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PACP Rapport du Comité

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Introduction

À propos de ce rapport de comité

Le 25 février 2021, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a déposé à la Chambre des communes un rapport d’audit intitulé « Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations », qui a été renvoyé au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) pour étude[1]. Le 29 avril 2021, le Comité a organisé une séance sur ce rapport. Les personnes suivantes y ont participé :

  • BVG – Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada; Glenn Wheeler, directeur principal;
  • Services aux Autochtones Canada (SAC ou le Ministère) – Christiane Fox, sous-ministre; Joanne Wilkinson, sous-ministre adjointe principale, Secteur des opérations régionales; Chad Westmacott, directeur général, Direction générale des infrastructures communautaires; Jennifer Esdaile, directrice, Gestion stratégique de l’eau[2].

Contexte

A.    L’accès à une eau potable salubre

Selon le BVG, l’accès à une eau potable salubre « est un problème de longue date dans de nombreuses collectivités des Premières Nations. [Le BVG avait] présenté un rapport à ce sujet en 2005 et de nouveau en 2011, et formulé des recommandations pour aider à résoudre le problème. Quinze ans après [son] premier examen de cette question, certaines collectivités des Premières Nations continuent à ne pas avoir accès à une eau potable salubre.

En 2015, le gouvernement fédéral a promis de régler ce problème de longue date. Il s’est engagé à mettre fin à tous les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable touchant les réseaux publics d’approvisionnement en eau dans les réserves des Premières Nations avant le 31 mars 2021[3]. »

B.    Objectif de l’audit

L’audit du BVG avait pour but de déterminer si SAC « avait fourni aux collectivités des Premières Nations un appui adéquat pour garantir qu’elles ont accès à une eau potable salubre[4] ». L’audit a porté sur la période allant du 1er novembre 2015 au 1er novembre 2020. Il s’agit de la période à laquelle s’applique la conclusion de l’audit. Toutefois, afin de mieux comprendre l’objet considéré de l’audit, le BVG a aussi examiné certains dossiers antérieurs à cette période[5].

C.     Rôles et responsabilités

SAC « aide à garantir que les collectivités des Premières Nations ont accès à une eau potable salubre de diverses façons : »

  • En fournissant des conseils et du financement aux Premières Nations pour qu’elles puissent concevoir, construire, mettre à niveau, réparer, exploiter et entretenir les réseaux d’alimentation en eau.
  • En appuyant la surveillance de l’eau potable pour en déterminer la salubrité.
  • En fournissant des conseils de santé publique lorsqu’il y a des préoccupations au sujet de la qualité de l’eau potable et aide les collectivités à régler ces problèmes[6]

Les provinces et territoires émettent des règlements qui s’appliquent « à presque tous les systèmes publics d’alimentation en eau et de traitement des eaux usées au Canada, et prévoi[en]t des mesures d’application de la loi lorsque les normes ne sont pas respectées. Même si la réglementation des provinces ne s’applique pas aux collectivités des Premières Nations, [SAC] recommande à ces dernières de se conformer aux exigences qui sont les plus rigoureuses entre les exigences fédérales et les exigences provinciales[7]. »

L’audit a aussi indiqué que les « Premières Nations sont les propriétaires et les exploitantes des infrastructures communautaires dans leurs collectivités, y compris les infrastructures liées à l’eau. [Elles] gèrent la construction, la mise à niveau et le fonctionnement au quotidien des réseaux d’alimentation en eau. Elles s’assurent également que ces réseaux sont exploités conformément aux divers protocoles, normes et lignes directrices, et que des programmes appropriés d’analyse et de surveillance de l’eau sont en place.

Les chefs et les conseils des collectivités des Premières Nations émettent et lèvent les avis sur la qualité de l’eau potable. Les agents de santé environnementale et publique fournissent des renseignements sur la qualité de l’eau potable et recommandent des mesures aux chefs et aux conseils dans le but de les aider à prendre des décisions éclairées. Les agents de santé environnementale et publique sont employés soit par [SAC], soit par des organisations des Premières Nations, comme des conseils tribaux[8]. »

Constatations et recommandations

A.    Les avis sur la qualité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations

Selon le BVG, les avis sur la qualité de l’eau potable « sont demeurés en vigueur pour de nombreuses collectivités, et près de la moitié des avis en vigueur sont en place depuis plus de dix ans[9] ».

