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INDU Rapport du Comité

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Acquisition de Neo Lithium : processus d’examen relatif à la sécurité nationale du canada

Introduction

Le 20 janvier 2022, le Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes (le Comité) a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité étudie la décision du gouvernement de ne pas exiger un examen de sécurité nationale de l’achat de Neo Lithium par Zijin Mining en vertu des dispositions de la Loi sur Investissement Canada et de son règlement d’application; que cette étude comprenne au moins deux réunions de deux heures chacune; que le Comité invite le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et que ces réunions soient télévisées; que le Comité invite également le sous‑ministre de l’Industrie, Simon Kennedy, la directrice générale de l’examen des investissements, Kate Burton, à comparaître séparément pendant une heure chacun ainsi que d’autres hauts fonctionnaires du ministère de l’Industrie, des Sciences et du Développement économique (Examen de la Loi sur Investissement Canada, et Direction générale de l’automobile, du transport et des technologies numériques), de la Sécurité publique, du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), des Ressources naturelles, ainsi que des intervenants de l’industrie et des experts externes et des universitaires sur les activités géopolitiques de la Chine, y compris l’influence du gouvernement de la Chine sur les entreprises d’État et les entreprises influencées par l’État, et des représentants d’organisations sectorielles; que le Comité commence l’étude par deux réunions au cours de la semaine du 24 janvier 2022; qu’une liste de témoins doive être remise au greffier avant midi le vendredi 21 janvier 2022, et que le Comité rende compte de ses conclusions à la Chambre.

Dans le cadre de cette étude, le Comité a tenu deux réunions, les 26 et 27 janvier 2022, au cours desquelles il a entendu 11 témoins. Le Comité a également reçu trois mémoires.

Acquisition de Neo Lithium et examen relatif à la sécurité nationale en vertu de la Loi sur investissement Canada

Acquisition de Neo Lithium par Zijin Mining

Neo Lithium Corp. (Neo Lithium) est une société d’exploitation minière de lithium constituée en personne morale en Ontario. Elle est inscrite à la Bourse de croissance TSX (TSXV) depuis juillet 2016[1]. La société se concentre principalement sur le développement du projet d’extraction de lithium de Tres Quebradas (projet 3Q) dans la province de Catamarca, en Argentine, qu’elle détient en totalité par le biais d’une filiale locale[2]. Selon une étude indépendante de faisabilité du projet commandée par Neo Lithium et rendue publique le 26 octobre 2021, la valeur actuelle du projet est estimée à 1,129 milliard de dollars américains, avec des dépenses en capital initiales de 370,5 millions de dollars américains. L’étude table sur une production annuelle de 20 000 tonnes de carbonate de lithium et une exploitation pendant 50 ans avant que la mine ne soit épuisée[3].

Le 8 octobre 2021, Neo Lithium a annoncé avoir conclu une entente avec Zijin Mining Group Co., Ltd. (Zijin Mining) en vertu de laquelle Zijin Mining acceptait d’acheter Neo Lithium pour un montant estimé à 960 millions de dollars. Avec un prix de l’action à 6,50 $, l’offre toute en espèces représentait une prime de 36 % par rapport au cours moyen pondéré en fonction du volume sur 20 jours des titres de Neo Lithium à la TSXV[4]. Le 26 janvier 2022, Neo Lithium a annoncé la finalisation de l’entente, après l’obtention de toutes les approbations réglementaires et la satisfaction de toutes les conditions de clôture[5].

Zijin Mining est une société minière constituée en personne morale en République populaire de Chine (RPC) et cotée aux bourses de Shanghai et de Hong Kong. Produisant essentiellement de l’or et du cuivre, Zijin Mining revendique une capitalisation boursière de 40 milliards de dollars américains et emploie quelque 30 000 personnes pour les différents projets qu’elle exploite dans 12 pays[6]. Dans son rapport du troisième trimestre de 2021, Zijin Mining indique qu’un de ses actionnaires importants  – détenant 23,11 % de ses parts – est Minxi Xinghang State‑owned Assets Investment Company Limited, qu’elle présente comme étant une entreprise d’État[7].

