Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je signale aux participants présents dans la salle que nous sommes toujours, ici sur la Colline, assujettis aux mesures de santé publique. Nous devons respecter la règle des deux mètres de distanciation sociale. Si vous siégez à la table et respectez la distanciation sociale, le port du masque n'est évidemment pas nécessaire, mais toutes les autres personnes présentes dans la salle, y compris le personnel, doivent le porter.
Pour les témoins qui comparaissent via Zoom, activez la sourdine de votre micro quand vous ne parlez pas. Vous pouvez naturellement intervenir dans l'une ou l'autre des langues officielles.
Je crois que c'est tout.
Avant de commencer, je demanderais aux députés, s'ils le désirent évidemment, d'adopter le troisième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure.
Y a‑t‑il consentement?
Je vois des pouces levés et aucune objection, donc le rapport est réputé adopté.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: C'est allé rondement.
Il s'agit de l'avant-dernière réunion tenue dans le cadre de l'étude sur les subventions aux combustibles fossiles.
[Français]
Ce matin, au cours de la première heure, nous avons avec nous M. Justin Leroux, qui comparaît à titre personnel. Il est professeur titulaire en économie appliquée à HEC Montréal et codirecteur de l’axe Éthique et Économie au Centre de recherche en éthique. À titre individuel, nous recevons aussi M. Jason MacLean, professeur adjoint à la Faculté de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick.
Nous avons également des représentantes d’Exportation et développement Canada, soit Mme Mairead Lavery, présidente, Mme Justine Hendricks, cheffe de la durabilité de l’entreprise et première vice-présidente, Facilitation du commerce durable, et Mme Sarah Fulton, conseillère principale, Politiques sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance.
Chaque témoin aura trois minutes pour prononcer son allocution d’ouverture, puis nous procéderons à des tours de questions de la part de tous les partis.
Professeur Leroux, nous commençons par vous. Vous avez la parole pour trois minutes.
Je remercie le Comité de me donner l'occasion de contribuer à cette importante discussion.
[Traduction]
Mon but est de clarifier un certain nombre d'arguments économiques et de préoccupations éthiques, mais avant tout je souhaite faire inscrire au compte rendu la définition d'une subvention inefficace. Une subvention est toute intervention publique qui confère un avantage commercial. Par exemple, un crédit d'impôt est une subvention et le système de tarification fondé sur le rendement est une subvention.
Pour ce qui est de l'inefficacité, les principes économiques établissent que tout programme qui ne passe pas le test d'une analyse coûts-avantages est inefficace. Par conséquent, certaines subventions aux combustibles fossiles, telles que les programmes de petite envergure et temporaires visant à assurer la sécurité énergétique des communautés éloignées jusqu'à ce qu'elles puissent opérer leur transition, pourraient ne pas être inefficaces. Cependant, la plupart des subventions aux combustibles fossiles sont inefficaces, car le secteur gazier et pétrolier est déjà rentable. Elles reviennent simplement à transférer l'argent des contribuables vers les actionnaires et les dirigeants et à contrecarrer les efforts de réduction des émissions.
Je passerai maintenant au crédit d'impôt pour les technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone, ou CUSC. J'affirme que ce crédit est à la fois inefficace et contraire à l'éthique. Il est inefficace, car le secteur pétrolier et gazier a les moyens d'investir dans cette technologie. S'il ne le fait pas, c'est qu'il ne trouve pas rentable de le faire, parce qu'il n'est pas avantageux pour lui de réduire ses émissions — le prix du carbone — est trop bas. Mieux vaut augmenter le prix du carbone et utiliser les fonds publics pour aider les ménages vulnérables. Le crédit est contraire à l'éthique, car l'argent des contribuables devrait servir à accélérer la transition énergétique, et non pas à la retarder. Or, le CUSC n'est pas une technologie de transition. C'est une technologie de nettoyage. Elle est imparfaite, son efficacité n'est pas démontrée à grande échelle et elle ne permet pas de capter une quantité d'autres polluants. Si votre adolescent fume des cigarettes dans la maison et que grand-mère dépérit à cause de la fumée secondaire, vous n'achetez pas un purificateur d'air à votre enfant. Vous le grondez quand il fume — c'est le prix du carbone — et vous l'encouragez à mâcher de la gomme à la place — c'est la transition.
J'aimerais clarifier quelques points concernant les plastiques, les emplois, et la demande mondiale de pétrole.
Rappelons qu'il n'est pas question ici de l'élimination des énergies fossiles, mais de l'élimination des subventions aux combustibles fossiles. Les personnes qui craignent une pénurie de polymères, comme les plastiques et le caoutchouc, n'ont pas à s'inquiéter. La crise des polymères, s'il y en a une un jour, n'est pas pour demain, et nous nous y attaquerons à ce moment. Mieux vaut remettre cet enjeu à plus tard plutôt que celui du climat.
Ensuite, l'argument concernant les emplois est fallacieux. Certes, l'élimination des subventions pourrait occasionner des pertes d'emplois dans ce secteur, mais ces emplois seront transférés dans d'autres secteurs, qui valorisent les compétences de ces travailleurs: le développement d'énergies propres, la consultation en énergie, et ainsi de suite. Cette transition peut faire peur, surtout pour les travailleuses et les travailleurs en fin de carrière. C'est pourquoi il est préférable d'investir l'argent public dans la formation, le perfectionnement des compétences et des programmes d'aide financière généreux pour la relocalisation des travailleurs et de leurs familles.
Enfin, je suis insensible à l'argument selon lequel le monde a besoin du pétrole canadien et qu'il faut accroître notre production pour satisfaire la demande mondiale par solidarité avec les pays qui subissent une contraction de l'offre. Le devoir du Canada, comme pays, n'est pas de satisfaire la demande mondiale, mais bien de respecter ses engagements climatiques. C'est là le meilleur geste de solidarité que nous pouvons poser aujourd'hui.
Je serai ravi de parler d'autres sujets, comme l'inflation ou la compétitivité, si vous le désirez.
Bonjour. Je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter des subventions aux combustibles fossiles et des politiques canadiennes en matière de climat et d'énergie.
Je voudrais avancer trois arguments principaux et faire ressortir leurs conséquences les plus notables.
Premièrement — et il s'agit du point le plus important: l'absolue nécessité d'éliminer toutes les subventions aux combustibles fossiles est un moyen de parvenir à une fin, et nous ne devons pas perdre de vue le but ultime. Ce but ultime, ce n'est pas l'élimination de toutes les subventions aux combustibles fossiles. Le but ultime, c'est l'abandon progressif de toute extraction, production, exportation et utilisation des combustibles fossiles au Canada le plus rapidement possible.
Éliminer les subventions aux combustibles fossiles est un moyen nécessaire — ,mais en soi insuffisant — d'atteindre ce but. Il s'agit peut-être de la mesure la plus facile à appliquer parmi toutes les mesures qui s'imposent pour faire disparaître progressivement l'industrie canadienne des combustibles fossiles, et elle devrait être mise en œuvre immédiatement. Les subventions ne font que prolonger et compliquer cet abandon progressif inévitable.
Je suis conscient que cette affirmation risque de sembler radicale, en dehors de la fenêtre d'Overton canadienne. Cela témoigne de l'emprise soutenue que l'industrie des combustibles fossiles exerce, à titre de partie réglementée, sur la façon dont se conçoivent les politiques du Canada en matière de climat et d'énergie. Or, il n'y a rien là de radical. Je me fonde sur d'importants travaux de recherche indépendants et évalués par des pairs dans le domaine de la climatologie et des politiques climatiques.
Des modèles climatiques montrent actuellement que, pour avoir 50 % de probabilité de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, les riches « pays producteurs », dont le Canada, doivent réduire leur production de pétrole et de gaz de 74 % d'ici 2030 et cesser complètement la production d'ici 2034. L'élimination de toutes les subventions aux combustibles fossiles est une étape importante vers l'atteinte de cet objectif global de politique climatique et énergétique.
Deuxièmement, et je le dis avec le plus grand respect, nous ne pouvons plus nous permettre de nous livrer à des contorsions sémantiques concernant la signification du terme « subvention », comme bon nombre de personnes ont tendance à le faire au Canada. Il n'existe aucun fondement en droit international et dans les politiques internationales qui permette de faire une distinction entre subventions efficaces et inefficaces. Rien ne justifie non plus qu'on adopte une définition étroite du terme « subvention » en lien avec les combustibles fossiles. La définition de l'Organisation mondiale du commerce est reconnue depuis longtemps. Une « subvention » s'entend d'une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public qui confère un avantage. Il s'agit manifestement d'une définition large, que d'autres organismes internationaux appliquent, en particulier le Programme des Nations unies pour l'environnement.
Troisièmement, l'élimination de la totalité des subventions aux combustibles fossiles réduira les émissions de gaz à effet de serre et facilitera la transition vers la décarbonation. Dans son dernier important rapport d'évaluation sur l'atténuation des changements climatiques, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GIEC, des Nations unies, se penche sur les avantages suivants de la suppression complète des subventions aux combustibles fossiles. Selon le GIEC, la suppression des subventions aux combustibles fossiles réduira les émissions, améliorera les recettes publiques et le rendement macroéconomique et engendrera d'autres bienfaits pour l'environnement et le développement durable.
Enfin, je veux souligner les conséquences les plus notables, pour les politiques canadiennes actuelles en matière de climat et d'énergie, des trois arguments que je viens de vous soumettre.
Premièrement, le gouvernement devrait annuler immédiatement le projet d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain. Le gouvernement devrait éviter d'approuver ou de soutenir tout nouveau projet d'exploitation des combustibles fossiles au Canada, ce qui signifie qu'il devrait aussi revenir sur sa décision récente et malavisée d'approuver le projet pétrolier extracôtier Bay du Nord.
Deuxièmement, le gouvernement devrait annuler le crédit d'impôt à l'investissement pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone qu'il a annoncé dans son récent budget et annuler toutes les autres mesures de soutien financier…
Troisièmement, le Canada doit non seulement continuer à hausser le prix pour les émissions de gaz à effet de serre, mais également éliminer toutes les échappatoires.
Merci. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Monsieur le président, honorables députés, c'est avec grand plaisir que je me joins à vous aujourd'hui afin d'aider le Comité à étudier les subventions au secteur du pétrole et du gaz naturel, et de faire la lumière sur le rôle d'Exportation et développement Canada, ou EDC, dans cet important secteur.
Ce rôle est ancré d'abord et avant tout dans le mandat d'EDC, qui est de promouvoir et de soutenir les exportations canadiennes vers le monde entier, dans tous les secteurs de l'économie et dans toutes les régions du pays.
[Traduction]
Comme le Comité le sait sans doute, EDC fournit des solutions de financement, de placements en capitaux propres et d'assurance selon des principes commerciaux. Les fonds utilisés pour notre financement à l'exportation sont tirés de nos revenus, à savoir le rendement de nos activités commerciales. Suivant ce modèle, EDC n'offre pas de bourses ni de subventions.
Notre mandat est également encadré par les autres attentes du gouvernement du Canada et, de ce fait, de la population canadienne, concernant notre contribution à la lutte contre le réchauffement climatique. Faire croître les exportations canadiennes, contribuer à l'économie canadienne, réagir à la crise des changements climatiques: voilà notre paysage commercial, un paysage qui connaît une évolution spectaculaire depuis quelques années.
L'approche d'EDC en ce qui a trait au pétrole et au gaz naturel, ainsi qu'à l'énergie et aux secteurs intenses en carbone en général, a également évolué. En à peine trois ans, entre 2018 et 2021, le soutien d'EDC à l'égard du secteur du pétrole et du gaz naturel a diminué d'environ 65 %. EDC s'est engagée à cesser de consentir de nouveaux investissements aux entreprises de combustibles fossiles ou pour leurs projets d'ici la fin de cette année.
Actuellement, nous continuons d'examiner notre portefeuille de prêts pour déterminer de quels actifs nous départir et mettre un terme aux relations d'affaires internationales qui sont incohérentes avec nos objectifs de réduction du carbone. Bien sûr, nos choix d'investissement sont tout aussi importants. Aujourd'hui EDC est établie comme l'un des principaux bailleurs de fonds du secteur canadien des technologies propres. Depuis 10 ans, nous avons facilité des exportations totalisant environ 20 milliards de dollars dans les exportations de technologies propres. L'année dernière, pour la première fois, le soutien fourni par EDC aux entreprises de technologies propres a surpassé le soutien fourni au secteur du pétrole et du gaz naturel. Nous prévoyons que cette tendance se maintiendra.
EDC a collaboré avec des centaines d'entreprises, grandes et petites, de tout le secteur du pétrole et du gaz naturel. Toutes ces entreprises nous font part des mêmes attentes: que la transition du Canada vers une économie à faible intensité de carbone soit ordonnée et que les entreprises participant à cette transition reçoivent assez de capitaux pour faire les investissements verts nécessaires.
De la même façon qu'EDC apporte un soutien important aux technologies propres canadiennes, nous croyons que nous pouvons aider le secteur pétrolier et gazier dans sa transition vers une économie canadienne à faible intensité de carbone. C'est là l'équilibre qu'EDC cherche à établir dans cet environnement en évolution rapide.
Je vous remercie. Mes collègues et moi recevrons avec plaisir vos commentaires et vos questions.
Je remercie également tous les témoins présents aujourd'hui.
