CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 février 2003
À | 1040 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)) |
M. Brian Crowley (président, Atlantic Institute of Market Studies) |
À | 1050 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
M. Brian Crowley |
À | 1055 |
Mme Diane Ablonczy |
M. Brian Crowley |
Á | 1100 |
Mme Diane Ablonczy |
M. Brian Crowley |
Mme Diane Ablonczy |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Á | 1105 |
M. Brian Crowley |
Á | 1110 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.) |
M. Brian Crowley |
Á | 1115 |
M. Yvon Charbonneau |
M. Brian Crowley |
Á | 1120 |
M. Yvon Charbonneau |
M. Brian Crowley |
M. Yvon Charbonneau |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (BQ) |
Á | 1125 |
M. Brian Crowley |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Á | 1130 |
M. Brian Crowley |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Á | 1135 |
M. Brian Crowley |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Brian Crowley |
Mme Diane Ablonczy |
M. Brian Crowley |
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)) |
Á | 1140 |
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD) |
M. Brian Crowley |
M. Peter Stoffer |
M. Brian Crowley |
Á | 1145 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Brian Crowley |
Á | 1150 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Á | 1155 |
M. Brian Crowley |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 février 2003
[Enregistrement électronique]
À (1040)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.
Nous accueillons ce matin M. Brian Crowley. Il a présenté un mémoire au comité. Je lui demanderais de nous faire un résumé des préoccupations et des questions qu'il expose dans son mémoire, plutôt que de nous en faire la lecture. Nous laisserons ensuite les membres du comité lui poser des questions, ce qui nous permettra sans doute d'approfondir le sujet.
Je vous cède donc la parole, et j'aimerais vous demander de limiter votre intervention à cinq ou dix minutes. Merci.
M. Brian Crowley (président, Atlantic Institute of Market Studies): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais vous dire que moi, mon organisme et tous les Néo-écossais sommes très heureux que votre comité ait pris le temps de venir nous rencontrer chez nous pour discuter de ces importantes questions.
Je suis le président du Atlantic Institute for Market Studies, qui est un groupe de réflexion sur les politiques d'intérêt public établi ici, à Halifax. Notre institut, qui n'est pas un organisme gouvernemental et qui est entièrement financé par le secteur privé, s'intéresse principalement aux questions d'intérêt public qui touchent le Canada atlantique, mais aussi à celles qui sont de portée nationale, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Compte tenu de la vocation de l'organisme que je représente, je vais vous parler surtout de l'impact économique de l'immigration dans le Canada atlantique ainsi que de quelques autres politiques et mesures qui doivent, je pense, être adoptées pour favoriser l'immigration conformément aux besoins de notre région.
Notre région a plutôt l'impression d'être l'endroit d'où l'on part pour aller vivre ailleurs qu'une destination pour les immigrants, et nous avons bien peu réfléchi, à mon avis, à l'utilité d'attirer les gens chez nous, même si nous profitons de la contribution de ceux qui choisissent de s'établir ici. Un membre de votre comité, qui est un député très respecté d'une circonscription voisine, est arrivé de Hollande au quai 21 et, après être allé en Colombie-Britannique et au Yukon, il s'est installé en Nouvelle-Écosse où il vit actuellement, et il a contribué de façon remarquable à notre société. Il représente bien ce que nous voulons encourager. L'apport des immigrants à la société qu'ils choisissent est tel qu'ils ne peuvent jamais être trop nombreux, surtout pas en Nouvelle-Écosse. En fait, c'est précisément le contraire qui est notre problème. Depuis 100 ans, le Canada atlantique a attiré beaucoup trop peu d'immigrants et c'est, je pense, ce qui a ralenti notre développement.
Examinons, par exemple, le lien qui existe entre la composition de la population d'une province et sa croissance économique, et repérons sur une carte les provinces dont la population est majoritairement née dans la province. C'est à Terre-Neuve que la proportion de la population née dans la province est la plus grande. Ces provinces sont celle dont la croissance économique est la plus faible. À l'inverse, les provinces dont la proportion de la population née ailleurs est la plus élevée sont aussi celles qui connaissent une croissance économique importante. D'ailleurs, les immigrants choisissent de s'établir là où les possibilités sont grandes, dans des villes comme Ottawa, Toronto et Vancouver. Ces centres s'avèrent être de grands pôles d'attraction pour les immigrants.
Mais les immigrants ne font pas seulement que profiter des possibilités qui s'offrent à eux, ils aident aussi à en créer, et une immigration à la hausse est, à mon avis, un signe évident de dynamisme culturel et économique. Nous savons, par exemple, que l'industrie du pétrole et du gaz marins ici va attirer beaucoup d'immigrants en provenance du Texas, de la mer du Nord, de la Norvège, de l'Écosse et de l'Alberta. Je pense que ce sera un indice de succès pour la Nouvelle-Écosse quand des enfants dans nos écoles diront à leurs camarades que leurs parents viennent de l'Alberta, ce qui serait exactement le contraire de ce qui s'est passé pendant au moins trois générations, alors que beaucoup d'écoliers de l'Alberta disaient que leurs parents venaient de la Nouvelle-Écosse. Je pense que nous serons bientôt en mesure de renverser la situation.
Beaucoup de gens viendront s'établir ici et, plus tard, ce sont des habitants de notre région qui iront ailleurs dans le monde transmettre leurs connaissances dans le domaine de l'exploitation du pétrole et du gaz. Mais à moins de changer nos façons de faire, le nombre de nouveaux venus dont notre société a besoin, qu'ils viennent d'ailleurs au Canada ou d'autres pays, sera nettement insuffisant. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la Chambre de commerce de Halifax, d'après les derniers chiffres que j'ai vus, indiquait que l'immigration en Nouvelle-Écosse a considérablement diminué depuis le milieu des années 90, alors que d'autres provinces s'emploient plus énergiquement à attirer de nouveaux arrivants. En 1999, par exemple, nous avons accueilli seulement 1 624 immigrants sur un total de 173 000 au Canada, soit moins de 1 p. 100.
Je pense que nous devons agir de façon urgente, en collaboration avec Ottawa. Notre province est l'une des dernières à avoir conclu un accord avec Ottawa dans le cadre du programme des candidats de la province, par exemple, et je pense qu'elle ne s'intéresse pas assez à l'accueil de nouveaux immigrants, même si on la compare à d'autres provinces de petite taille, comme le Manitoba, qui est un modèle à suivre pour les petites provinces, d'après moi.
Avant de parler davantage d'immigration, je pense qu'il est très important de répondre à un argument qu'on entend souvent dans la région, à savoir que l'immigration est très utile pour des villes comme Toronto, Vancouver, Montréal et Ottawa, mais qu'elle n'est pas du tout souhaitable pour une région comme le Canada atlantique, qui a un sérieux problème de chômage. Il faut dire, il est vrai, que bien des politiques bien intentionnées ont été adoptées en tenant compte du fait que le principal problème d'intérêt public avec lequel la région est aux prises est le chômage. Rien ne pourrait être moins vrai aujourd'hui. Selon les tendances démographiques, la plupart des pays industrialisés connaissent et connaîtront d'importantes pénuries de main-d'oeuvre. C'est plutôt cela, et non le chômage, qui est le problème d'intérêt public de demain.
Le Canada atlantique n'échappe pas à ces tendances. Le dernier recensement indiquait que le dépeuplement du Canada atlantique est plus rapide que ce que les observateurs les mieux informés avaient prévu, ce à quoi s'ajoute le vieillissement de la population dont nous sommes tous au courant. Pour citer les travaux effectués par certains démographes économiques réputés du pays, qui font partie de mon organisme, en se fondant sur l'hypothèse la plus conservatrice, dans moins de 10 ans, il y aura 7 800 travailleurs de moins à Terre-Neuve, 12 000 de plus en Nouvelle-Écosse, 3 000 de moins au Nouveau-Brunswick et à peu près 3 000 de plus à l'Île-du-Prince-Édouard. Mais, dans 20 ans, il y aura 32 000 travailleurs de moins à Terre-Neuve, 11 000 de moins en Nouvelle-Écosse, 35 000 de moins au Nouveau-Brunswick, et peu de changement à l'Île-du-Prince-Édouard. La plupart des industries, y compris celle des pêches, prévoit avoir beaucoup de problèmes à trouver de la main-d'oeuvre dans les années à venir, et une majorité d'employeurs aujourd'hui dans le Canada atlantique indiquent régulièrement aux sondeurs qu'ils ont du mal à trouver des travailleurs qualifiés prêts à accepter les taux de salaire en vigueur. C'est dans l'ensemble du Canada atlantique.
