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RNNR Rapport du Comité

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Une étude de la promesse du Gouvernement du canada de plafonner les émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier

Introduction

L’étude

Du 7 février au 6 avril 2022, le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes (le Comité) a étudié la proposition du gouvernement du Canada consistant à instaurer un plafond d’émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier. Le Comité avait convenu que l’étude en question porterait notamment sur

la capacité du Canada de tenir ses engagements climatiques précisés à la Conférence des Parties sur les changements climatiques de l’ONU (COP26) à Glasgow, les plans et les cibles du gouvernement pour financer l’énergie renouvelable, [et] le rôle du captage, de l’utilisation et de la séquestration du carbone…

Dans le cadre de cette vaste étude, le Comité a entendu les déclarations de divers témoins, comme des universitaires, des dirigeants d’entreprise, des représentants d’organismes environnementaux et de recherche, des Autochtones, ainsi que les ministres fédéraux des Ressources naturelles et de l’Environnement et du Changement climatique. Le Comité tient à remercier tous les témoins pour leur contribution. Dans ce rapport, le Comité relate les témoignages qu’il a recueillis et fait des recommandations au gouvernement du Canada pour l’élaboration d’un plafond d’émissions de gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier et gazier.

Le défi

Le Canada doit composer avec un contexte difficile. Pour contrer la menace des changements climatiques, il travaille à réduire ses émissions, y compris celles provenant du secteur pétrolier et gazier. Parallèlement, le Canada s’efforce d’offrir un approvisionnement énergétique fiable pour lui-même et pour ses alliés pendant qu’il reste encore une forte demande pour le pétrole et le gaz naturel[1].

Les sociétés doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour freiner le réchauffement planétaire et prévenir les effets les plus destructeurs des changements climatiques. Kevin Anderson, professeur en Énergie et Changements climatiques à l’Université Manchester, a expliqué que « [c]haque fraction de degré compte », car toute augmentation du réchauffement planétaire accroît le risque d’effets plus dommageables. Certains de ces effets – comme la réduction des habitats, la diminution de la biodiversité ainsi que l’augmentation de la fréquence et de la violence des phénomènes météorologiques – sont déjà visibles au Canada, et les communautés nordiques ainsi que les peuples autochtones les ressentent de manière particulièrement vive[2].

« Les Premières Nations sont aux premières loges pour observer les changements climatiques. La perte d’habitats, l’extinction d’espèces, la mauvaise qualité de l’air, la perte d’infrastructures et les conditions météorologiques extrêmes ont un impact direct sur les communautés des Premières Nations. Tous ces phénomènes ont des répercussions financières, sanitaires, économiques et psychologiques sur nos communautés, et les Premières Nations sonnent l’alarme depuis des décennies déjà. »

Cheffe Sharleen Gale, Coalition des Premières Nations pour les grands projets

Parallèlement à cela, des témoins ont fait remarquer que l’agression de la Russie contre l’Ukraine – et les perturbations qu’elle a créées sur les marchés mondiaux de l’énergie – a fait ressortir le problème de la sécurité énergétique[3]. Le Comité a entendu des points de vue divergents sur la façon de régler ce problème.

Pour certains, comme l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie et l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP), les ressources pétrolières et gazières que possède le Canada peuvent permettre d’améliorer la sécurité énergique au pays et dans le monde. D’autres n’étaient pas du même avis, faisant valoir que c’est par la transition vers l’abandon des combustibles fossiles que nous assurerons le mieux notre sécurité énergétique[4]. Francesco La Camera, directeur général de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, est allé plus loin en affirmant que nous devons accélérer cette transition « non seulement pour des raisons climatiques et économiques, mais aussi pour permettre aux pays du monde entier de jouir de droits, d’une indépendance et d’une sécurité ».

Pour leur part, les ministres des Ressources naturelles et de l’Environnement et du Changement climatique ont adopté le point de vue selon lequel la lutte contre les changements climatiques et la sécurité énergétique sont des défis complémentaires, et que le Canada peut les relever tous les deux. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a déclaré que « ces deux réalités parlent de changement. Elles nous forcent à voir que les choses ne peuvent plus continuer comme si de rien n’était et, en fin de compte, elles pointent vers la même destination ». Le ministre des Ressources naturelles était d’accord, disant au Comité que le gouvernement « souten[ait] les marchés mondiaux de l’énergie tout en prenant des mesures énergiques et ambitieuses pour réduire les émissions ».

La suite du présent rapport traite de ces questions, en examinant de quelle façon le Canada peut réduire les émissions de son secteur pétrolier et gazier et maximiser les avantages de la transition énergétique qui s’annonce.

Les émissions de gaz à effet de serre et le secteur pétrolier et gazier

Dans le cadre de son plan destiné à atténuer les changements climatiques et à s’y adapter, le Canada s’est engagé à réduire d’ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005, et à atteindre la carboneutralité à l’horizon 2050. Compte tenu du contexte, selon le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, on ne peut faire fi du secteur pétrolier et gazier.

Au Canada, les émissions de GES sont réparties entre sept secteurs de l’économie, dont celui du pétrole et du gaz, qui est le plus grand émetteur. Selon les données les plus récentes, le secteur pétrolier et gazier était responsable de 27 % des émissions du pays en 2020. On a observé également que les émissions attribuables à ce secteur ont augmenté plus que celles des autres secteurs, soit de 74 % entre 1990 et 2020. Toutefois, comme le fait observer le gouvernement du Canada :

La dernière année présentée (2020) coïncide avec la 1re année de la pandémie de COVID-19 qui a fortement touché un large éventail de secteurs économiques, y compris les secteurs de l’énergie et des transports. Les tendances à long terme présentées doivent être interprétées avec prudence car le ralentissement économique a influencé les résultats de 2019 à 2020.

Pendant l’étude du Comité, les données disponibles sur les émissions ne couvraient que la période de 1990 à 2019, et les témoins ont affirmé que les émissions du secteur pétrolier et gazier avaient augmenté encore plus durant cette période. De 1990 à 2019, les émissions du secteur ont en effet augmenté de 98 %. La figure 1 présente la répartition des émissions du Canada de 1990 à 2020.

Figure 1 — Émissions de gaz à effet de serre au Canada par secteur de l’économie, de 1990 à 2020 (Mt d’éq. CO2)

Cette figure présente les émissions de gaz à effet de serre au Canada par le secteur économique qui les a produits, de 1990 à 2020. Les émissions attribuables au secteur de l’exploitation pétrolière et gazière ont augmenté plus que celles des autres secteurs, soit de 74 % entre 1990 et 2020. Les émissions du secteur des transports ont augmenté de 32 %. Les émissions du secteur des bâtiments ont augmenté de 23 %. Les émissions du secteur d’électricité ont diminué de 41 %. Les émissions du secteur d’industrie lourde ont diminué de 26 %. Les émissions du secteur d’agriculture ont augmenté de 33 %. Les émissions du secteur de déchets et autres ont diminué de 12 %.

Note :     Selon le gouvernement du Canada, « [l]a diminution de l’utilisation du charbon et l’augmentation des autres types de centrales servant à produire de l’électricité ont contribué au déclin général de l’intensité en GES dans le secteur de la production d’électricité des services publics d’électricité ».

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données obtenues auprès du gouvernement du Canada, Émissions de gaz à effet de serre.

Un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier

Le 1er novembre 2021, à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2021 – ou COP26 –, le premier ministre Trudeau a annoncé que le Canada

allait de l’avant avec le plafonnement et la réduction de la pollution générée par le secteur pétrolier et gazier pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pour y parvenir à un rythme et à une envergure nécessaires afin d’atteindre l’objectif partagé de la carboneutralité d’ici 2050, le gouvernement fixera des cibles de cinq ans et veillera à ce que le secteur apporte une contribution significative à l’atteinte des objectifs climatiques du Canada pour 2030.

Les témoins s’entendaient pour dire que le secteur pétrolier et gazier devait contribuer aux objectifs climatiques du Canada, mais certains ont aussi fait remarquer que le pays n’avait pas réussi à atteindre ses cibles passées[5]. En fait, comme l’a expliqué Dale Marshall, gestionnaire du Programme national du climat de Protection environnementale Canada, les émissions canadiennes ont augmenté davantage que celles des autres pays du G7. Cette augmentation, aux dires des témoins, est partiellement attribuable à la hausse des émissions du secteur pétrolier et gazier[6]. C’est pourquoi, selon Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche à l’Institut de l’énergie Trottier, « l’objectif 2030 ne peut être atteint sans une transformation profonde du secteur pétrolier et gazier ».

Après avoir annoncé son intention de fixer un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier, le gouvernement fédéral a demandé conseil au Groupe consultatif pour la carboneutralité (GCPC) pour fixer ce plafond. Le GCPC est un groupe indépendant nommé par le gouvernement pour donner des conseils sur la planification fédérale en matière de lutte contre les changements climatiques[7]. On lui a demandé d’établir « les principes directeurs nécessaires à l’élaboration de cibles quinquennales quantitatives pour les réductions d’émissions dans le secteur pétrolier et gazier ». Le Groupe a répondu en présentant sa Proposition concernant le plan de réduction des émissions de 2030 du gouvernement du Canada.

Le 29 mars 2022, le gouvernement fédéral a publié son Plan de réduction des émissions pour 2030, dans lequel on peut lire que le plafond d’émissions est « en cours d’élaboration ». Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a dit au Comité : « [N]ous n’avons pris aucune décision ferme sur la conception et la portée du plafond des émissions de pétrole et de gaz. Tout cela sera défini au cours des prochains mois. »

Figure 2 — Émissions et réductions projetées de gaz à effet de serre au Canada selon le Plan de réduction des émissions pour 2030 (Mt d’éq. CO2)

Cette figure présente les émissions de gaz à effet de serre du Canada de 1990 à 2020, ainsi qu’une projection des réductions des émissions du Canada entre 2021 et 2030. Ces projections se fondent sur le Plan de réductions des émissions pour 2030 du Gouvernement du Canada. La figure présente également les émissions de gaz à effet de serre attribuables au secteur pétrolier et gazier.

Notes :   Les lignes pleines indiquent les émissions réelles, et les lignes en pointillés, les émissions projetées.

Cette figure ne tient pas compte des émissions et des éliminations résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (ou UTCATF).

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données obtenues auprès du gouvernement du Canada, Émissions de gaz à effet de serre; et Plan de réduction des émissions pour 2030 : Prochaines étapes du Canada pour un air pur et une économie forte.

La portée d’un plafond d’émissions

Les témoins ont exposé leurs points de vue sur la portée, ou la couverture, du plafond d’émissions, notamment pour ce qui est de savoir s’il doit s’appliquer à la production; s’il doit inclure les émissions de catégorie 3; et si d’autres secteurs que celui du pétrole et du gaz devaient se voir imposer des plafonds d’émissions.

La question de la production

Le principal facteur d’augmentation des émissions attribuables au pétrole et au gaz au Canada est l’accroissement de la production, particulièrement de sables bitumineux[8]. La figure 3 illustre l’augmentation de la production de pétrole et de gaz canadiens depuis 1990.

Figure 3 — Production canadienne de pétrole brut et de gaz naturel, 1990–2021

Cette figure présente la production de pétrole brut et de gaz naturel au Canada de 1990 à 2021. La production de gaz naturel a augmenté de 98,8 milliards de mètres cubes à 173,5 milliards de mètres cubes. La production de pétrole léger et medium a augmenté de 369 millions de barils à 457 millions de barils. La production de pétrole lourd a augmenté de 114 millions de barils à 143 millions de barils. La production de pétrole brut bitumineux a augmenté de 125 millions de barils à 1,1 milliard de barils.

Note :     En 2020, la production canadienne de pétrole et de gaz a été fortement perturbée par la pandémie de COVID-19.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données obtenu auprès de Statistique Canada, Pétrole brut et équivalents, approvisionnement et utilisation, mensuel (x 1 000), Tableau 25-10-0014-01; Statistique Canada, Approvisionnement et utilisation du pétrole brut et équivalent, Tableau 25‑10-0063-01; Statistique Canada, Gaz naturel, approvisionnements et utilisations mensuel (x 1 000 000), Tableau 25-10-0047-01; et Statistique Canada, Approvisionnements et utilisations du gaz naturel, mensuel (données en milliers) (x 1 000), Tableau 25-10-0055-01.

