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HUMA Rapport du Comité

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L’URGENCE D’AGIR

OPINION COMPLÉMENTAIRE ÉMISE PAR LE BLOC QUÉBÉCOIS À L’ÉGARD DE L’EXAMEN DU RÉGIME D'ASSURANCE-EMPLOI

INTRODUCTION

Le Bloc Québécois remercie les membres du Comité permanent des ressources humaines, le personnel de la Bibliothèque du Parlement ainsi que tous les témoins et les personnes, physiques ou morales, qui ont remis un mémoire, pour leur participation essentielle à cette étude.

La nécessité de l’entreprendre relevait à la fois de causes profondes et de causes plus immédiates. Rappelons-les brièvement. Depuis plus d’une quinzaine d’années maintenant, il n’y a guère eu d’examen complet du régime de l’assurance-emploi. En 2004, le comité avait entrepris une grande étude sur la question. En 2016, il s’était penché sur le saccage de l’assurance-emploi et certains éléments de ces travaux sont reflétés par la présente étude, sans toutefois aller suffisamment loin dans le passé. Ce dernier examen est venu clore un chapitre douloureux marqué par des contre-réformes libérales et conservatrices menées dans un contexte marqué à la fois par l’idéologie actuarielle et le zeitgeist des 40 dernières années, esprit du temps grandement teinté par l’influence du néo-libéralisme. Ces réformes ont détourné ce programme de sa mission sociale première et ont grandement nui au rôle macroéconomique du régime en tant que stabilisateur automatique. En outre, l’utilisation de programmes informatiques archaïques a grandement compliqué la tâche aux agents de l’État lorsqu’est arrivée l’heure de vérité. Ce sont là les causes profondes.

Les causes immédiates nous les connaissons malheureusement que trop bien. Il s’agit de la survenue d’une crise économique aux proportions gargantuesques dont la cause première a été l’arrivée certes prévisible, mais pourtant surprenante pour les dirigeants de plusieurs pays, d’une épidémie mondiale responsable de la mort et du malheur de trop de nos concitoyennes et concitoyens. De façon manifeste, le régime d’assurance-emploi dans sa forme d’alors n’était pas prêt à affronter cette crise ce qui força le gouvernement, pour reprendre la formule consacrée, à construire l’avion en plein vol. C’est cette désuétude, de même que des décennies de contre-réformes dont l’exemple le plus radical a été le saccage du gouvernement Harper, qui expliquent l’inadéquation entre le régime et les besoins de la population. La nécessité d’une révision profonde, que le Bloc Québécois n’a eu de cesse de clamer depuis des années, est alors apparue manifeste aux yeux de tous. C’est pour cette raison que la députée de Thérèse-de-Blainville, Louise Chabot, a proposé cette étude.

RETOUR SUR L’HISTOIRE DU RÉGIME D’ASSURANCE-EMPLOI

Bien que notre formation politique soit en accord avec le présent rapport de même qu’avec les recommandations qu’il contient, force est d’admettre que le rapport ne reflète pas suffisamment le sentiment d’urgence qui nous habite en ce qui a trait à la révision du régime d’assurance-emploi. Bien que nous adhérions à l’idée qu’Emploi et développement social Canada (EDSC) entreprenne des consultations en vue de réformes prochaines du régime, nous croyons qu’un exercice de réflexion allant dans le sens d’un retour aux sources pour le régime ne devrait d’aucune façon être une excuse à l’inaction gouvernementale et en ce sens, le fait que les 5 M$ qui avaient été annoncés dans le Budget 2021 à cette fin n’aient pour l’instant pas été proposés par le gouvernement au Parlement est pour nous une source d’inquiétude quant à la volonté réelle du parti ministériel d’en arriver à une réforme costaude. Car une vraie réforme s’impose.

