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Je déclare la séance ouverte.
Je tiens tout d'abord à souligner que nous nous réunissons à Ottawa sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. Ici, à Hamilton-Est—Stoney Creek, nous avons les terres territoriales des nations Anishinabe, Haudenosaunee et Chonnonton.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 avril 2021, le Comité poursuit son étude du maintien de l'ordre dans les réserves des Premières Nations.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, je rappelle à nos invités que les participants peuvent parler et écouter dans la langue officielle de leur choix. Sur le globe au centre au bas de votre écran, vous pouvez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français. Peu importe celui que vous sélectionnez, si vous changez d'une langue à l'autre lorsque vous faites votre déclaration, vous n'avez pas besoin de changer la technologie. Vous pouvez simplement changer de langue. Lorsque vous vous exprimez, veuillez vous assurer que votre micro est activé, et veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre microphone doit être en mode sourdine.
Conformément à la motion adoptée le 9 mars 2021, je dois informer le Comité que tous les témoins ont effectué un test technique au préalable.
Nous avons avec nous aujourd'hui pour la première heure, par vidéoconférence, les témoins suivants: de la GRC, le sergent d'état-major Ryan How, chef de détachement, Meadow Lake, Saskatchewan; l'inspecteur Jeff Preston, officier responsable, Campbell River, Colombie-Britannique; l'inspecteur Dustin Rusk, officier responsable, Services des relations autochtones; et bientôt, espérons-le, Amichai Wise, l'avocat des Services juridiques, se joindra à nous.
Merci à vous tous de comparaître aujourd'hui.
Inspecteur Preston, avez-vous vos remarques liminaires sous les yeux?
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Bonjour, tout le monde. Merci de nous recevoir aujourd'hui.
Je m'appelle Jeff Preston. Je suis l'officier responsable du détachement de Campbell River sur l'île de Vancouver, en Colombie-Britannique. Je parle au nom de l'inspecteur Dustin Rusk des Services des relations autochtones de la GRC. Il éprouve des difficultés techniques, alors je vais lire sa déclaration liminaire en son nom.
J'aimerais d'abord reconnaître que je suis sur les territoires traditionnels des Premières Nations de We Wai Kai, de Wei Wai Kum et d'Homalco, ici sur la belle île de Vancouver.
La GRC a un rôle important à jouer, à l'instar d'autres organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, pour favoriser l'amélioration de la sécurité et du bien-être des communautés autochtones. C'est l'une des priorités stratégiques de la GRC.
Il est important que tous les fournisseurs de services d'application de la loi, y compris les corps policiers, soient tenus au courant de toutes les nouveautés en matière de législation concernant les questions juridiques autochtones qui sont pertinentes pour les activités d'application de la loi pour les communautés autochtones. La GRC et les autres fournisseurs de services de police travaillent en partenariat avec les ministères responsables de la sécurité et du bien-être des communautés autochtones. La GRC soutient la nécessité d'appliquer les mesures relatives à la COVID-19 dans les réserves des Premières Nations afin de maîtriser la propagation de la maladie. Elle continuera de collaborer avec les dirigeants des communautés autochtones où la GRC est le service de police compétent.
Au début de la pandémie, l'importance d'appliquer les règlements créés par les bandes concernant la COVID-19 est devenue cruciale. La réponse de la GRC a été de travailler avec les communautés autochtones, le Service des poursuites pénales du Canada — connu sous l'acronyme SPPC — et d'autres partenaires pour trouver des moyens légaux et respectueux. En vertu des articles 81 et 85 de la Loi sur les Indiens, les communautés des Premières Nations peuvent établir des règlements de bande pertinents à la pandémie de COVID-19. Plus particulièrement, l'alinéa 81(1)a) prévoit qu'un règlement de bande peut être pris pour « l'adoption de mesures relatives à la santé des habitants de la réserve et les précautions à prendre contre la propagation des maladies contagieuses et infectieuses. »
Lorsqu'une enquête est justifiée, la GRC la mène et détermine s'il existe des motifs raisonnables de porter une accusation en vertu d'un règlement administratif de la bande. En général, les règlements administratifs des bandes sont traités comme des lois fédérales qui peuvent être appliquées par la GRC, le service de police compétent ou les agents d'application des règlements administratifs des bandes. Une contravention au règlement administratif de la bande est une infraction punissable par procédure sommaire. L'infraction et les circonstances détermineront la forme appropriée de libération, de citation à comparaître, de promesse ou de sommation.
Le personnel de la GRC continue d'exercer son jugement et sa discrétion opérationnelle pour faire respecter les règlements de la bande liés à la COVID-19, conformément aux mesures législatives et constitutionnelles pertinentes ainsi qu'aux politiques nationales et divisionnaires. S'il y a des questions ou des préoccupations quant à savoir si les accusations sont justifiées ou soutenues, le personnel de la GRC peut consulter le bureau régional du SPPC pour obtenir l'opinion de la Couronne.
En ce qui concerne les règlements de bande liés à la COVID-19, les communautés des Premières Nations peuvent choisir d'envisager de conclure un protocole d'entente sur les poursuites et l'application de la loi avec le bureau régional du SPPC et les services de police locaux, souvent la GRC, pour l'application d'un règlement particulier qui s'appuie sur l'article 81 ou le paragraphe 85(1) de la Loi sur les Indiens comme autorité légale. Il existe plusieurs exemples publiés de cette approche protocolaire actuellement en vigueur dans lesquels la GRC ainsi que d'autres services de police ont été impliqués.
Un exemple clé est celui de Duncan, en Colombie-Britannique, où un protocole avec les tribus Cowichan a été signé et est entré en vigueur en janvier 2021. Ce protocole établit une procédure d'enquête par la GRC et de poursuite par le SPPC pour les infractions énoncées dans les règlements adoptés par les tribus Cowichan et appliqués précisément pour lutter contre la pandémie de COVID-19 par l'entremise des règlements. Un aspect important de ce protocole est l'option d'envisager la justice réparatrice. Avant de soumettre un rapport à la Couronne pour faire approuver les accusations, la GRC examinera si l'affaire peut être confiée au programme de justice réparatrice des tribus Cowichan.
Pendant que les communautés autochtones continuent de lutter contre la pandémie et de protéger leurs membres, la GRC continuera de travailler en collaboration avec ces communautés et d'accorder la priorité à leur sécurité.
Merci de nous recevoir aujourd'hui. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins de la GRC aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de vous joindre à nous pour que nous puissions apprendre de votre expérience et de vos connaissances dans le cadre de notre étude sur le maintien de l'ordre dans les communautés des Premières Nations. Nous avons hâte d'entendre les conseils que vous avez à nous offrir pour que nous puissions élaborer un rapport et présenter des recommandations à la Chambre des communes.
Je vais adresser mes questions au sergent d'état-major How ce matin, car nous avons des antécédents ensemble et nous nous connaissons.
Sergent d'état-major How, je pense que vous avez une occasion unique de nous donner des conseils. Si je ne me trompe pas — et corrigez-moi si j'ai tort —, vous avez grandi dans une communauté nordique entourée de nombreuses Premières Nations. Tout le temps que vous avez passé dans les forces armées, vous avez servi des communautés du Nord de la Saskatchewan, où vous avez des frontières communes entre une ville et des Premières Nations et un village et des Premières Nations. Je pense que le détachement que vous commandez maintenant dessert une petite ville, une municipalité rurale, quelques Premières Nations et une communauté métisse également.
Avec cette expérience unique et ce genre de perspective, quelles leçons pourriez-vous faire part aux membres de ce comité sur ce que vous avez appris concernant l'application réussie de la loi dans les communautés des Premières Nations qui ont des relations avec les communautés avoisinantes?
Bonjour, monsieur le président, et bonjour à tous.
C'est exact. J'ai grandi dans le Nord de la Saskatchewan. J'ai eu la chance d'être affecté ici pendant toute la durée de mon service.
Dans de nombreuses localités où j'ai travaillé, les communautés des Premières Nations sont littéralement séparées par une haie de communautés non autochtones. Une chose que j'ai apprise en traitant avec les dirigeants de ces communautés des Premières Nations, c'est qu'ils ressentent l'iniquité, qu'ils ne contrôlent pas certaines des lois et qu'ils ne demandent pas l'application des lois que les communautés non autochtones sont en mesure de promulguer en vertu de leurs propres règlements.
Dans ma situation actuelle, je gère un contrat de police municipale pour une ville, un contrat provincial pour la municipalité régionale, deux ententes communautaires tripartites, ECT, et une communauté métisse. Ce sont des communautés très uniques, avec des exigences particulières, dans une zone géographique de très petite taille.