Les témoins ont livré des analyses différentes au sujet de l’avenir de la demande de produits pétroliers et gaziers ainsi que sur la question de savoir si la production canadienne devrait augmenter ou diminuer.

Certains témoins ont évoqué les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et de la Régie de l’énergie du Canada (REC) indiquant qu’il y aurait une augmentation de la production de pétrole et de gaz dans certains scénarios. L’ACPP a fait référence au scénario de l’AIE fondé sur les « politiques actuelles » en ce qui concerne la production pétrolière. Selon ce scénario, dans le World Energy Outlook 2021 de l’AIE, les projections montrent une augmentation de la production de pétrole de 4,5 %, de 2019 à 2050, et de 24,3 % pour le gaz naturel au cours de la même période. Le représentant de l’ACPP a déclaré :

Ce ne sera pas facile de répondre à ces besoins croissants et immenses. Pour y parvenir d’une façon respectueuse de l’environnement, nous devrons nous appuyer sur le développement continu des technologies, sur une politique gouvernementale éclairée et sur le travail acharné de tous les pays du monde.

La REC a prévu certaines augmentations de la production pétrolière et gazière. Son économiste en chef, Jean-Denis Charlebois, a expliqué au Comité que la Régie a modélisé divers scénarios, dans son dernier rapport sur l’Avenir énergétique, publié en décembre 2021. Dans son scénario des « politiques actuelles », la production de pétrole brut et de gaz naturel augmente pendant la majeure partie de la période de projection. Dans le scénario « d’évolution des politiques » de la REC, qui table sur une baisse future des émissions, la production de pétrole atteindra un pic en 2032 puis diminuera, mais continuera tout de même d’augmenter globalement de 2 % entre 2020 et 2050. Selon ce même scénario, la production de gaz naturel devrait décroître d’environ 13 % entre 2015 et 2050. Les figures 4 et 5 montre la production de pétrole brut et de gaz naturel projetée selon les deux scénarios de la REC.

Figure 4 — Production de pétrole brut au Canada selon les projections de la Régie de l’énergie du Canada, 2010–2050 (millions de barils par jour)

Cette figure présente la production de pétrole brut au Canada telle que projeté par la Régie de l’énergie du Canada (REC). Dans son scénario « politiques actuelles », la REC projette que la production de pétrole brut augmente de 42 % entre 2020 et 2050. Dans son scénario « politiques en évolution », la REC projette que la production de pétrole brut augmente de 2 % entre 2020 et 2050.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données obtenues auprès du gouvernement du Canada, Avenir énergétique du Canada en 2021 - Offre et demande énergétiques à l’horizon 2050.

Figure 5 — Production de gaz naturel au Canada selon les projections de la Régie de l’énergie du Canada, 2010–2050 (millions de mètres cubes par jour)

Cette figure présente la production de gaz naturel au Canada telle que projeté par la Régie de l’énergie du Canada (REC). Dans son scénario « politiques actuelles », la REC projette que la production de gaz naturel augmente de 43 % entre 2020 et 2050. Dans son scénario « politiques en évolution », la REC projette que la production de gaz naturel diminue de 15 % entre 2020 et 2050.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données obtenues auprès du gouvernement du Canada, Avenir énergétique du Canada en 2021 - Offre et demande énergétiques à l’horizon 2050.

Ce ne sont toutefois pas les seules projections. Dale Beugin, vice-président de recherche et analyse, à l’Institut climatique du Canada[9], a fait référence à deux autres scénarios produits par l’AIE, ainsi qu’à des analyses du Réseau pour le verdissement du système financier indiquant qu’« il y a une baisse importante de la demande pétrolière et gazière ». En plus du scénario de l’AIE fondé sur les « politiques actuelles » décrit précédemment, le World Energy Outlook 2021 de l’AIE fait état de deux autres scénarios – appelés « engagements annoncés » et « développement durable » –, selon lesquels la production mondiale devrait chuter respectivement de 24,8 et de 70,7 % pour le pétrole, et de de 6,4 et 40,4 % pour le gaz naturel, entre 2019 et 2050.

Pour sa part, la REC a reconnu ne pas avoir de modèle énergétique compatible avec l’objectif canadien de carboneutralité à l’horizon 2050. La Régie inclura une analyse conforme à l’objectif de carboneutralité dans la prochaine édition du rapport sur l’Avenir énergétique du Canada, qu’elle devrait publier au printemps 2023[10].

Le projet de Bay du Nord

Le 6 avril 2022, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il approuvait le projet d’exploitation pétrolière de Bay du Nord, au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a publié une déclaration de décision exposant les 137 conditions requises pour que le projet aille de l’avant, notamment celle voulant que le projet soit carboneutre d’ici 2050.

Le ministre de l'Environnement et du Changement climatique a indiqué que, selon le promoteur, le projet permettrait de produire de 300 millions à 1 milliard de barils de pétrole. Il a insisté sur le fait que les émissions de ce projet seraient soumises au plafond d’émissions imposé au secteur pétrolier et gazier.

Plafonnement de la production de pétrole et de gaz

Puisque l’accroissement de la production a contribué à l’augmentation des émissions du secteur pétrolier et gazier, certains témoins ont demandé au gouvernement de plafonner ou limiter la production de pétrole et de gaz. Dans un mémoire envoyé au Comité, le Réseau action climat et six autres organismes[11] ont plaidé en faveur d’un tel plafonnement, faisant valoir que l’augmentation de la production est incompatible avec les cibles climatiques que s’est fixé le Canada. Notant que les producteurs canadiens sont « en voie d’augmenter, d’ici 2030, la production annuelle de pétrole et de gaz au Canada de près de 30 % par rapport aux niveaux de 2020 », les organismes ont projeté que cela « entraînerait une augmentation de 25 % des émissions annuelles de carbone associées ».

Dans le même ordre d’idées, rappelant que le Canada a raté ses cibles de réduction des émissions en 2000, 2012 et 2020, Andrew Gage, de la West Coast Environmental Law Association, a expliqué que « [l]es pays qui émettent moins aujourd’hui qu’en 1990 ont fait des choix différents et ont limité la production de pétrole, de gaz et de combustibles fossiles ». Simon Langlois-Bertrand, Angela Carter, professeure agrégée à l’Université de Waterloo, et Bruno Detuncq, professeur à la retraite de l’École polytechnique de Montréal, ont joint leur voix à celle de ces témoins pour recommander que la production de pétrole et de gaz soit aussi visée par le plafonnement des émissions.

D’autres ont demandé que le Canada aille encore plus loin. Par exemple, Laurie Adkin, professeur agrégé à l’Université de l’Alberta, a dit qu’à son avis, « [l]’élimination progressive prévue de la production de pétrole et de gaz non conventionnels […] [confèrerait] une sécurité et un bien-être réels [aux Canadiens], ainsi qu’un vrai potentiel de réconciliation avec les peuples autochtones ». Kevin Anderson a parlé d’un rapport qu’il a corédigé appelant tous les pays développés à cesser graduellement la production de combustibles fossiles d’ici 2034, et a ajouté que « par rapport aux autres producteurs de pétrole et de gaz, le Canada est financièrement bien placé pour se détourner de la production de pétrole et de gaz ». De plus, il a affirmé que « le Canada ne fait pas preuve d’un leadership significatif. Il a l’un des niveaux les plus élevés d’émissions par habitant, soit environ 16 tonnes par personne ».

D’autres témoins ont exprimé toutefois leur forte opposition à l’instauration d’une limite de production. L’Institut climatique du Canada, Sara Hastings-Simon, Mark Jaccard, la Canada West Foundation, l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie, Tourmaline Oil Corporation, TC Énergie et l’ACPP s’entendaient pour dire que le plafond devrait s’appliquer uniquement aux émissions générées par la production de pétrole et de gaz. Dale Swampy, président de la National Coalition of Chiefs a déclaré que les chefs membres de son organisation et lui-même étaient « très préoccupé[s…] par le fait qu’un plafond sur les émissions [soit] en fait un plafond sur la production dans l’industrie pétrolière et gazière ». Il a affirmé que l’imposition d’un plafond sur la production « ruinerait beaucoup d’économies de l’Ouest ».

Des témoins ont aussi dit ne pas être d’accord que le gouvernement fédéral puisse limiter la production pétrolière et gazière. Selon Mark Jaccard, professeur à l’Université Simon Fraser, plafonner la production de pétrole et de gaz « serait inutilement préjudiciable aux régions de notre pays riches en combustibles fossiles et, de toute façon, une telle politique fédérale serait probablement inconstitutionnelle ». Seth Klein a affirmé en revanche que le gouvernement fédéral a des outils à sa disposition pour limiter la production à certains égards et a fait observer que :

Les exportations sont de compétence fédérale, et si le gouvernement fédéral peut interdire les exportations de charbon, il peut aussi commencer à limiter les exportations de pétrole et de gaz. Le transport interprovincial, comme les pipelines que je viens de mentionner, est de compétence fédérale. La production en mer relève de la compétence fédérale.

Sur ces points, le gouvernement fédéral a tenu à souligner qu’il agirait en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a indiqué que l’approche du gouvernement « respecte les champs de compétence », et a affirmé que « le gouvernement fédéral ne peut imposer aux provinces des réductions de production de ressources naturelles. Cependant, nous pouvons certainement nous attaquer à la pollution, et c’est ce que nous faisons ». Lors de sa comparution devant le Comité, le ministre des Ressources naturelles a déclaré : « Nous plafonnons les émissions, pas la production. Notre intention est de favoriser des améliorations continues du rendement sur le plan des émissions. »

Recommandation 1

Que le Gouvernement du Canada plafonne les émissions du secteur pétrolier et gazier pour s’harmoniser avec l’objectif à long terme de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius.

Intensité des émissions

L’intensité des émissions sera aussi un important facteur permettant au Canada d’atteindre ses objectifs climatiques. Francis Fong, un directeur général au Groupe Banque TD, a expliqué

qu’il y a deux façons de procéder pour modifier les émissions dans le secteur : réduire notre dépendance globale aux combustibles fossiles en décarbonisant les services d’utilisation finale ou réduire l’intensité des émissions générées par la production. Il est probable que nous devions avancer énergiquement sur les deux fronts si nous voulons atteindre notre objectif.

L’« intensité des émissions » désigne la quantité d’émissions produites par unité, comme les émissions par baril de pétrole. Shell Canada et TC Énergie ont donné des exemples de la façon dont des entreprises du secteur pétrolier et gazier ont investi massivement pour réduire l’intensité des émissions générées par leurs activités, et se sont engagées à faire d’autres réductions pour atteindre leurs objectifs climatiques. Les émissions par baril de sables bitumineux, par exemple, ont diminué d’environ 33 % entre 1990 et 2020[12].

Toutefois, Dale Marshall et Andrew Leach, professeur adjoint à l’Université de l’Alberta, ont fait remarquer que l’intensité des émissions d’un baril moyen de pétrole canadien a augmenté, depuis 30 ans, en raison de la place grandissante des sables bitumineux, qui génèrent plus d’émissions que le pétrole classique. Selon les dernières données, les émissions globales de production de pétrole canadien par baril ont augmenté de 2 % entre 1990 et 2020[13]. La figure 6 présente une répartition de ces émissions.

Figure 6 — Intensité des émissions en amont des produits pétroliers et gaziers canadiens en 1990, 2005 et 2020 (kg CO2e/baril d’équivalent pétrole)

Cette figure présente l’intensité des émissions de gaz à effet de serre en amont de différents produits pétroliers et gaziers du Canada en 1990, 2005 et 2020. L’intensité des émissions du pétrole léger conventionnel était environ 41 kg d’équivalent de dioxyde de carbone par baril d’équivalent pétrole (CO2e/bep) en 1990, 46 kg CO2e/bep en 2005 et 41 kg CO2e/bep en 2020. L’intensité des émissions du pétrole lourd conventionnel était environ 80 kg CO2e/bep en 1990, 75 kg CO2e/bep en 2005 et 49 kg CO2e/bep en 2020. L’intensité des émissions de la production des sables bitumineux était environ 120 kg CO2e/bep en 1990, 92 kg CO2e/bep en 2005 et 80 kg CO2e/bep en 2020. L’intensité des émissions de la production global de pétrole du Canada était environ 65 kg CO2e/bep en 1990, 75 kg CO2e/bep en 2005 et 66 kg CO2e/bep en 2020. L’intensité des émissions de la production et du traitement du gaz naturel était environ 46 kg CO2e/bep en 1990, 56 kg CO2e/bep en 2005 et 41 kg CO2e/bep en 2020.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données obtenues auprès d’Environnement et Changement climatique Canada.

