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OGGO Rapport du Comité

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RENFORCER LA PROTECTION DE L’INTÉRÊT PUBLIC DANS LA LOI SUR LA PROTECTION DES FONCTIONNAIRES DIVULGATEURS D’ACTES RÉPRÉHENSIBLES

SOMMAIRE EXÉCUTIF

Le 2 février 2017, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (le Comité) a décidé, à la demande du président du Conseil du Trésor, de réaliser le premier examen législatif de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR) depuis son entrée en vigueur en 2007. Dans le cadre de son étude, le Comité a tenu 12 réunions, entendu 52 témoins et reçu 12 mémoires sur le sujet.

Le Comité a passé en revue les origines et les objectifs de la LPFDAR, les mécanismes qu’elle prévoit en matière de divulgation et l’application de la Loi dans le contexte canadien ainsi que les lois sur la protection des divulgateurs en vigueur dans d’autres pays et les pratiques exemplaires internationales. Le rapport présente une image holistique des principaux succès et défis procéduraux de la Loi sur le plan de la protection des divulgateurs d’actes répréhensibles et du renforcement de la responsabilité et de l’intégrité de la fonction publique. Le rapport expose en détail les nombreux défis et propose 15 recommandations visant à améliorer les objets et les processus de la Loi afin de garantir l’intégrité du secteur public et la protection des divulgateurs canadiens.

Voici, de l’avis du Comité, les six grands défis :

  1. le manque de clarté quant à l’intérêt public de la Loi;
  2. les mécanismes de divulgation prévus par la Loi ne garantissent pas nécessairement la protection de l'intérêt public;
  3. la Loi ne protège pas suffisamment les divulgateurs des représailles étant donné que la plupart d'entre eux subissent des conséquences importantes sur le plan financier, professionnel et de la santé;
  4. la perception commune voulant que la culture organisationnelle fédérale envers la divulgation d’actes répréhensibles semble la décourager;
  5. les obligations annuelles en matière de rapport prévues par la Loi, sont insuffisantes pour fournir une évaluation comme il se doit de l’efficacité des mécanismes de divulgation;
  6. les fonctionnaires et les experts externes n’ont pas confiance quant à la protection des divulgateurs d’actes répréhensibles en vertu de la Loi en raison notamment des conflits d’intérêts potentiels au sein du mécanisme de divulgation interne.

Les recommandations du Comité visent à surmonter ces défis des manières suivantes :

  1. élargir les définitions de l’expression « acte répréhensible » et du terme « représailles » ainsi que modifier la définition de l’expression « divulgation protégée » prévues dans la Loi;
  2. modifier la Loi pour protéger et soutenir les divulgateurs et prévenir les représailles contre ceux-ci;
  3. dans les cas de représailles, renverser le fardeau de la preuve en le faisant porter à l’employeur plutôt qu’au divulgateur;
  4. fournir, au besoin, des conseils juridiques ou sur la procédure aux fonctionnaires qui veulent divulguer des actes répréhensibles ou déposer une plainte en matière de représailles;
  5. incorporer dans la Loi des dispositions relatives à la confidentialité de l’identité des témoins;
  6. octroyer au Commissariat à l’intégrité du secteur public des responsabilités en matière de formation, d’éducation et de supervision du mécanisme de divulgation interne;
  7. instaurer le signalement obligatoire et en temps opportun des activités de divulgation.

Cette année, le Canada célèbre 150 années de riche histoire dont nous pouvons nous enorgueillir. [Le Comité] a une occasion unique de contribuer à cet événement marquant [en accordant] enfin aux dénonciateurs de [la] fonction publique du [Canada] des droits significatifs et légitimes.
 Joanna Gualtieri, 
directrice, The Integrity Principle, à titre personnel

Le 13 septembre 2016, le président du Conseil du Trésor, l’honorable Scott Brison, a demandé au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (le Comité) d’effectuer l’examen prévu par la loi de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR) qui est entrée en vigueur en 2007.

Le 2 février 2017, le Comité a décidé d’entreprendre cette étude et a adopté à cet égard la motion suivante :

Que le Comité entreprenne un examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

La LPFDAR est le résultat d’une série de mesures prises relativement à la divulgation d’actes répréhensibles dans le secteur public et à la protection des fonctionnaires divulgateurs*. Depuis au moins 1996, ce sujet a été traité par des groupes de travail, ainsi que dans des politiques, des codes, des rapports et des projets de loi d’initiative gouvernementale et parlementaire. Toutefois, les conclusions de la vérificatrice générale de l’époque, dans un rapport datant de novembre 2003, et celles de la commission d’enquête créée subséquemment pour examiner le programme de commandites de 1997 à 2001 et les activités publicitaires du gouvernement fédéral de 1998 à 2003 ont fait ressortir l’urgence de mieux protéger les fonctionnaires qui souhaite divulguer les actes répréhensibles commis dans la fonction publique fédérale[1].

En novembre 2005, le Parlement canadien a adopté la LPFDAR. En 2006, avant son entrée en vigueur, la LPFDAR a été substantiellement modifiée par la Loi fédérale sur la responsabilité. La LPFDAR est entrée en vigueur le 15 avril 2007, instaurant ainsi des mécanismes de divulgation des actes répréhensibles et des plaintes connexes en matière de représailles illégales au sein de la fonction publique, des sociétés d’État[2] et autres entités publiques fédérales. De plus, elle a remplacé la Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail du Conseil du Trésor[3].

De février à avril 2017, le Comité a tenu 12 réunions pour étudier la LPFDAR et entendu 52 témoins, dont :

  • des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor;
  • des représentants et des ombudsmans des bureaux de l’intégrité et de la résolution des ministères et organismes fédéraux;
  • le commissaire à l’intégrité du secteur public et ses hauts fonctionnaires;
  • des représentants du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles;
  • le vérificateur général du Canada et ses hauts fonctionnaires;
  • un gestionnaire de l’Association canadienne des agents financiers;
  • des gestionnaires de syndicats de la fonction publique fédérale;
  • des experts des lois sur la protection des divulgateurs et des lois anticorruption du Canada et de certains pays étrangers (Australie, États-Unis, Irlande et Royaume-Uni);
  • des divulgateurs canadiens, à titre personnel.

La liste complète des témoins se trouve à l’annexe A et la liste des mémoires soumis se trouve à l’annexe B.

Le rapport de l’examen législatif de la LPFDAR du Comité consiste en un survol des dispositions de la Loi et des lacunes relevées, des solutions suggérées par les témoins et les experts et, enfin, des observations et des recommandations du Comité. La partie I du rapport passe en revue le processus de divulgation des actes répréhensibles, les types de mesures de protection à la disposition des divulgateurs ainsi que les mesures correctives associées aux actes répréhensibles. La partie II présente en détail l’analyse des dispositions de la Loi concernant la protection des divulgateurs et le mécanisme de réparation prévu dans les cas de représailles. La partie III explore la culture organisationnelle fédérale en matière de divulgation et examine les méthodes qui permettraient de l’améliorer. Enfin, la partie IV évalue les objets de la Loi, les dispositions de cette dernière en matière de rapport ainsi que la mesure dans laquelle elle permet d’éviter la perpétration d’actes répréhensibles en vue de préserver la confiance dans l’intégrité du secteur public fédéral.

Bien que certains témoins aient demandé que la Loi soit entièrement reformulée, le Comité a opté pour une approche juridique graduelle concernant les recommandations contenues dans ce rapport, Toutefois, le Comité souhaite encourager ceux qui entreprendront le prochain examen de la LPFDAR, au plus tard d’ici cinq ans, à explorer les thèmes suivants, et déterminer si une approche de justice réparatrice est appropriée dans ce contexte :

  1. mettre en œuvre l'obligation de protéger et de soutenir les dénonciateurs;
  2. protéger tous les employés divulgateurs, qu'ils proviennent du secteur public ou du secteur privé;
  3. déterminer si le Service canadien du renseignement de sécurité, le Centre de la sécurité des télécommunications, les Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) devraient être couverts par l’ensemble des dispositions de la Loi;
  4. octroyer des récompenses à ceux qui découvrent certains types d’actes répréhensibles;
  5. autoriser davantage de voies aux fonctionnaires pour faire des divulgations publiques d’actes répréhensibles tout en étant protégés contre les représailles si les normes de service n’ont pas été respectées;
  6. permettre la présentation d’allégations d’actes répréhensibles ou de représailles directement auprès des organismes d'application de la loi ou des tribunaux sans avoir recours à des commissions ou des tribunaux spécialisés;

[L]a Loi est une composante importante du cadre d’intégrité du gouvernement du Canada, et nous la prenons très au sérieux. Nous estimons que l’intégrité est la pierre angulaire de la bonne gouvernance et de la démocratie.
Anne Marie Smart, 
dirigeante principale des ressources humaines, 
Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, 
Secrétariat du Conseil du Trésor

1.1 Dispositions de la Loi concernant la divulgation d’actes répréhensibles

1.1.1 Ce qui peut être divulgué

1.1.1.1 Actes répréhensibles : définition

La LPFDAR a pour objet de maintenir et de renforcer la confiance du public envers l’intégrité des fonctionnaires et des institutions publiques au moyen de mécanismes efficaces de divulgation d’actes répréhensibles et de protection des fonctionnaires à l’origine de telles divulgations. La LPFDAR vise à établir un équilibre approprié entre le devoir de loyauté des fonctionnaires envers leur employeur, leur droit à la liberté d’expression, comme le garantit par la Charte canadienne des droits et libertés, et l’intérêt du public[4].

L’article 8 de la Loi définit ainsi les actes répréhensibles commis au sein du secteur public ou le concernant :

  • a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime;
  • b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;
  • c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;
  • d) le fait de causer — par action ou omission — un risque grave et précis pour une personne ou l’environnement (à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire);
  • e) la contravention grave d’un code de conduite;
  • f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles indiqués précédemment.

Selon Brian Radford, avocat général, Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada (le Commissariat), le Commissariat – une ressource indépendante et confidentielle à la disposition des fonctionnaires et des membres du public pour divulguer des actes répréhensibles présumés dans le secteur public fédéral – estime que la définition de l’expression « actes répréhensibles » est large et suffisamment souple pour mener des enquêtes approfondies sur les questions portées à son attention. Il a indiqué que :

[L’]importance de l’intérêt public de cette loi signifie qu’elle est là pour s’attaquer aux actes répréhensibles d’une ampleur qui pourrait ébranler la confiance du public s’ils n’étaient pas divulgués et corrigés. Lorsque le commissaire « donne suite » à une allégation d’acte répréhensible, il s’agit de faits qui, s’ils sont prouvés, risquent grandement de compromettre l’intégrité de la fonction publique.

Joe Friday, commissaire, Commissariat, confirme que l’organisme traite «une gamme très diversifiée de cas pouvant aller de simples problèmes de comportement et d’interaction entre personnes jusqu’à de présumés crimes ». Il convient de noter toutefois que, n’ayant pas compétence en matière criminelle, le Commissariat saisit la GRC des affaires concernant des actes répréhensibles de nature criminelle. Par conséquent, le Commissariat a saisi la GRC à au moins quatre reprises de cas d’actes répréhensibles[5].

En ce qui concerne la divulgation d’actes répréhensibles, tel que défini par la Loi, Carl Trottier, sous-ministre adjoint, Secteur de la gouvernance, planification et politique, Secrétariat du Conseil du Trésor, et Barbara Glover, sous-ministre adjointe, Direction générale de la surveillance, Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC)[6], ont insisté sur le fait qu’un désaccord sur les orientations ou un désaccord sur la mise en œuvre n’équivaut pas nécessairement à un acte répréhensible.

Néanmoins, Craig MacMillan, commissaire adjoint, Officier du Secteur de la responsabilité professionnelle, GRC, a indiqué que le type d’actes répréhensibles dont un fonctionnaire peut être coupable d’avoir commis varie selon l’institution qui l’emploie. Pour illustrer ses propos, il a expliqué qu’un membre de la GRC serait trouvé coupable d’avoir commis un acte répréhensible pour avoir contrevenu à son code de conduite en vertu de la Loi, même s’il ne s’agit pas d’une contravention grave.

1.1.1.2 Actes répréhensibles : à quel moment sont-ils suffisamment graves?

Selon les statistiques sur les activités de divulgation, très peu de divulgations d’actes répréhensibles justifient une enquête aux termes de la LPFDAR dans les ministères et organismes et par le Commissariat (32 et 25 % en moyenne, respectivement)[7]. M. Trottier a expliqué que « souvent [les divulgations faites à l’interne] ne correspond[ent pas] d’une façon ou d’une autre à la définition d’acte répréhensible […]. Quant aux autres cas, il s’agit souvent de dénonciations qui auraient dû être signalé[e]s par l’intermédiaire d’un autre mécanisme de plainte existant ». Par exemple, Marc Thibodeau, directeur général, Relations de travail et rémunération, Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a indiqué que l’ASFC a reçu 93 allégations d’actes répréhensibles en 2015-2016, mais que 46 d’entre elles « n’atteignaient pas le seuil de déclenchement d’une enquête en vertu de la Loi » et que « 23 [autres] cas ont été acheminés vers d’autres mécanismes ».

M. MacMillan et M. Thibodeau ont déclaré que la LPFDAR a pour objet de traiter les cas d’actes répréhensibles d’une nature plus « grave » et qu’elle est un « mécanisme de dernier recours pour des enjeux qui ne sont pas couverts par d’autres mécanismes. Dans ce contexte, beaucoup d’enjeux ont été abordés et réglés par l’entremise d’autres processus ». Toutefois, John Tremble, directeur, Centre de l'intégrité des valeurs et de la résolution des conflits, ministère des Affaires autochtones et du Nord canadien, a indiqué que toutes les divulgations font l’objet d’une « analyse très rigoureuse » afin d’en établir le fondement en vertu de la Loi.

En réponse à une question d’un des membres du Comité, M. Friday a soutenu que le faible nombre d’actes répréhensibles avérés par le Commissariat est attribuable au degré de gravité reflété dans la définition de cette expression.

Le Comité a aussi invité des experts internationaux à comparer les similitudes et les différences entre la LPFDAR et d’autres lois sur la protection des divulgateurs et à les commenter. Le tableau 1 présente les définitions de l’expression « acte répréhensible » tirées de certaines lois étrangères.

Tableau 1 – Définition de l’expression « acte répréhensible » dans les lois sur la protection des divulgateurs de certains pays

Australie

États-Unis

Irlande

Royaume-Uni

Un « actes pouvant faire l’objet d’une divulgation » comprend :

  • une conduite illégale;
  • la corruption;
  • la mauvaise administration;
  • l’abus de la confiance du public;
  • la déception liée à la recherche scientifique;
  • le gaspillage des fonds publics;
  • un danger déraisonnable pour la santé ou la sécurité;
  • un danger pour l’environnement.

Un acte répréhensible comprend :

  • l’infraction à une loi, à une règle ou à un règlement;
  • les cas graves de mauvaise gestion;
  • un gaspillage flagrant de fonds;
  • l’abus de pouvoir;
  • un danger important et précis qui menace la santé ou la sécurité publique.

(Inclut l’abus de pouvoir, mais n’inclut pas un danger pour l’environnement.)

Les actes répréhensibles comprennent :

  • la perpétration d’une infraction;
  • le manquement à toute obligation légale;
  • l’erreur judiciaire;
  • le fait de mettre en danger la santé ou la sécurité de personnes;
  • les dommages à l’environnement;
  • l’utilisation illégale ou inappropriée de fonds ou de ressources d’un organisme public ou de tout autre fonds public;
  • tout acte ou omission, abusif ou grossièrement négligent commis par un organisme public ou en son nom;
  • les cas graves de mauvaise gestion par un organisme public ou en son nom;
  • la dissimulation ou la destruction d’information liée à un acte répréhensible.