Comme politicien et comme Albertain, certains des commentaires formulés ici ce matin me laissent perplexe. Je pense aux incroyables avancées environnementales qui ont été opérées dans ma province, et je tente d'envisager l'avenir comme un monde où il y aura des mines de lithium et toutes les autres ressources nécessaires pour répondre aux objectifs gouvernementaux, que ce soit en 2030, en 2035, etc.
À mon avis, les gens qui suggèrent d'agir le plus rapidement possible ont le cœur à la bonne place et croient sincèrement à l'utilité d'une telle démarche. Malheureusement, si vous pensez que votre collectivité et que ceux d'entre nous qui sont députés... Si vous pensez qu'une mine à ciel ouvert sera la bienvenue dans votre communauté, je pense que nous nous trompons de cible.
Les gens qui le souhaitent peuvent se rendre à Fort McMurray pour voir à quoi ressemble une mine à ciel ouvert après 40 années de remise en état. Si c'est ce qui va se passer dans ce pays, alors tout le monde y gagnera au change.
Je pense que la guerre en Ukraine a mis en évidence un véritable dilemme énergétique, et que la sécurité énergétique subit une réelle transformation radicale, car le monde n'envisage plus l'avenir à travers des lorgnettes vertes.
Je veux m'adresser spécifiquement à EDC, parce que j'ai assisté à des réunions commerciales internationales partout dans le monde, où nous avons parlé de la manière dont nos entreprises et nos ressources énergétiques peuvent aider ces personnes là où elles ont besoin d'un produit robuste et fonctionnel, qui leur permettra de faire ce qu'elles doivent pour améliorer leur vie. Si ces marchés sont fermés à l'énergie canadienne, je suis sûr que le personnel de vos bureaux, à EDC, saura quels autres pays viendront combler le vide.
Pouvez-vous me dire en quoi consiste votre stratégie qui nous enlèvera notre capacité de fournir des produits d'hydrocarbures fabriqués et gérés de manière éthique, uniquement pour nous voir remplacés par d'autres fournisseurs?
Merci, monsieur Dreeshen, de vos commentaires et de votre question.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, dans le contexte actuel, nous considérons que l'économie et l'environnement sont les deux côtés d'une même médaille. Nous ne pouvons pas nous occuper de l'un au détriment de l'autre. Il y a des possibilités économiques et des défis dans toute action environnementale.
La stratégie d'EDC est tout à fait pertinente: nous continuons d'aider les entreprises canadiennes. L'an dernier, avant la COP26, nous avons annoncé que notre intention est de ne plus soutenir les entreprises internationales du secteur des énergies fossiles et leurs projets et de nous concentrer sur les entreprises canadiennes, pour vraiment travailler avec l'industrie afin de comprendre leur cheminement.
Plusieurs sociétés pétrolières et gazières canadiennes se sont engagées à atteindre la carboneutralité. Nous voulons travailler avec ces sociétés afin de bien comprendre ce que cela signifie, ce que cela signifie sur le plan de la technologie et surtout sur le plan des technologies propres, et ce qu'elles investissent en recherche et développement, afin de les accompagner dans leur transition vers un avenir à faibles émissions de carbone.
Je pense qu'il est important que les gens saisissent bien ce que vous dites au sujet des sociétés internationales. Ces entreprises ne seront pas admissibles aux options de recherche ou au soutien financier du Canada. Vous aiderez les entreprises canadiennes à faire ce qu'elles ont toujours fait, c'est‑à‑dire être les producteurs de pétrole et de gaz les plus respectueux de l'éthique et de l'environnement de la planète, et vous allez travailler avec elles pour vous assurer que cela fonctionne.
Je vais maintenant passer à l'autre point — et encore une fois nous parlons de subventions —, dont il a été question ici, c'est‑à‑dire que ces entreprises obtiennent des prêts à des taux commerciaux, et ainsi de suite, ce qui en soi constitue une subvention, et c'est pourquoi nous entendons parler de ces milliards de dollars que les Canadiens accordent en subventions à l'industrie pétrolière et gazière.
Pouvez-vous nous donner des détails sur les taux commerciaux et le volet commercial d'EDC?
Je dirais simplement que, très souvent, nous travaillons en collaboration avec des partenaires commerciaux, en particulier les banques — les banques canadiennes —, de sorte que nous fonctionnons toujours aux taux du marché. Ils peuvent changer selon les perspectives ou la situation particulière d'une entreprise, mais nous faisons très attention à ce que notre participation soit toujours aux taux du marché et souvent avec d'autres partenaires.
Vous pouvez affirmer catégoriquement qu'il ne s'agit pas de subventions accordées à des entreprises canadiennes qui utilisent EDC comme l'un de ses outils de gestion à l'échelle mondiale.
J'aimerais également remercier nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
L'an dernier, l'Agence internationale de l'énergie a déclaré qu'aucun nouveau projet soutenu d'extraction de combustibles fossiles ne devrait être réalisé. Des pays comme le Royaume-Uni, qui est également un important producteur de pétrole, ont déjà décidé de mettre fin au financement public des projets de combustibles fossiles à l'étranger. Cette année, le Canada s'est engagé à cesser le financement de projets de combustibles fossiles à l'étranger.
Dans votre témoignage, vous avez mentionné qu'EDC n'accordera aucun nouveau financement aux entreprises internationales de combustibles fossiles ou à leurs projets d'ici la fin de l'année, ce qui est une amélioration appréciable de son engagement de réduire de 40 % le plan de financement des combustibles fossiles cette année.
La question que j'aimerais poser à EDC, par votre entremise, monsieur le président, est la suivante: EDC est-elle prête à cesser de financer la production soutenue de combustibles fossiles cette année?
Dans nos déclarations précédant la COP26, nous disions que nous mettrions complètement fin aux nouveaux financements aux entreprises internationales et à leurs projets d'ici la fin de 2022. C'est ce que nous avons déclaré.
D'accord. J'ai une question complémentaire à ce sujet. Est‑ce que cela englobe les projets de production soutenue de combustibles fossiles qui sont dirigés par des entreprises canadiennes?
Nous avons dit que nous voulions continuer à examiner la production nationale et les entreprises canadiennes et le soutien accordé à leurs projets. Comme pour toutes les activités d'EDC, il s'agit d'un examen des entreprises et des transactions individuelles.
Nous venons de dévoiler notre cadre d'obligations durables et nous avons annoncé que nous réorientons notre soutien vers le financement de la transition et la réduction des GES pour rendre maintenant la production plus efficace.
Vous avez déclaré dans votre exposé qu'EDC avait facilité des exportations totalisant environ 20 milliards de dollars dans le secteur des technologies propres. Comment EDC définit-elle une exportation de technologies propres?
Nous avons en fait une définition assez large des technologies propres. Elle englobe tout, de l'énergie renouvelable à la gestion des déchets, en passant par la gestion de l'eau et les bâtiments écologiques. Notre nouveau « cadre d'obligations durables » définit de manière très précise ce que nous considérons comme des projets verts et ce que nous considérons comme des projets de financement social et de transition.
Pour poursuivre sur le cadre des obligations durables, vous avez mentionné qu'il permet aux entreprises de combustibles fossiles de recevoir de l'argent, ce qui n'est évidemment pas le cas des obligations vertes du Canada. Pourquoi EDC veut-elle soutenir ou financer des projets de combustibles fossiles par le biais d'un nouveau produit de financement annoncé cette année?
Tout comme le gouvernement du Canada, nous avons nos obligations vertes, qui n'appuient pas... mais l'obligation de transition, c'est un nouveau produit. C'est une reconnaissance du fait que nous devons intervenir et aider ces entreprises à réduire plus rapidement leurs émissions de GES.
C'est la raison pour laquelle nous offrons un produit financier axé sur la transition. Il comporte des incitatifs qui encouragent vraiment à augmenter l'efficacité plus rapidement. De plus, il englobe des exigences en matière de divulgation et de suivi, et associe le plan de transition de ces entreprises à l'Accord de Paris. Nous croyons donc que nous exerçons notre effet de levier pour travailler avec les entreprises et les aider à changer plus rapidement.
Vous avez dit que ce cadre d'obligations exige qu'il y ait un plan harmonisé avec l'Accord de Paris. Est‑il simplement question d'atteindre la carboneutralité d'ici 2050? Quelles cibles provisoires EDC envisage‑t‑elle d'imposer aux entreprises par le biais de ce cadre d'obligations?
Je pense que 2050 est probablement l'objectif ultime pour toutes les personnes qui travaillent dans ce domaine. Il faut fixer des cibles provisoires, examiner les voies à suivre. Il faut regarder les émissions de portée 1, 2 et 3 et élaborer un plan pour y arriver. Un plan ne peut pas se résumer à énoncer « nous atteindrons la carboneutralité d'ici 2050 ». Il doit comporter des éléments provisoires. Il doit pouvoir faire état des progrès. Comme n'importe quel plan, il doit faire l'objet d'un suivi. Nous voulons que les rapports des entreprises qui recevraient un financement de transition montrent que des progrès sont accomplis.
Quelle proportion du financement, le cas échéant, disponible par le biais de ce cadre d'obligations et des autres produits offerts par EDC, est mise de côté pour nous assurer de soutenir des projets liés à des produits et des entreprises d'énergie renouvelable qui favoriseront réellement une plus grande transition plutôt que d'aider les entreprises de combustibles fossiles à réduire leurs émissions?
Nous avons examiné notre portefeuille pour l'avenir et nous avons précisé de quelle façon nous aimerions le réorienter. Nos équipes ont donc des affectations d'investissements très claires à l'égard des technologies propres. Tout cela est lié à notre déclaration selon laquelle nous n'accorderons aucun nouvel investissement aux entreprises de combustibles fossiles ou à leurs projets.
Comment EDC considère‑t‑elle le risque de nouveaux financements de projets de combustibles fossiles par rapport aux actifs délaissés qui pourraient être financés par certains de ces nouveaux produits?
Je suis désolé. Nous n'avons plus de temps. Vous pourriez peut-être y revenir dans le cadre d'un bref préambule en réponse à une autre question. C'est ainsi que nous procédons dans la mesure du possible pour contourner ces limites de temps.
Je remercie d'abord tous les témoins, qui se sont rendus disponibles pour répondre à nos questions.
Mes questions s'adresseront à M. Leroux.
Je sais que 400 universitaires ont signé une lettre demandant au gouvernement fédéral d'abandonner les crédits d'impôt pour les projets de captage et de stockage du carbone. Dans la lettre, on mentionnait que cette technologie n'était pas à rejeter, mais on y proposait des solutions de décarbonation dans les cadres desquelles on limiterait l'utilisation du béton et du ciment et on exclurait le secteur pétrolier et gazier. Malheureusement, ce n'est pas ce qui est prévu dans le budget de 2022.
Pour vous, il est clair que ce crédit d'impôt constitue une subvention au secteur.
Récemment, j'ai entendu parler d'une obligation de reprise de carbone, qui donnerait tout son sens à la responsabilité élargie des producteurs. Par exemple, si on produit un baril qui émet une tonne de gaz à effet de serre, on doit capter une tonne de gaz à effet de serre. C'est une approche qui serait croissante et prévisible.
Selon vous, une telle réglementation placerait-elle de manière appropriée le coût de la captation et de l'utilisation du stockage de carbone sur les épaules de l'industrie et des consommateurs de combustibles fossiles, plutôt que sur l'ensemble des contribuables en allant siphonner l'argent public?
L'obligation de reprise du carbone constitue une contrainte réglementaire pour l'industrie pétrolière et gazière. On lui demande de compenser, comme vous venez de le dire, en captant du CO2, une certaine proportion des gaz à effet de serre issus de la production et de la combustion des énergies fossiles. Cette proportion serait croissante et on atteindrait 100 % en 2050, soit la carboneutralité.
Cette politique met le fardeau sur l'industrie et ne siphonne pas les fonds publics, comme vous le dites. Cela dit, il est important de noter deux choses. La première, c'est l'aspect crucial de cette mesure, c'est-à-dire qu'elle tient compte du carbone non seulement au moment de la production des énergies fossiles, mais aussi au moment de la combustion. Les émissions en aval sont comptabilisées là-dedans. C'est important de le considérer, et on pourrait faire la même chose en ce qui concerne le prix du carbone.
Le revers de la médaille, c'est que cela n'empêche pas la tentation politique de subventionner les investissements dans le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ou CUSC, avec de l'argent public, de la même manière que l'on accorde toutes sortes de passe-droits relativement au prix du carbone. C'est une tentation politique. Ainsi, même si la mesure en tant que telle, soit l'obligation de reprise du carbone, a du sens et qu'elle met le fardeau sur l'industrie, rien n'empêcherait le gouvernement de subventionner ensuite ces investissements.
Vous êtes aussi membre de l'Institut climatique du Canada. Votre recherche se concentre sur la répartition équitable et le partage des coûts.
Avec d'autres témoins, nous avons abordé le fait que le Canada offre 14 fois et demie plus de soutien au secteur des hydrocarbures qu'à celui des énergies renouvelables. Cette disproportion nous apparaissait inquiétante.
Pouvez-vous nous dire ce qui peut être qualifié comme équitable, en ce moment, dans les politiques publiques fédérales visant à lutter contre la crise climatique?
Cette répartition ne pourrait-elle pas être un peu plus équitable?
Premièrement, vous avez mentionné mon appartenance à l'Institut climatique du Canada. Évidemment, je parle en mon nom, et pas au nom de l'Institut.
Il est difficile de parler d'équité entre les industries. Du moins, ce n'est pas sur cette notion que portent mes travaux, qui concernent davantage le partage du fardeau entre citoyennes et citoyens, ainsi qu'entre les différents ordres de gouvernement.