Mark Jaccard et Martin Olszynski, professeur agrégé à l’Université de Calgary, ont déclaré que les technologies actuelles permettent de réduire l’intensité des émissions attribuables au pétrole et au gaz canadiens, et qu’avec l’apparition de nouvelles technologies, il sera possible de les réduire encore plus. Chris Severson-Baker, directeur régional pour l’Alberta du Pembina Institute, a ajouté que le secteur « est bien placé pour réaliser des investissements visant à réduire les émissions » grâce aux revenus records attendus pour 2021 et 2022. Robert Tarvydas, vice-président de la Stratégie réglementaire à la Corporation TC Énergie, a laissé entendre que les réductions de l’intensité des émissions pourraient permettre au secteur de maintenir ou même d’augmenter la production, tout en atteignant ses cibles de réduction des GES.

D’autres témoins ont dit douter que les émissions par baril diminuent assez pour que l’on puisse augmenter la production. Laurie Adkin a dit à ce propos : « Comme bon nombre des témoins précédents, j’accepte les recherches approfondies qui montrent qu’un calendrier de plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier qui permettra au Canada de respecter ses engagements de 2030 et de 2050 en matière de réduction des gaz à effet de serre entraînera une contraction de la production des sables bitumineux ». Pour finir, Jennifer Winter, professeure agrégée à l’Université de Calgary, a indiqué que la clé, c’est de « réussir à réduire l’intensité des émissions dans des proportions supérieures à l’augmentation de la production ».

Émissions pendant le cycle de vie

Des témoins ont parlé également des émissions pendant le cycle de vie des produits pétroliers et gaziers qui devraient être visées par le plafond. Comme l’indique le Protocole sur les gaz à effet de serre – une norme mondiale de mesure des émissions –, les émissions de GES sont généralement divisées en émissions de catégorie 1, 2 et 3[14].

Pour calculer les émissions du secteur pétrolier et gazier, le Canada compte les émissions générées pendant l’extraction, la distribution, le raffinage et la valorisation des produits pétroliers et gaziers au Canada[15], qui sont essentiellement des émissions des catégories 1 et 2. Les émissions de catégorie 3, provenant de l’utilisation finale des produits pétroliers et gaziers, sont attribuées au secteur ou au pays où les produits pétroliers et gaziers sont utilisés, et non au secteur pétrolier et gazier.

Bora Plumptre, de la Coalition Clean Fuel Standard Advocates, a fait remarquer qu’avec cette méthode de comptabilisation, la plupart « [d]es engagements des entreprises de l’industrie à atteindre la carboneutralité ne réduiront toutefois pas les émissions provenant de l’utilisation des carburants qu’elles vendent ». Il a qualifié ses émissions de « l’éléphant dans la pièce ». La représentante du Réseau action climat Canada a expliqué que « [l]es émissions totales de nos combustibles exportés [du Canada] sont en fait plus importantes que toutes les émissions produites sur le territoire de ce qu’on appelle actuellement le Canada ».

De ce fait, certains témoins étaient d’avis que les émissions de catégorie 3 devraient être prises en compte dans le plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier. Seth Klein, chef d’équipe de la Climate Emergency Unit, à l’Institut David Suzuki, a affirmé que « [f]aire fi de ces émissions de [catégorie] 3 est une abdication morale ». David Keith, professeur de politique publique à la Harvard Kennedy School, a fait observer que :

La plupart des émissions émanent du brûlage des produits. Le problème, c’est le produit, et non le processus pour le fabriquer. C’est la raison pour laquelle l’Alberta et le Canada doivent voir au‑delà du secteur pétrolier et gazier.

Dans le même ordre d’idées, le représentant de Protection environnementale Canada a déclaré que « [s]’attaquer uniquement aux émissions liées à la production revient à négliger 80 % du problème ».

Olaf Merk, du Forum international des transports, a dit que « [l]e transport du pétrole et du gaz pourrait être inclus dans la définition même du secteur pétrolier et gazier dans la conception du plafond des émissions imposées au secteur ». Il a reconnu néanmoins que « les émissions associées au transport maritime international échappent généralement aux politiques des gouvernements nationaux ».

Cependant, selon Robert Tarvydas un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier ne devrait s’appliquer qu’aux émissions qui sont actuellement comptabilisées dans ce secteur. Il a expliqué que :

La priorisation des émissions [de catégorie] 1 respecte les principes de la responsabilité environnementale, qui représentent les fondements des régimes environnementaux d’ici et d’ailleurs. Qui plus est, cette priorisation permettra d’éviter le dénombrement en double, les lacunes dans la réglementation et la décarbonisation, les répercussions néfastes sur la sécurité énergétique et l’économie ainsi que les répercussions sur la collaboration entre les administrations des provinces et avec d’autres pays.

Abondant dans le même sens, l’Association canadienne du gaz a recommandé, dans son mémoire au Comité, que les émissions de catégorie 3 générées par le gaz naturel soient exclues du plafond d’émissions proposé, car cela permettrait d’« éviter toute hausse de prix supplémentaire et l’incertitude inhérente à un régime de plafonnement », et écarterait « la menace d’une pénurie pour les clients en aval […] Il s’agit d’une préoccupation croissante, vu le nombre de facteurs qui impactent en ce moment le marché de l’énergie ». L’Association a proposé une autre solution que celle consistant à inclure les émissions de catégorie 3 dans le plafonnement des émissions pour le secteur pétrolier et gazier, et a recommandé que

le gouvernement du Canada travaille de concert avec notre secteur d’activité et les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi qu’avec les régulateurs économiques, à un éventail d’initiatives qui tablent sur les efforts déployés en ce moment afin de réduire les émissions pour que les entreprises atteignent les cibles fixées pour 2050.

Exportations de gaz naturel

Certains témoins ont exprimé un point de vue différent sur la question des émissions de catégorie 3, laissant entendre que les exportations canadiennes de gaz naturel pouvaient favoriser la transition vers une économie sobre en carbone dans d’autres pays.

Robert Tarvydas, de TC Énergie, et Tim McMillan, président-directeur général de l’ACPP, ont donné des exemples de pays – dont le Canada – qui ont réduit une partie de leurs émissions dues à la production d’électricité en remplaçant le charbon par du gaz naturel dans leurs centrales. M. McMillan a demandé que le Canada exporte du gaz naturel pour remplacer le charbon dans la production d’électricité à l’étranger, et a ajouté que toute nouvelle loi visant le secteur pétrolier et gazier devrait reconnaître les possibilités de telles « réductions mondiales ».

Le ministre des Ressources naturelles a émis des doutes au sujet de cet argument :

En fait, nous devons être très prudents quand, du jour au lendemain, on nous annonce que le gaz naturel remplacera forcément le charbon. Il faut établir un lien avec ce qui doit être remplacé. Si le gaz naturel est expédié en Asie, il ne remplacera pas forcément le charbon. Il faut faire un suivi pour s’assurer que c’est effectivement ce qui se passera.

Mark Jaccard a dit que quoi qu’il en soit, le Canada n’obtiendrait pas le crédit des réductions d’émissions à l’étranger : « Le GIEC a déterminé, à juste titre, il y a 30 ans que les émissions devraient être comptabilisées là où elles se produisent, parce que cela motive les gens à convertir le pétrole en hydrogène et à enterrer le CO2. »

Différences de traitement entre les secteurs de l’économie

Les témoins ont discuté également de la façon dont les émissions du secteur pétrolier et gazier devraient être traitées par rapport aux émissions des autres secteurs. Plusieurs témoins, comme Jennifer Winter, ont dit que le gouvernement devrait éviter de traiter le secteur pétrolier et gazier différemment des autres. Elle a soutenu que :

Le traitement différentiel d’un secteur particulier finit par redistribuer les capitaux et la main‑d’œuvre dans l’ensemble de l’économie, ce qui empêche l’utilisation optimale des intrants de production. Cela a pour effet d’élargir artificiellement certains secteurs, d’en réduire d’autres et de diminuer la productivité du Canada.

Andrew Leach, qui était du même avis, a laissé entendre qu’il ne faudrait pas imposer des politiques plus sévères à certains secteurs davantage qu’à d’autres. Nicholas Rivers, professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, était d’accord sur ce point, disant que

nous ne devrions pas isoler un secteur en particulier pour des réductions d’émissions plus ambitieuses, ce qui est un moyen coûteux d’atteindre nos objectifs environnementaux ; nous devrions plutôt chercher à favoriser davantage de réductions d’émissions dans tous les secteurs.

Mark Jaccard a fait observer que l’industrie pétrolière et gazière, qui est tributaire du commerce, est plus vulnérable que des secteurs comme ceux de l’électricité, de la construction et des transports. Il a ajouté que le gouvernement devrait « viser un plafond où les coûts différentiels d’une réduction supplémentaire des gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier et gazier, disons en 2030, 2040 ou 2050, devraient se rapprocher des coûts différentiels des réductions dans les autres secteurs ». Il a convenu qu’une approche simultanée, secteur par secteur, sur le plafond d’émissions pourrait limiter la fuite des émissions du secteur pétrolier et gazier vers un autre secteur. Le représentant de l’Alberta Federation of Labour était d’accord pour dire que « [c]haque industrie doit fournir sa part d’efforts ».

Soulignant également que le secteur pétrolier et gazier est tributaire du commerce, Susannah Pierce, présidente pour le Canada et directrice générale de Shell Canada, a insisté sur le fait qu’

il faut soutenir les cibles de carboneutralité par des stratégies et des plans pour accélérer la décarbonisation de chaque secteur de l’économie tout en gérant activement la relation entre les secteurs et leur interdépendance. Nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi, compte tenu de l’incidence des changements énergétiques et d’affectation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre, dans tous les secteurs.

L’Association des explorateurs et producteurs du Canada a indiqué pour sa part que

le plafond des émissions devrait être technologiquement neutre et soutenir tous les sous‑secteurs. Les programmes de politique climatique devraient servir à soutenir les technologies dans la mesure où celles‑ci permettent de réduire les émissions de carbone. Dans le même ordre d’idées, les décisions stratégiques ne devraient désavantager aucun sous-secteur de l’industrie. Toutes les entreprises, peu importe ce qu’elles produisent ou leur taille, devraient pouvoir participer à la transition énergétique.

Tout en faisant remarquer que le plafond devrait « répartir le fardeau de la décarbonisation de façon équitable pour l’ensemble des secteurs économiques du Canada », la représentante du Réseau action climat Canada a rappelé que le secteur pétrolier et gazier est responsable de la plus grande partie des émissions au pays, et qu’il « faut éviter d’imposer inéquitablement, avec ce plafond, le fardeau de l’atténuation qui devrait revenir au secteur pétrolier et gazier aux autres secteurs, aux travailleurs et aux consommateurs ».

Abondant dans le même sens, Simon Langlois-Bertrand a déclaré que les réductions les plus substantielles pour atteindre l’objectif du Canada en matière de réductions des émissions à l’horizon 2030 « devraient provenir du secteur pétrolier et gazier ». Il a cité une modélisation effectuée par son organisation, l’Institut de l’énergie Trottier, qui estime que ce secteur devrait réduire ses émissions de « plus de 60 % » par rapport aux niveaux actuels pour y parvenir, et ce, en supposant que les autres secteurs soient capables de réduire également leurs émissions pour atteindre la cible.

À propos de la légalité d’imposer un plafond d’émissions à un secteur donné de l’économie, Martin Olszynski, dans son mémoire au Comité, a fait référence à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999 et indiqué qu’« [i]l semblerait également qu’il n’y ait aucun problème à accorder la priorité à un ou plusieurs secteurs donnés au motif, par exemple, qu’ils sont à l’origine de la plus forte proportion d’émissions de GES ».

La cheffe Sharleen Gale a fait remarquer pour sa part que « [l]a Coalition des Premières Nations pour les grands projets ne prend pas position sur le plafonnement des émissions d’autres secteurs, mais nous offrons souvent le meilleur conseil, celui de faire participer les Premières Nations au processus, dans tous les secteurs ».