Examen relatif à la sécurité nationale en vertu de la Loi sur Investissement Canada

Selon la Loi sur Investissement Canada (LIC), le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (le ministre) a le pouvoir d’enquêter sur un large éventail d’investissements étrangers au Canada pour des raisons de sécurité nationale[8]. Aux termes de l’article 25.2 de la LIC, le ministre peut temporairement empêcher la réalisation d’un investissement s’il a « des motifs raisonnables de croire » que l’investissement « pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ». L’article 25.3 de la Loi dit que le ministre, après consultation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, peut recommander que le gouverneur en conseil examine un investissement s’il « est d’avis que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ».

Si le gouverneur en conseil décide d’ordonner un examen relatif à la sécurité nationale, le ministre, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, doit déterminer si l’investissement visé « porterait atteinte à la sécurité nationale ». Si le ministre estime que l’investissement serait préjudiciable, ou s’il n’est pas en mesure de trancher, il doit renvoyer la question au gouverneur en conseil et lui présenter ses conclusions et recommandations, à la suite de quoi le gouverneur en conseil, conformément à l’article 25.4 de la LIC, pourra prendre toute mesure qu’il estime « indiquée pour préserver la sécurité nationale », comme interdire l’investissement, autoriser l’investissement à certaines conditions ou ordonner que l’investisseur non canadien renonce à l’investissement qu’il a déjà effectué.

La LIC et son règlement d’application fixent les délais précis à l’intérieur desquels des mesures doivent être prises en vertu des articles 25.2, 25.3 et 25.4 de la Loi[9]. Aux termes des articles 25.2 et 25.3, le ministre peut obliger les parties prenantes à l’investissement à fournir les informations nécessaires à l’enquête[10].

En mars 2021, dans une réponse sur les incertitudes économiques engendrées par la pandémie de COVID-19, ainsi qu’à d’autres développement géopolitiques, le ministre a publié les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements afin de mieux renseigner les investisseurs canadiens et étrangers au sujet des facteurs pris en compte dans les décisions relatives à la sécurité nationale en vertu de la LIC[11]. Au paragraphe 7 de ces lignes directrices, il est indiqué que les investissements effectués par « des investisseurs d’État ou des investisseurs privés considérés comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers ou soumis à leurs directives » seront « examin[és] de plus près ». Dans la liste des facteurs dont tiendra compte le ministre dans ses décisions concernant la sécurité nationale – facteurs qui sont énumérés au paragraphe 8 des lignes directrices –, il y a « [l]’incidence possible de l’investissement sur les minéraux critiques et les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques ». Le gouvernement du Canada a répertorié à ce jour 31 minéraux qu’il juge critiques, et le lithium en fait partie[12].

Dans son plus récent rapport annuel sur la LIC, Innovation, Sciences et Développement économique Canada dit qu’en 2020‑2021, sur un total de 826 dossiers d’investissement, le ministre a donné 23 avis en vertu de l’article 25.2 de la LIC[13]. Au cours de la même période, le gouverneur en conseil a pris 11 décrets d’examen en vertu de l’article 25.3 de cette même loi (dont tous, sauf un, avaient déjà fait l’objet d’un avis aux termes de l’article 25.2). Trois des examens au titre de l’article 25.3 ont donné lieu à des décrets en vertu de l’article 25.4, soit pour bloquer l’investissement soit pour en exiger le retrait. Ces chiffres montrent une augmentation significative des mesures prises au titre des articles 25.2 et 25.3 de la LIC par rapport à l’année précédente; en revanche, le recours aux décrets au titre de l’article 25.4 est demeuré constant. Sept des onze avis donnés en vertu de l’article 25.3 et deux des trois décrets pris au titre de l’article 25.4 visaient des investisseurs étrangers basés en RPC.

