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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 4 novembre 2003




¿ 0905
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères)

¿ 0910

¿ 0915
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne)
V         Le président
V         L'hon. Bill Graham

¿ 0920
V         Le président
V         L'hon. Bill Graham
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)

¿ 0925
V         L'hon. Bill Graham
V         Le président
V         L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)

¿ 0930
V         Le président
V         L'hon. Bill Graham
V         Le président
V         M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Bill Graham

¿ 0935
V         M. John Harvard
V         L'hon. Bill Graham
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)

¿ 0940
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         L'hon. Bill Graham
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.)

¿ 0945
V         Le président
V         L'hon. Bill Graham
V         Mme Aileen Carroll
V         Le président
V         Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Bill Graham

¿ 0950
V         Le président
V         M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC)
V         L'hon. Bill Graham
V         M. Bill Casey
V         L'hon. Bill Graham
V         M. Bill Casey
V         L'hon. Bill Graham
V         M. Bill Casey
V         L'hon. Bill Graham
V         M. Bill Casey
V         L'hon. Bill Graham
V         M. Konrad Sigurdson (directeur général, Direction générale des Affaires consulaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)
V         M. Bill Casey
V         L'hon. Bill Graham

¿ 0955
V         Le président
V         Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean)
V         Le président
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)
V         Le président
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ)
V         Le président
V         L'hon. Bill Graham

À 1000
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 054 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 novembre 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons nous intéresser ce matin à l'étude des cas de citoyens canadiens détenus dans certains pays étrangers.

    Nous sommes heureux d'accueillir le ministre des Affaires étrangères, l'honorable Bill Graham, et M. John McNee, qui est sous-ministre adjoint, responsable de l'Afrique et du Moyen-Orient. Bienvenue.

    Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous aviez des remarques liminaires. Je vous en prie.

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Comme vous l'avez précisé, je suis accompagné aujourd'hui de M. John McNee, qui est le sous-ministre adjoint responsable de l'Afrique et du Moyen-Orient, ainsi que de M. Konrad Sigurdson, directeur général des affaires consulaires. Si vous avez des questions qui portent sur des dossiers précis, je donnerai la parole à M. Sigurdson qui pourra sans doute y répondre.

    Je suis heureux que ce comité m'ait donné l'occasion de vous parler de nos affaires consulaires. Avant de passer aux détails, je voudrais soulever deux points qui me semblent particulièrement pertinents dans le contexte global de ces opérations. D'abord, chers collègues, sachez que les services consulaires sont de plus en plus demandés. Un nombre sans cesse croissant de Canadiens voyagent à l'étranger, dans une multitude de pays. Un plus grand nombre de personnes âgées et de personnes handicapées voyagent, ce qui crée de nouveaux besoins. On visite maintenant des régions éloignées, même des fois dangereuses. Enfin, les nouveaux Canadiens d'origines diverses retournent régulièrement dans leur patrie d'origine pour des vacances.

    Globalement, les services consulaires offerts aux Canadiens ont toujours été excellents. Nous protégeons nos ressortissants à l'extérieur du pays par le biais d'ambassades et de consulats à travers le monde, qui peuvent compter, à leur tour, sur notre centre d'Ottawa qui est ouvert sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Chaque année, environ 2,5 millions de Canadiens font appel aux 270 bureaux consulaires répartis dans plus de 180 pays.

    Huit cents employés consulaires sont prêts à venir en aide aux Canadiens qui sont arrêtés ou détenus, victimes de vol ou d'agression, gravement malades ou en difficulté à l'étranger. Les cas de citoyens qui sont accusés ou reconnus coupables de non-respect de lois étrangères sont peu nombreux. Dans la plupart de ces cas, il existe des systèmes judiciaires et pénaux assurant que les étrangers arrêtés seront traités selon un processus établi et transparent qui respecte les droits de la personne. Actuellement, il y a près de 3 000 Canadiens qui sont incarcérés dans 120 pays; près des trois quarts d'entre eux sont emprisonnés aux États-Unis, ayant été reconnus coupables d'infractions liées aux stupéfiants.

    Par contre, la situation se complique lorsque les Canadiens sont détenus dans des pays qui n'ont pas les mêmes normes que les nôtres. Les États répressifs sont dangereux pour tous ceux qui vivent à l'intérieur de leurs frontières; voilà pourquoi nous demandons à nos concitoyens d'éviter certains pays. Si nos ressortissants sont détenus dans un de ces pays, nous faisons de notre mieux pour nous assurer qu'ils sont traités dans le respect des normes internationales des droits de la personne.

    En vertu de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, si un citoyen canadien est arrêté, détenu ou trouve la mort, les autorités du pays en question sont tenues d'en informer l'ambassade ou le consulat canadien. Si le ressortissant est détenu, il faut que ceci soit fait avec son consentement. Toujours en vertu de cette convention, nos agents consulaires ont alors le droit de rendre visite au détenu, de surveiller les conditions de sa détention, de s'assurer qu'il a accès à des services médicaux, qu'il est représenté par un avocat et d'exercer des pressions pour qu'un procès public équitable ait lieu. C'est par le biais de communications diplomatiques que nous faisons savoir nos exigences et, lorsque la situation le demande, nous demandons à des pays tiers, avec lesquels nous avons de bonnes relations, ou à des organes internationaux, comme les Nations Unies, d'appuyer nos revendications. Si un Canadien est reconnu coupable après avoir été jugé, nous pouvons nous appuyer sur les accords de transfert que nous avons établis avec plus de 70 pays qui permettent à l'accusé de purger sa peine dans une prison canadienne, conformément à nos règlements et lois.

    Chers collègues, nous devons reconnaître que nos agents consulaires doivent effectuer leur travail tout en respectant certaines contraintes. Citons le cas de la double nationalité, qui complique sérieusement les choses. Dans bien des cas, il est impossible de renoncer à sa citoyenneté d'origine quand on devient Canadien. Par conséquent, quand un Canadien ayant la double nationalité est arrêté ou emprisonné dans l'autre pays dont il détient la citoyenneté mais que la double citoyenneté n'y est pas reconnue, cela pose de graves problèmes. Il n'y a pas de dispositions dans la Convention de Vienne qui obligent légalement ce pays à permettre une visite consulaire. En d'autres termes, le détenu ne peut recourir au droit international pour demander d'être traité comme un citoyen canadien.

[Français]

    De plus, si un Canadien enfreint la loi d'un autre pays, il est sans conteste assujetti à son système de justice. Or, beaucoup de pays traitent ces questions d'une façon très différente de la nôtre. Leurs tribunaux peuvent ne pas être indépendants, équitables ou même efficaces. Ils peuvent fonctionner dans le secret et ne pas assurer de services de traduction et d'interprétation. Dans beaucoup de pays, les conditions de détention sont sensiblement inférieures à celles du Canada. Enfin, il arrive souvent que les étrangers n'aient pas droit à la libération sous caution ou à d'autres formes de mise en liberté avant un procès ou un appel, ce qui peut leur imposer de passer des années en prison en attendant l'audition de leur cause.

