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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 027 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 avril 2021

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.

[Français]

    Bienvenue à la 27e réunion du Comité permanent des langues officielles.
    Le Comité se réunit aujourd'hui pendant deux heures dans le cadre de l'étude sur les mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.

[Traduction]

    Je vous rappelle que les membres et les témoins doivent adresser toutes leurs remarques à la présidence.

[Français]

    À moins de circonstances exceptionnelles, tous les participants à distance doivent utiliser un casque d'écoute et un micro-perche.
    Comme vous le savez, des services d'interprétation sont offerts. Au bas de l'écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français.
    Presque tous les témoins, sinon tous, ont l'habitude de venir témoigner à notre comité. Vous connaissez bien nos règles.
    J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins à cette séance. Vous disposerez de sept minutes et demie pour présenter votre allocution d'ouverture, qui sera suivie d'une période de questions. Je vous ferai un signe lorsqu'il vous restera une minute de temps de parole pour votre allocution ou votre réponse à un membre. Lorsque vous verrez un carton rouge, cela signifiera que votre temps de parole est écoulé.
    Je voudrais maintenant accueillir de façon officielle nos témoins de cet après-midi.
    De l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, nous recevons M. Carol Jolin, président, M. Peter Hominuk, directeur général, et M. Bryan Michaud, analyste de politique.
    De l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, nous recevons M. Éric Forgues, directeur général.
    À titre personnel, nous recevons M. Rodrigue Landry, professeur émérite à l'Université de Moncton et ancien directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
    Sans plus tarder, nous allons commencer par le représentant de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario. Je présume que c'est M. Jolin qui prendra la parole.
    Monsieur Jolin, vous avez la parole pour sept minutes et demie afin de présenter votre allocution d'ouverture.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invité à vous parler dans le cadre de votre étude sur les mesures du gouvernement du Canada pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
    Comme l'analyse avec sagesse notre organisme national, la Fédération des communautés francophones et acadienne, ou FCFA, dans son document de propositions en lien avec l'engagement du gouvernement du Canada de protéger et de promouvoir le français sur l'ensemble du territoire, le gouvernement du Canada fait principalement la promotion de la langue française de trois façons: en finançant les organismes et les institutions des communautés francophones et acadienne; en transférant des fonds aux provinces et aux territoires pour l'enseignement du français langue première et langue seconde, ainsi que l'offre de services en français; et en finançant l'apprentissage des langues officielles dans la fonction publique.
    Lors de mon dernier passage devant le Comité, j'ai abordé la question du sous-financement chronique de l'Ontario en matière de langues officielles. Je ne m'y attarderai donc pas aujourd'hui.
    Mon allocution d'aujourd'hui portera sur les transferts fédéraux en matière d'enseignement du français au niveau postsecondaire.
    Ces fonds sont essentiels pour notre communauté. Comme vous le savez, il y a un manque de professionnels francophones et bilingues dans plusieurs secteurs, particulièrement en éducation et en santé.
    L'enseignement postsecondaire en langue française est l'atout numéro un qui permettra à l'Ontario et à l'ensemble du pays de combler le manque de main-d'œuvre.
    L'éducation est l'oxygène de nos communautés.
    Comme vous le savez, une crise institutionnelle frappe la communauté franco-ontarienne, tout particulièrement celle du Nord de l'Ontario, depuis l'annonce faite le 1er février par la Laurentian University.
    Depuis cette annonce, la moitié de nos programmes de langue française de cette université ont été abolis. Près de 40 enseignantes et enseignants dans les programmes de langue française ont été congédiés — en anglais. Le poste de responsable du recrutement des étudiantes et étudiants étrangers pour la programmation de langue française est passé à la guillotine. Le bulldozer est passé.
    Au passage, le bilinguisme à la Laurentian University a été anéanti.
    Alors que les Universités de Sudbury et de Hearst ont une lueur d'espoir pour ce qui est d'assurer la pérennité de la programmation universitaire de langue française dans le Nord, plusieurs questions se posent.
    Comment en sommes-nous arrivés là? Est-ce que l'argent investi par les gouvernements du Canada et de l'Ontario est réellement utilisé dans la programmation et les services de langue française? Ou, comme il semble être le cas avec une partie de l'argent destiné à la recherche ou celui provenant des donateurs, est-il allé aux paiements de la dette ou dans des activités courantes? Ces réponses, je ne les ai pas. Ces réponses, je doute fort que les honorables membres de ce comité les aient. Ces réponses, je doute fort que les gouvernements les aient. La Laurentian University, comme les autres universités en milieu minoritaire, n'est pas obligée de rendre des comptes sur ses fonds liés aux langues officielles.
    Au cours des vingt dernières années, la Laurentian University n'a pas investi dans les francophones. Depuis l'an 2000, elle a créé 26 programmes en langue anglaise. Cette année, ces programmes lui ont permis d'augmenter de 2 170 le nombre d'étudiantes et d'étudiants anglophones.
    Pendant cette période, seulement cinq nouveaux programmes en langue française ont été créés, ce qui a ajouté seulement 124 étudiantes et étudiants francophones cette année.
    Le 11 avril, selon les données recueillies par le Regroupement des professeurs francophones, ou RPF, de la Laurentian University, celle-ci a aboli 45 % de sa programmation en français, comparativement à 20 % de celle en anglais.
    Nous utilisons d'ailleurs les chiffres du Regroupement puisqu'il a été démontré que les données fournies par la Laurentian University sont trompeuses.
    Quand on parle de reddition de comptes...
    Pourquoi une telle disproportion quant aux coupes dans les programmes en français?
    Pourtant, les gouvernements du Canada et de l'Ontario, ainsi que le Consortium national de formation en santé, ou CNFS, investissent annuellement plus de 12 millions de dollars dans la Laurentian University afin de l'appuyer pour offrir une programmation et des services en français de qualité.
    Où va cet argent? On ne le sait pas.
    En mars, nos avocats de la firme Juristes Power Law ont déposé un avis de motion afin que l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, ou AFO, soit reconnue comme partie intéressée dans le processus de restructuration financière sous supervision judiciaire.
    Plusieurs affidavits déposés en cour ont été signés par des professeurs de l'Université Laurentienne, a rapporté le journal Le Voyageur il y a quelques jours. Les affidavits contiennent plusieurs récits présentant les limites de la volonté de l'administration en matière d'investissements dans les programmes en français.
(1540)
    On parle d'efforts inexistants pour recruter des francophones à l'international, de difficultés à obtenir des programmes considérés comme vedettes du côté francophone, de bâtons dans les roues pour nuire à la création d'une université de langue française, mais, surtout, de l'absence de pouvoir décisionnel chez les francophones à l'Université Laurentienne.
    Pourtant, nous serions portés à croire que les sommes versées par les gouvernements fédéral et provincial auraient contribué à ce que les besoins des francophones comptent davantage et soient mieux financés.
    Ainsi, à l'aube de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, il nous apparaît essentiel que celle-ci prévoie de nouveaux modes de reddition de comptes visant à assurer la transparence complète sur le financement gouvernemental accordé dans ce type d'enveloppe budgétaire.
    Il nous apparaît également essentiel que toutes les sommes versées par les gouvernements fédéral et provincial qui sont destinées à appuyer l'enseignement et les services en langue française, par exemple dans le cadre du Programme des langues officielles dans l'enseignement, soient retirées dans les plus brefs délais à la Laurentian University pour être redirigées vers l'Université de Sudbury. La confiance de la communauté franco-ontarienne envers la Laurentian University est à son plus bas niveau, et cette dernière n'a plus de crédibilité auprès de la communauté qu'elle prétend servir.
    La communauté franco-ontarienne est claire: l'avenir de la programmation universitaire de langue française dans le Nord de l'Ontario passe par l'Université de Sudbury et l'Université de Hearst, non par la Laurentian University, qui doit transférer ses programmes de langue française dans les plus brefs délais à ces dernières.
(1545)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Jolin.
    Je vous suis reconnaissant d'avoir respecté le temps de parole qui vous était alloué.
    Nous allons tout de suite passer au prochain témoin, M. Éric Forgues, qui est directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
    Monsieur Forgues, vous avez la parole pour sept minutes et demie.
    Comme vous l'avez mentionné, je dirige l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, ou ICRML, depuis 2012. M. Rodrigue Landry, qui est aussi présent, a dirigé l'Institut de 2002 à 2012.
    L'Institut a été créé en 2002 grâce à un financement de Patrimoine canadien, qui a été accordé à l'Université de Moncton. Sa mission est de réaliser, en collaboration avec ses partenaires, des travaux de recherche pertinents pouvant appuyer les divers intervenants, les minorités de langue officielle et les artisans des politiques publiques en matière linguistique.
    Ma présentation portera sur trois points: l'importance de la recherche et des données dans la formulation des plans d'action gouvernementaux pour les langues officielles et l'élaboration des politiques publiques; l'importance d'engager les populations francophones; et la nécessité de préciser la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
    Je ne vais pas présenter de chiffres ni d'analyses démontrant la fragilité des communautés francophones puisque cela a déjà été fait à de multiples reprises. Nous savons que leur poids démographique suit un lent déclin, que la vitalité du français est faible dans certaines régions et que leurs institutions sont fragiles. Nous savons également qu'il y a un milieu associatif qui s'active au quotidien pour lutter contre les pressions assimilatrices et que des milliers de francophones et de francophiles contribuent à faire du français une langue vivante.
    Ce qui manque, selon moi, ce sont des politiques publiques fondées sur la recherche. Il manque une véritable planification en matière de langues officielles avec des objectifs et des moyens clairement définis et des résultats mesurables à atteindre. Nous devons pouvoir mieux mesurer les retombées de l'action du gouvernement et des acteurs francophones sur la vitalité des communautés. Il faut également plus de transparence et de reddition de compte auprès des communautés.
    Prenons l'exemple du Plan d'action sur les langues officielles 2018-2023: Investir dans notre avenir. Ce plan prévoit des investissements dans les langues officielles totalisant 2,7 milliards de dollars. On peut y lire: « Notre nouveau Plan d’action facilitera l’atteinte d’objectifs mesurables, fondés sur des données probantes et axés sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire et le bilinguisme des Canadiens. »
    Deux objectifs mesurables du Plan d'action sont présentés. Premièrement, les mesures du Plan d'action visent à stabiliser la portion de francophones au pays à 4 %. Deuxièmement, on veut atteindre d'ici 2023 la cible de 4,4 % en immigration. Cela m'apparaît insuffisant pour savoir si l'investissement de 2,7 milliards de dollars a de réelles retombées pour les communautés. Il faudrait d'autres indicateurs. Je pense par exemple à des indicateurs sur le nombre de parents ayants droit qui envoient leurs enfants à l'école en français, sur les besoins en matière d'infrastructure scolaire, sur la langue utilisée par les jeunes sur les réseaux sociaux et sur leur consommation de produits culturels francophones, et ainsi de suite.
    Pour que les jeunes et les adultes vivent en français, il faut un environnement social en français et des institutions francophones solides. Il faut des lieux de travail et d'enseignement, des garderies, des sports, des loisirs organisés, des médias et des médias sociaux en français. Il faut un paysage public et médiatique en français. Avons-nous fait l'analyse de l'environnement sociolinguistique des communautés? Avons-nous appuyé notre intervention sur ces analyses? À ma connaissance, ce n'est pas le cas. Il s'agit de l'une des limites de l'intervention du gouvernement. Ce dernier investit des sommes importantes sans que son intervention repose sur une planification rigoureuse et précise avec des résultats mesurables fondés sur des travaux de recherche, des analyses et des données probantes. Une communauté de chercheuses et de chercheurs peut aider le gouvernement dans son intervention. Nous avons une grande expertise dans le domaine des langues officielles. Plusieurs personnes, dont M. Rodrigue Landry ici présent, ont apporté une compréhension fine des facteurs qui influent sur la vitalité linguistique d'une communauté.
    Je parlerai maintenant de l'engagement de la population.