Autrement dit, la disproportion du soutien public entre différents secteurs de l'énergie ne constitue pas nécessairement une violation du principe d'équité. Toutefois, cela constitue un choix politique. En soutenant massivement une industrie qui, rappelons-le, est déjà rentable, le Canada révèle son choix politique.
C'est à peu près l'étendue de ce que je peux dire pour ce qui est de l'équité. Comme je vous le dis, entre industries, ce n'est pas aussi clair.
Le mot clé, c'est « préférentiel ». À partir du moment où on offre un taux préférentiel, on donne un avantage commercial à quelqu'un. Cela constitue donc une subvention, absolument.
Lorsque le vice-président de l'Association canadienne des producteurs pétroliers est venu nous parler — je pense que c'était la première fois —, il nous a dit que l'industrie n'était absolument pas en mesure de faire des investissements pour capter le carbone. Je voulais simplement le rappeler.
Ma première question s'adresse à M. MacLean. Vous avez parlé de l'emprise exercée par l'industrie pétrolière et gazière sur le cadre réglementaire du Canada. Le gouvernement semble écouter les entreprises de combustibles fossiles plutôt que les experts. Vous avez signé, avec 400 autres universitaires, une lettre exhortant le gouvernement à ne pas aller de l'avant avec le crédit d'impôt à l'investissement pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone. Lors d'une récente réunion du comité des ressources naturelles, le ministre Wilkinson a rejeté cette lettre en disant que « Les 400 signataires n'étaient pas des experts en la matière. » Que répondez-vous à cela?
Je répondrais en disant que c'est absolument faux. Plus de 400 personnes ont signé cette lettre, et nous sommes tous, y compris moi-même, des experts dans différents aspects de la recherche sur les changements climatiques, qu'il s'agisse de la science du climat, de la politique climatique ou de la modélisation énergétique. Cette remarque n'est absolument pas fondée.
C'est la même réponse, en fait. J'ai moi aussi signé cette lettre. Mon domaine d'expertise n'est pas la science du climat, mais l'économie. Cette lettre fait valoir un argument économique et c'est pourquoi je l'ai signée.
Pouvez-vous tous les deux nous parler de l'emprise exercée par l'industrie pétrolière et gazière sur le gouvernement? Qui écoutent-ils lorsqu'ils élaborent ces politiques?
Lorsque nous parlons de l'emprise réglementaire, nous parlons d'une situation dans laquelle l'intérêt public dans les lois et les règlements est délaissé au profit d'intérêts particuliers et acquis. C'est ce qui se passe depuis longtemps dans la politique environnementale, énergétique et climatique au Canada, et malheureusement c'est encore ce qui se produit. Le crédit d'impôt à l'investissement en est un exemple parfait. Il injecte des milliards de dollars dans une technologie qui n'a pas fait ses preuves et qui est financée par l'État depuis des décennies, mais qui demeure totalement inefficace.
Il contribuera à soutenir une industrie qui, autrement, doit être éliminée progressivement, et il est indiscutable qu'elle doit être abandonnée. C'est une conclusion sans équivoque de la science du climat, mais au lieu de cela, le gouvernement...
À propos de la lettre, je veux préciser que nous, les signataires, avons demandé à rencontrer les représentants du gouvernement afin d'exposer nos préoccupations, mais qu'ils n'ont pas accepté de le faire. Vous avez la pièce à conviction « A » de l'emprise réglementaire lorsque plus de 400 experts interdisciplinaires veulent vous parler du problème de politique le plus pressant auquel fait face le pays et que vous ne voulez même pas les rencontrer. C'est parce que la décision a déjà été prise, et qu'elle a été prise par l'industrie pétrolière et gazière. C'est ça l'emprise réglementaire.
Merci beaucoup. Vous avez tous les deux répondu à cette question d'une façon ou d'une autre, mais je vais vous demander de répondre rapidement par oui ou par non, avant de m'adresser aux trois autres témoins.
Je vais commencer par vous, monsieur MacLean. Considérez-vous que le financement versé dans le cadre des subventions gouvernementales aux activités de CUSC constitue une subvention aux combustibles fossiles?
Ma prochaine question s'adresse à Mme Lavery ou aux autres représentantes d'EDC. L'un de mes collègues vous a demandé à quel point il est facile d'évaluer les risques liés aux actifs délaissés et au stockage du carbone dans les décisions de financement. Pouvez-vous répondre à cette question?
Avec plaisir. Nous travaillons depuis longtemps avec des tests de résistance climatique. Nous utilisons certaines méthodologies. Nous attendons la méthodologie de la Banque du Canada qui s'applique précisément au Canada. C'est ainsi que nous examinons notre portefeuille de financement pour comprendre les risques liés aux actifs délaissés. C'est ce que nous faisons, tout en appliquant notre stratégie d'abandon des investissements qui vise depuis les trois dernières années à réduire tous les risques qui existaient en 2018.
Vous avez brièvement parlé de la façon dont EDC définit actuellement les technologies propres. De toute évidence, vous incluez le CUSC et l'hydrogène bleu, aussi appelé hydrogène fossile, dans la définition des technologies propres. Il semble que cela aura une incidence sur la crédibilité et n'améliorera pas vraiment la réputation d'EDC à l'égard des subventions aux combustibles fossiles.
Tout d'abord, pourriez-vous communiquer au Comité toutes les transactions incluses par EDC dans ses chiffres sur les technologies propres? Cela pourrait faire l'objet d'un suivi auprès de notre comité, si vous n'avez pas d'objections à nous transmettre ces renseignements après la réunion.
J'aimerais savoir si EDC a l'intention d'élaborer une taxonomie financière durable qui exclut le financement des combustibles fossiles, semblable au Cadre des obligations vertes du Canada, ou si elle continuera d'injecter des fonds publics dans les combustibles fossiles au nom des technologies propres, ce qu'elle semble faire.
J'aimerais simplement confirmer que vous voulez une analyse des types de financement que nous offrons pour les technologies propres, selon la catégorie. Est‑ce que...
Merci, madame Lavery, et merci à tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
La première question s'adresse à vous.
Nous avons vu un rapport de 2022. Environmental Defence a constaté qu'en 2021, le gouvernement fédéral a fourni 8,6 milliards de dollars en soutien financier au secteur pétrolier et gazier, dont plus de 5 milliards de dollars en financement public par l'entremise d'EDC.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que vous n'accordez pas de subventions et ce genre de choses. D'où vient ce chiffre dans le rapport d'Environmental Defence?
Pour que ce soit bien clair, nous n'accordons pas de subventions. EDC a fourni un soutien à l'industrie pétrolière et gazière, ainsi qu'aux entreprises de l'industrie pétrolière et gazière. Ce financement a considérablement diminué au cours des trois dernières années. En fait, il a diminué de 65 %.
Je ne peux pas parler des détails du rapport d'Environmental Defence, mais je peux confirmer qu'en 2021, nous avons fourni un soutien financier de 4,4 milliards de dollars aux industries pétrolière et gazière.
Lorsque je pense à toute cette question, l'un des problèmes est la définition commune de ce qui constitue une subvention et de ce qui ne l'est pas.
Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez? Je viens d'Oshawa, où il y a une industrie automobile. À l'échelle internationale, cela ne veut pas nécessairement dire que le Canada veut jouer à ce jeu — si je peux m'exprimer ainsi —, mais si d'autres pays décident d'aider leur secteur, et que nous n'offrons aucun type de soutien, nous perdons nos industries et les emplois qui y sont associés.
C'est ce que nous voyons dans le secteur de l'énergie, surtout pour la sécurité nationale, et c'est ce que nous voyons avec la guerre en Europe. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec les témoins qui disent qu'il faut éliminer complètement cette industrie. Je pense qu'à l'avenir, nous aurons certaines exigences.
Y a-t-il des définitions acceptées à l'échelle internationale que nous pourrions examiner sur ce qui constitue une subvention et ce qui ne l'est pas?
Je ne connais aucune définition internationale acceptée. Je crois savoir que certains ministères étudient actuellement cette question, et nous les conseillons.
Exportation et développement Canada existe depuis 76 ans. Nous fonctionnons selon les principes de l'OCDE et de l'OMC qui garantissent, en fait, que nous n'accordons aucune subvention, car nous évoluons dans un environnement équitable en tant qu'organisme de crédit à l'exportation.
Nous travaillons avec nos partenaires de façon à nous assurer de vraiment soutenir nos partenaires commerciaux, comme le font nos banques, et que nous n'accordons pas de subventions. Nous utilisons les taux du marché.
Encore une fois, ce que j'ai vu à Oshawa m'a appris que si quelque chose est qualifié de subvention, cela nous expose à de possibles contestations devant l'OMC, etc.
Dans un autre ordre d'idées, notre comité a entendu différents groupes qui ont parlé de certaines choses que les entreprises pétrolières font lorsqu'elles sont présentes dans une collectivité... Elles produisent du pétrole et du gaz. Elles offrent des programmes de soutien à différents groupes autochtones, et d'autres choses semblables.
Est‑ce que des gens, ou des intervenants, pourraient dire qu'il s'agit d'un genre de subvention?
Je n'en suis pas certaine, monsieur Carrie. Généralement, nous considérons que cela répond à la définition d'un investissement communautaire.
Selon les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance et la façon dont leurs définitions changent, l'investissement communautaire, bien qu'il soit apprécié et souvent nécessaire dans ces collectivités en particulier, n'est pas suffisant pour répondre au défi environnemental.
Nos définitions, et ce que nous voulons obtenir, montrent que nous cherchons des plans d'action précis pour la réduction des émissions, et que nous considérons ensuite ce que les entreprises font à l'égard de leur approbation sociale.
Vous avez tout à fait raison. Nous voyons que les sociétés pétrolières et gazières font beaucoup de recherche et de développement dans le domaine des technologies propres. Les sociétés pétrolières et gazières et les sociétés minières, dans le cadre de leurs chaînes d'approvisionnement, sont très importantes pour les entreprises autochtones.
Encore une fois, je sais par expérience que les Canadiens ont tendance — et je déteste utiliser ce terme — à jouer les bons scouts. À l'échelle internationale, pour ce qui est de rapports de ce genre, y a‑t‑il des accords internationaux sur la reddition de comptes et la transparence dont vous pourriez nous parler?
Je suis inquiet. La côte Est du Canada importe du pétrole d'endroits comme le Venezuela et l'Arabie saoudite, des pays où les droits de la personne sont préoccupants. Je pense que nous sommes nombreux à porter un jugement moral lorsque nous nous demandons d'où viennent ce pétrole et ce gaz.
Si nous pouvions l'obtenir par des fournisseurs canadiens...
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
J'aimerais poursuivre les questions sur la définition de subvention avec EDC. Nous avons entendu quelques définitions aujourd'hui au cours de notre réunion. Je sais qu'il y en a d'autres.
Vous avez parlé à M. Carrie de l'opérationnalisation du mot « subvention » par EDC et que vous utilisez les taux du marché pour empêcher que les subventions entraînent un déséquilibre des règles du jeu.
C'est simplement une pratique opérationnelle normale à EDC, peu importe le secteur. C'est quelque chose dont nous sommes parfaitement conscients. Nous sommes là pour combler les lacunes du marché et, par conséquent, nous fonctionnons toujours en respectant les principes et les pratiques du marché. Cela signifie que nous exécutons toujours une analyse comparative de nos taux, que ce soit pour nos produits d'assurance ou nos produits de financement, mais très particulièrement pour nos produits de financement.
Nous faisons souvent partie d'une syndication ou d'une transaction commerciale, ce qui nous permet d'obtenir des renseignements très précis d'acteurs commerciaux sur les taux de ces transactions et, par conséquent, nous ne fixerions pas les taux précis. Nous utiliserions le taux commercial pour la transaction en question.
Si nous fonctionnons de façon autonome, nous demandons des preuves sur les prix du marché, et par conséquent, nous examinons constamment les transactions antérieures et les taux du marché, etc.
Je crois qu'un aspect dont nous n'avons pas encore parlé dans notre étude est le fait que dans le marché mondial actuel, le pétrole et le gaz sont recherchés et qu'il y a beaucoup de pays producteurs, notamment au Canada.
La définition de subvention utilisée mondialement n'est pas encore au point. Nous n'avons pas de définition ferme. La plupart des pays tendent à accepter la définition de l'Organisation mondiale du commerce.
Les États-Unis sont un acteur très important dans ce marché et ses activités au Canada peuvent facilement être rapatriées aux États-Unis, ce qui se produit en Alberta chaque fois qu'il y a des baisses du prix du pétrole sur le marché mondial.
Comment EDC évalue-t-elle les possibilités qui s'offrent au Canada sur le marché mondial, notamment pour l'exportation du gaz naturel ou de l'hydrogène produit au Canada?
C'est un aspect que nous évaluons continuellement. Il y a au sein d'EDC une équipe d'économistes qui surveille les tendances des exportations canadiennes et ce qui se passe dans les 196 pays qui reçoivent notre soutien. Nos économistes exercent une surveillance continue.
Nous nous intéressons à l'établissement des cours du pétrole que dans la mesure où nous voulons comprendre les tendances et ce qu'elles pourraient signifier pour le portefeuille et le niveau de financement accordé à l'industrie par les partenaires bancaires commerciaux, puisque cet aspect joue un rôle important dans le soutien qu'ils accordent.
Vous avez parlé brièvement des facteurs ESG dans l'une de vos réponses.