Il n’importe pas, aux termes de la Loi, si l’acte répréhensible est commis au pays ou ailleurs ni si la loi dont relève l’acte est celle de l’Irlande ou celle de tout autre État ou territoire.

Une « divulgation admissible » comprend un comportement qui est :

  • une infraction criminelle;
  • un défaut de se conformer à une obligation juridique;
  • une erreur judiciaire;
  • un danger pour la santé ou la sécurité d’une personne;
  • des dommages probables à l’environnement;
  • la dissimulation des renseignements liés aux actes répréhensibles indiqués ci‑dessus.

Les fonctionnaires peuvent soulever des préoccupations au sujet d’une violation du Civil Service Code.

Sources : Tableau préparé à partir de données tirées de Gouvernement du Territoire de la capitale australienne, Public Interest Disclosure Act 2012 [disponible en anglais seulement]; Gouvernement des États‑Unis, Whistleblower Protection Act of 1989 [disponible en anglais seulement]; Gouvernement de l’Irlande, Protected Disclosures Act 2014 [disponible en anglais seulement]; et Gouvernement du Royaume‑Uni, Public Interest Disclosure Act 1998 [disponible en anglais seulement].

Malgré les similitudes entre les définitions, Mark Worth, gestionnaire, Blueprint for Free Speech, qui témoignait à titre personnel, a reconnu la possibilité d’un problème étant donné qu’aucune « disposition dans la [LPFDAR] [ne fait] la distinction entre des problèmes répandus, systématiques et généralisés dans le milieu de travail, comme la discrimination, les conditions de travail non sécuritaires ou l’intimidation, et les griefs de la part d’employés individuels ».

De plus, de nombreux témoins, dont Debi Daviau, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada, ont indiqué au Comité que la définition de ce qui constitue un acte répréhensible est en réalité « trop étroite ». David Yazbeck, associé, Raven, Cameron, Ballantyne, & Yazbeck s.r.l., qui témoignait à titre personnel, a indiqué que la Loi est interprétée de telle façon que les « cas graves de mauvaise gestion » constituent un acte répréhensible, mais pas les cas simples de « mauvaise gestion ». Larry Rousseau, vice-président exécutif, Région de la capitale nationale, Alliance de la Fonction publique du Canada, a reconnu que la Loi ne garantit pas aux divulgateurs le droit de dénoncer tous les actes illégaux et d’inconduite. Selon lui, la définition de ce qui constitue un « acte répréhensible » laisse de côté de vastes domaines, comme les politiques du Conseil du Trésor du Canada.

Par ailleurs, John Devitt, administrateur général, Transparency International Ireland, qui témoignait à titre personnel, a expliqué qu’une définition restreinte des actes répréhensibles a pour incidence de n’accorder aucune protection aux fonctionnaires qui divulguent des actes possiblement répréhensibles qui ne répondent pas aux critères définis.

Ce qui limite aussi la définition de ce qui constitue un acte répréhensible, selon Patricia Harewood, conseillère juridique, Alliance de la Fonction publique du Canada, c’est que l’article 8 de la Loi en limite l’application au secteur public tel que défini par la Loi.

1.1.2 Divulgation : à qui s’adresser?

1.1.2.1 Mécanisme de divulgation interne

Les articles 10 et 12 de la LPFDAR établissent le premier de deux mécanismes de divulgation d’actes répréhensibles au sein du secteur public fédéral : le mécanisme de divulgation interne. Les administrateurs généraux sont tenus, dans leur élément respectif du secteur public, de désigner un agent supérieur chargé de recevoir tout renseignement qui, de l’avis d’un fonctionnaire, révèle qu’un acte répréhensible a été commis ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel acte. Le fonctionnaire peut aussi transmettre un tel renseignement à son supérieur hiérarchique.

La LPFDAR exige que le Conseil du Trésor élabore un code de conduite applicable au secteur public fédéral. Elle prévoit également que chaque administrateur général d’un ministère ou organisme fédéral établisse un mécanisme interne, entre autres, en désignant un agent supérieur chargé de recevoir les divulgations d’actes répréhensibles et d’y donner suite. Ce mécanisme doit protéger l’identité des personnes concernées et la confidentialité des renseignements recueillis en ce qui touche les divulgations et les enquêtes.

Les administrateurs généraux des ministères et organismes fédéraux ont la responsabilité de mettre efficacement en application dans leur organisation le Code de valeurs et d’éthique du secteur public, leur code de conduite organisationnel et leur mécanisme de divulgation interne. De plus, ils doivent s’assurer que leur code de conduite et leur mécanisme de divulgation interne fassent régulièrement l’objet d’un suivi et d’une évaluation.

Le Guide de prise de décision du Commissariat rappelle aux fonctionnaires divulgateurs potentiels que de nombreuses ressources internes peuvent les aider à résoudre des problèmes dans leur organisation, y compris un agent supérieur chargé des divulgations internes[8], un représentant syndical, un conseiller en relations de travail, un conseiller en éthique, un conseiller en ressources humaines, un conseiller en gestion de conflits, un coordonnateur en matière de diversité, un coordonnateur en matière d’équité, un coordonnateur en matière de santé et de mieux-être et un conseiller en matière de conflits d’intérêts.

Des représentants de ministères fédéraux ont discuté de la présence d’un groupe de travail interministériel, le Groupe de travail sur la divulgation interne, dont font partie les agents supérieurs ainsi que des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor et du Commissariat. Ce groupe de travail discute des enjeux entourant le mécanisme de divulgation interne et échange des conseils et des pratiques exemplaires. Selon les représentants ministériels, le groupe de travail développe également les outils nécessaires pour gérer de manière optimale les divulgations[9].

Tom Devine, directeur du service juridique, Government Accountability Project, qui témoignait à titre personnel, a soutenu que la protection offerte par le biais du mécanisme interne est essentielle, car plus de 90 % des divulgateurs choisissent de faire une divulgation auprès de leur supérieur. Or, selon Scott Chamberlain, directeur des relations de travail, avocat général, Association canadienne des agents financiers, le mécanisme de divulgation interne au sein des ministères et organismes fédéraux ne fonctionne pas et les employés n’y ont pas recours parce qu’ils estiment qu’il est conçu pour contenir les problèmes plutôt que pour les régler. Ainsi, il a soutenu que c’est ce qui explique la raison pour laquelle les actes répréhensibles sont souvent dévoilés par les médias ou par d’autres moyens. Il a ajouté que le mécanisme de divulgation interne est dysfonctionnel, car il n’est pas indépendant et que seul un mécanisme de divulgation externe indépendant serait efficace.

De plus, M. Devine a précisé que la LPFDAR ne couvre pas les divulgations faites à des collègues, alors qu’« elles sont nécessaires au devoir de faire des divulgations responsables aux forces de l’ordre, au Parlement, au public ou aux médias ».

Enfin, M. Friday a souligné que le mécanisme de divulgation interne diffère grandement du mécanisme externe et que contrairement à ce mécanisme externe de divulgation, la LPFDAR est discrète quant à la manière dont le mécanisme interne doit fonctionner. Selon lui, ce rôle a plutôt été confié à l’employeur, à savoir le Secrétariat du Conseil du Trésor.

A. Risque de conflits d’intérêts

Il a été soulevé que les administrateurs généraux des ministères et organismes fédéraux pourraient se trouver en situation de conflits d’intérêts lorsqu’ils gèrent des cas d’actes répréhensibles. Anne Marie Smart, dirigeante principale des ressources humaines, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor, a expliqué que lorsqu’un acte répréhensible est avéré, les administrateurs généraux des ministères et organismes fédéraux évaluent les sanctions disciplinaires à prendre et engagent parfois une tierce partie pour les aider dans l’accomplissement de cette tâche. Lorsqu’un administrateur général se trouve en situation de conflit d’intérêts, il peut demander à une autre personne, telle que le commissaire à l’intégrité du secteur public, ou à un autre ministère de déterminer les mesures à prendre à sa place.

En réponse à une question d’un membre du Comité, les représentants des ministères et organismes fédéraux ont soutenu que leur obligation de faire rapport à leur gestionnaire dans les cas d’allégations d’actes répréhensibles ne génère pas de situations de conflit d’intérêts. Par exemple, Mme Glover a soutenu que le système utilisé dans son ministère semble fonctionner étant donné que chaque sous-ministre est responsable des activités de son ministère et se doit de remédier aux problèmes s’y rattachant. De plus, elle a dit avoir la responsabilité de rédiger un rapport pour chaque allégation d’acte répréhensible et que si celle-ci s’avère fondée, un processus disciplinaire doit être mis en branle. Bien qu’il ait reconnu que le mécanisme interne n’est pas aussi indépendant que le mécanisme externe, Amipal Manchanda, sous-ministre adjoint, Services d’examen, ministère de la Défense nationale, a souligné que la LPFDAR comporte néanmoins des éléments visant à garantir l’indépendance. À titre d’exemple, dans le cadre de ses fonctions, il ne participe à aucune activité opérationnelle au sein de son ministère étant donné que la personne chargée des enquêtes sur les actes répréhensibles ne doit pas avoir de liens avec les opérations ou les éléments d’actes répréhensibles relevant de ces opérations. Line Lamothe, directrice générale par intérim, Services des ressources humaines et du milieu de travail, ministère des Affaires autochtones et du Nord canadien, a pour sa part dit que c’est le personnel et non le sous-ministre qui doit prendre les mesures nécessaires lorsqu’un acte répréhensible est avéré. Néanmoins, selon M. Friday, « le risque de conflit d’intérêts peut être problématique » au sein du mécanisme interne.

En réponse à une autre question d’un membre du Comité, Mme Smart a soutenu que si les agents supérieurs des ministères et organismes fédéraux responsables de recevoir les divulgations étaient indépendants et se rapportaient séparément à un enquêteur en chef, « cela créerait des confrontations au sujet des pouvoirs des administrateurs généraux en ce qui a trait à la gestion des personnes ». Or, selon A.J. Brown, professeur, Griffith University, ayant témoigné à titre personnel, les unités de divulgation internes au sein des ministères et organismes devraient fonctionner avec un certain niveau d’indépendance par rapport à la gestion.

B. Codes de valeurs et d’éthique

Des représentants des ministères et organismes fédéraux ont parlé du processus relatif aux codes de valeurs et d’éthique de la fonction publique. Mme Smart a souligné que les ministères et organismes fédéraux élaborent leur propre code de conduite et doivent non seulement les adopter, mais également mener des campagnes de sensibilisation auprès de leurs employés. M. Trottier a ajouté que tous les ministères et organismes fédéraux intègrent leur code de valeurs aux lettres d’offre d’emploi des nouveaux fonctionnaires et que ceux-ci doivent le lire dès leur embauche. De plus, il a indiqué que la formation en matière de valeurs et d’éthique est obligatoire pour tous les fonctionnaires, ce qui rend, selon lui, le processus très robuste. Luc Bégin, ombudsman et directeur exécutif, Bureau de l’ombudsman de l’intégrité et de la résolution, ministère de la Santé, a expliqué que tous les employés de Santé Canada doivent, au moment de leur nomination, attester qu’ils ont lu et compris le code de conduite du Ministère lorsqu’ils signent leur lettre d’embauche.

David Hutton, chercheur principal, Centre for Free Expression, qui a témoigné à titre personnel, a affirmé que cinq ans après l’entrée en vigueur de la LPFDAR, le Secrétariat du Conseil du Trésor a rédigé un nouveau code de conduite pour la fonction publique fédérale et chaque ministère ou organisme fédéral a dû rédiger son propre code de conduite. Or, selon lui, plusieurs codes de conduite ont été réécrits de manière « à criminaliser la divulgation et à faire des propos négatifs au sujet de son propre ministère une infraction passible de congédiement, après quoi il y aurait toutes sortes de conséquences négatives ».

Allan Cutler, Allan Cutler Consulting, qui a témoigné à titre personnel, a soutenu que malgré le fait que les sous-ministres des organisations fédérales sont désignés comme étant responsables de la mise en place de procédures et politiques conformément à la Loi fédérale sur la responsabilité ainsi que des mécanismes de contrôle interne efficaces, le non-respect de ces exigences n’entraîne aucune conséquence. Cela constitue, selon lui, une lacune fondamentale dans la LPFDAR.

C. Quelques exemples de ministères et organismes

Dans le cadre de son étude, le Comité a invité à comparaître des représentants de certains ministères et organismes fédéraux afin de mieux comprendre leur processus de divulgation interne.

Affaires autochtones et du Nord Canada

Mme Lamothe a présenté le mécanisme de divulgation interne du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada en soulignant qu’il est géré par l’agent supérieur, qui est également le directeur du Centre de l’intégrité, des valeurs et de la résolution de conflits. Appuyé par trois employés, l’agent supérieur a pour rôle de donner des conseils impartiaux et une orientation aux fonctionnaires qui envisagent de divulguer un acte répréhensible. Il peut demander l’aide d’un expert pour examiner les allégations et recueillir des renseignements supplémentaires. Si l’agent supérieur estime qu’il existe des motifs suffisants pour lancer une enquête, il en informe le sous-ministre et lui demande l’autorisation pour tenir une enquête. Par la suite, le Ministère fait appel à un enquêteur indépendant et, dès l’enquête terminée, l’agent supérieur présente ses conclusions et formule des recommandations au sous-ministre. Elle a ajouté que depuis 2007, le Ministère a reçu en moyenne trois divulgations par année.

Agence des services frontaliers du Canada

M. Thibodeau a expliqué que pour déterminer si une enquête en vertu de la LPFDAR est justifiée, le supérieur immédiat ou l’agent supérieur doit répondre à un certain nombre de questions, comme : « Existe-t-il d’autres mécanismes de règlement de la plainte? Est-ce que l’allégation, si on juge qu’elle est fondée, correspond à la définition de la notion d’acte répréhensible selon la loi et aux précédents établis par le commissaire à l’intégrité? Et est-ce que le problème relève de l’intérêt public ou de l’intérêt personnel? ». Quand une enquête n’est pas justifiée, l’employé reçoit par écrit la décision assortie d’une explication et on l’informe des autres mécanismes à sa disposition, comme la procédure informelle de règlement des différends.

Centre de la sécurité des télécommunications

Joanne Renaud, directrice générale, Vérification, évaluation et éthique, Centre de la sécurité des télécommunications (CST), a expliqué que pour des raisons de sécurité nationale, le CST fait l’objet d’un traitement exceptionnel en vertu de la LPFDAR. Les employés doivent toutefois avoir accès à un mécanisme interne entériné par le Secrétariat du Conseil du Trésor pour aborder les graves manquements à l’éthique et les signaler, y compris les actes répréhensibles.

Mme Renaud a souligné que les employés du CST peuvent faire des divulgations à leur gestionnaire, à un représentant syndical, à un responsable des relations de travail, au responsable du bureau d’éthique ou à elle-même. Dans son rôle de directrice générale, Vérification, évaluation et éthique, Mme Renaud a la responsabilité de recevoir et d’examiner les allégations pour ensuite déterminer s’il y a des motifs suffisants d’y donner suite et s’il y a lieu de régler un différend. En outre, elle doit préparer un rapport annuel pour le chef du CST comprenant le nombre de divulgations reçues, le nombre d’enquêtes entamées, les recommandations formulées et les problèmes systémiques identifiés. Le chef du CST, quant à lui, doit indiquer dans ses rapports annuels au ministre de la Défense nationale les divulgations reçues et les enjeux s’y rattachant.