Même nos deux Premières Nations — Waterhen et Flying Dust —, bien qu'elles ne soient qu'à 60 kilomètres de distance, sont des communautés très différentes. La possibilité pour elles d'adapter les lois et de promulguer leurs propres règlements leur cause une certaine frustration, car elles sont des communautés uniques. Flying Dust est, encore une fois, juste à côté de Meadow Lake, qui est la ville où nous faisons régner l'ordre. Il s'agit essentiellement d'une seule communauté, mais les aspects du maintien de l'ordre sont très différents, et nos jeunes membres doivent adopter des approches très différentes lorsqu'ils répondent à des appels dans les différentes communautés.
Si j'ai répondu à votre question, je vais m'arrêter là.
Je vais revenir sur certaines expériences négatives que j'ai eues.
Certains des dirigeants des Premières Nations et tous les dirigeants communautaires m'ont dit que pendant plusieurs années, ils avaient l'impression que la GRC leur disait quels étaient leurs besoins en matière de maintien de l'ordre. Inversez cela et communiquez avec les dirigeants communautaires pour qu'ils nous disent quels sont leurs besoins, car ce sont les communautés qui savent le mieux ce dont elles ont besoin.
Je pense que la plus grande leçon que j'en tire, c'est d'aborder le maintien de l'ordre dans les communautés avec humilité et ouverture sur le plan de la communication. Écoutez ce que la communauté veut. Ce que nous pouvons considérer comme étant une priorité du maintien de l'ordre en tant que détachement peut ne pas être reconnu comme étant la volonté de la communauté. Sans cette communication, nous ne comprenons pas, et il y a un clivage total. Même si la GRC s'efforce d'atteindre les objectifs qu'elle juge importants pour la communauté, il se peut qu'elle rate la cible de ce que la communauté veut.
L'humilité et la communication sont deux leçons que j'ai tirées dans toutes les communautés où j'ai travaillé.
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Comme je l'ai déjà dit, dans chaque province où la GRC fait fonction de service de police contractuel, nous devons assurer l'application de plus de 100 lois et règlements. Malheureusement, ces lois et règlements ne sont pas tous applicables dans les réserves.
Je vais vous donner un exemple. Dans ma province, le Code de la route de la Colombie-Britannique, une loi bien ordinaire, n'est pas applicable à toutes les routes situées dans les réserves. Par exemple, dans une des collectivités, cette loi est applicable à l'une des routes qui mènent à l'intérieur de la collectivité, mais dès qu'on tourne sur une autre route, sans quitter la réserve, elle n'est plus applicable. C'est très compliqué.
Pour nous, les agents, c'est notre métier; nous apprenons donc où nous pouvons et où nous ne pouvons pas appliquer la loi. Toutefois, c'est très difficile à expliquer à la population générale, et cette réalité nourrit la méfiance. Lorsqu'un membre de la collectivité nous appelle pour signaler que telle personne conduit alors qu'elle n'en a pas le droit, nous devons lui dire: « En fait, cette route est hors de la portée de la loi; pouvez-vous nous appeler quand la personne sera sur une autre route, s'il vous plaît? »
Je le répète, c'est très difficile à expliquer à la population générale, et cette réalité alimente la méfiance et mine la confiance de la collectivité envers son service de police.
En ce qui concerne les règlements administratifs des bandes, c'est encore plus compliqué à cause de tous les facteurs dont nous avons déjà parlé, comme tout ce que le chef et le conseil doivent faire pour les rédiger et les promulguer. C'est un processus très coûteux parce qu'il faut travailler avec des avocats. Puis vient la question de l'application: qui appliquera le règlement, et s'il est appliqué, quel mécanisme sera utilisé en cas de contestation? Si quelqu'un conteste l'accusation portée contre lui, qui instruira l'affaire? Qui sera le procureur et qui sera le juge?
C'est très compliqué, et nombre de collectivités n'ont pas la capacité de gérer pareille affaire.
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Je ne sais pas si le sergent d'état-major How veut donner une réponse, mais je peux dire quelques mots.
Nous offrons de la formation, mais l'un des facteurs les plus importants, comme je l'ai déjà dit, ce sont les relations individuelles. Oui, nous nous faisons transférer d'un endroit à l'autre; c'est la nature de notre travail. Nous espérons que la confiance est là et qu'au départ d'un agent en qui la collectivité a confiance, la personne qui le remplace puisse miser sur la relation déjà établie, sans devoir repartir à zéro.
Lorsque la relation est rompue, comme c'est arrivé dans le passé à cause de l'application de lois impopulaires ou injustes telles que les mesures sur les pensionnats indiens, il faut beaucoup de temps pour la rétablir. Nous espérons que les gens ne s'arrêteront plus à l'uniforme, mais qu'ils verront plutôt la personne qui le porte. Nous voulons qu'ils sachent qu'ils peuvent faire confiance à cette personne et qu'ils tournent la page sur les mauvaises expériences qu'ils ont vécues dans le passé et qu'ils associent à cet uniforme.
En ce qui concerne la manière de régler le problème des transferts, je ne saurais vous le dire.
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Je vous remercie pour la question.
Je travaille pour la police depuis 25 ans, et dans chacun des détachements où j'ai servi, j'ai eu le privilège de travailler avec des collectivités des Premières Nations, certaines ayant conclu des traités, d'autres non. J'ai donc eu l'occasion de travailler avec des Premières Nations à la mise en œuvre de règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens. J'aimerais pouvoir dire que ces expériences ont été agréables, mais ce serait faux. Nous nous sommes heurtés à de nombreux écueils.
À titre d'exemple, j'ai travaillé sur un règlement administratif sur l'alcool avec une nation de la côte Ouest. L'alcoolisme est un problème de longue date pour cette nation, et elle voulait éliminer l'alcool au sein de la collectivité. J'ai été là pendant trois ans. Il a fallu plus de trois ans juste pour en arriver au point où le règlement pouvait être mis aux voix.
L'une des embûches était que la collectivité n'avait pas les compétences juridiques requises pour rédiger le règlement. Par conséquent, elle a dû avoir recours à des services juridiques extérieurs, ce qui était très coûteux pour une collectivité ayant peu d'argent. Par la suite, elle n'avait pas non plus les ressources nécessaires pour mettre en place un mécanisme à utiliser en cas de contestation.
Au bout du compte, même si le règlement administratif a été adopté, il est devenu inapplicable. Pour que la police puisse appliquer un règlement, il doit y avoir un mécanisme permettant aux gens de contester. Sans cela, tout s'écroule. Par ailleurs, je présume que la collectivité n'avait pas le soutien du Service des poursuites pénales du Canada pour intenter des poursuites en vertu du règlement.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais reprendre un des sujets abordés par Mme Damoff: les poursuites. C'est un thème récurrent dans les témoignages. Je vais m'adresser d'abord au sergent d'état-major How parce que nous avons déjà eu des discussions à ce sujet.
La semaine dernière, des représentants du ministère nous ont aussi parlé de difficultés liées aux poursuites. En écoutant leur témoignage — je pense que c'était jeudi dernier, sauf erreur —, j'ai immédiatement écrit les mots « grand bourbier juridictionnel ». C'était ma réaction à leur témoignage. Je ne jette le blâme sur personne; ce n'est pas mon but.
Sergent d'état-major How, pouvez-vous nous faire part des difficultés et des obstacles que vous avez rencontrés en exerçant vos fonctions d'application de la loi dans les réserves et hors réserve, ainsi que des difficultés et des obstacles liés aux poursuites dans les réserves et les autres petites collectivités du Nord de la Saskatchewan?
Je pense que je peux remonter à la période antérieure à 2014, lorsque je vivais encore plus au nord, dans une Première Nation, et que nous étions en mesure d'appliquer les règlements administratifs en vertu de la Loi sur les Indiens. La Première Nation en était très satisfaite. C'était une réserve sans alcool. Nous pouvions faire le maximum pour empêcher qu'il y ait de l'alcool au sein de la Première Nation, ce qui, bien sûr, entraîne la réduction des infractions graves.
Après 2014, nous n'avons plus été en mesure d'appliquer les règlements, et cela a provoqué une friction immédiate avec l'ensemble de la police, alors perçue comme celle qui avait soudainement cessé de le faire. C'était perçu comme notre décision. Le pauvre agent subalterne qui sortait à trois heures du matin et à qui l'on demandait d'appliquer un règlement de la bande devait subir les foudres et les critiques à cause des décisions prises bien au-dessus de lui. Il devait subir la frustration de la communauté qui lui demandait pourquoi il ne pouvait pas régler le problème alors que c'était ce que la communauté voulait.