La pénurie de main-d'oeuvre est réelle dans la région. Elle est causée par des programmes sociaux mal pensés et un décalage entre les compétences des travailleurs et les besoins des employeurs. Pour que notre région soit prospère, il faut qu'il soit possible de recruter les travailleurs qualifiés dont on manque, et il faut adopter un certain nombre de mesures que j'ai énoncées dans un document que j'ai présenté récemment au Forum TD sur le niveau de vie canadien, que je peux mettre à la disposition du comité, si vous le voulez. Je sais que cette recommandation va à l'encontre de la culture politique qui entretient encore l'idée passée de mode que le chômage est le problème le plus important auquel notre région est confrontée. Au contraire, répondre à la pénurie de main-d'oeuvre est aujourd'hui le principal défi que nous avons à relever pour stimuler l'économie de la région.
L'immigration peut apporter une réponse modeste à ce problème, mais tout de même importante. Je doute beaucoup que nous puissions attirer les immigrants dont nous avons besoin avec la contrainte ou de vulgaires incitatifs. Il faut plutôt créer un climat d'ouverture attrayant pour les immigrants, et il y a beaucoup de politiques qui peuvent contribuer à cela, dont nous pouvons peut-être parler au moment des questions. Les gouvernements du Canada atlantique n'ont pas inscrit l'accueil des immigrants assez haut sur la liste de leurs priorités. À tout le moins, cela nécessite la négociation d'ententes sur l'immigration avec Ottawa, afin d'accorder aux provinces un rôle plus important pour ce qui est de l'accueil et de la sélection des immigrants, mais ces accords ne sont pas suffisants, parce que l'immigration—et ce serait l'essentiel de mon message, monsieur le président—n'est pas surtout une question de compétence territoriale; c'est plutôt une question humaine et, par conséquent, une question de coeur. Ce n'est pas avant tout une question gouvernementale.
Les immigrants quittent leur pays en quête d'une vie meilleure ou sont forcés de le faire contre leur gré pour aller refaire leur vie ailleurs. Cela permet d'expliquer pourquoi les immigrants ont tendance à se regrouper dans certaines villes. Les gens ne s'en vont pas dans des villes dont ils n'ont jamais entendu parler, et l'un des principaux critères de choix pour les immigrants est le fait de savoir qu'ils peuvent retrouver les leurs dans un nouveau milieu et avoir une vie prospère. La prospérité est importante, mais ce n'est pas le seul facteur. Les immigrants ont peut-être quitté leur pays, mais ils n'ont pas changé de culture. Il est habituellement plus facile pour eux de s'intégrer à un nouveau milieu s'il existe déjà une communauté établie de gens de leur pays là où ils vont vivre.
Je discutais justement de cela l'autre jour avec une personne du Ghana qui déménage à Toronto après avoir passé plusieurs années ici à Halifax. Je lui ai demandé pourquoi il déménageait, et sa réponse a été très simple et très émouvante. Il m'a dit qu'il se sentait trop isolé. Il pouvait gagner sa vie et s'adapter à la neige, mais lui et sa famille ne pouvaient pas supporter le fait que personne ne savait ce que cela voulait dire d'être ghanéen à Halifax. Il voulait établir des liens avec des gens de son ancien pays, des gens capables de l'aider à s'occuper des formalités administratives, des gens qui viendront chez lui et lui permettront d'avoir un sentiment d'appartenance. À Halifax, les ghanéens se comptent à la douzaine, alors qu'à Toronto, ils se comptent par milliers, et cela fait une énorme différence.
Voilà pourquoi nous faisons erreur quand nous envisageons l'immigration, selon notre façon de penser bien canadienne, comme étant principalement une question de compétence territoriale et de relations intergouvernementales. Tant que nous ferons cela, nous ne réussirons pas à attirer des gens à l'extérieur des grands centres, parce que ce ne sont pas les gouvernements qui immigrent, mais les gens. Les gens veulent améliorer leur sort, mais ont besoin d'un milieu réconfortant pour limiter les coûts émotifs liés à l'immigration. Donner aux gens le sentiment qu'ils sont désirés et accueillis est la meilleure politique d'immigration qui soit.
Pour que les immigrants aillent vivre à l'extérieur des grands centres, il faut leur offrir des possibilités à l'extérieur de ces centres. Il faut faire en sorte que les immigrants établis ici fassent savoir dans leur pays d'origine que les plus petits centres du Canada sont des endroits où les nouveaux immigrants peuvent avoir une vie prospère. Nous devons accueillir des communautés d'immigrants et pas seulement des individus. Il ne faut pas adopter des politiques pour essayer de forcer les gens à aller là où ils ne veulent pas aller. Nous devons leur donner de bonnes raisons d'aller s'établir là où ils ne seraient pas normalement portés à le faire. Dans une société comme la nôtre, où la liberté est un atout pour beaucoup de gens, nous ne pouvons pas accueillir les immigrants avec une politique contraignante.
Nous ne pouvons pas non plus mettre en oeuvre une politique locale d'immigration du genre de celle décrite par le ministre responsable de la Nouvelle-Écosse au moment de la signature, récemment, de l'entente fédérale-provinciale. Il a déclaré qu'il serait maintenant possible pour les localités rurales de la Nouvelle-Écosse d'accueillir leur part d'immigrants. C'est absurde, monsieur le président. Nous sommes enfin en train d'éliminer beaucoup de politiques néfastes qui ont permis à un nombre indûment élevé de gens de rester dans les localités rurales de la région, là où les perspectives d'emploi et d'instruction sont moins intéressantes. Nos populations rurales se déplacent enfin vers les grands centres urbains, et aucune politique ne va arrêter ce mouvement. Les immigrants ne vont pas sauver les localités rurales, mais ils peuvent apporter une contribution modeste mais importante aux grandes villes de la région. Les petites localités vont réussir à se développer si elles sont rattachées à un centre urbain dynamique et productif qui ajoute beaucoup de valeur économique et qui offre des emplois spécialisés et fondés sur le savoir qui vont attirer les immigrants ainsi que tous les jeunes en général.
Je tiens à préciser que l'immigration ne réglera pas les problèmes de main-d'oeuvre que nous connaissons dans la région, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne peut pas jouer un rôle à ce sujet. La plupart des travailleurs de la région vont se déplacer vers nos grands centres urbains au fur et à mesure que nous allons éliminer les politiques dont j'ai parlé plus tôt. Mais il y aura un ferment vital que seuls des gens venant des autres régions du Canada et des immigrants en provenance d'autres pays pourront apporter. Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre comme celui que nous connaissons, nous devrons rivaliser avec le reste du Canada et du monde industrialisé pour attirer des immigrants très recherchés. Pour accueillir une proportion raisonnable de ces immigrants, il faudra non seulement négocier une entente intergouvernementale pertinente, mais aussi reconnaître, d'abord et avant tout, que les immigrants ont besoin de possibilités et qu'ils vont fuir les endroits où on les traite comme des pions sur un échiquier qui peuvent être déplacés selon le bon vouloir des fonctionnaires. Il faudra que, de notre côté, nous apprenions à entretenir de bons rapports avec les communautés d'immigrants établis ici et que nous les amenions à devenir nos ambassadeurs dans leur pays d'origine. Il nous faudra enfin répondre aux besoins humains de ces nouveaux membres de notre société. S'ils n'éprouvent pas de sentiment d'appartenance et s'il n'y a pas de place pour d'autres gens comme eux, aucune politique gouvernementale ne va réussir à les attirer et à les garder chez nous.
Merci, monsieur le président.
À (1050)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, monsieur Crowley.