1.     Services aux Autochtones Canada n’a pas honoré son engagement de mettre fin à tous les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations

Le BVG a constaté que, au moment de l’audit, bien que SAC « ait réalisé des progrès en vue de mettre fin aux avis à long terme sur la qualité de l’eau potable, le Ministère n’était pas en voie d’honorer son engagement pris en 2015 de mettre fin à tous les avis à long terme touchant les réseaux publics d’alimentation en eau dans les réserves des Premières Nations avant le 31 mars 2021[10] ».

Christiane Fox, sous ministre, SAC, a expliqué qu’en « novembre 2015, on comptait 105 avis à long terme concernant la qualité de l'eau potable dans les réseaux publics des réserves à l'échelle du pays. Depuis, 58 avis à long terme ont été ajoutés[11]. » Au 1er novembre 2020, 100 de ces avis à long terme avaient été levés et 60 demeuraient en vigueur dans 41 collectivités des Premières Nations[12]. Parmi ces 60 avis à long terme en vigueur, 28 étaient en place depuis plus de 10 ans[13].

Christiane Fox a aussi affirmé que « la pandémie a retardé l'achèvement des projets d'infrastructure dans tout le pays, y compris les projets visant à lever les avis à long terme sur la qualité de l'eau potable[14] ». De plus, le Ministère a été très réceptif « aux résolutions des conseils de bande afin de respecter les décisions prises par les dirigeants autochtones. Une partie de la saison de construction de l'an dernier a été perturbée. Il y a eu des répercussions non seulement à cause de ces décisions, qui sont très importantes alors que nous faisons face à une troisième vague au pays et que [le ministère doit] être extrêmement vigilant dans la façon [de gérer] la situation, mais aussi pour ce qui est des allées et venues de l'équipement de construction[15]. »

Toutefois, le BVG a constaté que, « dans de nombreux cas, les projets liés aux réseaux d’alimentation en eau subissaient déjà des retards avant le début de la pandémie[16] ».

Recommandation

À la lumière de ces questions, le BVG a formulé la recommandation suivante :

Services aux Autochtones Canada devrait collaborer avec les collectivités des Premières Nations pour renforcer les efforts déployés en vue de mettre fin à tous les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable et de prévenir la diffusion de nouveaux avis[17].

Selon Christiane Fox, des initiatives « sont en cours pour régler chacun des 52 avis à long terme sur la qualité de l'eau potable qui demeurent en vigueur dans 33 communautés[18] ». De plus, des « solutions à long terme sont en cours dans tous les cas où des mesures provisoires ont été mises en place pour fournir de l'eau potable aux communautés le plus rapidement possible[19] ». Elle a aussi souligné que le « gouvernement fédéral ne peut pas intervenir et proposer des solutions ou prescrire un système plutôt qu'un autre. Il doit agir en partenariat avec les dirigeants autochtones qui doivent, eux, prendre les meilleures décisions qui soient pour leurs communautés[20]. »

Dans son plan d’action, SAC s’engage à ce que « les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable en vigueur sur les réseaux publics dans les réserves depuis novembre 2015[21] » soient résolus en 2023-2024. Pour ce faire, le Ministère prévoit travailler « avec les Premières Nations pour investir 309 millions de dollars dans des projets visant à régler tous les avis restants sur les réseaux publics dans les réserves », d’ici mars 2022[22]. Le Ministère s’engage aussi « à suivre les avis à court terme sur la qualité de l’eau potable et à aider les Premières Nations à traiter ces avis avant qu’ils ne deviennent des avis à long terme[23] ».

