux — que Taïwan soit admise en vertu d'une disposition différente de celle qui a permis l'adhésion de la Chine. Elle a été admise en tant que territoire douanier indépendant, tandis que Beijing voulait que Taïwan soit admise comme un territoire sous son contrôle ou assujetti à une relation subordonnée. Toutefois, ce n'est pas ce qui a été accepté ultérieurement par l'Organisation mondiale du commerce.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Cela n'a pas empêché la Chine de bien vouloir profiter de l'OMC.
M. Jeremy Paltiel: C'est exact.
Mme Francine Lalonde: Je pose cette question parce qu'il me semble qu'il est aussi important que la Chine comprenne notre situation. Nous sommes des parlementaires et nous, du Québec, partageons beaucoup de valeurs avec le Canada. Nous essayons d'avoir un certain nombre d'exigences à l'endroit de divers pays et de ne pas accorder de traitement de faveur, d'être équitables.
Selon moi, ce projet de loi contient des articles qui tendent à modifier le statut international de Taiwan. Notre intention n'est pas de changer le statut international de Taiwan. Ce projet de loi pourrait toutefois, si on y apportait des amendements, faciliter un certain nombre de rapports entre Taiwan et le Canada. La Chine aimerait mieux, de toute façon, que ce projet de loi ne soit pas adopté.
Cependant, si les amendements ont l'effet que je viens de mentionner et si nous faisons attention à ce que le statut international ne soit pas transformé, ne pourrait-on pas penser que, après que la Chine aura exprimé sa volonté, le Canada pourra quand même préciser un certain nombre de relations qu'il entretient avec Taiwan?
 (1240)
Le président: Monsieur Paltiel, vous avez la parole.
[Traduction]
M. Jeremy Paltiel: C'est une question difficile, parce qu'il y a le symbolisme et il y a la réalité. Je ne suis pas un député élu et je ne peux pas parler au nom du peuple du Canada. D'un point de vue symbolique, Beijing serait probablement irritée par le projet de loi sous une forme ou l'autre. Si cette mesure législative était rédigée avec soin, le gouvernement du Canada pourrait au moins faire valoir qu'elle ne compromet pas nos accords existants.
La question est de savoir si le projet de loi est nécessaire. Si je retourne dans le passé, nos relations avec Taïwan sont, à bien des égards, beaucoup plus importantes aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été, et elles prennent de l'ampleur. Nous n'avions pas de présence quasi diplomatique à Taïwan même à l'époque où le gouvernement à Taïwan était celui avec lequel nous entretenions des relations diplomatiques. Nous n'avions aucune représentation diplomatique là-bas et nous n'y étions pas présents.
Aujourd'hui, il y a ces bureaux civils. Nous avons un bureau à Taïpei, et on trouve plus de bureaux au Canada que jamais auparavant. Il faut donc se demander quelle est l'intention précise de ce projet de loi qui, dans un certain sens, exigerait que le Canada prenne une disposition législative spéciale pour régulariser ou réglementer des relations qui sont, en fait, en expansion.
J'ai dit dans mon exposé que nos relations historiques avec Taïwan sont très différentes de celles des États-Unis. Les États-Unis avaient un traité de défense mutuelle, ce que nous n'avions pas.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Paltiel.
Madame Jennings.
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup de votre présentation. J'ai quelques questions à vous poser. À votre connaissance, existe-t-il un précédent dans notre droit canadien qui permette l'adoption d'une loi dont le but essentiel et fondamental est de réglementer nos relations avec d'autres États ou des entités étrangères?
Ma deuxième question est la suivante. Des témoins experts nous ont dit que selon eux, l'adoption de ce projet de loi limitera notre capacité à dialoguer avec la Chine sur beaucoup de sujets qui intéressent les Canadiens. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a beaucoup de pression provenant de Canadiens — je le vois dans ma circonscription — qui veulent absolument que le Canada discute avec la Chine de questions portant sur le respect des droits de la personne, par exemple.
Selon vous, ce projet de loi reflète-t-il une approche équilibrée? Y trouvez-vous un intérêt quelconque? Si jamais ce projet de loi était adopté, le Canada verrait-il disparaître la possibilité de continuer le dialogue avec la Chine sur des questions comme le respect des droits de la personne? Vous avez dit vous-même que la Chine imposera des sanctions envers le Canada à la suite de l'adoption d'un tel projet de loi.