Diane.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Crowley, d'avoir affronté la glace et la neige pour venir nous exposer votre point de vue aujourd'hui. L'Atlantic Institute for Maket Studies est un organisme très respecté dans tout le pays, comme vous d'ailleurs, et votre participation à d'importantes activités concernant l'ensemble des questions de politique est reconnue. Nous sommes donc heureux de vous accueillir aujourd'hui.
J'aimerais vous parler des perspectives pour les immigrants ici, dans le Canada atlantique. Quand le nouveau programme des candidats de la province a été conclu il y a quelques mois, ici en Nouvelle-Écosse, avec le gouvernement fédéral, j'ai été renversée de constater que les fonctionnaires à qui je me suis adressée ici n'avaient pas la moindre idée de l'objectif de l'entente. Ils ne savaient pas, par exemple, quels étaient les besoins en main-d'oeuvre auxquels ces candidats provinciaux allaient répondre. Ils ne savaient pas très bien quelle localité avait besoin de recruter des immigrants qualifiés. Et ainsi de suite. Je le signale, pas pour critiquer, mais pour souligner que, pour que la stratégie soit efficace, la planification et la consultation sont très importantes. J'aimerais que vous fassiez part au comité de votre point de vue là-dessus. Quelles sont les perspectives pour la main-d'oeuvre ici? Comment nous assurer que les immigrants s'établissent là où ils peuvent être le plus utile pour l'économie d'ici?
M. Brian Crowley: Je vous remercie beaucoup pour votre question. Je conviens tout à fait avec vous que le gouvernement provincial ne s'est pas penché suffisamment sur les besoins du marché du travail de la province et la place qu'occupe l'immigration dans cette question.
Je crois que je peux dire en tant que Néo-Écossais, sans être déloyal, que selon moi le gouvernement provincial s'est fait entraîner dans le monde de l'immigration plutôt contre son gré. Je crois que le gouvernement provincial s'attarde encore beaucoup à ce dont j'ai parlé dans mon mémoire, c'est-à-dire au fait que le principal problème dans la région est le chômage. Les immigrants occupent des emplois, et, par conséquent, nous ne voulons pas vraiment encourager de nouvelles personnes à venir à s'établir dans la province. Ce que nous voulons, c'est trouver des emplois pour les gens qui sont déjà ici. La province n'a jamais voulu, je crois, être considérée comme favorisant particulièrement l'immigration. Je crois que cette image commence à s'effriter, en partie parce qu'Halifax en particulier est en train de devenir un centre de possibilités, non seulement en Nouvelle-Écosse, mais dans toute la région de l'Atlantique, ce qui, comme je l'ai signalé dans mon exposé, attire des immigrants. Il y a maintenant une mosquée sur la route Hammonds Plains. Il y a aussi un temple sikh à Halifax. Je pourrais énumérer la liste passablement longue des éléments qui prouvent que les immigrants, pour la première fois depuis plusieurs générations, commencent à trouver Halifax attrayante.
Quelles sont les possibilités qui existent? Il y en a une vaste gamme. Un grand nombre des nouveaux arrivants sont très éduqués. Comme vous le savez peut-être, Halifax détient un des ratios les plus élevés au Canada, sinon le plus élevé, d'institutions postsecondaires par rapport à la population. De nombreux nouveaux arrivants enseignent dans les universités et apportent une contribution fantastique à l'économie, car ils apportent de nouvelles compétences qui n'existent pas encore dans la région et ils transmettent ces compétences aux gens de la province par l'entremise de ces institutions. De toute évidence, beaucoup de personnes proviennent de l'industrie du pétrole et du gaz. Il existe un énorme besoin de spécialistes dans diverses industries.
L'homme auquel je m'adresse lorsque j'ai besoin de me rendre à l'aéroport possède un petit service de limousine. Il est Libanais. Il a acquis un parc assez important de voitures et il détient un contrat exclusif pour effectuer la navette entre l'aéroport et une des entreprises de pétrole et de gaz. Il m'a appris que beaucoup de Texans habitent près de la résidence de Peter et qu'il assure toujours leur transport. Ces Texans viennent dans la province parce qu'ils apportent des compétences vitales pour l'économie.
Halifax est aussi un centre riche non seulement en industries pétrolières et gazifères, mais aussi en industries océaniques. Comme vous le savez, le secteur de la pêche évolue, et nous nous concentrons de moins en moins sur la prise du poisson. Nous sommes en train de devenir un centre mondial de l'achat, de la commercialisation, du traitement, etc. Cela nous amène à entrer en contact avec des personnes de partout dans le monde. C'est pourquoi nous devons disposer chez nous des compétences nécessaires.
Il existe donc une variété de domaines dans lesquels les immigrants apportent une contribution très importante, et je ne pense pas que le gouvernement provincial ait vraiment commencé à examiner l'immigration.
À (1055)
Mme Diane Ablonczy: Lors de mes entretiens, on m'a certes laissé entendre que le gouvernement provincial souhaitait vraiment aller de l'avant avec l'immigration, mais qu'il a seulement besoin d'un peu plus de temps pour tenir des discussions sur le sujet. Je suis certaine que votre point de vue et celui d'autres seront les bienvenus.
Un gros problème auquel sont confrontés les nouveaux arrivants au Canada, dont nous avons entendu parler hier, c'est la reconnaissance par le Canada de leurs titres de compétences. D'après votre réseau et vos nombreux contacts ici en Nouvelle-Écosse, pouvez-vous nous dire si les métiers et les professions déploient des efforts considérables pour régler cette situation et élaborer des protocoles qui permettraient la reconnaissance des titres de compétences étrangers afin que nous puissions mettre ces personnes au travail le plus rapidement possible?
M. Brian Crowley: Certaines initiatives sont mises en oeuvre, en particulier dans le domaine médical, un autre secteur où du personnel compétent provenant d'autres pays apporte une contribution importante. Le personnel du centre de réparation du cerveau de l'Université Dalhousie, un chef de file mondial dans le domaine des travaux sur la réparation du cerveau, est composé en majeure partie de personnes qui sont venues à Halifax depuis d'autres pays en raison de la possibilité qui existe ici pour elles de travailler dans leur domaine. Mais le nombre d'initiatives est de loin insuffisant. Il est très clair qu'un des principaux obstacles à l'immigration est l'incapacité pour de nombreux immigrants de faire reconnaître leurs compétences au Canada.
Un grand nombre des obstacles réglementaires que nous avons mis en place ont été conçus précisément pour empêcher les nouveaux arrivants d'exercer différents types de professions. À mesure que nous délaissons l'époque caractérisée par un excédent de main-d'oeuvre, par le chômage, ce qui était certainement le cas, en particulier dans les années 70 et 80, nous éliminons ces obstacles. Je participe à la Global Commission on Aging, qui est située à Washington. Les données mondiales révèlent que la diminution de la main-d'oeuvre dans les pays industrialisés prend des proportions étonnantes. Nous ne devrions donc pas maintenir ces obstacles réglementaires qui empêchent les gens d'exercer différents types de professions sous prétexte que nous voulons protéger les personnes qui exercent déjà ces professions. Je crois qu'il s'agit d'un point de vue dépassé qui a été adopté dans des circonstances différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui. Nous devons mettre nos institutions à jour.
Á (1100)
Mme Diane Ablonczy: Merci beaucoup.
Vous avez parlé de la nécessité de donner des occasions aux immigrants. Ce qui me préoccupe, c'est le fait que les immigrants ont de plus en plus de mal à réussir au Canada. Comme vous le savez probablement, les dernières études révèlent que le niveau de vie des immigrants est en baisse, et non pas l'inverse. Il y a environ un an, notre comité s'est rendu en Europe et en Asie pour examiner les procédures relatives au nombre de nouveaux arrivants en vue de veiller à ce que nous obtenions notre juste part—pas plus—des travailleurs compétents qui souhaitent émigrer dans d'autres pays. Je ne sais pas si vous avez étudié la question, mais je me demande si vous pouvez commenter le problème de veiller non seulement à ce que nous obtenions autant de travailleurs compétents que possible, car je crois que nous convenons tous avec vous que cela donnera de la vigueur à notre économie et nous rendra plus concurrentiels à l'échelle mondiale, mais aussi à ce que nous obtenions des travailleurs qui peuvent réussir, et qui réussiront, au Canada sur les plans social, économique et personnel.