Examen relatif à la sécurité nationale de l’acquisition de Neo Lithium

D’après Neo Lithium, Zijin Mining a déposé un avis d’acquisition en vertu de la LIC le 15 octobre 2021, et celui-ci a été déclaré complet le 20 octobre 2021[14]. La LIC et son règlement d’application disent que le gouvernement dispose de 45 jours, à compter de la date de réception de la demande complète, pour prendre des mesures en vertu des articles 25.2 ou 25.3[15]. Le 12 janvier 2022, un article de journal citait un porte-parole de Neo Lithium ayant déclaré qu’aucun avis n’avait été reçu concernant une mesure éventuelle en vertu de l’un ou l’autre article de la LIC, et que le délai pour recevoir un tel avis était expiré depuis début décembre 2021[16].

Témoignages

Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et représentants gouvernementaux

Dans son témoignage devant le Comité, le ministre a déclaré que l’examen relatif à la sécurité nationale concernant l’acquisition de Neo Lithium avait été réalisé conformément aux exigences de la LIC, dans le cadre de ce qu’il a qualifié de « processus quasi judiciaire ». Il a indiqué que l’acquisition avait fait l’objet d’un examen de la part « du gouvernement et des experts de la sécurité nationale », et que l’on disposait de suffisamment d’informations pour déterminer que « cette transaction ne présentait pas de risque d’atteinte à la sécurité nationale » avant le stade où les articles 25.2 ou 25.3 de la LIC devaient être invoqués. Toujours selon le ministre : « Telle était la conclusion des divers ministères concernés ainsi que de nos organismes du renseignement et de la sécurité nationale. » Le ministre a également assuré le Comité que cette acquisition avait fait l’objet d’un « examen approfondi », comme l’exigent les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements, et il a fait valoir que son pouvoir d’enquêter, et même d’exiger la divulgation d’informations, n’est pas subordonné à l’invocation des articles 25.2 ou 25.3[17].

S’appuyant sur les exigences de la LIC en matière de confidentialité et sur le caractère classifié de certaines informations, le ministre a refusé de donner des détails sur le processus qui a conduit à la décision concernant Neo Lithium. Il a toutefois tenu à souligner qu’on avait « tenu compte du minéral, de l’emplacement de la mine et de son incidence sur la chaîne d’approvisionnement ». Parmi les facteurs qui ont pesé dans la décision, il a cité le fait que Neo Lithium mène ses opérations en Argentine, et que « [n]ous n’avons pas besoin, en Amérique du Nord, d’importer de carbonate de lithium pour produire des batteries électriques », c’est-à-dire d’importer le type de lithium que ce projet minier permettra d’extraire[18].

Dans son témoignage, Simon Kennedy, sous-ministre au ministère de l’Industrie, a déclaré que le gouvernement avait déterminé que l’investissement concernait des actifs n’ayant « aucune valeur stratégique pour la chaîne d’approvisionnement nord‑américaine ». Faisant remarquer que le gouvernement pouvait lancer des enquêtes avant la période de 45 jours établie en vertu des articles 25.2 ou 25.3 de la LIC, M. Kennedy a dit que l’enquête avait duré « [c]ertainement pendant des mois », et que le ministre en avait été « informé »[19].

À propos du rôle des organismes de sécurité nationale du Canada dans les examens faits au titre de la LIC, Cherie Henderson, directrice adjointe au Service canadien du renseignement de sécurité, a déclaré ceci :

Notre service est à la recherche active de tout renseignement susceptible d’étayer une évaluation ou de répondre essentiellement à la question de savoir si notre sécurité nationale est menacée. Nous consultons de nombreuses sources et nous recueillons tous les renseignements possibles pour brosser le tableau le plus complet de la situation et répondre à la question. Nos conseils au gouvernement se fondent sur une évaluation complète de tous les aspects[20].