De plus, le Comité a appris que le CST a mis en place de nombreuses structures en vue de satisfaire les exigences de la LPFDAR[10]. Ces structures comprennent un système de contrôle et de surveillance par la direction, des équipes chargées de la conformité aux politiques au sein des secteurs opérationnels, une équipe de conseillers juridiques venant du ministère de la Justice ainsi qu’un système de surveillance continue et active des processus internes. Qui plus est, l’ensemble des activités du CST peuvent faire l’objet d’un examen approfondi mené par le commissaire indépendant du CST. En vertu de la Loi sur la défense nationale le commissaire du CST a la responsabilité d’ouvrir une enquête s’il estime nécessaire en réponse à une plainte.

Enfin, Mme Renaud a parlé de la protection contre les représailles qui est offerte aux employés du CST qui font des divulgations d’actes répréhensibles et ceux qui collaborent aux enquêtes sur ceux-ci.

Gendarmerie Royale du Canada

Selon M. MacMillan, le nouveau code de déontologie applicable aux membres de la GRC et le nouveau code de conduite applicable aux fonctionnaires de la GRC ont « adopté une approche plus positive et responsable envers la conduite et font état de l’obligation de signaler les actes d’inconduite ». Depuis l’entrée en vigueur de la LPFDAR, la GRC a signalé trois cas d’actes répréhensibles fondés.

En vertu de la politique de la GRC relative à la LPFDAR, l’agent supérieur de la GRC peut former un comité d’évaluation pour l’aider à examiner en toute confidentialité les allégations d’actes répréhensibles par rapport à une liste préétablie de critères d’évaluation. Contrairement aux ministères et organismes fédéraux régis par la LPFDAR, la GRC dispose de son propre mécanisme interne de traitement des représailles comme certains autres processus internes propres à la GRC, dont les processus de harcèlement et de griefs.

Ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes

M. Manchanda a expliqué que le dispositif interne de protection des divulgateurs des Forces armées canadiennes (FAC) est très semblable à celui du ministère de la Défense nationale, car chacun des éléments de la LPFDAR est repris dans la procédure de protection des FAC. De plus, il a dit que la définition d’actes répréhensibles est très similaire à celle de la LPFDAR et le mécanisme de divulgation interne du Ministère est identique à celui des FAC.

M. Manchanda a aussi souligné que le ministère de la Défense nationale et les FAC partagent un code de valeurs et d’éthique commun et qu’un rapport annuel sur la divulgation est préparé et acheminé au Bureau du dirigeant principal des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Santé Canada

M. Bégin a indiqué que Santé Canada encourage ses employés à signaler tout acte répréhensible à leur superviseur. Il a aussi expliqué au Comité que le Bureau de l’ombudsman, de l’intégrité et de la résolution de Santé Canada a été créé en février 2016 pour offrir des services d’ombudsman confidentiels, neutres et indépendants, de gestion informelle de conflits, de divulgation interne ainsi que des cours de valeurs et d’éthique aux fonctionnaires de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada.

M. Bégin a poursuivi en informant le Comité des mesures prises par le Bureau de l’ombudsman, de l’intégrité et de la résolution quand une divulgation s’avère fondée, soit qu’un rapport est acheminé à la haute gestion pour lui faire part des conclusions du Bureau de l’ombudsman, lui signaler les problèmes systémiques pouvant être à l’origine d’actes répréhensibles et lui recommander des mesures correctives. Ces rapports sont également affichés sur le site Web de Santé Canada. En réponse à une question d’un membre du Comité, M. Bégin a affirmé que lorsque le Bureau reçoit une divulgation d’actes répréhensibles, une entreprise indépendante réalise l’enquête.

Services publics et Approvisionnement Canada

Selon Mme Glover, SPAC dispose d’un cadre rigoureux visant à prévenir d’éventuels actes répréhensibles et y réagir étant donné qu’il a intégré des mesures dans sa culture organisationnelle, ses pratiques de gestion, ses systèmes et ses processus. De plus, SPAC dispose d’un code de conduite en matière d’approvisionnement pour les entrepreneurs. Elle a ajouté que lorsque des allégations sont fondées concernant des actes répréhensibles, des sanctions disciplinaires et correctives sont prises et que lorsque des problèmes systémiques sont déterminés, des recommandations sont formulées en vue de corriger les lacunes liées au processus et à la procédure. Elle n’a cependant pas précisé à quelle instance les recommandations étaient formulées.

Annuellement, SPAC reçoit de 25 à 30 plaintes relevant des termes de la LPFDAR[11]. Biagio Carrese, directeur, Direction des enquêtes spéciales, SPAC, a indiqué qu’une équipe composée de 10 enquêteurs venant d’horizons différents, allant des enquêtes criminelles jusqu’aux enquêtes de passation des marchés publics, se consacre à la divulgation interne.

1.1.2.2 Autres mécanismes de résolution

Des témoins ont parlé d’autres mécanismes de résolution disponibles au sein des ministères et organismes fédéraux visant à traiter non pas des divulgations d’actes répréhensibles, mais plutôt d’autres situations conflictuelles comme le harcèlement, les relations de travail nocives ou encore des griefs concernant d’autres types de plaintes comme celles concernant la rémunération ou une demande de remboursement de frais de déplacement. À titre d’exemple, M. Trottier a expliqué que la fonction publique fédérale s’est dotée d’un processus de grief en matière de harcèlement, d’une politique sur le harcèlement et d’une politique disciplinaire sur les relations de travail.

M. Bégin a indiqué que dans bon nombre de cas, il n’est, selon lui, pas nécessaire de mener une enquête officielle sur les problèmes soulevés dans le cadre du mécanisme de divulgation interne de divulgation, car ceux-ci peuvent être traités de manière informelle, y compris par l’intermédiaire des processus de gestion des relations de travail ou la gestion informelle des conflits.

Parmi les autres mécanismes de résolution de SPAC, Mme Glover a précisé les enquêtes internes, les vérifications régulières réalisées par les directions générales des ressources humaines, des approvisionnements et des finances de même que les plaintes liées à l’approvisionnement.

Par ailleurs, les syndicats jouent également un rôle dans les cas de divulgation d’actes répréhensibles parce qu’ils ont, selon Me Yazbeck, le devoir de représenter leurs membres ayant divulgué des actes répréhensibles et que lorsque les cas sont difficiles ou compliqués, ils engagent un avocat spécialisé en relations de travail.

1.1.2.3 Le commissaire à l’intégrité du secteur public et son commissariat

Je tiens à souligner que dans l’exercice des fonctions que me confère la loi, je ne suis le défenseur d’aucune partie. Je suis plutôt un décideur neutre qui doit être impartial et respecter les droits de toutes les parties à l’équité procédurale et à la justice naturelle.
Joe Friday, 
commissaire,
Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada

L’article 39 de la LPFDAR prévoit la création du poste de commissaire à l’intégrité du secteur public (le commissaire), qui est le deuxième mécanisme de divulgation d’actes répréhensibles possible au sein du secteur public fédéral. Le commissaire est nommé par le gouverneur en conseil sur l’approbation du Parlement. Aux termes du paragraphe 13(1) de la LPFDAR, un fonctionnaire peut faire une divulgation en communiquant directement avec le commissaire, sans passer par l’intermédiaire de son supérieur hiérarchique ou de l’agent supérieur désigné par son administrateur général. En outre, selon le paragraphe 33(1) de la Loi, le commissaire peut amorcer une nouvelle enquête si une enquête antérieure ou une personne autre qu’un fonctionnaire fournit des renseignements indiquant qu’un acte répréhensible a été commis.

Le commissaire fait enquête pour « porter l’existence d’actes répréhensibles à l’attention des administrateurs généraux et […] leur recommander des mesures correctives[12] ». Outre les pouvoirs qui lui sont expressément conférés par la LPFDAR, il détient tous les pouvoirs accordés à un commissaire aux termes de la partie II de la Loi sur les enquêtes[13]. Le commissaire fait état du résultat des enquêtes et fournit des renseignements relatifs aux divulgations aux administrateurs généraux, aux ministres, au Conseil du Trésor, au Parlement et à d’autres autorités selon les circonstances et la nature des renseignements[14].

Ainsi, le commissaire relève directement du Parlement et a le pouvoir de recevoir et d’enquêter sur des allégations d’actes répréhensibles et des plaintes en matière de représailles, de formuler des recommandations aux administrateurs généraux sur les mesures correctives à prendre et d’examiner les rapports venant des administrateurs généraux faisant état de la suite donnée à ses recommandations.

Aux termes des paragraphes 38(3.1) à 38(4) de la LPFDAR, lorsqu’une enquête permet de conclure qu’un acte répréhensible a été commis, le commissaire est alors tenu d’en informer les présidents du Sénat et de la Chambre des communes dans les 60 jours. Ce rapport sur le cas doit faire état de la conclusion de l’acte répréhensible, des recommandations du commissaire à l’administrateur général de l’élément du secteur public concerné ainsi que les observations faites par l’administrateur général.

Le rôle du Commissariat est d’établir un processus sûr, indépendant et confidentiel permettant aux fonctionnaires et au grand public de divulguer des actes répréhensibles susceptibles d’avoir été commis dans le secteur public fédéral. La compétence du Commissariat s’applique à l’ensemble du secteur public fédéral, dont les organismes distincts et les sociétés d’État, ce qui représente quelque 375 000 fonctionnaires[15].

Pour l’exercice financier 2017-2018, le Commissariat a prévu des dépenses d’un peu plus de 5,4 millions de dollars dans le cadre du Budget principal des dépenses 2017‑2018 et a prévu disposer de 23 employés équivalents temps plein[16].

Le processus de divulgation au Commissariat comporte trois étapes :

  1. Remplir le formulaire[17] de divulgation approprié.
  2. Rassembler tous les renseignements ou documents supplémentaires à l’appui des allégations[18].
  3. Acheminer par voie sécurisée ou présenter en personne les documents au Commissariat.

Par la suite, le Commissariat examine la divulgation et établit les étapes suivantes. Le fonctionnaire divulgateur doit alors respecter la confidentialité du processus.

Si des représailles sont exercées contre le fonctionnaire divulgateur, ce dernier peut porter plainte auprès du Commissariat qui dispose de 15 jours pour déterminer s’il y a lieu d’y donner suite et de lancer une enquête. Le dossier est transféré au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles s’il est déterminé qu’il existe « des motifs raisonnables de croire que des représailles ont été exercées[19] ».

Au cours de l’exercice 2015-2016, le Commissariat a reçu 86 nouvelles divulgations d’actes répréhensibles et 30 nouvelles plaintes en matière de représailles. Il est à noter que ces plaintes sont différentes de celles reçues par des organisations du secteur public et compilées dans le Rapport annuel sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles publié par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Comme présenté dans le tableau 2, le nombre de nouvelles divulgations et plaintes reçues par le Commissariat a été relativement stable depuis les trois derniers exercices financiers.

Tableau 2 – Statistiques sur les divulgations au Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, exercices 2011-2012 à 2015-2016

 

2011–2012

2012–2013

2013–2014

2014–2015

2015–2016

Nouvelles divulgations d’actes répréhensibles

94

113

84

90

86

Divulgations d’actes répréhensibles reportées d’exercices passés

76

93

78

33

39

Dossiers menant à un acte répréhensible avéré

1

4

5

0

1

Nouvelles plaintes en matière de représailles

43

24

29

28

30

Plaintes en matière de représailles reportées d’exercices passés

17

27

13

12

16

Dossiers renvoyés au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles

3

0

0

3

1

Sources : Tableau préparé à partir de données tirées de Commissariat à l’intégrité du secteur public, Rapport annuel 2011-2012, p. 8; Rapport annuel 2012-2013, p. 8; Rapport annuel 2013-2014, p. 9; Rapport annuel 2014-2015, p. 9; et Rapport annuel 2015-2016, p. 12.

Depuis 2007, le Commissariat est chargé de faire enquête sur les divulgations d’actes répréhensibles et sur toutes les plaintes en matière de représailles associées à une divulgation protégée. Des témoins, comme M. Brown, ont suggéré que ce double rôle du commissaire, à savoir d’enquêter sur les divulgations et de protéger les divulgateurs, le place en situation de conflit d’intérêts : « [I]l y a un problème fondamental dans la loi quant à la clarté des rôles du commissaire à l’intégrité ».

Selon lui, il serait préférable que le régime de protection des divulgateurs fasse partie intégrante de la Loi au lieu de dépendre d’un seul organisme qui « s’occupe de tout ». En outre, Me Yazbeck a convenu que le double rôle du commissaire, à savoir celui d’enquêter sur des actes répréhensibles et de décider si un acte répréhensible a bel et bien eu lieu, peut également poser problème.

Enfin, Michael Ferguson, vérificateur général, Bureau du vérificateur général du Canada, a attiré l’attention du Comité sur le fait que son bureau ne peut mener d’enquêtes relativement à des plaintes en matière de représailles venant d'employés du Commissariat.

Selon Joanna Gualtieri, directrice, The Integrity Principle, qui témoignait à titre personnel, étant donné que son budget n’est pas octroyé de façon indépendante, le Commissariat « est complètement dépendant du gouvernement et, plus particulièrement, du Conseil du Trésor ». Abondant dans le même sens, M. Hutton s’est aussi exprimé au sujet du commissaire en disant qu’il est un agent du Parlement et « est censé être complètement indépendant, mais il ne l’est pas ». Selon lui, un problème concernant le processus d’enquête du Commissariat est le recours fréquent à des services externes.

Enfin, en ce qui a trait aux ressources, M. Brown a estimé essentiel de doter le Commissariat des ressources nécessaires pour qu’il remplisse son rôle.

1.1.2.4 Divulgations publiques

Aux termes du paragraphe 16(1), un fonctionnaire peut faire publiquement une divulgation sous certaines conditions. D’abord, le fonctionnaire doit avoir le droit de faire une divulgation soit en s’adressant à une instance extérieure (le commissaire), soit en s’adressant à une instance interne (son supérieur hiérarchique ou l’agent supérieur). Ensuite, il doit manquer de temps pour faire sa divulgation en suivant les mécanismes précisés précédemment. Enfin, le fonctionnaire doit avoir des motifs raisonnables de croire que l’acte ou l’omission qui est visé par la divulgation constitue soit une infraction grave à une loi canadienne, soit un risque imminent, grave et précis pour les personnes ou l’environnement.

Le paragraphe 16(1.1) crée une exception au paragraphe 16(1) et interdit de divulguer au public des renseignements faisant l’objet d’une restriction prévue sous le régime d’une loi fédérale. Néanmoins, le paragraphe 16(2) prévoit qu’une divulgation n’est pas limitée par les conditions énoncées au paragraphe 16(1) si une loi différente autorise un fonctionnaire à faire une divulgation.

Au sujet des divulgations publiques, M. Radford a fait observer que les divulgateurs qui s’adressent aux médias s’exposent à des « difficultés » parce qu’ils ne sont pas, le plus souvent, à l’abri des représailles, comme c’était le cas avant l’entrée en vigueur de la LPFDAR. Essentiellement, comme l’a expliqué M. Rousseau, à moins que le fonctionnaire réponde aux « exigences exceptionnelles » prévues à l’article 16 de la Loi et qu’il subisse des représailles, il n’est pas protégé parce que sa divulgation ne constitue pas une « divulgation protégée » au sens où l’entend la Loi.