M. Brian Crowley: Je ne prétendrai pas être un expert dans le domaine. J'ai l'impression, d'après le grand nombre d'études sur l'immigration que j'ai lues, que le phénomène que vous avez décrit, c'est-à-dire que le niveau de vie des immigrants est en train de diminuer, plutôt que de rattraper celui du reste de la population, s'explique en partie par la modification de la structure de l'immigration. Comme vous le savez tous, la portion, par exemple, des parents et réfugiés parrainés au sein du nombre total d'immigrants a augmenté de façon considérable. Je ne critique aucunement cette tendance, j'appuie tout à fait ce processus, mais l'une des conséquences est que nous ne choisissons plus les personnes pour les compétences et les aptitudes qu'elles apportent au Canada. Dans de nombreux cas, les immigrants nous choisissent pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la contribution qu'ils pourraient apporter à l'économie. Ce n'est pas une raison pour nous de les refuser, je tiens à ce que cela soit très clair, mais nous devons comprendre que si nous ne choisissons pas tous les immigrants en fonction de leur capacité à contribuer à l'économie, le niveau de vie de ce groupe de personnes diminuera probablement un peu.
Mme Diane Ablonczy: Merci.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.
Monsieur Crowley, vous avez soulevé un problème très important, un problème auquel nous cherchons tous une solution. L'endroit où il est le plus facile de s'établir en tant que nouvel arrivant, c'est un endroit où vivent déjà beaucoup d'immigrants. C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez très clairement souligné, que Vancouver, Toronto, Montréal et Calgary sont des endroits privilégiés par les immigrants. Ils savent où se trouvent ces villes, mais ils savent également qu'il existe du soutien social et économique ainsi qu'une possibilité de travailler au sein d'une culture qu'ils connaissent. Nous qui habitons dans des régions rurales et isolées avons beaucoup moins de chances d'attirer des immigrants et nous ne possédons certes pas les soutiens nécessaires. De quelle façon, selon vous, les gouvernements provinciaux ou fédéral pourraient-ils voir à ce qu'il existe des possibilités et des programmes qui favorisent l'établissement d'immigrants à Halifax, Fredericton, St. John's et d'autres petites collectivités qui ont besoin des compétences de ces immigrants et qui en auront besoin dans l'avenir?
Á (1105)
M. Brian Crowley: Selon moi, c'est la principale question qu'il faut se poser. Bien sûr, il faut attirer les immigrants à Halifax et à Fredericton, mais aussi à London, en Ontario. Cette ville est très dynamique sur le plan industriel et elle est l'une des collectivités les plus riches au Canada, mais elle n'obtient pas non plus sa part d'immigrants, ce qui la préoccupe passablement. Nous avons créé des circonstances au Canada qui renforcent la tendance qu'ont les immigrants à s'établir dans les villes que nous avons mentionnées pour les raisons que nous avons exposées.
Il me semble, monsieur le président, que vous avez tout à fait raison. Les gouvernements ne peuvent que jouer un rôle de soutien. J'ai parlé brièvement de la raison pour laquelle je pense que l'obligation n'est pas la solution. Je ne crois pas que la solution soit que le gouvernement du Canada déplace les immigrants comme des pions et exige que les personnes qui veulent venir au Canada s'établissent à Longboat, à Terre-Neuve. Ce n'est pas réaliste, selon moi, ni souhaitable. Mais dans des villes comme Halifax, Moncton ou London, en Ontario, il y a pourtant des immigrants dans ces collectivités. À Halifax, leur nombre est considérable et augmente. Mais il n'y en a pas suffisamment.
Vous ne devriez pas adresser votre question, monsieur le président, à un gentil Irlandais catholique dont la famille est arrivée ici dans les années 1820, mais plutôt aux personnes arrivées récemment. Je me suis entretenu avec les gens de la Metropolitan Immigrant Settlement Association, que vous avez rencontrés hier je crois, à propos de l'idée de créer à Halifax non pas un sommet sur l'immigration, mais plutôt un sommet sur les immigrants, afin de réunir les diverses communautés immigrantes pour leur demander pourquoi elles se sont établies ici. Nous voudrions leur demander ce qui les a amenées ici et ce qui les retient ici. Comme je l'ai mentionné lorsque j'ai donné l'exemple des Ghanéens, beaucoup d'immigrants viennent s'établir ici, mais ne restent pas. J'en connais plusieurs. Ils ont essayé de s'établir ici, mais ils n'ont pas réussi, puis ils sont partis vers Toronto ou une autre ville semblable. Vous constaterez que de nombreux immigrants qui habitent dans les grands centres s'étaient établis auparavant ailleurs. Nous devons savoir ce qui attire les immigrants dans ces grands centres, ce qui les retient là-bas et ce qui les a poussés à aller s'établir là. Je crois que c'est la première étape. Nous devons écouter les immigrants, car ce sont eux qui ont l'expérience.
J'ai beaucoup parlé du fait que l'immigration est une question de coeur, et non pas une question de champs de compétence. C'est pourquoi j'ai dit que les gouvernements ne peuvent que jouer un rôle de soutien. Ils ne peuvent pas organiser un changement. Nous devons non seulement découvrir auprès des immigrants eux-mêmes ce qui les amène ou les retient ici, mais aussi faire participer les personnes qui habitent déjà ici, les non-immigrants, les gens comme moi, à un dialogue avec les nouveaux arrivants. Si les gens peuvent être convaincus que nous avons besoin des nouveaux arrivants, nous devons, en tant que collectivité, déterminer ce que nous devons faire pour que ces immigrants se sentent bien accueillis. Les gouvernements sont des institutions merveilleuses, leurs réalisations sont importantes, mais ils ne s'intéressent pas à cet aspect de la question. Ils s'intéressent au côté financier. C'est pour des raisons de coeur en premier lieu que les immigrants s'établissent à un endroit donné. C'est pourquoi le gouvernement ne peut exercer aucune influence à ce niveau, seuls les gens le peuvent, et nous ne sommes pas très bons dans l'art de nouer des liens avec les immigrants qui les inciteraient à venir s'établir ici et à y rester. Ce que je vais dire n'est peut-être pas très utile pour vous, mais je crois que les Néo-Écossais et les Canadiens de la région de l'Atlantique doivent s'interroger sur la raison pour laquelle nous n'attirons pas assez d'immigrants et n'arrivons pas à les faire rester. Nous devons réfléchir à cela.
Á (1110)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Yvon, la parole est à vous.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, dans le même sens que vous, je voudrais m'arrêter en particulier au premier grand paragraphe à la page 5 du mémoire.
Vous dites que les gouvernements n'immigrent pas. Nous sommes d'accord. Vous dites aussi qu'il faut se rendre compte que les immigrants ont une tendance à s'installer là où il y a déjà une communauté d'immigrants. Vous avez raison. Vous dites qu'il faut savoir accueillir les immigrants que nous avons et leur créer un environnement positif. Très bien. Mais il n'en reste pas moins que les décisions d'immigrer se prennent une à une par les individus. Vous n'êtes pas d'accord sur ces politiques et vous dites:
[Traduction]
«Nous n'avons pas besoin de politiques qui tentent de forcer les gens à s'établir là où ils ne veulent pas.»
[Français]
Où avez-vous vu un exemple de politique qui force les gens à venir là où ils ne veulent pas être? Donnez-moi des exemples de cela.
Ne croyez-vous pas qu'il y a, cependant, place à des politiques qui incitent? Inciter, ce n'est pas forcer. On parle d'inciter des gens à venir dans une région comme Halifax, moyennant certains avantages, peut-être, quand on parle d'incitations pour deux ou trois ans, quelques années, le temps de bâtir une petite communauté d'accueil. Vous n'abordez pas cette question et vous êtes contre le fait que les gouvernements forcent les gens. Ça n'existe pas. Personne ne force personne. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir des politiques qui inciteraient les gens? Il pourrait y avoir une base, un petit noyau, et à partir de là, on pourrait bâtir des communautés, comme vous semblez le dire. Pourriez-vous vous expliquer davantage là-dessus?