2.     Les défaillances liées à certains réseaux d’alimentation en eau n’avaient pas été corrigées

Le défaut de mettre complètement en œuvre des solutions à long terme

Selon le BVG, « même si les mesures provisoires ont permis aux collectivités touchées d’avoir un accès temporaire à une eau potable salubre, aucune solution à long terme n’était attendue avant plusieurs années. Parmi les 60 avis à long terme sur la qualité de l’eau potable qui demeuraient en vigueur au 1er novembre 2020, 16 avis (soit 27 %) faisaient l’objet de mesures provisoires. Selon SAC, les solutions à long terme pour les réseaux d’alimentation en eau faisant l’objet de ces avis en étaient à différentes étapes de mise en œuvre et devraient être en place entre 2021 et 2025[24]. »

Recommandation

Par conséquent, le BVG a formulé la recommandation suivante :

Services aux Autochtones Canada, en collaboration avec les collectivités des Premières Nations, devrait mettre en œuvre des solutions à long terme pour garantir que les réseaux d’alimentation en eau dans ces collectivités leur donnent un accès continu à une eau potable salubre[25].

D’après son plan d’action, le Ministère « continuera à travailler avec les Premières Nations pour mettre en œuvre des projets qui répondent aux besoins en eau à long terme de toutes les collectivités touchées par les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable depuis 2015[26] ». Ces solutions durables doivent être mise en place d’ici mars 2026. Entre temps, le Ministère « continuera à soutenir le processus de mobilisation mené par l’APN pour l’élaboration en collaboration d’une stratégie à long terme pour s’assurer de la durabilité des réseaux d’eau potable (achèvement prévu : mars 2022)[27] ». Il va aussi soutenir « l’élaboration en collaboration d’une stratégie à long terme pour l’infrastructure de l’eau potable et des eaux usées (achèvement prévu : hiver 2022-2023)[28] ».

Le Comité comprend qu’il faut parfois du temps pour corriger des problèmes d’infrastructure. Cependant, il entend assurer un suivi annuel des améliorations apportées aux problèmes de durabilité des réseaux d’eau potable dans les collectivités des Premières Nations.  Par conséquent, il recommande :

Recommandation 1 – Sur la résolution des avis à long terme sur la qualité de l’eau potable et la mise en œuvre de solutions à long terme

Que, d’ici le 31 mars 2022, Services aux Autochtones Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un plan complet sur sa stratégie à long terme pour s’assurer de la durabilité des réseaux d’eau potable, comprenant des objectifs, des résultats et des échéanciers. Tant le plan que les constats des progrès devront être faits en collaboration avec les communautés des Premières Nations. Les résultats devront comprendre a) les montants investis pour régler les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable; b) le nombre d’avis à long terme toujours en vigueur; c) le nombre d’avis à court terme toujours en vigueur.  Des rapports devront aussi être présentés d’ici le 31 mars 2023, 2024 et 2025. De plus, un rapport final devra être présenté d’ici le 31 mars 2026, qui montre les solutions à long terme mises en place dans toutes les collectivités touchées par les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable depuis 2015.

L’émission d’avis récurrents sur la qualité de l’eau potable

Le BVG a constaté qu’entre le 1er novembre 2015 et le 1er novembre 2020, 

« parmi les réseaux visés par les 100 avis à long terme sur la qualité de l’eau potable qui ont été levés, 5 ont fait l’objet d’avis subséquents qui sont devenus des avis à long terme. Par exemple, une collectivité des Premières Nations était visée par un avis à long terme sur la qualité de l’eau potable en vigueur depuis 2001. L’avis avait été levé en 2019 après que des réparations aient été apportées à l’installation de traitement de l’eau et au réseau de distribution. Or, moins de deux mois plus tard, un avis subséquent sur la qualité de l’eau potable avait été émis. Cet avis était encore en vigueur le 1er novembre 2020[29]. »

« 19 réseaux d’alimentation en eau avaient fait l’objet d’avis à court terme récurrents sur la qualité de l’eau potable qui, mis ensemble, avaient été en vigueur pendant plus de 1 an. Par exemple, une collectivité a été visée par un avis à court terme pendant 363 jours, suivi moins de 4 mois plus tard d’un autre avis à court terme qui a duré 325 jours. Pour les habitants de cette collectivité, les répercussions de ces avis à court terme récurrents pourraient causer autant de perturbations que celles d’un seul avis à long terme[30]. »

