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SRSR Rapport du Comité

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Rapport dissident du NPD

Petits réacteurs nucléaires modulaires

Le Nouveau Parti démocratique du Canada est en désaccord avec les recommandations un, quatre, cinq, six et sept. Le NPD considère que les petits réacteurs nucléaires modulaires ne sont pas une technologie écologique, qu’ils ne permettront pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada dans les délais fixés par le gouvernement du Canada, que la technologie est coûteuse et donne lieu à des dépassements de coûts et qu’elle augmentera la présence de déchets hautement radioactifs dans l’ensemble du Canada. Plutôt que de consacrer des milliards de dollars de l’argent des contribuables à cette technologie, le Canada devrait concentrer ses efforts sur la production d’électricité au moyen de sources renouvelables. Les technologies éoliennes, solaires et hydroélectriques sont éprouvées, rentables, efficaces et prêtes à déployer.

Les petits réacteurs nucléaires modulaires ne sont pas une technologie écologique

Si la fission nucléaire ne rejette pas de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, elle produit en revanche de grandes quantités de déchets radioactifs très toxiques. En 2006, le National Research Council des États-Unis concluait dans un rapport intitulé Biological Effects of Ionizing Radiation (BEIR) VII qu’il n’existe probablement pas de niveau d’exposition sans danger et que même un faible niveau de rayonnement peut potentiellement augmenter le risque de cancer[i].

« Les petits réacteurs modulaires vont produire plus de déchets par kilowattheure d’électricité produite que les grands réacteurs », a déclaré M. M.V. Ramana. Il a poursuivi comme suit : « […] ces substances seront dangereuses pendant des centaines de milliers d’années. C’est une propriété inhérente de ces matériaux. Aucune recherche ne va changer cette propriété. »

À l’heure actuelle, le Canada ne dispose d’aucune solution permanente pour le stockage à long terme des déchets nucléaires. Les grappes de combustible nucléaire irradié sont placées temporairement dans des piscines remplies d’eau, où elles sont conservées pendant un maximum de 10 ans. Ensuite, elles sont transférées dans des conteneurs de stockage à sec faits de béton renforcé de haute densité, dont la durée de vie est de 50 ans[ii].

D’après la Société de gestion des déchets nucléaires du Canada, on trouve environ 3,2 millions de grappes de combustible nucléaire irradié au Canada. Lorsque l’exploitation des réacteurs nucléaires actuels du Canada prendra fin, le nombre des grappes de combustible nucléaire irradié pourrait atteindre environ 5,5 millions. Quelque 90 000 grappes de combustible irradié s’ajoutent chaque année.

Ainsi que l’a affirmé Mme Ginette Charbonneau, le Canada doit « exercer une grande vigilance concernant les problèmes des déchets radioactifs générés par les petits réacteurs modulaires. Il est risqué de développer l’industrie nucléaire, car, comme vous le savez, les déchets s’accumulent de plus en plus et les coûts associés à leur gestion deviennent absolument astronomiques. »

Elle a ajouté ceci : « parce que les déchets des petits réacteurs modulaires ne sont pas bien caractérisés. On ne sait pas ce qu’ils vont être. On sait qu’ils auront une moins longue durée de vie et une moins forte intensité, mais qu’ils seront plus complexes pour ce qui est des déchets de moyenne activité et de faible activité. C’est donc l’inconnu total et on ne sait pas quoi en faire. »

Les néo-démocrates du Canada estiment qu’il n’est pas prudent de rajouter d’autres déchets nucléaires très toxiques à cet amas déjà imposant.

Les petits réacteurs nucléaires modulaires ne réduiront pas assez rapidement les GES

Le Canada vise un objectif de réduction des émissions de 40 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, et la carboneutralité d’ici 2050. Pour y parvenir, il doit déployer dès maintenant des technologies sans émissions de GES. M. André Bernier, directeur général, Direction des ressources en électricité, ministère des Ressources naturelles, a déclaré qu’« [o]n ne s’attend pas à ce que les petits réacteurs modulaires contribuent de manière substantielle à l’atteinte des cibles pour 2030. On s’attend même à ce qu’il n’y ait qu’un très petit nombre de ces réacteurs déployés au Canada d’ici 2035 ».