Ici, vous êtes face à un comité de la Chambre des communes. Par notre entremise, il est possible d'acheminer des messages au gouvernement. C'est l'utilité de la rencontre. S'il n'y a pas de message pour le gouvernement, la rencontre sera brève. Si vous avez un message à passer au gouvernement par notre entremise, nous allons le prendre en note.
M. Brian Crowley: Oui, d'accord. Merci. Alors pour commencer, on va parler de la question de forcer les immigrants à aller ailleurs que là où ils voudraient s'installer. J'ai mentionné ça uniquement parce que c'est un sujet qui revient constamment, et pas seulement dans les débats publics à l'extérieur du gouvernement. J'ai déjà assisté à des rencontres avec des représentants du gouvernement fédéral lors desquelles on a abordé la question, à savoir si on devrait mettre en place des politiques qui exigeraient que les immigrants s'installent dans des communautés où il y a pénurie d'immigrants. On obligerait par exemple ceux qui veulent immigrer au Canada à aller à Saint John's Terre-Neuve, et non pas à Toronto. Il y aurait une période de 10 ans pendant laquelle ils seraient obligés d'aller à tel endroit ou à tel endroit.
Alors, ce n'est pas moi qui ai inventé cette idée-là. C'est une idée courante dont on discute, et je voulais dire très clairement, dès le début, qu'à mon avis, c'est une politique qui ne marcherait pas. C'est à exclure.
Maintenant, vous avez demandé s'il n'y a pas lieu d'offrir aux immigrants potentiels des incitations à aller s'installer dans des endroits où ils n'auraient peut-être pas tendance à aller naturellement d'eux-mêmes. Oui, dans une certaine mesure, mais mettre en place les incitations qui pousseraient les gens à aller s'installer à Halifax, par exemple, sans savoir pourquoi les immigrants qui viennent d'eux-mêmes n'y restent pas, je pense que ce serait mettre la charrue avant les boeufs. On n'est pas suffisamment bien informés sur les motivations des immigrants, sur les motivations qui sont derrière les déplacements des gens. Je ne parle pas seulement des gens qui viennent d'ailleurs et qui s'installent au Canada, mais aussi de ceux qui, une fois sur le territoire canadien, se déplacent. Pourquoi se déplacent-ils d'Halifax, comme point d'entrée, à Toronto, à Montréal ou à Vancouver?
Ce que je voulais souligner dans mon mémoire aujourd'hui, c'est justement que les gouvernements ont un rôle de soutien très important. Si j'ai donné l'impression que je pense que les gouvernements ne sont pas pertinents, n'ont pas un rôle primordial à jouer, je m'en excuse, ce n'était pas mon intention.
Par contre, j'ai essayé d'être très clair sur le fait que l'immigration n'est pas d'abord une affaire des gouvernements. C'est le même cas que pour bien des activités dans la société. Les gouvernements ont plus facilement le pouvoir d'empêcher les gens de faire certaines choses que de faire en sorte que les gens fassent quelque chose. Je pense que c'est une distinction qu'il ne faut pas perdre de vue.
Á (1115)
M. Yvon Charbonneau: Il est intéressant de vous entendre vous expliquer, monsieur Crowley, parce que vous dites qu'on ne sait pas pourquoi les immigrants viennent à Halifax ou quittent Halifax. Mais l'histoire de votre Ghanéen est là pour l'expliquer. C'est parce qu'il n'y a pas de communauté de gens semblables à Halifax que le Ghanéen va à Toronto. S'il y a quelques Libanais, peut-être qu'il y aura une petite communauté et que les Libanais vont venir davantage. Votre hypothèse me semble tout à fait raisonnable.
Il faut rompre le cercle vicieux quelque part, et c'est pour ça que j'examinais la possibilité de mesures incitatives qui pourraient encourager des gens qui veulent venir au Canada mais qui ne savent pas trop où aller, qui sont un peu indifférents, qui sont ouverts à aller à Halifax, ou à Toronto, ou à Vancouver. S'ils s'aperçoivent que dans le programme d'immigration du Canada, Halifax prévoit des mesures particulièrement intéressantes pour eux dans les deux, trois, cinq prochaines années, intéressantes pour leurs enfants, pour leurs impôts, que sais-je, eh bien, ils vont peut-être venir à Halifax. Et s'ils trouvent une centaine de personnes comme eux qui viendront à Halifax dans les deux ou trois prochaines années, c'est un début de solution. C'est pour ça que je vous suggérais de développer la question des incitatifs. Ça me semble une manière concrète dont le gouvernement peut envisager de régler le problème sans donner d'ordre, sans forcer les choix. Mais si une personne est un peu indifférente, ouverte à tout, on peut la diriger vers des régions qui ont bien besoin d'elle pour leur économie, je suis d'accord sur votre affirmation initiale.
M. Brian Crowley: Je ne suis pas contre l'idée d'incitations, que ce soit de la part du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, mais je pense qu'il y a d'autres mesures qui sont tout aussi importantes que des incitations économiques. Par exemple, je favorise énormément l'idée de se servir de la communauté immigrante existante comme réseau de communications.
Á (1120)
M. Yvon Charbonneau: Mais il n'y en a pas, dans certains cas.
M. Brian Crowley: Je me référais à Halifax. Je parlais de l'idée de prendre comme point de départ l'immigration existante, qui est peut-être inadéquate. Mais ce qui est important en ce qui concerne les immigrants existants, c'est qu'ils sont venus, ils se sont installés et ils sont restés. Il n'y a rien de plus important que cela, dans la mesure où notre objectif est de reproduire l'expérience que ces gens-là ont vécue. C'est pour cela que j'avais préconisé l'idée d'un sommet des immigrants dans les différentes communautés à travers le pays, justement pour construire un sentiment d'appartenance à une communauté locale d'immigrants et pour créer un réseau de communications qui s'étend, si on prend Halifax comme exemple, d'Halifax au pays d'origine des immigrants existants, car ce sont eux nos meilleurs ambassadeurs. Il faut trouver une façon de faire rayonner dans leur pays d'origine le message que Halifax a bien accueilli ces gens-là et qu'il y a une place pour d'autres gens semblables. Il faut trouver une façon de créer le cercle vertueux qui existe déjà à Toronto, à Montréal et à Vancouver.
M. Yvon Charbonneau: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Madeleine, vous avez la parole.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Crowley, je voudrais vous dire qu'il y a deux choses qui m'ont impressionnée dans votre exposé: il était très centré sur la réalité, mais en même temps, c'était un exposé humaniste, ce qui n'est pas la règle dans un institut comme le vôtre. Personnellement, je l'ai beaucoup apprécié.
Hier soir, je pense, en écoutant les nouvelles, j'ai vu qu'à l'Université de Moncton, il y avait une soirée organisée par des étudiants qui venaient d'un peu partout. Ceux que j'ai vus à la télévision venaient fort probablement surtout de l'Afrique. Je me dis que pour essayer de comprendre les besoins des différentes populations, il serait intéressant d'entrer en contact avec ces jeunes qui viennent étudier à l'Université de Moncton ou ailleurs; car ces jeunes qui viennent étudier ici doivent retourner chez eux, mais ils peuvent devenir des ambassadeurs.
Il n'est certainement pas facile d'inverser le mouvement des immigrants des grands centres vers les régions. Des mesures incitatives peuvent exister, mais encore faut-il qu'il y ait une volonté. En fait, le gouvernement, qu'il soit municipal, provincial ou fédéral, peut bien prendre des mesures, mais si celles-ci ne sont pas reconnues comme étant dans l'intérêt de la population locale, c'est très clair qu'elles vont échouer.
Tout le monde sait qu'il y a des problèmes dans le domaine de la santé, notamment pour avoir des médecins en région. On a pris des mesures incitatives pour encourager les médecins à aller travailler en région pour cinq ans, pour sept ans. Certains ont découvert qu'ils avaient du plaisir à pratiquer leur profession. Alors, l'un des graves problèmes est que des gens qui ont des compétences arrivent ici en s'imaginant qu'ils vont pouvoir travailler dans leur champ d'expertise, et ce n'est pas vrai. Il y a de la résistance des ordres professionnels. J'imagine qu'il y en a ici comme au Québec, comme dans le reste du Canada. Que peut-on faire pour que les accommodements soient plus acceptables?