Tentant de situer le contexte des divulgations publiques, Mme Gualtieri a fait valoir ce qui suit :

La plupart des divulgateurs à qui j’ai parlé, surtout lorsqu’il est question […] d’actes répréhensibles systémiques qui sont omniprésents […], passent énormément de temps à essayer de prendre des mesures correctives et à se faire entendre au sein de l’organisme. Je l’ai fait pendant six ans et je suis allée jusqu’au cabinet du ministre.
L’idée de m’adresser aux médias ne me plaisait guère. Je ne l’avais jamais fait, mais quelles étaient mes options? C’était mon dernier recours […]
Les divulgateurs ne se précipitent pas vers les médias […] De plus, je pense qu’il ne nous faut pas oublier que, traditionnellement, les médias ont servi à informer le public et les politiciens des actes répréhensibles systémiques.

1.1.3 Suis-je protégé?

Au cours de l’étude, des témoins ont précisé au Comité que les victimes de représailles ne sont pas nécessairement protégées par la LPFDAR si, en divulguant des actes répréhensibles, elles ne suivent pas les directives prescrites dans la Loi. En règle générale, une « divulgation protégée » visée par la Loi s’entend d’une divulgation d’actes répréhensibles, telle que définie par la Loi, que fait de bonne foi un fonctionnaire directement auprès de l’agent supérieur désigné de l’organisation, de son supérieur hiérarchique ou du commissaire. À ce sujet, M. Radford a précisé que, conformément à la LPFDAR, « toutes les personnes qui ont fait une divulgation protégée sont protégées [de représailles], que leurs [allégations] d’actes répréhensibles […] soient ou non justifiées, que leurs prétentions d’actes répréhensibles aient ou non un fondement ».

M. Cutler, a fait état de nombreux cas où la Loi n’est pas parvenue à protéger des employés dans la fonction publique, notamment des entrepreneurs privés. Il a parlé d’un apparent « manque de volonté » de la part du Commissariat d’enquêter sur certaines divulgations ou plaintes en matière de représailles. Par exemple, il a soulevé le cas d’un employé dont la plainte en matière de représailles – dans ce cas-ci, un congédiement – a été rejetée parce qu’il n’était plus un employé du gouvernement. En résumé, de nombreux témoins, dont M. Cutler, sont d’avis que la Loi « ne protège vraiment pas ceux qu’elle est censée protéger […] En fait, elle est conçue pour protéger les cadres supérieurs plutôt que les simples fonctionnaires ».

Cela étant dit, l’article 11 de la LPFDAR contient des exigences en matière de confidentialité qui visent à protéger les divulgateurs. Les administrateurs généraux sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour protéger l’identité des personnes en cause dans le processus de divulgation – y compris les témoins et les présumés coupables – et préserver la confidentialité des renseignements recueillis. Aux termes de l’article 22 de la LPFDAR, le commissaire a les mêmes responsabilités à l’égard des personnes en cause dans la divulgation.

Selon M. Trottier, la confidentialité est « l’un des principes fondamentaux » de la Loi, qui garantit que les divulgations d’actes répréhensibles seront « traitées selon un niveau approprié de confidentialité » pour assurer la protection du divulgateur. À l’inverse, M. Hutton, à l’instar de nombreux témoins, a affirmé que la préservation de l’« anonymat » est une « mesure bidon ». Il a expliqué que, bien souvent, seules quelques personnes ont accès aux renseignements mis en cause dans une divulgation, auquel cas il est relativement aisé d’identifier le divulgateur, particulièrement si des questions ont été posées durant le travail préliminaire nécessaire pour faire la divulgation. Pour reprendre les propos d’Isabelle Roy, conseillère générale, Affaires juridiques, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : « La protection de l’anonymat est […] souvent impossible […] En effet, même si l’on essaie de garder l’identité de ce dernier confidentielle, c’est souvent impossible, et ce, en dépit des meilleurs efforts et des meilleures intentions. »

1.1.3.1. Accès à des conseils juridiques

Conformément à l’alinéa 22a) de la LPFDAR, le commissaire a pour attributions de fournir des renseignements et des conseils relatifs aux divulgations d’actes répréhensibles. Toutefois, le commissaire est habilité à mettre gratuitement des services de consultation juridique d’une valeur de 1 500 $ et, dans des circonstances exceptionnelles, de 3 000 $, à la disposition des fonctionnaires qui envisagent de divulguer un acte répréhensible, qui participent à titre de témoins ou qui envisagent de présenter une plainte concernant de prétendues représailles[20]. M. Friday a reconnu que, « [e]n tant qu’organisme d’enquête décisionnel, indépendant, neutre et objectif », le Commissariat « peut ne pas être [perçu] comme le meilleur fournisseur de conseils ». C’est pourquoi le commissaire « fai[t] donc la distinction entre les conseils et les renseignements ».

Il peut être difficile pour un fonctionnaire de savoir comment s’y prendre lorsqu’il croit que des actes répréhensibles sont commis dans son milieu de travail[21]. M. Brown a indiqué que, malgré ces difficultés, « le droit à l’aide juridique » prévu dans la loi canadienne est un bon précédent qu’il convient de maintenir.

1.1.4 Enquêtes sur les actes répréhensibles

1.1.4.1 Attributions et pouvoirs d’enquête du commissaire

L’article 26 de la LPFDAR précise que les enquêtes menées en vertu de la Loi ont pour objet de porter l’existence d’actes répréhensibles à l’attention des administrateurs généraux et de leur recommander des mesures correctives. Les enquêtes sont menées, dans la mesure du possible, sans formalisme et avec célérité.

Au sujet de l’ensemble du processus de divulgations et d’enquêtes visant des actes répréhensibles faites en vertu de la Loi, le commissaire est tenu, conformément à l’article 22, d’exercer les attributions suivantes :

  • a) fournir des renseignements et des conseils relatifs aux divulgations faites en vertu de la Loi et à la tenue des enquêtes menées par lui;
  • b) recevoir, consigner et examiner les divulgations afin d’établir s’il existe des motifs suffisants pour y donner suite;
  • c) mener les enquêtes sur les divulgations ou nommer des personnes pour les mener en son nom;
  • d) veiller à ce que les droits, en matière d’équité procédurale et de justice naturelle, des personnes mises en cause par une enquête soient protégés;
  • e) veiller, dans toute la mesure du possible, à ce que l’identité des personnes mises en cause par une divulgation ou une enquête soit protégée;
  • f) établir des procédures à suivre pour le traitement des divulgations et assurer la confidentialité des renseignements recueillis relativement aux divulgations et aux enquêtes;
  • g) examiner les résultats des enquêtes menées sur une divulgation et faire rapport de ses conclusions aux divulgateurs et aux administrateurs généraux concernés;
  • h) présenter aux administrateurs généraux concernés des recommandations portant sur les mesures correctives à prendre et examiner les rapports faisant état des mesures correctives prises par les administrateurs généraux à la suite des recommandations;
  • i) recevoir et examiner les plaintes à l’égard des représailles, enquêter sur celles-ci et y donner suite.

En revanche, selon l’article 23, le commissaire ne peut pas donner suite à une divulgation ou amorcer une enquête si une personne ou un organisme – agissant sous le régime d’une loi fédérale autre que la LPFDAR – est saisi de l’objet de la divulgation ou de l’enquête, à condition que cette personne ou cet organisme n’agisse pas en tant qu’organisme chargé de l’application de la loi. En outre, selon le paragraphe 30(1) de la Loi, les pouvoirs d’enquête du commissaire (articles 28 et 29 de la LPFDAR) ne s’appliquent pas aux renseignements protégés par le secret professionnel liant l’avocat à son client. Enfin, le commissaire ne peut pas se servir de renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada divulgués en contravention du paragraphe 13(2) de la Loi.

Dans l’exercice de ses pouvoirs, le commissaire peut signifier une citation à comparaître ou convoquer une personne à témoigner. Toutefois, aux termes du paragraphe 29(3), le commissaire doit, avant de visiter, dans l’exercice des pouvoirs précédemment énoncés, des lieux occupés par un élément du secteur public, en informer l’administrateur général responsable. En vertu de la Loi, les administrateurs généraux sont tenus d’assurer l’accès public à certains renseignements liés à l’acte répréhensible au cours d’une enquête, sous réserve de restrictions prévues dans d’autres lois fédérales[22].

Pour s’acquitter de ses responsabilités, le Commissariat procède à une analyse de recevabilité et enquête à la fois sur les divulgations d’actes répréhensibles présumés et sur les plaintes en matière de représailles. Selon Raynald Lampron, directeur des opérations, Commissariat, le Commissariat a mené des enquêtes depuis 2011 sur environ 25 % des divulgations d’actes répréhensibles reçues parce qu’il avait « une raison valide pour ne pas mener d’enquête » dans 47 % des cas; dans 3 % des cas, le Commissariat a jugé que la divulgation des actes répréhensibles n’était pas suffisamment importante. M. Lampron a précisé que, depuis 2013, le commissaire n’a pas refusé d’enquêter sur une divulgation sur la base du critère de la période écoulée prévu à l’alinéa 24(1)d). Ainsi, du 15 avril 2007 au 10 février 2017, 11 rapports sur les cas avérés d’actes répréhensibles découlant de 774 divulgations et de 110 enquêtes ont été déposés au Parlement. Depuis, le commissaire a déposé deux rapports d’actes répréhensibles avérés. M. Radford a fait observer que ni la Cour fédérale ni la Cour d’appel fédérale n’avaient infirmé la décision du commissaire dans ces 13 cas d’actes répréhensibles avérés, qu’il s’agisse d’une enquête ou d’une analyse de recevabilité.

Toutefois, selon M. Rousseau, lorsqu’un acte répréhensible est avéré, le commissaire ne peut pas ordonner une mesure corrective, sanctionner les fautifs, entamer des poursuites pénales ou encore demander des injonctions pour cesser l’inconduite en cours. Me Yazbeck a affirmé que malgré le fait que le gouvernement fédéral a des décennies de jurisprudence visant le processus de la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui a trait aux enquêtes sur les plaintes en matière de droits de la personne et le renvoi au Tribunal des droits de la personne, le processus d’enquête du Commissariat « comporte des lacunes », « manque de rigueur », « considère les dénonciateurs comme étant suspects », « est [souvent] injuste sur le plan procédural », « a tendance à trouver des façons de ne pas traiter une plainte ou de la rejeter » et « [l]’approche n’est ni contextuelle ni subtile ».

A. Délais d’enquête

La Loi est muette sur le temps que peut et doit prendre le commissaire pour terminer une analyse de recevabilité ou mener une enquête sur les divulgations en vertu de la Loi. Néanmoins, M. Friday a indiqué que le Commissariat s’est doté de normes de service pour le traitement des cas, à savoir de réaliser l’analyse initiale du dossier en 90 jours et de terminer une enquête en un an dans 80 % des cas. Il a affirmé qu’à ce jour, le Commissariat a rempli ses normes de services dans plus de 90 % des cas.

Lorsque ces normes ne sont pas respectées, comme dans l’affaire de Don Garrett, un entrepreneur divulgateur qui a été exposé à de l’amiante alors qu’il travaillait pour le gouvernement fédéral, le processus d’enquête « a toutefois tourné au cauchemar ».

M. Friday a indiqué qu’une partie du défi du Commissariat consiste à s’assurer d’avoir les ressources et les normes de service nécessaires pour éviter les retards. Le travail du Commissariat est colossal : certains cas comptent de 20 à 30 témoins, dont un certain nombre ne sont pas disponibles ou demandent à être représentés par un avocat. Tous ces facteurs peuvent occasionner des retards. Néanmoins, trois employés du Commissariat se réunissent toutes les trois semaines pour passer en revue les dossiers et cibler et gérer les retards de manière appropriée.

 Selon Mme Gualtieri, « il est naïf de croire qu’une entité comme le [Commissariat] a le pouvoir, l’indépendance et les ressources pour s’occuper de dossiers susceptibles d’avoir des conséquences monumentales pour le gouvernement et de plonger celui-ci dans l’embarras. Par définition, ce n’est pas une faiblesse du commissaire, mais bien une faiblesse du Commissariat proprement dit ».

En outre, selon Mme Daviau, le manque de ressources au Commissariat a mené ce dernier à impartir certaines enquêtes, ce qui a eu pour effet de créer une lacune en matière de reddition de comptes dans laquelle les règles, les règlements et les directives du gouvernement ne s’appliquent pas aux enquêteurs privés.

B. Compétence du commissaire

Bien que certaines dispositions de la Loi s’appliquent aux entrepreneurs privés qui travaillent pour le gouvernement fédéral, selon l’article 34 de la Loi, si le commissaire estime que son enquête nécessite l’obtention de renseignements auprès de sources extérieures au secteur public, il est tenu de mettre fin à cette partie de son enquête. M. Friday a admis que cet article a nui à sa capacité de mener à bien une enquête dans le passé, en ajoutant toutefois du même souffle qu’une telle situation se produit rarement. Selon son interprétation de la Loi, le Commissariat estime qu’il lui est permis de demander des renseignements au secteur privé, sans toutefois pouvoir les exiger; il préférerait cependant que la Loi l’autorise à le faire.

Dans le secteur public, le commissaire est autorisé à exiger l’accès aux renseignements et aux installations, bien qu’il doive d’abord en aviser l’administrateur général responsable. Selon M. Cutler, il est problématique que le Commissariat communique avec les ministères et organismes fédéraux pour les informer qu’ils visiteront leurs bureaux afin de consulter des documents pour enquêter sur une divulgation, car les gestionnaires risquent de détruire des preuves entre temps. Questionné sur la possibilité que des éléments de preuve soient égarés ou détruits, M. Friday a répondu que, à son avis, les préavis ne causent pas de problème, soutenant qu’ils n’ont jamais eu d’effets « nuisibles » sur une enquête.

C. Pouvoirs discrétionnaires du commissaire

Divers articles de la Loi accordent au commissaire le pouvoir discrétionnaire de refuser de tenir une enquête concernant la divulgation d’un acte répréhensible. Aux termes du paragraphe 24(1), il peut refuser d’entamer une enquête ou de la poursuivre, s’il estime, selon le cas :

  • a) que la divulgation a été instruite dans le cadre de la procédure prévue par toute autre loi fédérale ou pourrait l’être avantageusement;
  • b) que la divulgation n’est pas suffisamment importante;
  • c) que la divulgation n’est pas faite de bonne foi;
  • d) que cela serait inutile en raison de la période écoulée;
  • e) que les faits visés par la divulgation résultent de la mise en application d’un processus décisionnel équilibré et informé;
  • f) que cela est opportun pour tout autre motif justifié.

Par ailleurs, le paragraphe 23(1) interdit au commissaire de donner suite à une divulgation d’un acte répréhensible (au titre de l’article 33) si une personne ou un organisme – exception faite d’un organisme chargé de l’application de la loi – est saisi de l’objet de celle-ci au titre d’une autre loi fédérale. M. Radford a fait observer que le paragraphe a pour seul effet d’éviter le dédoublement des enquêtes visant les actes répréhensibles, mais pas des plaintes en matière de représailles, ajoutant que même si une enquête est rejetée, le fonctionnaire demeure toujours protégé de représailles.

M. Radford a dit que le Commissariat accepte de mener des enquêtes dans les cas systémiques de harcèlement, par exemple si un membre de la haute direction intimide tout un service ou un bureau. Devant un tel scénario, le Commissariat pourrait considérer que le dossier répond à la définition d’un acte répréhensible et qu’il s’agit là d’un cas grave de mauvaise gestion ou encore d’un cas grave de contravention à un code de conduite. Cependant, si un fonctionnaire présente une situation de harcèlement unique, le Commissariat lui conseillera généralement de déposer une plainte en vertu de la politique sur le harcèlement.