D’après Mme Henderson, l’avis des organismes de sécurité nationale est ensuite combiné à celui d’autres ministères pour en venir à une « décision commun[e] » au sujet de l’investissement.

Experts indépendants

Dans le cadre de son étude, le Comité a entendu cinq témoins externes au gouvernement, dont quatre se sont exprimés au sujet de la décision du ministre de ne pas invoquer les articles 25.2 ou 25.3 dans le cas de l’acquisition de Neo Lithium. Wesley Wark, agrégé supérieur au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, a qualifié de « mauvaise décision[21] » l’absence de processus d’examen plus long. Lorsqu’il a comparu devant le Comité, il a dit ne pas vouloir « préjuger des conclusions » d’un tel examen, mais dans un mémoire qu’il a envoyé par la suite au Comité, il a écrit que le fait d’avoir « [omis] de bloquer [l’investissement] ou d’imposer des conditions » à cet investissement révélait des « lacunes importantes » dans le processus[22].

Dans le même ordre d’idées, Jeff Kucharski, professeur associé à l’Université Royal Roads, était d’avis qu’il aurait fallu faire un examen plus approfondi en vertu des articles 25.2 ou 25.3[23]. Dans un mémoire qu’il a présenté au Comité, M. Kucharski affirmait que cet examen approfondi « aurait permis de cerner différents risques pour la sécurité nationale », et qu’il « aurait [été assez] surprenant » que le gouvernement ait effectué un tel examen et décidé de ne pas prendre de mesures en vertu de l’article 25.4[24].

Guy Saint‑Jacques, ancien ambassadeur du Canada en République populaire de Chine, a laissé entendre pour sa part que le manque de préoccupation du gouvernement à l’égard de cet investissement soulevait des questions quant à la politique générale du Canada en matière de minéraux critiques, mais a déclaré qu’il avait « du mal à cerner la menace directe » à la sécurité nationale que posait cet investissement[25]. S’exprimant du point de vue du secteur automobile, Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces d’automobile, s’est dit inquiet des conséquences éventuelles d’une restriction des investissements sur les relations économiques du Canada avec la RPC, disant que « notre industrie ne recommande pas au Canada de se battre pour des actifs qui se trouvent à l’autre bout du monde[26] ».

Pour sa part, Nikos Tsafos, titulaire de la chaire James R. Schlesinger en énergie et géopolitique au Center for Strategic and International Studies, sans se prononcer sur cet investissement en particulier, a souligné l’importance stratégique grandissante de minéraux critiques comme le lithium, et posé cette question : « [D]evrions-nous nous soucier de savoir qui est en possession du lithium et qui en produit dans le monde? Je pense [… qu’]on a pris conscience que l’indifférence face à cette question [… et cela] a coûté très cher. » M. Tsafos a également insisté sur l’incertitude entourant l’avenir de marchés comme celui du lithium, qui est petit aujourd’hui, mais qui pourrait être multiplié « par cent » dans les décennies à venir. Selon M. Tasfos, le développement de ces nouveaux marchés créera « de nouveaux liens et de nouvelles dépendances » qui influenceront le contexte géopolitique et, de ce fait, les décisions en matière de sécurité nationale[27].

MM. Wark et Kucharski ont préconisé tous les deux pour que l’on regarde, comme l’a dit M. Kucharski, « la situation stratégique dans son ensemble », plutôt que d’adopter une approche « au cas par cas » dans le processus d’examen relatif à la sécurité nationale de la LIC. M. Wark a insisté sur le fait que les décisions prises en vertu de la LIC « doi[ven]t être encadré[es] par une stratégie nationale cohérente en matière de sécurité économique », incluant une stratégie en matière de minéraux critiques. Les deux témoins croyaient que le gouvernement devrait réviser la LIC et envisager de « déclencher automatiquement » un examen relatif à la sécurité nationale pour certains types d’investissements, notamment ceux impliquant des sociétés contrôlées par des États[28].