    Même si la plupart des pays sont signataires de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, les droits et obligations créés par la convention sont exprimés en termes très généraux, qui laissent beaucoup de place à l'interprétation. Par exemple, même si les responsables consulaires ont le droit de visiter un détenu et de lui parler, rien n'oblige les autorités du pays hôte à respecter le caractère confidentiel de cet entretien. Habituellement, les choses se font assez facilement, l'accès consulaire étant donné et une voie de communication étant établie. Toutefois, quelques affaires récentes qui ont fait un certain bruit ont été compliquées par le problème de la double nationalité et par le refus d'accorder un accès sans restriction dans des pays dont le processus judiciaire n'est pas transparent et qui contrôlent étroitement les communications. La gestion de ces cas est alors transférée au niveau diplomatique.

    La première intervention prend normalement la forme d'une note diplomatique demandant tous les détails de l'affaire, ainsi que l'accès direct, ce qui est essentiel pour déterminer la condition de la personne en détention. Les communications privées sont également importantes pour permettre à la personne détenue de parler librement de sa situation.

    Si l'accès et la communication privée ne sont pas accordés, l'ambassadeur du Canada peut être chargé d'intervenir directement auprès du gouvernement en cause. Il est également possible que l'ambassadeur du pays à Ottawa soit invité à rendre compte des actes commis par son gouvernement.

    Les interventions diplomatiques tendent à produire des résultats après un certain temps. Si ce n'est pas le cas, une intervention diplomatique de niveau supérieur peut être justifiée. Elle prend habituellement la forme de lettres, d'appels téléphoniques ou d'une intervention du ministre des Affaires étrangères, d'un envoyé spécial ou même, dans les cas appropriés, du premier ministre lui-même.

¿  +-(0910)  

[Traduction]

    Des interventions diplomatiques à un haut niveau sont faites dans des cas exceptionnels. De telles mesures s'imposent clairement lorsque des citoyens canadiens sont victimes de torture et de mauvais traitements aux mains d'un gouvernement étranger. Ce type de traitement est absolument inacceptable, et nous l'avons dit clairement à chaque fois que cela s'est produit.

    Nous devons cependant nous poser une question pratique, que devons-nous faire lorsque ce genre de chose se produit? Notre priorité doit être de nous assurer que nos citoyens survivent, sont traités équitablement et éventuellement libérés. Les propos fermes, le rappel au Canada des ambassadeurs, ou la menace de sanctions économiques permettent rarement d'obtenir les résultats recherchés dans ces situations très difficiles. En fait, ces mesures sont souvent parfaitement inefficaces. Dans certaines circonstances, elles pourraient en fait mettre en danger la vie d'un Canadien en créant une situation très politisée et en mettant en doute la fermeté d'un gouvernement déjà bien habitué aux mesures de répression. De plus, l'expulsion et le rappel d'ambassadeurs ou le fait de rompre les relations diplomatiques met fin à toute communication officielle au moment même où vous en avez le plus grand besoin. Bref, lorsque la vie d'un Canadien détenu est en jeu, vous devez poursuivre le dialogue qui pourrait mener à sa libération, et nous devons pouvoir toujours être en mesure de représenter les autres Canadiens et les intérêts canadiens dans ce pays.

    Je sais que d'aucuns critiquent nos politiques, les mêmes qu'adoptent pratiquement tous les autres pays dans les mêmes circonstances. Ces critiques parlent souvent de « diplomatie douce ». À mon avis la diplomatie douce n'existe pas, il en va de même en fait pour la diplomatie dure. Qu'est-ce que c'est la diplomatie dure? Faire beaucoup de bruit lorsque vous allez rencontrer le ministre des Affaires étrangères? Il n'y a en fait que la diplomatie, soit tous nos efforts visant à faire la promotion des intérêts des Canadiens et du Canada à l'étranger. Dans le dossier diplomatique, à mon avis, le plus grand atout du Canada c'est le respect qu'ont les autres pays à son égard, un respect dont notre pays jouit grâce à sa longue tradition de collaboration avec ces pays afin de régler des problèmes locaux et internationaux. À mon avis il n'existe qu'un type de diplomatie, et c'est justement cette diplomatie que nous pratiquons dans les dossiers consulaires, la diplomatie qui porte fruits, qui permet d'assurer que nos citoyens seront traités de façon juste et équitable et qu'ils pourront rentrer chez eux.

    Chers collègues, nous savons tous que le volume et la complexité accrue de nos fonctions consulaires est attribuable au fait que notre monde est toujours plus interconnecté. Il nous faut trouver des façons de mieux composer avec cette nouvelle réalité.

    Je sais que votre comité étudie actuellement d'autres aspects importants de la mondialisation en se penchant sur les relations entre le Canada et le monde musulman, un dossier qui revêtira une importance toujours plus grande au cours des prochaines années. C'est une étude très importante, et j'ai hâte d'en discuter avec vous aujourd'hui, si vous le souhaitez.

    Merci beaucoup.

¿  +-(0915)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Je demanderais à mes collègues d'être brefs. Ils disposeront de six minutes plutôt que dix, parce que dix députés m'ont déjà signalé leur désir d'intervenir.

    Le Conseil des ministres se réunit à 10 heures, et le ministre doit nous quitter au plus tard à 9 h 55.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer ce matin.

    J'aimerais signaler d'entrée de jeu que notre comité a reçu d'excellents services de l'ambassade lorsqu'il s'est rendu en Turquie, en Iran, en Arabie Saoudite et en Égypte. Nous avons pu constater que notre personnel diplomatique travaille très fort là-bas, et nous lui en sommes reconnaissants.

    Je ne veux pas prolonger le débat sur les avantages de la diplomatie douce par opposition à la diplomatie dure. Nombre d'intervenants jugent que le choix est clair. Lorsque vous devez composer avec des tyrans et des dictateurs, la diplomatie douce ne donne rien. Elle est utile lorsque vous traitez avec des états démocratiques comme la Finlande, le Danemark ou la Nouvelle-Zélande. Nombre d'entre nous sommes convaincus que lorsque vous intervenez avec conviction et que l'État visé sait que vous êtes prêts à agir officiellement et que vous n'avez pas l'intention de changer d'idée, vous obtenez des résultats. Lorsque nous étions en Iran, nous avons parlé à des défenseurs des droits de la personne qui ont dit « soulevez ces questions dans l'arène publique. Faites beaucoup de grabuge lorsque vous apprenez que nos droits de la personne et même nos vies sont en péril aux mains de ces régimes ». Ce sont ces gens que nous devons écouter, des gens comme M. Sampson et M. Balfour. Lorsque des Canadiens sont touchés, vous devez être directs, communiquez directement avec les intervenants, mais ces régimes doivent être conscients du fait que s'ils n'agissent pas, vous vous tournerez vers l'arène publique.