L’absence d’amélioration de l’état des réseaux d’alimentation en eau

Selon le BVG, en 2019-2020, 43 % des réseaux d’eau potable évalués posaient un risque élevé ou moyen, soit le même pourcentage que cinq ans auparavant. Selon le Ministère, « les réseaux qui présentent un risque élevé ou moyen peuvent comporter des défaillances majeures auxquelles il faut remédier. Si ces défaillances ne sont pas corrigées, les collectivités des Premières Nations pourraient ne pas avoir accès à une eau potable salubre[31]. » Christiane Fox a précisé que le pourcentage de systèmes posant un risque élevé (et non élevé ou moyen) « frôlait les 20 % à un moment donné, selon notre système d'évaluation du risque. En 2019-2020, ce pourcentage se situait entre 14 % et 15 %. Le nombre de systèmes dont le risque était élevé a été réduit[32]. »

Recommandation

Par conséquent, le BVG a formulé la recommandation suivante :

Services aux Autochtones Canada devrait collaborer avec les Premières Nations pour s’employer à relever et à corriger, de façon proactive, les défaillances sous-jacentes des réseaux d’alimentation en eau afin d’éviter l’émission d’avis récurrents[33].

Selon son plan d’action, SAC « continuera de travailler avec les Premières Nations pour mener une inspection annuelle de la performance des réseaux d’aqueduc et une évaluation de l’état des biens tous les trois ans afin de cerner toute lacune. [Le Ministère travaillera] de façon proactive avec les collectivités pour combler ces lacunes et prévenir les avis récurrents[34]. » Pour y arriver, le Ministère compte notamment continuer « à travailler avec les Premières Nations pour faire avancer la réforme de la politique de [fonctionnement et d’entretien] dans le cadre d’un travail plus large vers une approche de gestion des actifs (achèvement prévu : été 2022)[35] ».

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 2 – Sur la détection et la correction proactive des problèmes

Que, d’ici le 30 septembre 2022, Services aux Autochtones Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport sur les mesures prises pour détecter et corriger de manière proactive les défaillances sous-jacentes des réseaux d’alimentation en eau.

B.    Le budget de fonctionnement et d’entretien

Les dépenses liées au fonctionnement et à l’entretien comprennent celles liées :

Au fonctionnement – « les services rendus, les matériaux nécessaires et l’énergie utilisée pour assurer quotidiennement la bonne exploitation d’un réseau d’alimentation en eau. Cela comprend les salaires des opérateurs de réseaux, les produits chimiques utilisés pour traiter l’eau et les coûts de l’électricité[36] ».

À l’entretien – « les travaux courants d’entretien et de réparation effectués dans un réseau d’alimentation en eau pour le préserver dans son état d’origine ou le restaurer, dans la mesure du possible[37] ».

Selon Christiane Fox, les coûts défrayés par le Ministère pour l’entretien et le fonctionnement sont de 338 millions de dollars en 2021, et d'ici 2025, ils seront d'environ 400 millions de dollars par année[38].

1.     Une formule de financement et une politique désuètes

Le BVG a noté que SAC « alloue des fonds aux Premières Nations pour assurer le fonctionnement et l’entretien des réseaux d’alimentation en eau selon une formule et une politique. La formule sert à calculer les coûts totaux estimatifs de fonctionnement et d’entretien de ces réseaux d’alimentation en eau. La politique prévoit que le Ministère financera uniquement 80 % du coût estimatif établi grâce à la formule. Les Premières Nations doivent assumer la part restante de 20 % des coûts au moyen d’autres sources comme les frais d’utilisation[39]. » À ce titre, le BVG a constaté que la politique et la formule de financement « n’étaient pas adaptées aux besoins des Premières Nations[40] ».