Conformité et compensations

Des témoins ont parlé du respect d’un plafond d’émissions et ont abordé la question de savoir s’il faudrait considérer les compensations carbone comme un moyen de se conformer au plafond d’émissions. La représentante du Réseau action climat Canada a fait remarquer que si on instaure un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier, il « faut éviter que l’industrie ait des moyens de se décharger de cette obligation, puisque cela minerait la rigueur de la politique », rejetant le recours aux compensations ou la « diminution hypothétique des émissions » grâce à des solutions technologiques. Protection environnementale Canada a recommandé pour sa part l’imposition d’amendes sévères en cas de non-conformité. Dans le même ordre d’idées, Angela Carter a indiqué que les mesures d’application devraient être « suffisamment robustes pour dissuader tous ceux qui ne voudraient pas se conformer aux exigences, et ce, sans soutien financier ni subventions ».

Instauration d’un plafond d’émissions

Est-il nécessaire d’imposer un plafond d’émissions?

Bien que les témoins s’entendaient généralement pour dire que le Canada devrait s’efforcer de réduire les émissions provenant du pétrole et du gaz, ils n’étaient pas tous d’accord sur la nécessité de fixer un plafond d’émissions pour le secteur.

Andrew Leach était l’un des témoins à estimer qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un plafond, disant qu’un tel plafond « pourrait constituer une difficulté sur les plans financier, technique et constitutionnel. Il pourrait augmenter le coût des réductions des émissions générées par les politiques canadiennes ». D’autres étaient d’accord avec lui et ont laissé entendre qu’il serait plus efficace de resserrer les politiques existantes de réduction des émissions au Canada que de créer une nouvelle mesure. Ils ont averti que l’établissement d’un plafond prendrait du temps et pourrait s’avérer coûteux, car cela ferait un nouveau système à administrer par le gouvernement et générerait des coûts supplémentaires pour les entreprises qui devraient s’y conformer[16].

Par ailleurs, Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation, M. Leach et Nicholas Rivers ont dit craindre que l’instauration d’un plafond d’émissions n’entraîne des divisions politiques et ne soit une source de différends entre les provinces et le gouvernement fédéral.

Même si les témoins n’étaient pas nécessairement en faveur de l’imposition d’un plafond d’émissions, ils n’optaient pas non plus nécessairement pour le statu quo. Comme l’a dit Andrew Leach : « Tout le monde semble dire que nos politiques actuelles doivent être bonifiées pour atteindre nos nouveaux objectifs. »

Un plus grand nombre de témoins étaient favorables à un plafond d’émissions, dépendamment de la manière dont il se serait conçu. Certains, comme Simon Langlois-Bertrand, ont fait valoir qu’un plafond pourrait donner de la certitude à l’industrie[17]; d’autres ont indiqué qu’il créerait un incitatif à l’innovation[18]; et d’autres encore étaient d’accord avec le Réseau action climat Canada pour dire que les politiques actuelles n’offrent pas suffisamment d’incitatifs pour permettre au Canada d’atteindre ses objectifs[19].

Donner de la certitude

Tout au long de son étude, le Comité a entendu à maintes reprises que les investisseurs et l’industrie ont besoin de certitude quant à l’orientation de la politique gouvernementale pour faire les investissements nécessaires à la réduction des émissions[20]. Simon Langlois‑Bertrand a dit que l’instauration d’un plafond pourrait contribuer à donner cette certitude. Il a décrit l’incertitude à l’égard de la politique climatique comme étant « l’un des principaux obstacles à la transformation de toutes les industries », et il a ajouté ceci :

Pour démarrer les investissements et soutenir l’innovation nécessaire à la réalisation de nos objectifs climatiques, les acteurs de l’industrie ont besoin d’un environnement d’investissement stable, et un plafonnement rigoureux des émissions du secteur le plus émetteur serait assurément un facteur déterminant à cet égard.

Le président de l’Alberta Federation of Labour, Gil McGowan, a exprimé un point de vue semblable, en disant au Comité : « en Alberta, nous avons l’expérience des plafonds d’émissions, et cette expérience nous montre qu’ils peuvent être utiles à l’industrie pétrolière et gazière » en incitant les entreprises à réduire leurs émissions et en rendant les investisseurs plus confiants.

Cependant, un plafond n’apportera pas nécessairement à lui seul la certitude voulue. Colleen Collins a laissé entendre que « des disputes sur le calcul et sur la validité même de la politique » pourraient créer de la confusion et décourager les investisseurs. Elle a convenu qu’un plafond ne devrait pas être annoncé sans détails, car cela pourrait être un frein à l’innovation.

Tarification du carbone

Le ministre des Ressources naturelles a déclaré devant le Comité que le gouvernement a l’intention de fixer un plafond d’émissions avec « des cibles de réduction des émissions ambitieuses et réalisables d’une manière qui offre certitude et prévisibilité ». Un plafond bien conçu, a-t-il ajouté, enverrait « un signal de prix à long terme » qui inciterait le secteur à réduire ses émissions. Selon Clean Energy Canada et Charles Séguin, la tarification du carbone pourrait aider à envoyer ce signal.

Différents témoins se sont exprimés en faveur de l’utilisation de la tarification du carbone pour réduire les émissions, la décrivant comme une politique souple qui incite la réduction des émissions à un coût relativement bas[21]. Des témoins ont fait valoir que la tarification du carbone avait aussi l’avantage d’être neutre, en ce sens qu’elle s’applique à l’économie dans son ensemble, qu’elle pousse tous les secteurs à réduire leurs émissions et qu’elle peut stimuler l’innovation sans qu’il soit nécessaire de choisir entre des technologies gagnantes ou perdantes[22].

Des témoins ont dit au Comité que les régimes actuels de tarification du carbone, aussi bien fédéral que provinciaux, doivent être plus sévères pour permettre au secteur d’atteindre les objectifs du Canada. Beaucoup de leurs interventions ont porté sur le Système de tarification fondé sur le rendement (STFR) du gouvernement fédéral, qui s’applique aux émissions générées par les installations industrielles, et fixe une norme minimale pour les provinces qui ont leur propre système de tarification du carbone industriel. Plusieurs témoins étaient d’avis que le gouvernement fédéral devrait resserrer les règles du STFR, et ont fait les recommandations suivantes[23] :

  • Le Pembina Institute a proposé que les valeurs de référence du STFR relatives à l’intensité des émissions soient abaissées de 4 % par année[24].
  • Sara Hastings-Simon, professeur agrégé à l’Université de Calgary, a encouragé les gouvernements à s’attaquer aux lacunes des systèmes existants de tarification fondés sur le rendement, étant donné que certaines politiques provinciales utilisent les valeurs de référence au niveau des installations peuvent inciter à des réductions relatives des émissions plutôt qu’à des réductions absolues, ce qui est moins efficace pour faire diminuer les émissions globales.
  • Clean Prosperity a fait trois recommandations à l’attention du gouvernement fédéral : envisager de recourir aux nouveaux outils appelés « contrats carbone pour la différence », afin de donner davantage de certitude aux investisseurs en ce qui concerne la tarification du carbone[25]; augmenter la part des émissions visées par le STFR; augmenter le prix du carbone si les réductions d’émissions ne se font pas assez rapidement.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada resserre les normes régissant le système fédéral de tarification du carbone industriel ainsi que les valeurs de référence fédérales en :

  • ajoutant un taux de resserrement;
  • examinant les possibilités d’exiger l’application des normes sectorielles plutôt que des normes au niveau des installations, lorsque c’est faisable; et
  • resserrant les normes fondées sur le rendement.

À elle seule, la tarification du carbone n’est pas nécessairement un incitatif suffisant à réduire les émissions. En se fondant sur la modélisation réalisée par l’Institut de l’énergie Trottier, Simon Langlois-Bertrand a dit que « l’industrie ne réagit pas suffisamment aux prix dont nous parlons […] [la tarification] n’est pas suffisante pour nous rapprocher de ce qui est nécessaire côté réductions ».

D’autres témoins ont convenu que le prix du carbone au Canada n’est pas assez élevé pour permettre de réaliser à lui seul les réductions qui s’imposent[26]. À ce propos, David Keith a fait valoir que la tarification du carbone n’est pas nécessairement un incitatif aussi efficace que pourrait le suggérer la modélisation économique, car il y a plus d’incertitude et de changements technologiques dans le monde réel que ne le prévoient ces modèles.

Alternativement, des témoins ont proposé que le gouvernement fédéral fixe un plafond d’émissions en utilisant un système différent de tarification du carbone appelé système de plafonnement et d’échange. Un tel système permette de limiter la quantité d’émissions permises dans un secteur – ou dans toute l’économie – et aux entreprises d’acheter et de vendre des permis pour produire ces émissions. La limite, ou plafond, baisse généralement au fil du temps. Certains témoins ont expliqué qu’un système de plafonnement et d’échange donne de la certitude aux investisseurs et à l’industrie, grâce à l’établissement d’un échéancier pour les réductions d’émissions, et ont soutenu qu’il éclaire sur les augmentations futures du prix du carbone. Tout comme la tarification directe du carbone, le système de plafonnement et d’échange envoie aux entreprises un signal sur les prix qu’elles doivent respecter, mais leur donne la souplesse nécessaire pour ne pas le faire toutes de la même manière[27].

Les systèmes de plafonnement et d’échange présentent aussi des inconvénients. En effet, les systèmes d’échange permettent des fluctuations du prix du carbone, ce qui crée plus d’incertitude qu’avec la tarification directe[28]; Charles Séguin, professeur agrégé à l’Université du Québec à Montréal, laissé entendre toutefois qu’il est possible de remédier à ce problème en fixant des prix planchers et des prix plafonds. Dans un système de plafonnement et d’échange, même le « plafond » peut varier, comme l’a expliqué le directeur exécutif de Clean Prosperity Michael Bernstein :

[U]n système de plafonnement et d’échange n’est pas nécessairement assorti d’un véritable plafond fixe, car il est presque toujours conçu pour contrôler les prix. Si vous regardez les systèmes de la Californie et du Québec, le système de l’Union européenne, ou vraiment n’importe quel système dans le monde, vous verrez que si le prix devient trop élevé trop rapidement, le gouvernement injectera plus de crédits dans le marché pour réduire la pression sur les prix. Une fois qu’il a fait cela, un système de plafonnement et d’échange devient fonctionnellement très semblable à un système de tarification directe du carbone.

Établir un tel système pourrait aussi prendre du temps, même si, d’après Dale Beugin, au Canada, « il ne s’agirait pas de partir de zéro ». M. Beugin et Sara Hastings-Simon ont laissé entendre qu’il serait relativement facile d’intégrer le plafonnement et l’échange dans le STFR fédéral et dans des systèmes provinciaux comme le règlement de l’Alberta sur l’innovation technologique et la réduction des émissions.

Trois témoins, à savoir le représentant de Protection environnementale Canada, Angela Carter ainsi que le représentant du Pembina Institute ont recommandé que les émissions soient plafonnées aux niveaux de 2019. Le représentant de Protection environnementale Canada a proposé une diminution des émissions de 60 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, tandis que le représentant du Pembina Institute a préconisé une diminution des émissions de 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.

Stimuler l’innovation

« Il n’y a pas de recette miracle. Il faudra une combinaison de capture du carbone, d’efficacité énergétique, d’amélioration de procédés, de carburants de remplacement, d’électrification, d’énergies renouvelables, nucléaires, hydroélectriques et de nouvelles technologies qui se dessinent à l’horizon. »

Colleen Collins, Canada West Foundation

Le secteur pétrolier et gazier devra développer de nouveaux procédés et de nouvelles technologies pour réduire ses émissions. Les témoins ont insisté sur le fait que l’instauration d’un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier doit encourager l’innovation dans ce sens[29], et le ministre des Ressources naturelles était d’accord sur le principe, disant au Comité que « nous devons nous assurer que ce plafond va réellement stimuler le déploiement de technologies qui réduiront les émissions ».

Les témoins ont souligné également le fait que le Canada dispose d’une capacité d’innovation bien développée. Ils ont fait remarquer que le pays compte de bonnes universités et qu’il y a une tradition de collaboration en matière de recherche entre les milieux universitaires, le gouvernement et l’industrie[30]. Des représentants du secteur pétrolier et gazier ont déclaré que le secteur lui-même s’était engagé à investir dans la recherche et le développement, mais que les mesures incitatives du gouvernement jouaient un rôle prépondérant pour ce qui est de maintenir la concurrentialité du secteur[31].