    Il faudrait que l'intervention du gouvernement canadien fasse davantage participer la population à l'élaboration de ses plans d'action pour les langues officielles et à l'ensemble des actions gouvernementales. L'engagement de la population devrait reposer sur des activités de consultation et des discussions portant sur les besoins et les priorités des communautés. Cela commence par la communication. Il est important que les actrices et les acteurs francophones et le gouvernement canadien informent la population des progrès réalisés. Nous sommes à la troisième année du Plan d'action pour les langues officielles 2018-2023: Investir dans notre avenir. Où en sommes-nous aujourd'hui? Aucun rapport quant aux progrès n'a été fait. Le gouvernement et les organismes francophones doivent mieux faire connaître leurs actions et leurs réalisations auprès de la population.
(1550)
    Il faut faire des efforts pour se rapprocher de la population, qui est la première touchée par toutes ces mesures. Quand je parle de la population, je pense aux citoyennes et aux citoyens. Les consultations ne doivent pas seulement se limiter aux professionnels de la francophonie. Je crois qu'il y a un danger à limiter les consultations aux organismes, car, par définition, un organisme défendra toujours un point de vue qui est lié à la raison même de son existence, à sa mission, à ses objectifs, et ainsi de suite.
    Certes, il y a aussi des avantages à les consulter, car ces organismes ont développé une expertise dans leurs secteurs d'intervention. Cette expertise n'est pas à négliger, mais on a eu tendance à négliger l'expertise citoyenne, ces dernières années. Plusieurs expériences qui ont lieu en ce moment dans le monde visent à faire participer davantage les citoyens à la vie démocratique de leur pays. Un rapport récent de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, fait état d'une vague délibérative. Il y a là des pistes prometteuses à explorer pour inciter les populations francophones et francophiles à s'engager envers la francophonie et pour miser sur leur intelligence collective.
    Je crois qu'il nous faudrait encourager la création d'espaces de délibérations citoyens pour définir les besoins et les priorités des communautés et proposer des moyens d'y répondre, mais plus largement, pour définir un projet de société pour la francophonie.
    En terminant, je vais parler de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. C'est celle qui vise directement les communautés. La partie VII oblige le gouvernement à prendre des mesures positives pour favoriser l'épanouissement des minorités et appuyer leur développement. Il est essentiel de préciser la partie VII afin de réduire le plus possible la marge d'interprétation. Son interprétation doit être le plus contraignante possible pour le gouvernement.
    Comme le rappelait le juriste Michel Doucet, la partie VII de la Loi a « un caractère réparateur » et « ne vise pas à consacrer le statu quo, mais bien à remédier à l'érosion historique et progressive des minorités de langue officielle [...] ».
    Je vous remercie de votre attention.
    Je vous remercie, monsieur Forgues.
    Nous allons poursuivre avec M. Rodrigue Landry, professeur émérite.
    Monsieur Landry, vous disposez également de sept minutes et demie pour faire votre présentation.
    Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui pour vous parler de la Loi sur les langues officielles et de la vitalité des minorités.
    Je vous propose un survol des points de vue que j'ai élaborés dans une publication qui paraîtra bientôt. Ma présentation comporte trois parties.
    Parlons d'abord de l'incidence de la Loi sur les langues officielles sur la vitalité des minorités linguistiques. Nos recherches montrent que les contacts avec l'administration publique ne se distinguent pas des autres types de contact langagier dans la sphère publique. Ces contacts langagiers n'ont aucun lien statistique avec l'identité linguistique des personnes; ils sont plutôt liés à la vitalité linguistique subjective, c'est-à-dire à la perception par les personnes du statut et de la vitalité d'une langue dans la société. Cette vitalité subjective n'est que faiblement liée au désir de faire partie de la communauté minoritaire.
    Les services publics offerts par le gouvernement fédéral ne représentent qu'une infime partie des expériences langagières dans la sphère publique. La Loi sur les langues officielles a donc peu d'incidence sur le développement langagier des individus.
    Nous proposons un premier principe sociolinguistique concernant l'incidence potentielle d'une loi linguistique sur la vitalité d'une minorité: une politique ou une loi linguistique n'a d'incidence sur la vitalité d'une minorité que si elle favorise la socialisation langagière et culturelle de ses membres. À notre avis, seule la partie VII de la Loi sur les langues officielles semble au moins implicitement offrir un tel potentiel. Nous y reviendrons.
    Parlons maintenant des acteurs essentiels de la vitalité d'une langue. Dans nos modèles théoriques, il se dégage trois acteurs essentiels et relativement autonomes, dont les rôles influencent la vitalité d'une minorité linguistique: la communauté, la société civile de la minorité et l'État ou le gouvernement.
    Le premier et le plus important des acteurs essentiels, c'est la communauté elle-même, non pas dans le sens très large et impersonnel, mais par les individus et les familles qui constituent ce que des chercheurs appellent la « communauté d'intimité ». La famille en est la cellule de base. Elle assure la transmission intergénérationnelle de la langue ainsi que les bases de l'identité des personnes.
    Le deuxième acteur essentiel est la société civile de la minorité. C'est elle qui gère l'organisation sociale de la minorité. Elle exerce un leadership inestimable dans la création et le maintien des institutions du groupe, ce qu'on appelle sa « complétude institutionnelle ». De plus, c'est la société civile qui agit comme intermédiaire entre les membres de la minorité et l'État.
    Le troisième acteur essentiel est l'État, qui appuie quant à lui la vitalité de la minorité linguistique en légitimant son existence dans la société par des politiques de reconnaissance des droits individuels et collectifs. L'État assure la prestation de programmes et de services dans la langue de la minorité et peut financer des institutions vitales.
    Notre deuxième principe est donc le suivant: une politique ou une loi linguistique a un effet optimal sur la vitalité d'une minorité linguistique lorsqu'elle favorise la croissance de l'identité collective du groupe et coordonne une synergie de mesures concertées des trois acteurs essentiels à sa vitalité.
    La responsabilité de la coordination et de la synergie entre les trois acteurs de la vitalité relève de l'État. Ce dernier est le décideur politique légitime et le détenteur des ressources et du pouvoir. C'est l'État qui est le mieux placé pour mettre en œuvre un programme efficace d'aménagement linguistique.
    J'aimerais maintenant parler de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. La partie VII a une portée collective et réparatrice et vise l'égalité réelle des deux communautés de langue officielle. C'est cette partie de la Loi qui aborde l'objectif d'épanouissement des minorités que le gouvernement s'est fixé, en particulier à l'article 41. Notons que, dans le libellé de l'article 41, la version anglaise emploie les termes « enhancing the vitality », là où la version française emploie les termes « favoriser l'épanouissement ».
(1555)
    D'après ce que je comprends des analyses de juristes interprétant la partie VII de la Loi sur les langues officielles, il y a encore beaucoup de travail à faire pour clarifier son objet et sa portée. Que veut dire appliquer des « mesures positives » pour « favoriser l'épanouissement des minorités », « appuyer leur développement » et « promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne »? À mon avis, si ces buts ambitieux ne se traduisent pas dans des objectifs concrets et réels de vitalité communautaire ainsi que dans des responsabilités et des engagements clairs pour le gouvernement, la Loi sur les langues officielles risque d'être importante en apparence, vu son caractère symbolique pour le pays, mais sans effet substantiel sur l'égalité réelle des deux grandes communautés linguistiques concernées.
    Revitaliser une langue est un projet ambitieux et complexe. On ne revitalise pas une langue sans un véritable plan d'aménagement linguistique. Cette planification repose sur un programme de recherche étendu et continu qui guide la précision d'objectifs prioritaires, la mise en œuvre d'interventions visant leur atteinte et des évaluations vérifiant leur efficacité.
    Paradoxalement, depuis la modification de la Loi sur les langues officielles de 2005, qui a rendu sa partie VII justiciable, l'engagement du gouvernement fédéral dans ses plans quinquennaux semble avoir régressé, si nous gardons comme point de référence la période quinquennale de 2003 à 2008. Le premier plan d'action pour les langues officielles, en 2003, avait plusieurs éléments d'un véritable plan d'aménagement linguistique. Il était fondé sur de la recherche et il fixait de véritables objectifs prioritaires adaptés à chacune des minorités de langue officielle. Les plans ou feuilles de route qui ont suivi semblent avoir été davantage le résultat de compromis politiques, plutôt que de véritables plans d'aménagement linguistique.
(1600)
    Il vous reste 15 secondes, monsieur Landry.
    Dans une perspective de revitalisation langagière, en plus d'un manque de clarté dans l'objectif fondamental de la Loi sur les langues officielles et de sa partie VII, trois lacunes majeures rendent impossible la réalisation des engagements fédéraux visant l'épanouissement des minorités: l'absence d'un véritable plan d'aménagement linguistique; la négligence de l'acteur principal de la vitalité d'une langue, soit la communauté elle-même, formée de ses membres individuels; et le manque de coordination intergouvernementale entre le fédéral et les provinces et territoires.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Landry.
    Je voudrais rappeler aux témoins que, s'ils veulent nous soumettre leur mémoire, ils peuvent l'envoyer à la greffière. Nous leur en serions très reconnaissants.
    Nous passons maintenant à la période de questions. Je rappelle aux députés que nous aurons deux périodes de questions. La première comprendra les tours auxquels nous sommes habitués, soit six minutes, cinq minutes, deux minutes et demie, et cinq minutes. À la deuxième période de questions, nous reprendrons ces mêmes tours, étant donné que les témoins ont accepté d'être avec nous pour les deux prochaines heures.
    Nous commençons par le premier vice-président du Comité, M. Blaney.
    Vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également les éminents témoins de s'être rendus disponibles.
    C'est une étude importante pour les membres du Comité, puisque nous souhaitons élargir l'application de la Loi sur les langues officielles aux minorités linguistiques francophones en Amérique du Nord, j'oserais dire.
    Ma première question s'adresse à M. Landry.
    Vous avez fait des recherches extrêmement intéressantes. Vous nous aviez déjà parlé de l'insécurité statutaire, dont vous aviez traité dans vos écrits; aujourd'hui, vous nous présentez des éléments nouveaux.
    Bien sûr, nous étudions les façons de recadrer la Loi sur les langues officielles pour nos communautés francophones en situation minoritaire. Par contre, ne pensez-vous pas que nous devrions également saisir cette occasion pour examiner le recul du français au Québec?
    J'aimerais connaître votre perspective à ce sujet.
    Nous avons justement mené des recherches au Québec, autant chez les francophones que chez les anglophones. Dans le cas des francophones, ces recherches datent des années 1990. Pour ce qui est des anglophones du Québec, notre dernière recherche remonte à 2008 ou 2009. Ce qui m'avait frappé, c'était qu'on n'observait pas de différence qualitative entre les francophones vivant au Québec et les francophones vivant à l'extérieur du Québec. Autrement dit, lorsqu'on les étudie selon un profil démographique et un continuum de vitalité, on voit que, dans un contexte de faible vitalité, ils se comportent comme des francophones minoritaires.
    Il faut dire qu'au Québec, le français est plus protégé que dans la plupart des autres provinces. Pourtant, les gens qui constituent cet acteur que j'appelle la communauté d'intimité, soit les individus et les familles qui la composent, se comportent comme des gens de la majorité lorsqu'ils sont majoritaires et comme des gens de la minorité quand ils sont minoritaires.
    Nous avons publié deux articles, un sur les francophones et un autre sur les anglophones, et nous nous sommes penchés sur les éléments de leur vécu qui exerçaient une influence. Par exemple, nous savons que la langue utilisée en public a surtout une incidence sur la vitalité subjective et que la langue employée dans la vie privée ainsi que d'autres aspects du vécu prédisent l'identité. Les facteurs sont les mêmes chez les anglophones vivant au Québec et chez les francophones vivant à l'extérieur du Québec. On se comporte comme une minorité si on est minoritaire.
    Par contre, il y a une différence en ce qui concerne les anglophones du Québec. Pour ma part, je ne crois pas que la communauté anglophone du Québec constitue une menace pour cette province. C'est la force de l'anglais partout sur la planète, surtout en Amérique du Nord, qui en est une. On pourrait dire que c'est l'épicentre. Des chercheurs ont fait une analogie de nature planétaire: l'anglais serait la grosse planète qui attire toutes les autres. Ce modèle est très intéressant. Maintenant, l'anglais est la langue que tout le monde désire utiliser. On constate cette attirance pour l'anglais même au Québec. Or, je rappelle que le concept de vitalité s'applique à tous les groupes, autant aux francophones qu'aux anglophones du Québec.