Ma dernière question porte sur le partenariat avec Taiwan. Vous avez donné de beaux exemples illustrant comment nos relations avec Taiwan, au niveau commercial ou autre, ont vraiment pris de l'ampleur. Dans le projet de loi, on change le nom du bureau de représentation situé à Taïwan de Bureau économique et culturel de Taipei à Bureau économique et culturel de Taiwan.
Comment un tel changement servira-t-il les intérêts Canadiens? Et si cela ne sert pas les intérêts des Canadiens, quels intérêts pensez-vous qu'un tel changement servira?
 (1245)
[Traduction]
M. Jeremy Paltiel: Merci.
Quant à savoir s'il existe un précédent, je le répète, je ne suis pas juriste. À ma connaissance, aucune loi ne porte précisément sur les relations avec un pays en particulier. Dans un sens, c'est l'un des problèmes qui concernent ce projet de loi. En outre, dans le préambule, il est écrit précisément que Taïwan est un modèle à suivre, ce qui signifie d'une certaine façon que nous privilégions un pays par rapport à d'autres. Cela a des répercussions sur notre politique étrangère. En fait, cela dicte notre politique étrangère.
Pour ce qui est du dialogue avec la Chine au sujet des droits de la personne, il y en a un qui se tient en ce moment. Je veux que l'on sache que je préconise l'expansion de ce dialogue. Je suis un porte-parole de la situation concernant les droits de la personne en Chine, et je tiens à ce que cela soit consigné. Je m'attends à ce que l'adoption de ce projet de loi paralyse dans une certaine mesure les relations diplomatiques, y compris le dialogue au sujet des droits de la personne. Il deviendrait alors plus difficile, par exemple, de rapatrier de la Chine, à l'occasion, des immigrants illégaux. Ce genre de chose deviendra plus difficile.
Quant au nom du bureau du représentant, il est clair qu'il s'agit d'un des problèmes concernant le projet de loi. C'est l'une des demandes particulières formulées par une certaine partie de la population taïwanaise, ce qui ne signifie pas qu'elle n'a aucun appui au Canada. Notre pays compte de nombreux immigrants d'origine taïwanaise, y compris le représentant de Taïwan au Canada, qui s'est battu pour l'expansion de la démocratie à Taïwan et qui a d'une certaine façon trouvé refuge ici au Canada. Il y a donc des gens ici même au pays qui s'intéressent au statut international de Taïwan et qui sont des citoyens canadiens.
Mais la question concerne l'intérêt du Canada. Certes, de nombreux Taïwanais souhaitent que Taïwan obtienne le statut d'État indépendant. Il faut se demander quel est le rôle du Canada en ce qui a trait à la reconnaissance d'un tel statut et quel est notre intérêt à cet égard. Je crois qu'il s'agit d'une question qui s'adresse à vous, les parlementaires. Je peux vous exposer quelles seraient les répercussions, mais la décision de choisir cet intérêt parmi d'autres doit être prise par le gouvernement du Canada et par les représentants du peuple canadien.
 (1250)
Le président: Merci.
Je cède la parole à Mme McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour cet exposé.
Premièrement, je veux revenir sur une phrase de votre dernier paragraphe, à savoir: « Appuyer la démocratie n'exige pas que nous traitions Taïwan comme un État souverain. » Je suis d'accord avec vous. J'appuie ce propos.
Je dois dire par contre que je trouve votre exposé profondément troublant, car j'estime que l'appel que vous nous lancez est fondé sur la crainte de représailles de la part d'un régime très répressif au sein duquel la démocratie n'est pas respectée ni reconnue, dans une mesure telle qui nous préoccupe énormément en tant que Canadiens.
Je veux vous rappeler qu'il y a 15 ans, le Parlement canadien a mis sur pied le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Notre comité a recommandé récemment une augmentation considérable du budget de ce centre, et le gouvernement a en effet accru ce budget — pas autant que nous l'avions demandé, mais considérablement — en raison de l'importance du travail que nous accomplissons sur le plan du développement démocratique.
Nous venons tout juste de tenir une séance avec la Commission des questions politiques du Conseil de l'Europe. Je vous renvoie à la note d'information préparée par notre personnel très compétent dans laquelle on souligne que des fonctionnaires canadiens rattachés à différents ministères et organismes fédéraux et à des missions diplomatiques du Canada en Europe participent à des réunions de comités, de commissions et de groupes de travail relevant du Conseil de l'Europe.