Josipa Petrunic, présidente-directrice générale au Consortium de recherche et d’innovation en transport urbain au Canada (CRITUC), a indiqué que même si le Canada a joué un rôle prépondérant dans le développement de certaines technologies – notamment dans la conception de piles à combustible et d’électrolyse, ainsi que dans le stockage de l’énergie –, celles-ci sont peu utilisées au pays. Nous exportons volontiers », a-t-elle dit, « mais nous ne sommes pas des consommateurs, au Canada ». Au nom du CRITUC, elle a recommandé que le gouvernement fédéral joue un rôle plus actif en agissant comme « rassembleur national » entre tous les ministères provinciaux et territoriaux de l’énergie et en investissant dans « l’industrie énergétique de l’avenir ».

Mark Scholz, président-directeur général de l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie, a dit pour sa part que le gouvernement fédéral devrait soutenir la transition vers les nouvelles sources d’énergie en aidant le secteur de l’énergie lui-même. Il a expliqué comment le secteur des services d’approvisionnement en énergie développait de nouvelles industries en utilisant des technologies mises au point pour la production pétrolière, comme les techniques de forage pétrolier et gazier pour extraire le lithium, ainsi que l’énergie géothermique. Merran Smith a convenu que l’instauration d’un plafond d’émissions devrait « encourager les énergies et les industries de l’avenir », mais a averti que l’aide gouvernementale ne devrait pas servir de mécanisme d’expansion de l’industrie pétrolière et gazière.

Le soutien gouvernemental dont ont parlé les témoins pourrait prendre plusieurs formes, comme des subventions et des crédits d’impôt. Dale Beugin a déclaré que les subventions pourraient servir à développer de nouvelles technologies, mais qu’elles devraient être ciblées, « afin d’optimiser les ressources tout en s’assurant que les investissements sont cohérents avec une transition à long terme, autant au Canada qu’à l’étranger ». Charles Séguin, en revanche, était d’avis que « la tarification [du carbone] devrait être le principal canal pour inciter le développement de technologies, plutôt que la subvention, parce que c’est assez difficile pour le gouvernement de savoir quelle solution il est préférable de subventionner ».

Quant à Tristan Goodman, bien qu’il ne se soit pas prononcé en faveur d’une politique en particulier, il a convenu qu’il est important que le gouvernement adopte une approche neutre sur le plan technologique et qu’il appuie les technologies en fonction de leur réduction des émissions.

Des témoins ont aussi parlé au Comité de technologies susceptibles de jouer un rôle dans la réduction des émissions générées par le secteur pétrolier et gazier, comme les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone.

Captage, utilisation et stockage du carbone

Le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC) fait référence à diverses technologies qui permettent d’absorber le CO2 pour que le gaz puisse être utilisé ou stocké de façon permanente. Selon Louis-César Pasquier, qui a cité un rapport du Global CCS Institute, au Canada, les projets de CUSC permettent de capter environ 4 Mt de CO2 par an qui proviennent de la production d’électricité, de la valorisation du bitume et de la production d’hydrogène et d’engrais. Par exemple, Shell Canada a décrit l’installation Quest de captage et de stockage de carbone près d’Edmonton, en Alberta, qui capte le CO2 de la production d’hydrogène à une usine de valorisation du bitume. Quest capte environ 1 Mt de CO2 par an et le stocke sous terre.

Les technologies de CUSC jouent un rôle majeur dans les plans de carboneutralité de l’industrie pétrolière et gazière, et le Comité a appris que ces technologies pourraient avoir des applications plus larges dans ce secteur[32]. En plus de leur rôle dans la réduction des émissions, les technologies de CUSC pourraient être exportées, selon Robert Tarvydas, ce qui pourrait s’avérer très avantageux pour le Canada.

Pour donner un sens au rôle de technologies comme celles du CUSC dans la réalisation des objectifs climatiques du Canada, l’Institut climatique du Canada a précisé qu’il était important de faire une distinction entre les « solutions sûres » et les « solutions de rechange » :

Les solutions sûres existent déjà sur le marché et sont évolutives. Dans le secteur pétrolier et gazier, ces solutions comprennent le captage du méthane provenant des émissions fugitives, l’efficacité énergétique industrielle et le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, le CUSC, pour les flux concentrés de CO2. Les solutions sûres sont essentielles pour atteindre l’objectif de 2030.
D’autre part, les solutions de rechange peuvent changer la donne ou ne pas apporter une contribution notable. Dans le secteur pétrolier et gazier, les solutions de rechange comprennent l’hydrogène bleu, le captage direct dans l’air pour l’élimination du carbone et le CUSC pour les flux non concentrés. Il est plus facile d’atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050 s’il existe des solutions de rechange. Cela signifie que les solutions sûres et les solutions de rechange sont complémentaires. Les deux sont nécessaires et requièrent une politique.

En plus de permettre de capter les émissions provenant du traitement du pétrole et du gaz, les technologies de CUSC peuvent également être utilisées pour capter les émissions générées lors de la transformation du gaz naturel en hydrogène. L’hydrogène produit de cette façon est parfois appelé « hydrogène bleu ». Il y a actuellement des projets de production d’hydrogène bleu dans l’Ouest canadien, notamment un programme soutenu par des Autochtones à Edmonton qui, selon Dale Swampy, devrait aider les collectivités autochtones à devenir plus durables.

D’autres témoins n’encourageaient pas le recours aux technologies de CUSC à cette fin. Selon Dale Marshall, l’hydrogène bleu serait une « fausse solution » au problème des émissions générées par le pétrole et le gaz. Bruno Detuncq a ajouté pour sa part que la production d’hydrogène bleu est énergivore et que « [c]es pertes d’énergie font que le taux de retour énergétique […] devient très faible ». Les témoins étaient plutôt favorables à ce que le gouvernement soutienne le développement de l’« hydrogène vert », que l’on produit à partir d’électricité renouvelable[33]. Francesco La Camera a laissé entendre que l’on pourrait utiliser l’hydrogène bleu de manière transitoire, mais qu’« il ne fait cependant aucun doute que l’hydrogène vert représente la meilleure option à moyen et à long terme ».

Il y a aussi les technologies de CUSC qui pourraient théoriquement servir à compenser les émissions de GES en produisant des « émissions négatives » par l’extraction du CO2 directement dans l’atmosphère. Mark Jaccard a fait valoir que l’une de ces technologies – l’extraction directe dans l’air – pourrait jouer un rôle dans le plafonnement des émissions pour le secteur pétrolier et gazier si l’on permettait aux producteurs de recourir à de tels projets pour compenser leurs autres émissions.

D’autres témoins n’étaient pas du même avis. Selon Andrew Gage, le rôle de ces technologies devrait être limité, et le captage du carbone réservé aux industries « dont nous ne pouvons pas nous éloigner ». David Keith était d’accord sur ce point. Même s’il a fondé une entreprise qui fait de l’extraction directe dans l’air et croit que la technologie sera utile, M. Keith a indiqué qu’il ne voyait pas de scénario où « [l’extraction directe dans l’air] ne ser[virai]t qu’à compenser les émissions du secteur pétrolier à l’avenir ».

Peu importe comment sont utilisées les technologies de CUSC, certains témoins ont insisté sur le fait que le gouvernement fédéral devrait se concentrer sur la réduction des émissions en termes absolus, et que la technologie ne devrait pas le détourner de ces efforts ou le retarder[34]. Simon Langlois-Bertrand a affirmé qu’il est plus important de réduire rapidement les émissions que d’investir dans leur captage ou leur stockage :

Si tous les secteurs commencent à faire du captage de carbone au lieu de réduire leurs émissions […] cela laisse envisager un avenir très compliqué pour le stockage du carbone, car les quantités deviendront impossibles à gérer, surtout que nous n’avons pas beaucoup d’expérience dans le stockage de grandes quantités de carbone.

Bruno Detuncq a abondé dans le même sens en disant qu’on en savait encore peu sur les effets sur l’environnement du stockage souterrain du CO2.

Il y a peut-être d’autres avertissements à prendre en considération. Louis‑César Pasquier a expliqué au Comité que les projets de captage du carbone prennent du temps avant d’être opérationnels et, actuellement, ils ne servent pas au captage d’émissions provenant de la production ou du raffinage du pétrole et du gaz.[35] Il a donc fait valoir que le CUSC « ne sera pas la solution qui permettra d’atteindre les cibles de réduction spécifiques du secteur à court terme ».

Julia Levin, Angela Carter et Laurie Adkin ont aussi exprimé leurs préoccupations au sujet des coûts des projets de CUSC, et étaient contre les niveaux élevés de financement public qu’ils ont nécessité. Les gouvernements fédéral et provinciaux avaient fourni environ 70 % des fonds destinés aux grands projets de CUSC en activité au Canada au moment de l’étude[36]. D’un autre côté, Colleen Collins a fait remarquer que des projets antérieurs s’étaient révélés plus onéreux et que le coût de captage du carbone devrait diminuer au fur et à mesure que les promoteurs se familiariseront avec la technologie.

Glenn Hargrove, sous-ministre adjoint pour le secteur des carburants à Ressources naturelles Canada, a dit au Comité que le CUSC sera « essentiel » pour réduire les émissions. Afin d’appuyer le développement technologique, le gouvernement du Canada prévoit de publier une stratégie de CUSC et a proposé un crédit d’impôt à l’investissement pour le CUSC.

Mark Jaccard, Andrew Leach, et Colleen Collins ont dit au Comité qu’ils étaient favorables à un crédit d’impôt fédéral à l’investissement pour le CUSC. D’autres témoins appuyaient l’initiative à certaines conditions. Sara Hastings-Simon a recommandé que le crédit soit conçu de manière à ne pas représenter « inutilement une sorte d’aubaine » pour les producteurs, qui bénéficieraient d’un crédit d’impôt tout en réduisant leur obligation de payer le tarif appliqué au carbone. Dale Beugin a indiqué que si le crédit d’impôt était combiné au système de plafonnement et d’échange, les entreprises pourraient atteindre leurs cibles plus facilement, ce qui pourrait avoir une incidence sur la tarification du carbone – et les incitatifs qui viennent avec – dans le secteur.

Angela Carter faisait partie des témoins plus sceptiques à l’égard du CUSC et inquiets des implications d’un crédit d’impôt fédéral. Elle et quelques autres témoins comptent parmi les 400 universitaires ayant signé une lettre adressée à la vice-première ministre et ministre des Finances et au ministre des Ressources naturelles pour s’opposer à un crédit d’impôt à l’investissement au CUSC. Mme Carter a critiqué le recours généralisé de ces technologies pour la récupération assistée des hydrocarbures, en disant, au sujet du CUSC, qu’« [i]l ne s’agit pas d’une solution aux problèmes des changements climatiques ».

Louis-César Pasquier était également contre l’utilisation du CUSC pour la récupération assistée des hydrocarbures, car, à son avis, cela « annule tout [le] bénéfice environnemental » de la technologie. S’exprimant au nom de Protection environnementale Canada, Julia Levin a qualifié le crédit d’impôt pour le CUSC de « très mauvaise utilisation des fonds publics », puisque, selon ses estimations, cela ne permettrait d’éliminer qu’entre 3 et 9 % des émissions associées au cycle de vie des produits pétroliers et gaziers.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada veille à ce qu’un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier favorise l’innovation tout en restant neutre sur le plan technologique.

Réglementation

Une réglementation bien pensée peut aussi stimuler l’innovation et instaurer un climat de certitude à l’égard des politiques. À ce propos, par exemple, le ministre des Ressources naturelles a affirmé que le règlement fédéral sur le méthane et ses équivalents provinciaux ont non seulement permis de réduire les émissions, mais ont aussi favorisé le développement de technologies de réduction des émissions. Au moment de l’étude, Environnement et Changement climatique Canada avait dernièrement lancé des consultations pour mettre à jour le règlement fédéral. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a expliqué au Comité que ces consultations serait également l’occasion d’explorer le lien entre l’engagement du Canada à réduire les émissions de méthane et le plafonnement des émissions.