Dans d'autres postes que j'ai occupés, ce qu'on voulait le plus souvent savoir, c'était ce qu'il fallait faire pour obtenir que la police puisse faire respecter les règlements. Mon message à la Première Nation était: la GRC est avec vous. Nous vous soutenons et nous voulons que cela se produise, mais nous ne pouvons pas le faire sans qu'il y ait des poursuites.
Nous offrons tout le soutien possible à cette fin — tout ce qui est dans nos cordes —, mais c'est assurément une source de frustration et de friction, malheureusement, entre la police, qui est perçue comme étant responsable de la situation, et les communautés.
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Je vais commencer par réitérer ce que plusieurs de mes collègues du ministère de la Justice ont dit jeudi, à savoir que le problème est de trouver des moyens efficaces d'appliquer les règlements administratifs des bandes et d'engager des poursuites à leur égard. Comme votre question porte un peu plus sur les poursuites, je vais éviter d'en parler et laisser mes collègues du SPPC s'en charger. Cependant, ce que je peux dire, c'est que ce qui relève de la discrétion opérationnelle des membres de la GRC en matière d'application des règlements de la bande est important. Leur mandat de préserver la paix et d'enquêter sur les crimes est primordial.
En ce qui concerne la déclaration du témoin précédent voulant qu'il y ait eu des problèmes en 2014, les règlements pris ne faisaient pas l'objet d'un examen obligatoire de la part de Services aux Autochtones Canada à ce moment-là. Vous aviez alors des règlements qui ne répondaient peut-être pas aux critères constitutionnels ou qui présentaient d'autres problèmes, ce qui a amené la GRC, dans le cadre de son processus décisionnel, à choisir de les appliquer ou non, et la situation a pris de l'ampleur.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est très compliqué. Vous entendez cela depuis quelques jours maintenant, mais encore une fois, en ce qui concerne les poursuites, il existe un bourbier entre les procureurs généraux provinciaux et le procureur général fédéral, en matière de compétence. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais c'est certainement un problème qui nécessite une réponse pangouvernementale.
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Il faudrait que je demande à notre quartier général de fournir de l'information sur la formation qui se donne actuellement à la Division Dépôt, car ma formation remonte à 25 ans.
Cependant, nous avons une formation en ligne. Je sais qu'à l'échelle nationale, chaque agent doit suivre un cours en ligne sur les Premières Nations. J'aimerais que les membres, lorsqu'ils arrivent dans la communauté, rencontrent les aînés pour apprendre les coutumes locales, ainsi que le chef et le conseil, afin que les nouveaux agents comprennent les problèmes qui existent dans la réserve.
Nous avons une trousse d'orientation, dans mon détachement. Nous donnons cette trousse à tous les nouveaux membres, et elle comporte l'histoire fournie par chacune des communautés. Donc, nous avons quelque chose, mais je pense qu'on pourrait en faire davantage dans ce sens.
Sergent d'état-major How, je ne sais pas exactement ce que vous avez dans votre détachement.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre sur la lancée des relations et de la communication. Il est évident que c'est ma dernière occasion d'intervenir aujourd'hui et je veux terminer sur une note relativement positive.
Sergent d'état-major How, je sais que vous pouvez relater des interventions très positives de votre part personnellement, ainsi que de la part de vos membres, dont vous êtes le leader. À l'époque où vous étiez commandant de Meadow Lake, alors que j'étais maire, vous avez lancé une stratégie de communication pour raconter les bons coups de la GRC dans notre collectivité, de sorte qu'on ne parle pas toujours que des aspects négatifs. Il n'était pas toujours question de l'application de la loi.
Je veux vous donner l'occasion de relater deux ou trois de ces histoires positives et de parler des effets de ces bons coups qui pourraient inspirer ceux qui assurent le maintien de l'ordre dans les communautés des Premières Nations, qu'elles soient voisines de collectivités non autochtones ou qu'elles se trouvent en régions éloignées ou nordiques.
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Je vous remercie de la question.
J'ai lu le témoignage que le chef Blake, de la nation Tsuut'ina, a prononcé la semaine dernière. Il a dit que le maintien de l'ordre n'était qu'une infime partie de notre travail, et je suis tout à fait d'accord. Il y a beaucoup de justice réparatrice dans les coulisses. Les gestes peuvent être aussi simples que ce que M. Vidal disait.
Il y a quelques années, nous avions un membre de la GRC originaire du Québec qui a été envoyé dans une Première Nation du Nord de la Saskatchewan. C'était une première pour lui. Il a assisté à un pow-wow, et dès qu'il a entendu le tambour, il s'est mis à danser à sa façon. Vous l'avez peut-être vu; c'était aux nouvelles nationales. Nous avions un agent de la GRC qui dansait. Le fait qu'il se soit laissé aller et qu'il ait oublié son image professionnelle a conquis la communauté. Je suppose qu'il s'est évadé trois ou quatre minutes. C'est le genre de choses qui passent sous le radar et qui vont plus loin que le maintien de l'ordre.
Lorsque j'étais à Loon Lake, nous étions aux prises avec un gang extrêmement violent qui terrorisait tout ce côté de la province en utilisant la couleur rouge pour intimider et effrayer les gens. J'étais vraiment frustré, car les enfants ne pouvaient même pas se rendre à l'école à pied. Ils étaient terrifiés parce que ces gangs couraient toujours et possédaient des armes à feu.
Un de mes jeunes agents a fait une remarque sur la couleur rouge. Il a dit que nous étions les premiers à porter du rouge, en souvenir de nos tuniques de cette teinte. Nous avons rencontré les dirigeants locaux, qui nous ont informés que le rouge est aussi une couleur traditionnelle très importante chez les Premières Nations. Nous avons dit: « Il faut se la réapproprier. » Encore une fois, cette initiative n'a rien à voir avec le maintien de l'ordre. Il faut sortir des sentiers battus et établir des relations.
Nous avons eu l'idée de mobiliser les citoyens pour qu'ils paradent vêtus de rouge afin de dire aux gangs: « Ça suffit ». C'était notre communauté. Nous avons réuni ce jour-là plus de 350 personnes pour marcher dans la ville. Nous avons été très impressionnés par les gens, qui étaient prêts à se rallier à nous, tout comme nous étions prêts à faire front commun avec eux. Cette démarche a eu beaucoup plus d'effet que n'importe quelle forme de maintien de l'ordre.
Je tiens à rappeler qu'il y a des relations à établir et des centaines de milliers de contacts positifs qui ne sont pas remarqués chaque jour entre la police et toutes les communautés, en particulier les Premières Nations.
Je remercie M. Vidal d'avoir posé sa question et de m'avoir permis de dire que, malgré les obstacles législatifs, un excellent travail est réalisé.
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Je vous remercie de me donner cette occasion.
Comme l'a dit le sergent d'état-major How, nous avons chaque jour ou chaque année des centaines de milliers d'interactions avec le grand public. Or, les seules choses qui semblent être médiatisées sont une ou deux histoires qui tournent mal.
Il y a une foule de belles histoires qui sont racontées à l'échelle de la province. Je peux parler du caporal Chris Voller, qui a travaillé à l'extrémité nord de l'île, tout près de mon détachement. Je sais que Mme Blaney est au courant. Il n'a ménagé aucun effort auprès de la collectivité de Port Hardy. Il a été profondément initié au milieu, et on lui a même donné un nom des Premières Nations. Il était aimé de tous parce qu'il faisait vraiment partie du milieu.
Son départ a malheureusement laissé un vide, mais il est maintenant à l'île Quadra, où il travaille avec les Premières Nations We Wai Kai. Il est bien parti, et il tente d'effectuer un travail de réconciliation au sein de cette communauté.
Je pourrais continuer longtemps. J'ai un agent ici qui, lorsqu'il neige — nous n'avons pas beaucoup de neige sur l'île de Vancouver, ce qui est formidable —, prend sa propre souffleuse à neige pour dégager l'entrée des aînés. Ce sont des gestes semblables qui changent la donne.
Au sujet de la réconciliation, nous avons récemment fait venir tous les commandants de détachement de l'île pour un atelier sur les villages. Si vous n'êtes pas au courant, il s'agit d'un atelier organisé ici par un enseignant de l'université pour décrire les répercussions que les pensionnats indiens ont eues sur les Premières Nations. L'objectif était que ces commandants transmettent ensuite ces connaissances à leurs détachements et à chaque agent, voire qu'ils fassent venir l'enseignant au sein du détachement pour que celui-ci porte ces enseignements.