Tous les témoins ont exprimé leur inquiétude face à la domination grandissante de la RPC dans le domaine de l’extraction et du traitement de minéraux critiques, comme celle prônée dans la politique du gouvernement chinois appelée « Fabriqué en Chine 2025 ». M. Tasfos s’est fait l’écho des opinions d’autres témoins lorsqu’il a déclaré :

Il est impossible d’exclure la Chine des chaînes d’approvisionnement, mais des chaînes d’approvisionnement dominées par la Chine sont inacceptables. Les minéraux critiques et les industries qui en dépendent sont trop importants pour être laissés à eux-mêmes. Les gouvernements occidentaux doivent s’attaquer ensemble à ces questions, car les enjeux sont trop importants pour qu’ils adoptent une autre approche[29].

Les témoins étaient toutefois divisés sur l’importance stratégique de l’acquisition de Neo Lithium. Pour M. Volpe, le fait que la mine soit en Argentine et qu’on projette d’y extraire du carbonate de lithium et non de « l’hydroxyde de lithium, le produit chimique qui est [privilégié] », signifie que les actifs en jeu sont peu susceptibles de soutenir la production de véhicules électriques en Amérique du Nord, peu importe quelle entreprise contrôle les activités[30]. MM. Wark et Kucharski n’étaient pas du même avis, affirmant que le carbonate de lithium a son importance dans la production de batteries destinées aux véhicules électriques, et M. Wark a ajouté qu’il ne considérait pas « qu’il soit terriblement pertinent dans le cadre d’un examen de la sécurité nationale » de savoir où est située la mine. M. Wark a rappelé l’importance de ce que l’on perd quand une entreprise canadienne est rachetée par une étrangère : « Nous perdons des capacités futures. Nous perdons de la propriété intellectuelle, du savoir‑faire technologique et un avenir inconnaissable[31]. »

M. Wark a insisté par ailleurs sur la nécessité d’une plus grande transparence dans l’administration de la LIC. Il a déclaré que s’il y avait plus de transparence dans la façon dont on prend les décisions, cela donnerait plus de crédibilité à ces décisions, favoriserait une plus grande reddition de comptes et augmenterait la prévisibilité pour les investisseurs[32]. M. Wark a également émis l’hypothèse que le moment où a été fait l’examen – pendant la période qui a suivi les élections fédérales de 2021 – a pu avoir une incidence sur l’attention portée à la décision au niveau politique.

Observations et recommandations

Le Comité a réalisé une étude plus longue sur la LIC au cours de la 43e législature et publié son rapport sur la question en mars 2021[33]. Dans la Loi sur Investissement Canada : Réagir à la pandémie de COVID-19 et faciliter la relance au Canada, le Comité a fait plusieurs recommandations qui, croit-il, s’appliquent à l’investissement dont il est question dans la présente étude. De manière générale, le Comité demeure convaincu qu’il serait très utile que le gouvernement entreprenne une révision en profondeur de la LIC, suivie de révisions périodiques et rigoureuses, et se penche également sur les modifications recommandées par le Comité dans son étude précédente.

Le Comité a déploré l’incapacité des représentants du gouvernement à fournir des détails sur le processus décisionnel entourant l’acquisition de Neo Lithium. Considérant la quantité d’informations du domaine public au sujet de cette acquisition, qui est expressément exclue de l’obligation de confidentialité en vertu de la LIC, le gouvernement devrait se montrer plus transparent dans la manière dont une décision de cette importance a été prise[34]. Davantage de transparence aurait permis de dissiper les craintes légitimes suscitées par la décision prise dans ce cas, en plus de renforcer la crédibilité et d’améliorer la prévisibilité du processus d’examen relatif à la sécurité nationale dans son ensemble.