(1605)
    C'est très intéressant, monsieur Landry. C'est comme si vous nous disiez que les minorités francophones à l'extérieur du Québec sont doublement minoritaires, puisque les francophones du Québec se comportent en quelque sorte comme une minorité lorsqu'ils sont en situation minoritaire. C'est un peu ce que nous voyons se produire sur l'île de Montréal. Or les anglophones, même s'ils sont minoritaires, constatent et ressentent l'attirance ambiante envers la langue anglaise en Amérique du Nord.
    J'aimerais ajouter un point. Là où c'est le plus évident, c'est dans les médias. Lorsque nous avons analysé nos données de recherche sur les anglophones du Québec, nous avons pu constater qu'il était tout à fait naturel pour eux d'écouter les médias anglais. C'est le cas même lorsqu'ils sont très minoritaires. Il faut dire, par contre, que même la majorité francophone du Québec écoute abondamment les médias anglais.
    Il reste que la finale de l'émission District 31 aura lieu ce soir et que cela va se passer en français, monsieur Landry.
    Monsieur Jolin, il ne me reste malheureusement plus beaucoup de temps à vous consacrer. J'espère que vos propos pourront être retenus lorsque nous allons nous pencher précisément sur la situation de l'Université Laurentienne. Je le dis surtout à l'intention de l'analyste et du président. Je retiens beaucoup de choses de votre allocution, en particulier les recommandations. Je n'ai cependant pas assez de temps pour y revenir. Vous avez fait un plaidoyer. Vous avez même désigné l'Université Laurentienne par son nom anglais. Cela montre que vous avez un certain ressentiment à l'égard de cet établissement.
    Il ne me reste plus de temps. Nous allons nous reprendre au prochain tour.
    Oui, absolument. Vous aurez l'occasion d'y revenir, monsieur Blaney et monsieur Jolin, étant donné qu'il reste un tour complet.
    Nous allons maintenant passer à Mme Lattanzio.
    Je rappelle aux députés de bien vouloir dire à qui s'adressent leurs questions.
    Madame Lattanzio, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Mes deux prochaines questions s'adresseront à M. Landry, mais, avant d'aborder ces questions, j'aimerais lui demander de nous faire parvenir une copie des deux articles qu'il a mentionnés dans sa réponse à mon collègue.
    Monsieur Landry, ma première question est la suivante: à votre avis, quels sont les facteurs de vitalité sur lesquels doivent miser les CLOSM ainsi que les différents ordres de gouvernement pour assurer une base communautaire de transmission intergénérationnelle de la langue?
    J'ai beaucoup écrit sur le sujet et, selon moi, c'est la petite enfance qui est le facteur prépondérant. Par exemple, j'ai entendu de nombreux porte-parole de différentes associations. M. Forgues a beaucoup écrit sur les intérêts que peut défendre chaque association. Certains auteurs parlent d'intérêts néocorporatistes, entre autres. En fait, tous les organismes demandent une part de l'argent pour pouvoir nourrir leurs propres secteurs. Par contre, on ne s'entend pas sur l'importance de la petite enfance et, surtout, sur la sensibilisation des parents pour les inciter par la suite à inscrire leurs enfants à l'école de la minorité. Pourtant, si l'on mettait vraiment l'accent là-dessus, tout le monde serait gagnant. Globalement, seulement 50 % des enfants des communautés francophones en situation minoritaire fréquentent des écoles de langue française, quoique ces données soient tirées de l'enquête postcensitaire de Statistique Canada sur la vitalité des minorités de langue officielle, qui date de 2006.
    Par conséquent, j'estime que les facteurs cruciaux sont la petite enfance et la scolarisation. D'ailleurs, il y a beaucoup de points encourageants dans le livre blanc que j'ai lu récemment, et que je n'avais pas lu avant de terminer la rédaction de mon article. On y retrouve des aspects intéressants et, d'après ce que j'ai pu comprendre, on semble y valoriser la petite enfance.
(1610)
    Aussi, j'ai pu comprendre que vous avez publié une étude au sujet des anglophones du Québec, qui remonte à 2008 ou 2009. Est-ce exact?
    Oui, cela a été publié environ dans ces années-là.
    Il y a un article plus récent dans lequel nous comparons justement leurs comportements et leurs réactions à différentes situations. En fait, cette étude est très semblable à une autre que nous avions faite sur les francophones. Celle-ci a été publiée en 2014, je pense.
    Pourriez-vous nous envoyer l'étude la plus récente, en plus de celle de 2008 ou 2009?
    En deuxième lieu, je voulais vous demander si vous pouviez nous parler des enjeux propres aux familles exogames. Dans ce contexte particulier, quelles sont les conséquences sur la transmission de la langue de la minorité aux enfants issus de ces familles? Quelles sont les tendances de leur trajectoire scolaire et linguistique?
    L'exogamie est un phénomène très intéressant. Regardons ce qui en est de l'inscription à l'école, par exemple. En milieu francophone minoritaire, environ 34 % des parents exogames envoient leurs enfants dans une école francophone, par rapport à 88 % des parents tous deux francophones. On pourrait donc croire que tout repose sur les épaules des parents exogames. Cependant, nos analyses plus poussées démontrent que l'exogamie n'est pas la cause directe du fait que la langue française n'est pas transmise ou que l'enfant n'est pas inscrit à l'école francophone. L'exogamie est un facteur qui influe sur la dynamique familiale sur le plan de la langue.
    J'aime comparer les familles exogames au gouvernement fédéral. La famille exogame est un microcosme de la société. Dans un cas comme dans l'autre, on doit apprendre à valoriser deux langues au sein de la même entité. Au Parlement, ce sont les politiciens qui doivent le faire; dans les familles exogames, ce sont les parents qui doivent le faire auprès des membres de leur propre famille. C'est là que je vois le rôle du fédéral, qui consiste à bien sensibiliser les parents. Tous les parents veulent que leurs enfants soient bilingues, mais nos enquêtes démontrent que très peu de parents en connaissent vraiment les enjeux. Le bilinguisme qu'on dit additif, c'est-à-dire lorsqu'on apprend une deuxième langue sans perdre la première, est toujours meilleur lorsqu'on met l'accent sur la langue la plus faible.
    Merci, monsieur Landry.
    C'est peut-être...
    Je ne voulais pas vous interrompre, monsieur Landry, mais je souhaite poser une question aussi à M. Forgues.
    Monsieur Forgues, vous avez dit que la partie VII de la Loi sur les langues officielles revêtait un caractère réparateur.
    Pourrions-nous dire que, par l'entremise de la partie VII, le gouvernement du Canada permet aux CLOSM une complétude institutionnelle?
    Non. Je crois que, à la suite d'une interprétation, il a fallu beaucoup de temps avant de mettre en œuvre différentes mesures pour respecter les obligations de la partie VII. Il faut comprendre que, dans l'histoire de la Loi sur les langues officielles, la partie VII est plus jeune. L'obligation pour le gouvernement fédéral de s'engager à prendre des mesures positives est également récente. Il est donc un peu tôt, dans l'histoire de la francophonie canadienne, pour que ces mesures aient pu influer considérablement sur la complétude institutionnelle. Il faut en faire plus.
    Un des problèmes de la partie VII est justement qu'on a interprété de façon un peu minimaliste les engagements du gouvernement fédéral.
(1615)
    Merci, monsieur Forgues.
    La parole est maintenant à M. Beaulieu pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous. Les trois présentations étaient très intéressantes.
    J'ai une question d'ordre général. Lors de l'instauration de la Loi sur les langues officielles, il y a 52 ans, ne sommes-nous pas partis sur de mauvaises bases en établissant que la communauté acadienne et les communautés francophones hors Québec équivalaient à la communauté anglophone du Québec?
    Par exemple, en 1996, une étude de la Commission nationale des parents francophones a démontré que le financement des écoles, dans le cadre du programme des langues officielles, avait profité plus largement aux écoles anglophones du Québec qu'aux écoles francophones hors Québec. Pourtant, les écoles anglophones étaient déjà surfinancées, par rapport aux écoles francophones.
    C'est ce que nous sommes en train de remettre en question, en reconnaissant qu'il y a un déclin du français au Québec et que le gouvernement fédéral a la responsabilité de protéger également le français au Québec.
    Qu'en pensez-vous?
    Je ne sais pas à qui s'adresse la question, mais je vais me permettre d'y répondre en premier.
    Nous avons eu une loi qui a défini deux minorités de langue officielle qui ne correspondaient pas à l'imaginaire linguistique du Canada qu'on se représentait. Nous voyons que la francophonie canadienne s'inscrit dans un contexte plus fragile et plus précaire dans l'ensemble du pays, mais ce n'est pas ce qu'on a inscrit dans la Loi sur les langues officielles. Or, ce que propose le gouvernement dans son livre blanc me donne l'impression qu'on reviendrait vers un imaginaire qui serait plus fidèle à la manière dont nous nous percevons comme francophones au pays.
    Les francophones du Québec, et même les anglophones du Québec, ne se considéraient pas nécessairement comme une minorité. Ce n'est que très récemment que les anglophones du Québec ont commencé à se considérer comme un groupe minoritaire. Cela ne faisait pas partie de leur imaginaire auparavant.
    L'imaginaire politique derrière la Loi sur les langues officielles allait donc à contre-courant. Je crois qu'avec le livre blanc, on tente de revenir à un imaginaire politique un plus fidèle à la réalité. Il faut considérer la francophonie partout au pays comme étant en situation minoritaire.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Ce sera la première fois que le Comité permanent des langues officielles entreprend une étude sur la situation du français au Québec et sur les répercussions de la politique linguistique fédérale sur le Québec, après 52 ans.
    C'est également lié au fait qu'au Québec, seuls les anglophones étaient considérés comme une minorité par le gouvernement fédéral. Même l'ONU ne reconnaît pas les anglophones du Québec comme une minorité, car ils font partie de la majorité canadienne-anglaise. Le gouvernement fédéral a d'ailleurs fait modifier la Loi 101 par l'entremise de la Loi constitutionnelle de 1982.
    Je ne sais pas si M. Landry ou M. Forgues voudrait faire des commentaires à ce sujet.
    Nous avons écrit un livre découlant d'une étude pancanadienne sur les diplômés des écoles françaises et nous en avons écrit un autre sur les écoles anglaises. L'analyse et toutes les données sur la vitalité ethnolinguistique que nous avons intégrées dans l'étude dressent deux scénarios possibles. Je ne suis pas en train de faire des prédictions.
    L'un des scénarios possibles, du côté francophone, c'est que, avec l'aide du gouvernement, notamment, des progrès soient réalisés sur les plans de la complétude institutionnelle et de la légitimité linguistique. C'est le rôle du gouvernement. Par contre, puisque nous n'appuyons pas la base, il y a de moins en moins de personnes qui vont dans les établissements francophones et qui utilisent la langue.
    Du côté anglophone, notre analyse pointe vers un scénario où, à cause de l'attraction très forte de l'anglais, les personnes n'ont pas de problèmes à utiliser la langue. Toutefois, à cause du fait que le Québec défend beaucoup le français avec sa loi 101, il pourrait perdre un peu de l'emprise qu'il a sur ses propres établissements et sur la légitimité de la langue au Québec.
    Ces deux scénarios s'appuient un peu sur les forces de chacun.
(1620)
    Le concept de « complétude institutionnelle » que vous utilisez est intéressant. Il est utilisé aussi par M. Frédéric Lacroix. Selon ce principe, plus une communauté linguistique a des institutions fortes, plus la force d'attraction de sa langue est élevée.
    Au Québec, les écoles anglaises reçoivent plus d'étudiants qu'il y a d'anglophones. Au niveau postsecondaire, au cégep, c'est presque deux fois plus. Au niveau universitaire, c'est trois fois plus. Compte tenu des mesures positives du gouvernement fédéral, s'ajoutent à cela environ 50 millions de dollars pour les écoles secondaires et primaires anglophones. Pour les cégeps et les universités, c'est beaucoup de financement.