Si même des leaders ne sont pas sensibles à cela, que fait-on?Je pense à un ordre professionnel comme l'ordre des ingénieurs: ce sont en quelque sorte des leaders dans leur communauté; ce sont eux qui servent à son développement. Moi, je pense que si on a un travail qui donne de la satisfaction, l'intégration est plus facile. Les gens se sentiront mieux acceptés, et si, malheureusement, il n'y a personne de leur communauté d'origine, peut-être qu'ils auront suffisamment d'énergie pour être le début d'une nouvelle communauté.
Á (1125)
M. Brian Crowley: Vous avez soulevé plusieurs points très intéressants. Je ne pourrai pas répondre, je pense, à tous ces points-là, mais je vais quand même toucher à quelques-uns.
Vous avez d'abord parlé des universités et des jeunes de l'étranger qui viennent étudier ici, au Canada, dont plusieurs de la Francophonie à Moncton, plusieurs originaires d'Afrique, d'Europe et d'Asie, par exemple, à Dalhousie et à Mount Saint Vincent, ici à Halifax. À mon avis, c'est une source potentielle d'immigrants dont on ne profite pas suffisamment, non seulement en tant qu'ambassadeurs à leur retour chez eux...je pense aussi qu'on devrait faire un plus grand effort pour garder au moins une proportion de ces jeunes.
Je comprends que cela soulève d'autres problèmes parce que justement, souvent on donne une formation à ces jeunes pour qu'ils retournent chez eux et que l'éducation canadienne rayonne ailleurs. En termes de stratégie de recrutement d'immigrants, je sais par exemple qu'aux États-Unis, le système d'éducation post-secondaire est une porte d'entrée d'importance primordiale. Au Canada, on n'a pas su encore en profiter au même point, à mon avis, et pourtant, les universités canadiennes ont une excellente réputation à l'étranger. Bon, c'est un premier point.
Deuxièmement, vous avez parlé du travail de sensibilisation qu'il faut faire au niveau social et qui est tellement important. Personnellement, je travaille à cela sans cesse à mon institut. Je répète à tous les jours à qui veut l'entendre que notre problème ici, dans la région, ce n'est pas le chômage, mais bien une pénurie de travailleurs formés dans les différentes professions. Nous avons grand besoin de travailleurs qualifiés, mais c'est un message qui passe difficilement, surtout dans des communautés qui ont tendance à se voir comme sous-développées, comme sujettes à un taux de chômage beaucoup trop élevé.
Si on parle du système de santé, par exemple, en plus de faire face aux résistances qui existent dans toutes les professions et tous les organismes professionnels, qui sont là pour protéger les intérêts de leurs membres et non pas ceux de membres potentiels, on sait tous aussi que dans le système de santé au Canada, on a poursuivi pendant des décennies une politique que je trouve totalement insensée. Mais force est de constater qu'on a suivi une politique d'exclure au maximum les nouveaux médecins, les nouvelles infirmières, etc., parce que chaque fois qu'on a embauché un médecin, cela coûtait quelque chose. Donc, la logique était que si on embauchait moins de médecins, ça coûterait moins cher. Tout économiste peut expliquer pourquoi c'est une fantaisie. Mais c'est quand même la politique qu'on a suivie, et il est difficile de changer la mentalité avec laquelle on a vécu pendant si longtemps.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'ai une idée qui vient de mon adjoint. Ce n'est pas pour rien qu'il m'accompagne; c'est un petit brillant.
Il y a dans toutes les provinces un salaire minimum garanti qui varie selon la province. Est-ce que ce serait pensable, selon vous, d'avoir, au niveau du salaire minimum garanti, une prime à la périphérie, une prime à l'éloignement? Est-ce que c'est quelque chose qui est envisageable? Cela pourrait entrer dans un incitatif, il me semble. Je sais que les gens d'affaires sont toujours très furieux quand les gouvernements s'avisent de hausser le revenu minimum garanti, ce qui, si on les croit, les mène directement à la faillite. Selon moi, il faut envisager presque toutes les avenues, au fond.
Á (1130)
M. Brian Crowley: C'est une idée qui vaut la peine d'être étudiée mais qui, à mon avis, ne traite pas du problème fondamental qu'on a ici. En Nouvelle-Écosse, ce n'est pas surtout pour remplir les postes rémunérés au salaire minimum qu'on manque d'immigrants même si, en fait, on a des problèmes à trouver suffisamment de gens à cet effet. Ce genre de travail n'est pas exécuté par de la main-d'oeuvre qualifiée.
Un des grands obstacles au développement économique de la région est le fait qu'on ne réussisse pas à attirer ici les gens très qualifiés au plan professionnel. Ces derniers ont la possibilité d'obtenir un salaire énorme à Toronto, à Montréal ou à Vancouver; ils peuvent aussi posséder une maison luxueuse et très confortable. À Ottawa comme à Toronto, ils ont la possibilité de côtoyer un plus grand nombre de pairs et de collègues. Il est donc plus difficile d'attirer ces gens.
Or, pour que l'économie fonctionne bien, il nous faut toutes sortes de travailleurs qui ont toutes sortes de qualifications, de formations et d'expériences de travail. Ici, les proportions ne sont pas les bonnes. Beaucoup de gens ont une formation limitée; dans certains cas, ils n'ont pas fini l'école secondaire, sont même analphabètes ou sous-employés, dans des régions. Par contre, il n'y a pas suffisamment de gens détenant un doctorat, par exemple, ou qui, ayant suivi une formation poussée, sont très qualifiés professionnellement. Ce problème de proportion est pour nous un défi majeur.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci. Je vais faire suite à une partie des propos de Madeleine. Je crois que vous avez expliqué très clairement, et nous sommes tous d'accord, qu'il appartient en quelque sorte au gouvernement de favoriser et d'appuyer des moyens de faire en sorte que les types de peuplement puissent mettre en valeur l'ensemble du pays. Nous n'avons pas à nous demander si les gouvernements peuvent donner un ordre ou non. Nous recevons de nombreuses demandes d'immigration, et le retard dans leur traitement est énorme. Nous sommes en concurrence avec l'Australie, les États-Unis et d'autres États pour l'obtention de professionnels et de techniciens. Dans dix ans, on prévoit que l'Ontario nécessitera 5 000 électriciens. Dans toutes les régions du Canada que nous observons, le manque de professionnels et de techniciens s'accentuera. Nous en sommes tous conscients.
Cependant, si nous examinons les systèmes de points et la structure qui existent, nous constatons que nous sommes en mesure de mettre en place un système de soutien à l'intention des personnes qui effectuent une demande d'immigration au Canada afin de créer une culture qui permettrait possiblement de reproduire le même climat qui prévalait il y a 50 ans. J'ai examiné les types de production agricole et les types d'établissement de l'époque dans de nombreuses régions du Canada. La communauté italienne s'est établie dans différentes régions du Canada, pour diverses raisons. Des Hollandais et des Belges se sont quant à eux établis dans d'autres régions. Les Mennonites se sont déplacés d'un endroit à l'autre. Les décisions de ces immigrants reposaient en majeure partie sur la politique, les possibilités et le soutien mutuel. Je crois qu'il y a moyen de faire en sorte que cette situation se reproduise. Peut-être pourriez-vous formuler des commentaires à ce sujet. Je ne parle pas de forcer les gens à s'établir dans un endroit en particulier, mais de favoriser dans la mesure du possible la croissance ailleurs que dans les grands centres urbains. Tout le monde ici connaît les possibilités qui existent dans les grands centres, mais nous sommes aussi conscients qu'il doit exister un équilibre avec le bien-être sur le plan social. Les petites collectivités et les communautés rurales ont un autre besoin, et nous devons être conscients qu'il faut favoriser un certain soutien pour répondre à ce besoin.