    J'aimerais demander au ministre les dernières mesures prises par son ministère dans l'affaire Kazemi. Le Canada a une occasion rêvée de jouer le rôle de catalyseur et de faciliter l'instauration d'un mouvement réformiste en Iran, sans pour autant imposer sa propre perception des questions souverainistes. Le ministre peut-il nous dire quelles mesures il a prises depuis que le député réformiste responsable de la commission d'enquête dans l'affaire Kazemi, M. Mohsen Armin, a communiqué les derniers renseignements. Nous avons d'ailleurs rencontré M. Armin il y a deux semaines. Dans son rapport, il signale que le procureur a peut-être falsifié des éléments de preuve, dit à des témoins de mentir, et qu'il aurait peut-être même été présent lors de l'attaque qui a causé la mort de Mme Kazemi. L'auteur de ce rapport a été condamné à six mois de prison le jour même de la publication du document. Le bureau du ministre des Affaires étrangères a-t-il protesté?

    Nous avons des questions à poser sur l'affaire de M. Arar. Pourquoi a-t-il été arrêté aux États-Unis? Le Canada a-t-il donné des renseignements aux autorités américaines? Pourquoi ne s'est-on pas opposé à la torture dont il dit avoir été victime? Nous avons beaucoup de questions. Allons-nous recevoir des réponses? Le comité devra-t-il décider par vote, peut-être même aujourd'hui, qu'il faudrait tenir une commission d'enquête publique, ce qui prendra beaucoup d'argent et coûtera peut-être des millions de dollars? Aurons-nous en temps opportun des réponses à nos questions touchant l'affaire Arar?

    Ce sont là mes deux questions.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur le ministre, vous avez trois minutes.

[Traduction]

+-

    L'hon. Bill Graham: Je tiens d'abord à vous remercier des commentaires que vous avez faits sur l'aide que vous avez reçue de notre personnel d'ambassade à l'étranger. Je tiens également à remercier le comité de s'être rendu dans ces pays. Je crois que votre rapport est important. Je crois également qu'il est important de se rendre en région et de voir ce qui s'y passe. Je crois que cette mission portera fruits.

    Monsieur Day, je sais que nous ne sommes pas d'accord quant à ce qu'il faut faire dans des circonstances particulières. Parfois, vous auriez préféré que j'intervienne publiquement ou que je prenne des mesures plus catégoriques, et parfois j'aurais voulu que vous me donniez la chance de voir si je pouvais intervenir de façon un peu différente. Les commentaires que vous avez faits me poussent à croire que nous voyons les choses sous le même angle. Nous sommes conscients du fait qu'un débat se déroule actuellement en Iran. S'il prend les bonnes décisions, le Canada pourrait faire la promotion de la démocratie en Iran et peut-être même obtenir des résultats dans l'affaire Kazemi. Je vous ai souvent parlé ainsi qu'à d'autres intervenants de la dynamique de la politique iranienne à cet égard et également en ce qui a trait aux questions nucléaires. C'est justement ce que nous essayons de faire.

    J'ai été très heureux lorsque la Chambre des députés a publié son rapport, parce que nous pensions que ça serait justement possible, que l'Iran et la société iranienne reconnaissent la nature même de l'affaire Kazemi. C'est pourquoi nous avons toujours abordé cette affaire comme étant la mort d'une femme qui jouait son rôle de journaliste.

    Qu'allons-nous faire? Nous allons être présents lors du procès, comme c'est notre droit. Nous allons suivre de très près ce procès. Tout le monde commence à connaître les motifs qui ont inspiré le gouvernement iranien, mais je pense que ce procès nous permettra de sensibiliser les Iraniens. Les témoins seront interrogés. Quelqu'un accusera sans aucun doute quelqu'un d'autre. Nous avons pris les mesures qui s'imposent pour être présents, les médias et les ONG internationales y seront également. C'est un pas dans la bonne direction.

    Nous maintiendrons nos contacts, comme je l'ai toujours fait par le passé. J'ai toujours communiqué ouvertement avec le gouvernement iranien. J'ai rencontré le ministre des Affaires étrangères, comme vous le savez, j'ai organisé des conférences de presse à la suite de ces rencontres. Vous avez dit que l'on ne se tourne pas vers l'arène publique. Lors de ma conférence de presse à New York, j'ai dit clairement à tous les intéressés ce que j'avais dit au ministre iranien au sujet de ce dossier. Notre message public et notre message privé sont les mêmes. Cela dépend parfois du moment qu'on a choisi.

¿  +-(0920)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur le ministre, veuillez terminer rapidement, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    L'hon. Bill Graham: Je sais que d'autres députés voudront me poser des questions à cet égard, et nous aurons certainement l'occasion d'en discuter en plus amples détails. Pour ce qui est de l'affaire Mahar Arar, comme vous le savez, le solliciteur général a annoncé que la Commission des plaintes du public contre la GRC enquêtait sur ce dossier. Encore une fois, cela nous donnera l'occasion, je l'espère, de connaître les dessous de cette affaire et d'obtenir des réponses aux questions. J'espère que ce processus portera fruits, mais si ce n'est pas le cas, il existe d'autres mécanismes au sein du système juridique canadien. J'ai rencontré certains des conseillers juridiques fort compétents d'ailleurs de M. Arar, des représentants d'Amnistie internationale et d'autres intervenants, et je sais qu'ils feront tout ce qu'ils peuvent pour s'assurer qu'il s'agira là d'une enquête ouverte et approfondie et qu'ils ont accès aux renseignements pertinents.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Madame Lalonde, s'il vous plaît.

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le ministre, merci d'être ici.

    Je pense que nous partageons tous le fardeau qui est le vôtre. Faisons quelques statistiques faciles: il y a eu une morte et deux hommes brisés. Je parle de M. Sampson et de M. Arar, qu'on a vus hier et qui, manifestement, ont tous deux souffert de torture et de sévices divers. Ne sentez-vous pas le besoin de revoir avec votre équipe la façon de faire, de vérifier si tout ce que vous pouviez faire a bien été fait et si cela a été fait au bon moment? Face à ces drames, n'y a-t-il pas lieu de se regarder et de voir comment on a fait les choses?

    Deuxièmement, parlons de l'action internationale. Vous avez vous-même souligné, au début, que beaucoup plus de gens voyageaient et que certaines destinations pouvaient être dangereuses. N'y a-t-il pas lieu de lancer, au plan international--et les parlementaires peuvent aussi faire quelque chose à cet égard--une action visant à s'assurer que, dans les cas de double nationalité, le dernier pays choisi par le citoyen, c'est-à-dire celui qui a émis son dernier passeport, ait la capacité d'avoir une voix plus forte quand ce citoyen est en difficulté? Cela irait dans le sens d'un élargissement de l'application de la Convention de Vienne.

    Le Centre international de ressources juridiques vous a soumis un dossier extrêmement bien fait sur le cas Kazemi et vous suggère une série d'actions internationales que je vous demande de mettre en oeuvre. Bien sûr, quand il faut que le procès se termine là-bas, il faut attendre, mais autrement, il y a plusieurs types d'actions internationales qu'on peut lancer. Je dirais que les citoyens de tous les pays sont concernés par cela.

    Finalement, j'aimerais vous poser une petite question concrète sur l'affaire Kazemi, question que j'ai soulevée partout où nous sommes allés en Iran. J'ai constaté que pour les gens d'Iran, c'était une question extrêmement importante. Êtes-vous prêt à aider la coalition en contribuant au financement d'un observateur? Nous savons qu'il est possible qu'il y ait un observateur de la coalition québécoise et canadienne. De l'argent a été recueilli et il y en d'autre qui le sera, mais il serait bien que le ministère puisse contribuer au financement de cette observation.