Par exemple, « la formule, qui date de 1987, était indexée annuellement sur l’inflation, mais elle ne reflétait pas les avancées technologiques ni les frais réels de fonctionnement et d’entretien des infrastructures[41] ». De plus, elle ne « tenait pas compte de l’état des infrastructures déterminé lors des évaluations annuelles des risques ni de l’information sur les activités d’entretien prévues. C’est donc dire qu’avec cette formule, les réseaux d’alimentation en eau qui avaient besoin de plus d’entretien n’ont pas nécessairement bénéficié de plus de fonds que les autres réseaux[42]. »

Selon le BVG, « la politique sur le fonctionnement et l’entretien du Ministère n’avait pas été mise à jour depuis 1998. Le Ministère a indiqué que, puisque la formule était désuète, il n’avait pas financé 80 % de tous les coûts comme l’exige la politique. De plus, de nombreuses Premières Nations n’arrivaient pas à financer les 20 % des coûts de fonctionnement et d’entretien qui étaient à leur charge[43]. »

Dans le Budget de 2019 et dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020, « le Ministère a octroyé des fonds ciblés pour le fonctionnement et l’entretien des systèmes d’alimentation en eau et de traitement des eaux usées[44] »; ces ajouts visent « à garantir qu’à l’avenir les Premières Nations recevraient les fonds nécessaires pour financer 100 % des coûts de fonctionnement et d’entretien établis au moyen de la formule en vigueur[45] ». Selon Christiane Fox, « d'ici 2025, SAC « aura multiplié par près de quatre le financement annuel qu'il fournit aux Premières Nations en appui aux opérations et à l'entretien[46] ».

Selon le BVG, étant donné « que le Ministère n’avait toujours pas mis à jour sa politique sur le fonctionnement et l’entretien ni mis à jour la formule pour calculer les coûts de fonctionnement et d’entretien, il était difficile de déterminer si les fonds supplémentaires annoncés suffiraient à permettre aux Premières Nations d’assurer le fonctionnement et l’entretien de leurs infrastructures liées à l’eau. Le Ministère collaborait avec l’Assemblée des Premières Nations pour actualiser la politique sur le fonctionnement et l’entretien[47]. »

2.     Les problèmes de maintien en poste d’opérateurs de réseaux qualifiés

Le BVG a constaté que « la faiblesse des salaires offerts aux opérateurs de réseaux d’alimentation en eau dans les collectivités des Premières Nations continuait de poser problème. Selon une étude menée en 2018 par le Ministère, les salaires des opérateurs dans les collectivités des Premières Nations étaient de 30 % inférieurs aux salaires de leurs homologues ailleurs au pays. Cet écart salarial a contribué au problème de maintien en poste d’opérateurs qualifiés de réseaux d’alimentation en eau[48]. »

À ce sujet, Christiane Fox a affirmé :

Services aux Autochtones Canada administr[e] le programme de formation itinérante qui vise à favoriser l'acquisition des compétences au sein des communautés, de sorte que celles-ci disposent d'une main-d'œuvre apte à faire le travail très important d'exploitation et d'entretien. Dans le cadre de ce programme, [le Ministère essaie] de développer ces compétences et ces capacités et de fournir aux communautés les outils dont elles ont besoin pour gérer leurs projets[49].

Recommandation

Par conséquent, le BVG a fait la recommandation suivante :

Services aux Autochtones Canada, en consultation avec les Premières Nations, devrait en toute priorité :
  • déterminer le niveau de financement dont ont besoin les Premières Nations pour assurer le fonctionnement et l’entretien de leurs infrastructures liées à l’eau potable;
  • modifier la politique et la formule de financement en vigueur afin de verser aux Premières Nations un financement suffisant pour faire fonctionner et entretenir les infrastructures liées à l’eau potable[50].

En réponse à cette recommandation, SAC entend d’abord, à partir de 2021-2022, élaborer une nouvelle méthodologie de financement des dépenses de fonctionnement et de l’entretien pour mieux refléter ses coûts réels et soutenir la capacité à mettre en œuvre une nouvelle politique de fonctionnement et d’entretien (achèvement prévu : juillet 2021), pour ensuite faire avancer cette nouvelle politique « dans le cadre d’un travail plus large vers une approche de gestion des actifs (achèvement prévu : avril 2023)[51]».