M. Ramana a informé le Comité de ce qui suit : « L’industrie [nucléaire] en parle depuis des décennies. En 2001, le département de l’Énergie des États-Unis a commandé un rapport sur différents modèles de PRM. Il a conclu que l’un d’eux pourrait être opérationnel d’ici la fin de la décennie, c’est-à-dire en 2010. Nous sommes maintenant en 2022. Il n’y a pas un seul modèle de PRM aux États-Unis qui soit prêt à être utilisé à des fins commerciales. Lors de sa création, NuScale a promis que ses premiers réacteurs seraient opérationnels d’ici 2015 à 2016. Elle parle maintenant de 2029 à 2030. Je pense que même cela est optimiste. »

Selon une étude réalisée par la Fondation David Suzuki, « le système électrique canadien peut atteindre zéro émission d’ici 2035, principalement grâce à des investissements dans l’éolien, le solaire, le stockage de l’énergie et le transport interprovincial, complétés par des investissements dans l’efficacité énergétique[iii]. »

Quelques petits réacteurs nucléaires modulaires sont en activité, mais un grand nombre de ces réacteurs sont encore au stade de l’étude et de la conception. Attendre pendant des décennies que cette technologie soit utilisable n’aidera pas le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES. De plus, les milliards de dollars de fonds publics dépensés pour mettre cette technologie au point réduisent le financement qui pourrait être consacré à améliorer les technologies des énergies renouvelables existantes.

La technologie est coûteuse et donne lieu à des dépassements de coûts

L’industrie nucléaire soutient que les petits réacteurs modulaires représentent une solution économique aux besoins énergétiques du Canada, en particulier dans les communautés rurales et éloignées. Or, M. Ramana a dit au Comité que « […] les données empiriques sur l’énergie nucléaire dans le monde indiquent que plus on a construit de réacteurs, plus les coûts ont augmenté, au lieu de diminuer. En France et aux États-Unis, les deux pays qui ont le plus de centrales nucléaires, le coût moyen de la centrale a augmenté à mesure que de plus en plus de centrales étaient construites. » Quant à M. Jeremy Rayner, en réponse à une question sur les coûts de développement des petits réacteurs nucléaires modulaires, il a déclaré : « je ne suis pas économiste et je n’ai pas non plus accès aux données sur les coûts dont les entreprises disposent. En fait, elles [les compagnies nucléaires] ne disposent même pas de données très solides à l’heure actuelle, jusqu’à ce qu’elles en construisent un. » Entre temps, l’industrie, sans fournir de données précises, dit espérer et croire que cette fois les coûts ne seront pas excessifs, parce que les petits réacteurs nucléaires modulaires seront construits en grand nombre.

M. Gordon Edwards a résumé pour le Comité l’historique des pressions exercées dans le passé en faveur de l’énergie nucléaire :

« La première campagne de promotion de l’énergie nucléaire a suivi l’embargo pétrolier de 1973, quand Énergie atomique du Canada limitée avait annoncé que des centaines de réacteurs CANDU seraient construits d’un bout à l’autre du pays. C’était une fausse alerte.
À ce moment, même Hydro-Québec avait envisagé d’installer une cinquantaine de réacteurs de grande puissance le long du fleuve Saint-Laurent, mais aucun n’a été construit. Le seul réacteur québécois qui était en construction à l’époque est maintenant fermé définitivement.
La deuxième poussée a eu lieu au début du XXIe siècle. On a alors annoncé en grande pompe la renaissance mondiale du nucléaire, avec la construction de milliers de grands réacteurs. Cette campagne a aussi fait long feu. Une poignée de réacteurs nucléaires a été commandée, dont un en Finlande, un à Flamanville, en France, et quatre dans les États américains de la Géorgie et de la Caroline du Sud. Ces projets ont tous été plombés par des années de retard et des dépassements de coûts massifs. Deux géantes du secteur nucléaire ont fait faillite. »

M. Ramana a raconté au Comité l’expérience vécue par d’autres pays qui ont voulu se doter de petits réacteurs nucléaires modulaires :