¿  +-(0925)  

+-

    L'hon. Bill Graham: Madame Lalonde, je vous remercie de votre question. Je crois que vous l'avez très bien située dans une perspective humaine. C'est bien beau de parler de diplomatie, mais quand vous êtes la personne détenue... Comme vous l'avez dit, il y a une morte et deux vies brisées par ces gestes. Il y en a peut-être des centaines ou même des milliers d'autres dans d'autres pays. Bien sûr, il faut trouver une solution internationale. Vous savez très bien que dans le monde actuel, un pays ne peut pas résoudre cela complètement seul. C'est en collaboration avec les autres pays qu'on va régler cela.

    Je vais vous donner un exemple concret. Dans l'affaire de Mme Kazemi, je crois que si nos efforts ont porté certains fruits jusqu'à maintenant, c'est en partie parce que nous avons parlé directement à nos collègues européens et leur avons fait comprendre qu'il s'agissait d'une femme qui exerçait ses fonctions et ses droits de journaliste et qui a été tuée dans l'exercice de ses fonctions. J'en ai parlé avec Kofi Annan en utilisant le même langage. Donc, quand nous engageons la communauté internationale, notre voix est beaucoup plus forte.

    Deuxièmement, il y a d'autres choses à faire au niveau international, et nous faisons des choses. Nous en avons fait notamment dans le cas de M. Sampson. L'Arabie Saoudite est signataire de la Convention contre la torture, mais il y a un protocole additionnel qui permet aux observateurs internationaux d'avoir accès aux personnes dans les pays. Il faut absolument que le Canada insiste pour que les autres États signent le protocole d'accès. Nous avons commencé notre travail à cet égard. En droit international, il y a énormément de normes internationales qui existent, mais qui ne sont pas appliquées dans la pratique parce qu'il n'y a pas moyen de les appliquer. Je suis certain que mon collègue Irwin Cotler sera d'accord avec moi. Dans le cas de la Convention sur la torture, il y a un moyen et il faut qu'on essaie de persuader d'autres États de se rallier à cet accord. Je crois que c'est seulement en faisant des efforts au niveau international qu'on parviendra à régler cette situation.

    Au niveau international, pour changer le droit de la citoyenneté, c'est beaucoup plus compliqué. Je me souviens du cas des Russes, l'an passé. M. Cotler est un expert en cette matière également. Si un Canadien d'origine hongroise ou russe retournait dans son pays d'origine, on lui disait toujours qu'il n'était pas un Canadien et qu'il lui était impossible de se débarrasser de sa citoyenneté.  Le seul cas où nous avons réussi à cet égard, je crois, est celui de Hong Kong. Les Chinois ont admis que les gens originaires de Hong Kong devaient être considérés comme des Américains ou des Canadiens s'ils avaient un passeport canadien ou américain. Si je ne me trompe pas, c'est l'un des rares cas où nous avons réussi.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer à Mme Marleau. Vous répondrez par la suite, monsieur le ministre.

    Madame Marleau.

[Traduction]

+-

    L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Nous sommes tous au courant de l'affaire Mahar Arar et des questions importantes qui se posent à cet égard.

    Je vais poser une question qui à mon avis s'impose. Combien d'autres Canadiens ont été arrêtés dans un aéroport américain depuis le 11 septembre et envoyés dans un pays qui, d'après les rumeurs, auraient recours à la torture ou à d'autres moyens pour obtenir des prétendus aveux? Combien de noms le ministère des Affaires étrangères connaît-il? Combien d'entre eux se trouveraient dans une situation semblable à Mahar Arar, mais n'auraient peut-être pas d'épouse ou de famille qui parlerait publiquement? Je m'inquiète énormément de la situation parce que si cela s'est produit une fois, ce n'est pas impossible qu'il y ait d'autres victimes.

¿  +-(0930)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur le ministre.

[Traduction]

+-

    L'hon. Bill Graham: Je comprends votre problème, mais nos fonctionnaires nous disent qu'à notre connaissance aucun Canadien n'a été envoyé dans un pays contre son gré, à part M. Arar. Comme vous le savez, dans l'affaire Arar, nous avons eu un accès consulaire au détenu au début, et ce qui nous a tout particulièrement bouleversés c'est qu'il a été envoyé à l'étranger au moment même où nous cherchions à l'aider dans le dossier de l'immigration. Cela ne s'est pas produit dans d'autres cas. Je crois que l'attention que cette affaire a reçue et les interventions vigoureuses que nous avons faites auprès de nos collègues américains permettront d'assurer dans une large mesure que ces derniers reconnaîtront qu'il y a un aspect diplomatique à cette affaire. Je suis convaincu que ce genre de chose ne se reproduira pas; cependant on ne peut rien garantir.

+-

    Le président: Monsieur Harvard.

+-

    M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): J'aimerais signaler d'entrée de jeu, monsieur Graham, que je conviens avec vous que le travail consulaire n'est pas chose facile. Les choses ne sont pas toujours très claires. Je crois qu'on critique très souvent injustement le travail que font nos représentants à l'étranger. Je dois pense qu'ils travaillent effectivement dans des circonstances fort pénibles. Je conviens également avec vous que rappeler un ambassadeur porte rarement fruits.

    Ma question porte également sur l'affaire Arar. Reprenez-moi si je me trompe, monsieur Graham, mais j'avais cru comprendre que M. Arar n'avait pas eu accès au début de cette affaire à des services consulaires, ce qui va à l'encontre du droit international. Si j'ai bien compris—et M. Cotler l'a déjà signalé—, on a violé la loi américaine en envoyant M. Arar en Syrie. Je ne parle pas ici de droit international, mais de loi américaine.

    Êtes-vous convaincu, à titre de ministre des Affaires étrangères, que les Américains se sont toujours comportés de façon responsable dans l'affaire Arar? Dans la négative, avez-vous fait part de vos préoccupations s'il en est à votre homologue américain? Jugez-vous, de plus, que nos responsables de l'ordre public et de la sécurité se sont comportés de façon appropriée? Dans la négative, leur en avez-vous parlé? Si vous jugez qu'ils n'ont pas agi de façon responsable, quelle est votre position? Ce sont là mes questions.

+-

    Le président: Monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Bill Graham: Je vous remercie de vos questions. Je suis d'accord avec vous, monsieur Harvard, moi aussi je me suis inquiété de la situation.