Il est précisé également que le Québec détient le statut d'observateur au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe du Conseil de l'Europe. Des fonctionnaires québécois correspondent régulièrement avec les représentants du Conseil de l'Europe à Strasbourg et prennent part régulièrement aux séances du Conseil. Il est également souligné que le Québec a mis en oeuvre un programme de stages auquel participent cinq étudiants à la fois à Strasbourg.
J'ai deux questions à vous poser en lien avec votre exposé. Quelle est la différence entre ce qui est proposé dans ce projet de loi d'initiative parlementaire et le type de relations que le Canada a clairement accepté qu'entretienne le Québec à divers niveaux, dans ce cas-ci, au sein du Parlement européen?
Deuxièmement, si vous êtes d'avis que cette mesure législative va trop loin et qu'elle risque d'être critiquée parce qu'elle qualifie Taïwan d'État souverain, avez-vous des amendements à proposer en vue de la rendre davantage conforme à ce que vous estimez être une reconnaissance et un respect des développements démocratiques de Taïwan, sans toutefois provoquer des représailles de la part du gouvernement chinois?
M. Jeremy Paltiel: Je crois savoir que la question des diverses formes de la représentation du Québec sur la scène internationale est parfois un sujet controversé ici dans l'immeuble Pearson. Mais cette mesure va bien au-delà de cela, car elle exige notre soutien à la participation de Taïwan aux organismes internationaux. C'est ce qu'elle exige. Elle exige également que nous traitions les représentants de Taïwan comme des représentants d'État. En ce sens, elle confère aux fins de la politique intérieure le statut d'État souverain selon le droit canadien.
Je sais que des députés du Bloc Québécois ici présents sont en faveur de cela, mais il faut penser à ce qui se produirait si, en vertu de la Constitution actuelle, un autre pays conférait au Québec le statut d'État souverain?
Mme Alexa McDonough: Pouvez-vous proposer des amendements qui feraient en sorte que ce projet de loi ne conférerait pas le statut d'État souverain— parce que je ne crois pas que ce soit là l'intention — mais qui serait conforme à la relation qu'entretient le Canada avec le Québec sur la scène internationale?
M. Jeremy Paltiel: Pour répondre à cette question, il faudrait que j'aie en main le projet de loi, mais je ne l'ai pas en ce moment.
Le président: Je tiens à vous signaler, madame McDonough, que M. Paltiel n'est pas ici en tant qu'avocat qui souhaite proposer des amendements. C'est un peu difficile pour lui de répondre.
 (1255)
M. Jeremy Paltiel: C'est exact. Je vous remercie.
C'est le fait de conférer le statut d'État souverain qui susciterait principalement des questions à propos de nos relations avec Taïwan, et précisément avec Beijing.
Le président: Merci.
La parole est maintenant à Mme Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
J'ai beaucoup aimé votre exposé. Je ne dis pas que je suis d'accord avec tous les points que vous avez fait valoir, mais j'aime bien qu'en tant qu'historien vous ayez été en mesure de donner des exemples d'autres pays qui ont essayé d'aller jusque là. Nous n'avons pas le temps en tant que députés d'étudier tout ce qui s'est produit il y a une cinquantaine ou une dizaine d'années à ce sujet. Je vous suis donc reconnaissante de nous donner un aperçu de l'histoire.
Je tiens aussi à dire à nos attachés de recherche que, dans des cas comme celui-ci, où nous n'avons pas à prendre des décisions fondées sur la vie d'aujourd'hui, des exemples tirés de l'histoire pourraient s'avérer utiles. Peut-être que nous devrions inviter davantage de témoins qui sont historiens.
Vous avez dit tout à l'heure que le commerce du Canada avec la Chine a diminué.
M. Jeremy Paltiel: Pardonnez-moi, mais j'ai dit que notre part du marché des importations totales de la Chine a diminué.
Mme Beth Phinney: D'accord.
En réponse à une question, vous avez déclaré que l'ouverture d'un bureau ne pose aucun problème. Mais je me demande si la diminution de notre part du marché a un lien avec l'ouverture d'un bureau à Taïwan.