« Le concept russe était une centrale dite flottante, où le réacteur nucléaire se trouvait sur une barge. Cela devait servir à électrifier les collectivités éloignées de la Russie, qui se trouvaient sur la côte arctique. Ce réacteur a été construit, mais avec plus d’une décennie de retard. Son coût a été environ trois fois plus élevé que les estimations initiales. C’est la principale raison pour laquelle il n’y a pas eu de clients. De nombreux pays aimeraient avoir l’un de ces réacteurs. L’Indonésie est l’un de ceux que j’ai mentionnés. Elle a dit qu’elle a un grand nombre d’îles et qu’il serait formidable d’avoir une centrale électrique flottante, mais qu’elle n’est pas vraiment prête à se lancer dans un tel projet, compte tenu de l’expérience passée et des coûts.
Dans le cas de la Chine, elle a construit un réacteur à haute température refroidi au gaz, qui se fondait sur une expérience antérieure en Allemagne. Ce réacteur a eu, lui aussi, environ quatre ans de retard. Son coût a été estimé à 40 % de plus que le coût de l’électricité produite par les réacteurs à eau légère en Chine. Par conséquent, les plans de construction d’un plus grand nombre de ces réacteurs à haute température refroidis au gaz ont été mis de côté. On parle d’essayer d’élargir le projet, de tenter de réduire les coûts grâce à des économies d’échelle, ce qui veut dire essentiellement qu’on ne parle plus de petits réacteurs modulaires, mais de gros réacteurs.
Dans le cas de la Corée du Sud, la conception SMART de ce réacteur a fait l’objet d’une licence de construction en 2012. Pas un seul des fournisseurs d’électricité du pays n’a voulu en construire un. Par conséquent, la Corée du Sud cherche des marchés d’exportation. Il est question de l’Arabie saoudite et de la Jordanie, mais aucun de ces pays n’en a acheté jusqu’à présent. »

Il a ajouté qu’« il est déjà très coûteux de faire la R‑D nécessaire pour essayer de prouver qu’un de ces réacteurs est sécuritaire. Je reviens à l’exemple du réacteur NuScale aux États-Unis. Plus de 1 milliard de dollars américains y a maintenant été consacré, sa conception est loin d’être terminée et il n’est pas prêt à être construit. Selon la plupart des estimations, le coût du projet va atteindre environ 1,5 ou 2 milliards de dollars américains. »

M. Ramana a souligné que les coûts élevés de ces réacteurs nucléaires font fuir les clients,

« en raison de la conjoncture économique défavorable, la demande de PRM est faible. Les réacteurs de conception russe KLT‑40S, de conception chinoise HTR‑PM et de conception sud-coréenne SMART, dont la construction a été autorisée il y a une dizaine d’années, n’ont intéressé aucun client. Aux États-Unis, de nombreux services publics ont abandonné le projet NuScale en raison de son coût élevé.
Bien que de nombreux pays en développement prétendent s’intéresser aux PRM, aucun n’a investi dans la construction d’un tel système. La Jordanie, le Ghana et l’Indonésie, qui sont tous considérés comme des marchés prometteurs pour les PRM depuis des années, sont de bons exemples, mais aucun d’entre eux n’en achète. »

Un autre coût dont font abstraction les partisans des petits réacteurs nucléaires modulaires est celui du nettoyage et de la mise hors service. Dans son témoignage, M. Edwards a dit au Comité qu’« [à] Hanford, dans l’État de Washington, et à Sellafield, dans le Nord de l’Angleterre, le nettoyage de sites a coûté l’équivalent de 100 milliards de dollars. C’est ce qu’a coûté le nettoyage, mais je vous rappelle qu’il n’élimine pas les déchets. C’est une opération qui permet d’améliorer les conditions de stockage, c’est tout. »

Les PRM augmenteront la présence de déchets hautement radioactifs dans l’ensemble du Canada

L’industrie nucléaire soutient que, pour être rentables, les petits réacteurs modulaires doivent être déployés en grand nombre. Des centaines de nouveaux réacteurs nucléaires pourraient ainsi être déployés dans tout le Canada, souvent dans des régions éloignées telles que les collectivités nordiques et les sites miniers. Chacune de ces installations produirait des déchets hautement radioactifs qu’il faudrait enlever et transporter pour être entreposés ou retraités. Du seul fait de la fréquence accrue du transport de déchets radioactifs, le risque d’accidents augmentera considérablement.

La récente recherche de grande envergure en Australie-Occidentale pour retrouver une capsule radioactive de césium 137 de la taille d’un pois devrait nous mettre en garde contre le coût d’une intervention à la suite du rejet accidentel de déchets radioactifs en cours de transport. Compte tenu des coûts de nettoyage et du danger pour la vie humaine et animale à la suite d’un seul accident lors du transport et de la manutention de déchets nucléaires dispersés dans des centaines de lieux éloignés, le déploiement de ces réacteurs en remplacement de centrales diesel ne constitue pas un risque prudent.

Conclusion

À la lumière des facteurs qui précèdent, le NPD est d’avis que le Canada ferait preuve d’une plus grande prudence s’il réaffectait le financement dont bénéficie actuellement l’industrie nucléaire pour les petits réacteurs modulaires au développement de technologies axées sur les énergies renouvelables.