    Je dois cependant vous signaler que vous vous êtes trompé sur un point technique. Étudions la chronologie de cette affaire. M. Arar devait revenir de la Tunisie le 26 septembre. Le 29 septembre, on a dit à des représentants canadiens qu'il avait disparu. Le 1er octobre, les Américains en réponse à une demande de renseignements, ont confirmé que M. Arar était détenu par les autorités américaines. Le 3 octobre, des représentants canadiens l'ont rencontré. Le 5 octobre il a rencontré un avocat. Le 7 octobre, on lui a dit qu'il y aurait une audition en matière d'immigration. Le 8 octobre, nous avons perdu tout contact avec M. Arar, et nous croyons qu'il a été expulsé ce matin-là. Le 10 octobre, des représentants américains ont confirmé l'expulsion de M. Arar en Syrie. Les représentants syriens niaient toujours alors avoir accueilli M. Arar, et nous avons immédiatement soulevé la question auprès de l'ambassadeur des États-Unis. Ce n'est que le 21 octobre que la Syrie a confirmé pour la première fois que M. Arar était dans ce pays, et j'ai soulevé la question lors d'une conversation avec l'ambassadeur de la Syrie; nous avons poursuivi le dialogue comme vous le savez. C'est comme cela que les choses se sont déroulées.

    Cette chronologie ne permet pas de répondre aux questions suivantes : qui a pris la décision? de quels renseignements s'est-on inspirés; comment en est-on venu à cette décision et en fait cette décision était-elle légale? Je ne peux pas vous dire si aux termes de la loi américaine le gouvernement avait le droit de procéder de cette façon. On m'a dit que la loi américaine autorise le gouvernement à expulser une personne dans n'importe quel pays. Les Américains ne sont pas tenus de renvoyer cette personne dans son pays d'origine. C'est ce qu'on m'a dit, mais je ne peux pas vraiment confirmer si c'est exact. Des avocats américains en sauraient plus long.

    Hier matin, j'ai entendu à la radio un commentateur américain dire que le Canada avait certainement refusé que M. Arar y revienne. C'est absolument faux. Selon les dispositions du droit international, vous ne pouvez pas interdire à un de vos citoyens de revenir chez lui, et je ne crois pas que le Canada refuserait de laisser un citoyen canadien rentrer au Canada. Tout simplement impossible.

    Il nous faut encore donc des réponses à ces questions.

¿  +-(0935)  

+-

    M. John Harvard: Il ne pouvait pas être jugé équitablement en Syrie, et c'est pourtant là que les Américains l'ont envoyé.

+-

    L'hon. Bill Graham: C'est une opinion dont nous devons faire part aux Américains. Est-ce que je l'ai signalé aux autorités états-uniennes? Bien sûr. J'ai soulevé la question auprès du secrétaire Powell à deux occasions. Vous savez maintenant que l'ambassadeur des États-Unis a officiellement répondu ici, au Canada. Il a dit que la décision de déporter M. Arar a été prise par les autorités américaines, agissant en vertu de leur propre droit de souveraineté, mais qu'elle était fondée sur des discussions avec des fonctionnaires canadiens et des renseignements fournis par eux. C'est ce qu'il a dit. C'est ce que les Américains disent officiellement. Chaque fois que je soulève la question auprès de M. Powell, c'est cette réponse-là qui m'est donnée.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Madame McDonough à vous.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je suis très heureuse de voir le ministre des Affaires étrangères comparaître maintenant devant le comité. Je tiens à exprimer ma frustration, mon entière insatisfaction du fait que cela ait pris si longtemps, alors qu'il s'agit de la première demande exprimée par ce comité lors de sa première réunion, au début de septembre.

    Monsieur le ministre, je suis très contente de vous avoir entendu parler, dès le début, du niveau élevé des services consulaires, parce que cela nous donne à tous l'occasion de dire que nous sommes tout à fait d'accord, et que dans la vaste majorité des cas ces services sont exemplaires. Il est également vrai que nous sommes admirablement servis par les excellents ambassadeurs que nous avons partout dans le monde.

    Je veux toutefois passer à la question de savoir s'il existe divers types de diplomatie. Je crois que nous reconnaissons tous que la réponse est oui. Parfois, il faut recourir à la diplomatie douce et, parfois, c'est une diplomatie musclée qui s'avère nécessaire. Je ne pense pas qu'il faille dire que la diplomatie musclée peut être assimilée à de la rhétorique hystérique.

    Ce qui me préoccupe vraiment, c'est de savoir pourquoi on n'est pas passé plus activement du niveau diplomatique classique au domaine politique. C'est pourquoi, à l'instar de tous ceux qui suivent cette histoire de très près, je crois fermement qu'il nous faut une enquête publique indépendante et exhaustive. Il a fallu que près d'une année entière s'écoule avant qu'en votre qualité de ministre, vous parliez à votre homologue syrien aux Nations Unies. Beaucoup de gens vous sont très reconnaissants de l'avoir fait et d'avoir parlé au secrétaire général de la Ligue arabe lorsqu'il est venu au Canada. La plupart des gens s'entendent à reconnaître que ce sont ces deux interventions qui ont finalement entraîné la libération et le retour de Mahar Arar dans son pays. Vu que pratiquement tout le monde s'entend à dire que ce sont ces deux interventions politiques qui ont enfin produit des résultats, pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps?

    Comme vous le savez, le comité étudie aujourd'hui une proposition visant à recommander officiellement au gouvernement d'obtenir une enquête publique. Je veux savoir si vous allez appuyer cette demande d'enquête publique, compte tenu du fait qu'il y a eu un nombre incroyable de rumeurs, dont beaucoup que l'on sait être fausses, qu'il y a eu des sous-entendus, des réputations qui ont été salies par des sources gouvernementales qui laissent régner une odeur de suspicion à l'endroit de cette personne. Cela mine la confiance que peuvent avoir les gens quant aux activités de ce gouvernement relativement à l'affaire Arar.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Madame McDonough, vous voulez obtenir une réponse?

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci.

+-

    L'hon. Bill Graham: Il y a deux questions distinctes. D'une part, il y a les particularités du cas de Mahar Arar et, d'autre part, nous devons nous demander comment nous voulons traiter ce genre de situation. Il est peu probable que pour chaque cas où une personne est arrêtée ou détenue dans un pays étranger, le ministre des Affaires étrangères s'installe au téléphone le lendemain du jour où cela se produit et entre en communication avec ses homologues. Nous devons passer par nos canaux de communication respectifs, et l'on passe par les divers degrés hiérarchiques.

    Lorsque vous dites qu'en rencontrant le ministre des Affaires étrangères syrien à New York, je lui parlais de cette question pour la première fois, vous vous trompez. En fait, je lui ai parlé en janvier. Je lui ai téléphoné, et nous avons eu une longue conversation. À ce moment-là il m'avait assuré qu'il examinerait la question en personne et que les choses allaient bouger. Je crois bien avoir compris qu'il se disait extrêmement préoccupé par la réaction du Canada. Je lui ai parlé au téléphone au moins à quatre reprises. Et, bien sûr, entre-temps, le premier ministre a écrit au président. Il y a donc eu une série d'événements qui, comme vous le dites, ont abouti à notre rencontre à New York. Un représentant du service de sécurité était présent à cette réunion. Nous avons exercé des pressions énormes pour que M. Arar nous soit renvoyé. À ce moment-là, les Syriens s'en tenaient encore à la position que j'ai officiellement rendue publique, à savoir qu'ils allaient lui intenter un procès en Syrie, mais qu'ils ne le jugeraient pas devant un tribunal militaire. C'était encore leur position officielle à ce moment-là.