M. Jeremy Paltiel: Non, je ne crois pas. Je pense que, même s'il y a eu certaines frictions au fil du temps, dans l'ensemble, les choses vont bien. La situation actuelle du commerce avec la Chine est attribuable à toutes sortes de facteurs. Quand je parle de représailles, je parle de mesures précises prises par le gouvernement en vue de nous imposer des sanctions plutôt que d'une tendance générale.
Notre commerce avec la Chine est en croissance. La question est simplement de savoir si nous avons obtenu notre part de ce marché qui a pris de l'expansion.
Mme Beth Phinney: Si ce projet de loi d'initiative parlementaire n'est pas adopté, croyez-vous que cela aura un avantage pour nous? Allons-nous observer des résultats positifs du côté de la Chine en raison de cela?
M. Jeremy Paltiel: J'en doute. Je crois que de nombreuses personnes seront soulagées; c'est probablement ce qui se produira.
Mme Beth Phinney: Vous avez soulevé un point qui ne l'a été par personne d'autre. Si nous faisons ce pas en avant, si nous adoptons le projet de loi — je ne devrais pas dire qu'il s'agit d'un pas en avant — je ne crois pas que nous ayons songé à ce que cela pourrait nous obliger à faire à l'égard de Taïwan. Par exemple, sommes-nous prêts à l'appuyer s'il survenait un conflit militaire avec la Chine? Je ne crois pas que nous ayons pensé à cette perspective. Sommes-nous disposés à aller encore plus loin?
M. Jeremy Paltiel: Je n'ai pas laissé entendre que cette mesure législative nous obligeait à quoi que ce soit. Ce que je tentais de dire, c'est que nous prenons position au sujet d'un différent qui perdure, mais nous n'avons pas vraiment l'intention ni la capacité d'assumer les conséquences à long terme.
Mme Beth Phinney: D'accord. Personne n'a jamais mentionné cela. Merci.
Le président: Merci, madame Phinney.
Monsieur Menzies, la parole est à vous.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Nous reste-t-il cinq minutes, monsieur le président?
Le président: Il nous en reste quatre.
M. Ted Menzies: D'accord. J'ai quelques questions à poser et ma collègue aussi. Si vous n'avez pas le temps d'y répondre maintenant, vous pourrez peut-être le faire par écrit.
Je vais vous demander très directement ce que le Canada a à gagner en adoptant cette mesure législative. Personne ne m'a encore donné un argument prouvant que le Canada a beaucoup à gagner. Honnêtement, je suis inquiet. Que vos propos soient exacts ou non, je crains que nous ayons beaucoup à perdre.
Je me suis penché sur ce qu'a vécu le Canada récemment. Nous détenons un accord de libre-échange avec les États-Unis. Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes avec ce pays qui n'auraient pas dû survenir, mais qui se sont tout de même produits. Nous n'avons pas conclu un tel accord avec la Chine, alors nous ne disposons pas d'un grand nombre de moyens pour contrôler ce que nous aurions dû contrôler sur le plan de nos échanges avec les États-Unis.
Je suis très inquiet. Pouvez-vous nous donner des exemples précis de mesures de représailles qui, selon vous, pourraient être prises si ce projet de loi est adopté?
· (1300)
M. Jeremy Paltiel: Je ne suis pas du tout en mesure de vous donner de tels exemples. Je peux simplement dire que, si je me fie à mon expérience, il y aurait sans doute des mesures de représailles prises probablement de façon stratégique dans différents secteurs, principalement les secteurs où le gouvernement chinois a véritablement son mot à dire. Les secteurs du pétrole et du gaz en font partie bien entendu, car les sociétés pétrolières sont la propriété de l'État. L'aérospatial en est un autre.
Mais je ne peux pas... Pour ce faire, il faudrait que je sois au courant de ce qui se passe à Beijing. Je crois qu'on espère que le projet de loi ne sera pas adopté.
Quant à votre première question, je dois dire honnêtement que je ne vois pas beaucoup d'avantages. Si ce que nous tentons de faire, c'est d'adopter une résolution en faveur du progrès des droits de la personne et de la démocratie à Taïwan, cela ne prendrait pas la forme de ce projet de loi. Cette mesure vise à conférer le statut d'État souverain; c'est l'objectif. Nous adoptons dans un certain sens une position à laquelle Beijing s'oppose farouchement, alors en toute honnêteté, je ne vois pas quel est l'avantage.