En raison du nombre important de divulgations rejetées à l’étape de l’analyse de recevabilité, M. Devine a soutenu que « les divulgateurs ont un organisme d’enquête inoffensif […] qui se fait donner un chèque en blanc pour ne pas se pencher sur les cas des plaignants ou sur leurs droits, qui jouit d’une immunité pour les gestes qu’il pose et qui travaille dans un secret complet ». De l’avis de Mme Daviau, « [l]e processus [d’enquête du commissaire] est souvent inéquitable, […] n’est pas rigoureux et […] n’a aucun égard pour les dénonciateurs ». Dans son témoignage, M. Rousseau a indiqué que selon son expérience en défense de divulgateurs, le processus d’enquête devrait être « équitable et beaucoup plus transparent ».

M. Devine a affirmé que le fait que le Commissariat jouit d’une immunité pour ses actions et « travaille dans un secret complet » est contradictoire avec l’objectif de la LPFDAR visant à renforcer la transparence. Il a ajouté qu’il n’existe aucune limite quant au pouvoir discrétionnaire du commissaire et que celui-ci, contrairement à son homologue américain, n’est pas obligé d’aider les divulgateurs. Du point de vue de M. Rousseau, le commissaire « peut refuser d’examiner toute divulgation s’il estime que le dénonciateur n’agit pas de bonne foi ou que ce n’est pas dans l’intérêt public, et il peut aussi invoquer toute autre raison valide ».

1.1.4.2 Vérificateur général du Canada

En vertu de l’article 14 de la LPFDAR, les fonctionnaires fédéraux peuvent divulguer des actes répréhensibles concernant le Commissariat auprès du vérificateur général du Canada. Ce dernier a les mêmes attributions et immunités que celles conférées au commissaire concernant le traitement des divulgations.

Selon M. Brown, il est important que le vérificateur général joue un rôle dans la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. M. Ferguson a précisé qu’en vertu de la LPFDAR actuelle, il ne peut enquêter sur des plaintes en matière de représailles venant d’employés du Commissariat ou obtenir des renseignements à l’extérieur du secteur public.

1.1.5 Mesures correctives

Aux termes de l’article 9 de la LPFDAR, indépendamment de toute autre peine prévue par la Loi, la personne qui commet un acte répréhensible s’expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. Les sanctions disciplinaires possibles sont très variées bien que M. Trottier ait admis qu’elles peuvent se limiter à une simple réprimande. Pour Mme Stevens, indépendamment des dispositions de l’article 9, il est possible de prendre des mesures correctives sans qu’un acte répréhensible ait été constaté. Ces mesures correctives auraient pour effet de mettre à jour les mécanismes et d’éviter qu’un problème ne se reproduise. En revanche, les mesures correctives sont parfois superflues, selon M. Trottier, par exemple lorsque « l’employé ou le gestionnaire ne travaille plus pour l’organisation. La situation peut s’être réglée d’elle-même » ou, encore, dans les cas de malentendus ou de fin naturelle d’un contrat.

L’une des grandes lacunes relevées au chapitre des mesures correctives, c’est que le commissaire, en se fondant sur son enquête, ne peut que formuler des recommandations quant aux mesures correctives à privilégier de telle sorte que l’administrateur général, selon les explications de Mme Smart, doit recommencer entièrement l’enquête sur l’acte répréhensible pour ensuite décider des mesures correctives à prendre. En ce qui concerne les enquêtes internes sur les actes répréhensibles, Mme Smart a laissé entendre que la Loi semble être imprécise et que ce manque de précision risque de compromettre la légitimité des mesures correctives qui ont été prises. Toutefois, elle a souligné que les possibles conflits d’intérêts n’auraient pas d’incidence sur les mesures correctives appropriées, car il est possible d’engager une tierce partie dans de tels cas. Pour sa part, M. Rousseau a suggéré que la Loi ne « garantit pas de mesure corrective pour mettre fin à l’acte répréhensible ». Il a ensuite fait valoir que l’incapacité du commissaire « à ordonner une mesure corrective, à sanctionner les fautifs, à entamer des poursuites pénales et à demander des injonctions pour faire cesser l’inconduite en cours » est une grave lacune de la Loi actuelle.

1.2 Solutions proposées par les témoins

1.2.1 Élargir la portée de la définition de l’expression « acte répréhensible »

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation préparées par M. Devine, la deuxième pratique exemplaire concerne le « champ d’application du droit à la liberté d’expression "sans failles" ». À son avis, les droits des divulgateurs devraient valoir pour toute déclaration d’acte illégal, de gaspillage flagrant, de mauvaise gestion, d’abus de pouvoir, de danger substantiel et particulier pour la santé ou la sécurité publique et de toute autre activité ou information qui compromettrait la mission de l’organisation auprès de la population et de ses intervenants. Cette définition permettrait de se protéger rapidement des actes répréhensibles, possibles ou avérés, et de les déceler au plus tôt. Anna Myers, directrice, Whistleblowing International Network, qui a témoigné à titre personnel, a soutenu que les gens disposeraient ainsi d’une solution de rechange sécuritaire au silence.

En réponse à une question d’un membre du Comité, M. Devine, M. Devitt et M. Worth ont tous les trois expliqué que presque toutes les lois internationales portant sur la protection des divulgateurs excluent les divulgations impliquant les injustices personnelles. C’est notamment le cas avec la loi irlandaise qui exclut les divulgations en lien avec le contrat de travail de l’employé afin de ne pas mêler les griefs personnels et les divulgations dans l’intérêt public.

1.2.2 Accroître le nombre de modes de divulgations protégées

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la première pratique exemplaire concerne le « contexte pour un droit à la libre expression "sans failles" ». Cette disposition suppose que toute divulgation relative à une inconduite significative ou qui aiderait à mettre en œuvre des fonctions de conformité légitimes devrait être protégée. M. Devine critique l’existence dans la Loi d’échappatoires de « forme, de contexte, de temps ou d’auditoire ». De plus, il fait observer que les divulgations en milieu de travail sont toujours protégées, car la plupart des représailles sont généralement une réaction au « devoir de parler » lorsqu’un fonctionnaire n’a fait part de ses soupçons qu’à un collègue. Il a qualifié de « restrictions arbitraires » les obligations prévues dans la Loi, car elles vont à l’encontre des pratiques exemplaires internationales, ajoutant qu’elles dissuadent les divulgateurs de se manifester.

D’autres témoins comme M. Worth et Duff Conacher, cofondateur, Démocratie en surveillance, ont pour leur part soutenu qu’il est important de disposer de différents mécanismes de divulgation. Une divulgation protégée selon, M. Brown devrait inclure

[t]oute divulgation directe à un organisme de réglementation ou de protection de l’intégrité [et] devrait automatiquement faire l’objet d’une protection, que la divulgation se fasse à l’interne ou non. La divulgation à des tierces parties, qu’il s’agisse de syndicats, d’organisations de la société civile ou de médias, devrait faire l’objet d’une protection en toutes circonstances lorsque les divulgations à l’interne ou à des organismes de réglementation n’ont pas été traitées équitablement et qu’il y a des motifs raisonnables de conclure, après un délai raisonnable ou si un tribunal pourrait avoir des raisons satisfaisantes de conclure qu’il n’y a pas de mécanisme sûr de divulgation à l’interne ou à un organisme de réglementation.

Il a enchaîné en disant que « [s]i une personne a des motifs raisonnables de croire qu’il n’y a pas de façon de divulguer un acte répréhensible à l’interne ou à un organisme de réglementation en toute sécurité, elle devrait avoir le droit d’invoquer l’intérêt public en cas de poursuite pour bris de confiance ou d’autres recours ».

1.2.2.1. Un mécanisme de divulgation interne responsable

M. Friday a proposé de modifier l’article 12 de la LPFDAR pour élargir la définition de l’expression « supérieur hiérarchique » afin d’y inclure tout supérieur à la ligne hiérarchique jusqu’au sous-ministre, ainsi que le gestionnaire ayant compétence quant à l’objet de la divulgation. Selon lui, une telle modification renforcerait la confiance des employés tout en libéralisant la procédure. Cependant, M. Devine a suggéré que cette proposition était encore trop restrictive, car avant de pouvoir faire une divulgation, le fonctionnaire doit faire des recherches afin de s’assurer que ses allégations sont crédibles et pourrait ainsi souffrir de représailles avant même d’avoir eu la chance de faire une divulgation protégée à un supérieur hiérarchique. Quant à elle, Mme Smart a suggéré qu’il devrait être aussi simple que possible pour un fonctionnaire de faire une divulgation protégée. De plus, M. Radford a déclaré au Comité que le Commissariat « tent[e], autant que faire se peut, d’aider les gens qui ont fait une divulgation protégée en [se] fondant sur la définition la plus large possible de "divulgation protégée" ».

Des témoins ont souligné qu’afin d’éviter les conflits d’intérêts, il est essentiel que les unités de divulgation internes des ministères et organismes fédéraux se rapportent à un organisme de surveillance externe comme le Commissariat[23]. M. Brown a précisé que ce dernier aurait non seulement la responsabilité de compiler des statistiques, mais également d’évaluer la situation et d’intervenir si nécessaire. Le tout rendrait, selon lui, le Commissariat davantage proactif contrairement à son rôle actuel qu’il a qualifié de réactif.

De plus, M. Brown a soutenu que le régime de protection des divulgateurs devrait non seulement être intégré dans la gouvernance du Commissariat, mais également dans les systèmes d’intégrité des ministères et organismes fédéraux. Pour souligner et reconnaître que les divulgateurs ne sont pas toujours conscients de la gravité des renseignements qu’ils détiennent, il a suggéré d’élargir la protection consentie par la Loi aux divulgations d’intérêt public faites aux services de police, par exemple.

1.2.2.2. Clarification des exigences concernant la divulgation publique

Pour M. Devine, dans les cas de conflit d’intérêts et d’entrave à la justice, un divulgateur devrait pouvoir s’adresser directement au grand public. De ce fait, selon M. Devitt, en Irlande par exemple, les divulgateurs peuvent s’adresser aux médias ou à un député lorsque le mécanisme de divulgation interne est compromis. M. Brown croit lui aussi que, en de telles circonstances, les divulgateurs devraient être protégés des représailles, même s’ils n’ont pas d’abord fait la divulgation à l’interne; il a ajouté que les lois canadiennes ont des « lacunes » à cet égard.

1.2.3 Une nomination fondée sur le mérite

M. Cutler a soutenu que le processus de nomination du commissaire doit être repensé. En accord avec cette affirmation, M. Hutton a suggéré de nommer dans ce rôle une personne respectée et expérimentée qui vient du secteur privé, et non quelqu’un ayant œuvré toute sa carrière dans le secteur public, de rendre le processus de nomination plus ouvert et transparent comme le font les États-Unis et de donner au commissaire un mandat très clair, soit celui d’exposer les actes répréhensibles. M. Conacher, a, quant à lui, proposé dans le mémoire qu’il a remis au Comité que la personne nommée au titre de commissaire possède une expérience du domaine juridique et un solide bilan au chapitre du renforcement de la protection des divulgateurs, des règles d’éthique ou de toute autre loi de responsabilisation semblable. Il a ajouté que le processus de sélection du commissaire devrait être basé sur le mérite, ouvert, transparent et indépendant de même qu’il devrait être supervisé par un comité indépendant composé de membres venant de l’extérieur du gouvernement et de la sphère politique choisis par tous les partis politiques représentés au Parlement. Ce comité évaluerait les candidats et soumettrait au cabinet une liste à partir de laquelle le commissaire serait choisi, soit un système similaire à celui qui est utilisé pour nommer les juges provinciaux en Ontario.

Dans son mémoire, M. Conacher a également proposé d’interdire le renouvellement du mandat fixe du commissaire. Il a aussi suggéré que le rôle de ce dernier soit d’être

[…] formateur (y compris par l’émission de bulletins d’interprétation), enquêteur et responsable de l’application de l’ensemble des politiques gouvernementales (autres que les politiques appliquées par le vérificateur général) et être tenu de tenir des séances de formation, de réaliser régulièrement des vérifications aléatoires de la conformité et d’enquêter sur les plaintes des dénonciateurs au sujet des violations de ces politiques.

Dans le cadre de son étude portant sur le Budget principal des dépenses 2017‑2018, le Comité a appris par Chantal Maheu, sous-secrétaire du Cabinet, Planification et consultations, Bureau du Conseil privé, que

[l]e gouvernement a annoncé une nouvelle façon d'assurer la transparence des processus de sélection fondés sur le mérite pour les nominations par le gouverneur en conseil, avec garantie d'un meilleur accès aux Canadiens. Ça concerne dorénavant plus de 1 500 postes, notamment de chefs, de vice-présidents, de membres d'organismes et de conseils, de présidents, de directeurs, d'agents et de hauts fonctionnaires du Parlement.

Étant donné que le commissaire est un agent du Parlement, ces changements s’appliquent à sa nomination.

1.2.4 Abroger l’exigence concernant la bonne foi

Le critère devrait consister à se demander si le dénonciateur croit les renseignements véridiques plutôt qu’à s’interroger sur les motifs qui l’ont amené à faire la dénonciation.
Joe Friday, 
commissaire,
Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada

La vaste majorité des témoins, y compris M. Brown, Me Yazbeck et le Commissariat, était favorable à l’élimination de l’exigence, subjective, concernant la bonne foi d’un divulgateur qui fait une divulgation protégée en vertu de la LPFDAR. Le commissaire, M. Friday, a par ailleurs affirmé n’avoir jamais rejeté une divulgation d’actes répréhensibles sur la base de la « mauvaise foi » et qu’il s’agit d’un obstacle inutile[24].

De l’avis de M. Devine, au lieu de cette exigence « dépassée », l’analyse de la croyance raisonnable devrait suffire à prévenir les divulgations intentionnelles de faux renseignements, qui ne sont jamais protégées. Pour cette raison, selon M. Devitt, un divulgateur devrait être protégé tant et aussi longtemps qu’il a des raisons de croire en la véracité des renseignements qu’il a divulgués.

1.2.5 Assurer une protection efficace

Les témoins ont présenté au Comité les suggestions suivantes pour assurer la protection efficace des divulgateurs et de toutes les parties qui soutiennent une divulgation, par exemple des témoins experts et des collègues.

Premièrement, comme il a été expliqué précédemment, tous les témoins, dont M. Brown, étaient d’avis que les divulgations reposant sur une croyance honnête et raisonnable doivent être protégées sans égard à l’exactitude des allégations ou des motivations du divulgateur. À cet égard, le commissaire a proposé dans son mémoire au Comité que l’expression « de bonne foi » soit supprimée du paragraphe 2(1) et des alinéas 19.3(1)d) et 24(1)c) de la LPFDAR.

Deuxièmement, selon M. Conacher, l’accès difficile à des services de consultation juridique ou à toute forme de conseils en matière de procédure pour faire une divulgation protégée sous-entend qu’il serait nécessaire de mettre sur pied un bureau ou une clinique d’aide juridique auquel les fonctionnaires et les membres du grand public pourraient s’adresser sous le couvert de l’anonymat pour obtenir des conseils et où ils seraient protégés par défaut, avant même de faire la divulgation. M. Conacher a suggéré que, en l’absence d’un tel bureau ou d’une telle clinique d’aide juridique, les divulgateurs n’aient pas à payer de frais juridiques. Le Commissariat, pour sa part, a proposé que le président du Conseil du Trésor soit habilité à augmenter la valeur monétaire maximale pour les services de consultation juridique dont les divulgateurs peuvent se prévaloir. En outre, le Commissariat a suggéré que l’alinéa 25.1(1)e) de la Loi soit modifié de façon à pouvoir accorder des fonds aux anciens fonctionnaires qui demandent des services de consultation juridique.