    Ensuite, comme vous l'avez souligné, nous avons reçu au Canada M. Amre Moussa, le secrétaire général de la Ligue des États arabes. Je suis d'accord avec vous. Je crois que le fait qu'il ait pu voir combien cela était important et que j'aie pu lui dire « cela est important pour le Canada; la perspective que les Canadiens ont sur le monde arabe est influencée par ce type de situation; notre opinion sur le système judiciaire qui règne au Moyen-Orient est affectée par ces événements »... J'ai également soulevé la question auprès de M. Amre Moussa lorsque j'étais à New York. Mais il a fallu également l'instruire des détails de la situation. C'est une fois qu'il est venu au Canada et qu'il a fait face aux réactions des journalistes qu'il a dit : « Cette question-là est importante ». Lorsque je le rencontre à New York et que je lui dis qu'il doit faire quelque chose, qu'il doit intervenir, l'atmosphère n'est pas la même. Je crois que s'il était venu ici plus tôt nous aurions pu faire avancer le dossier plus rapidement. Cela est vrai. Mais je tiens à vous assurer que nous avisions sur tous les fronts, constamment, par toutes les interventions possibles et imaginables pour faire avancer notre cause, que ce soit à New York ou au cours de réunions à l'étranger. Je suis également navré de voir que cela ait pris tant de temps. Il est épouvantable de penser aux souffrances qui ont été imposées à M. Arar durant son séjour en prison. Mais, je vous en prie, n'allez surtout pas croire que nous ne déployions pas tous les efforts imaginables à mesure que la situation évoluait.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme Carroll. Elle va partager son temps avec Mme Redman.

    Madame Carroll, à vous la parole.

+-

    Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): M. Day a mentionné Mohsen Armin. Nous avons eu l'occasion d'avoir avec lui un déjeuner rencontre. Il est un membre des réformistes. En fait, il a été président de la Commission sur l'article 90. Comme cela a déjà été dit, il s'est fait imposer une peine de six mois de prison pour avoir prétendument insulté l'un de ses confrères du groupe intransigeant. Cela m'a été confirmé hier soir, lors d'un dîner avec l'ambassadeur d'Iran, dîner auquel trois d'entre nous étaient présents. Je veux simplement signaler, monsieur le ministre, que nous avons tous trouvé que cet homme fait preuve d'un courage considérable. Je crois que le rapport à la rédaction duquel il a présidé montre bien le courage dont je parle. C'est un homme qui, comme il nous l'a dit, a débattu du cas de Mme Kazemi plus que toutes autres questions dont le Majlis était saisi, et qui, en fait, a mené la charge pour que l'affaire soit portée devant les tribunaux. J'ai l'impression qu'avant le meurtre de Mme Kazemi, notre gouvernement essayait d'appuyer les réformistes et de travailler avec eux. Je profite donc de l'occasion qui m'est offerte pour vous demander ceci : notre gouvernement, par l'entremise de notre ambassadeur, ne pourrait-il pas dire combien il trouve aberrant que cet homme, qui s'est conformé entièrement aux règles du système, malgré toutes les difficultés que cela entraîne, soit maintenant condamné de la sorte pour avoir eu le courage de faire le travail qu'il a fait.

    Merci.

¿  +-(0945)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur le ministre.

[Traduction]

+-

    L'hon. Bill Graham: Je trouve cette question très importante. J'ai eu l'occasion de me rendre en Iran lorsque j'étais président du comité, et j'ai rencontré un bon nombre des membres du Majlis, dont beaucoup qui ont fait des études en Amérique du Nord. Ce sont des gens très éloquents et très bien instruits. Ils étaient extrêmement frustrés de ne pas pouvoir aboutir aux résultats qu'ils visent. Ils doivent trouver extrêmement troublant de voir l'un de leurs propres membres arrêté pour avoir préparé un rapport indépendant. J'ai l'intention de signaler au ministre des Affaires étrangères d'Iran le fait que cette question a été soulevée par votre comité et de lui dire que le Comité des affaires étrangères a discuté de la question et que nous trouvons cette affaire extrêmement troublante. C'est de cette façon que nous espérons changer le comportement des gens. Il s'agit de discuter ouvertement de ces questions et d'exprimer nos vues en qualité de politiques. Je crois que cette situation influe sur l'image de l'Iran dans le monde, et je crois que les Iraniens devraient savoir ce que les Canadiens en pensent.

+-

    Mme Aileen Carroll: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Madame Redman.

+-

    Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, merci d'être des nôtres.

    Ma question est semblable à celle qu'a posée Mme Lalonde. Les trois affaires que nous avons pris le temps d'étudier sont, chacune à sa façon, extrêmement troublantes. Cela dit, je crois que l'article de Michael Bell, un des excellents anciens ambassadeurs du Canada, dans le Globe and Mail d'hier, exprime vraiment l'inquiétude qu'éprouvent les Canadiens, à savoir que notre passeport ne nous protège pas de la façon dont de nombreux Canadiens supposent qu'il le fait. Je vous pose donc une question à deux volets. Je sais que vous avez fait référence à cela dans votre réponse à Mme Lalonde. Faisons-nous tout le travail nécessaire pour parvenir à la situation où les gens qui ont choisi de devenir citoyens du Canada puissent être traités comme tous les Canadiens, de sorte que les Canadiens aient l'assurance qu'aux yeux du monde ils sont toujours considérés comme Canadiens, comme M. Bell le dit dans son article?

    Je crois vraiment que la diplomatie douce, telle que vous la décrivez, nous a très bien servis. Je ne crois pas que ces situations souvent très délicates doivent nécessairement faire la une des journaux. Toutefois, M. Bell observe, à juste titre, que les médias ont une fonction précise à remplir, et que parfois cela ne fait qu'exacerber des situations déjà très délicates. Dans le cas de Mahar Arar, je crois que les efforts incessants de sa femme ont porté sa situation à l'attention du grand public. Mais il y a des centaines de Canadiens et des gens d'autres pays dans le monde qui dépérissent dans des prisons étrangères. De notre point de vue, quel est le rôle le plus positif que les médias peuvent jouer dans ces situations?

+-

    Le président: Monsieur le ministre, à vous.

+-

    L'hon. Bill Graham: J'ai également lu l'article de M. Bell et je crois qu'il a été très utile, parce qu'il passe en revue ce que nous pouvons faire, ce que nous ne pouvons pas faire, ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas.

    Pour en revenir à vos observations au sujet de la diplomatie douce, j'essayais de dire que nous voulons que les instruments diplomatiques soient à notre disposition, mais qu'il faut surtout savoir comment s'en servir. Nous avons besoin des instruments de la diplomatie pour faire passer un message, que cela soit fait doucement ou durement. Je suis d'accord avec M. Day et avec d'autres lorsqu'ils disent qu'il y a des situations qui exigent que l'on s'exprime vigoureusement pour obtenir des résultats. Je suis porté à croire que nous nous sommes exprimés de façon très vigoureuse tant en ce qui concerne la Syrie qu'en ce qui concerne l'affaire de Mme Kazemi en Iran. Lorsque j'ai rencontré le ministre iranien des Affaires étrangères, il m'a accusé d'empoisonner complètement les relations avec l'Iran en agissant comme nous le faisions. Nous avons donc certainement obtenu qu'il s'intéresse à ce que nous disions. Cela est incontestable, nous devons nous exprimer de façon musclée dans certaines de ces situations.