Pourriez-vous nous donner des précisions sur l'aspect environnemental, social et de gouvernance de la gestion des risques? Nous voulons avoir un réseau électrique carboneutre d'ici 2035. Je sais qu'Électricité Canada tient beaucoup à atteindre cet objectif.
Comment intégrez-vous cela dans votre processus décisionnel?
Cet objectif est intégré dans l'ensemble de notre processus décisionnel, et nous avons énoncé très clairement qu'il sous-tend l'ensemble de notre stratégie.
Je pourrais peut-être vous parler de certains des dilemmes auxquels vous pourriez devoir faire face. Actuellement, l'un des plus difficiles concerne en fait l'industrie solaire. Nous voulons évidemment tous appuyer cette industrie puisqu'il s'agit d'une source d'énergie renouvelable et d'une source d'énergie pour l'avenir, et pourtant il y a d'importants défis et enjeux en matière de droits de la personne dans sa chaîne d'approvisionnement.
C'est à cet égard que nous ne pouvons pas considérer l'économie et l'environnement comme deux questions distinctes. Nous ne pouvons pas dissocier l'environnement de la question sociale, de la transition équitable, de la transition de la main-d’œuvre, de l'enjeu des droits de la personne, et nous ne pouvons pas non plus le dissocier de ce que nous considérons comme la gouvernance, c'est-à-dire le commerce responsable, qui englobe la conduite éthique des affaires, l'exécution appropriée des transactions financières... Nous devons faire preuve d'une diligence raisonnable qui tienne compte de tous ces éléments.
Je n'ai que deux minutes et demie, alors il faudra faire vite.
Madame Lavery, je vais vous faire une demande. Vous avez dit que, pour la première fois, vos investissements dans les technologies propres surpassaient les investissements consentis au secteur des énergies fossiles. Au cours des prochaines semaines, j'aimerais que vous déposiez le bilan de ces investissements, en quelque sorte, devant le Comité.
Je pose maintenant une question à M. MacLean ou à M. Leroux. Ils pourraient y répondre tous les deux.
Je reviens sur ce que j'ai abordé lors des 30 dernières secondes de mon tour de parole précédent. Je disais que, en 2021, les sommes versées au plus haut dirigeant de chacune des six des plus grandes entreprises pétrolières et gazières ont totalisé 79 millions de dollars. En même temps, ces entreprises disent qu'elles ne peuvent pas faire de transition, parce qu'elles ont besoin d'argent public. Cependant, elles ne font pas d'innovation et elles cherchent à maintenir leur production. Que vous inspirent ces propos?
Le temps perdu à définir ce qui est efficace ou inefficace ne nous permettrait-il pas de nous engager dans une réelle transition?
Je ne connais pas les comptes exacts des entreprises, alors je vous fais confiance en ce qui concerne ces chiffres. La profitabilité d'une industrie et des entreprises, c'est évidemment ce qu'elles recherchent, et ce, à juste titre. Il est important qu'elles soient rentables. Je parle des entreprises en général et non seulement de celles des secteurs gazier et pétrolier. Cela dit, cette rentabilité signifie aussi que les entreprises en question n'ont pas besoin d'être aidées. Une aide apportée à une entreprise rentable serait injustifiée. Si elles sont aussi rentables que vous le dites, le fait qu'elles aient des subventions ou de l'aide — peu importe comment vous l'appelez — est encore moins justifié. Le débat entourant le fait d'accorder des subventions ou pas est stérile, à mon avis. Il faut se demander s'il faut soutenir ces entreprises ou simplement laisser agir les lois du marché.
Je suis tout à fait d'accord sur ce point. Jouer avec la sémantique pour savoir si nous parlons de « subventions » ou de « soutien financier » est profondément irresponsable et une perte de temps. Il faut éliminer tout soutien à cette industrie.
De plus, une question morale est peut-être soulevée par les mesures de soutien réclamées par l'industrie, qu'elle réalise des profits records ou non, mais ce n'est pas vraiment le problème. La science du climat est claire. Nous devons éliminer progressivement la production de combustibles fossiles et nous devons agir rapidement.
Ma première question s'adresse à M. MacLean. Vous avez parlé des définitions des subventions aux combustibles fossiles de l'OMC et du Programme des Nations unies pour l'environnement. Ces définitions sont bien connues et largement acceptées.
Nous venons d'entendre EDC nous dire qu'elle ne connaît pas de définitions internationales bien connues et largement acceptées. Serait‑il avantageux que nos sociétés d'État, notre gouvernement et Exportation et développement Canada adoptent une définition large et internationalement reconnue du terme « subvention »? Pourquoi pensez-vous que le gouvernement ne l'a pas fait?
Oui. Je dirais à ces organismes et en particulier à EDC, avec tout le respect possible, que lorsqu'elle dit qu'elle n'accorde pas de subventions, mais des mesures de soutien, elle fait une distinction qui ne fait aucune différence lorsqu'il est question de l'élimination progressive de la production de combustibles fossiles.
Si EDC continue de faire fi des définitions bien établies et de longue date du mot « subvention » qui ont été adoptées à l'échelle internationale, qui sont très larges, elle devrait expliquer aux Canadiens pourquoi elle le fait, mais en réalité, nous devrions aller au‑delà de ce débat inutile. Nous ne devrions pas soutenir une industrie alors que nous savons — et nous n'avons pas le choix, que cela vous plaise ou non — que nous devons l'éliminer progressivement.
Monsieur Leroux, les plus grands émetteurs canadiens paient le taux de taxe sur le carbone le plus bas. Nous venons de recevoir un autre rapport cinglant du commissaire à l'environnement sur la tarification du carbone. Ces grandes entreprises ne contribuent qu'à environ un quatorzième du prix total du carbone. À votre avis, ces échappatoires à la taxe sur le carbone sont-elles des subventions aux combustibles fossiles?
Si vous parlez du système de tarification fondé sur le rendement en particulier, la réponse est oui. C'est peut-être fait dans le but d'être concurrentiel, mais je pense que l'allégement fiscal est trop important. Quoi qu'il en soit, il est impératif que l'allégement fiscal soit progressivement éliminé.
Le STFR est axé sur la compétitivité à l'étranger. Il devrait être associé à une politique qui assure la compétitivité à l'échelle nationale. Une autre option serait d'appliquer des ajustements fiscaux à la frontière, c'est‑à‑dire des tarifs sur les importations qui varient selon la teneur en carbone des marchandises et du prix du carbone payé dans le pays d'origine afin d'éviter que le marché canadien ne soit pas inondé d'importations à forte teneur en carbone.
Je remercie nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Monsieur MacLean, j'ai écouté vos observations très préoccupantes au sujet de notre avenir énergétique, que vous prédisez.
À titre de précision, vous croyez honnêtement que nous devrions absolument arrêter la production de pétrole et de gaz d'ici 2034, au minimum ou même avant. Êtes-vous tout à fait d'accord avec cette affirmation?
Je crois qu'en tant que pays riche, très développé et qui a une responsabilité disproportionnée pour sa contribution aux changements climatiques, le Canada a l'obligation d'agir en leader mondial, conformément à ce qui est expressément énoncé à l'article 4.4 de l'Accord de Paris, que nous sommes tenus de respecter.
… des coûts liés à la distribution, mais nous pouvons y faire face en réorientant le financement actuel de l'industrie des combustibles fossiles, en recyclant les travailleurs et en transformant notre économie en économie verte.
Ce n'est pas une préoccupation nouvelle, et beaucoup de travail est fait sur la façon de réaliser une transition équitable.
Dans vos exposés et dans tout ce que vous avez dit aujourd'hui, comment abordez-vous cette question? Que dites-vous au sujet de l'abordabilité de l'énergie au Canada aujourd'hui?
Eh bien, la meilleure façon de régler le problème, monsieur, serait de recourir à ce qu'on appelle un échange de subventions. Nous pouvons réaliser une transition équitable vers la durabilité et la justice énergétique en transférant les subventions accordées à l'industrie des combustibles fossiles et en aidant les personnes les plus vulnérables qui seront touchées par la transition. C'est simple.
Je vais vous donner un exemple. Je représente une circonscription très rurale. Les gens n'ont pas d'autres choix.
Que devrais‑je dire aux familles qui doivent décider d'aller ou non à l'épicerie, ce qu'elles peuvent se permettre et la distance à parcourir avec leur véhicule? Comment pouvez-vous leur dire quoi choisir lorsqu'il s'agit d'abordabilité et de la vie au Canada? Que dois‑je répondre à cette jeune famille qui dit ne pas avoir les moyens de faire le plein d'essence?
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, la transition vers la décarbonisation et la durabilité est un problème systémique auquel on ne peut répondre au cas par cas. Cependant, ce que vous pourriez répondre, c'est qu'en faisant des choix stratégiques judicieux, les fonds publics versés aux acteurs de l'industrie des combustibles fossiles qui n'en ont pas besoin seront redirigés vers les familles comme celles que vous représentez.
Par contre, cela ne remplit pas leur réfrigérateur. Elles ne peuvent pas nourrir leur famille si elles n'ont pas les moyens d'acheter de la nourriture.
Bien honnêtement, vous n'êtes pas vraiment intéressé par l'abordabilité. Nous allons tout simplement faire disparaître l'industrie pétrolière et gazière, sans égard à la capacité des Canadiens d'acheter de l'énergie dans notre pays.
Je vous répète respectueusement, monsieur, ce n'est pas vrai.
Si vous vous reportez à ma déclaration préliminaire, j'ai parlé en détail du plus récent rapport du GIEC sur l'atténuation des changements climatiques, qui traite des effets distributionnels de cette transition et propose des façons d'aborder ces effets distributifs particuliers. Un échange de subventions est une très bonne façon de faire.
Je remercie nos témoins, non seulement de leur participation aujourd'hui, mais aussi du travail qu'ils accomplissent dans leurs domaines respectifs.
J'ai été intéressée par les propos du député d'en face sur la question de l'abordabilité. Je crois que l'abordabilité pour les Canadiens est un très bon point, mais je ne pense pas que cela a beaucoup à voir avec les subventions aux combustibles fossiles. Notre gouvernement répond au problème de l'abordabilité par les nombreux programmes qu'il a mis en place au fil des ans. L'un d'eux est l'Incitatif à agir pour le climat, qui offre un remboursement. Il y a d'autres choses, notamment l'Allocation canadienne pour enfants et les programmes de soutien pour les aînés et les personnes handicapées, et plus récemment, le programme de garde d'enfants et les soins dentaires.
Nous pouvons examiner la question de l'abordabilité séparément des subventions aux combustibles fossiles. Je pense que ce sont deux enjeux importants et qu'il faut en parler, mais je crois que notre discussion d'aujourd'hui porte sur les subventions.
J'ai quelques questions pour Exportation et développement et Mme Lavery.
Je veux vraiment revenir à l'essentiel. Plusieurs questions ont porté sur la définition, mais je ne pense pas que la définition exacte soit d'une telle importance. Si Exportation et développement Canada fournit des instruments financiers, qu'il s'agisse de prêts ou de garanties, aux taux du marché — et je parle de l'industrie pétrolière et gazière, qui est une industrie mature et rentable —, je me demande pourquoi cette industrie a besoin de votre aide. Quelles sont les lacunes du marché et pourquoi EDC doit-elle continuer à soutenir cette industrie?
Je dirais qu'il y a deux points en particulier. Premièrement, il y a eu un retrait du soutien à l'industrie, particulièrement au Canada. Un de vos collègues du Comité a parlé de la situation touchant les États-Unis et le retrait. Nous avons constaté qu'il y avait un retrait du soutien financier à l'industrie elle-même. Cela signifie que même si nous avons continué de réduire le soutien financier que nous accordons à l'industrie, certains joueurs en ont eu besoin. Cette situation a été particulièrement grave en 2020, en raison du contexte géopolitique et du début de la pandémie de COVID‑19. Ce fut l'élément déclencheur.
Dans la perspective actuelle, nous voulons vraiment nous assurer que le financement est destiné à des produits de transition. Ce sont des dépenses en immobilisations qui visent expressément à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En ayant vraiment la capacité, nous espérons qu'elles déploieront plus rapidement ces dépenses en immobilisations.
Dans le même ordre d'idées, pourquoi le marché ne finance‑t‑il pas ce genre de chose, surtout si vous parlez maintenant de financer des programmes de transition et d'essayer de trouver des éléments qui entrent dans la catégorie des facteurs ESG? J'ai vu beaucoup de banques commerciales se tourner vers des projets de type ESG, et il en est beaucoup question. Pourquoi y a‑t‑il encore des lacunes, si nous parlons en fait de programmes qui relèvent de cette catégorie, si l'on peut dire?
Dans certains cas, cela peut être lié à la technologie et au fait que cette technologie est plus récente ou moins bien maîtrisée. C'est ce qui se passe souvent avec les technologies propres. Ensuite, il faut que la technologie soit adoptée par les grands producteurs. L'adoption précoce d'une technologie par le marché, que nous parlions du marché financier ou des entreprises elles-mêmes, n'est pas nécessairement une certitude, et c'est l'une des raisons de vos constatations.
Je pense que l'autre aspect, dont un autre membre du Comité a parlé, est la taxonomie proprement dite. Nous n'avons pas de taxonomie canadienne; nous n'avions même pas de réels paramètres canadiens de simulation de crise. Il est donc très important d'intégrer la taxonomie au langage de la communauté financière canadienne et de la communauté des investisseurs. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons lancé notre cadre d'obligations durables. C'était précisément pour cela, pour présenter la taxonomie et son langage.