À ce propos, selon les témoins, les émissions de méthane sont un facteur important à prendre en considération dans l’établissement d’un plafond d’émissions. En effet, environ le quart des émissions du secteur pétrolier et gazier sont constituées de méthane, qui est un GES particulièrement puissant[37]. Le Canada s’est engagé à réduire ces émissions d’au moins 75 % en dessous des niveaux de 2012 d’ici 2030.

D’après Chris Severson-Baker, le Canada pourrait aller au-delà de cet engagement. En utilisant la technologie disponible actuellement, a-t-il dit, le Canada pourrait réduire d’ici 2030 ses émissions de méthane d’environ 88 % par rapport aux niveaux de 2012, à un coût inférieur à 25 $ la tonne[38]. Aussi bien M. Severson-Baker que Dale Marshall, de Protection environnementale Canada, se sont exprimés en faveur du renforcement du règlement fédéral actuel sur le méthane. Dans le même ordre d’idées, Sara Hastings-Simon a laissé entendre que « des règlements plus directs concernant l’utilisation de différents équipements » permettraient de réduire les émissions de méthane dans le secteur pétrolier et gazier.

Le Règlement sur les combustibles propres pourrait également contribuer à réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier. Ce règlement, qui n’était pas encore finalisé au moment où le Comité procédait à son étude, permettra d’accorder des crédits aux producteurs et aux utilisateurs de carburants à faible teneur en carbone, ce qui encouragera l’abandon des combustibles fossiles polluants. Jennifer Winter a expliqué qu’en créant un marché pour ces crédits, le Règlement devrait également encourager les investissements dans les technologies de réduction des émissions. Il devrait aussi permettre de réduire les émissions grâce à une diminution de la demande de pétrole et de gaz polluants[39], et favoriser l’adoption de combustibles à faibles émissions dans le secteur pétrolier et gazier[40].

Les représentants de la Coalition Clean Fuel Standard Advocates ont exhorté le gouvernement à s’assurer que la version finale du Règlement se concentre sur les émissions provenant de la combustion des carburants plutôt que de leur production. Ils ont déclaré que le fait de minimiser le rôle des carburants non transformés, comme le pétrole brut, dans le Règlement sur les combustibles propres contribuerait à s’assurer qu’il n’y ait pas de dédoublement entre le plafonnement des émissions et la réglementation.

Le dédoublement réglementaire est un piège éventuel à éviter pour le plafonnement des émissions. Le Canada dispose déjà de multiples règlements et programmes pour réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier[41]. « On pourrait même […] qualifier [la réglementation du secteur] de byzantine », selon Charles Séguin. M. Séguin, Jennifer Winter, l’Association des explorateurs et producteurs du Canada et l’ACPP ont dit au Comité que le gouvernement fédéral devrait concevoir un plafond d’émissions coordonné aux politiques en vigueur et évitant les chevauchements. Au nom de TC Énergie, Robert Tarvydas a recommandé que le gouvernement du Canada étudie les politiques fédérales et provinciales existantes sur le climat pour comprendre comment elles interagissent entre elles.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada analyse l’interaction entre les mesures provinciales et fédérales existantes pour le secteur pétrolier et gazier, dans le but d’établir un plafond d’émissions qui limite les chevauchements entre les réglementations, et que le gouvernement publie cette analyse.

Éviter les fuites de carbone

On peut décrire le secteur pétrolier et gazier comme étant un secteur à forte intensité d’émissions et tributaire du commerce. Ainsi que l’a expliqué Susannah Pierce, le secteur doit faire face aux coûts et aux défis de la décarbonisation tout en demeurant compétitif à l’échelle internationale. Ces pressions peuvent placer les producteurs canadiens en situation de désavantage concurrentiel et pourraient entraîner le remplacement du pétrole et du gaz canadiens par des produits provenant d’autres sources. Si ces produits sont plus intenses en carbone que les produits canadiens, les émissions mondiales pourraient augmenter. Cet effet est appelé « fuite de carbone[42] ».

Selon ce qu’a appris le Comité, l’instauration d’un plafond d’émissions pourrait créer un certain risque de fuite de carbone. Comme indiqué précédemment, certains témoins ont fait valoir que le gaz naturel canadien peut entraîner un déplacement de combustibles plus polluants, comme le charbon. Si un plafond d’émissions décourage un tel déplacement, ont-ils fait valoir, alors cela pourrait être considéré comme une forme de fuite de carbone[43].

En revanche, les produits pétroliers canadiens peuvent présenter un risque moindre de fuite de carbone. Bien que l’ACPP ait déclaré que le bitume canadien n’est pas le pétrole ayant la plus forte intensité carbonique au monde, les produits pétroliers canadiens, en particulier ceux provenant des sables bitumineux, ont une intensité d’émissions parmi les plus élevées au monde[44]. Sara Hastings‑Simon et Mark Jaccard ont expliqué au Comité que si ces produits sont déplacés, il est peu probable que les émissions globales augmentent dans le monde.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada s’assure que le plafonnement des émissions dans le secteur pétrolier et gazier minimise le risque de fuite de carbone.

Mécanisme d’ajustements à la frontière pour le carbone

Les systèmes de tarification du carbone fondés sur le rendement, comme le STFR et le règlement sur l’innovation technologique et la réduction des émissions sont conçus en tenant compte du risque de fuite de carbone[45]. Toutefois, si le gouvernement voulait compléter – voire renforcer – ces systèmes de tarification, il pourrait envisager d’adopter une autre mesure, connu sous le nom de mécanisme d’ajustement à la frontière pour le carbone. Autrement dit, ce genre d’ajustement est une mesure consistant à étendre la tarification du carbone au commerce international de marchandises[46]. Il a pour but d’éviter les fuites de carbone et, comme l’a dit Jennifer Winter, d’« uniformiser les règles du jeu » entre les entreprises qui font face à des coûts différents en raison des politiques sur le climat dans leur propre pays.

Plusieurs témoins ont expliqué que le mécanisme d’ajustement à la frontière pour le carbone pourrait être utile pour accompagner le plafonnement d’émissions[47]. En même temps, le Comité a appris que ces mesures sont complexes et qu’elles seraient longues à adopter.

Charles Séguin a déclaré pour sa part qu’il ne s’attendait pas à ce que des ajustements à la frontière pour le carbone soient mis en place « avant longtemps ». Il a expliqué qu’il est difficile de concevoir un ajustement qui tienne compte des politiques sur le climat non tarifaires d’autres pays, et que le Canada voudra probablement coordonner ses mesures avec celle des États‑Unis. Dale Beugin était d’accord que la « question de la collaboration et de la coordination avec les autres pays est vraiment essentielle ». Shell Canada a averti qu’un mécanisme d’ajustement à la frontière pour le carbone ne devrait pas être un frein aux importations qui sont « nécessaires à la transition énergétique », mais sont « produites dans des pays à intensité carbonique élevée ».

M. Beugin et Andrew Weaver, professeur à l’Université de Victoria, a émis la possibilité de créer, comme alternative à un ajustement du carbone à la frontière, des « clubs de carbone » réunissant des pays qui auraient une tarification commune de la pollution, ou encore de fixer des prix mondiaux du carbone.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada collabore, par le truchement de négociations commerciales, en vue d’établir des règles du jeu équitables obligeant les producteurs et exportateurs de combustibles fossiles à respecter une norme mondiale pour ce qui est des obligations en matière d’environnement, de main-d’œuvre et de droits de la personne.

Le secteur pétrolier et gazier dans la transition vers une économie sobre en carbone

Risques et possibilités

« Nous devons agir prudemment pour garder notre équilibre. Si nous agissons trop rapidement et que nous ne produisons pas l’énergie dont les consommateurs ont besoin aujourd’hui, les prix augmenteront et cela créera d’importantes difficultés, en particulier pour ceux dont la capacité de paiement est la plus faible. Si nous agissons trop lentement ou au mauvais rythme, nous allons rater des occasions d’augmenter nos revenus, de prendre des parts du marché et de répondre aux besoins de la clientèle qui demande de l’énergie à faible teneur en carbone. »

Susannah Pierce, Shell Canada Limitée

La contribution du secteur pétrolier et gazier à l’économie canadienne est considérable. TC Énergie a cité des statistiques selon lesquelles le secteur a contribué au produit intérieur brut à hauteur de 105 milliards en 2020 et a soutenu près de 400 000 emplois au pays. L’ACPP estime que le secteur a investi environ 33 milliards de dollars en 2021 et que ses produits représentent autour de 20 % des exportations canadiennes. De plus, le secteur est une source majeure de recettes publiques, que l’ACPP évalue entre 7 et 15 milliards de dollars par année.

Parallèlement, le secteur reçoit aussi des fonds publics, dont une partie peut être qualifiée de subventions. Protection environnementale Canada et la Climate Emergency Unit ont estimé qu’il fallait mettre fin aux subventions, tandis que l’Institut climatique du Canada a exhorté les gouvernements à « recalibrer » leurs dépenses de façon à les coordonner avec d’autres politiques et de manière compatible avec une transition énergétique. Pour sa part, l’ACPP a rejeté la notion selon laquelle le secteur du pétrole et du gaz est subventionné, arguant que « nous sommes des contributeurs nets pour les provinces, les municipalités et le gouvernement fédéral ».

À la lumière de ce qui précède, un plafonnement des émissions pourrait présenter certains risques économiques. En effet, Robert Tarvydas a indiqué que sa société, TC Énergie, est favorable à l’instauration d’un plafond d’émissions, mais craint que si ce plafond est mal appliqué, cela puisse nuire aux contributions du secteur pétrolier et gazier à l’économie et rendre l’énergie moins abordable. Jennifer Winter était contre un tel plafond, en partie parce qu’il coûterait plus cher que les versions plus sévères des politiques existantes, selon elle. Cependant, Francis Fong était moins certain de ces risques, disant au Comité qu’« il est difficile d’évaluer pleinement les incidences économiques » d’un plafonnement des émissions « sans tenir compte des autres [politiques] ni du contexte économique général dans lequel nous nous trouvons actuellement ».

Gil McGowan, président de l’Alberta Federation of Labour, a présenté le problème différemment. Le « principal enjeu » auquel font face les travailleurs albertains, a-t-il affirmé, ce n’est pas le plafonnement des émissions, mais la « transition énergétique mondiale à l’œuvre actuellement », et qui « s’opère qu’on le veuille ou non […] Il s’agit d’un phénomène mondial qui échappe essentiellement à notre gouverne ». D’autres étaient d’accord sur le fait que la transition est inévitable. La directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada, Caroline Brouillette, a souligné le fait que la transition « est inexorable, à cause du contexte mondial », et Francesco La Camera a abondé dans le même sens, affirmant : « Nous constatons que la transition énergétique est déjà en place. Elle est en train de se produire. »

Cette transition énergétique présente son lot de possibilités et de défis. S’exprimant au nom du Groupe consultatif pour la carboneutralité, Dan Wicklum a qualifié la transition vers la carboneutralité de « l’une des plus importantes occasions économiques depuis des générations […] Il y a là d’énormes retombées économiques, et nous devons positionner le Canada pour qu’il en tire parti ».

Par exemple, selon Merran Smith, les modélisations réalisées par Clean Energy Canada indiquent que les gains au chapitre de l’emploi découlant de la transition énergétique pourraient dépasser les pertes. Elle a cité une conclusion selon laquelle 208 000 emplois devraient être créés dans le secteur des énergies propres, « si nous respectons les engagements climatiques que nous avons pris il y a un an », comparativement à des pertes prévues de 126 000 emplois dans le secteur des combustibles fossiles. Cependant, comme l’a souligné M. Wicklum, ce sont des gains économiques « qui ne se concrétiseront que si nous agissons ».

L’inaction comporte ses propres risques. David Keith, Laurie Adkin et Caroline Brouillette ont affirmé que l’abandon progressif des combustibles fossiles devrait permettre de réduire le risque d’un effondrement de l’économie qui frapperait les travailleurs et les collectivités actuellement tributaires du pétrole et du gaz. Comme l’a dit M. Keith :

Je sais à quoi ressemble un effondrement. J’ai vu ses conséquences sur les gens. En tant qu’Albertain qui souhaite que ses enfants et ses amis aient de bons emplois — et j’ai plusieurs amis qui travaillent dans les champs de pétrole —, je crois qu’enfoncer l’économie plus loin dans le pétrole et le gaz rendra l’effondrement encore plus brutal.