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Je vous remercie de la question.
Peu importe qui paie — ce que nous appelons un interclassement — ou finance le poste, le rôle et la responsabilité de chaque agent consistent à faire respecter les diverses lois, peu importe si les fonds proviennent du pays, de la province ou de la municipalité. L'agent est là pour appliquer les lois et les règlements qui sont en vigueur et applicables. La population exprime sa frustration lorsqu'elle croit que la police n'applique pas une loi en vigueur.
Je reviens à mon exemple de la Motor Vehicle Act. Ce n'est pas que nous ne voulons pas l'appliquer, mais selon la jurisprudence, la loi ne s'applique pas à ces routes précises. Il est très difficile d'expliquer la situation au grand public si les agents eux-mêmes ont déjà du mal à s'y retrouver.
En résumé, peu importe qui finance le poste, le travail de l'agent consiste à faire respecter les différents règlements.
[Français]
Bonjour.
[Traduction]
Bonjour à tous.
Je vous parle à partir du territoire visé par le Traité no 8, dans le Nord-Ouest de l'Alberta. J'aimerais vous raconter brièvement mon histoire et celle de notre service de police.
Je suis sur le point d'entamer ma 43e année de service. Je suis là depuis longtemps et j'ai été témoin de beaucoup de choses.
Notre service de police entre dans sa 13e année d'activité. J'ai passé les 30 premières années de ma carrière au sein de la GRC. Je suis parti pour devenir le premier chef de police du Service de police régional de Lakeshore et pour bâtir l'organisation à partir de rien.
Je suis très fier des hommes et des femmes qui travaillent ici. Je suis également très fier des collectivités qui ont soutenu les services de police des Premières Nations.
Les enjeux dont je veux parler aujourd'hui se rapportent au maintien de l'ordre, mais dans le cadre des services de police autogérés des Premières Nations. Nous sommes sur le point de réaliser des progrès dans ce domaine, qui a été négligé pendant des années. Toutes les possibilités n'ont pas été entièrement explorées.
Puisque l'Alberta a adopté le projet de loi 38 l'année dernière et reconnaît les services de police autogérés des Premières Nations dans la province, nous sommes sur un pied d'égalité avec tous les services de police de l'Alberta, y compris ceux des municipalités et la GRC. Ces dispositions législatives nous ont assuré 48 % de la reconnaissance dont nous avions besoin. Il nous faut les 52 % restants pour être reconnus comme un service essentiel et un véritable service de police. L'initiative doit venir du gouvernement fédéral, qui est notre partenaire à 52 % dans les services de police autogérés des Premières Nations. Nous entendons dire que le dossier progresse, mais c'est malheureusement ainsi depuis un bon moment.
Je vais notamment vous raconter aujourd'hui des histoires qui illustrent la méfiance et le manque de confiance au sein des Premières Nations sur le fait que les choses bougent vraiment.
Permettez-moi de vous relater des faits qui remontent à six ans. Le a convoqué tous les responsables des services de police des Premières Nations au pays. La réunion s'est tenue en Alberta. Il y avait des représentants de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Le ministre s'est levé et a pris la parole pendant 45 à 50 minutes. Dans son discours, il a dit au moins cinq fois: « Je suis ici pour vous écouter et entendre ce dont vous avez besoin. » Il a fini de parler, puis il est sorti de la salle. J'étais assis à côté d'un aîné, qui m'a regardé et a dit: « Je me demande s'il peut nous entendre de là-bas. »
C'est le genre de chose qui suscite la méfiance. Malheureusement, ce manque de confiance englobe les services de police. Je peux vous dire qu'il nous a fallu 12 ans pour établir la confiance, et nous sommes en quelque sorte victimes de notre propre réussite.
Nos appels de service ont augmenté — nous avons la conviction que lorsqu'une personne appelle, quelqu'un doit venir —, de sorte que nous avons plus de dossiers que d'agents pour s'en occuper. Nous manquons actuellement de ressources. Je ne dors pas la nuit, car avec les ressources de notre service de police, j'ai généralement un seul policier en poste.
Pour que tout le monde comprenne bien, notre région compte cinq Premières Nations distinctes et mesure au total plus de 160 kilomètres d'un bout à l'autre. Si un seul policier est en poste, je lui demande de décider à quel appel de première priorité il devra répondre d'abord. Va-t-il s'occuper d'un cas de santé mentale où une personne est en possession d'armes, ou d'une querelle en milieu familial où une personne est blessée? Que fait un agent lorsqu'il est seul en poste? Il ne peut pas se diviser en deux. Ce sont les problèmes que nous rencontrons sur le terrain.
L'autre histoire que je vais vous raconter me hante encore à ce jour. Étant donné que nous n'avons pas assez de ressources pour assurer des services de police jour et nuit, il y a quatre à cinq heures par jour où personne ne travaille réellement, même si les agents sont de garde. À 3 h 30 d'un matin de février en plein blizzard, nous avons reçu un appel pour une agression au couteau dans une de nos nations. Notre agent a été appelé. Il a dégelé son véhicule, a pris la route et a roulé dans le blizzard. Pendant ce temps, l'ambulance avait été appelée.
L'ambulance est en fonction 24 heures sur 24. Elle est arrivée sur les lieux. La victime était à l'intérieur et saignait abondamment, tandis que la famille était à l'extérieur à supplier les ambulanciers d'entrer pour soigner leur fils. Cependant, les services d'ambulance ont une politique selon laquelle les ambulanciers ne peuvent pas se rendre dans des situations dangereuses sans la présence de la police. Il en a résulté un homicide.
Ce ne sont pas des choses que je peux justifier à ma collectivité, à mes aînés ou à ces familles.
Dans ces domaines, les services de police des Premières Nations sont allés bien au-delà de leur mandat initial, qui consiste à offrir des services de police de base et d'intervention. Nous avons les agents formés, la capacité et la confiance de la communauté pour fournir tous les services qui sont requis là-bas.
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Bonjour, monsieur le président et chers membres du Comité.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité aujourd'hui.
Je suis la capitaine Marie-Hélène Guay, responsable du Service des relations avec les municipalités et les communautés autochtones, à la Sûreté du Québec.
Je vais vous présenter la desserte policière en milieu autochtone qu'offre la Sûreté du Québec. Je vous parlerai aussi de nos bonnes pratiques.
Il y a 55 communautés autochtones au Québec, et 44 de ces communautés autochtones sont desservies par les 22 corps de police autochtones. La Sûreté du Québec, quant à elle, offre ses services à 11 communautés autochtones. Les communautés autochtones bénéficient des mêmes services que les autres municipalités et les autres collectivités desservies par la Sûreté du Québec. La desserte des communautés autochtones est basée sur les fondements de la police de proximité.
Il est à noter que sept communautés bénéficient chacune de la présence d'un comité de sécurité publique. Ces comités permettent notamment de repérer les enjeux et de déterminer les priorités d'action en matière de sécurité publique. Ils font également des recommandations aux conseils de bande des communautés.
À titre de police nationale, la Sûreté du Québec a un rôle à jouer au sein des communautés qui disposent de leurs propres corps de police. Ce rôle consiste essentiellement à aider les corps de police autochtones de plusieurs façons, tant sur le plan opérationnel, que sur le plan des enquêtes, des services spécialisés et des accompagnements administratifs ou des accompagnements en gestion.
En moyenne, la Sûreté du Québec reçoit plus de 500 demandes d'assistance par année. Il est à noter que la Sûreté du Québec et les corps de police autochtones collaborent régulièrement aux différents dossiers opérationnels qui sont en cours sur le plan de la sécurité routière, des enquêtes, du renseignement et des activités de surveillance.
Pour ce qui est du partage des responsabilités au sein de la Sûreté du Québec, la coordination stratégique et les liens de partenariat relèvent de la Division des relations avec les communautés autochtones. La Division est composée de 12 agents de liaison autochtone, qui sont déployés sur l'ensemble du territoire du Québec et qui sont répartis par Nations. Certains de ces agents de liaison autochtone travaillent également en milieu urbain. Le rôle des agents de liaison autochtone est de développer et de maintenir des liens avec les membres élus et non élus des communautés, de relever les besoins des communautés en matière de sécurité publique et d'y répondre par des solutions ou des programmes adaptés, de conseiller les gestionnaires de la Sûreté du Québec et d'orienter leurs actions en milieu autochtone et, bien sûr, d'agir comme facilitateurs dans le cadre d'évènements ou d'opérations.
La coordination opérationnelle relève d'une autre direction, soit la Direction des mesures d'urgence. Ce type de coordination a lieu lors du déploiement d'opérations spéciales, de situations ou de conflits, et dans le cadre de l'aide fournie aux corps de police autochtones.