Je crois que la taxonomie changera à mesure que les conditions changeront, et j'espère que nous verrons une accélération vers 2050. À tout le moins, elle établit une base de référence. En collaborant avec nos deux partenaires, BMO et RBC, et en obtenant une évaluation externe, nous espérons gagner la confiance du marché et obtenir la participation d'autres acteurs financiers. Dans ce cas, nous considérons que nous sommes ceux qui poussent pour encourager d'autres investisseurs.
Je tiens à remercier nos témoins pour cette très intéressante discussion qui, de toute évidence, nous éclaire dans notre réflexion. C'est vraiment l'objectif de nos réunions.
Nous allons maintenant faire une courte pause pour permettre au prochain groupe de témoins de s'installer, et nous reprendrons ensuite nos travaux.
Merci encore à tous d'avoir comparu. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
Nous allons maintenant accueillir notre prochain groupe de témoins.
[Français]
Aujourd'hui, nous recevons Mme Annie Chaloux, professeure agrégée et spécialiste des politiques climatiques à l'Université de Sherbrooke. Nous recevons également M. Craig Golinowski, président et directeur associé de Carbon Infrastructure Partners Corp. Enfin, nous avons le plaisir d'accueillir M. Aaron Cosbey, associé principal de l'Institut international du développement durable.
Chaque témoin dispose de trois minutes pour faire son allocution d'ouverture.
Je remercie le Comité de me permettre d'intervenir dans le cadre de la rencontre du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
Je suis professeure agrégée à l'Université de Sherbrooke et je me spécialise dans les politiques climatiques canadiennes et québécoises et dans les négociations climatiques internationales.
Sous peu, vous allez recevoir mon mémoire plus détaillé, qui présente mes réflexions entourant les travaux du Comité.
D'entrée de jeu, je dirai que mon intervention s'inscrit dans un contexte où la communauté scientifique du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC, et la communauté internationale reconnaissent l'urgence d'agir en matière de lutte contre les changements climatiques.
LeCanada s'est engagé à collaborer et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % d'ici 2030 et à atteindre la carboneutralité d'ici 2050. Il s'est aussi engagé, au moyen d'une série d'engagements internationaux, à mettre fin aux subventions aux énergies fossiles. Atteindre cet objectif est indispensable si le Canada souhaite être crédible sur la scène internationale et fournir sa juste part à l'égard de la crise climatique. Il en va de la cohérence de la politique climatique canadienne, sur les plans interne et international.
Or, comme vous le savez, le temps presse. Le plus récent rapport du GIEC démontre que l'on doit réduire rigoureusement nos émissions de gaz à effet de serre et que cela ne se produira pas si l'on continue de soutenir le secteur des énergies fossiles — c'est ce secteur qui constitue le principal problème.
Les subventions aux énergies fossiles créent simultanément trois problèmes majeurs en ce qui a trait à la lutte contre les changements climatiques.
D'abord, les subventions, peu importe leur dénomination, soutiennent la production de gaz à effet de serre. En soutenant ce secteur, le Canada ne peut pas infléchir adéquatement ses émissions de GES.
Ensuite, cela limite le financement aux énergies à faible émission. Cela ralentit l'émergence des énergies renouvelables, puisque les subventions octroyées au secteur des énergies fossiles empêchent de lui attribuer le coût réel de la pollution engendrée par ce secteur, au détriment des énergies renouvelables.
Finalement, cela freine la transition énergétique. Cela a pour effet d'ajouter des sommes au problème, et non aux solutions de lutte contre les changements climatiqes. Le fait de rediriger les subventions vers le secteur des hydrocarbures, par exemple, vers la logique de la transition juste, que ce soit envers les travailleurs touchés par cette transition ou les communautés plus vulnérables, permettrait d'accélérer cette transition et de sortir le pays de sa dépendance à ce secteur d'activité.
Merci, monsieur le président et merci au Comité de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui de cette question d'une importance cruciale.
Carbon Infrastructure Partners est une société de capital-investissement qui investit dans la production de pétrole et de gaz, et nous avons aussi créé un produit de fonds pour promouvoir l'investissement dans la capture et le stockage du carbone.
Il apparaît de manière claire et urgente que nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par les combustibles fossiles et qu'atteindre notre objectif de zéro émission nette d'ici 2050 est un défi sans précédent.
Au cours des 100 dernières années, la population mondiale a presque quadruplé pour atteindre près de 8 milliards de personnes et des milliards de personnes sont sorties de la pauvreté grâce à une énergie fiable et abordable, provenant en grande partie de combustibles fossiles. Résoudre le problème des changements climatiques d'ici à 2050 n'est pas aussi simple que d'éliminer les combustibles fossiles et pourrait s'avérer contre-productif. L'objectif ne devrait pas être d'éliminer les combustibles fossiles; l'objectif devrait être d'éliminer les émissions de gaz à effet de serre.
Je peux résumer mon message d'aujourd'hui en quatre points essentiels.
Premièrement, on ne pourra pas atteindre le niveau zéro d'ici 2050 sans les combustibles fossiles. C'est tout simplement physiquement impossible. Deuxièmement, si l'on tente d'atteindre les objectifs de 2050 sans recourir aux combustibles fossiles, les décideurs politiques et les gouvernements risquent fort de ne pas être en mesure de s'assurer du soutien public à long terme nécessaire pour lutter contre les changements climatiques. Troisièmement, nous ne pouvons pas utiliser les combustibles fossiles sans la capture et le stockage du carbone et c'est pourquoi le gouvernement a annoncé le crédit d'impôt à l'investissement dont il faut faire une promotion énergique. Quatrièmement, le crédit d'impôt à l'investissement doit être complété par la taxe sur le carbone, mais les investisseurs dans la capture et le stockage du carbone doivent être convaincus que la taxe sur le carbone est placée hors de portée de sa suppression ou de sa réduction par un nouveau gouvernement.
Permettez-moi de développer ces points.
Premièrement, nous n'avons que 28 ans pour éliminer les 750 millions de tonnes d'émissions annuelles de GES produites au Canada et il est simplement impossible de rassembler l'ampleur du capital nécessaire pour investir dans une quantité suffisante d'énergies alternatives.
Deuxièmement, en l'absence d'énergies alternatives suffisantes et fiables, en période de forte demande énergétique, il existe un risque inhérent que les prix de l'énergie s'envolent, que les personnes ne puissent plus se permettre de chauffer et de refroidir leurs maisons, et que l'industrie ne parvienne pas à fabriquer des produits dont nous dépendons tous. Ce n'est pas un scénario hypothétique. C'est exactement ce qui s'est passé en Europe, avant l'invasion russe, où l'absence d'énergie alternative fiable a entraîné une hausse de l'utilisation des combustibles fossiles, poussant le prix du gaz naturel à 60 $ le MCF contre 3 ou 4 $ au Canada, actuellement.
Le soutien au CUSC n'est pas une subvention à l'industrie pétrolière et gazière, comme certains le prétendent. Il s'agit d'un investissement essentiel pour atteindre le niveau net zéro.
Je vous remercie de m'offrir cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
L'Institut international du développement durable est un groupe de réflexion sur les politiques non partisan du Canada qui compte plus d'une trentaine d'années d'expérience et a à son actif près de 20 ans de travaux reconnus à l'échelle de la planète sur les subventions accordées aux combustibles fossiles dans des pays du monde entier.
Comme l'indique notre rapport de 2021 sur les subventions fédérales aux combustibles fossiles au Canada, la valeur des subventions accordées en 2020 s'élève à 1,9 milliard de dollars. Notre rapport de 2022, qui porte sur les subventions provinciales, révèle pour sa part que 2,5 milliards de dollars ont été versés en subventions dans quatre provinces. Il s'agit de chiffres prudents. De nombreux intervenants vous ont déjà dit que ce genre de subventions, qui ont pour effet d'accroître la production et la consommation en période de crise climatique, sont pernicieuses; qu'elles vont à l'encontre de nos engagements à atteindre les cibles de l'Accord de Paris.
Pendant le court temps qui m'est accordé, je veux me concentrer sur une autre catégorie de subventions aux combustibles fossiles, qui ne sont pas celles qui augmentent la production et la consommation de combustibles fossiles — elles ont été bien couvertes — mais plutôt les subventions pour la décarbonisation des secteurs pétrolier et gazier.
Nos objectifs sont maintenant la carboneutralité d'ici 2050 et une diminution de 42 % d'ici 2030. Il existe deux voies très différentes pour y parvenir: l'une oblige les entreprises à réduire leurs émissions et l'autre oblige les contribuables canadiens à financer les efforts en ce sens. Le fait que le budget comprend une somme de 2,6 milliards de dollars sur cinq ans au titre d'un crédit d'impôt pour la capture, l'utilisation et le stockage du carbone, montre quelle voie on semble avoir choisie, et ce n'est pas la bonne.
Comprenez-moi bien, nous sommes en faveur d'un bon nombre des subventions destinées à lutter contre les changements climatiques. La décarbonisation de secteurs industriels comme ceux de l'acier, du ciment et de l'aluminium ne pourra pas se faire sans d'importantes subventions et d'autres formes d'aide publique, mais les subventions versées aux secteurs pétrolier et gazier se différencient des subventions accordées à ces autres secteurs de trois façons.
Premièrement, les subventions accordées aux secteurs de l'acier, du ciment et des minéraux critiques contribuent à assurer la viabilité d'industries qui fournissent des produits dont le monde a de plus en plus besoin, alors que toutes les modélisations confirment que ce qu'il faut pour éviter des changements climatiques catastrophiques, c'est moins de pétrole et de gaz.
Deuxièmement, les fonds publics qui stimulent les investissements dans les secteurs pétrolier et gazier contribuent simplement à une accumulation d'actifs susceptibles d'être délaissés. Notre rapport de 2021 intitulé In Search of Prosperity montre qu'après 2030, la demande mondiale de pétrole connaîtra un déclin de longue durée marqué par des prix faibles et de plus en plus volatils. Si nous ne prenons pas soin de gérer correctement la diminution progressive des investissements et de la production, les répercussions économiques seront extrêmement pénibles pour les régions, les collectivités et les travailleurs tributaires du pétrole.
Troisièmement, les subventions aux secteurs pétrolier et gazier sont donc inefficaces. Il ne fait aucun doute qu'il serait plus judicieux de dépenser ces maigres fonds publics pour soutenir des secteurs qui ont un avenir prometteur, comme la fibre de carbone produite à partir du bitume, les véhicules électriques, l'hydrogène vert, les minéraux critiques, et pour assurer une transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des secteurs en déclin.
En conclusion, les secteurs pétrolier et gazier ne sont pas des secteurs comme les autres. Ils ne sont pas des récipiendaires appropriés pour les subventions visant à réduire les émissions. Nous devrions investir nos maigres ressources financières dans des secteurs qui permettront d'assurer la prospérité à long terme du Canada, et non pas encourager des investissements dans des actifs qui seront délaissés à cause des pressions de la demande mondiale bien avant la fin de leur durée de vie économique utile.
Monsieur Golinowski, vous avez terminé votre déclaration en disant que: « Le soutien au CUSC n'est pas une subvention à l'industrie pétrolière et gazière, comme certains le prétendent, il s'agit d'un investissement essentiel pour atteindre le niveau net zéro ».
Voulez-vous nous en dire plus sur ce point? Je vous donne quelques instants de plus pour en parler.
La réalité fondamentale est que la demande de combustibles fossiles par les êtres humains augmente aujourd'hui sur la planète et qu'il est, fondamentalement, tout à fait impossible de remplacer les combustibles fossiles. Nous devons réduire les émissions, et la méthodologie de la capture et du stockage du carbone fournit les moyens d'y parvenir, mais il est aussi vrai que les industries comme le ciment, l'acier, la production d'électricité et la production d'engrais à base d'ammoniac utilisent essentiellement les combustibles fossiles pour fabriquer ces produits, et la technique de la capture et du stockage du carbone peut être utilisée pour réduire les émissions provenant de l'utilisation de combustibles fossiles dans ces situations particulières.
La réalité fondamentale est que nous devons combler les besoins en énergie de huit milliards de personnes et nous pouvons constater ce qui arrive si nous ne le faisons pas. À l'échelle mondiale, nous vivons actuellement une très grande pénurie d'engrais. La production d'engrais à base d'ammoniac en Europe a dû être réduite en raison de l'insuffisance de gaz naturel au cours des derniers mois. Nous avons maintenant un problème mondial d'approvisionnement de ces engrais.
Ces conséquences involontaires de l'élimination des combustibles fossiles peuvent se manifester à différents endroits, notamment dans la production d'aliments et de panneaux solaires. Les panneaux solaires sont fabriqués à partir de charbon. Le coût des panneaux solaires a considérablement augmenté au cours des 12 à 18 derniers mois parce que les prix du charbon ont monté en flèche.
Mon propos ici, c'est que la filière énergétique est une filière complexe et que c'est en veillant à disposer de quantités suffisantes d'énergie que nous pourrons réduire les émissions. La réduction des émissions coûte de l'énergie, des capitaux et des matériaux. Il s'agit donc d'un problème complexe et la capture du carbone joue un rôle important.
Je pourrais m'étendre davantage sur la façon de financer ce processus, mais je m'arrêterai ici pour ce qui concerne la question générale.
Lors de la comparution d'un groupe précédent, des témoins nous ont dit que le Canada devrait cesser de produire tout pétrole et gaz d'ici 2035. Je pense que vous diriez qu'il faut investir dans le CUSC pour réduire ces émissions et continuer à produire. Je suppose que vous êtes d'accord avec mon affirmation.