Mark Jaccard ne partageait pas cette vision des choses. À son avis, si la demande de pétrole et de gaz baisse dans les prochaines décennies, « ces secteurs vont diminuer très lentement, donc, pour les travailleurs, la transition ne sera peut-être pas aussi dure que les gens essaient de le dépeindre ».

Répercussions sur les peuples autochtones et leurs droits

Certains groupes sont beaucoup plus vulnérables que d’autres aux effets de la transition énergétique. Le secteur pétrolier et gazier est un employeur important pour les Autochtones, et plusieurs témoins ont expliqué comment l’instauration d’un plafond d’émissions pourrait affecter les nations et les collectivités autochtones. Attirant l’attention sur les possibles effets négatifs d’un plafond des émissions, Dale Swampy, de la National Coalition of Chiefs, a averti que « [n]otre capacité de sortir de la pauvreté les gens des réserves sera encore plus limitée à cause de cela ».

Traduisant les points de vue de plusieurs témoins, Angela Carter a affirmé que les collectivités autochtones ne devraient pas éprouver des difficultés à cause de l’instauration d’un plafond. De même, la cheffe Sharleen Gale, de la First Nations Major Projects Coalition, a déclaré que les politiques « ne devraient pas affecter de façon disproportionnée les communautés des Premières Nations, y compris celles qui sont actives dans le secteur pétrolier et gazier ». Elle a soutenu que les multinationales sont mieux à même d’absorber les coûts de transition nécessaires pour respecter ces plafonds que ne le sont les Premières Nations.

Abondant dans le même sens, Melody Lepine, directrice pour la Première Nation crie Mikisew, a insisté sur le fait qu’il est « injuste de nous laisser devenir très dépendants du secteur pétrolier et gazier, et du jour au lendemain, de tout arrêter et de s’attendre à ce que nous subvenions [à nos besoins] ».

Plusieurs témoins, dont les représentants de la First Nations Major Projects Coalition, du Réseau action climat Canada et de Protection environnementale Canada, ont rappelé que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) – que le gouvernement du Canada s’est engagé à mettre en œuvre – devrait être prise en compte dans l’établissement d’un plafond d’émissions.

Le ministre des Ressources naturelles a tenu à souligner que le processus d’élaboration d’un plafond d’émissions se fera en consultation avec les collectivités autochtones « qui veulent participer à la conversation », et a affirmé : « [N]ous avons certainement l’intention d’avoir une consultation sincère avec les communautés autochtones. » Seth Klein, de la Climate Emergency Unit, a expliqué que la DNUDPA « place la barre très haut en obligeant non seulement à tenir des consultations, mais aussi à obtenir un consentement ».

Relevant cette exigence, Mark Podlasly, directeur des Politiques et initiatives économiques de la Coalition des Premières Nations pour les grands projets, a affirmé pour sa part que « [l]a participation financière à un projet est la forme la plus pure du consentement ». Dans le même ordre d’idées, Susannah Pierce, de Shell Canada Limitée, a cité la conseillère en chef élue Crystal Smith, selon laquelle le partenariat sera équitable, dans la transition énergétique, si on donne « une part et une voix » aux Autochtones.

Mark Podlasly a fait état des obstacles auxquels se butent les Autochtones qui veulent prendre part à de tels projets :

L’accès aux capitaux est le principal problème qu’affrontent les Autochtones de notre pays, désireux de participer aux infrastructures énergétiques, à celles des énergies propres et à d’autres infrastructures de transport de notre pays, à cause du régime sous lequel la Loi sur les Indiens les a placés. Nous sommes asservis à une loi fédérale qui n’a pas été conçue pour une transition énergétique moderne.

Quelques témoins ont formulé des recommandations visant à garantir que l’établissement du plafond d’émissions se fasse dans le respect les droits des Autochtones et dans un esprit de réconciliation :

  • La cheffe Sharleen Gale a recommandé que le gouvernement promeuve les « débouchés dans le secteur des énergies propres, avec participation financière des Autochtones dans les nouveaux projets et financement ou garanties du gouvernement pour les investissements ».
  • L’ACPP a recommandé que le gouvernement du Canada envisage d’adopter des mesures législatives qui s’appliqueraient à la production autochtone.
  • Melody Lepine a plaidé en faveur d’un cadre de transition et de plans de diversification des ressources pour que les communautés autochtones du Nord et isolées puissent « continuer à soutenir [leur] économie et [leur] mode de vie culturel autochtone ».

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada consulte les gouvernements et les collectivités autochtones afin de s’assurer que l’instauration d’un plafond d’émissions n’aie pas des répercussions négatives disproportionnées sur les peuples autochtones.

Gérer la transition

« Honnêtement, si les travailleurs ne sont pas consultés, s’il y a un silence sur la façon dont une chose aussi importante que celle‑ci pourrait les affecter, alors ce silence sera rempli d’anxiété et de colère, et nous voyons déjà à quel point cela peut être dangereux. »

Gil McGowan, Alberta Federation of Labour

Les travailleurs et les collectivités tributaires du secteur pétrolier et gazier auront besoin d’aide pour réussir dans un avenir sobre en carbone. Les collectivités qui dépendent fortement de certains secteurs, tels que le secteur pétrolier et gazier, sont confrontées à divers risques liés à la transition économique, notamment les pertes d’emplois, la réduction des budgets municipaux et même le déclin de la population[48]. Plusieurs témoins ont dit qu’il incombe au gouvernement fédéral de mettre en place des politiques d’aide et de consulter les travailleurs, les collectivités, les peuples autochtones et l’industrie sur la gestion de cette transition[49].

Angela Carter a proposé que, pour mener ces consultations, le Canada prenne exemple sur les États-Unis, où on a créé des « coalitions pour des emplois verts, avec les syndicats, les pouvoirs publics et les peuples autochtones ou d’autres groupes de la société qui pourraient souffrir de [cette transition] ». Laurie Adkin a suggéré quant à elle que le gouvernement mette sur pied des assemblées citoyennes régionales pour examiner diverses questions, comme « un plan plus vaste et complet de transition verte ».

Le Canada sera en meilleure posture pour gérer la transition s’il s’y emploie activement. Comme l’a dit Caroline Brouillette : « Plutôt que de réagir à cette transformation, nous avons l’occasion aujourd’hui d’en discuter, d’établir un plan, et de mettre les travailleurs et les travailleuses au centre de ce plan ».

Ce plan, selon plusieurs témoins, devrait miser sur une « transition équitable », qui serait dans leurs mots une transition proactive, inclusive et juste vers un avenir sobre en carbone[50]. Le Réseau action climat Canada a recommandé la création d’un groupe de travail consultatif « qui aura la responsabilité d’établir les processus, les mécanismes, les outils et les fonds pour cette transition équitable ». Protection environnementale Canada a fait état d’un rapport réalisé par le Centre for Future Work disant qu’il serait essentiel de pouvoir compter sur des programmes de recyclage professionnel, des fonds de réinstallation et le financement du développement économique des collectivités pour favoriser cette transition.

À ce propos, Meredith Adler, directrice exécutive de Student Energy, a mentionné que les jeunes veulent avoir « la possibilité de faire partie de la transition. Le principal problème à l’heure actuelle, c’est qu’il n’existe pas de voies claires pour accéder aux emplois verts ».

L’Alberta Federation of Labour a recommandé également l’établissement d’un transfert fédéral dédié pour les provinces productrices d’énergie, ce qui, pour le représentant de la Climate Emergency Unit serait « quelque chose d’audacieux qui signalerait à tous les travailleurs du secteur des combustibles fossiles qu’ils n’ont rien à craindre et qu’ils ne seront pas oubliés ». Le ministre des Ressources naturelles a indiqué que le gouvernement fédéral s’est engagé à faire avancer « la législation et un plan d’action global pour soutenir les emplois durables au Canada ».

Les témoins ont mentionné que les industries elles-mêmes pourraient avoir besoin de l’appui du fédéral pendant la transition, même si Angela Carter et Gil McGowan ont recommandé que le financement fédéral destiné aux industries vulnérables soit assorti d’accords de protection des emplois. L’Association canadienne des contracteurs de l’énergie ne préconise pas d’approche particulière, mais a dit que, « quel que soit le cadre retenu, il faut prendre en considération les emplois, la création d’emplois et la suppression potentielle d’emplois ».

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada tienne compte des répercussions qu’aurait le plafonnement des émissions sur l’emploi.

Recommandation 9

Que pour minimiser les inconvénients et maximiser les avantages de la transition vers une économie sobre en carbone, le gouvernement du Canada :

  • crée des mécanismes de consultation permanents avec les travailleurs, les syndicats, l’industrie, les gouvernements autochtones et les collectivités susceptibles d’être affectés par la transition;
  • détermine quels sont les secteurs, les collectivités et les régions les plus susceptibles d’être touchés de manière négative ou positive par la transition vers une économie sobre en carbone;
  • définisse des indicateurs pour mesurer ces effets; et
  • envisage de mettre en place de nouvelles mesures de soutien fédérales pour aider les travailleurs, l’industrie, les gouvernements autochtones et les collectivités ainsi que les régions à gérer les répercussions de la transition vers une économie sobre en carbone.

Impacts environnementaux

Un déclin de l’activité pétrolière et gazière aurait des répercussions sur l’environnement ainsi que sur l’économie. Martin Olszynski, Sara Hastings-Simon et des représentants de la Première Nation crie Mikisew ont déclaré devant le Comité que le gouvernement du Canada devrait être attentif aux impacts environnementaux des opérations pétrolières et gazières, ainsi qu’aux coûts pour y remédier.

Melody Lepine a attiré l’attention sur les grandes quantités d’eau utilisée dans l’exploitation des sables bitumineux. Elle a indiqué que pour les projets menés près de l’endroit où vit sa Nation, l’eau est puisée dans la rivière Athabasca, dont le débit a diminué, ce qui complique désormais la navigation. Une fois utilisée, l’eau de ces projets est envoyée dans des bassins de décantation. Mme Lepine a insisté sur le fait que ces bassins constituent une menace pour la biodiversité et la santé humaine, car leur contenu est toxique.

Les coûts de remise en état des sites sont élevés. Selon Martin Olszynski, les responsabilités environnementales associées à l’exploitation des sables bitumineux se chiffreraient entre 34 et 130 milliards de dollars, responsabilités « pour lesquelles l’industrie a mis moins d’un milliard de dollars de côté[51] ». Sara Hastings-Simon a convenu qu’il était « très important » que le gouvernement fédéral se penche sur ces responsabilités, et sur les actifs délaissés de manière générale. À ce propos, Benjamin Sey, directeur des Affaires environnementales de la Première Nation crie Mikisew, a invité le gouvernement du Canada à tenir compte des coûts de remise en état des sites et de traitement des résidus dans le plafond d’émissions.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada prenne en considération les impacts environnementaux de l’exploitation pétrolière et gazière, ainsi que les coûts financiers qui en résultent, dans la détermination d’un plafond d’émissions.

Conclusion

Tous les secteurs doivent contribuer à l’atteinte des objectifs du Canada en matière climatique, et le secteur pétrolier et gazier ne fait pas exception. La réduction des émissions de ce secteur peut s’avérer compliquée, mais elle est possible et nécessaire pour atténuer les impacts des changements climatiques. En même temps, il est important de reconnaître le rôle que joue le secteur pétrolier et gazier, grâce aux emplois et aux débouchés économiques qu’il offre à de nombreux Canadiens, et à la sécurité énergétique qu’il procure à notre pays et à nos alliés. C’est dans ce contexte que le Comité a examiné l’engagement du gouvernement du Canada à instaurer un plafond d’émissions pour le secteur.

Le Comité a dégagé certains des principes fondamentaux qui devraient guider le gouvernement du Canada dans l’élaboration d’un tel plafond. Parmi ces principes, il y a la nécessité de donner aux investisseurs et à l’industrie la certitude dont ils ont besoin pour réduire les émissions, de stimuler l’innovation dans le secteur, d’éviter le risque de fuites de carbone et de minimiser les répercussions négatives que peut avoir sur les travailleurs, les collectivités et les peuples autochtones la transition vers une économie sobre en carbone. S’il s’en tient à ces principes et suit les autres recommandations formulées dans le présent rapport, le gouvernement du Canada sera mieux placé pour atteindre ses objectifs climatiques et assurer la prospérité des Canadiens au cours des prochaines années.