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 3 – Sur le financement des dépenses de fonctionnement et d’entretien

Que, d’ici le 30 avril 2022, Services aux Autochtones Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport décrivant les progrès réalisés en ce qui concerne sa politique et sa formule de financement, incluant les salaires, pour le fonctionnement et l’entretien des infrastructures liées à l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations. Un rapport final devra aussi être présenté d’ici le 30 avril 2023.

C.     Le régime de réglementation pour la salubrité de l’eau potable

Un nouveau cadre législatif en cours d’élaboration

Le BVG a constaté que 15 ans après sa première recommandation à ce sujet, « il n’y avait toujours pas de régime de réglementation. Même si la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations est entrée en vigueur en 2013, aucun règlement connexe n’a été établi[52]. »

À ce sujet, Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, a indiqué :

La loi […] est assez succincte. Ce sont le cadre législatif et les règlements qui permettent vraiment de l'opérationnaliser. Ils servent à fixer les normes minimales, le seuil minimal pour l'eau, les niveaux de service et les responsabilités définis en cas de problème, afin de déterminer, par exemple, qui doit prendre des mesures. C'est vraiment la façon de faire pour opérationnaliser le cadre législatif énoncé dans la loi. C'est la base. Il faut procéder ainsi parce que les collectivités des Premières Nations ont besoin de ce lien, comme toutes les autres collectivités, pour s'assurer qu'elles savent quel niveau cibler et quoi faire lorsque ces normes ne sont pas respectées. Il s'agit essentiellement d'une façon de fournir les mêmes protections que dans le reste du pays[53].

Recommandation

Le BVG a donc formulé la recommandation suivante :

Services aux Autochtones Canada, de concert avec les Premières Nations, devrait élaborer et mettre en œuvre un régime de réglementation pour la salubrité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations[54].

Selon le BVG, SAC « a admis l’importance de la mise en œuvre d’une approche axée sur la collaboration qui reconnaît les droits des Premières Nations à l’autodétermination. Le Ministère a indiqué [au BVG] qu’il travaillait avec l’Assemblée des Premières Nations à la création conjointe d’un nouveau cadre législatif[55]. »

Selon son plan d’action, SAC« établira en collaboration un cadre législatif par l’intermédiaire d’un groupe de travail mixte. L’approbation de la loi est nécessaire pour permettre le développement d’un cadre réglementaire (achèvement prévu : décembre 2022)[56] ».

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 4 – Sur l’élaboration et la mise en œuvre d’un régime de réglementation

Que, au plus tard le 30 avril 2022 et chaque année au plus tard le 30 avril jusqu’à l’adoption d’un régime de réglementation sur la salubrité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations, Services aux Autochtones Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport sur les négociations en cours avec les communautés des Premières Nations pour le développement et la mise en œuvre d’un tel régime de réglementation.

Conclusion

Le Comité conclut que Services aux Autochtones Canada n’a pas fourni aux collectivités des Premières Nations un appui adéquat pour qu’elles puissent avoir accès à une eau potable salubre. La vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, s’est dite « préoccupée et, honnêtement, découragée d'avoir à présenter un rapport sur un problème de si longue date qui n'est toujours pas résolu. L'accès à l'eau potable est un besoin humain fondamental[57]. »

Tant que les défaillances des réseaux d’alimentation en eau n’auront pas été réglées, qu’un financement suffisant n’aura pas été défini et octroyé pour le fonctionnement et l’entretien des systèmes, et qu’un régime de réglementation n’aura pas été établi, les collectivités des Premières Nations n’auront pas un accès fiable à une eau potable salubre. L’identification et la mise en œuvre de solutions durables nécessiteront un partenariat continu avec les Premières Nations pour résoudre les problèmes en suspens et surmonter les autres obstacles qui ne permettent pas un accès fiable à une eau potable salubre.

En raison de l’importance cruciale de répondre au besoin de base qu’est l’alimentation en eau potable et salubre dans les collectivités des Premières Nations, le Comité formule quatre recommandations pour veiller à en garantir l’accès. 