Toujours à propos de la transparence et de l’obligation de rendre compte, le Comité a remarqué que le processus qu’ont décrit les représentants du gouvernement, par lequel différents ministères apportent leur contribution aux examens relatifs à la sécurité nationale, sort largement du cadre du processus d’examen formel établi dans la LIC, ainsi que dans son règlement d’application et ses lignes directrices en vigueur. Selon les témoignages recueillis, les ministères que l’on choisit de consulter et l’importance accordée à leur contribution peuvent varier en fonction de la nature de l’investissement en jeu. Certes, le Comité comprend que la collaboration entre les ministères est essentielle, mais il estime qu’un tel processus informel ne convient pas à un cadre décisionnel que le ministre a qualifié de quasi‑judiciaire. Le Comité s’inquiète également du fait que le ministère chargé de diriger le processus, en l’occurrence Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ne soit pas le ministère ou organisme qui possède l’expertise en matière de sécurité nationale, à savoir le Service canadien du renseignement de sécurité et les organismes de sécurité nationale compétents.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada instaure un processus officiel et transparent, comprenant la communication de la liste des ministères et organismes consultés, par lequel les ministères conseilleront le ministre de la Sécurité publique et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie au sujet des décisions prises en vertu de la Loi sur Investissement Canada; et que pour les décisions concernant les examens relatifs à la sécurité nationale, le processus soit régi par les organismes de sécurité nationale du Canada avant de faire rapport à Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Comme dans sa précédente étude, le Comité craint que des investissements faits au Canada par des entreprises d’État étrangères le soient pour des motifs autres qu’économiques. Cette fois encore, le Comité a recueilli des témoignages convaincants selon lesquels les politiques industrielles de certains régimes autoritaires ne sont peut-être pas toujours compatibles avec les enjeux de sécurité nationale du Canada, et les investissements d’entreprises d’État de ces pays méritent de faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale approfondi. Et cela est particulièrement vrai pour les investissements dans des secteurs névralgiques, comme celui des minéraux critiques.

Bien qu’une révision de la LIC par le gouvernement permettrait de voir quels changements seraient utiles pour renforcer le processus d’examen relatif à la sécurité nationale, le cas de Neo Lithium nous prouve qu’il est possible de faire des améliorations dans le cadre existant. Le Comité pense que tout investissement d’une entreprise d’État de pays autoritaires répond au critère d’investissement qui « pourrait porter atteinte à la sécurité nationale », aux termes de l’article 25.3 de la LIC, et que le ministre devrait user de son pouvoir discrétionnaire pour invoquer cet article en pareils cas. Le Comité prend note de la définition générale d’une entreprise d’État d’après la LIC, qui inclut « une unité contrôlée ou influencée, directement ou indirectement, par un gouvernement ou un organisme[35] ». Par conséquent, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 2

Que le ministre envoie un avis, en vertu de l’article 25.3, concernant tous les investissements d’entreprises de régimes autoritaires considérées comme étant des entreprises d’État au sens de la Loi sur Investissement Canada.

Le Comité est d’accord avec les témoins qui ont souligné l’importance de politiques et de priorités gouvernementales plus larges pour éclairer les décisions prises en vertu de la LIC. Les investissements dans les secteurs considérés comme prioritaires par le gouvernement, comme les minéraux critiques, devraient être évalués dans le contexte des intérêts stratégiques du Canada dans le secteur. Il est donc d’autant plus important que le gouvernement élabore des politiques détaillées et accessibles au public dans les secteurs d’importance stratégique pour l’économie canadienne.

Recommandation 3

Que le ministre publie en temps opportun une stratégie complète et détaillée sur les minéraux critiques.


[1]                  Neo Lithium, « Neo Lithium Discovers High Grade and Low Impurity Salar and Brine Reservoir Complex in Argentina and Commences Trading on the TSX Venture Exchange With Ticker NLC », Nouvelles et communiqué de presse, 20 juillet 2016 [disponible en anglais seulement].