    Toutefois, le problème le plus troublant est précisément celui que vous avez mentionné, celui de la double citoyenneté. Le nombre de pays qui accueillent des immigrants va toujours croissant. J'ai eu des conversations à ce sujet avec des hauts fonctionnaires et des leaders internationaux. Changer la Convention de Vienne qui compte, je crois, environ 160 signataires, représente une tâche énorme. Nous devons essayer de modifier les méthodes de fonctionnement des États et d'obtenir l'accord de chacun deux. Le cas de Hong Kong est inhabituel. La Chine a reconnu qu'il y a tant de citoyens de Hong Kong qui ont d'autres nationalités, notamment les nationalités américaine et canadienne, qu'il faut prévoir des modalités particulières dans ce cas-là. Toutefois, je crois que nous devons travailler sur les deux fronts. À mon sens, ce qui va nous aider c'est que cette situation devient de plus en plus normale pour tout le monde. Mes collègues du Royaume-Uni, de la France, ou de l'Europe me disent tous avoir le même problème. Je crois que tous les pays modernes éprouvent ce problème. Tôt ou tard, nous réussirons à faire changer cela. Nous allons continuer à y travailler.

    Je termine en disant que je reconnais volontiers que les efforts de Mme Arar ont considérablement aidé à sensibiliser l'opinion publique. Les interventions de sa députée, Mme Catterall, de Mme McDonough et d'Irwin Cotler, qui a agi en qualité de conseiller juridique, ainsi que d'autres personnes, montrent bien que la façon de faire progresser ces dossiers, c'est d'amener les politiques, les ONG et le public à s'intéresser à la question. C'est de cette façon-là que nous pouvons être utiles. La situation est complexe. Je crois qu'il faut faire un travail d'équipe, et je crois que dans ce cas particulier, il y a justement eu un véritable travail d'équipe.

¿  +-(0950)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Casey.

[Traduction]

+-

    M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci beaucoup.

    Une des difficultés qu'a éprouvées l'équipe, c'est que nous avons bien du mal à obtenir de l'information. Il y a quelques instants vous avez dit que si l'enquête de la GRC ne réussit pas à nous fournir les réponses, il y a d'autres moyens auxquels nous pouvons recourir. Pourriez-vous nous dresser la liste de ces autres moyens?

+-

    L'hon. Bill Graham: Ce que j'ai dit c'est que, selon moi, c'est ce que la GRC a dit vouloir faire. Je propose donc que nous prenions la GRC au mot. Voilà une occasion qui nous est offerte. Participons à cette enquête. Au cas où elle ne nous fournit pas des résultats satisfaisants, les avocats de M. Arar ainsi que d'autres personnes pourront envisager d'autres moyens, notamment une requête présentée à la Cour fédérale. Je ne suis pas un spécialiste des recours éventuels. Je soutiens cependant qu'on nous indique qu'il y aura un processus qui devrait permettre au public d'être pris en compte et qui devrait aboutir à la diffusion de l'information. Donnons à ce processus la possibilité de se dérouler. Voilà mon interprétation politique de la situation. Du point de vue politique, vous jugerez peut-être que nous devrions adopter une autre voie. J'estime quant à moi, d'un point de vue politique, qu'il faut laisser au processus de la GRC la possibilité de se dérouler.

+-

    M. Bill Casey: Vous avez dit qu'il y a d'autres moyens auxquels nous pouvons recourir. Je l'ai écrit. Si vous ne pouvez en dresser la liste, eh bien, soit. Nous avons de la difficulté à obtenir de l'information. Avez-vous une liste des autres moyens auxquels nous pouvons recourir?

+-

    L'hon. Bill Graham: Une partie de la difficulté à obtenir de l'information—et c'est peut-être bien un problème que la commission de police éprouvera également—c'est qu'une bonne partie de l'information se trouve entre les mains des autorités américaines. Comprendre ce que les autorités américaines ont fait un jour donné et pour quelles raisons pourrait être difficile pour les Canadiens, parce que nous n'avons pas la capacité de forcer des Américains à comparaître devant une instance canadienne.

+-

    M. Bill Casey: J'ai deux ou trois autres questions, si vous permettez. Vous dites dans votre témoignage que, le 7 octobre, le Canada a appris qu'il y aurait une audition en matière d'immigration. Avons-nous demandé d'être présents à cette audition?

+-

    L'hon. Bill Graham: Nous aurions demandé d'être présents à l'audition. À ce moment-là, il y avait un avocat qui agissait en son nom, et nous collaborions avec l'avocat.

+-

    M. Bill Casey: Nous avons donc demandé d'être présents.

+-

    L'hon. Bill Graham: Oui, et nous voulions travailler avec l'avocat.

+-

    M. Bill Casey: Avons-nous été présents à l'audition?

+-

    L'hon. Bill Graham: L'audition a eu lieu sans que nous ne soyons mis au courant.

    Je cède la parole à M. Sigurdson.

+-

    M. Konrad Sigurdson (directeur général, Direction générale des Affaires consulaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Nous avons demandé d'être inclus lors de l'audition, qui était prévue pour le 9, je crois bien. Nous avions parlé à l'avocat ainsi qu'à M. Arar, et toutes les dispositions avaient été prises. Ensuite, les Américains nous ont appris qu'en fait l'audition avait eu lieu à environ trois heures du matin ou un peu plus tôt, et que nous n'en n'avions pas été informés. Lorsque nous sommes arrivés, le lendemain, nous nous sommes fait dire que l'audition avait eu lieu et que M. Arar n'était plus au Metropolitan Detention Center.

+-

    M. Bill Casey: Je voudrais poser une dernière question. Lorsque nous avons entendu parler de cette affaire pour la première fois, certaines fuites laissaient entendre que M. Arar était coupable. Depuis qu'il est revenu au Canada, il y a eu des fuites sordides en provenance de Syrie au sujet de renseignements qu'il aurait ou qu'il n'aurait pas fournis. Je crois que cela le place dans une situation dangereuse. Ses problèmes sont loin d'être résolus. Le Canada fait-il quoi que ce soit, en ce moment même, pour protéger ses droits et assurer sa sécurité?

+-

    L'hon. Bill Graham: L'autre jour, je me suis indigné ouvertement de ces fuites et de ces insinuations. Je suis tout à fait d'accord avec vous. On risque ainsi de mettre sa vie en danger. Il n'y a aucun moyen de vérifier l'exactitude de ce qui est dit ni d'obtenir la moindre précision de cette façon. C'est un problème courant, lorsqu'on est aux prises avec des déclarations non attribuées et impossibles à vérifier au sujet d'une affaire quelconque. Il est tout à fait inacceptable que cela se produise dans ces circonstances. Je trouve particulièrement troublant qu'on laisse entendre que ces déclarations proviennent de sources de l'intérieur du gouvernement. Je vous assure que j'ai posé des questions au sein de mon ministère, et l'on m'affirme que personne au sein de mon ministère n'est l'auteur d'une de ces déclarations. Je ne crois pas non plus que ces déclarations puissent être le fait d'un de mes collègues à la Chambres des communes ou au sein du conseil des ministres. Nous déployons beaucoup d'efforts pour savoir d'où proviennent ces déclarations, parce qu'elles sont tout à fait inacceptables dans des circonstances telles que celles-ci.