Troisièmement, il a été suggéré qu’un système exhaustif de divulgation accroîtrait le nombre de mécanismes de divulgation à la disposition des divulgateurs. M. Worth a précisé qu’il y aurait lieu de privilégier les divulgations internes, si une telle chose est raisonnable et possible; il a toutefois insisté sur le fait que, si un employé se sent mal à l’aise de faire une divulgation de cette façon, il devrait alors être en mesure de la faire directement au commissaire ou à un organisme de surveillance différent. Dans les cas d’urgence extrême, y compris lorsque des preuves risquent d’être détruites, l’employé devrait pouvoir rendre les faits publics sans s’adresser d’abord à l’interne ou au commissaire. Dans de telles circonstances, de l’avis de M. Brown, un divulgateur devrait avoir le droit d’invoquer l’intérêt public ou d’autres recours en cas de poursuite pour bris de confidentialité.

Finalement, selon le mémoire de M. Conacher, quand le commissaire

[…] soumet une plainte de divulgation concernant la violation d’une autre loi, d’un règlement ou d’une politique pour lesquels un organisme d’enquête et d’exécution désigné existe, le commissaire doit veiller à ce que l’organisme mène une enquête sur la plainte dans les 90 jours; si l’enquête n’a pas été menée dans ce délai, le commissaire est [alors] tenu de mener cette enquête sur la plainte.

1.2.6 Améliorer les processus d’enquête

Au sujet des questions de conflits d’intérêts dans le cadre d’enquêtes internes mentionnées par M. Chamberlain, Mme Smart a suggéré d’inclure dans la Loi des dispositions visant à orienter le processus d’enquête interne et à faire en sorte qu’il réalise les objectifs de la Loi. M. Ferguson a précisé qu’une des solutions disponibles aux employés ayant répertorié des problèmes avec le mécanisme interne d’un ministère ou d’un organisme est de porter plainte auprès du Commissariat.

L’Alliance de la Fonction publique du Canada a suggéré dans son mémoire de rendre le processus d’enquête du Commissariat plus transparent et ouvert aux enquêtes liées aux demandes d’accès à l’information et de retirer le pouvoir du commissaire de refuser des divulgations d’actes répréhensibles sans avoir au préalable mené d’enquête.

M. Brown s’est prononcé en faveur d’un changement au paragraphe 23(1) de la LPFDAR qui empêche le commissaire de donner suite à des dossiers dont une autre personne ou un autre organisme est saisi en qualifiant cette disposition de rétrograde. Il a ajouté que dans d’autres juridictions, le commissaire a le pouvoir discrétionnaire d’intervenir quand il le juge opportun. Par ailleurs, il a soutenu que comme plusieurs organismes responsables de la surveillance et de la protection des divulgateurs dans le monde, le Commissariat est très réactif et ne réagit qu’aux divulgations et plaintes qu’il reçoit au lieu d’être proactif. Or, selon lui, « [l]a seule façon pour le système de fonctionner, c’est si le commissaire à l’intégrité ou l’organisme de surveillance veille activement à ce que les systèmes et les procédures soient en place au sein de l’organisme et qu’ils fonctionnent, et que les directeurs exercent leurs pouvoirs discrétionnaires de façon juste et raisonnable ».

Selon M. Devine, le Commissariat devrait pouvoir effectuer des enquêtes informelles afin « d’assurer un moyen légitime de régler une affaire comme solution de rechange aux procédures régulières que de nombreux divulgateurs sans emplois ne peuvent pas se permettre ».

Au sujet des pouvoirs d’enquête du commissaire, de nombreux témoins, dont M. Conacher dans son mémoire, ont suggéré que le commissaire devrait avoir des droits punitifs pour mettre fin aux actes répréhensibles. Il pourrait notamment s’agir :

  • du pouvoir d’ordonner aux administrateurs généraux ou aux hauts dirigeants de prendre des mesures correctives;
  • du pouvoir d’obliger les administrateurs généraux ou les hauts dirigeants à faire rapport sur les mesures correctives;
  • du pouvoir de sanctionner tout administrateur général ou haut dirigeant en lui imposant une amende, une suspension ou un congédiement si ce dernier ne se conforme pas à l’ordre du commissaire, si des représailles ont été exercées contre le divulgateur ou si l’administrateur général ou le haut dirigeant ne tient pas un système conforme à la loi.

En outre, le Commissariat a demandé que le paragraphe 33(1) de la Loi soit modifié de façon à habiliter le commissaire à amorcer une enquête sur la base des renseignements obtenus dans le cadre d’une enquête sur une plainte en matière de représailles.

En ce qui concerne la compétence du commissaire à tenir une enquête, M. Friday a suggéré que l’abrogation de l’article 34 de la Loi, qui limite le pouvoir du commissaire de demander et d’utiliser des éléments de preuve obtenus auprès de sources extérieures au secteur public, aurait pour effet d’accroître la confiance de la population. Tous les témoins qui ont abordé cette question avec le Comité ont approuvé cette amélioration technique, y compris M. Brown.

Pour ce qui est des mesures de responsabilisation, Mme Daviau a insisté sur la nécessité d’éliminer l’échappatoire à la responsabilité qui découle de l’externalisation des enquêtes. En outre, Mme Myers a proposé que le Commissariat s’inspire de l’Office of Special Counsel américain et donne non seulement suite rapidement aux personnes ayant fait des divulgations, mais les consulte également dans le cadre de son enquête. Selon elle, « [l]eur contribution peut être extrêmement précieuse pour orienter l’enquête et mener à des idées très claires pour résoudre le problème ».

Sur le plan de la réglementation, un certain nombre de témoins, dont M. Brown et M. Worth, ont proposé ou appuyé la création d’un organisme de surveillance chargé de tenir le commissaire ainsi que les ministères et organismes responsables de leur façon de traiter un dossier. Pour sa part, M. Conacher a suggéré que le commissaire à la protection ou l’organisme responsable procèdent régulièrement à des vérifications et rendent publics les résultats de leurs enquêtes en temps opportun, et que tous les trois ans, le vérificateur général de Canada effectue une vérification indépendante du système de protection des divulgateurs dans son ensemble. Quant aux risques de conflits d’intérêts pour le Commissariat, M. Brown était d’avis que les améliorations techniques apportées à la Loi donneront des résultats mitigés si les attributions du commissaire ne sont pas clairement définies dans la Loi afin de distinguer son rôle d’enquête de son devoir de protéger les divulgateurs, et si une relation redditionnelle n’est pas établie.

En ce qui concerne le rôle du vérificateur général du Canada, M. Friday a suggéré d’étendre ses pouvoirs afin qu’il puisse recevoir des divulgations du public et les plaintes en matière de représailles concernant le Commissariat. Ainsi le vérificateur général du Canada « dispose[rait] de pouvoirs de supervision plus complets à l’égard du Commissariat ».

M. Ferguson a présenté deux options comme solution visant à permettre au vérificateur général du Canada d’enquêter sur des plaintes en matière de représailles, dont celle suggérée par M. Friday. Or, selon M. Ferguson, un tel élargissement du mandat de son bureau pourrait entraîner une hausse quant au nombre de divulgations et que cela aurait une incidence considérable sur les ressources de son bureau. Par exemple, au cours des quatre derniers exercices financiers, les enquêtes menées par son bureau en vertu de la LPFDAR ont coûté entre 32 814 $ en 2015-2016 et 876 979 $ en 2013‑2014. Jusqu’en février 2017, les coûts pour l’exercice 2016-2017 s’élevaient à 136 901 $[25]. La deuxième option serait de donner au vérificateur général du Canada le pouvoir de nommer un enquêteur indépendant pour étudier les plaintes comme le font le commissaire à l’information et le commissaire à la protection de la vie privée.

1.2.7 Améliorer l’application des mesures correctives

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 19e pratique exemplaire est d’établir un « processus de mesures correctives crédibles ». Selon M. Devine, deux éléments sont requis pour que le processus de divulgation interne soit légitime. Le premier est de donner au divulgateur l’opportunité d’examiner et de commenter la première ébauche du rapport visant à régler le cas d’inconduite alléguée étant donné qu’il est le mieux informé et le plus préoccupé par la situation. Le deuxième est de rendre la transparence obligatoire et par conséquent, cela signifie que les commentaires du divulgateur doivent être inclus dans le rapport final, à moins d’indication contraire de la part du divulgateur, et que ce rapport soit accessible au public.

De nombreux témoins, dont M. Devine, ont fait valoir que le seul moyen d’éviter efficacement les représailles et les actes répréhensibles consiste à faire en sorte que les auteurs de tels actes ou de représailles subissent des conséquences pour leurs gestes. S’exprimant sur l’importance de cet aspect, M. Worth a relaté un incident en Bosnie-Herzégovine où la menace d’une amende, allant dans le cas présent de 5 000 à 10 000 euros, a suffi à convaincre un employeur de réintégrer un divulgateur qui avait fait une divulgation protégée. M. Conacher a suggéré que les fautifs ne soient plus sujets à la clause de confidentialité, et que leur nom figure plutôt dans chaque rapport de cas d’acte répréhensible constaté, afin d’éviter toute récidive. Selon lui, le commissaire devrait avoir soit le pouvoir d’infliger des amendes et d’indemniser les divulgateurs, soit de permettre aux divulgateurs de faire appel directement aux tribunaux lorsque le commissaire ne traite pas correctement leur plainte. Il a ajouté que le Commissariat devrait être investi du pouvoir d’imposer des mesures correctives aux dirigeants des ministères et organismes fédéraux concernant leur mécanisme de divulgation interne et leurs activités de sensibilisation, de mener des audits et de trancher sur toutes les plaintes publiques en temps opportun et en exposant publiquement les fautifs.

1.2.8 Comment la population saura-t-elle que la justice est administrée?

1.2.8.1 Programme de reconnaissance publique et mécanisme de récompense

M. Chamberlain a expliqué qu’aux États-Unis, une personne qui entame une poursuite pour un acte répréhensible commis au sein de la fonction publique et réussit à recouvrer des sommes pour le gouvernement obtient un certain pourcentage du montant recouvert. Selon lui, tout laisse entendre que le système américain est très efficace car les États-Unis ont recouvré des milliards de dollars de cette façon. M. Devine a aussi soutenu que rien ne tend à montrer une multiplication des fausses allégations depuis la mise en œuvre de ce système. Par conséquent, dans le mémoire soumis par l’Association canadienne des agents financiers, il a été suggéré de modifier la LPFDAR de manière à y inclure une disposition visant à octroyer aux divulgateurs qui ont fourni de l’information menant à un recouvrement de coûts un pourcentage du montant recouvré.

M. Conacher a soutenu qu’il peut y avoir de la controverse entourant l’indemnisation des divulgateurs dans les cas où leurs allégations sont avérées, mais il a tenu à informer le Comité que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario le fait jusqu’à un maximum de cinq millions de dollars pour des divulgations de fraude.

Finalement, M. Friday a affirmé avoir déjà discuté avec son équipe de la possibilité de décerner publiquement des prix pour la divulgation d’actes répréhensibles de manière similaire à ceux remis par la United States Office of Special Counsel, le pendant américain du Commissariat. Il a enchaîné en disant qu’une telle initiative comporterait un certain nombre de défis, notamment la préservation de la confidentialité entourant les divulgations.

1.3 Observations et recommandations du Comité

Tout d’abord, le Comité se réjouit de la mise en place en avril 2017 d’une ligne de divulgation, la Ligne antifraude, pour les ententes immobilières et les contrats fédéraux par SPAC, la GRC et le Bureau de la concurrence. Il espère que cette initiative facilitera le signalement d’actes répréhensibles touchant ces ententes et contrats, et permettra au gouvernement fédéral d’identifier les fautifs et de recouvrir les fonds injustement alloués.

Le Comité estime que la divulgation devrait non seulement servir à identifier les actes répréhensibles, mais aussi à les éviter, dans la mesure du possible, en permettant aux divulgateurs de soulever des préoccupations raisonnables quant à la perpétration d’actes répréhensibles, même les actes tenant de la négligence pour, ainsi, maintenir la confiance du public selon des normes plus strictes. Pour aider les fonctionnaires dans cette entreprise, le Comité croit qu’ils devraient avoir accès à des conseils d’ordre juridique et général, sans frais, et autant qu’il se doit pour le traitement approprié d’éventuelles divulgations d’actes répréhensibles. Toutefois, afin de tenir compte de certaines des difficultés auxquelles les divulgateurs sont confrontés, le Comité considère également qu’il y a lieu de simplifier les mécanismes de divulgation afin que les fonctionnaires puissent comprendre la Loi et la définition de ce que constitue un acte répréhensible de sorte qu’il ne dépende pas d’un conseiller juridique pour s’y retrouver.

De plus, le Comité reconnaît qu’il est important que les fonctionnaires fédéraux puissent divulguer des actes répréhensibles au sein de leur organisation et encourage les ministères et organismes fédéraux, incluant les organismes non assujettis à la Loi, à renforcer leur mécanisme de divulgation interne en y dédiant les ressources nécessaires à un fonctionnement optimal et en procédant à des évaluations régulières, et ce, en collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor. Toutefois, afin de s’assurer que le mécanisme de divulgation interne des ministères et organismes est robuste et indépendant et surtout d’atténuer les risques de conflit d’intérêts, le Comité estime que des changements en ce qui concerne la reddition de compte des ministères et organismes fédéraux s’imposent.

Le Comité est d’avis que pour inciter les fonctionnaires à divulguer des actes répréhensibles, ceux-ci doivent être en mesure de se confier à un supérieur en qui ils ont confiance au sein de l’organisation. Ainsi, la Loi ne devrait pas restreindre les fonctionnaires à effectuer des divulgations à une personne précise comme leur supérieur hiérarchique immédiat.

Le Comité considère qu’il y a un risque non négligeable de conflit d’intérêts provenant du fait que les divulgations soient traitées par les ministères et organismes fédéraux et que le Secrétariat du Conseil du Trésor soit responsable de surveiller le mécanisme de divulgation interne. Pour corriger cette importante lacune, le Comité est d’avis que le Commissariat devrait évaluer le mécanisme de divulgation interne dans son ensemble tout en faisant des recommandations aux ministères et organismes fédéraux et en effectuant un suivi rigoureux auprès d’eux.

Par ailleurs, le Comité reconnaît le rôle important que joue le Commissariat en offrant une solution de rechange aux divulgateurs qui préfèrent utiliser un mécanisme de divulgation externe et en recevant les divulgations anonymes des fonctionnaires et des membres du public. Toutefois, le Comité estime que certaines des fonctions du Commissariat doivent être repensées afin de le rendre davantage proactif. Les pouvoirs du commissaire devraient être élargis de sorte qu’il puisse intervenir dans des dossiers dont une autre personne ou un autre organisme est saisi afin que ces cas soient résolus dans un délai convenable.

En outre, le Comité apprécie le travail essentiel accompli par le vérificateur général du Canada et croit que son rôle devrait être élargi. Tout d’abord, ce dernier doit avoir le pouvoir de recevoir des divulgations venant des membres du public et des plaintes en matière de représailles concernant le Commissariat, et être investi du pouvoir d’enquêter sur ces plaintes. De plus, le vérificateur général du Canada devrait évaluer sur une base régulière le système de protection des divulgateurs dans son ensemble. Afin de permettre au vérificateur général du Canada de remplir efficacement ce rôle élargi, des ressources financières supplémentaires devraient être octroyées à son bureau.

Enfin, le Comité croit que le commissaire doit être nommé à la suite d’un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite.