[1]              RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1550 (Mark A. Scholz, président-directeur général, Association canadienne des contracteurs de l’énergie); et RNNR, Témoignages, 6 avril 2022, 1550 (Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles).

[2]              RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1540 (Laurie Adkin, professeure, Université de l’Alberta).

[3]              RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1615 (Robert Tarvydas, vice-président, Stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie); RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1540 (Martin Olszynski, professeur agrégé, Faculté de droit, Université de Calgary); et RNNR, Témoignages, 6 avril 2022, 1550 (Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles).

[4]              RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1545 (Louis-César Pasquier, professeur agrégé, Institut national de la recherche scientifique); et RNNR, Témoignages, 23 mars 2022, 1635 (Kevin Anderson, professeur en énergie et changement climatique, Centre Tyndall pour le changement climatique, Université de Manchester).

[5]              RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1600 (Andrew Weaver, professeur, Université de Victoria); et RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1555 (Andrew Gage, avocat-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law Association).

[6]              RNNR; Témoignages, 14 février 2022, 1605 (Chris Severson-Baker, directeur régional, Alberta, The Pembina Institute); RNNR; Témoignages, 21 mars 2022, 1600 (Andrew Weaver, professeur, Université de Victoria); et RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1555 (Andrew Gage, avocat-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law Association).

[7]              Le mandat et la structure du Groupe consultatif pour la carboneutralité (GCPC) sont précisés dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, même si le gouvernement fédéral a créé le GCPC avant que le Parlement n’adopte cette loi.

[8]              RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1540 (Andrew Leach, professeur adjoint, Université de l’Alberta). Voir également : Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), Rapport d’inventaire national 1990–2020 : Sources et puits de gaz à effet de serre au Canada – La déclaration du Canada à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, partie 1, p. 69.

[9]              L’Institut climatique du Canada s’appelait auparavant l’Institut canadien pour des choix climatiques.

[10]            Régie de l’énergie du Canada, Réponse écrite aux questions, 25 avril 2022.

[11]            Les autres organismes sont : la Fondation David-Suzuki, Protection environnementale Canada, Équiterre, l’Institut international du développement durable, Shift Action for Pension Wealth and Planet Health et la West Coast Environmental Law Association.

[13]            Ibid.

[14]            Les émissions de catégorie 1 sont les émissions directes provenant de sources privées ou contrôlées (combustion, émissions fugitives, véhicules, etc.). Les émissions de catégorie 2 désignent les émissions indirectes attribuables à la consommation d’énergie (électricité, vapeur, chauffage et climatisation). Les émissions de catégorie 3 englobent toutes les autres émissions indirectes générées par la chaîne de valeur d’une entreprise (combustion, utilisation finale d’un produit vendu, etc.).

[16]            RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1545 (Jennifer Winter, professeure agrégée, Université de Calgary); RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1555 (Nicholas Rivers, professeur agrégé, Université d’Ottawa); et Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP), Objet : Étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier (mémoire présenté au RNNR, 5 avril 2022).

[17]            RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1620 (Andrew Gage, avocat-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law Association).

[18]            RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1605 (Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche, Institut de l’énergie Trottier); et RNNR, Témoignages, 6 avril 2022, 1650 (Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles).

[19]            RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1535 (David Keith, professeur de politique publique, Harvard Kennedy School); et RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1545 (Louis-César Pasquier, professeur agrégé, Institut national de la recherche scientifique).

[20]            RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1645 (Sara Hastings-Simon, professeure adjointe, Université de Calgary); RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1650 (Mark Jaccard, professeur, Université Simon Fraser); RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1345 (Dan Wicklum, coprésident, Groupe consultatif pour la carboneutralité); RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1610 (Tristan Goodman, président-directeur général, Association des explorateurs et producteurs du Canada); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1620 (Dale Beugin, vice-président, Recherche, Institut canadien pour des choix climatiques); RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1605 (Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche, Institut de l’énergie Trottier); RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1635 (Robert Tarvydas, vice-président, Stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie); RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1620 (Andrew Gage, avocat-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law Association); et RNNR, Témoignages, 6 avril 2022, 1550 (Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles).

[21]            RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1610 (Tristan Goodman, président-directeur général, Association des explorateurs et producteurs du Canada); RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1540 (Andrew Leach, professeur adjoint, Université de l’Alberta); RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1625 (Charles Séguin, professeur agrégé, Université du Québec à Montréal); Tourmaline Oil Corp., Présentation sur le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre émanant du secteur pétrolier et gazier : Recommandation visant à maintenir les outils politiques existants pour inciter à la réduction des émissions de méthane (mémoire présenté au RNNR, 23 mars 2022); et ACPP, Objet : Étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier (mémoire présenté au RNNR, 24 mars 2022).

[22]            RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1700 (Merran Smith, directrice exécutive, Clean Energy Canada); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1655 (Dale Beugin, vice-président, Recherche, Institut canadien pour des choix climatiques); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1705 (Michael Bernstein, directeur exécutif, Clean Prosperity); et RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1625 (Charles Séguin, professeur agrégé, Université du Québec à Montréal).

[23]            En plus des témoignages cités, voir aussi : RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1700 (Jennifer Winter, professeure agrégée, Université de Calgary); RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1545 (Louis-César Pasquier, professeur agrégé, Institut national de la recherche scientifique); et RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1550 (Nicholas Rivers, professeur agrégé, Université d’Ottawa).

[24]            Rendre ainsi une norme plus sévère revient à ajouter ce que l’on appelle un « taux de resserrement ». Au moment de l’étude, le gouvernement du Canada envisageait d’établir un taux de resserrement de 2 %. Pour en savoir plus, voir : gouvernement du Canada, Examen du Règlement sur le STFR : Document de consultation.

[25]            Les contrats carbone pour la différence sont des accords qui établissent un prix du carbone fixe dans le temps. Si le prix réel du carbone est inférieur au prix convenu, le gouvernement paiera la différence à l’autre partie. Si le prix augmente, le gouvernement recevra la différence. Voir : l’Institut du développement durable et des relations internationales, Décarboner les matériaux industriels de base en Europe, octobre 2019.

[26]            RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1700 (Jennifer Winter, professeure agrégée, Université de Calgary); et Réseau action climat Canada et coll., Mémoire sur les principes guidant l’élaboration du plafond d’émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier (mémoire présenté au RNNR, 24 mars 2022), p. 5–6.

[27]            RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1600 (Sara Hastings-Simon, professeure adjointe, Université de Calgary); RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1605 (Mark Jaccard, professeur, Université Simon Fraser); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1620 (Dale Beugin, vice-président, Recherche, Institut canadien pour des choix climatiques); RNNR, Témoignages, 16 février 2022, 1725 (Gil McGowan, président, Alberta Federation of Labour); et RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1605 (Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche, Institut de l’énergie Trottier).

[28]            RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1650 (Mark Jaccard, professeur, Université Simon Fraser); et RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1550 (Nicholas Rivers, professeur agrégé, Université d’Ottawa).

[29]            RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1545 (Dale Beugin, vice-président, Recherche, Institut canadien pour des choix climatiques); et RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1605 (Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche, Institut de l’énergie Trottier).

[30]            RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1715 (Josipa Petrunic, présidente-directrice générale, Consortium de recherche et d’innovation en transport urbain au Canada); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1715 (Merran Smith, directrice exécutive, Clean Energy Canada); et RNNR, Témoignages, 16 février 2022, 1725 (Meredith Adler, directrice exécutive, Student Energy).

[31]            RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1710 (Tim McMillan, président-directeur général, Association canadienne des producteurs pétroliers); et RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1625 (Robert Tarvydas, vice-président, Stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie).

[32]            RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1615 (Susannah Pierce, présidente pour le Canada et directrice générale, Shell Canada Limitée); RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1550 (Dale Swampy, président, National Coalition of Chiefs); et ACPP, Objet : Étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier (mémoire présenté au RNNR, 24 mars 2022).

[33]            RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1625 (Josipa Petrunic, présidente-directrice générale, Consortium de recherche et d’innovation en transport urbain au Canada); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1710 (Merran Smith, directrice exécutive, Clean Energy Canada); et RNNR, Témoignages, 16 février 2022, 1710 (Bruno Detuncq, professeur à la retraite, École Polytechnique de Montréal).

[34]            RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1340 (Dan Wicklum, coprésident, Groupe consultatif pour la carboneutralité); RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1645 (Louis-César Pasquier, professeur agrégé, Institut national de la recherche scientifique); et RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1625 (Andrew Gage, avocat-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law Association).

[35]            Il y a un projet de captage du carbone à la raffinerie Sturgeon en Alberta, mais ce projet permet de capter des émissions provenant de la valorisation du bitume plutôt que du processus de raffinage.

[36]            Bibliothèque du Parlement, Captage, utilisation et stockage du carbone, Notes de la Colline, 7 février 2022.

[37]            RNNR, Témoignages, 23 mars 2022, 1605 (Francis Fong, directeur général, Groupe Banque TD).

[38]            Voir aussi : Jan Gorski, Pembina Institute, The case for raising ambition in curbing methane pollution, 4 août 2021 [disponible en anglais seulement].

[39]            RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1705 (Andrew Leach, professeur adjoint, Université de l’Alberta).

[40]            RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1610 (Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation); RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1605 (Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales, Réseau action climat Canada); et RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1705 (Andrew Leach, professeur adjoint, Université de l’Alberta).

[41]            RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1610 (Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation).

[42]            RNNR, Témoignages, 7 février 2022, 1650 (Sara Hastings-Simon, professeure adjointe, Université de Calgary).

[43]            RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1555 (Tim McMillan, président-directeur général, Association canadienne des producteurs pétroliers); RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1615 (Susannah Pierce, présidente pour le Canada et directrice générale, Shell Canada Limitée); Tourmaline Oil Corp., Présentation sur le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre émanant du secteur pétrolier et gazier : Recommandation visant à maintenir les outils politiques existants pour inciter à la réduction des émissions de méthane (mémoire présenté au RNNR, 23 mars 2022), p. 3.

[44]            RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1700 (Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales, Réseau action climat Canada); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1550 (Merran Smith, directrice exécutive, Clean Energy Canada); et RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1720 (Dale Marshall, gestionnaire, Programme national du climat, Protection environnementale Canada).

[45]            RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1620 (Dale Beugin, vice-président, Recherche, Institut canadien pour des choix climatiques); et RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1700 (Jennifer Winter, professeure agrégée, Université de Calgary).

[46]            Bibliothèque du Parlement, Ajustements à la frontière pour le carbone, 11 juin 2021.

[47]            RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1620 (Michael Bernstein, directeur exécutif, Clean Prosperity); RNNR, Témoignages, 14 février 2022, 1620 (Dale  Beugin, vice-président, Recherche, Institut canadien pour des choix climatiques); RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1705 (Andrew Leach, professeur adjoint, Université de l’Alberta); et RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1600 (Andrew Weaver, professeur, Université de Victoria).

[48]            Institut canadien pour des choix climatiques, Ça passe ou ça casse : Transformer l’économie canadienne pour un monde sobre en carbone, octobre 2021, p. 68.

[49]            RNNR, Témoignages, 9 février 2022, 1605 (Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales, Réseau action climat Canada); RNNR, Témoignages, 16 février 2022, 1720 (Gil McGowan, président, Alberta Federation of Labour); RNNR, Témoignages, 16 février 2022, 1720 (Meredith Adler, directrice exécutive, Student Energy); et RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1605 (Dale Swampy, président, National Coalition of Chiefs).

[50]            En plus des témoins cités, voir aussi : RNNR, Témoignages, 28 février 2022, 1645 (Julia Levin, responsable du programme climat et énergie, Protection environnementale Canada); RNNR, Témoignages, 21 mars 2022, 1615 (Melody Lepine, directrice, Première Nation crie Mikisew); et RNNR, Témoignages, 28 mars 2022, 1540 (Laurie Adkin, professeure, Université de l’Alberta).

[51]            L’estimation de 130 milliards de dollars en responsabilités environnementales associées à l’exploitation des sables bitumineux provient d’un scénario de la pire éventualité élaboré par l’Alberta Energy Regulator en 2018.