À votre avis, quel serait l'effet sur l'économie canadienne si nous arrêtions de produire du gaz et du pétrole d'ici 2035, comme un témoin précédent l'a suggéré?
C'est tout à fait scandaleux de le proposer. L'histoire du siècle dernier est que la population mondiale a atteint huit milliards de personnes et nous avons consommé des quantités toujours plus grandes de combustibles fossiles pour arriver à ce point.
Vaclav Smil, un éminent professeur de l'Université du Manitoba, explique clairement les raisons pour lesquelles le monde moderne existe et c'est essentiellement grâce aux combustibles fossiles, et l'inverse est vrai. Si nous ne sommes pas en mesure de fournir une quantité suffisante d'énergie à la population humaine, nous vivrons la famine, la guerre et le chaos. Ce n'est pas une réponse acceptable de simplement ignorer comment nous sommes arrivés à la situation que nous vivons en 2022.
En ce qui concerne l'économie canadienne elle-même, le fait est que la demande de pétrole et de gaz augmente dans le monde. Il est faux de dire qu'il y a un pic de la demande; rien ne le prouve. À bien des égards, le rôle de l'économie canadienne dans le monde, en ce qui concerne l'approvisionnement en céréales, en engrais, en produits pétroliers et gaziers et en différents produits industriels, est dû au fait que nous utilisons des combustibles fossiles. L'idée que nous puissions simplement nous passer des combustibles fossiles est ridicule.
Je suppose que vous diriez que l'utilisation d'une technologie comme le CUSC et cette « subvention » vont permettre au pétrole et au gaz et à d'autres secteurs de l'économie canadienne de tendre vers la carboneutralité sans causer de dommage à l'économie, aux prix et à tout le reste.
Précisément, c'est notre point de vue. Nous acceptons pleinement l'objectif de la carboneutralité. Comment l'humanité peut-elle réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 milliards de tonnes par an à un chiffre beaucoup plus bas, peut-être à zéro? La capture et le stockage du carbone permettent de capter directement les émissions de CO2 et de les séquestrer dans le sous-sol.
Les capitaux nécessaires à cette fin sont considérables. Les coûts d'exploitation nécessaires sont considérables. Cela nécessite un investissement, mais il faut faire la comparaison avec ce qui se passe si nous n'avons pas assez d'énergie. Que se passe‑t‑il si l'énergie est insuffisante? Le coût de la capture du carbone est moins élevé que de ne pas avoir...
Monsieur Golinowski, j'aimerais poursuivre dans cette voie. Pouvez-vous nous parler des échéanciers et de la rapidité avec laquelle les organisations peuvent parvenir à des émissions nettes nulles?
Nous avons tellement entendu parler aujourd'hui de la nécessité de comprendre la température de 1,5°C et qu'il nous faut tendre vers la carboneutralité. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question, mais pour moi, la confusion réside dans la façon dont nous y parvenons, en tenant compte des réalités géopolitiques et de la dépendance de notre monde à l'énergie, pour vivre notre train-train quotidien.
C'est un défi sans précédent. C'est absolument extraordinaire.
En ce qui concerne la capture et le stockage du carbone, je peux peut-être en parler dans un contexte canadien et par rapport au développement énergétique en général. Le cycle de planification des projets énergétiques s'étend sur 10 ans. Si nous décidions aujourd'hui de viser une cible annuelle de 15 à 30 millions de tonnes de capture et de séquestration des émissions de CO2, il nous faudrait probablement 8 à 10 ans pour y parvenir, pour régler tous les détails techniques, avec le processus d'autorisation, le financement et la construction.
Je regarde ce que nous pouvons accomplir en une décennie et ce que nous pouvons faire en matière de réglementation, d'attribution de l'espace interstitiel, des structures de financement et de l'ingénierie pour atteindre la cible de, disons, 15 à 30 millions de tonnes par an. Une fois que nous aurons achevé cette première phase, au cours de la prochaine décennie, nous pourrons peut-être doubler ou tripler ce chiffre. Peut-être que dans la décennie suivante, nous pourrons le doubler ou le tripler par la suite.
C'est également un problème d'ingénierie incroyable à résoudre.
Un peu dans le même ordre d'idées, pourriez-vous nous parler du financement public du secteur des combustibles fossiles. Il n'y a pas beaucoup de terrains d'entente sur ce dont nous parlons, alors j'aimerais vraiment connaître vos réflexions et votre point de vue.
En ce qui concerne explicitement la capture et le stockage du carbone, la gamme d'applications comprend la production d'électricité, le ciment et les engrais. Elle pourrait aussi comprendre la production des sables bitumineux. Cela couvre une vaste gamme d'activités. L'investissement en capital nécessaire pour construire un dispositif de capture et de stockage du carbone et la séquestration, les puits, exige une certaine quantité de capital initial. Ensuite, les coûts d'exploitation sont considérables.
Les États-Unis ont abordé ce problème en instaurant un crédit d'impôt pendant 12 ans qui couvrirait les coûts d'investissement et d'exploitation et ils l'ont fait au moyen d'un programme, le crédit d'impôt de la section 45Q. Au Canada, le crédit d'impôt à l'investissement permet de répartir en parts à peu près égales le capital initial entre le gouvernement et le secteur privé, puis le gouvernement devra garantir contractuellement ou s'assurer que la taxe sur le carbone reste en place.
Lorsque le secteur privé envisage de financer ces projets, les taux de rendement des investissements et la manière dont il effectue ces calculs, tout cela est prescrit par la loi. En tant que fiduciaires et gestionnaires de capitaux, la façon dont nous prenons ces décisions est prescrite par la loi. Essentiellement, il doit y avoir un taux de rendement pour qu'un fonds de retraite ou d'autres catégories d'investisseurs institutionnels investissent dans ce domaine.
Le cadre du crédit d'impôt à l'investissement, conjugué à une garantie relative à la taxe sur le carbone, permettra aux capitaux institutionnels d'investir dans cette catégorie d'actifs plus large, que nous avons appelée « infrastructure de gestion du carbone ».
Merci. Encore une fois, je m'intéresse à vos réflexions à ce sujet. Nous avons beaucoup entendu parler du pétrole et du gaz, ainsi que des délais dans lesquels nous devons abandonner cette ressource au profit d'autres ressources carboneutres.
Selon vous, le pétrole et le gaz ont-ils un rôle à jouer dans cette transition en permettant de continuer à fournir des ressources qui comblent les besoins mondiaux, de sorte que ce n'est pas l'un ou l'autre, mais comment toutes les parties prenantes font partie d'une transition et tendent vers les réalités d'un monde carboneutre?
D'accord. Notre point de vue est que la position binaire selon laquelle nous devons éliminer le pétrole et le gaz et utiliser des énergies renouvelables est impossible. Les énergies renouvelables sont fabriquées à partir de combustibles fossiles. Le cuivre utilisé dans les panneaux solaires est fondamentalement fabriqué à partir de diesel dans le processus d'extraction. Il est impossible d'éliminer le pétrole et le gaz, car il faut réutiliser le pétrole et le gaz pour fabriquer des énergies renouvelables.
La filière n'est pas simple. Elle est complexe et la capture du carbone permet de continuer à utiliser l'énergie contenue dans les combustibles fossiles pendant que nous développons les énergies renouvelables, le nucléaire et les autres options.
Je remercie nos témoins. Je m’adresserai d’abord à Mme Chaloux.
Je suis très contente de vous revoir, madame Chaloux, après tant de temps. Vous travaillez beaucoup à la paradiplomatie environnementale, le fédéralisme, l’environnement et les relations transfrontalières. D’ailleurs, vous avez parlé du fait que, malgré les déclarations du Canada dans divers forums diplomatiques internationaux à l'égard de ses intentions de lutter contre la crise climatique, les mesures que prend le gouvernement sont malheureusement souvent en opposition avec ces propos.
Compte tenu de la place qu’occupe le Canada dans la production mondiale d’hydrocarbures, et donc dans la production de gaz à effet de serre en aval, quelles répercussions sont envisageables dans cette paradiplomatie environnementale, d'après vous?
Il est aussi question de la responsabilité des provinces canadiennes qui s’engagent dans la lutte contre les changements climatiques. C’est un défi de cohérence. On voit que certaines provinces sont très proactives et prennent des engagements très ambitieux, alors que d’autres traînent un peu la patte, pour des raisons économiques et liées à la production d'hydrocarbures, bien sûr, dont il est question aujourd'hui.
Un des défis en ce qui concerne les subventions, c'est que tout financement qui est accordé à ce secteur d’activité pose un frein substantiel à la lutte contre les changements climatiques et empêche le Canada non seulement de respecter ses engagements, mais aussi de fournir sa part d'efforts. Le Canada est un contributeur historique important à la problématique des changements climatiques. Il doit donc en prendre acte, parce que toute émission supplémentaire a une incidence sur l’ensemble de la planète. C’est une responsabilité internationale majeure qui doit être mise en avant. Dans le cas des hydrocarbures, c’est un engagement international du Canada et il doit y souscrire le plus rapidement possible pour faire cette transition vers une société sobre en carbone.
Actuellement, les engagements du Canada à l'égard de la fin des subventions ne sont pas contraignants. Le Canada s’engage de bonne foi à mettre fin un jour aux subventions inefficaces au secteur des hydrocarbures. Par contre, depuis 30 ans, le Canada a la réputation d’avoir des engagements très ambitieux et de ne pas les respecter. Cela mine notre crédibilité sur la scène internationale, évidemment. Comme de plus en plus d’États souhaitent mettre en place des cibles ambitieuses, il pourrait y avoir des sanctions sur le plan économique et surtout réputationnel, parce que le Canada ne peut pas être considéré comme un acteur crédible.
C’est là que la question des hydrocarbures est fondamentale, à mon avis, parce que c’est le gros problème dont personne ne parle qen matière de lutte contre les changements climatiques. Tant que l’on continue de soutenir directement et indirectement ce secteur d’activité, on investit dans le problème plutôt que dans les solutions. Dès lors, cela a des conséquences ailleurs dans le monde.
Dans le contexte actuel, compte tenu du rapport du GIEC, croyez-vous que, si le gouvernement fédéral choisit de maintenir le soutien financier au secteur pétrolier et gazier, il doit envisager des mécanismes pour assurer la responsabilisation des producteurs?
Je pense qu’il doit aller au-delà de cela. Le Canada doit, d’ores et déjà, mettre fin à toute subvention directe et indirecte au secteur des hydrocarbures. Cet investissement, qui était fait sous forme de crédit, peut être réorienté pour accompagner les travailleurs de ce secteur problématique dans la transition et maintenir leur qualité de vie. C'est cela, la clé. Il s’agit aussi d’accompagner les communautés qui sont plus vulnérables en raison de leur dépendance aux hydrocarbures pour qu'elles puissent tranquillement faire la transition.
Quant aux entreprises et aux industries de ce secteur, ce ne sont pas elles qu’on doit soutenir dans ces activités, parce qu’elles sont porteuses du problème des changements climatiques. On doit donc trouver des moyens de réduire leur production. Or les subventions réduisent artificiellement les coûts liés à ce secteur d’activité. Si on tenait compte des externalités engendrées par le secteur pétrolier et gazier au Canada, le coût serait beaucoup plus substantiel et donc beaucoup moins attrayant, et la transition se ferait naturellement beaucoup plus rapidement.
Le Conseil canadien des ministres de l'environnement existe, mais j'entends peu parler de ses travaux, et je me demande si ces derniers sont à la hauteur. Est-ce que cela pourrait être un outil qui permettrait aux différentes administrations d'avancer dans la bonne voie? D'autres outils seraient-ils requis?
Au Canada, un grand défi se pose sur le plan de la coopération intergouvernementale et interprovinciale. Nous devons rehausser tous ensemble nos cibles de réduction d'émissions de gaz à effet de serre ainsi que notre ambition climatique. Le Conseil canadien des ministres de l'environnement que vous évoquez peut être une solution, quoique les engagements qu'il prend sont eux aussi de nature non contraignante. Par ailleurs, certains abordent la question du Conseil de la fédération, puisque ce sont les premiers ministres des provinces qui y siègent.
Plus on trouve de forums pour parler de cette question et pour déterminer comment on peut partager les bonnes pratiques et rehausser l'ambition climatique, plus ce sera facilitant. Par contre, le partage des compétences au Canada étant ce qu'il est, c'est un élément très difficile à mettre en place. C'est pourquoi il est nécessaire que le gouvernement fédéral fasse preuve d'une grande proactivité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Les témoins de notre groupe précédent nous ont un peu parlé de la façon dont l'industrie des combustibles fossiles a accaparé le cadre réglementaire canadien. Le gouvernement a rencontré des milliers de fois les entreprises pétrolières et gazières, mais il a refusé de rencontrer l'un ou l'autre des 400 experts qui ont collectivement demandé au gouvernement de ne pas financer la CUSC. Vous avez mentionné que deux voies s'offrent à nous: soit réglementer l'industrie et faire en sorte que les sociétés de combustibles fossiles paient pour réduire leur propre pollution, soit faire payer les contribuables.
Pouvez-vous essayer d'expliquer pourquoi le gouvernement continue de choisir la voie dans laquelle il remet des fonds publics à des entreprises de combustibles fossiles rentables?