Par conséquent, le Comité recommande que :

RECOMMANDATION 1

Le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles pour :

A.   clarifier et élargir la définition actuelle de l’expression « acte répréhensible »;

B.   élargir la définition du terme « supérieur » afin de permettre aux fonctionnaires de faire une divulgation protégée à n’importe quel supérieur au sein de l’organisation;

C.   veiller à ce que le commissaire à l’intégrité du secteur public mène des enquêtes sur les divulgations d’actes répréhensibles et sur les plaintes en matière de représailles dans de meilleurs délais;

D.   abroger l’exigence concernant la « bonne foi » d’un divulgateur qui fait une divulgation protégée d’acte répréhensible;

E.   veiller à la protection d’un divulgateur d’actes répréhensibles, et ce, aussi longtemps que le divulgateur a des motifs de croire en la véracité des renseignements qu’il divulgue;

F.    élargir le mandat du vérificateur général du Canada, pour qu’il soit assorti de tous les pouvoirs et responsabilités connexes conférés au commissaire à l’intégrité du secteur public, de façon à ce qu’il reçoive les divulgations des membres du public et les plaintes en matière de représailles concernant le Commissariat à l’intégrité du secteur public;

G.   accorder au Commissariat à l’intégrité du secteur public et au Bureau du vérificateur général du Canada des pouvoirs d’enquête supplémentaires, y compris le pouvoir d’exiger et d’utiliser, dans le cadre de toute enquête, des éléments de preuve provenant de l’extérieur du service public, et que ces pouvoirs puissent être appliqués au moyen d’une ordonnance de la Cour fédérale;

H.   mandater explicitement les gestionnaires et supérieurs des ministères et organismes fédéraux pour protéger et soutenir leurs employés ayant fait des divulgations, les personnes les ayant aidés, les témoins et ceux pris à tort comme étant des divulgateurs;

I.      veiller à ce que le commissaire à l’intégrité du secteur public exerce son pouvoir d’intervenir dans des dossiers examinés par une autre entité conformément à la décision du 17 janvier 2017 de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Therrien c. Le procureur général du Canada (2017 CAF 14);

J.    conférer au commissaire à l’intégrité du secteur public le pouvoir de lancer une enquête sur des actes répréhensibles qui ne font pas déjà l’objet d’une enquête en vertu d’un autre processus en s’appuyant sur des preuves recueillies au cours d’une enquête sur des représailles;

K.   permettre à toutes les personnes participant à certains aspects des activités du gouvernement, y compris les entrepreneurs et les anciens fonctionnaires, de faire des divulgations protégées d’actes répréhensibles au commissaire à l’intégrité du secteur public;

L.    permettre au commissaire à l’intégrité du secteur public de demander la prise de mesures correctives en vue de traiter les actes répréhensibles mis au jour à la suite d’enquêtes.

RECOMMANDATION 2

Le gouvernement du Canada donne régulièrement de la formation sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles afin que les employés connaissent leurs droits et qu’ils soient au fait des voies de divulgation et des ressources mises à leur disposition.

RECOMMANDATION 3

Le gouvernement du Canada donne au Commissariat à l’intégrité du secteur public le mandat de protéger les divulgateurs et le pouvoir d’intervenir dans les cas de dossiers  mal gérés ainsi que de surveiller, d’évaluer et d’apporter des améliorations au mécanisme de divulgation interne de la fonction publique fédérale pour régler les situations de conflits d’intérêts.

RECOMMANDATION 4

Le gouvernement du Canada nomme le commissaire à l’intégrité du secteur public suivant un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite.

[D]e petits manquements au devoir de protection et de soutien peuvent détruire totalement une carrière.
A.J. Brown, 
professeur, 
Université Griffith, à titre personnel

2.1 Dispositions de la Loi relatives à la protection des divulgateurs

2.1.1 Devoir de protéger et de soutenir

M. Brown a expliqué que, dans d’autres pays, les récentes lois visant à protéger les divulgateurs sont structurées de sorte à interdire non seulement les représailles directes et délibérées, mais aussi les représailles découlant de l’omission d’une personne de s’acquitter de son devoir de protéger et de soutenir.

Que ce soit en vertu de la common law ou d’une mesure législative, le devoir de protéger et de soutenir oblige les employeurs à fournir aux employés un environnement de travail sécuritaire. Dans certaines circonstances, les représailles que subit un fonctionnaire en réaction à une divulgation – sous forme de harcèlement, par exemple – pourraient obliger l’employeur à protéger le fonctionnaire en question et, si l’employeur manque à son devoir, entraîner des poursuites.

En common law, le devoir de protéger d’un employeur découle d’une condition implicite de tout contrat d’emploi[26]. Il existe des précédents dans la jurisprudence canadienne pour inclure le harcèlement personnel d’un employé dans le devoir général de protéger[27]. Le harcèlement personnel peut prendre diverses formes, notamment la menace, la violence verbale, monter les employés les uns contre les autres en faisant courir de fausses rumeurs ou placer un employé dans des conditions de travail intolérables ou avilissantes[28]. L’inclusion du harcèlement personnel dans le devoir de protéger requiert des employeurs qu’ils prennent des mesures raisonnables pour éviter que les employés soient harcelés, persécutés ou autrement intimidés personnellement par d’autres employés, clients ou autres visiteurs au lieu de travail[29]. Si un employeur néglige de prendre de telles mesures et si aucune loi d’indemnisation des accidents du travail n’empêche l’employé d’amorcer une action en common law, l’employeur pourrait devoir payer des dommages-intérêts à l’employé pour avoir enfreint l’une des conditions du contrat d’emploi.

Un grand nombre de lois fédérales et provinciales imposent aux employeurs un devoir explicite de protéger leurs employés. C’est le cas, par exemple, du Code canadien du travail (le Code), qui s’applique à la fonction publique. Selon l’article 124 du Code, « [l]’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail ».

Plus précisément, l’alinéa 125(1)z.16) du Code oblige les employeurs à prendre les mesures prévues par les règlements pour prévenir et réprimer la violence dans le lieu de travail. Aux termes de l’article 20.2 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (le Règlement), la violence dans le lieu de travail s’entend de tout agissement, comportement, menace ou geste d’une personne à l’égard d’un employé à son lieu de travail et qui pourrait vraisemblablement lui causer un dommage, un préjudice ou une maladie[30].

Le devoir de protéger les employés dans le lieu de travail ne devrait pas se limiter à la prévention des dommages, d’un préjudice ou d’une maladie physiques et exclure les effets sur la santé mentale. En fait, selon Geoffrey England, une telle exclusion équivaudrait à une discrimination illicite fondée sur la déficience mentale au titre de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[31].

Au titre de l’article 20.3 du Règlement, l’employeur est tenu d’élaborer une politique dans le lieu de travail qui fait état des obligations de l’employeur relativement, entre autres, à la prévention de la violence dans le lieu de travail et à la prestation d’une aide aux employés qui y sont exposés. L’employeur, dès qu’il a connaissance de violence dans le lieu de travail ou de toute allégation d’une telle violence, doit tenter de régler la situation avec l’employé dans les meilleurs délais. Si la situation n’est pas réglée, l’employeur doit nommer une personne compétente chargée de faire enquête sur la question et de fournir à l’employeur un rapport écrit. L’employeur doit, entre autres, mettre en place ou adapter des mécanismes de contrôle pour éviter que la violence dans le lieu de travail ne se répète (article 20.09 du Règlement). Quiconque va à l’encontre de son devoir de prévenir la violence dans le lieu de travail conformément au Règlement commet une infraction, à moins que cette personne puisse prouver qu’elle a pris les mesures nécessaires pour éviter l’infraction. Selon les circonstances, le coupable est passible d’une amende maximale d’un million de dollars et d’un d’emprisonnement maximal de deux ans[32].

2.1.1.1 Répercussions d’une divulgation

[U]n ministère ne ménagera aucun effort pour retrouver le traître, celui qui est à l’origine de la fuite. C’est l’attitude des ministères. Le dénonciateur s’expose à des représailles, car il sera très vraisemblablement démasqué, et ce, très rapidement.
David Hutton, 
chercheur principal, 
Centre for Free Expression, à titre personnel

En ce qui a trait aux répercussions d’une divulgation, M. Rousseau a affirmé que les fonctionnaires fédéraux hésitent à faire des divulgations, car « [q]uand ils le font, c’est souvent au prix de grands sacrifices dans leur vie professionnelle et privée, ce qui incite les autres à se taire ». Abondant dans le même sens, tous les divulgateurs et les groupes de défense des divulgateurs qui ont témoigné devant le Comité ont parlé des répercussions négatives d’une divulgation sur les vies professionnelle et familiale, la santé mentale et physique et les finances des divulgateurs[33]. Par exemple, Stan Korosec, qui a témoigné à titre personnel et qui est un ancien fonctionnaire de l’Administration du pont Blue Water Canada[34] ayant déposé une plainte en matière de représailles auprès du Commissariat, a expliqué au Comité qu’après sa divulgation, il a perdu son emploi, ses avantages sociaux, et a dû affronter beaucoup de stress. Un autre divulgateur, Don Garrett, D.R.Garrett Construction Ltd., ayant témoigné à titre personnel, a expliqué que lorsqu’il a signalé un grave problème, « on [l’a] traité comme s[‘il] étai[t] le problème au lieu d’admettre les faits ».

Mme Daviau a parlé de quelques cas de divulgation, dont celui de trois scientifiques qui ont dénoncé le processus d’approbation des médicaments vétérinaires à Santé Canada parce qu’ils estimaient que les médicaments administrés au bétail pourraient entraîner des maladies chez les humains. Elle a déploré le fait qu’après 15 années passées devant les tribunaux, leur cas n’est toujours pas complètement réglé.

De plus, M. Chamberlain a soutenu que dans de nombreux cas, la personne reconnue coupable d’avoir pris des mesures de représailles à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles « reçoit une tape sur la main » et elle est souvent mutée à un autre ministère.

Enfin, en se fondant sur l’efficacité de la Loi jusqu’à présent, M. Korosec a déclaré que si un fonctionnaire lui demandait conseil au sujet de la divulgation d’un acte répréhensible, il lui dirait de s’abstenir de le faire à moins qu’il veuille et puisse « être sans travail pendant un an et demi, sans avantages sociaux, [et] affronter beaucoup de stress » tant au travail qu’à la maison.

2.1.1.2 Protection des divulgateurs contre les représailles

La loi actuelle met presque entièrement l’accent sur un régime qui dicte et contrôle de façon très stricte la façon dont les fonctionnaires sonnent l’alarme. La protection des fonctionnaires est pratiquement une considération secondaire.
Joanna Gualtieri, 
directrice, 
The Integrity Principle, à titre personnel

La Loi établit les mécanismes visant à protéger les divulgateurs de représailles illégales. Plus précisément, la LPFDAR a obligé les organisations du secteur public fédéral à mettre en place un mécanisme de divulgation interne d’actes répréhensibles, a créé le Commissariat et a mis sur pied le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. Selon les paragraphes 19(4) et 19(5) de la Loi, le commissaire dispose de 15 jours pour décider s’il entend traiter ou non une plainte en matière de représailles.

M. Brown a expliqué que de nombreux effets négatifs subis par les divulgateurs ne peuvent être reliés à des représailles; ils sont plutôt le résultat de l’incompétence de l’organisation qui n’a pas mis en place de bonnes procédures pour protéger les fonctionnaires divulgateurs ou qui ne les respectent pas. Selon lui, la responsabilité de première ligne à l’égard de la protection des fonctionnaires divulgateurs ainsi que l’instauration de procédures internes adéquates incombent aux hauts dirigeants des organisations.

Au sujet de la protection offerte aux divulgateurs, M. Friday a expliqué que le Commissariat accepte les plaintes en matière de représailles, et ce, peu importe si la personne a fait ou non une divulgation au Commissariat ou si le cas d’actes répréhensibles est fondé. Il a toutefois indiqué que 50 % des plaintes en matière de représailles sont hors de sa compétence puisque, par exemple, la LPFDAR lui interdit de traiter les cas mettant en cause un grief et les plaintes des fonctionnaires provinciaux.

Selon M. Rousseau, les fonctionnaires qui s’adressent aux médias pour divulguer des actes répréhensibles qui ne répondent pas à certaines exigences exceptionnelles – comme le manque de temps pour faire une divulgation protégée ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le problème constitue une infraction grave à la loi – ne peuvent déposer de plaintes en matière de représailles au Commissariat parce qu’ils n’ont pas fait de divulgation protégée en vertu de la LPFDAR.

M. Hutton a affirmé que rien n’est fait au sein de la fonction publique fédérale pour prévenir les représailles et que les gestionnaires des ministères et organismes fédéraux peuvent généralement prendre des mesures de représailles contre les divulgateurs, car« [la LPFDAR] ne vise pas à protéger les dénonciateurs, mais bien à assurer la protection des sous-ministres contre les dénonciateurs ». Il a renchéri en disant que la promesse de protection faite aux divulgateurs est fausse, car lorsqu’une plainte en matière de représailles est formulée, les enquêtes prennent énormément de temps, et ce, malgré le fait que le commissaire doit décider rapidement de lancer une enquête sur les représailles. De plus, selon lui, les enquêtes « s’arrêtent et reprennent, et sont bâclées ». Il a donné l’exemple d’une enquête simple sur des représailles qui a duré deux ans.

Selon Me Yazbeck, « en raison de la structure du système, il est très peu probable qu’une personne qui a fait l’objet de représailles puisse obtenir une aide quelconque. La haute direction dispose de divers outils; elle peut retarder le dossier et éliminer des preuves ». M. Hutton a affirmé que les lois donnant de bons résultats dans d’autres pays comportent des mécanismes d’enquête et d’examen rigoureux et des sanctions importantes, dont dans les cas de représailles.

2.1.1.3 Quelques exemples de mesures de protection des divulgateurs à l’étranger

Voici la principale leçon que nous avons tirée : des droits faibles sont contreproductifs.
Tom Devine, 
directeur du service juridique,
 Government Accountability Project, à titre personnel

Certains témoins ont parlé du devoir de protéger et de soutenir les divulgateurs d’actes répréhensibles qui existe dans d’autres pays. M. Hutton a par exemple expliqué que d’autres pays ont des lois supérieures à la loi canadienne en vertu desquelles la responsabilité personnelle des représailles contre un employé est établie. Ainsi, les personnes qui exercent des représailles subissent des conséquences négatives.

M. Brown a informé le Comité qu’en Australie, l’importance accordée aux représailles directes et délibérées est moindre qu’au Canada et que « si quelqu’un ne s’acquitte pas de son devoir de protéger et de soutenir, ou de contrôler d’autres qui sont censés le faire, quelqu’un sera tenu responsable, et le divulgateur aura droit à des mesures de réparation et des dommages et intérêts ». Il a ajouté que sous le régime fédéral australien et la Public Interest Disclosure Act de l’Australie, il y a un devoir fondamental de protection et de soutien des divulgateurs. Une personne qui aurait subi des torts en lien avec un manquement à ce devoir pourrait s’adresser soit au tribunal national des relations de travail, la Fair Work Commission de l’Australie, soit à la Cour fédérale, mais elle ne pourrait faire les deux.

M. Worth a fait valoir que les représailles exercées contre les divulgateurs constituent un danger dans le milieu du travail au même titre que de la machinerie non sécuritaire. Il a donné l’exemple de la Bosnie-Herzégovine dont la loi sur la protection des divulgateurs d’actes répréhensibles contient une disposition qui prévoit que dans l’éventualité où un gestionnaire ou organisme gouvernemental ne se conforme pas à une ordonnance visant la réintégration d’un divulgateur, ce gestionnaire est tenu personnellement responsable et est passible d’une amende pouvant atteindre 10 000 euros.