Il est important de préciser que les services policiers offerts aux 11 communautés autochtones sont assurés par les postes de police locaux.
Je vais maintenant vous parler des services offerts aux Autochtones hors communauté. Vous savez que, dans l'optique de la sécurisation culturelle, plusieurs villes ont une forte présence autochtone, et nombre d'entre elles sont desservies par la Sûreté du Québec. Ces villes bénéficient des services d'agents de liaison autochtone en milieu urbain qui, avec d'autres membres de la Sûreté du Québec, collaborent de façon régulière avec les centres d'amitié autochtones de ces villes. La Sûreté siège également aux Tables locales d'accessibilité aux services en milieu urbain pour les Autochtones.
Nous sommes également en train de créer des équipes mixtes appelées ÉMIPIC, ou équipes mixtes d'interventions composées de policiers et d'intervenants communautaires. Deux de ces équipes sont déjà implantées sur notre territoire.
Dans les trois prochaines années, nous prévoyons également constituer quatre autres équipes. La mise en place de ces équipes composées de policiers et d'intervenants communautaires constitue une avenue de choix lorsqu'il est question d'intervention auprès des populations en situation de vulnérabilité.
Nous avons, entre autres, le Poste de police communautaire mixte autochtone, ou PPCMA, à Val-d'Or. Mon collègue le capitaine Durant va vous parler de la mise en place de cette belle initiative.
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Bonjour, monsieur le président et chers membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Je me présente. Je suis le capitaine Robert Durant, policier à la Sûreté du Québec et directeur du Centre de services de Val-d'Or.
Je vous remercie de me donner l'occasion aujourd'hui de vous présenter ce que nous avons mis en place à Val-d'Or afin de favoriser les relations avec les Premières Nations et d'améliorer nos interventions auprès des personnes vulnérables.
Depuis plusieurs années, la Ville de Val-d'Or est aux prises avec divers problèmes sur le plan social, notamment la présence d'une clientèle vulnérable en situation de rupture sociale, touchée par la toxicomanie, les problèmes de santé mentale, la pauvreté et l'itinérance. Au sein de cette clientèle vulnérable, on note une certaine proportion de personnes issues des peuples autochtones et venant de diverses communautés de la région.
Depuis 2015, la Sûreté du Québec mène des travaux afin de trouver des solutions de remplacement pour assurer la sécurité publique, pour intervenir auprès des clientèles autochtone et allochtone en position de vulnérabilité ainsi que pour participer activement aux rapprochements des citoyens, dans l'objectif de trouver des solutions de remplacement durables, qui correspondent aux valeurs et à la culture du peuple autochtone ainsi qu'à la population de Val-d'Or, et ce, dans le respect des lois actuelles.
En novembre 2015, la Sûreté du Québec déploie son premier modèle d'intervention. Nous embauchons alors une travailleuse sociale et mettons en place l'équipe mixte d'intervention composée de policiers et d'intervenants communautaires, communément appelée ÉMIPIC. À cette époque, l'équipe était composée d'une intervenante sociale et d'une policière de la Sûreté du Québec.
L'ÉMIPIC est mise sur pied afin de travailler auprès des personnes faisant l'objet d'interventions policières répétitives et qui génèrent des appels en raison de comportements perturbateurs ou de la perpétration d'actes criminels. La clientèle cible présente des facteurs de vulnérabilité tels que la dépendance aux drogues et à l'alcool, elle vit des problèmes de santé mentale ou elle se retrouve en situation d'itinérance.
Le rôle de l'ÉMIPIC est un rôle d'intervention de deuxième ligne pour aider des policiers de la MRC de La Vallée-de-l'Or lorsque la situation met en cause une personne vulnérable, intoxiquée, itinérante ou qui est susceptible de le devenir. Son rôle est aussi d'aider à désamorcer certaines interventions par une approche communautaire adaptée et intégrée. Le cas échéant, l'équipe prend le relais dans certaines situations qui nécessitent de diriger les personnes vers des ressources spécialisées autres que celles du système judiciaire.
De plus, l'ÉMIPIC patrouille dans les secteurs névralgiques de La Vallée-de-l'Or afin de prévenir les actions potentiellement répréhensibles et d'intervenir auprès de la clientèle susceptible d'en entreprendre.
Rapidement, l'ÉMIPIC se rend compte qu'elle ne peut à elle seule répondre aux besoins des personnes vulnérables sur le territoire. En novembre 2016, la direction de la Sûreté du Québec annonce la création d'un projet pilote de Poste de police communautaire mixte autochtone, qu'on appelle le PPCMA, et qui est situé au centre-ville de Val-d'Or.
Depuis sa création, les réalisations de ce poste contribuent à l'amélioration du partenariat et du travail en concertation avec divers organismes et services publics, à la mise en œuvre de solutions différentes et durables, qui correspondent aux valeurs et à la culture du peuple autochtone ainsi que de la population de Val-d'Or, tout en améliorant les rapprochements avec l'ensemble des citoyens.
L'ensemble de la philosophie d'intervention du PPCMA repose sur une prémisse essentielle, soit le partenariat et les communications. Afin d'établir une trajectoire d'intervention conjointe, la collaboration, le partenariat ainsi que la concertation entre les intervenants concernés sont essentiels. L'objectif est de favoriser une approche communautaire axée sur les besoins réels de la clientèle vulnérable. Par cette approche, les interventions adaptées sont ciblées pour une prise en charge durable. La relation d'aide s'avère plus appropriée par l'adéquation des interventions concertées des ressources vers un objectif commun: les besoins des personnes.
Ce qui distingue le PPCMA, c'est l'implantation et la mise en œuvre de l'approche ÉMIPIC par le personnel, des interventions ciblées de deuxième ligne ou entreprises en amont, un travail proactif, distinct et complémentaire de la patrouille traditionnelle et une prise en charge ayant pour but d'orienter la clientèle vers les services appropriés autres que le système judiciaire.
En juillet 2019, le PPCMA a été officialisé à titre de poste permanent à la Sûreté du Québec. Notre équipe est maintenant composée d'un responsable de poste, de 11 policiers, de quatre intervenants sociaux, issus du partenariat avec le Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Abititi-Témiscamingue, et d'un employé civil préposé à l'accueil.
Depuis 2018, nous avons aussi pu compter sur les prêts de services d'une employée civile autochtone et d'une policière autochtone d'expérience, venant toutes deux de la communauté anishinabe de Pikogan. Ces prêts de personnel viennent bonifier l'offre de services du PPCMA. Cependant, à cause d'un manque de ressources dans les communautés, les prêts de personnel ont dû cesser à l'automne 2020. Des demandes ont été faites auprès des deux corps de police limitrophes, mais ces derniers sont également touchés par le manque de main-d'œuvre.
Par notre philosophie d'intervention, l'arrimage et le partenariat ainsi que la sensibilité à la culture autochtone, nous avons pu changer les choses dans notre communauté.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous présenter le PPCMA.
Je vais transmettre au greffier quatre liens qui renvoient à des vidéos sur YouTube. Vous pourrez ainsi voir les bienfaits du PPCMA dans notre communauté.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci. Effectivement, pendant toutes mes années dans un service de police d'une Première Nation, ç'a toujours été un problème.
Le règlement d'une bande est considéré comme appartenant essentiellement au niveau le plus inférieur du système juridique. De la Charte des droits et libertés, on descend aux lois fédérales puis aux lois de la province puis, enfin, aux règlements de la bande, qui concernent pour la plupart le maintien de l'ordre au niveau municipal.
Les services de police des Premières Nations font également respecter les règlements des bandes. Sous le régime de la Loi sur les Indiens, les bandes ont le droit absolu d'en édicter. Le problème se pose, comme tous l'ont déjà dit, au niveau des poursuites.
Même la Loi sur les Indiens, la loi fédérale… Je me suis adressé au moins trois fois à trois avocats de la Sécurité publique, affectés à l'Alberta, pour savoir si, sous le régime de la Loi sur les Indiens, ils intenteraient des poursuites pour des infractions comme l'intrusion sur un terrain privé. Ils m'ont répondu que ce n'était pas une priorité et qu'ils auraient besoin de plus amples directives d'Ottawa avant d'affecter des ressources à ces poursuites. Dès le départ, c'était voué à l'échec.