Sommaire des mesures recommandées et échéance

Tableau 1 - Sommaire des recommandations et échéance

Recommandation

Mesure recommandée

Échéance

Recommandation 1

Services aux Autochtones Canada (SAC) doit présenter au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un plan complet sur sa stratégie à long terme pour s’assurer de la durabilité des réseaux d’eau potable, comprenant des objectifs, des résultats et des échéanciers. Tant le plan que les constats des progrès devront être faits en collaboration avec les communautés des Premières Nations. Les résultats devront comprendre a) les montants investis pour régler les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable; b) le nombre d’avis à long terme toujours en vigueur; c) le nombre d’avis à court terme toujours en vigueur. Un rapport final, qui montre les solutions à long terme mises en place dans toutes les collectivités touchées par les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable depuis 2015, devra aussi être présenté.

31 mars 2022

31 mars 2023

31 mars 2024

31 mars 2025

Final : 31 mars 2026

Recommandation 2

SAC doit présenter au Comité un rapport sur les mesures prises pour détecter et corriger de manière proactive les défaillances sous-jacentes des réseaux d’alimentation en eau.

30 septembre 2022

Recommandation 3

SAC doit présenter au Comité un rapport décrivant les progrès réalisés en ce qui concerne sa politique et sa formule de financement, incluant les salaires, pour le fonctionnement et l’entretien des infrastructures liées à l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations.

30 avril 2022

Final : 30 avril 2023

Recommandation 4

SAC doit présenter au Comité un rapport sur les négociations en cours avec les communautés des Premières Nations sur le développement et la mise en œuvre d’un régime de réglementation sur la salubrité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations.

30 avril 2022, et 30 avril de chaque année jusqu’à l’adoption d’un régime de réglementation.


[1]              Chambre des communes, Journaux, 25 février 2021.

[2]              Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Procès-verbal, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28.

[3]              Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.2 et 3.3.

[4]              Ibid., paragr. 3.15.

[5]              Ibid., À propos de l’audit.

[6]              Ibid., paragr. 3.8.

[7]              Ibid., paragr. 3.7.

[8]              Ibid., paragr. 3.9 et 3.10.

[9]              Ibid., paragr. 3.20.

[10]            Ibid., paragr. 3.29.

[11]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1110.

[12]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.35.

[13]            Ibid., paragr. 3.36.

[14]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1105.   

[15]            Ibid., 1125.

[16]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.39.

[17]            Ibid., paragr. 3.40.

[18]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1110. Les chiffres sont ceux en vigueur au moment de l’audience.   

[19]            Ibid.  

[20]            Ibid., 1125.

[21]            Services aux Autochtones Canada (SAC), Plan d’action détaillé, p. 1.

[22]            Ibid

[23]            Ibid.

[24]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.52.

[25]            Ibid., paragr. 3.54.

[26]            SAC, Plan d’action détaillé, p. 2.

[27]            Ibid., p.3.

[28]            Ibid.

[29]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.55.

[30]            Ibid., paragr. 3.58.

[31]                  Ibid., paragr. 3.60.

[32]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1250.   

[33]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.61. 

[34]            SAC, Plan d’action détaillé, p. 4.

[35]            Ibid., p. 5.

[36]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.67.

[37]            Ibid., paragr. 3.68.

[38]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1150.

[39]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.69.

[40]            Ibid., paragr. 3.62.

[41]            Ibid., paragr. 3.71.

[42]            Ibid., paragr. 3.72

[43]            Ibid., paragr. 3.73.

[44]            Ibid., paragr. 3.74

[45]            Ibid.

[46]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1105.   

[47]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.75.

[48]            Ibid., paragr. 3.76.

[49]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1120.   

[50]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.77.

[51]            SAC, Plan d’action détaillé, p. 5.

[52]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.86.

[53]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1220.

[54]            BVG, Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, Rapport 3 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 3.90.

[55]            Ibid., paragr. 3.88.

[56]            SAC, Plan d’action détaillé, p. 5.

[57]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 avril 2021, réunion no 28, 1105.