    Que pensez-vous de cela? Devrions-nous remettre un peu en question ce principe?
    Monsieur Beaulieu, je m'excuse, mais c'est tout le temps que nous avons. Vous aurez la chance de revenir à ce sujet au cours de la période des questions.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur le premier exposé qui a été fait, celui du porte-parole, ou directeur, de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, parce qu'il y a quand même un drame qui est en train de se dérouler en raison des compressions radicales dans les programmes en français à l'Université Laurentienne. Je l'appelle encore l'Université Laurentienne, et non la Laurentian University.
    Monsieur Jolin, comme mon collègue conservateur l'a noté tantôt, vous parlez beaucoup de l'anéantissement du bilinguisme et de la rupture du lien de confiance. Ce sont des mots assez durs, mais je peux comprendre que vous vous exprimiez ainsi.
    Premièrement, est-ce que, selon vous, tout espoir est perdu concernant cet établissement et est-ce que le lien de confiance est rompu?
    Deuxièmement, y a-t-il une réelle possibilité que l'Université de Sudbury acquière une autonomie en récupérant des programmes en français, notamment ce programme de sages-femmes, qui est unique à l'extérieur du Québec?
    Je vous remercie de la question.
    C'est tout à fait juste: la communauté a totalement perdu confiance en l'administration de la Laurentian University. Les choses n'allaient déjà pas très bien. Comme je l'ai mentionné, au cours des 20 dernières années, les efforts visant à bonifier la programmation en français ont été minimes. On nous a mentionné que le travail de marketing visant à recruter des étudiants et des étudiantes francophones n'était pas à la hauteur.
    Je ne sais pas si j'en ai parlé plus tôt, mais, en 2002, l'Université a embauché une personne pour recruter des étudiants anglophones à l'international. Cela a permis à l'Université de recevoir de 350 à 450 étudiants étrangers anglophones de manière régulière. Ce n'est que depuis deux ans que l'Université a embauché quelqu'un pour recruter des étudiants étrangers francophones. Cette première tentative a permis d'attirer un peu moins de 100 étudiants. Nous avons appris que ce poste avait été aboli tout récemment dans le cadre des compressions budgétaires.
    Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, le Conseil des régents de l'Université de Sudbury a décidé, le 11 mars dernier, que l'Université de Sudbury deviendrait une université gouvernée par, pour et avec les francophones. Nous croyons fermement que l'Université, qui a sa charte, a la possibilité d'assurer la pérennité de la programmation en français dans le Moyen-Nord. Il doit y avoir une programmation en français dans le Moyen-Nord; c'est essentiel. Sinon, il y aura une diminution des options pour les jeunes de la région, de la province, et même des autres provinces qui voudraient venir étudier à Sudbury en français.
    On a réduit le nombre d'options s'offrant aux jeunes de la région qui veulent étudier en français. Des recherches à ce sujet ont été faites, et nous savons qu'une minorité d'entre eux ira à Ottawa, à Hearst ou à Toronto, où l'Université de l'Ontario français offre de nouveaux programmes. [Difficultés techniques] dans la mesure du possible, et pour ce faire, ils devront se tourner vers les universités anglophones. J'ai toujours appelé cela l'« autoroute de l'assimilation ».
    L'Université de Sudbury est bien placée pour offrir des programmes en français dans le Moyen-Nord aux étudiantes et aux étudiants. Elle est également bien placée pour travailler de concert et en réseau avec l'Université de l'Ontario français à Toronto et avec l'Université de Hearst. Cette dernière est maintenant indépendante parce qu'elle a obtenu sa propre charte institutionnelle la semaine dernière.
    Nous avons la possibilité de mieux servir les étudiantes et les étudiants qui termineront leurs études secondaires et qui veulent étudier en français. Le milieu des affaires a besoin de manière urgente de jeunes qui peuvent s'exprimer dans les deux langues officielles pour offrir des services.
    Comme le disait...
(1625)
    Je m'excuse de vous interrompre. Vous êtes enthousiaste et je vous comprends. Toutefois, je voudrais poser une autre question. Je n'ai que six minutes, et le temps passe vite.
    Nous avons parlé de l'obligation d'avoir des institutions fortes, notamment sur le plan de l'éducation et de la culture, afin d'assurer la vitalité des communautés francophones. Je pense qu'il s'agit d'un bon exemple de cela.
    Selon vous, quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral dans cette transition vers des universités en français plus fortes à Sudbury et à Hearst?
    Nous avons eu plusieurs discussions à ce sujet avec le gouvernement provincial, qui a montré de l'intérêt à cet égard. La ministre Mulroney a parlé d'un projet intéressant et le ministre Romano a posé des conditions raisonnables pour y arriver.
    Du côté du gouvernement fédéral, Mme Joly s'est dite encouragée et prête à contribuer à la création d'une université totalement indépendante par et pour les francophones à Sudbury.
    Je pense que les étoiles sont bien alignées. Il y a un travail à faire entre les deux paliers de gouvernement, un peu comme cela a été fait pour l'Université de l'Ontario français. Mmes Joly et Mulroney ont bien travaillé ensemble pour faire cheminer ce dossier et nous visons la même chose dans le cas de l'Université de Sudbury.
     Nous le souhaitons.
    Je vous remercie, monsieur Boulerice.
    Monsieur Dalton, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    Je remercie beaucoup les témoins. Leurs propos sont très intéressants.
    Dans le Livre blanc du gouvernement, il est question d'un comité d'experts ayant pour mandat d'élaborer les critères de reconnaissance des régions à forte présence francophone hors Québec.
    Je viens de l'Ouest, plus précisément de la Colombie-Britannique, et nous avons, nous aussi, des régions où vivent des communautés francophones. Elles ne sont pas tellement regroupées géographiquement, comme elles l'étaient autrefois. Ces populations sont plus dispersées. Par exemple, dans la région de Vancouver, la communauté francophone était auparavant concentrée à Maillardville, où vivent encore des francophones, mais il y en a maintenant un peu partout dans la région.
    Ce comité devrait-il traiter de cette question? Selon vous, quels devraient être les critères utilisés pour désigner les régions à forte présence francophone hors Québec?
    Ma question s'adresse à M. Forgues ou à M. Landry.
    Je vais commencer, et M. Landry pourra compléter ma réponse.
    Une modification a déjà été apportée au règlement, dont j'oublie le nom exact, qui vise à définir les régions où la demande de services dans la langue minoritaire est suffisante.
    La définition de ces régions est beaucoup plus inclusive maintenant. Je ne l'ai pas entièrement en mémoire, mais je comprends que nous voulons toujours travailler dans ce sens, que nous voulons une approche très inclusive du point de vue de l'offre active des services dans les deux langues officielles. À mon avis, il faudrait élargir le plus possible l'offre active. Nous l'avons déjà mentionné, mais, ce qui est sous-jacent à cette loi, c'est qu'elle doit permettre un rattrapage, une réparation des torts causés par le passé.
    Les services doivent aussi être offerts pour contribuer à renverser les tendances assimilatrices. Dans le règlement, il faut donc être le plus généreux possible, le plus inclusif possible au moment de définir les régions où la demande de services dans les deux langues officielles est jugée importante.
(1630)
    Je vous remercie.
    Monsieur Landry, voulez-vous ajouter un commentaire?
    Oui, je vous remercie.
    Je vais vous parler d'un concept que j'utilise dans mes recherches, soit le concept de la proximité socialisante. Je comprends très bien la situation de la Colombie-Britannique, où les communautés sont petites et dispersées. Dans de telles situations, il est très difficile pour des parents, par exemple, de tenter de vivre en français, parce que leurs voisins et tous les gens qu'ils connaissent autour d'eux ne parlent pas français. Ce sont donc des personnes conscientisées et engagées qui font l'effort d'envoyer leurs enfants à l'école française, parce que la norme, pour les enfants, c'est de fréquenter les écoles anglaises.
    Plus la population francophone est concentrée, plus il est facile pour elle de vivre en français. Il faut faire des efforts. Très peu de recherches ont été faites sur le sujet, mais celles qui existent démontrent que, plus les écoles sont situées près de la communauté, plus les gens tendent à se regrouper autour d'elles. Il y a même des changements démographiques qui s'opèrent lorsque des parents se regroupent près des écoles. De telles situations sont possibles, mais elles représentent quand même un défi très difficile à surmonter sur le plan démographique.
    Mon temps de parole étant limité, j'aimerais maintenant poser une autre question.
    Nous avons entendu parler d'un autre problème, qui a été particulièrement soulevé par la communauté francophone de la Colombie-Britannique. Ce problème survient lorsque le gouvernement fédéral décide de confier à un tiers la mise en œuvre d'ententes portant sur un domaine de compétence strictement fédérale. Dans ce cas, les mesures nécessaires pour respecter la Loi doivent être prises, mais ce n'est pas toujours le cas.
    En quelques secondes, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Avez-vous des suggestions quant à la meilleure façon de remédier à ce genre de problème?
    C'est une question qu'il faudrait soumettre à un avocat. Quand on embauche une tierce partie, celle-ci a les mêmes obligations que l'entité fédérale. Il n'y a pas grand-chose à faire si ce n'est pas respecté.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Landry.
    Monsieur Lefebvre, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour à tous.
    Je suis très heureux d'être de retour au Comité. Je vous parle à partir de Sudbury. Je me trouve à moins d'un kilomètre de l'Université Laurentienne, que je pourrais aussi nommer, comme l'a fait M. Jolin, la Laurentian University. Je ne livrerai pas de long discours, comme le faisait mon grand ami Darrell Samson. Il avait l'habitude de faire un long préambule et de laisser 50 secondes au témoin pour répondre à sa question. Il était passé maître en la matière. Cela étant dit, je veux vraiment aller au cœur du sujet.
    Monsieur Jolin, vous avez parlé de la reddition de comptes. Or je constate, après deux ans d'absence au Comité, que cette difficulté persiste. C'est vraiment un très grand défi. Comme vous le savez, le fédéral transfère des fonds aux provinces, qui ne veulent pas du tout lui rendre de comptes. Vous avez mentionné également que la province transférait des fonds à des établissements. De la même façon, on peut se questionner sur les comptes que rendent les établissements à la province.
    Bien que je sois entièrement d'accord avec vous, je me demande un peu quelle piste de solution vous pourriez nous suggérer. Je pense ici aux recommandations que nous aurons à faire dans le cadre de la présente étude. Il est question du déclin du français dans l'ensemble du Canada. Évidemment, je vous parlerai de l'Université Laurentienne quand je serai de retour, mais, pour le moment, j'aimerais savoir quelle solution vous avez à nous proposer en ce qui concerne la reddition de comptes.
    Je crois que les deux paliers de gouvernement doivent discuter de la question du français en milieu minoritaire et s'assurer que l'argent se rend bel et bien là où il doit se rendre. À cet égard, je pense que le cas de la Laurentian University est assez évident.
    Nous demandons entre autres aux deux paliers de gouvernement d'envoyer à l'Université de Sudbury les sommes qui étaient destinées à l'origine à la Laurentian University. On parle ici d'une somme d'environ 12 millions de dollars qui va permettre à l'Université de Sudbury de rebâtir une gouvernance par et pour les francophones, pour les étudiants francophones ou francophiles qui veulent venir étudier dans la région de Sudbury.
    Du côté francophone, cette reddition de comptes est plus importante encore. En effet, on se demande toujours si l'on reçoit ce que l'on est en droit de recevoir. Présentement, ces questions sont encore plus pertinentes à Sudbury, notamment du fait qu'une université s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
(1635)
    C'est un très bon point. Plus tôt, vous avez parlé du recrutement des étudiants étrangers. Mon grand ami Benoît Clément, qui était gestionnaire du recrutement international, a été remercié de ses services. Ce poste existait depuis deux ans. J'aimerais dire à mes nouveaux collègues du Comité que tout ce qui se passe à l'Université Laurentienne me touche de très près. J'y ai donné un cours [difficultés techniques]. Mon épouse, pour sa part, enseigne à l'École de médecine. Comme je suis très proche de ce qui se passe là-bas, j'en viens à me demander si je ne suis pas en situation de conflit d'intérêts.