Dans mes discussions avec nos Premières Nations, sur les règlements des bandes, j'ai d'abord dû chercher à connaître l'objectif de ces règlements. Quand on le connaît, on peut trouver une autre solution. Peut-être qu'un procureur de la province ou un procureur fédéral pourra se charger de l'affaire en invoquant une autre loi fédérale ou provinciale, ce qui n'est pas toujours possible. Je connais une nation qui a édicté des règlements et qui a engagé des fonds dans la poursuite des contrevenants, parce que personne d'autre ne le fera, ce qui signifie que, avant de porter une accusation, je dois pouvoir savoir que l'application de la loi sera régulière. Ce n'est pas partout acquis.
Nous évoquons effectivement la Loi sur les Indiens contre des infractions comme l'entrée non autorisée. Nous portons l'accusation. Après avoir rempli une déclaration détaillée de renseignements, nous remettons le contrevenant en liberté conditionnelle jusqu'au procès. Si, entretemps, il manque aux conditions, nous pouvons nous appuyer sur le Code criminel.
Oui, ça reste un problème, dont une solution serait d'envisager la création d'un système de justice pour les Premières Nations, qui leur permettrait d'obtenir elles-mêmes ce qu'elles essaient d'obtenir.
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Je vais lire une citation tirée d'un site Web que j'ai trouvé, celui d'Olthuis Kleer Townshend, un cabinet d'avocats qui reçoit beaucoup de mandats de communautés autochtones. Il y est précisément question de l'application des règlements chez les Premières Nations.
C'en est un bon résumé. Voici:
Si l'article 81 de la Loi sur les Indiens autorise les bandes à prendre des règlements pour les réserves, dans les domaines englobant la régulation de la circulation, le lieu de résidence, la santé publique, les substances intoxicantes et même si certains de ces règlements peuvent prévoir des sanctions telles que des amendes ou des peines de prison, la Loi sur les Indiens ne précise pas si les poursuites à intenter contre les contrevenants relèvent des provinces, des territoires, de l'État fédéral ou des Premières Nations elles-mêmes. L'absence de coordination entre l'État fédéral et les provinces ou les territoires ou de leadership sur cette question a souvent conduit leurs administrations à s'abstenir de les entamer.
Le chef Cox est celui qu'il faut en saisir. C'est ce qu'il fait depuis 40 ans. J'entends dire que les communautés autochtones et les services de police sont très irrités de l'inapplication des règlements.
Ce cabinet d'avocats formule des propositions, et, chef Cox, vous êtes là depuis assez longtemps, vous êtes peut-être au courant. Qu'en est-il des tribunaux institués en application de l'article 107? Sous le régime de la Loi sur les Indiens, le gouvernement fédéral a le pouvoir, grâce à cet article, de nommer des juges de paix pour présider des procès intentés contre les contrevenants des règlements des réserves. J'ai vérifié, et c'est vrai.
En 2004, le gouvernement Harper a cessé de nommer ces juges de paix. Le gouvernement fédéral n'a jamais repris cette pratique. Le cabinet d'avocats propose également de confier les poursuites à la province. C'était apparemment le cas, en Ontario, mais le financement a cessé.
Le gouvernement fédéral pourrait réinstituer ces tribunaux régis par l'article 107. Connaissez-vous ces tribunaux? J'ai entendu vos autres propositions et je les comprends, mais nous semblons ne pas utiliser un mécanisme prévu par la Loi sur les Indiens.
Que pensez-vous de ces tribunaux?
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Je les connais imparfaitement, mais ce que vous dites est sensé. Je vois que beaucoup de règlements sont du ressort d'un tribunal présidé par un juge de paix plutôt que par des juges fédéraux ou des juges de la province, accaparés, comme nous le savons tous, par des affaires plus sérieuses et plus nombreuses. Mais ce serait une solution.
Je vois également — et, encore faudrait-il le vérifier — la possibilité de retourner à ce qu'on faisait à mes débuts dans la police, il y a une quarantaine d'années. Pour l'application des lois mineures des provinces et, en l'occurrence, des règlements peut-être, la police s'occupait elle-même des poursuites, ce qui nous permettait de nous passer d'un procureur. Nous avons fait appel à la police pour le faire, et les tribunaux ou la justice s'assuraient de l'équité du procès, de sa conformité aux articles pertinents de la loi et de la prise d'une décision.
Voilà les points que nous pouvons devoir examiner. Je sais que nos Nations veulent se doter d'un système complet de justice, mais la façon de faire est peut-être, pour commencer, de démontrer qu'elles peuvent maintenir l'ordre, faire siéger leurs propres tribunaux et s'occuper de leurs propres systèmes de justice.
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La journée a été très intéressante. Nous avons entendu parler de problèmes de partage flou des compétences, également de facteurs de complication qui jouent dans les réserves, par exemple une incompatibilité entre la Loi sur les espèces sauvages du Canada et les droits issus de traités. Selon un des témoins de la GRC, cette police s'occupait de faire respecter les lois sur la sécurité routière quand elles différaient d'une route à l'autre. Ensuite, nous avons appris que la GRC appliquait une certaine discrétion opérationnelle dans l'application des lois. Enfin on autorise la conclusion d'ententes sur l'administration de la justice, entre des communautés des Premières Nations et le Service des poursuites pénales du Canada pour les poursuites contre les contrevenants aux règlements.
J'ignore ce que vous en pensez, mais, dans ce domaine, je ne peux que m'écrier, avec un geste de désespoir, que c'est diablement trop compliqué. Il est même impossible de commencer à agir, tellement il existe de lois différentes.
Je sais que vous ne pouvez pas modifier la Constitution et que vous ne changerez peut-être pas la Loi sur les Indiens, mais supposons que vous le pouviez. Je vous pose la question à vous deux. Je sais que votre travail serait considérablement facilité si ce n'était de cette complexité incroyable et paralysante.
Que proposeriez-vous, si vous étiez au Parlement? Que modifieriez-vous pour faciliter votre travail?
Je le demande aux représentants des deux services de police ici présents.
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Je vous remercie de la question, madame Bérubé.
Comme je le disais tantôt, pour ce qui est des communautés autochtones, notre offre relative à la desserte est similaire à celle des villes desservies par la Sûreté du Québec.
Nous intervenons selon le principe de police de proximité. Entre autres choses, les services offerts comprennent la patrouille, 24 heures sur 24, dans les communautés, la réponse aux demandes d'aide de la part des citoyens, l'application des lois et des règlements dans les communautés, la prévention du crime, les relations communautaires, les enquêtes policières dans divers domaines, les interventions lors de situations qui nécessitent le déclenchement de mesures d'urgence, par exemple des opérations de sauvetage et de recherche en forêt, ainsi que tout événement qui nécessite un déploiement policier.
La patrouille communautaire vise le rapprochement avec les citoyens. Il s'agit de sortir un peu du cadre et interagir avec eux lors d'activités communautaires organisées par les conseils de bande ou les écoles. Nous sortons de nos véhicules afin d'avoir une certaine relation de proximité avec les citoyens.
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La première ÉMIPIC a été créée en 2015. Il s'agit de celle du Poste de police communautaire mixte autochtone, dont le capitaine Durant vous a parlé tantôt.
Nous sommes présentement en train de créer une deuxième équipe à Sept-Îles, sur la Côte-Nord. Il s'agit d'un partenariat entre la communauté innue Takuaikan Uashat Mak Mani-Utenam et le Centre intégré de santé et de services sociaux. Cette équipe interviendra sur le territoire de la ville de Sept-Îles, qui est juste à côté de la communauté d'Uashat, et servira la population de Sept-Îles.
Lors de la signature du protocole, le corps de police autochtone d'Uashat n'a pas été en mesure de se joindre au projet, notamment à cause d'un manque de personnel, mais il devrait se joindre au projet dans la prochaine année.
Pour ce qui est des quatre prochaines ÉMIPIC qui seront créées, il y a celle de la ville de Maniwaki et de Lac-Barrière, en Outaouais. Nous sommes présentement à l'étape de la rédaction d'un protocole d'entente touchant la Sûreté du Québec, le Centre intégré de santé et de services sociaux et la communauté de Lac-Barrière. La particularité de cette équipe, c'est qu'il s'agit d'une équipe mixte, comme mon collègue vous l'a expliqué tantôt. Elle est constituée de policiers et d'intervenants communautaires venant du Centre intégré de santé et de service sociaux.
Nous allons par contre intégrer à cette équipe un deuxième intervenant issu des centres d'amitié autochtones des villes visées. Une personne issue du centre d'amitié autochtone pourra accompagner les gens de la communauté de Lac-Barrière ou de Kitigan Zibi, les deux communautés se trouvant à côté de la ville de Maniwaki.