¿  +-(0955)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Je vais demander à mes collègues de poser chacun une question au ministre, sans préambule. Sont inscrits sur ma liste : Mme Catterall, M. Cotler, M. Martin et M. Bergeron.

+-

    Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean): J'aurais aimé avoir plus de temps. Comment parvenir au fond de la question, non seulement auprès du ministère, mais dans tout le gouvernement, lorsque nous entendons parler de fuites qui, éventuellement, mettent à risque les vies d'une jeune famille, y compris de deux jeunes enfants, sinon au moyen d'une enquête publique? Quelles mesures concrètes le gouvernement entend-il prendre pour tirer les choses au clair, de sorte que M. Arar et sa famille puissent continuer de vivre tranquillement?

+-

    Le président: Monsieur Cotler.

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Vous avez traité des questions qui restent à résoudre dans l'affaire de Mahar Arar, y compris le rôle pivot des États-Unis, le rôle de nos organismes responsables de la sécurité, la nature de sa détention en Syrie, son séjour intermédiaire en Jordanie et, plus particulièrement, les préoccupations touchant son innocence en raison des soupçons qui pèsent sur lui du fait des fuites et de tout le reste. Quels sont les recours qui permettront de résoudre et de clore cette affaire, outre l'enquête de la commission des plaintes du public contre la GRC ou le recours au SCRS pour qu'il exerce son rôle de surveillance? Selon vous, quels sont les correctifs appropriés dans ce cas-ci, et pourriez-vous envisager une enquête publique, comme l'a mentionné ma collègue?

+-

    Le président: Monsieur Martin.

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le ministre, quels sont les renseignements que nous avons fournis aux États-Unis et qui les ont contraints à extrader M. Arar vers un pays dont on sait qu'il a recours à la torture et qu'il se livre à des exécutions sommaires? Pourquoi les États-Unis ont-ils violé leur propre loi en extradant M. Arar vers un pays tel que la Syrie?

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Bergeron.

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le président, vous nous avez exposé le rôle des agents consulaires à l'étranger, mais comment le Canada peut-il dire à ses concitoyens qu'ils doivent se conformer au régime judiciaire qui a cours dans le pays dans lequel ils ont été arrêtés lorsque, manifestement, il y a déni de justice et usage de la torture, lorsque, manifestement, il y a des procès bidon, puisque les accusés n'y participent même pas ou n'y sont même pas représentés par un avocat? Comment peut-on prétendre à ce moment-là qu'on doit s'inscrire dans le cadre judiciaire existant?

+-

    Le président: Monsieur le ministre.

[Traduction]

+-

    L'hon. Bill Graham: Quant aux recours, comme d'habitude, M. Cotler, avec son esprit juridique très fin, a repéré un autre élément. Nous avons le comité de Derek Lee ici à la Chambre des communes. Comme j'ai déjà dit, il relève du jugement politique de décider si ce comité-là doit y participer. J'ai eu l'occasion de parler avec M. Lee l'autre jour dans un avion, et je lui ai demandé ce que son comité pourrait faire. On pourrait très bien mettre à contribution ce comité si le processus établi n'est pas satisfaisant.

    Nous tenons tous pour acquis que le processus déjà mis en oeuvre n'aboutira pas aux réponses souhaitées. Pourquoi ne pas laisser se dérouler le processus? C'est ce que dicte mon jugement politique. Nous avons une promesse de la part de quelqu'un de faire quelque chose. Nous savons comment le processus fonctionne. Nous l'avons déjà vu fonctionner. Nous savons qu'il est déficient et qu'il comporte des lacunes. Comme tous les processus juridiques qu'on connaît, il est imparfait. Mais laissons-le se dérouler. Si nous restons sur notre faim au bout du compte, nous pouvons chercher d'autres recours.

    Si vous croyez que le processus va pouvoir pénétrer dans l'esprit des autorités américaines qui ont pris certaines décisions et en cerner les raisons... j'ai l'impression que peu importe le processus adopté au Canada, y compris la Cour suprême du Canada elle-même, on ne pourrait pas obliger un pays étranger à faire comparaître ses représentants afin de nous expliquer leurs décisions. C'est un pays souverain. Ils vont faire ces jugements. Comme vous le savez, Colin Powell, tout comme l'ambassadeur, m'a dit qu'ils ont pris ces décisions en se fondant sur les renseignements qu'ils avaient, et qu'ils avaient le droit de les prendre.

    Cela m'amène à votre question, monsieur Martin. Je ne peux pas vous en donner les raisons. Je ne les connais pas. Je ne sais pas ce qui les a incités à prendre la décision qu'ils ont prise. Ce que je sais—et je l'ai dit à l'ambassadeur des États-Unis et au secrétaire Powell les fois que je l'ai rencontré—, c'est que nous avons mené une enquête détaillée au sein de notre ministère, et on nous a dit que cette conversation n'a jamais eu lieu. On m'a dit que le solliciteur général a mené une enquête semblable. Toutefois, il reste des questions sans réponse. C'est pourquoi je crois que la commission des plaintes du public devrait avoir la possibilité au moins d'entendre ce que la GRC a à dire concernant ces questions.

À  -(1000)  

[Français]

    Monsieur Bergeron, votre question est un peu plus large que ce dont nous discutons ce matin, n'est-ce pas? C'est une question très légitime, parce que nous voyageons et dépendons, pour notre prospérité, d'un monde ouvert. Il faut que les gens puissent voyager et travailler à l'étranger. Mais c'est très complexe. Lorsque j'étais avocat en pratique privée il y a des années, j'ai eu un client qui avait été gardé en prison pendant deux ans en Suisse, sur l'ordre d'un magistrat, sans avoir eu de procès. Ce ne sont pas seulement les pays en développement qui ont des systèmes de droit différents du nôtre. Le système européen est très différent du nôtre. La common law n'est pas la pratique normale de tout le monde.

    Nous devons donc reconnaître la complexité du monde dans lequel nous travaillons, mais nous devons aussi essayer d'établir des normes internationales pour qu'il y ait un standard de justice qui soit normal pour tous les pays. Tel est notre devoir en tant qu'hommes politiques. Les politiciens travaillent dans des organismes internationaux comme l'Union interparlementaire et ils doivent toujours réaffirmer la nécessité qu'il y ait un sens de la justice.

    C'est une question très large et le problème est énorme, et nous devons continuer notre travail. Merci d'avoir posé cette question.

-

    Le président: Monsieur le ministre, merci de votre visite de ce matin. Si vous avez des compléments de réponses à donner aux questions qui vous ont été posées, le comité les accueillera toujours avec plaisir. Je tiens aussi à vous dire, comme M. Day, que nous sommes très heureux du travail exceptionnel qu'ont fait nos ambassades lors de nos visites dans différents pays.

    Merci beaucoup.

    La séance est levée.