M. Ted Menzies: D'accord.
Le président: Madame Guergis, vous avez la parole.
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci.
Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Un témoin de l'Université de Montréal qui a déjà comparu devant nous a laissé entendre que si le projet de loi était modifié pour qu'on y lise « un pays, deux États », il pourrait être plus acceptable aux yeux de la Chine. Voulez-vous commenter cette proposition?
M. Jeremy Paltiel: Je sais pertinemment que c'est une formulation que Beijing a rejetée. Je ne veux pas donner mon opinion, mais je peux vous dire que la Chine s'est opposée de façon véhémente à cette formulation.
Il y a de nombreux problèmes...
Mme Helena Guergis: C'est bien. Je vous remercie. J'ai une autre brève question à vous poser.
Vous avez dit que vous avez consacré l'essentiel de votre carrière à la politique de la Chine et à ses relations internationales. Comme vous le savez, le Canada apporte une aide étrangère à la Chine. J'ai posé la question suivante à un autre témoin qui a comparu devant nous, M. Ted Lipman: si nous cessions d'attribuer une aide à la Chine, pensez-vous que cela aurait une incidence sur nos échanges commerciaux?
M. Jeremy Paltiel: Si nous cessions d'attribuer une aide?
Mme Helena Guergis: Cesser d'accorder une aide étrangère à la Chine — ce pays n'ayant pas besoin des fonds provenant de l'ACDI.
M. Jeremy Paltiel: Je doute que cela aurait une incidence sur nos échanges commerciaux. L'aide étrangère accordée à la Chine est destinée à des secteurs précis où nous estimons que nous pouvons faire une différence, dont certains d'entre eux sont liés à la gouvernance.
Mme Helena Guergis: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur McTeague, la parole est à vous.
L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, je vous remercie.
Monsieur, je suis ravi de vous voir ici aujourd'hui.
Un des témoins que nous avons reçus la semaine dernière, qui est un de vos collègues de l'université je crois, a souligné que la réaction du gouvernement chinois était — par chacun d'entre nous peut-être — exagérée par ce qu'il a appelé le « lobby pro-chinois », et cela a entraîné, comme on l'a laissé entendre aujourd'hui, une campagne de peur.
Vous êtes un spécialiste reconnu de ces questions. Estimez-vous que la Chine ne sera qu'un tigre de papier ou pensez-vous que les conséquences seront en effet graves, à la fois pour nous et pour notre réputation internationale?
M. Jeremy Paltiel: Je crains que les conséquences ne soient graves. Je crois que la Chine prendra cela au sérieux et que le sujet ne tombera pas dans l'oubli. Je vous dis cela en me fondant sur mon expérience.
L'hon. Dan McTeague: Quant à la façon dont cela sera perçu par Taïwan, je présume que, même aux yeux des dirigeants de Taïwan, cette proposition ne pourrait que miner une relation qui est assez bonne, surtout du point de vue commercial.
Malgré la situation des droits de la personne, je constate que Taïwan n'a aucune difficulté à effectuer des échanges commerciaux avec la Chine de l'ordre d'environ 100 milliards de dollars par année. Je me demande, étant donné le problème que nous posent certains aspects du commerce avec Taïwan — en particulier, le fait que Taïwan continue de ne pas accepter notre boeuf, malgré les preuves scientifiques — s'il ne faudrait pas en fait conclure que Taïwan en a beaucoup à dire sur la question des droits de la personne, si cette question est véritablement la raison pour laquelle nous appuyons ce projet de loi.
Quels sont vos commentaires à cet égard?
· (1305)
M. Jeremy Paltiel: Je n'établirais pas de lien entre le boeuf et les droits de la personne...
L'hon. Dan McTeague: J'espère que non.
M. Jeremy Paltiel: ... mais je reconnais que Taïwan a fait des progrès sur le plan du respect des droits de la personne. Je crois qu'il s'agit d'un progrès très considérable qui doit être louangé. Je ne pense pas que le projet de loi contribue à faire progresser les droits de la personne.
L'hon. Dan McTeague: Certains prétendent que la Chine a davantage besoin du Canada que le Canada a besoin de la Chine, en raison de nos ressources naturelles. C'est ce que vous avez laissé entendre par le passé. Bien que je n'aie pas entendu les commentaires de Lorne Calvert et de Gary Doer, je suis certain que ces deux premiers ministres ont une opinion au sujet du projet de loi. Nous pourrions peut-être leur demander leurs points de vue un peu plus tard.