    C'est un établissement très important, mais, comme l'a dit M. Jolin, ce qui est arrivé le 12 avril a provoqué une rupture de confiance. Nous nous demandons comment faire avancer les choses. M. Jolin et l'AFO ont proposé des solutions. Ils sont appuyés par un mouvement, un groupe communautaire qui travaille de concert avec l'Université de Sudbury.
    J'aimerais parler un peu du dénombrement des ayants droit. Nous avons travaillé fort là-dessus lorsque j'étais au Comité, il y a deux ans. Nous parlons du déclin du français, mais il faut aussi tenir compte des mesures positives qui ont été prises depuis 2015 pour tenter de résoudre cette question.
    Monsieur Jolin, quel effet positif pourrait avoir le dénombrement effectué par Statistique Canada? En fait, je suis convaincu que cela aura un effet positif, mais j'aimerais connaître l'avis de la communauté.
    D'abord, cela nous permettra d'avoir les chiffres réels. Jusqu'à maintenant, tout ce que nous avions, c'était des estimations. Dans bien des cas, nous jugions qu'elles n'étaient pas vraiment représentatives de la communauté francophone. Il était question de 744 000 Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens, mais je pense que nous sommes plus nombreux. Or maintenant, la façon de recenser les gens qui peuvent s'exprimer en français va permettre de brosser un portrait beaucoup plus fiable, à mon avis. On estime à 1,4 ou à 1,5 million le nombre de personnes qui peuvent s'exprimer en français en Ontario. Il est possible, je suppose, qu'il y en ait davantage, parce qu'en raison de la manière dont le recensement était fait auparavant, des gens n'étaient pas dénombrés.
    J'ai bien hâte de voir les chiffres qui seront publiés. Ceux-ci vont nous permettre de mieux planifier les services que nous voulons offrir et les projets, comme celui de l'Université de Sudbury, que nous voulons mettre en avant.
     Je vous remercie, monsieur Jolin. Je vous remercie également, monsieur Lefebvre.
     Je vais maintenant céder la parole à M. Beaulieu pour deux minutes et demie, ce qui est très court.
    Je vais adresser ma dernière question à M. Landry. À votre avis, à quel point la « surcomplétude », le financement à outrance des établissements anglophones au Québec, notamment des cégeps et des universités, contribue-t-il au déclin du français dans cette province?
    Je ne peux pas vraiment répondre à cela parce que je ne suis pas au courant de la situation de financement à outrance. Ce ne sont pas des sujets que j'ai étudiés. En les abordant, je risquerais de parler un peu à tort et à travers.
    D'accord. Cela dit, vous arriveriez probablement aux mêmes conclusions que nous. Je vous enverrai les données que nous avons.
    Je vais revenir à vous, monsieur Jolin. J'ai beaucoup aimé vos commentaires. Vous avez mentionné l'importance d'avoir des universités « par et pour les francophones ». Vous avez parlé de l'Université de Hearst, qui souhaite devenir un établissement francophone. Vous avez aussi parlé de l'Université de Sudbury.
    Ne devrait-on pas centrer la majorité des efforts sur les universités « par et pour les francophones »? Pour ce qui est du financement des établissements d'enseignement, on dit que les écoles d'immersion favorisent souvent l'assimilation. En ce sens, ne devrait-on pas accorder la priorité aux écoles « par et pour les francophones » dans l'ensemble du Canada?
(1640)
    Je vais parler de l'expérience ontarienne. À tous les endroits où les francophones ont pris en charge la situation en matière d'éducation, les choses fonctionnent bien. Il y a eu la gestion des écoles élémentaires et secondaires et la création des collèges. Nous avons en effet deux collèges francophones. Ces établissements fonctionnent très bien, et rien ne laisse croire que nous ne pourrions pas faire de même quant à la gestion des études postsecondaires universitaires. Je pense qu'il est important de se diriger vers cela.
    Ce sont les francophones qui sont le plus à même de connaître les besoins de la communauté. La situation à la Laurentian University est un bon exemple de ce qui se produit quand on laisse les choses entre les mains d'une telle organisation. On prenait des décisions en se demandant quel bonbon on donnerait aux francophones pour qu'ils ne fassent pas trop de vagues et on se concentrait sur la majorité anglophone, qui est importante et à qui on offre des services.
    Merci, monsieur Jolin. Merci, monsieur Beaulieu.
    Je cède maintenant la parole à M. Boulerice pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais adresser mes prochaines questions à M. Forgues.
    Monsieur Forgues, vous avez souligné l'importance d'établir des politiques fondées sur la recherche, ce que je trouve très intéressant. Vous dites que les lois actuelles parlent d'objectifs mesurables, mais qu'il faudrait d'autres indicateurs pour que le tableau soit plus complet.
     De quels indicateurs parliez-vous? Qu'aviez-vous en tête exactement?
    Le livre blanc de la ministre Joly indique qu'elle veut également prendre cette orientation. Je crois que c'est une bonne chose. Il y a déjà des études sur le sujet. M. Landry, ici présent, pourrait en parler. On peut explorer toutes sortes d'indicateurs quant aux pratiques linguistiques des individus, que ce soit dans la famille, dans l'espace public ou au travail. D'ailleurs, on ne parle peut-être pas assez du travail.
    Si on observe la situation linguistique au fil du temps, on constate que le lieu de travail est aussi un lieu d'assimilation, et je crois qu'il faudrait faire des efforts, même si, dans l'espace économique, dans les lieux de travail, il n'y a pas de droits linguistiques reconnus qui permettent d'améliorer et de franciser les entreprises, par exemple. De la promotion pourrait être faite en ce sens. Il y a également des indicateurs pour les institutions existantes. Des analyses devraient donc être faites de façon précise. On a les moyens de les faire. On dispose de ressources et d'expertise et on devrait les utiliser à cette fin.
    C'est une très bonne piste.
     J'ai rencontré dernièrement des gens de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones. Ils parlaient d'une certaine stagnation du Programme des langues officielles dans le domaine de l'éducation. Selon eux, il est difficile, dans ces conditions, de garder les jeunes qui ont étudié en français au primaire. Ils trouvent les écoles secondaires anglophones plus attrayantes parce qu'elles offrent davantage de programmes sportifs, de programmes culturels et de sorties. Même si le nombre d'inscriptions est à la hausse au primaire, on voit qu'en raison du sous-financement des écoles françaises, la tendance est à la baisse du côté du secondaire.
    Avez-vous également observé ce phénomène?
     Vous disposez de 30 secondes, monsieur Forgues.
    À l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, M. Rodrigue Landry a fait des recherches sur les ressources en milieu scolaire, qui ne sont pas les mêmes du côté anglophone que du côté francophone. La force d'attractivité qui existe du côté anglophone peut expliquer de tels phénomènes, d'où l'importance de construire des infrastructures scolaires qui permettent de conserver les élèves francophones.
    Merci, monsieur Forgues.
    Merci.
    Il nous reste deux périodes de cinq minutes. La première sera accordée à M. Godin.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie M. Landry, M. Forgues et les représentants de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario d'être parmi nous.
    Je veux rappeler que l'étude en cours porte sur les mesures que peut prendre le gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
    Monsieur Jolin, je vais commencer par vous, car j'ai trouvé votre présentation très intéressante.
     Mon collègue M. Lefebvre a parlé de reddition de comptes. Dans votre présentation, vous avez dit éprouver un grand doute quant à l'utilisation adéquate des sommes versées par les gouvernements fédéral et provinciaux, et c'est peut-être là que se trouve le nœud de l'affaire.
    Aujourd'hui, nous parlons de l'Université Laurentienne, dont les choix ont probablement été motivés par un intérêt de développement et de sauvegarde de l'institution. Selon moi, l'Université n'a pas pour objectif de promouvoir et de protéger le français. Là n'est pas son mandat. Cela devrait peut-être l'être, mais ce ne l'est pas.
    Le gouvernement fédéral a ses responsabilités et le gouvernement provincial a les siennes. Chaque organisation a des missions et des objectifs différents. Il faut comprendre que les gestionnaires des institutions tricotent pour rester en vie. Ils voient les possibilités et donnent de l'argent, mais les inscriptions des étudiants génèrent elles aussi des revenus.
    Aujourd'hui, nous parlons de l'Université Laurentienne, mais Mme Risbud, qui nous a parlé du Campus Saint-Jean, en Alberta, est venue affirmer la semaine dernière que les sommes investies par les différents gouvernements dans le milieu de l'éducation n'avaient pas augmenté depuis 20 ans.
    N'y aurait-il pas lieu de confier aux organisations comme la vôtre, qui existent aussi ailleurs au Canada, un mandat précis, soit celui d'agir un peu comme chiens de garde qui veillent à ce que les sommes versées soient bien utilisées?
     Ne serait-ce pas là une piste de solution?
(1645)
    Vous avez parlé du mandat de la Laurentian University, qui est une université bilingue.
    Or, l'élément le plus important pour nous, qui fait notamment partie de notre mandat, est de veiller à la pérennité des programmes offerts en français dans le Moyen Nord. Notre travail consiste à protéger les droits des francophones ainsi qu'à améliorer leur situation en Ontario, afin qu'ils puissent obtenir le plus de services possible en français.
    Excusez-moi, monsieur Jolin. Je comprends très bien votre mandat, mais vous n'avez pas de pouvoirs contraignants.
    Ne pourriez-vous pas être mandaté par les deux paliers de gouvernements pour être le chien de garde qui s'assure de maximiser l'utilisation des deniers publics?
    L'Université a un mandat, mais elle doit aussi survivre dans un monde de concurrence.
    Si le financement nécessaire venait avec le mandat, ce serait certainement intéressant.
    Quelle est la solution?
    Parlez-vous de la solution quant à la reddition de comptes ou quant au financement?
    Sur le plan de l'efficacité, quelle est la solution pour que nos institutions soient là pour de bon et qu'elles respectent et protègent le français, tout en en faisant la promotion?
    M. Landry a mentionné qu'il était important de mettre l'accent sur la petite enfance, mais il faut aussi le faire tout au long du processus pédagogique. C'est comme s'il y avait un laisser-aller au niveau postsecondaire.
    Quelle est la solution, monsieur Jolin?
     Le principal problème est la transparence. La solution consiste à rendre publiques les données. Ainsi, personne ne pourra altérer les chiffres. C'est le défi comme tel. Nous savons comment les universités sont administrées. Il faut que toutes les données soient disponibles, un peu comme dans le milieu des affaires où l'on présente aux actionnaires toutes les données dans le cadre d'une assemblée générale annuelle, par exemple.
    Dans le domaine de l'éducation, comme ce sont les deniers publics qui financent tout cela, les gens ont le droit d'être informés.
    Merci, messieurs Jolin et Godin.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite de nouveau la bienvenue à tous au Comité permanent des langues officielles. En effet, nous vous avons tous rencontrés au moins une fois, sinon plusieurs.
     Vous nous avez présenté de très beaux témoignages. Nous en apprenons tous les jours, même si nous pensons baigner toujours dans la persistance et le désir de faire avancer la situation de nos communautés linguistiques.
    Je rappelle ce que M. Godin a dit d'entrée de jeu. Nous menons une étude sur les mesures prises par le gouvernement fédéral pour protéger et promouvoir la langue française au Canada et au Québec. C'est ce sur quoi je voudrais mettre l'accent.
    Avant d'aborder la question de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, j'aimerais que nous parlions de maillons. En effet, il y a beaucoup de maillons à la chaîne d'événements qui nous permettent de promouvoir ces fameuses minorités linguistiques. J'espère ne pas me tromper en disant que l'éducation est l'un de ces maillons. Tout doit d'abord passer par l'éducation, qui nous permet de lire et comprendre notre langue de minoritaire.
     Je vais donner suite à ce que mon collègue M. Lefebvre a dit au sujet du nouveau recensement qui sera fait en 2021 et qui nous donnera des informations et des résultats quant aux ayants droit. Je m'adresse d'abord à M. Forgues.
     Selon vous, quelles en seront les répercussions sur le portrait géographique de nos communautés linguistiques au Canada? Cela influencera-t-il positivement ou négativement nos communautés linguistiques?