À notre avis les mémoires du Conseil national des chômeurs et des chômeuses (CNC), de même que celui de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) ont bien reflété les problèmes historiques du régime. Il vaut la peine de citer ce dernier :

« Le régime d’assurance-emploi souffre de plusieurs défauts, mais l’un des plus manifestes – et qui doit impérativement être corrigé – concerne sa couverture. Au fil des ans, les règles d’admissibilité ont été resserrées, la durée des prestations réduite et le taux de remplacement du revenu abaissé. Résultat : de moins en moins de chômeuses et de chômeurs ont droit à des prestations. Actuellement, c’est moins de 40 % des bénéficiaires qui touchent des prestations, alors que le régime couvrait 83,8 % des bénéficiaires en 1989 ! De plus, lorsque les personnes ont droit à des prestations, c’est pour moins longtemps et pour de plus petits montants »[1].

Il est indéniable qu’en 1990 lorsque le gouvernement a mis fin à sa contribution à la caisse d’assurance-chômage un changement de paradigme s’est opéré. L’État canadien a alors renoncé à la mission sociale du régime, amorçant du coup une succession de contre-réformes dont les conséquences ont été particulièrement sévères en région. 

Tout cela nous amène à aborder la question des travailleurs saisonniers. Historiquement, le régime canadien d’assurance-emploi a toujours mis de côté les travailleurs saisonniers. Cela est entre autres dû au fait que le régime a été en grande partie calqué sur la première loi britannique d’assurance-emploi, la National Insurance Act de 1911, sans que celle-ci ne soit pour autant adaptée aux besoins de l’économie du Québec[2]. Tout au long de l’histoire récente du Canada, ces travailleurs ont dû se battre pour faire valoir leurs droits, car de tout temps il s’est trouvé des décideurs pour nier l’importance du travail saisonnier dans l’économie. C’est là un des grands paradoxes de l’histoire qu’un régime dont les fondements reposent sur la reconnaissance implicite du fait que les travailleurs ne sont pas responsables du chômage mais qu’il s’agit plutôt d’un phénomène économique qui échappe à leur contrôle ait eu tant de mal à admettre une vérité bien simple : que ce ne sont pas les travailleurs qui sont saisonniers, mais plutôt le travail qui l’est comme l’a souligné à juste titre le Mouvement Action Chômage-Côte-Nord dans son mémoire. Cette indifférence historique vis-à-vis des régions du Québec est à la source de problèmes que celles-ci expérimentent comme en témoigne l’exemple du Trou Noir de l’assurance-emploi. À notre avis, la couverture du projet pilote visant à régler la question doit non seulement être élargie, mais le projet en lui-même doit également être rendu permanent. Cette indifférence historique est également à la source de nombreux problèmes économiques des régions du Québec. C’est non sans raison si en 2013, le Bloc avait évoqué la possibilité d’une entente administrative visant à confier la gestion de ce programme au gouvernement du Québec advenant que celui-ci en fasse la demande dans son mémoire déposé à la Commission nationale d’examen de l’assurance-emploi.