Faire valoir que la Chine a davantage besoin du Canada que l'inverse est-il un argument valable? Est-ce que la nature nos échanges commerciaux ferait en sorte que la Chine serait forcée d'accepter en fin de compte ce projet de loi? Est-ce que la Chine céderait selon vous?
M. Jeremy Paltiel: Si vous me demandez si nos échanges commerciaux avec la Chine cesseraient entièrement, je vous réponds que non, ce ne serait pas le cas, mais je peux vous dire qu'il y aurait des représailles. Il faut se demander à quel point nous sommes prêts à souffrir pour ce projet de loi. C'est la question qu'il faut se poser au lieu de se demander si notre commerce avec la Chine cesserait d'emblée. La Chine devra probablement encore acheter des produits canadiens, mais nous ne savons pas quel sera le volume de ces importations.
L'hon. Dan McTeague: Si nos échanges commerciaux sont interrompus, comment cela favoriserait-il le dialogue concernant les droits de la personne, à votre avis?
M. Jeremy Paltiel: Je ne vois pas comment cela pourrait faire progresser le dialogue.
L'hon. Dan McTeague: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Bevilacqua, la parole est à vous.
L'hon. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Je me demande si cela vous donne l'occasion de défendre votre position.
Nous avons conclu divers contrats avec la Chine. Différentes sociétés travaillent en Chine, où elles fournissent des biens et des services. Est-ce que la Chine a menacé d'annuler des contrats si nous adoptons ce projet de loi?
M. Jeremy Paltiel: Pour autant que je sache, non, mais je crois que le gouvernement chinois espère qu'il s'agit d'une mesure d'initiative parlementaire qui va mourir au Feuilleton.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Puisque vous êtes un spécialiste du domaine, pouvez-vous nous dire si vous avez entendu des commentaires de la part de certaines autorités chinoises au sujet de cette mesure législative?
M. Jeremy Paltiel: Oui, le gouvernement chinois a fait une déclaration publique lors de laquelle il a mis en garde le Canada contre les conséquences de l'adoption du projet de loi.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je suis certain que les Canadiens portent attention à vos propos, car vous êtes un spécialiste, alors pouvez-vous décrire en gros quelles seraient les répercussions de l'adoption de cette mesure?
M. Jeremy Paltiel: Comme je l'ai dit, je m'attendrais à ce que la Chine rappelle son ambassadeur au Canada, à ce que diverses relations soient paralysées et à ce que d'autres problèmes surviennent. Cela s'est produit à de nombreuses reprises par le passé. Essentiellement, le règlement de toute question en suspens se ferait lentement jusqu'à ce que la Chine détermine exactement ce qu'elle fera, ce qui devrait entraîner un ralentissement important visant à montrer qu'il y a des conséquences.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Merci.
Le président: Juste avant de terminer, je vais demander à M. Abbott, l'auteur du projet de loi, de poser une ou deux questions.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC): Merci, monsieur le président, pour votre courtoisie.
Je crois que votre exposé d'aujourd'hui a très bien réussi à renforcer la position des personnes qui s'opposaient déjà au projet de loi. En ce qui me concerne, j'ai tendance à faire une comparaison des commentaires formulés pour évaluer leur validité. En tant que président du caucus de la Colombie-Britannique du Parti conservateur, je trouve honnêtement qu'il s'agit d'une insulte quand vous déclarez que: « Il faut en grande partie attribuer aux échanges commerciaux avec la Chine la renaissance de l'économie de la Colombie-Britannique, qui était en pleine récession au début de la décennie. » Je suis désolé, mais je prends vos avertissements avec un grain de sel.
Ma question porte sur vos propos au sujet des sanctions. Je le répète, c'est peut-être une campagne de peur, mais je suis davantage préoccupé par la question des droits de la personne et la soi-disant influence actuelle du Canada sur la Chine. Vous avez déclaré il y a quelques minutes que le Canada exerce beaucoup d'influence, ce qui m'a donné l'impression que vous pensez que nous avons un énorme impact sur la Chine au chapitre du respect des droits de la personne.