Je peux tenter une explication. Évidemment, il faudrait demander au gouvernement une opinion définitive à ce sujet, mais je pense qu'il s'agit d'opportunisme politique. C'est une façon d'avoir le beurre et l'argent du beurre, ou du moins le croit‑il. Cependant, c'est une vision à court terme. L'idée selon laquelle il est possible de respecter les engagements pris dans l'Accord de Paris et d'avoir une économie saine en subventionnant une solution comme la CUSC ne tient pas compte de deux faits. Le premier est que si tout le monde le faisait, si nous le faisions dans le monde entier, vous ne résoudriez que 20 % des problèmes liés aux combustibles fossiles. Les 80 % restants surviennent lorsque vous brûlez ces combustibles fossiles dans des installations de production ou des voitures. C'est là que la véritable pollution se produit. Vous n'avez donc pas résolu ce problème.
L'autre problème, c'est que vous ne pouvez pas imaginer un avenir dans lequel vous produisez allègrement le même niveau de combustibles fossiles que celui que nous produisons actuellement, après 2030... En contradiction avec ce qu'un témoin précédent a dit, il y a un pic. Même la Régie de l'énergie du Canada dit qu'il y aura un pic en 2032, suivi d'une demande continue — et cette conclusion est fondée sur des hypothèses que je mettrais en doute. Je dirais que cela arrivera même plus tôt. Cela implique une catastrophe pour l'économie canadienne, si nous nous permettons de continuer à être aussi dépendants des secteurs du pétrole et du gaz.
Pouvez-vous décrire les progrès du Canada en matière d'élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles et comment ces progrès peuvent se comparer à ceux de nos pairs de la communauté internationale?
Notre rendement dans le processus d'examen par les pairs du G20 a été catastrophique et entache notre réputation internationale. Trois examens par des pairs ont été menés avant l'examen en cours, que nous menons avec l'Argentine, et tous ont été conclus en deux ans ou moins. Nous avons commencé le nôtre il y a plus de quatre ans et il n'y a eu aucun progrès depuis. Les faits parlent d'eux-mêmes. Nous avons peu progressé par rapport aux critères internationaux dans le processus d'élimination progressive de nos subventions aux combustibles fossiles et nous n'avons fait aussi que peu de progrès sur la question importante qui consiste à essayer de définir ce qu'est une subvention efficace ou inefficace, un élément essentiel de notre engagement.
Lors de la comparution de notre groupe de témoins précédent, nous avons entendu qu'Exportation et Développement Canada ne connaît pas les définitions internationales bien établies et largement acceptées. Pouvez-vous nous parler brièvement de l'avantage pour le Canada d'adopter une définition large et reconnue internationalement d'une subvention et ce que vous pensez de l'affirmation d'Exportation et Développement Canada selon laquelle il ne la connaît pas?
Il y a deux choses à dire à ce propos. Premièrement, nous avons une définition internationalement reconnue de ce qu'est une « subvention » et il s'agit de la définition de l'OMC. Elle est utilisée non seulement par l'OMC, dont le Canada fait partie, bien sûr, mais aussi par l'OCDE pour compiler ses statistiques sur les subventions aux combustibles fossiles et par l'AIE pour compiler ses statistiques. Elle est utilisée comme indicateur pour l'objectif de développement durable 12.1, qui sert de référence pour les réalisations internationales en matière de réduction des subventions aux combustibles fossiles. Il s'agit d'une définition acceptée à l'échelle internationale. C'est un premier point.
Le deuxième point, cependant, est que je suis d'accord avec le sentiment qui est ressorti de la dernière série de discussions. Cela n'a pas tellement d'importance. La question vraiment importante n'est pas de savoir si ce dollar est dépensé pour une subvention. La question vraiment importante est de savoir si ce dollar est dépensé d'une manière qui représente une utilisation optimale des fonds publics. Le critère à cet égard n'est pas le même que celui de savoir s'il s'agit d'une subvention ou non. Le critère est de savoir si c'est conforme aux cibles que nous avons acceptées dans l'Accord de Paris. S'agit‑il d'une utilisation efficace des fonds, compte tenu de la cible? Y a‑t‑il de meilleures façons d'utiliser cet argent et contribuez-vous au risque d'actifs délaissés? Voilà le genre de critères dont nous devons vraiment nous préoccuper.
En ce qui concerne les 2,6 milliards de dollars affectés au crédit d'impôt pour la CUSC, brièvement, monsieur Cosbey et madame Chaloux, estimez-vous tous les deux que c'est une utilisation inefficace des fonds publics?
L'efficacité dépend de votre objectif. S'il s'agit de maintenir des emplois, s'il s'agit de la prospérité future des Canadiens, si votre objectif est de...
Non, parce que 80 % des émissions qui proviennent du gaz extrait sont émises lors du processus de combustion dans les voitures et les centrales alimentées en combustibles fossiles.
Je me permets d'abonder dans le sens de ce qu'a dit M. Cosbey. Évidemment, toute subvention à ce secteur d'activité, même pour le CUSC, permet de générer encore plus d'émissions de gaz à effet de serre et empêche de faire cette transition dans un secteur d'activité qui en a drôlement besoin.
Très brièvement, monsieur Cosbey, pouvez-vous nous parler de certaines des politiques qui accéléreraient le développement d'initiatives d'énergie renouvelable propre?
Bien sûr. Investissons dans la diversification des économies de l'Alberta et de la Saskatchewan, en utilisant les ressources dont nous disposons: la capacité de gestion de projets et les ressources naturelles.
Concentrons-nous sur ce qu'il est possible de faire avec le bitume, à part le brûler dans les voitures. Il est possible de fabriquer de la fibre de carbone, de l'asphaltène ou du lithium à partir de sous-produits. Il y a un million de façons d'utiliser...
Vous avez publié en 2021 un rapport intitulé « Federal Fossil Fuel Subsidies in Canada ». Vous y énumérez les éléments suivants comme étant des subventions aux combustibles fossiles: 6 millions de dollars pour les partenaires autochtones en matière de ressources naturelles; 2,37 millions de dollars pour une centrale électrique au diesel dans une communauté du Nord de l'Ontario et différents investissements de Services aux Autochtones Canada dans des projets de gaz naturel et de diesel et d'aide à l'égard des prix de l'électricité pour des communautés autochtones.
Nous avons entendu ici que ces investissements sont très importants pour certaines communautés. Cependant, vous avez aussi déclaré dans votre rapport que les subventions aux combustibles fossiles ne sont pas compatibles avec les engagements en matière de carboneutralité.
Entrevoyez-vous des préoccupations en ce qui concerne les répercussions de l'élimination de ces investissements, que vous avez définis comme des subventions, pour les Canadiens au nom de la carboneutralité?
Merci pour la lecture attentive de notre rapport, au cours de laquelle vous aurez noté que nous sommes favorables à certains types de subventions aux combustibles fossiles. C'est un fait avéré, que j'ai réitéré lors de mon témoignage devant le Comité. Certaines subventions aux combustibles fossiles peuvent être nécessaires et j'estime que les subventions à l'énergie dans les communautés éloignées et nordiques en font partie, même si par ailleurs, nous devrions consacrer autant d'argent, sinon plus, à la diversification des sources d'énergie dans ces communautés pour leur permettre de délaisser les génératrices au diesel.
Cela me ramène à mon argument. Il ne s'agit pas de savoir s'il s'agit d'une subvention ou non. Certaines subventions sont bonnes. Certaines subventions sont mauvaises. Il s'agit de savoir si c'est une bonne utilisation des fonds publics.
Monsieur Golinowski, la demande mondiale d'énergie augmente et les pays du monde entier réclament du pétrole et du gaz canadiens propres pour remplacer l'énergie russe. Pensez-vous qu'il est préférable pour l'environnement mondial d'être approvisionné par du pétrole et du gaz canadiens?
Je crois, sans équivoque, que nous n'avons pas d'autres solutions que d'utiliser du pétrole et du gaz pour alimenter en énergie une population de huit milliards de personnes et que nous devons capter les émissions provenant de l'utilisation de ce pétrole et de ce gaz et les séquestrer pour réaliser nos objectifs de carboneutralité. La production d'électricité, de ciment, d'acier et d'engrais dépend dans tous les cas des combustibles fossiles, tout comme les énergies renouvelables. Les panneaux solaires sont fabriqués à partir de charbon. Les éoliennes sont fabriquées à partir de charbon. C'est simplement un fait.
Si nous sommes incapables d'accepter cette proposition et nous limitons la capacité à fournir une énergie fiable, alors Poutine peut militariser l'énergie. Il peut militariser la nourriture, et c'est ce qu'il fait en limitant les exportations d'engrais.
L'idée selon laquelle nous pouvons simplement éliminer les combustibles fossiles sera accompagnée de son lot de problèmes. Le rôle du Canada est donc de fournir de l'énergie tout en réduisant ses émissions à l'aide d'une technologie éprouvée, dont le déploiement est naissant, mais qui est éprouvée. Nous devons établir que la capture et le stockage du carbone constituent une solution aux émissions à l'échelle mondiale.
C'est une bonne transition vers ma prochaine question. Je vois que votre organisation effectue beaucoup de recherche sur la capture, l'utilisation et le stockage du carbone. Selon vous, le gouvernement doit‑il investir dans cette technologie pour que le secteur ait du succès au Canada?
Nous envisageons ce problème fondamental en l'assimilant à n'importe quelle autre forme d'infrastructure de services publics — par exemple, l'infrastructure d'eau ou d'égouts — où il faut attribuer une valeur à une émission évitée. Le gouvernement est la seule entité qui peut le faire. Il a commencé à le faire avec la taxe sur le carbone.
Essentiellement, les investisseurs dans l'équipement de capture du carbone et dans cette infrastructure doivent savoir qu'il existe un taux de rendement pour leur capital investi. Nous pouvons examiner des modèles comme les infrastructures municipales de services publics et la manière de réduire le coût du capital afin que chaque dollar d'argent public investi dans le crédit d'impôt à l'investissement produise le plus grand nombre de tonnes. Nous devons réduire le risque autant que possible pour les fournisseurs de capitaux qui investissent dans ce domaine.
Bien. Nous devons effectivement investir dans ce domaine.
Y a‑t‑il des obstacles qui, selon vous...? Je me demande si quelque chose vous vient à l'esprit que vous pourriez nous suggérer, par exemple: « Si vous vous concentrez sur ce point, cela facilitera grandement votre travail et le nôtre pour faire avancer ce projet. »
Je tiens à remercier nos témoins pour leurs excellents témoignages. J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à notre ami Aaron Cosbey de l'IIDD, dont le siège social est à Winnipeg. Nous sommes très fiers de les accueillir. Je les félicite pour le soutien que nous avons accordé dans le budget de 2022 au dossier des lacs expérimentaux .
Monsieur le président, j'ai quelques commentaires à faire, puis une ou deux questions à poser à M. Golinowski, que je suis très heureux de compter parmi nous.
Monsieur Golinowski, je pense que vous avez probablement suivi avec intérêt notre plan de réduction des émissions qui a été présenté il y a quelques semaines. Il s'agit d'un mélange de mesures, avec la tarification, dont tout le monde a souligné l'importance, je pense, mais aussi le soutien aux technologies propres et à une gamme de technologies, y compris la CUSC. Plusieurs de nos témoins ont décrit cette technologie comme « non prouvée » et « totalement inefficace ». Ce sont des citations directes. M. Cosbey vient de soulever certaines préoccupations à propos des actifs délaissés et du fait que ce ne serait pas une très bonne utilisation de fonds publics.
Selon vous, pouvons-nous réaliser nos objectifs ambitieux? Je sais que certains pensent que ces objectifs ne sont pas assez ambitieux, mais ils sont de 40 à 45 % d'ici 2030 et de zéro net d'ici 2050.
De plus, étant donné ce qui se passe aux États-Unis avec le crédit d'impôt 45Q, que l'administration Biden non seulement soutient, mais amplifie, que se passerait‑il si le budget de 2022 ne comportait pas cette mesure d'encouragement? Où irait cet investissement et dans quels secteurs quitterait‑il notre pays?
C'est un point important. Je pense que les États-Unis adoptent une vision beaucoup plus réaliste de la réduction des émissions en incorporant la capture et le stockage du carbone parmi les solutions.
Vous savez, pour les industries, si le Canada n'est pas compétitif, il vous suffit peut-être de simplement fermer l'usine d'engrais ici et de la déplacer dans le Montana, par exemple. Si vous êtes confrontés à une taxe sur le carbone sans pouvoir réduire ces émissions à une échelle industrielle, alors que de l'autre côté de la frontière, l'option serait qu'essentiellement, le gouvernement des États-Unis acquitte directement la facture de vos solutions de capture et de séquestration, c'est très simple. Vous fermez au Canada et vous réinvestissez aux États-Unis.
Ma question complémentaire, monsieur le président, va probablement m'amener à la fin de mon temps de parole.
L'Agence internationale de l'énergie des Nations Unies et, je crois, le rapport du « Groupe de travail III » du GIEC disent tous deux que la CUSC est essentielle pour réaliser les objectifs mondiaux en matière de gaz à effet de serre. C'est ce que je comprends. Pourtant, d'un autre côté, ils disent que nous devons éliminer progressivement l'utilisation des combustibles fossiles. Je me demande si vous avez un commentaire à ce sujet.
En ce qui concerne la mise à l'échelle de cette technologie sur la scène internationale, le transfert de technologie vers la Chine, vers l'Inde, concrètement, vers quoi devons-nous nous tourner? Encore une fois, je comprends l'argument de M. Mazier. Nos émissions par habitant sont parmi les plus élevées, mais dans l'ensemble, elles ne sont pas aussi importantes que celles de la Chine et de l'Inde, bien entendu. Nous devons aider ces pays en ce qui concerne le transfert de technologie. Bien sûr, l'atmosphère est un bien commun, et nous vivons la tragédie du bien commun avec l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Ces projections et ces scénarios qui montrent l'élimination des combustibles fossiles ne sont que conjectures: il n'y a aucune preuve. Ce sont des projections faites à partir de modèles de simulation pour montrer un processus mathématique de la façon dont nous pourrions éventuellement le faire.