(1650)
    Nous faisons souvent des analyses pour des communautés qui ont besoin de savoir combien d'ayants droit il y a dans leur zone et leur district scolaires. Nous les réalisons à la pièce et avec des moyens limités, parce que nous n'avons pas toutes les données pour effectuer une estimation précise des populations qui répondent aux critères de l'article 23 de la Charte.
    Ce nouveau recensement nous permettra de faire une estimation à l'échelle du pays, et ce, selon les différentes zones. Nous pourrons répondre à un besoin. Cela permettra aux planificateurs, c'est-à-dire ceux qui ont à prendre des décisions, de savoir où construire, rénover ou agrandir les écoles. Ils auront vraiment un portrait juste du nombre d'ayants droit et, donc, du potentiel dans les communautés.
    Je réitère que nous procédons actuellement à la pièce et à partir de moyens et de données limités. Bien que nous soyons en mesure d'effectuer des estimations, le nombre d'ayants droit a été sous-estimé dans certains cas, et il était beaucoup plus grand que prévu. On construisait une école pour un certain nombre d'enfants d'ayants droit et on réalisait peu de temps après qu'il y en avait finalement beaucoup plus.
     Nous pourrons vraiment effectuer une meilleure planification des infrastructures scolaires pour l'ensemble du pays à partir des résultats du nouveau recensement.
    J'ai vraiment hâte de voir ces résultats. Je pense que nous les aurons en 2022.
    J'ose vous demander si vous avez une première impression de ce qu'ils seront. Est-ce qu'une expertise au Canada donne déjà un avant-goût de ce à quoi pourront ressembler les résultats du prochain recensement en ce qui a trait aux ayants droit?
    Je peux répondre à cela.
    En 2020, Statistique Canada a publié une étude à partir de ses propres questions et de son test du nouveau recensement. Il estime qu'avec l'ajout de ces nouvelles questions qui considèrent les trois critères définissant les ayants droit plutôt que seulement la langue maternelle, il y aurait 56 % de plus d'ayants droit. Dans certaines provinces, comme la Saskatchewan, il y en aurait au-delà de 80 % de plus. C'est encourageant; nous avons plus d'ayants droit.
     Toutefois, le grand défi n'est pas seulement de les dénombrer, mais d'amener les enfants à l'école. L'enquête postcensitaire de 2006 montrait que le manque d'accès aux écoles et la distance étaient souvent les raisons évoquées par les parents pour justifier le choix d'un autre établissement.
     Excusez-moi, monsieur Landry, il ne me reste qu'une minute, mais je m'adresse à vous toujours.
    Est-ce au moment où l'on aura ces vrais chiffres que l'on pourra régler ce que vous appelez la négligence de la communauté elle-même?
    Je n'appellerais pas cela de la négligence de la part de la communauté. Ce que l'on voit souvent, comme M. Forgues le disait tout à l'heure, c'est que l'on construit des écoles trop petites et que leur construction prend des années. Les parents prennent alors des décisions qui ne sont pas les meilleures.
    Au moins, on va pouvoir mieux planifier avec les nouveaux chiffres.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci, monsieur Arseneault.
    Il vous restait 10 secondes.
    Nous allons donc commencer un autre tour complet de questions. Les quatre prochaines interventions seront donc de six minutes chacune. Si certains membres veulent partager leur temps de parole avec d'autres collègues, qu'ils n'hésitent pas à me le dire.
    Je débuterai par M. Blaney.
(1655)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est extrêmement intéressant.
    Pour éclairer ma lanterne et celles des gens, on évoque beaucoup le thème de « surcomplétude ». Je ne sais pas si M. Landry ou M. Forgues pourrait nous expliquer ce concept.
    Je vais commencer, et M. Landry pourra compléter.
    Je n'ai jamais rencontré le concept de « surcomplétude » dans la littérature. Une chose est complète ou ne l'est pas.
    On peut parler d'une certaine complétude, avoir des institutions dans différents secteurs de la vie, mais quant à la « surcomplétude », je ne pourrais pas vraiment me prononcer là-dessus.
    Monsieur Landry, je vous écoute.
    Ce n'est pas un concept que j'ai entendu non plus. En milieu minoritaire, il est très rare d'avoir une « surcomplétude », c'est plutôt l'inverse.
    Je ne suis pas assez érudit pour définir ce mot-là.
    Je me tourne vers M. Jolin.
    Monsieur Jolin, vous nous avez dit qu'il y avait des pistes de solutions pour les francophones du Nord de l'Ontario. Vous y travaillez activement, et je vous en félicite.
    Je vais passer en rafale les recommandations, et puis je vous laisserai la parole.
    Vous avez mentionné qu'il était important d'avoir une reddition de comptes. Il a été question de cela. Vous souhaitez que les fonds soient redirigés vers l'Université de Sudbury et qu'on y transfère des programmes en français de l'Université Laurentienne.
    Pouvez-vous nous parler de la mécanique de cela? Je sais que le Comité va y revenir, mais cela semble évoluer. J'aimerais que vous me parliez de ce volet parce que l'on comprend, comme vous le dites, que les ponts sont coupés avec la Laurentian University. On va les avoir, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.
    Des transferts de ce type ont déjà été faits, par le passé. Je vous donne l'exemple de l'arrivée de la Cité collégiale à Ottawa. Le Collège Algonquin avait toute une programmation en français, qui a été transférée à la Cité collégiale.
    Je pense que l'on peut se baser sur ce genre de modèle pour réussir à justement transférer les cours en français à l'Université de Sudbury. Évidemment, nous aurons besoin de l'aide des deux paliers gouvernementaux pour faire cette transition. Je ne parle pas seulement des coûts, mais du personnel enseignant et des infrastructures parce qu'elles sont extrêmement importantes. Il y a des infrastructures déjà en place, dont certaines ont été réalisées grâce à l'argent de la communauté francophone.
    Souhaitez-vous que cette transition soit faite pour la prochaine rentrée scolaire, soit celle de septembre 2021? Est-ce réaliste? Avez-vous un échéancier?
    Nous avons demandé au gouvernement provincial un moratoire d'un an pour nous donner le temps de faire les choses de la bonne façon.
    C'est parfait.
    Ma dernière question s'adresse à tout le monde.
    On parle beaucoup d'institutions.
    Monsieur Landry, vous êtes Québécois et vous habitez au Québec. Dans la province, nous pouvons compter sur l'État, qui est notre institution phare. C'est bien différent dans le cas des francophones en situation minoritaire, et on réalise toute l'importance de leurs institutions francophones, comme les écoles et les universités.
    J'aimerais vous entendre sur l'importance des institutions en situation minoritaire et sur la façon dont la nouvelle mouture de la Loi, en élargissant certaines définitions, par exemple, pourra contribuer à cette vitalité.
    Je termine là-dessus, mais si je comprends bien, il faut vraiment une vision asymétrique des langues officielles aux endroits où le français, au Québec ou ailleurs, a un statut de langue « dominée » — je sais que le mot est fort — par rapport à l'anglais.
    J'aimerais élargir la discussion pour recueillir vos commentaires.
     Au sujet de l'asymétrie, si on analyse bien la situation relative à la vitalité linguistique des communautés et des gens, il n'y a pas nécessairement d'asymétrie. On donne à chacun ce dont il a besoin.
    Pour ce qui est des institutions, je distingue deux grands types. Il y a ce que j'appelle les institutions de la solidarité, celles qui nourrissent l'identité des personnes. Je pense aux centres de la petite enfance, aux garderies, aux écoles, aux établissements postsecondaires, aux médias et, dans certains cas, aux milieux de travail. Ce ne sont pas seulement des institutions, mais des milieux de vie. C'est en vivant dans sa langue qu'on développe son identité.
    Le deuxième type d'institutions est ce que j'appelle les institutions de statut. Par exemple, je pense aux services de santé, qui nous mettent sur la place publique. Ce ne sont pas des endroits où l'on se socialise dans sa langue, mais qui font savoir que, là, on a accès à des services dans sa langue. Cela nourrit la vitalité subjective, qui revêt quand même une certaine importance. Pour utiliser une langue, il ne faut pas seulement s'identifier au groupe, mais aussi croire que sa langue vaut la peine d'être parlée. Ça, c'est la vitalité subjective. Quant à l'identité, il y a différentes façons de l'acquérir.
(1700)
    C'est parfait, je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous allons donc passer à Mme Martinez Ferrada pour les six prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous ce soir. J'ai trouvé leurs témoignages vraiment fascinants. Ils ont dit des choses intéressantes que nous allons garder à l'esprit.
    J'aimerais vous entendre parler d'immigration, car vous en avez peu parlé. Je pense qu'il serait important d'aborder ce sujet. Nous avons déjà entendu des témoins pour qui l'immigration est l'un des facteurs déterminants de la vitalité de la langue française. Selon eux, l'immigration est le moteur de croissance de la population. Or la langue maternelle de la grande majorité des immigrants n'est ni le français ni l'anglais.
    Quelles stratégies d'immigration nous suggéreriez-vous pour soutenir le poids démographique partout au pays?
    Quelles tendances voyez-vous concernant l'intégration ou l'inclusion de l'immigration francophone d'un bout à l'autre du pays?
     Qui veut répondre le premier?
    Je peux dire quelques mots. En revanche, je ne suis pas spécialiste en immigration.
    Si les familles n'ont plus un nombre suffisant d'enfants pour garder la population stable ou la faire croître, l'immigration entre en jeu. Aussi, je trouve que l'on a tendance à se donner des cibles. Par exemple, dans le livre blanc, j'ai vu qu'on parle de viser 4 % en ce qui concerne la population francophone. Quand on vise 4 %, mais que ça devient très compliqué, on finit par obtenir 2,5 ou 3 %.
    Je pense qu'ici, on devrait imiter la Ligue nationale de hockey. Quand une équipe perd tout le temps, c'est elle qui a les premiers choix au repêchage. Cela lui permet de s'améliorer. En d'autres mots, pour garder l'égalité, on ne donne pas les premiers choix à l'équipe qui a gagné la coupe Stanley, on les donne aux équipes au bas de l'échelle. Ce devrait être la même chose pour l'immigration.
    Il y a toutes sortes de chiffres sur le nombre de francophones, et on sait que ceux qui parlent uniquement français ont tendance à aller au Québec. Ils ne restent pas hors Québec. Alors, quand c'est difficile de recruter des immigrants, je trouve qu'il faudrait penser à viser plus haut en ce qui concerne les minorités, pour que celles-ci reçoivent leur part du gâteau.
    Je vous remercie, monsieur Landry.
    Les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont des réseaux importants pour l'intégration de l'immigration.
    Voulez-vous ajouter des commentaires, monsieur Jolin ou monsieur Hominuk, concernant l'intégration de l'immigration dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire?
    Par l'entremise de la Fédération des communautés francophones et acadienne, beaucoup de travail se fait sur le plan de l'immigration et de l'accueil des nouveaux immigrants dans nos communautés. Il y a un peu plus d'un an, l'Initiative des communautés francophones accueillantes a été mise sur pied. Il faut cependant donner le temps au programme de bien s'implanter. J'en entends des échos très positifs, du fait qu'il y a toute une structure en place pour aider les gens.
    On sait qu'une grande partie de l'immigration francophone qui vient en Ontario s'installe principalement dans la région de Toronto. Là, plusieurs organisations favorisent l'accueil, et cet accueil se fait dès l'arrivée des immigrants à l'aéroport. Cela fera deux ans au mois de novembre que l'Aéroport international Pearson de Toronto dispose d'un kiosque qui, pour faciliter l'intégration et faire connaître le milieu francophone, accueille les gens et les dirige vers les communautés. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.
     Croyez-vous que le gouvernement pourrait en faire davantage quant à ces structures d'accueil et d'intégration dans les communautés qui veulent avoir une vitalité linguistique francophone forte et où l'immigration devient un outil pertinent?
    En fait, pourrions-nous en faire plus en matière d'intégration?
(1705)
    Il est certain que nous pourrions toujours en faire plus. Nous avons parlé du programme des trois communautés accueillantes en Ontario, qui est un premier pas. Nous pourrions étendre ce type de programme à d'autres villes. Le succès de cette initiative se fait connaître un peu partout sur la planète, ce qui peut nous amener encore plus d'immigrants, car ils savent qu'ils seront bien accueillis et que nous travaillerons à les intégrer et à les faire participer à la vie active de la communauté.