[2]                  Neo Lithium, Neo Lithium Corp. Notice and Management Information Circular for the Special Meeting of Shareholders to be held on December 10, 2021, 8 novembre 2021, p. 23, 57 [brochure à l’attention des actionnaires de Neo Lithium] [disponible en anglais seulement].

[3]                  Ibid., p. 60.

[4]                  Neo Lithium, « Zijin Mining to Acquire Neo Lithium Corp. in All-Cash Offer », Nouvelles et communiqué de presse, 12 octobre 2021 [disponible en anglais seulement].

[5]                  Neo Lithium, « Neo Lithium Corp. Announces Closing of Plan of Arrangement with Zijin Mining Group Co., Ltd. », Nouvelles et communiqué de presse, 26 janvier 2022 [disponible en anglais seulement].

[6]                  Brochure à l’attention des actionnaires de Neo Lithium, p. 61 [disponible en anglais seulement].

[7]                  Zijin Mining Group Co., Ltd., Third Quarterly Report 2021, 15 octobre 2021 [disponible en anglais seulement].

[8]                  Loi sur Investissement Canada, L.R.C., 1985, ch. 28 (1er suppl.), partie IV.1 [LIC]. Pour un examen plus complet de la Loi sur Investissement Canada et les recommandations connexes du Comité, voir : Chambre des communes, Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, Loi sur Investissement Canada : Réagir à la pandémie de COVID-19 et faciliter la relance au Canada, cinquième rapport, mars 2021.

[9]                  Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale (examen), DORS/2009-271, art. 2 [Règlement relatif à la sécurité nationale de la LIC].

[10]               LIC, par. 25.2(3) et 25.3(5).

[11]               Gouvernement du Canada, Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements, mars 2021.

[12]               Gouvernement du Canada, Minéraux critiques.

[13]               Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Rapport annuel 2020‑2021 – Loi sur Investissement Canada.

[14]               Brochure à l’attention des actionnaires de Neo Lithium, p. 39 [disponible en anglais seulement].

[16]               Niall McGee, « Ottawa allows Chinese acquisition of Canada’s Neo Lithium to pass with no formal national security review », le Globe and Mail, 12 janvier 2022.

[17]               Chambre des communes, Comité permanent de l’industrie et de la technologie [INDU], Témoignages, 27 janvier 2022 (Honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie).

[18]               Ibid.

[19]               INDU, Témoignages, 27 janvier 2022 (Simon Kennedy, sous-ministre, ministère de l’Industrie).

[20]               INDU, Témoignages, 27 janvier 2022 (Cherie Henderson, directrice adjointe, Service canadien du renseignement de sécurité).

[21]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Wesley Wark, agrégé supérieur, Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale).

[22]               Wesley Wark, Mémoire sur l’examen de la sécurité nationale et du rachat de Neo Lithium par Zijin Mining, mémoire présenté au Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes, 2022.

[23]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Jeffrey B. Kucharski, professeur associé, Université Royal Roads).

[24]               Jeffrey B. Kucharski, Mémoire présenté au Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes, mémoire présenté au Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes, 2022.

[25]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Guy Saint‑Jacques, ancien ambassadeur du Canada en République populaire de Chine).

[26]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Flavio Volpe, président, Association des fabricants de pièces d’automobile).

[27]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Nikos Tsafos, titulaire de la chaire James R. Schlesinger en énergie et géopolitique, Center for Strategic and International Studies).

[28]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Kucharski).

[29]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Tsafos).

[30]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Flavio Volpe, président, Association des fabricants de pièces d’automobile).

[31]               INDU, Témoignages, 26 janvier 2022 (Wark).

[32]               Ibid.

[33]               INDU, Loi sur Investissement Canada : Réagir à la pandémie de COVID-19 et faciliter la relance au Canada, cinquième rapport, mars 2021.

[34]               LIC, al. 36(4)c).

[35]               LIC, art. 3.