De plus, on intégrera à cette équipe une quatrième personne qui agira à titre d'agent de liaison autochtone et qui sera issue de la communauté de Lac-Barrière. Cette personne sera désignée par le conseil de bande de Lac-Barrière et agira comme facilitateur auprès des différentes ressources du milieu, du conseil de bande, de la famille de ces personnes vulnérables et de tout organisme se trouvant au centre-ville de Maniwaki.
On créera au cours des trois prochaines années l'équipe de Roberval, au Lac-Saint-Jean. C'est une municipalité à forte concentration autochtone, et il s'y trouve notamment des membres de la communauté atikamekw d'Opitciwan, mais également, de la communauté innue de Mashteuiatsh. Cette équipe s'appuiera elle aussi sur les réalités locales. Nous allons travailler en partenariat avec le Centre intégré de santé et de services sociaux et avec le centre d'amitié autochtone, mais également avec un agent de liaison autochtone venant de la communauté atikamekw ou de la communauté innue de Mashteuiatsh.
Notre but est vraiment de faire une intervention très sécuritaire sur le plan culturel, dans le respect des valeurs autochtones et de la façon de vivre au quotidien des Autochtones.
La troisième équipe sera située à Chibougamau, sur la Côte-Nord. L'équipe se basera sur le même modèle que celui qui a été suivi pour les équipes de Maniwaki et de Roberval, mais elle respectera également les particularités locales. À Chibougamau, il y a une forte concentration de gens issus des communautés d'Oujé-Bougoumou, de Mistissini et de Waswanipi, qui sont toutes des nations cries. Des Atikamekw d'Opitciwan se trouvent aussi à Chibougamau.
Nous allons encore une fois utiliser les mêmes ressources.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous de vos témoignages. Ils ont été incroyablement instructifs.
Chef Cox, je commence par vous.
J'essaie seulement de comprendre. Quand vous avez parlé de vos services, je pense que vous avez dit qu'il y avait une plage de quatre heures pendant laquelle personne n'était en service, seulement de garde.
Pouvez-vous situer cette période? Résulte-elle d'une entente tripartite? Elle semble assez importante, et, bien sûr, votre exemple de quelqu'un en péril, que les ambulanciers ne pouvaient pas aller secourir, était simplement tragique. Pouvez-vous seulement expliquer où elle se trouve?
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C'est notre entente sur les services de police qui est problématique. Les services de police sont assurés à 52 % par le gouvernement fédéral, dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations, et à 48 % par le solliciteur général de l'Alberta.
Pour une raison quelconque — que j'ignore puisque personne ne peut nous expliquer comment est déterminé le nombre de policiers jugé nécessaire dans nos communautés —, un nombre aléatoire de policiers nous est affecté, et ce sont les ressources que nous recevons. Nos statistiques en matière de criminalité ne sont pas prises en compte. Ces statistiques se fondent pourtant sur la gravité des crimes, et dans ma région, la gravité des crimes est quatre fois plus élevée que la moyenne fédérale et trois fois plus élevée que la moyenne provinciale.
Cela ne signifie pas que nos territoires sont dangereux, mais que les enquêtes que nous menons sont très complexes et qu'elles prendront par conséquent beaucoup d'heures de travail et beaucoup d'attention, du début à la fin, si nous voulons mener l'enquête rigoureuse nécessaire. Pour une raison quelconque, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour cela.
Notre entente prévoit une période de négociation. Cette année, nous nous apprêtons à la modifier pour la huitième fois, après une prolongation d'un an. Cela fait 13 ans que je suis là, et il n'y a jamais eu de négociation entre les services de police, le conseil des chefs et la commission de police, d'une part, et leurs partenaires de financement fédéraux et provinciaux, d'autre part, sur quelque élément que ce soit de l'entente, une entente que nous obtenons habituellement à minuit moins une, où l'on nous dit de signer, faute de quoi nous n'aurons pas d'argent pour la prochaine année et notre service de police sera dissous.
C'est ce qui cloche, et le conseil des chefs a dit qu'il en avait assez. Cette année, quand ils m'ont présenté l'entente, nous les avons informés que nous la signerions pour garder notre service de police et assurer la sécurité de nos communautés, mais nous avons demandé au gouvernement fédéral, par le Programme des services de police des Premières Nations, de s'engager à négocier sérieusement avec nous un accord à long terme d'ici la fin du second trimestre.
J'ai reçu une lettre du gouvernement fédéral. Je ne sais pas si tout cela se concrétisera. Je l'ai présentée aux chefs. Ils m'ont dit que c'était très bien, mais qu'ils ne croyaient pas vraiment que cela donne quoi que ce soit. Ils croient que le gouvernement nous a simplement envoyé une réponse pour que nous soyons contents et que nous signions l'entente.
Les Premières Nations ne sont pas toutes pareilles. Vous vous souviendrez qu'il y a trois ans, le gouvernement fédéral a annoncé des postes supplémentaires pour les services de police des Premières Nations. De nouveaux policiers ont été déployés. Nous en avons reçu deux, ce qui a porté le nombre total de policiers sur notre territoire à 13 ou15. En raison de la règle des 48 %, nous ne pouvions toutefois pas les financer. Il y a trois ans, ces postes ont été annoncés et nous ont été octroyés. J'ai finalement reçu le financement pour les payer en janvier dernier, et j'ai enfin pu embaucher ces deux policiers supplémentaires. Cela a pris un an et demi, presque deux ans, entre le moment où le financement a été annoncé et le moment où nous avons pu embaucher des policiers et les déployer sur le terrain. Ils sont actuellement en formation.
Il y a vraiment une déconnexion. Il faut comprendre que tout le monde n'est pas pareil. Ce n'est pas parce qu'on a tant d'argent qu'on va le séparer également entre toutes les parties. Il faut évaluer où sont les besoins, et la priorité doit toujours être accordée à la sécurité publique, puis à celle des policiers. Une fois qu'on s'est occupé de ces deux priorités, on peut envisager de s'occuper d'autres programmes, mais ce sont les deux premiers besoins auxquels il faut répondre.
Nous sommes un service public, c'est-à-dire que nous rendons service au public, mais si nous n'en avons pas les moyens, nous ne pouvons pas offrir de services. Cela m'a coûté des policiers. Certains policiers se sont épuisés à la tâche. Depuis un an et demi, la GRC a recruté six de mes policiers, parce qu'ils n'en pouvaient plus, ils étaient épuisés. Ils n'avaient jamais de congé. Dès qu'ils étaient chez eux en congé, on les rappelait au travail pour répondre à tel ou tel appel ou venir en renfort à un autre policier en service. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient plus de vie de famille et qu'ils n'en pouvaient plus. Ils nous ont dit qu'ils iraient travailler ailleurs pour pouvoir être vraiment en congé quand ils sont en congé.
Il y a une solution à mon problème. Donnez-moi quatre policiers de plus, et tous mes problèmes seront réglés. Cela représente 800 000 $ par année pour résoudre mes problèmes et assurer des services de police 24 heures sur 24, en plus d'offrir des programmes supplémentaires.
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La GRC assure le maintien de l'ordre dans toutes les collectivités non autochtones avoisinantes, donc nous partageons l'autoroute avec trois détachements différents de la GRC. Nous avons une très bonne relation de travail en première ligne avec ses agents. Nous nous entendons très bien avec les commandants de ces trois détachements. Nous utilisons tous le même système radio, et lorsqu'il y a un appel d'urgence et que la vie de quelqu'un est en danger, peu importe la couleur de l'uniforme qu'il porte, le policier qui prend l'appel se rendra sur les lieux et assurera la sécurité jusqu'à ce que le service de police compétent prenne le relais. Nous travaillons très bien ensemble à cet égard.
Cependant, sur le territoire de ma Première Nation, c'est à moi que s'adressent les Autochtones. Ils sont très alertes si des agents de la GRC se présentent sur leur territoire. C'est l'héritage d'un historique de moins bonnes relations avec la GRC. Je recevrai alors un appel à mon bureau et on me demandera pourquoi il y a un agent de la GRC sur notre territoire. Nous expliquerons alors la situation.
Les agents de la GRC comprennent que les membres des Premières Nations veulent leur propre service de police et que par conséquent, ce sont ces policiers qui doivent intervenir. Ils voudraient que nous ayons toutes les ressources nécessaires pour pouvoir faire tout le travail, mais à l'heure actuelle, je dois solliciter l'aide de la GRC pour des services spécialisés, parfois pour des homicides.
Il y a eu un délit de fuite mortel sur mon territoire. Il a fallu huit heures aux agents de la GRC pour arriver sur les lieux. C'est le genre de chose qu'il faut améliorer, mais en première ligne, au quotidien, nos agents et ceux de la GRC s'entraident le mieux possible.