Un de mes collègues, à la dernière séance je crois, a posé une question à cet égard à un témoin qui affirmait essentiellement la même chose. En tant que spécialiste de la Chine et de Taïwan, pouvez-vous nous dire quels progrès précis ont été accomplis en Chine au cours des cinq dernières années qui découlent de la soi-disant grande influence que nous y avons en tant qu'alliés de ce pays?
· (1310)
M. Jeremy Paltiel: Je ne dirais pas que le Canada a eu un impact déterminant sur la situation des droits de la personne en Chine. Ce n'est pas ce que j'ai déclaré. J'ai affirmé par contre que nous maintenons un dialogue et qu'un grand nombre de projets ont fait une différence dans la vie de certaines personnes de la base.
En outre, le fait que nous ayons une bonne relation avec la Chine nous permet parfois d'avoir une influence sur l'issue de certaines situations précises. Je ne peux pas mentionner à brûle-pourpoint dans lesquelles de ces situations le Canada a eu un impact déterminant. Nous avons, par exemple, contribué à la libération de quelques détenus. C'est le genre de chose que nous avons fait par le passé, et je prévois qu'il sera beaucoup plus difficile d'accomplir de telles choses si la Chine estime que nous ne sommes pas dans la bonne voie. Mais il est vrai que nous avons réussi à faire libérer des détenus.
M. Jim Abbott: Comme je l'ai fait au Vietnam, alors je ne suis pas certain que cela constitue une mesure.
M. Jeremy Paltiel: Si vous me demandez quelle est la valeur générale de notre dialogue avec la Chine au sujet des droits de la personne, je vais vous répondre qu'il permet à nos dirigeants de... Nos juges de la Cour suprême ont des hésitations.
La Chine a effectué des changements sur le plan juridique. Quelle est la contribution précise du Canada? Quel est l'ampleur de l'influence que nous avons eue dans les changements qui se sont opérés en Chine? C'est très difficile à mesurer.
Le président: Merci, monsieur Abbott.
Merci, monsieur Paltiel. Vos propos sont très intéressants.
[Français]
Merci beaucoup d'être venu ce matin.
[Traduction]
Chers collègues, je vais vous demander de rester ici pendant encore quelques minutes pour examiner une motion.
L'hon. Dan McTeague: Puis-je...?
Chers collègues, nous aurons l'occasion cette semaine de discuter... Le ministère des Affaires étrangères tiendra une conférence intitulée « La Chine en plein essor : va t-elle se joindre à la communauté internationale ou va-t-elle la changer? » L'un des principaux conférenciers sera Paul Evans, vice-président et chef de la direction de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Je me demande si le comité est d'accord pour que nous l'invitions à comparaître, s'il est libre. Il est un spécialiste du domaine, précisément de cette question.
Le président: Merci, monsieur McTeague. Je ne suis pas certain si M. Evans sera là vendredi et je ne sais pas du tout s'il sera ici jeudi. Nous pouvons vérifier, mais j'avais l'intention de proposer une motion prévoyant la présentation de l'ébauche d'un rapport ce jeudi-ci, car nous avons dit que nous voulions terminer l'étude de ce projet de loi le plus tôt possible. Je vise jeudi de cette semaine.
J'ai besoin de votre soutien pour quelques motions. Premièrement, nous avons une nouvelle greffière, et j'aimerais obtenir votre permission de présenter une motion visant à remercier M. Andrew Chaplin, notre ancien greffier, pour le travail qu'il a accompli pour le comité. Êtes-vous tous d'accord?
Mme Beth Phinney: Oui, c'est d'accord.
Des voix: D'accord.
Le président: Vous avez reçu de la part de la greffière une demande de 17 200 $ au titre du budget de fonctionnement pour les travaux que nous menons en ce moment. Y a-t-il des problèmes à cet égard?
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Non.
Le président: C'est bien. Merci.
Y a-t-il d'autres motions au sujet de nos déplacements?
Nous avons déjà annulé une fois notre visite dans l'Ouest dans le cadre de l'étude de l'énoncé de politique internationale. Même si un budget avait été adopté par le comité de liaison, nous devons présenter une autre demande. Ce budget concerne nos déplacements à Vancouver, à Calgary, à Edmonton et à Saskatoon en décembre. Vous avez reçu la demande en question, qui s'élève à 123 661 $.
Êtes-vous d'accord? D'accord. Merci.
Y a-t-il autre chose, madame la greffière?
Merci beaucoup à tous.
La séance est levée.