D'emblée, la Chine et l'Inde sont riches en charbon; elles continueront à utiliser le charbon. Si nous sommes incapables de faire la démonstration de la capture et du stockage du carbone afin d'exporter la technologie en Chine et en Inde, ces pays continueront à utiliser le charbon sans relâche et nous n'aurons aucune chance d'atteindre nos cibles mondiales. C'est la dure réalité.
Il y a tellement à dire à propos des données que nous avons reçues au cours des deux séries de questions.
Je vais concentrer mes questions sur Aaron Cosbey, et je le fais en hommage à mes amis conservateurs, car j'étais présent à la conférence de presse au cours de laquelle Brian Mulroney et Gary Filmon ont lancé l'Institut international du développement durable. Je me souviens que Stephen Harper a été le premier premier ministre à promettre d'éliminer les subventions aux combustibles fossiles au G20 à Cincinnati. J'aime parfois solliciter ma mémoire et défier Google. Dans le site de l'IIDD, je ne trouve pas le premier rapport d'Aaron Cosbey, mais ma mémoire me dit qu'Aaron Cosbey et l'IIDD ont peut-être fait le premier travail de fond sur les subventions aux combustibles fossiles avant que nous nous engagions à nous en débarrasser.
La question que je vous pose, monsieur Cosbey, est la suivante: ai‑je raison? Depuis combien de temps travaillez-vous sur ce sujet? Donnez-nous votre meilleur conseil sur la façon dont les subventions aux combustibles fossiles nous empêchent de préserver une planète habitable.
Ma mémoire n'est guère meilleure que la vôtre, je commence à avoir de l'âge. Cela fait quelques décennies, alors oui, vous avez raison, notre travail sur ce sujet précède l'engagement du Canada à éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles.
À la base de ce travail, il y a ce que vous sous-entendez: le principe de base selon lequel subventionner la consommation de combustibles fossiles en période d'urgence climatique revient à mettre le pied sur l'accélérateur au moment où vous vous dirigez vers une falaise, alors que vous devriez plutôt freiner et changer de direction. Nous n'avons pas besoin de plus de production et de consommation de combustibles fossiles — ce que les subventions aux combustibles fossiles encouragent —, nous avons besoin de les réduire. Nous avons besoin que ces mêmes fonds publics soient consacrés à la recherche de solutions très concrètes, qui existent, pour remplacer les combustibles fossiles. L'hydrogène vert permet de remplacer les combustibles fossiles dans la production d'engrais et d'acier.
Nous disposons des technologies pour remplacer les combustibles fossiles dans la production industrielle, dans les transports, dans le chauffage résidentiel. Elles existent, ce n'est pas un conte de fées.
Mon collègue, M. Duguid, vient de dire que selon le GIEC, la capture, l'utilisation et le stockage du carbone sont essentiels. Ce n'est pas ce que j'ai compris du rapport.
Ma question s'adresse à M. Cosbey. Il se trouve que nous avons récemment appris qu'en fait, le Canada a exercé des pressions auprès du GIEC pour qu'il insiste davantage sur l'importance de la capture du carbone dans le texte. Je suis curieuse de savoir si vous avez des commentaires à ce sujet.
La capture et le stockage du carbone sont essentiels, surtout dans des secteurs comme la production de ciment, où nous n'entrevoyons pas d'options claires vers une décarbonisation profonde. Nous avions l'habitude de penser que cette technologie était essentielle dans des secteurs comme l'acier, mais les progrès technologiques nous ont conduits à un point tel que nous voyons maintenant ces options, et je suis sûr que nous verrons aussi ces options dans la production future de ciment, mais pour le moment, c'est utile dans ces secteurs.
La technologie n'est pas nécessairement utile dans le secteur du pétrole et du gaz. Je reviens à mon point. Ces secteurs sont très différents. Le rapport du GIEC, le troisième rapport du groupe de travail qui vient d'être publié, a classé toutes les solutions possibles en fonction de leur faisabilité et de leur coût, et la capture du carbone était cette petite partie colorée en rouge tout en bas — coût élevé, risque élevé. Si vous voulez choisir une solution pour la décarbonisation, ce n'est pas la CUSC.
Vous avez mentionné que vous êtes en faveur de certaines subventions, surtout celles qui soutiennent les communautés autochtones éloignées du Nord.
Pouvez-vous nous brosser un tableau de la comparaison des montants en dollars, de ce que ces subventions actuelles représentent par rapport aux subventions que vous ne soutiendriez pas?
Je peux vous donner un aperçu de l'aide publique que nous accordons actuellement aux énergies renouvelables par rapport aux combustibles fossiles. C'est 12 contre 1. Prenez un moment pour absorber cette donnée. Cela ne laisse présager rien de bon en ce qui concerne la priorité que nous accordons à une véritable action climatique.
Voulez-vous réagir aux commentaires de M. Golinowski en ce qui concerne notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles pour produire de l'énergie renouvelable et notre besoin d'investir dans les entreprises de combustibles fossiles?
Nous utilisons actuellement du charbon pour produire du cuivre. C'est vrai. Nous utilisons du diesel dans les véhicules qui extraient le cuivre et le traitent, mais vous pouvez aussi utiliser de l'hydrogène dans ces véhicules. L'hydrogène peut être produit par électrolyse.
L'hydrogène vert est la vague de l'avenir. Si vous voulez investir dans l'énergie verte de l'avenir qui offre une prospérité durable et prometteuse pour l'avenir des Canadiens, investissez dans ce secteur, car c'est aussi une option. Ce n'est pas parce que nous le faisons maintenant que nous devons le faire.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. Je trouve la conversation incroyablement instructive et intéressante.
J'aimerais revenir à M. Golinowski.
L'un de vos commentaires, qui m'a frappé, était que notre objectif devrait être d'éliminer les gaz à effet de serre et non les combustibles fossiles. J'aimerais examiner certaines solutions pragmatiques que vous avez peut-être en tête. Je sais qu'en Europe, par exemple, l'Allemagne a éliminé certaines de ses méthodes traditionnelles de production d'électricité. Maintenant, en période de stress, je pense qu'elle a été obligée d'augmenter la production à partir du charbon. Selon M. Duguid, le Canada dispose de certaines technologies et nous devrions aider certaines de ces économies émergentes à progresser.
Pourriez-vous nous parler de certaines de ces solutions pragmatiques que le Canada pourrait peut-être envoyer dans le monde entier pour aider à réaliser nos objectifs en tant que participant mondial à la réduction des gaz à effet de serre?
Pour commencer, un prix du carbone est absolument essentiel. L'évaluation du carbone est le point de départ de toutes les discussions, de sorte que les combustibles fossiles, les énergies renouvelables, le ciment, l'acier, l'électricité et les engrais... Nous sommes tous en concurrence pour résoudre les problèmes des émissions en sachant précisément quelle est la valeur pour éviter ces émissions de carbone. C'est absolument essentiel.
Le prix du carbone ne doit pas être à la merci des changements politiques. Autrement dit, le plus grand défi auquel nous sommes confrontés, lorsque nous parlons à des investisseurs institutionnels comme les fonds de retraite, est que les gens ne croient pas que la taxe sur le carbone fédérale est durable jusqu'à 170 $ la tonne, et ils croient qu'elle sera modifiée un jour par le processus politique. Il est absolument essentiel d'avoir des garanties contractuelles, ou une sorte d'assurance, que la valeur d'une émission évitée ne disparaîtra pas.
En général, le problème tient au fait que le gouvernement choisit les gagnants ou les perdants, ou que les forces du marché ne fonctionnent pas. Par exemple, en Allemagne, les Allemands ont effectivement mis à l'arrêt leur industrie nucléaire sur le conseil d'écologistes qui suggéraient peut-être que les énergies renouvelables pourraient remplacer cette charge de base. En réalité, le résultat a été une augmentation de l'utilisation du charbon et la possibilité pour la Russie de militariser l'approvisionnement en énergie à l'Allemagne. Nous devons absolument éviter de supprimer une charge de base fiable en nous fondant sur ce qui relève peut-être d'une idéologie.
La capture du carbone est une solution globale. Je suis profondément convaincu qu'elle joue un rôle pragmatique, car je pars de la prémisse que la croissance de la population humaine et le fonctionnement du monde moderne reposent sur les combustibles fossiles. Cette idée que nous allons simplement éliminer les combustibles fossiles, je ne l'accepte pas. Je pars du principe que nous allons effectivement faire quelque chose pour résoudre ce problème, compte tenu de la réalité d'aujourd'hui. Que puis‑je faire à mon réveil demain?
Nous nous sommes engagés à faire progresser la capture et le stockage du carbone parce que nous entrevoyons réellement une option pour utiliser nos compétences dans le sous-sol, nos compétences en ingénierie, en structuration financière, pour déployer des capitaux et faire aboutir des projets qui commencent à réduire les émissions.
Puis‑je vous demander de commenter aussi l'aspect concurrentiel du dossier? Vous avez mentionné le Canada et les États-Unis, et je pense que vous avez donné un bon exemple à propos des engrais.
Les États-Unis étaient autrefois nos meilleurs clients pour l'énergie et ils sont maintenant des concurrents, bien qu'ils soient en train de revenir au statut de clients. Les Américains ont différentes façons de subventionner et de soutenir leur industrie. Vous avez évoqué la taxe sur le carbone. Au Canada, nous en avons une, mais les Américains n'en ont pas.
Pouvez-vous nous parler de l'importance de la certitude dans un sens ou dans l'autre? Les Américains semblent nous couper l'herbe sous le pied sur le plan international pour un grand nombre de ces contrats et investissements. Que font-ils que nous pourrions peut-être faire nous aussi pour améliorer notre compétitivité, surtout en Amérique du Nord?
Voulez-vous répondre à la dernière question de M. Carrie? M. Carrie et moi semblons sur la même longueur d'onde aujourd'hui, et c'est une pensée effrayante.
J'ai vécu un an en Californie, et j'ai pu assister à différents séminaires et conférences à Stanford sur la capture et le stockage du carbone et j'ai fait deux observations pendant mon séjour. La première est que le marché des capitaux, le système financier, doit être le bailleur de fonds des solutions climatiques en général, donc les principes du financement de projets, les principes du devoir fiduciaire des investisseurs, sont bien connus en droit. Le premier point est que les États-Unis tentent de créer un mécanisme de marché pour la formation de capitaux afin de gérer les émissions de carbone.
Le deuxième point est que les États-Unis ne détestent pas l'industrie. Ils veulent que l'industrie soit productive et ce que nous avons vu, surtout au niveau des États — comme le Dakota du Nord, le Wyoming, l'Illinois, la Louisiane, les États industriels qui ont des possibilités de séquestration —, c'est qu'ils veulent que ces industries restent en activité; ils ne veulent pas que ces industries soient progressivement éliminées. Au niveau des États, ils essaient de soutenir la capture du carbone comme un moyen de garder en vie ces emplois et ces industries, et de faire en sorte que ces installations continuent à fonctionner à long terme.
En parlant des mécanismes du marché, nous avons reçu ce matin des rapports du commissaire à l'environnement et au développement durable et du Bureau de la vérificatrice générale selon lesquels les mécanismes de tarification du carbone que nous avons mis en place ne produisent pas certains des résultats escomptés pour les grands émetteurs. Je n'ai pas passé en revue tous les détails, mais dans le rapport sommaire, je pense qu'on pointait du doigt l'Alberta, en disant que nous devrions avoir un prix du carbone plus élevé en Alberta afin d'avoir une politique plus équitable, de sorte que les grands émetteurs paient davantage pour le carbone qu'ils produisent.
Comment devrions-nous examiner ce rapport et aller de l'avant pour modifier les mécanismes de tarification...? Vous avez parlé de la stabilité des prix et du potentiel d'investissement si nous changeons les règles du jeu. Ma première réaction serait de dire que cela serait avantageux pour votre secteur en ce qui concerne la capture et le stockage du carbone si le prix augmentait, mais que cela pourrait être mauvais pour le secteur pétrolier si nous ne lui offrons pas une forme d'allégement grâce à la capture et au stockage du carbone.
Le prix des émissions de carbone doit augmenter pour que l'option de la capture et du stockage du carbone ait un sens. Il doit probablement être de l'ordre de 100 $ la tonne en raison des coûts de la capture du carbone. Pour les industries, par exemple le secteur de l'électricité en Alberta, le consommateur de l'Alberta finira par payer pour la capture et le stockage du carbone parce que le coût de l'électricité sera plus élevé et l'ampleur de cette augmentation est partiellement liée au crédit d'impôt à l'investissement. Si ce crédit était plus faible, il suffirait que le prix de l'électricité augmente davantage pour justifier la capture et le stockage du carbone. Le calcul du taux de rendement du capital investi n'est pas très complexe.
Je tiens à insister sur le fait que bon nombre de ces projets nécessitent des milliards de dollars de capitaux, de sorte que les investisseurs demandent à juste titre dans quelle mesure la taxe sur le carbone est durable.
Bien. Je pense que selon ce que le Bureau de la vérificatrice générale en dit, la taxe devrait être durable. En fait, elle devrait progresser plus rapidement que ce que nous imposons au marché en ce moment.