    Dans ces villes dont vous parlez, l'objectif en matière d'immigration est-il lié seulement à l'accueil de francophones ou aussi aux besoins économiques des villes? Comment pourriez-vous le décrire?
    Je ne me rappelle pas comment les villes de Hamilton, de Sudbury et de Hawkesbury ont été choisies, puisque ce sont d'elles qu'il s'agit. Ce ne sont pas des villes comptant des millions d'habitants. Je pense que l'un des objectifs visait à permettre aux immigrants de connaître autre chose que la région de Toronto.
    Croyez-vous alors que des programmes d'intégration d'immigrants francophones pourraient favoriser l'économie de certaines régions, par exemple dans l'industrie du tourisme, si on y augmentait le nombre d'immigrants francophones?
    Ce serait sûrement intéressant. Il y a d'autres situations, par exemple sur le plan économique, où il y a des besoins. C'est toute l'infrastructure qui serait avantagée par de tels programmes.
    Merci, monsieur Jolin et madame Martinez Ferrada.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Beaulieu pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    D'une part, monsieur Landry, vous avez bien saisi le concept de « surcomplétude », qui s'explique par un financement à outrance. M. Frédéric Lacroix a défini cela comme une surabondance de services, par exemple, en santé ou en éducation postsecondaire, en anglais, au Québec.
    Vous avez dit qu'il n'y avait pas de « surcomplétude » pour les minorités linguistiques, mais ce n'est pas le cas pour les anglophones du Québec. Par exemple, 45 % des emplois dans le domaine de la santé, à Montréal, se retrouvent dans le réseau anglophone, alors que les anglophones représentent environ 17 % de la population montréalaise. C'est quand même très intéressant.
    D'autre part, que pensez-vous de la politique linguistique du Québec, qui est basée sur le concept de langue commune?
    Comme vous l'avez décrit tantôt, il est très clair que l'anglais sera la langue commune des nouveaux arrivants qui s'installent ailleurs qu'au Québec, puisqu'ils ne pourront pas fonctionner s'ils ne parlent pas anglais.
    En fait, 99 % des transferts linguistiques des allophones se font vers l'anglais dans le reste du Canada et 40 % des francophones de langue maternelle française utilisent principalement l'anglais à la maison. Je pense donc que c'est vraiment sur ce plan que nous devrions agir.
    Il y a eu une augmentation des transferts linguistiques vers le français grâce à la sélection d'immigrants « francotropes ». Cependant, si on réussissait à faire du français la langue commune à Montréal, on réussirait probablement à contrer le déclin du français.
    Croyez-vous que, si nous faisions en sorte que le français devienne la langue commune dans les régions autres que le Québec qui comptent une masse critique de francophones, du moins dans les institutions fédérales, cela pourrait être une partie de la solution?
    En dehors du Québec, je pense qu'il serait difficile de légiférer à propos de cela. La loi 101 mise en place au Québec est très reconnue mondialement. Les trois groupes linguistiques qui ont réussi le mieux à défendre leur langue minoritaire sont la population parlant l'hébreu, une langue pratiquement morte qui est devenue une langue d'État. On met ensuite sur un pied d'égalité les Catalans et les Québécois.
    Le concept de langue commune a donc beaucoup de sens pour moi. Je pense que c'est l'article 59 qui autorise le Québec à ne pas reconnaître la langue maternelle pour devenir ayant droit pour les écoles. Il suffit d'imaginer si l'on avait appliqué ce critère. Vous pouvez deviner que, à cause de l'attraction de l'anglais, il y aurait déjà bien des francophones qui préféreraient envoyer leurs enfants à l'école anglaise, parce que bien des parents ont ce que j'appelle une « naïveté sociale »: ils croient que le meilleur programme de bilinguisme est le 50-50.
    Aux États-Unis, le programme d'éducation fondé sur le principe de dual immersion est celui qui est le mieux coté en matière de bilinguisme. Les hispanophones étudient 50 % du temps dans leur propre langue et 50 % en anglais, et les anglophones font la même chose. C'est donc un très bon programme, mais, si nous essayions de l'appliquer en milieu minoritaire, ce serait un suicide collectif.
    La langue commune est un très bon concept pour le Québec, qui se protège de la sorte. On dit qu'il y a un très faible pourcentage de francophones dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Le Québec doit donc être un bastion, et il doit se défendre.
(1710)
    Dans le fond, il y a une certaine bataille. Le gouvernement du Québec essaie de faire du français la langue commune, mais le gouvernement fédéral préconise le bilinguisme institutionnel et une offre toujours plus grande de services en anglais.
    C'est pour cette raison qu'il faut faire une mise au point à un moment donné. Je pense que nous, les communautés francophones et acadienne, nous avons tout avantage à nous joindre aux Québécois. À mon avis, la Loi sur les langues officielles a eu pour effet de diviser les communautés. Lors de tous les événements sur les langues officielles, ce sont toujours les anglophones qui sont invités pour représenter le Québec.
    Dans la foulée des déclarations qui ont été faites dans le discours du Trône, je pense que nous devrions inviter les groupes de défense du français québécois à participer à ces réunions. Nous arriverons peut-être un jour à obtenir une solidarité plus forte. Je pense que le Québec a aussi un rôle important à jouer pour soutenir les communautés francophones et acadienne.
    Qu'est-ce que vous en pensez?
    J'aime le concept de « culture sociétale ». Deux grandes cultures sociétales au Canada ont donné naissance à deux langues officielles. Il s'agit simplement de constater que les francophones hors Québec ont en commun avec le Québec la même culture sociétale et, réciproquement, que les anglophones du Québec ont en commun avec les anglophones du Canada la même culture sociétale.
    C'est là que l'on peut intégrer un concept que je n'ai probablement pas le temps d'expliquer. C'est le concept « d'autonomie culturelle ». Le Nouveau-Brunswick en est peut-être le meilleur exemple avec son concept de dualité, où les institutions appartiennent aux groupes. Plus nous pourrons appliquer ce concept, mieux ce sera pour les groupes minoritaires.
    Je vous remercie beaucoup, messieurs Landry et Beaulieu.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Au cours de ma carrière antérieure, je travaillais pour un syndicat affilié à la FTQ, soit la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Dans ses programmes, la FTQ mettait beaucoup l'accent sur le respect de la langue française au travail. J'en étais bien content. Par la suite, au sein du NPD, nous avons toujours réclamé que la Charte de la langue française soit aussi appliquée, ce qui n'était pas le cas, aux entreprises soumises à la réglementation fédérale dans les secteurs des télécommunications, du transport aérien, du transport maritime, et ainsi de suite.
    Dans le document de réforme, on voit une volonté de défendre les droits linguistiques des travailleurs et des travailleuses de travailler en français et d'avoir également des communications avec leur employeur en français. C'est un pas dans la bonne direction, et c'est ce que nous réclamons depuis des années.
    Le document de réforme ouvre aussi une porte relativement aux entreprises soumises à une réglementation fédérale à l'extérieur du Québec, dans les localités ou régions où il y aurait — ce n'est pas clair encore — une forte proportion de francophones.
    Monsieur Forgues, vous avez parlé d'indicateurs la dernière fois que je vous ai posé des questions, et vous avez commencé à aborder l'importance de la langue de travail.
    Comment voyez-vous ce pas en avant que laisse entrevoir, selon moi, le document de réforme?
    Quelle est l'importance du travail pour assurer la vitalité et la survie d'une langue dans une région donnée?
(1715)
    La volonté d'harmoniser le régime linguistique fédéral avec ceux des provinces est un aspect du Livre blanc que j'ai aimé. Au Québec, par exemple, l'harmonisation pourrait se faire en incitant les institutions fédérales à se conformer à l'esprit de la loi 101. Ensuite, nous pourrions faire l'équivalent dans les autres provinces.
    Comme on peut l'observer en ce qui a trait à la langue de travail, il y a une certaine anglicisation qui se produit en milieu de travail, même au Québec. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais nous pourrions les obtenir au besoin. Je crois donc qu'une telle harmonisation des régimes linguistiques pourrait contribuer à corriger un peu la situation ou à créer des espaces francophones dans les milieux de travail.
    Le milieu de travail est un lieu d'assimilation en quelque sorte, car énormément de francophones travaillent en anglais. Ce phénomène peut avoir des répercussions sur la vitalité des communautés dans l'ensemble des collectivités.
    Nous avons moins de moyens d'action pour intervenir dans les milieux de travail, mais là où nous avons la possibilité de le faire, nous devrions le faire. Je salue donc ce genre d'initiative.
    Je vais d'abord poser une question à M. Forgues, et je m'adresserai ensuite aux deux autres témoins.
    Nous n'avons pas encore parlé du rôle de Radio-Canada à l'égard des groupes francophones en situation minoritaire. S'agit-il d'un oubli conscient? Est-ce que ce rôle aurait moins d'importance qu'auparavant, vu que l'environnement médiatique des nouvelles et de la culture a changé à cause des nouvelles technologies?
    Devons-nous encore compter largement sur les nouvelles régionales en français pour entendre parler des communautés francophones hors Québec?
    Quel est le rôle de ce diffuseur public, selon vous, monsieur Forgues?
    J'aimerais aussi avoir les commentaires de M. Landry à ce sujet.
    Je ne suis pas un expert de l'espace médiatique, mais c'est sûr que Radio-Canada y joue un rôle important. Cependant, il faut savoir que cet espace est en grande transformation à cause du virage numérique. Il faut aussi bien comprendre tout ce que suppose ce virage et la place qu'y occupe la francophonie, notamment dans les médias sociaux, qui sont en pleine transformation.
    Je crois que nous avons du rattrapage à faire sur le plan de la réflexion. Il s'agit d'ailleurs d'un aspect abordé dans le Livre blanc. On en parle et on en est conscient. La ministre Joly a fait une réflexion sur le virage numérique. C'est important pour les francophones de bien se positionner dans la gouvernance numérique d'ici.
    M. Sylvain St-Onge, un étudiant de M.  Rodrigue Landry, vient de rédiger une thèse sur la question des médias sociaux chez les jeunes. Ces derniers passent énormément de temps sur les réseaux sociaux. Il s'agit donc d'un espace de socialisation très important pour eux. Il faudrait évaluer l'incidence de ce phénomène et vérifier dans quelle langue les jeunes naviguent et communiquent sur les réseaux sociaux.
    Je vous remercie, monsieur Forgues.
    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Boulerice, mais la cloche sonne. Nous devons prendre une décision quant à savoir s'il y a consentement de tous les membres. Il nous reste une quinzaine de minutes. Nous pourrions procéder à un dernier tour, étant donné que la cloche sonne pendant 30 minutes.
    Si nous avons le consentement unanime des membres, nous pourrions laisser M. Boulerice terminer son intervention et passer aux 15 prochaines minutes. Ensuite, nous terminerons pour aller voter.
    Y a-t-il des objections à ce que nous poursuivions la séance pendant les 15 prochaines minutes? Je n'en vois pas.
    Comme il n'y a pas d'objections, nous allons continuer à entendre nos témoins.
    Monsieur Boulerice, il vous reste une minute.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Forgues, j'aimerais vous dire que j'ai des enfants et des adolescents à la maison, et je vous confirme qu'ils passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux. Ce serait bien que nous ayons un portrait d'ensemble sur le plan sociétal de l'influence de ce phénomène sur la langue d'usage.
    J'aimerais revenir à M. Landry au sujet de la langue de travail.
    Monsieur Landry, quelle est votre vision sur l'importance du français au travail?
(1720)
    C'est très important. Comme je l'ai dit tantôt, le milieu de travail n'est pas seulement une institution. C'est aussi un milieu de vie. Le milieu de travail influe sur l'identité, par exemple.
    Je n'ai pas fait beaucoup d'études en milieu de travail, mais j'ai déjà effectué une étude pour le gouvernement fédéral afin de savoir dans quelle langue les fonctionnaires voulaient recevoir leur formation. J'analysais leurs réseaux de contacts et les indicateurs liés à la vitalité linguistique des zones d'où ils venaient. C'était incroyable de constater à quel point les fonctionnaires disaient vouloir recevoir leur formation en anglais. Ils affirmaient que, puisqu'ils travaillaient presque tout le temps en anglais de toute façon, ils voulaient apprendre le vocabulaire qu'ils allaient devoir utiliser.