Á (1135)
M. Brian Crowley: Monsieur le président, je ne pourrais être davantage en faveur de l'orientation générale que vous venez d'exposer. La difficulté est de trouver une façon d'encourager les immigrants à venir s'établir dans la région de l'Atlantique, par exemple, ou dans certaines des villes dont nous avons parlé. Je crois que vous êtes originaire du sud-ouest de l'Ontario.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Oui.
M. Brian Crowley: Je suis sûr qu'il va y avoir d'importantes pénuries de main-d'oeuvre là-bas et je suis tout aussi sûr que de nombreuses collectivités se demandent pourquoi elles n'arrivent pas à attirer leur part d'immigrants alors que Toronto a tant de succès.
Arrêtons-nous au système de points. Supposons que l'on commence à dire aux gens que, s'ils sont disposés à s'établir dans une des collectivités visées, ils obtiendront des points supplémentaires. En principe, je ne suis pas opposé à cette idée, mais j'ai vu trop de ces programmes dans le passé et je sais d'avance ce qui va arriver. Tout d'abord, toutes les collectivités qui ne font pas partie des zones donnant droit à des points supplémentaires feront des démarches pour que les zones soient élargies, comme dans le cas du programme de l'assurance-chômage dont les prestations varient selon la région. C'est alors que s'amorcera le débat sur l'emplacement de la limite. Les villes qui ont beaucoup de poids politique comme Toronto vont dire: «Attendez un peu, il faut maintenir le rythme d'immigration parce que nous sommes à cours d'électriciens» et ainsi de suite. Le caucus libéral de l'Ontario va être déchiré, et les députés des régions rurales vont dire que, non, il faut maintenir les préférences. Toronto va répondre qu'elle a profité de l'immigration. Nous allons mettre en place un système qui aura l'air bien au début, mais qui, cinq ans plus tard, n'aura pas atteint ses objectifs. J'ai vu cela trop de fois. Ce n'est pas tant que je sois contre le principe que je n'ai jamais vu un pareil programme mis en place avec succès.
Mme Diane Ablonczy: Qu'arrive-t-il si la personne décide de ne pas demeurer là pendant cinq ou dix ans? La renvoyez-vous dans son pays d'origine? La situation se transforme en véritable cauchemar. Ses enfants vont à l'école. Elle a peut-être de bonnes raisons de vouloir déménager.
M. Brian Crowley: J'aimerais trouver des moyens d'encourager les gens à se disperser un peu partout au pays, à prendre conscience des possibilités qu'offrent beaucoup d'autres endroits. Je serais ravi d'envisager un système dans lequel on récompenserait peut-être ceux qui sont disposés à s'établir dans des endroits où il n'y a pas assez d'immigrants. Je ne suis pas venu en proposer un, monsieur le président. J'examinerai les plans avec grand plaisir si on veut bien en proposer, mais je demeure légèrement sceptique quant à leur efficacité.
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): Je vous remercie.
Peter.
Á (1140)
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Crowley, je tiens à nouveau à vous remercier vivement de participer à notre étude. Je signale à l'intention du comité que chaque fois qu'un comité vient ici, qu'il s'agisse de celui des transports, des finances ou de je ne sais quoi encore, les représentants de AIMS se sont toujours mis à sa disposition, ont présenté non seulement des exposés, mais aussi des mémoires, et je tiens simplement à en remercier l'institut. La dernière fois que le Comité des transports est venu ici, les porte-parole de AIMS lui ont parlé d'un couloir de transport dans le Canada atlantique. La proposition était absolument géniale, et nous devrions l'envisager très sérieusement.
J'ignore si le comité en a eu la chance, mais je lui conseillerais de visiter rapidement le quai no 21. C'est là que, de 1928 à 1971, un million et demi d'immigrants ont débarqué au Canada. Malheureusement, la plupart sont partis. Il pourra y visionner une petite capsule documentaire où l'on voit les gens débarquer du bateau et prendre le train. Ils sont tous simplement partis.
M. Brian Crowley: Le train attendait à l'entrée du quai.
M. Peter Stoffer: Oui, il les attendait. Les immigrants que la Nouvelle-Écosse a accueillis durant cette période d'accroissement de l'immigration était plus ou moins des agriculteurs et des pêcheurs. Tous les industriels sont partis. Ils sont allés vendre leur expertise ailleurs au pays. Je ne crois pas que nous ayons réussi à inverser le phénomène encore, mais un virage s'amorce lentement.
Voici ce qui me trouble vraiment, entre autres. Les immigrants aussi lisent les journaux et suivent les médias. Quand notre premier ministre dit que nous sommes une province démunie, les immigrants décident de s'établir ailleurs au Canada. Ils ne viennent pas dans une province démunie. Ils n'en envisageront même pas la possibilité. Si le premier ministre qui vit ici dit que la province est démunie, il n'y aura pas d'immigrant qui souhaitera venir y établir sa famille. L'immigrant veut profiter des possibilités, il recherche la diversité culturelle, il souhaite pouvoir vivre en paix et dans la liberté, avoir accès à de bons services récréatifs, culturels et éducatifs et il veut savoir que les besoins de sa famille seront satisfaits. On ne me fera jamais croire que nous sommes une province démunie. J'ai toujours dit que nous avons tout. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez.
Par ailleurs, n'étant pas d'ici, j'ai remarqué dans le Canada atlantique un certain chauvinisme—il n'est pas universel, et la situation change. Si vous ne faites pas partie de l'infrastructure, si votre famille n'a pas de racines ici... même en tant que député, je continue de me faire dire dans la circonscription que je représente que je ne suis pas vraiment un Néo-Écossais, Eh bien! Je suppose que je ne suis pas vraiment un Canadien non plus, car je ne suis pas né au Canada. Les attitudes sont en train de changer, mais le phénomène est très réel.
Ce matin, j'ai appris par le journal qu'un certain M. Reyat avait été jugé coupable d'un crime. Je sais exactement ce que vont dire certains membres de la circonscription que je représente: «Pourquoi laisser les immigrants comme ceux-là venir ici s'ils vont se livrer à des activités criminelles?» Ce genre d'attitude favorise l'ignorance des bons côtés de l'immigration en réalité. On continue de croire dans la province que les immigrants volent les emplois. La vérité, c'est qu'ils fournissent des emplois, et l'un des meilleurs exemples est un certain monsieur Ken Rowe. Il est venu de Grande-Bretagne. Avec ses idéaux et ses objectifs commerciaux, il a employé littéralement des centaines et des centaines de personnes dans la province. Il aurait pu aller s'établir n'importe où dans le monde, mais c'est ici, dans cette province, qu'il s'est installé. Ce qu'il a fait est incroyable. J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait qu'il y a ici d'excellents exemples.
Vous avez aussi affirmé que les gouvernements n'immigrent pas, que ce sont les gens qui immigrent. Le seul moment où des gouvernements immigrent, c'est lorsqu'il y a une guerre, et ils deviennent alors des gouvernements en exil.
Je voulais vous demander, entre autres, votre opinion au sujet de la carte d'identité nationale proposée. Je sais que vous n'en avez probablement pas fait une analyse fouillée encore, mais il serait intéressant de connaître votre opinion.
De plus, j'estime que le sommet de l'immigration que vous proposez est brillant. L'idée de réunir tout le monde, même des représentants du gouvernement d'autres pays, qui envisage de venir s'établir au Canada pour voir comment on peut les aider est fantastique. Je crois que la solution à beaucoup de nos problèmes se trouve dans ce genre d'initiative. C'est une idée brillante.
M. Brian Crowley: Vous avez soulevé plusieurs points. Je ne serai peut-être pas en mesure de répondre à tous ces points, mais je vais faire quelques brèves observations, puis nous parlerons de la carte d'identité nationale.
Je n'utilise plus cette expression de «province démunie». S'il le faut, je parle de province moins développée, mais je ne vois pas ma province comme une province démunie. C'est avoir là une bien piètre image de soi. Vous avez tout à fait raison de dire que, si c'est ainsi que nous nous voyons, l'immigrant serait bien fou de vouloir s'établir dans une province démunie alors qu'il peut s'établir en Alberta, en Ontario ou en Colombie-Britannique. Il faut vraiment changer notre façon de nous percevoir et de parler de nous-mêmes.