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Mon Dieu! C'est toute une pomme de discorde.
Le financement du programme de justice réparatrice relève du conseil des chefs. Malheureusement, le conseil des chefs a beaucoup d'autres chats à fouetter et n'arrive pas à en assurer la supervision. Depuis 12 ans, nous avons vu passer neuf directeurs différents à la tête du programme de justice réparatrice. Ils ont tous échoué, à cause d'une mauvaise compréhension du processus de justice réparatrice et d'un manque de personnel compétent pour jouer ce rôle.
Du côté de la police, nous continuons d'essayer de mettre un programme en place, parce que c'est pour nous un atout précieux, qui nous aidera à régler différentes situations beaucoup plus vite qu'avec le système judiciaire. Il pourrait éviter à bien des Autochtones d'aboutir dans le système correctionnel, mais nous avons besoin de l'appui de l'appareil judiciaire pour cela. Ce programme fait partie du système judiciaire et non du système de police. J'aimerais que le système judiciaire de la province, ou même du Canada, offre une formation adéquate et établisse des lignes directrices pour que la magistrature puisse bien évaluer les cas et faire le travail dont nous avons besoin.
Nos policiers et les membres de nos communautés réclament ce service haut et fort, mais nous n'arrivons pas à l'obtenir.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie infiniment de vos témoignages jusqu'à présent. C'est extrêmement intéressant.
J'ai une question à poser aux représentants de la SQ sur la Commission Viens.
En septembre 2019, la Commission Viens a publié son rapport final. Cette commission a été formée après que 10 femmes autochtones aient dénoncé des violences subies aux mains de policiers de la Sûreté du Québec à Val-d'Or entre 2002 et 2015. Le rapport de la Commission contient 142 appels à l'action.
Les témoins pourraient-ils dire au Comité où nous en sommes avec la mise en oeuvre des recommandations de la Commission Viens? Par exemple, le processus de traitement des plaintes en matière d'éthique a-t-il été révisé?
Ensuite, j'aimerais que vous me parliez de l'appel à l'action 37, qui consiste à établir une patrouille d'intervention mixte, composée de policiers et de travailleurs communautaires, pour intervenir auprès des personnes vulnérables, tant en milieu urbain que dans les communautés autochtones et inuites. Pouvez-vous nous dire où vous en êtes dans la mise en oeuvre de cette recommandation?
N'importe lequel des représentants de la SQ peut me répondre.
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L'une des recommandations majeures de la commission Viens était d'aiguiller nos policiers sur les réalités autochtones. Nous avons donc mis en place un continuum de formation.
Dès leur entrée à la Sûreté du Québec, les nouvelles recrues doivent suivre une formation en cinq étapes. Cette formation fait partie de leur parcours d'intégration à la Sûreté du Québec.
La première étape consiste en une rencontre avec des gens de mon unité. Ces derniers leur font une présentation sur les communautés autochtones. Il faut dire que ce ne sont pas tous les agents qui ont déjà eu l'occasion d'intervenir auprès des peuples des Premières Nations. Il s'agit donc d'un premier pas pour les initier à la culture autochtone.
La deuxième étape est une formation en ligne sur les réalités autochtones. Elle est obligatoire pour toutes les nouvelles recrues et tous les membres de la Sûreté du Québec, qu'ils soient policiers ou civils.
La troisième étape a lieu lorsque la recrue arrive au poste de police où elle est affectée. Une immersion sur le terrain se fait alors dans une communauté autochtone limitrophe. L'agent de liaison qui relève de mon bureau rencontre alors la recrue et l'amène avec lui dans son véhicule de patrouille. Il lui présente les acteurs clés de la communauté, que ce soit les membres du conseil de bande, les gens des dispensaires, les travailleurs sociaux ou toute autre personne. Le but de cet exercice est encore une fois d'imprégner la recrue des réalités autochtones, ce qui l'amènera à procéder à des interventions plus culturellement sécuritaires.
Par la suite ont lieu deux jours de formation plus technique sur la sécurisation culturelle et sur plusieurs concepts liés aux Premieres Nations. La partie qui porte sur les pensionnats dure une journée. La deuxième journée, un intervenant venant d'une communauté vient parler de sa réalité et de la façon dont il perçoit les services policiers afin de faire comprendre à nos recrues comment améliorer leur pratique.
La dernière étape comprend des formations plus particulières qui dépendent du lieu où l'agent est en poste. On pourra, par exemple, y parler des réalités touchant les femmes autochtones. C'est une formation que nous sommes en train d'élaborer et que nous allons déployer partout au sein de la Sûreté du Québec. Nous travaillons aussi à la mise en place d'une formation sur les réalités autochtones en milieu urbain. C'est un sujet sur lequel nous mettons de plus en plus l'accent depuis quelques années.
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Il y a eu plusieurs réussites depuis l'implantation du PPCMA.
Premièrement, il y a eu des réussites liées aux usagers. Plusieurs personnes qui auraient pu basculer en situation d'itinérance ont pu conserver leur logement. Nous les avons accompagnées de sorte qu'elles puissent le conserver et nous nous sommes assurés qu'elles étaient en mesure de payer leur loyer.
Deuxièmement, nous avons créé des liens avec les communautés. Au centre-ville de Val-d'Or, plusieurs personnes en situation d'itinérance ou vulnérables ont recréé des liens avec les membres de leur communauté, et cet arrimage a permis à quelques personnes d'y retourner.
Troisièmement, le PPCMA a fait une grande avancée lors de la mise sur pied du comité clinique. Ce dernier est formé de plusieurs intervenants qui travaillent sur le terrain auprès de tous les usagers de Val-d'Or. Les membres de ce comité se réunissent une fois par semaine, dans les locaux du PPCMA, pour discuter du bien-être des usagers et trouver une solution durable. Ils recherchent des solutions pour les personnes, et non pour la société. Ils essaient de trouver des mécanismes pour y arriver. La prise en charge est faite par le groupe, et une personne assume la responsabilité de ses travaux.
Quatrièmement, le docteur Sébastien Gendron, un psychiatre du Centre hospitalier Malartic, a pris connaissance de notre travail. Il a proposé d'assister aux réunions du comité clinique. Lorsque nous discutons des cas, il est à l'écoute. Il peut décider d'évaluer certaines personnes afin de déterminer si elles ont un problème de santé mentale. S'il y a lieu, il peut poser un diagnostic et prescrire un traitement.
Cinquièmement, nous avons du personnel autochtone au sein de notre poste de police. C'est une grande avancée. Ces gens sont issus des Premières Nations. Nous remercions beaucoup la communauté de Pikogan d'avoir fait ces prêts de services. Cela nous a ouvert les yeux sur les réalités des communautés autochtones. De plus, cela nous a aidés à mieux comprendre le fonctionnement interne de ces communautés et nous a donné des outils pour mieux intervenir auprès des personnes. Par exemple, nous employons des mots clés en langue anishinabe, ce qui nous permet de créer un lien de confiance avec les Autochtones vulnérables de notre communauté.
Il en coûte tellement cher aux Premières Nations pour embaucher leur propre avocat et intenter des poursuites que je n'en ai vu qu'une au sein des cinq Premières Nations dont je m'occupe, et celle-ci n'a osé aller de l'avant que pour protéger son territoire et y interdire d'accès des gens qu'elle ne voulait pas y voir et établir un règlement administratif en conséquence.
Nous travaillons ensemble, le cas échéant. Nous avons une entente et un partenariat qui nous permettent d'intervenir auprès des gens interceptés sur le territoire. Nous allons leur parler, et la plupart des personnes problématiques sont des vendeurs de drogue, qui ne font probablement pas partie de la bande, mais qui vivent sur le territoire ou y viennent.
Si nous n'avons pas de fondement législatif pour les poursuivre et les inculper, nous pouvons les poursuivre sur la base du règlement administratif régissant la présence sur notre territoire. Dans ce cas-ci, le conseil de bande a adopté une résolution, puis remis un avis aux personnes non autorisées à se trouver sur le territoire, pour les prévenir qu'elles s'exposaient à des accusations si elles y entraient.
Nous travaillons ensuite avec le conseil de bande pour porter des accusations, afin que la bande puisse les poursuivre à ses propres frais avec l'aide de son avocat.
Jusqu'à maintenant, il n'y a eu qu'une poursuite. La plupart du temps, il suffit que nous transmettions la résolution du conseil de bande à la partie contrevenante et que nous l'avisions de ce à quoi elle s'expose si elle pénètre de nouveau sur le territoire pour que la situation se règle.