CONDITION DES FEMMES

On n’a que trop peu parlé des enjeux liés à la condition des femmes associés aux lacunes actuelles du régime d’assurance-emploi. Pourtant en cette matière le régime canadien n’est pas dépourvu d’un historique sexiste. Malgré le fait que les décennies 1940 à 1970 ont été une période d’élargissement de l’accès à l’assurance-chômage, il faut souligner que de 1950 à 1957 le gouvernement fédéral a mis en place des politiques discriminatoires à l’endroit des femmes mariées en instaurant des critères supplémentaires pour que celles-ci fassent la démonstration de leur disponibilité à l’emploi. Ainsi, on estime que de 12 000 à 14 000 femmes n’ont pas eu accès à l’assurance-emploi dans les années 1950 à cause de cela. En 1957, la loi a été modifiée à la suite des pressions effectuées par les groupes féministes. Le gouvernement fédéral aurait ainsi économisé 2,5 M$ sur le dos des femmes. En 1971 également, même si pour la première fois on introduisit la possibilité de réclamer des prestations de maternité au sein du régime d’assurance-emploi, la loi a maintenu le traitement discriminatoire envers les femmes mariées. Celles qui appartenaient à la première catégorie de prestataires bénéficiaient des prestations de maternité tandis que celles qui appartenaient à la seconde étaient inadmissibles aux prestations dans les 15 semaines entourant la date présumée de leur accouchement. Cette situation a donné lieu à l’arrêt Bliss lorsque la Cour suprême du Canada a jugé de manière honteuse qu’en matière de prestation de maternité « l’inégalité entre les sexes dans ce domaine n’est pas le fait de la législation, mais bien de la nature »[3]. Décision qui fut plus tard renversée par cette même cour en 1989 dans Brooks c. Safeway. Pour toutes ces raisons, personne ne devrait rester indifférent aux problèmes soulevés dans Éliminons la discrimination à l’égard des femmes dans l’assurance-emploi un mémoire présenté par le Conseil d’Intervention pour l’Accès des Femmes au Travail (CIAFT) et de nombreux groupes de femmes du Québec, lequel a démontré de façon convaincante l’aspect discriminatoire du critère d’admissibilité basé sur les heures de travail, pourtant introduit en 1996 seulement, vis-à-vis des employés à temps partiel et particulièrement vis-à-vis des femmes. À cet égard la deuxième recommandation du mémoire à particulièrement retenu notre attention.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS DU BLOC QUÉBÉCOIS

En conclusion, le rapport du Comité permanent des ressources humaines auquel nous avons collaboré constitue certes un pas dans la bonne direction, mais ne prend pas suffisamment en compte l’urgence d’agir. C’est pour cette raison que le Bloc continuera à mettre de la pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il réforme en profondeur le régime d’assurance-emploi dans le sens des recommandations que nous mettons de l’avant depuis bien longtemps. Car quoi qu’en disent les partis qui n’ont pour seules ambitions que de prendre le pouvoir, dans un régime démocratique l’opposition doit jouer son rôle de défendre et promouvoir les intérêts de la population en contraignant le gouvernement à agir et c’est ce que nous ferons.

Dans son action parlementaire au cours de la présente étude, le Bloc Québécois, conscient de l’urgence d’une réforme véritable du régime d’assurance-emploi, et préoccupé par l’indolence habituelle des gouvernements ainsi que la crainte d’un retour à l’austérité d’antan, s’est efforcé de donner davantage de mordant au présent rapport. Bien que nous réitérions notre accord avec le rapport, voici les mesures qui selon nous doivent être mises de l’avant par le gouvernement dès maintenant. Celles-ci sont en partie basées sur notre récent plan de relance[4]. Selon nous il faut notamment : 

  • que le gouvernement crée sans plus attendre une caisse d’assurance-emploi qui soit autonome et libre de toute interférence de la part du gouvernement fédéral de sorte que jamais ne se répète le pillage de la caisse comme cela s’est fait dans le passé;
  • que le gouvernement fasse passer sans délai de 26 à 50 semaines la durée maximale de prestation de maladie de l’assurance-emploi;
  • que le gouvernement abolisse le délai de carence;
  • que le gouvernement mette en place un système d'appel indépendant, simplifié et accessible;
  • que le gouvernement aille de l’avant avec une augmentation du taux de prestation de 55 à un minimum de 60 % qui permettrait d’augmenter les revenus des prestataires;
  • que le gouvernement rétablisse ses contributions à la caisse d’assurance-emploi;
  • que le gouvernement mette en place un critère unique d’admissibilité et hybride (heures et semaines) comme le suggèrent de nombreux groupes.

[1] Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ), Mémoire de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ). Présenté dans le cadre des travaux sur l’examen du régime de l’assurance-emploi, Mars 2021, p. 4

[2] Georges Campeau, De l’assurance-chômage à l’assurance-emploi. L’histoire du régime canadien et de son détournement,

[3] Bliss c. Le Procureur Général du Canada, [1979] 1 R.C.S. 183

[4] Voir : Bloc Québécois, Le Québec choisit, le Bloc agit. Plan de relance Covid-19. 2020, p. 9