Si je puis me le permettre, je crois qu'il existe certains préjugés au sujet de notre petit coin du monde. La bureaucratie fédérale nous représente si souvent à l'étranger, et tout ce jargon de provinces nanties et démunies vient en fait du gouvernement fédéral. C'est ainsi que les fonctionnaires fédéraux nous ont catégorisé pour savoir qui obtiendrait de la péréquation, des fonds de développement économique régional et ainsi de suite. Beaucoup d'immigrants m'en ont parlé. Ils approchent des représentants officiels du gouvernement du Canada à l'extérieur du pays et leur disent qu'ils songent immigrer, mais qu'ils n'en savent pas beaucoup au sujet du Canada. Ils savent que le Canada est riche, mais ils aimeraient savoir où ils devraient s'établir. Le message qui leur est souvent donné, c'est que la plupart des gens vont s'établir à Toronto, à Vancouver et à Montréal et que c'est là qu'ils trouveront le plus de possibilités et ainsi de suite. Nous voilà donc coincés dans un cercle vicieux. Les immigrants ne viennent pas chez nous, de sorte que nous n'arrivons pas à les attirer. Cependant, ils vont s'établir à Toronto, phénomène qui est aggravé, à mon humble avis, par la façon dont le pays est représenté à l'étranger.
Á (1145)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): La plupart des membres du comité ici présents ont eu l'occasion de voyager à l'étranger et d'entendre des entrevues, de parler avec des gens qui sont là-bas. Je n'ai jamais constaté cela lors de nos missions. En fait, j'ai trouvé que nos représentants étaient très ouverts. Les gens savent où se trouvent Vancouver, Montréal et Toronto. Quand vous parlez du Canada, ils en connaissent les grandes villes. Par contre, ils en savent très peu au sujet du Canada, et je ne crois pas qu'ils soient au courant des enjeux économiques du Canada atlantique, du moins là où je me trouvais, et d'autres membres du comité semblent être du même avis. J'éprouve donc quelques difficultés à accepter que les fonctionnaires fédéraux ne véhiculent pas les bons messages.
M. Brian Crowley: Croyez-moi, je serais le plus heureux des hommes de découvrir que je fais erreur, monsieur le président. Nous nous fions tous à des incidents anecdotiques pour nous faire une opinion. Je pourrais vous donner bien des exemples de personnes qui ont vécu des expériences différentes. J'estime simplement qu'il importe d'en être conscient.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, les gens n'immigrent pas à des endroits dont ils n'ont jamais entendu parler. Si une partie du problème est le fait que, lorsqu'on entend parler du Canada, on pense immédiatement à Vancouver, à Calgary, à Toronto, à Ottawa et à Montréal, et que c'est tout, alors il faut que nous, au Canada, fassions un meilleur travail afin d'attirer les immigrants dans d'autres endroits. Les immigrants ne sont pas responsables de trouver toutes les petites localités dont ils n'ont jamais entendu parler. C'est à nous qu'il appartient de les informer de leur existence. Si je regarde la répartition de l'immigration d'un bout à l'autre du pays, j'en déduis que nous n'avons pas réussi à communiquer cette information. Il pourrait y avoir toutes sortes de raisons pour expliquer le phénomène. Je ne tiens pas à laisser entendre qu'il s'agit uniquement d'un préjugé du Canada central; c'est là un mauvais réflexe de Néo-Écossais, et je ne voudrais pas tomber dans ce piège. Par contre, je n'irai pas jusqu'à dire qu'il ne faudrait pas réfléchir à la façon dont nous, en tant que Canadiens, percevons les différentes régions du pays et voir si cela n'aurait pas une influence.
Il a été question de la carte d'identité nationale. Avant de vous dire ce que j'en pense, je précise que je ne suis pas un expert de la question. Toutefois, j'ai vécu au Canada, j'ai vécu au Royaume-Uni pendant cinq ans, j'ai également vécu en Afrique et j'ai beaucoup voyagé partout dans le monde. J'ai commencé à m'intéresser beaucoup plus aux questions de sécurité, en partie parce que mon institut estime qu'un des plus grands défis qu'a à relever le Canada en matière de politique gouvernementale est la gestion de ses rapports avec les États-Unis et la définition des prochaines étapes à cet égard. Manifestement, les Américains nous poussent à être plus conscients de la sécurité. J'estime donc que c'est dans ce contexte que se situe le débat sur la carte.
Ma réaction immédiate à l'idée d'une carte d'identité nationale n'est pas très favorable. Comme toujours, je veux savoir quel problème est réglé en l'instituant. Je pourrais me tromper, et j'aimerais bien qu'on me le dise si c'est le cas, mais je doute fort qu'il soit très difficile aux autorités d'identifier convenablement les gens qui se trouvent légitimement au Canada. Nous avons tous de nombreuses pièces d'identité. Si je sors mon portefeuille, je vois 10 pièces d'identité qui m'ont été émises par divers gouvernements.
L'idée d'une pièce centrale d'identité me préoccupe beaucoup. Quels que soient les précautions que nous prenons, elle finira par ressembler à la carte d'assurance sociale, qui ne devait servir qu'à des fins fiscales. Or, tout le monde sait qu'à peu près n'importe quel genre d'organisme avec lequel on traite nous demande ce numéro, parce qu'il s'agit d'un moyen simple d'identifier la personne. Le numéro d'assurance sociale est devenu un identificateur très courant qui permet, comme nous le savons tous, d'utiliser diverses bases de données pour réunir en un tout beaucoup de renseignements, phénomène à l'égard duquel les Canadiens ont des raisons légitimes de s'inquiéter. Je craindrais moi aussi énormément que la carte d'identité nationale ne devienne, quelles que soient les intentions dans lesquelles on l'a créée, un identificateur uniforme des Canadiens qui pourrait servir à des fins qui porteraient atteinte à notre vie privée.
Je sais aussi d'expérience qu'il n'existe pas de document gouvernemental que l'on ne puisse pas contrefaire. Par conséquent, si la raison d'être de cette carte est de distinguer clairement ceux qui se trouvent légitimement au Canada et qui ont un statut juridique ici de ceux dont ce n'est pas le cas, je doute fort que la carte soit utile parce que les faussaires réussiront toujours à contrefaire les documents avant que le gouvernement ne réussisse à en empêcher la contrefaçon. Je doute donc qu'elle permettrait de repérer ceux qui ne sont pas censés être ici. Ce sont des gens qui, par définition, ne suivent pas les règles du jeu et qui sont disposés à dépenser beaucoup d'argent pour s'établir ici, y compris pour obtenir de faux documents. Par ailleurs, en ce qui concerne ceux qui se trouvent ici légitimement et qui peuvent déjà s'identifier adéquatement, je vois la carte comme une éventuelle menace au respect de leur vie privée, une menace qui m'inquiéterait énormément.
Á (1150)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Monsieur Crowley, je vous remercie beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris la peine de venir partager vos vues avec nous. Beaucoup de ces questions sont vraiment très compliquées, et quand on réunit 25 personnes pour en discuter, on a droit à 50 opinions. Mais, tout compte fait, l'opinion des Canadiens d'un peu partout au pays revêt la plus haute importance pour notre comité, non pas tant d'un point de vue sectaire. Ce qu'il y a d'agréable à faire partie de ce comité-ci, c'est qu'il est vraiment très impartial et qu'il essaie d'étudier les dossiers sans tenir compte des intérêts sectaires. Je crois qu'il a assez bien réussi à le faire. Une grande attention sera donc portée à votre témoignage, et je crois qu'une bonne partie de ce que vous avez dit a eu beaucoup d'impact et nous a donné de bonnes raisons de réfléchir à certains processus.
Je vous remercie beaucoup.
Á (1155)
M. Brian Crowley: Je remercie vivement le comité de m'avoir invité à venir témoigner. Je lui en suis vraiment reconnaissant. Je remercie également les membres du comité de m'avoir écouté avec autant de respect. J'ai pris plaisir à échanger avec vous.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): La séance est levée.