    On finit par dénigrer sa langue pour pouvoir mieux réussir dans la fonction publique.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Landry.
    Monsieur Williamson, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour et merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Landry, vous avez mentionné le Nouveau-Brunswick et son système de dualité.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela fonctionne au Nouveau-Brunswick et comment un tel système pourrait améliorer la situation des communautés minoritaires ailleurs au Canada?
    Selon moi, la dualité est un exemple d'autonomie culturelle. L'autonomie ne consiste pas à séparer, mais à pouvoir s'occuper de ses affaires. Le système de dualité au Nouveau-Brunswick reconnaît que les deux communautés ont une autonomie culturelle. Chacune gère ses propres établissements.
    Je ne pense pas que nous puissions nous attendre à ce qu'une population constituée de 5 % de francophones puisse vivre la même expérience de dualité que le Nouveau-Brunswick, où de 70 à 74 % de la population vit dans des régions où les francophones sont majoritaires. C'est probablement un facteur qui explique le bon fonctionnement du système au Nouveau-Brunswick.
    Pour ma part, je considère que le concept reste très bon. Il a été démontré maintes fois que les institutions bilingues ne fonctionnaient pas. Par exemple, en 1963, si l'on avait suivi le modèle bilingue de l'Université d'Ottawa lors de la création de l'Université de Moncton, cette dernière n'aurait pas pu apporter la même contribution à la vitalité de la minorité. C'est pourquoi je ne crois pas du tout à des systèmes bilingues.
    L'autonomie culturelle doit être adaptée à la vitalité de chaque communauté. Selon moi, c'est la piste de solution à privilégier.
    Je suis tout à fait d'accord.
     L'Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, est une école complètement anglophone. L'Université de Moncton fonctionne très bien aujourd'hui, car sa priorité est la langue française.
    Monsieur Forgues, avez-vous des commentaires au sujet de ce concept de dualité au Nouveau-Brunswick? Comment cela pourrait-il nous aider ailleurs au Canada?
    Mes commentaires vont dans le même sens que ceux de M. Landry.
    Plus un groupe linguistique possède ses propres établissements, mieux c'est pour la communauté. Il faut aussi se donner des espaces de vie en français. Plus il y aura de tels espaces, plus les individus auront des possibilités d'évoluer dans leur langue. Sinon, on les condamne à adopter la langue du groupe majoritaire.
    Mon expérience m'a permis de le constater aussi.
    J'ai obtenu mon baccalauréat à l'Université McGill, à Montréal, qui est un établissement d'enseignement anglophone. Juste à côté, il y a l'Université du Québec à Montréal, ou UQAM, et d'autres campus francophones. Les anglophones qui ont étudié à l'UQAM parlent un français supérieur au mien. De la même façon, les francophones qui ont fréquenté l'Université McGill sont plus bilingues aujourd'hui.
    Nous voyons comment cela fonctionne pour les deux communautés.
    Je remercie les témoins.
    Je n'ai plus de questions, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Williamson.
    Monsieur Duguid, vous avez la parole pour cinq minutes.
(1725)

[Traduction]

     Terry Duguid, la parole est à vous.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je partagerai mon temps avec M. Arseneault.
    Je remercie nos témoins.
    J'ai une question pour M. Landry.
     Monsieur Landry, je suis originaire du Manitoba, dans l'Ouest canadien. C'est intéressant, car même dans l'Ouest canadien, il existe des différences régionales en ce qui concerne le déclin du français. En Alberta et dans les territoires du Nord, le français semble prendre du poil de la bête — et très rapidement dans certains cas —, mais au Manitoba et en Saskatchewan, il est en déclin. Vous n'ignorez pas que le Manitoba compte des communautés tissées très serrées et très circonscrites géographiquement à Saint-Boniface et dans certaines régions du Sud de la province.
    Je me demande si vous pourriez traiter de la vitalité du français dans l'Ouest canadien et nous dresser un portrait de la situation. Vous pourriez peut-être utiliser votre cadre des divers acteurs, qui englobe la communauté, la famille, la société civile et le gouvernement. Si nous comprenons la nature du problème, nous pouvons espérer lui trouver une solution.
    Dans l'Ouest canadien, il existe peut-être quelques exceptions, mais de façon générale, le problème vient de la dispersion des petites communautés. Je me souviens que lorsque j'effectuais des tests en Saskatchewan, je devais voyager pendant trois jours pour soumettre sept ou huit étudiants à un test dans chaque école. La Saskatchewan illustre bien le problème de dispersion.
    Ce qui manque à cet égard pour les acteurs essentiels, les parents et la famille, c'est l'absence de proximité sociale avec les établissements et d'autres francophones. Cela représente un défi de taille à cet égard.
    L'autre facteur est la complétude institutionnelle, laquelle est également régie par les chiffres.
    Le troisième facteur est la légitimité que l'État confère à la langue. Dans le cas présent, les gouvernements pourraient se montrer plus généreux en légitimant la langue et en permettant aux communautés d'y avoir accès.
    J'ai témoigné à quelques reprises lors de procès tenus dans l'Ouest canadien. Les gouvernements construisent de petites écoles, qui manquent rapidement de places. Il y a un manque de vision. Vous vous souviendrez peut-être que la dernière poursuite intentée en Colombie-Britannique s'est rendue jusqu'en Cour suprême. La juge elle-même a indiqué que l'on n'accorde pas aux francophones ce dont ils ont besoin, mais qu'ils seront assimilés de toute façon. Il ne faudrait donc pas trop investir.
    Avec de telles attitudes, il y a des problèmes.
    Monsieur Arseneault, je vous cède la parole.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Duguid.
    J'aimerais revenir à la question que j'ai posée tantôt sur les ayants droit et le nouveau formulaire de recensement.
    Monsieur Forgues et monsieur Landry, est-ce que cette initiative du gouvernement fédéral va protéger et promouvoir les CLOSM au Canada?
    C'est une mesure qui nous donnera le portrait juste de la situation.
    Comme je le disais tantôt, ce n'est pas parce que l'on aura plus d'ayants droit que cela changera la situation. Si les enfants ne vont pas à l'école, le taux de fréquentation va même diminuer.
    Je vous remercie, monsieur Landry.
    Ma prochaine question s'adresse de nouveau à M. Landry ou à M. Forgues.
    Vous avez parlé de bases communautaires et de transmission intergénérationnelle de la langue. Quels sont les facteurs de vitalité sur lesquels doivent miser nos CLOSM? Que doivent faire les différents paliers gouvernementaux pour assurer cette base?
    Nous avons un plan d'action sur les langues officielles, mais nous n'avons aucun plan de communication avec les acteurs principaux, qui sont les parents. Lors de ma courte allocution d'ouverture, j'ai mentionné que l'un des facteurs qui contribuent à la mauvaise communication, c'est le fait que nous négligeons les acteurs principaux. Le gouvernement fédéral devrait informer les parents.
    Une recherche démontre incontestablement que, lorsque l'on met l'accent sur la langue la plus faible, les enfants deviennent d'excellents bilingues. On scolarise 80 % des enfants en français et ils réussissent aussi bien en anglais que les anglophones. Ils deviennent ainsi de meilleurs bilingues. Il importe donc d'informer les parents.
(1730)
    Merci, messieurs Landry et Arseneault.
    La sonnerie d'appel retentit toujours; il nous reste 17 minutes avant de devoir aller voter. Afin de respecter le temps, je vais accorder deux minutes à M. Beaulieu et deux minutes à M. Boulerice.
    Monsieur Beaulieu, vous avez donc la parole pour deux minutes.
    Hier, nous avons vu un reportage à Radio-Canada sur les innombrables plaintes de M. Conrad Tittley. Par ailleurs, une étude démontre que 40 % des fonctionnaires francophones ne sont pas à l'aise de travailler en français dans les régions désignées bilingues. On nous a dit que le commissaire aux langues officielles du Canada aurait plus de pouvoirs à la suite de la modernisation de la Loi.
    Alors, pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait-il pas renforcer auprès de ses propres fonctionnaires les mesures visant l'utilisation du français? Qu'est-ce qui l'empêche d'agir, alors que c'est lui, le patron?
    À mon avis, il est important de prendre toute la mesure du défi. Bien souvent, il s'agit de changer la culture organisationnelle. Lorsqu'on fait partie de groupes majoritairement anglophones, certaines dynamiques s'installent. Si nous voulons renverser ces dynamiques et installer une culture organisationnelle qui offre une place égale au français et à l'anglais, il faut prendre ce fait au sérieux et y investir des ressources et du temps.
     Je crois que nous n'avons pas encore pris toute la mesure de ce problème. Il faudra pourtant le faire, si nous voulons y investir toutes les ressources nécessaires.
    Ne faut-il pas conclure à un manque de volonté politique? La Loi sur les langues officielles existe depuis 52 ans, et nous n'avons pas encore réussi à faire en sorte que les fonctionnaires francophones du Québec se sentent à l'aise de travailler en français. Ils parlent même parfois de discrimination systémique.
    Selon moi, il faut donner un coup de barre. Le problème vient du fait que les gens peuvent travailler dans la langue de leur choix. Dans les régions à majorité francophone, le français devrait primer, sinon c'est l'anglais qui devient officiellement la langue de travail, comme le démontre la situation actuelle.
    Je vous remercie de votre intervention, monsieur Beaulieu.
    Nous n'avons plus beaucoup de temps.
    J'accorde deux minutes à M. Boulerice.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur la question de l'immigration, évoquée plus tôt par Mme Martinez Ferrada. On a parlé de l'objectif de 4 % en ce qui concerne l'immigration francophone. Depuis des années, le gouvernement du Québec sélectionne lui-même les immigrants économiques, qui forment la vaste majorité des immigrants, et peut instaurer la connaissance du français parmi ses critères de sélection. Par exemple, le fait de parler français donne des points supplémentaires aux candidats.
    Quel serait le meilleur outil pour que des provinces comme le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, par exemple, aient elles aussi la possibilité de sélectionner les immigrants en fonction de leurs connaissances linguistiques en français, afin qu'ils viennent renforcer les communautés en situation minoritaire?
    Monsieur Landry, voulez-vous répondre? Enfin, n'importe qui parmi les témoins peut répondre.
    En premier lieu, je trouve que l'immigration pose un problème que personne n'a mentionné: la possibilité d'un effet pervers. Nous savons que les immigrants vont vers les grandes villes, mais c'est là que l'assimilation est la plus forte. On ne peut pas s'attendre à ce que les immigrants qui se francisent au contact d'autres francophones soient plus résistants à l'assimilation que les francophones de souche. Il y a donc toujours un danger d'effet pervers.
    Je reviens sur l'importance de bien intégrer les immigrants. Par exemple, si on laissait plus d'immigrants s'installer dans des endroits où la francophonie est déjà relativement forte, ils contribueraient à la sauvegarde du français. Je ne dis pas qu'ils ne doivent pas aller dans les grandes villes, mais il s'agit d'une gymnastique complexe.
    Il ne vous reste que 10 secondes, monsieur Boulerice.
    Dans ce cas, je souhaite un bon vote à tous.
    Merci. Nous nous arrêterons ici.
    Messieurs les témoins, j'aimerais vous remercier d'avoir participé à l'étude que nous réalisons présentement. C'était très intéressant. Je vous rappelle aussi que vous pouvez nous faire parvenir vos mémoires par l'entremise de la greffière.
    Au nom de tous les membres du Comité et en mon propre nom, je veux remercier les représentants de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, soit M. Carol Jolin, président, M. Peter Hominuk, directeur général, et M. Bryan Michaud, analyste de politique. Je remercie également M. Éric Forgues, directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, ainsi que M. Rodrigue Landry, professeur émérite de l'Université de Moncton et ancien directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, qui a comparu à titre personnel.
    Je salue aussi le personnel du Comité, soit l'analyste, la greffière et toute l'équipe.
    Sur ce, je souhaite à mon tour un bon vote à mes collègues.
    La séance est levée.
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