Enfin, selon M. Devitt, en Irlande, l’employeur est légalement chargé de protéger les divulgateurs d’actes répréhensibles afin de prévenir le licenciement injuste, toute forme de pénalisation, l’intimidation ou toute souffrance liée à une divulgation.

2.1.2 Détecter et éliminer les représailles

L’article 19 de la LPFDAR interdit à quiconque d’exercer des représailles contre un fonctionnaire ou d’en ordonner l’exercice. Au sens du paragraphe 2(1) de la Loi, « représailles » s’entend de :

L’une ou l’autre des mesures ci-après prises à l’encontre d’un fonctionnaire pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ou pour le motif qu’il a collaboré de bonne foi à une enquête menée sur une divulgation ou commencée au titre de l’article 33 [par le commissaire] :
  • a) toute sanction disciplinaire;
  • b) la rétrogradation du fonctionnaire;
  • c) son licenciement et, s’agissant d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada, son renvoi ou congédiement;
  • d) toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail;
  • e) toute menace à cet égard.

Deux observations s’imposent. D’abord, la Loi établit une liste exhaustive des représailles qui en entraîneront l’application. Les représailles qui ne sont pas visées par l’article susmentionné ne peuvent être considérées comme telles en vertu de la Loi. Ensuite, l’application de l’article 19 de la LPFDAR et la protection qu’il accorde se limite aux représailles faites en réaction à une divulgation protégée par la Loi ou à une collabation de bonne foi à une enquête tenue en vertu de la Loi. Si aucune de ces conditions ne s’applique, le fonctionnaire ne peut se prévaloir de la protection de la LPFDAR.

Pour de nombreux témoins, dont Me Yazbeck, le principal problème réside dans le fait que les cas de représailles ne sont pas toujours reconnus pour ce qu’ils sont et qu’ils ne sont pas toujours inclus dans la définition de représailles. Décrivant le vaste éventail de représailles possibles, M. Devitt a parlé de congédiements et de pénalisation injustes, d’intimidation, de mutation, de sanctions officieuses et d’ostracisme au travail. De ce fait, la loi serbe, comme l’a expliqué M. Devine, parle des représailles comme de « toute action qui placerait quelqu’un en position de désavantage », ce qui rend désuète une liste de représailles. Mme Myers a ajouté que, dans bien des cas, il est impossible d’accuser l’auteur des représailles, car ces dernières peuvent prendre la forme d’effets préjudiciables découlant, par exemple, d’une évaluation médiocre nuisant à la crédibilité du plaignant.

Selon M. Radford, le terme « représailles », en vertu de la Loi, est déjà interprété largement comme incluant « toute mesure portant atteinte à l’emploi ou aux conditions de travail d’un individu »; la protection se limite toutefois aux divulgations protégées. Selon un mémoire du Groupe de travail sur la divulgation interne, on ignore sur quels critères se fonde le Commissariat pour établir qu’une plainte en matière de représailles est liée à une divulgation protégée.

D’après les statistiques fournies par le Commissariat, 55 % des plaintes en matière de représailles n’ont pas fait l’objet d’une enquête au titre de l’alinéa 19.3(1)c), soit parce que les allégations ne cadraient pas avec la définition de « représailles », que le plaignant n’a pas été considéré comme ayant fait une divulgation protégée en vertu de la Loi ou que la plainte était irrecevable, ne relevant pas du secteur public au sens défini dans la Loi.

2.1.2.1 Remaniée, mais pas dissimulée

Il est nécessaire d’élargir la définition de « représailles » étant donné que M. Rousseau a dénoncé le fait que les divulgateurs sont habituellement harcelés par «toutes les méthodes imaginables».

M. Devine a informé le Comité que plus du tiers des lois mondiales visant à protéger les divulgateurs offrent maintenant une protection contre la responsabilité civile et criminelle, et pas seulement contre la responsabilité en matière d’emploi. L’élargissement de la portée de ces protections permet de tenir compte des nombreuses manières de « menacer, d’effrayer ou de faire taire » un divulgateur ou un divulgateur présumé. Reconnaissant les particularités de tels dossiers, M. Friday a fait remarquer que les allégations de harcèlement qui correspondraient à la définition d’« actes répréhensibles » devraient être traitées par le commissaire plutôt qu’à l’interne dans les ministères et organismes. Pour appuyer sa suggestion, il a donné l’exemple d’un cas où les hauts dirigeants avaient trouvé une façon de « contourner » les mécanismes en place pour exercer des représailles sous forme de harcèlement.

Toutefois, étant donné que toutes les plaintes en matière de harcèlement ne sont pas le fait de représailles, M. Radford a précisé que dans le cas du harcèlement, afin de limiter le dédoublement des procédures, une personne est également protégée par la politique du Conseil du Trésor. Si la plainte en matière de harcèlement s’avère être en fait une plainte en matière de représailles, alors :

À l’étape de l’analyse de la recevabilité du dossier d’une plainte en matière de représailles, nous ne nous demandons pas s’il s’agit d’un cas grave ou non. Nous demandons plutôt à la personne qui s’en dit victime de nous fournir de plus amples détails. Dans le cadre des modalités de protection contre les mesures de représailles, une plainte pour harcèlement est assimilée à une divulgation protégée.
A. Retombées de représailles

Le processus de divulgation n’implique pas uniquement le divulgateur, le fautif et l’enquêteur. Mary Anne Stevens, directrice principale, Politiques, programmes, engagement et éthique en milieu de travail, Secteur de la gouvernance, planification et politique, Secrétariat du Conseil du Trésor, a souligné auprès du Comité que la Loi protège uniquement l’auteur d’une divulgation ou une personne qui a participé à une divulgation protégée à titre de témoin. Ainsi, la Loi ne protégerait pas une personne que l’on croit à tort être l’auteure d’une divulgation et qui subit « par erreur » des représailles. En ce sens, M. Devine a soutenu que la LPFDAR ne protège ni ceux qui aident les divulgateurs ni ceux qui sont pris à tort comme étant des divulgateurs et il a lancé l’idée qu’il faut tout un « village – témoins d’appui, deuxième avis d’expert, examen par les pairs » pour assurer une divulgation efficace, légitime et responsable. En conséquence, il a fait valoir que la loi devrait protéger tous les collaborateurs afin de prévenir l’isolement du divulgateur par crainte de retombées des représailles. Mme Smart a concédé qu’il est important « de protéger non seulement le divulgateur, mais aussi les autres personnes qui peuvent être associées à l’affaire, même si cette association est erronée » parce que la LPFDAR n’assure pas pour l’instant leur protection contre d’éventuelles représailles.

En Irlande, l’employé jouit d’un droit d’action en matière de responsabilité délictuelle en vertu de la Public Interest Disclosure Act; il peut demander réparation devant les tribunaux, soit parce qu’il a fait une divulgation protégée ou était soupçonné d’en avoir fait une. Dans les deux cas, comme l’a expliqué M. Devitt, cette personne a souffert et a ainsi pu demander à obtenir réparation.

2.1.2.2 Enquêtes sur les plaintes en matière de représailles

La LPFDAR prévoit un mécanisme visant à aider les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires victimes de représailles pour avoir divulgué des actes répréhensibles ou participé à une enquête en vertu de la Loi. Le mécanisme commence par une plainte adressée au commissaire et peut se terminer par une procédure devant le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal). Le Tribunal est constitué de juges de la Cour fédérale ou d’une cour supérieure d’une province nommés par le gouverneur en conseil, et fonctionne sous la présidence de l’un des juges nommés[35].

Le commissaire contrôle l’accès au Tribunal. Si le commissaire accueille une plainte, il suspend toute mesure disciplinaire prise à l’encontre du plaignant et nomme un enquêteur au dossier. Le commissaire peut aussi nommer un conciliateur en vue de faciliter un règlement entre le plaignant et la personne qui a le pouvoir d’infliger les sanctions disciplinaires[36]. Les enquêtes sont tenues, dans la mesure du possible, sans formalisme et avec célérité. Le commissaire ou l’enquêteur désigné informe l’administrateur général responsable et l’informe de la tenue de l’enquête et lui fait connaître l’objet de la plainte. Le commissaire ou l’enquêteur désigné peut aussi informer toute personne, notamment toute personne dont la conduite est mise en question par la plainte, de la tenue de l’enquête et lui faire connaître l’objet de la plainte. Sur demande et pour les besoins de l’enquête, les administrateurs généraux et les fonctionnaires donnent accès à l’enquêteur à leur bureau et lui fournissent les services et l’aide qu’il peut exiger. Si l’enquête ne peut être terminée par manque de collaboration, l’enquêteur en fait rapport au commissaire. On ne sait toutefois pas exactement quelles seraient les conséquences d’une collaboration insuffisante durant une enquête, ni quelles seraient les procédures à suivre dans le cas d’une plainte en matière de représailles.

Depuis sa nomination en 2015, M. Friday a soutenu n’avoir « ménagé aucun effort pour saisir les occasions d’apporter des changements positifs au moyen de l’adoption de politiques et de pratiques visant à régler des ambiguïtés observées dans la Loi ou pour clarifier, par exemple, la manière dont [il] exerce l’important pouvoir discrétionnaire que [lui] confère la Loi ». Il a tenu à préciser que le rôle du Commissariat n’est pas de réviser les décisions prises par d’autres organismes et a ajouté que lorsqu’il décide de ne pas examiner un cas en vertu des pouvoirs discrétionnaires qui lui sont conférés, c’est qu’il estime qu’un autre organisme est mieux placé pour s’en occuper. M. Radford a expliqué que depuis 2011, 12 % des plaintes pour représailles rejetées par le Commissariat l’ont été au motif qu’un autre organisme est intervenu.

Toutefois, si l’enquête le justifie, le commissaire peut s’adresser au Tribunal pour demander la prise de mesures de réparation à l’égard du plaignant ou de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne identifiée comme étant l’auteure des représailles[37]. Selon M. Korosec, le recours à l’une ou l’autre de ces options ne devrait pas être mutuellement exclusif.

Dans la Loi, les moyens d’obtenir réparation dans les cas de représailles sont limités. M. Radford a fait observer que, en vertu de la LPFDAR de 2005, les plaignants pouvaient s’adresser directement aux tribunaux; les fonctionnaires se tournaient vers la Commission des relations de travail dans la fonction publique et les employés d’une société d’État, vers le Conseil canadien des relations industrielles. Or, l’actuelle LPFDAR oblige les plaignants à s’adresser au commissaire, qui est la personne chargée d’enquêter et de déterminer si des représailles ont pu se produire. M. Radford a concédé que cela « empêche […], d’une certaine façon, les plaignants d’exercer le contrôle sur leur plainte [...] Il en découle que seulement un petit nombre de plaintes seront transmises au tribunal ».

Qui plus est, lorsqu’il fait enquête sur une plainte en matière de représailles, le commissaire peut se prévaloir d’un éventail de mesures discrétionnaires. Conformément au paragraphe 19.3(1) de la Loi, le commissaire peut refuser de statuer sur une plainte s’il l’estime irrecevable pour un des motifs suivants :

  • a) l’objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre d’une procédure prévue par toute autre loi fédérale ou toute convention collective ou aurait avantage à l’être;
  • b) en ce qui concerne tout membre ou ancien membre de la GRC, l’objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre des recours visés au paragraphe 19.1(5);
  • c) la plainte déborde sa compétence;
  • d) elle n’est pas faite de bonne foi.

Cependant, de manière similaire au paragraphe 23(1) concernant les divulgations d’actes répréhensibles, le paragraphe 19.3(2) interdit au commissaire de statuer sur la plainte si une personne ou un organisme – exception faite d’un organisme chargé de l’application de la loi – est saisi de l’objet de celle-ci au titre de toute autre loi fédérale ou de toute convention collective. Cependant, en réponse à une question d’un membre du Comité, M. Radford a précisé qu’une fois la procédure de grief terminée, le commissaire peut se pencher sur le dossier et déterminer s’il a été adéquatement traité par l’autre organisme.

M. Lampron a indiqué que le Commissariat fait enquête sur 20 à 25 % des plaintes en matière de représailles qu’il reçoit. Il a ajouté que, après l’étape de l’analyse de recevabilité, la norme de service pour ce qui est de tenir une enquête et de mener à terme le dossier d’une plainte de cet ordre est d’un an. C’est pour cette raison que le Commissariat offre des services de conciliation lorsque cette dernière paraît justifiée et que les deux parties y consentent. Jusqu’à ce jour, neuf dossiers ont été réglés de cette façon et n’ont ainsi pas eu besoin de se rendre devant le Tribunal. En réponse à une question du Comité, M. Friday a précisé que le Commissariat n’agit pas à titre de médiateur, mais retient plutôt les services d’une tierce partie neutre approuvée par les parties tout en assumant les coûts se rattachant à ce processus.

En outre, au titre des paragraphes 19.1(2) et 19.2(2), une plainte doit être déposée dans les 60 jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance – des représailles y ayant donné lieu. Toutefois, le commissaire peut, à sa discrétion, accepter une plainte, par dérogation au paragraphe 19.1(2), s’il l’estime appropriée dans les circonstances en vertu du paragraphe 19.1(3).

M. Macmillan a fait part au Comité de ses préoccupations quant à « la divulgation prématurée d’informations par le [Commissariat] relativement à une question de représailles lorsque la GRC a des processus ou enquêtes en vigueur ou enquêtes propres ». Il a donné l’exemple d’un cas où le Commissariat a suivi les exigences découlant de l’arrêt El-Helou c. Courts Administration Service et a divulgué au plaignant des renseignements recueillis dans le cadre de son enquête sur les représailles avant que la GRC ne termine sa propre enquête. Selon lui, de telles informations remises au plaignant pourraient influencer le plaignant ou l’enquête.

De l’avis de M. Rousseau, le délai de 60 jours accordé pour déposer une plainte est trop court. Pour mettre les choses en contexte, M. Devine a expliqué qu’il faut parfois énormément de temps pour trouver un avocat et préparer la preuve qui permettra d’intenter un « procès gagnant ». Il est fréquent, d’après son expérience, qu’un employé ne s’aperçoive qu’il a des droits et des ressources que lorsqu’il est trop tard pour déposer une plainte. Un autre problème, selon M. Korosec, c’est que rien n’est prévu pour protéger le divulgateur – qui a pu être congédié – dans les premières étapes suivant le dépôt d’une plainte en matière de représailles; en revanche, l’article 19.5 impose bien des restrictions quant aux sanctions disciplinaires pouvant être prises à l’encontre de l’« auteur des représailles ».

Les restrictions quant aux délais sont une épée à double tranchant, selon Me Yazbeck, qui a représenté des divulgateurs victimes de représailles et dont les dossiers « durent depuis des lustres [traduction] ». Des délais plus courts seraient utiles pour limiter les préjudices et les souffrances d’un divulgateur qui est victime de représailles; à l’inverse, des délais trop courts pourraient compromettre la préparation du dossier du plaignant. Il a également fait valoir que si le Commissariat se contente d’« attend[re] simplement que les preuves lui soient communiquées », il rate une occasion de réunir des renseignements utiles et risque au bout du compte de nuire au dossier du plaignant. M. Hutton était également de cet avis et a déploré que, dans le cas des enquêtes sur les représailles, le commissaire ne dispose d’aucun « pouvoir particulier », contrairement aux enquêtes sur les actes répréhensibles. Ainsi, « [i]l doit donc compter sur la coopération volontaire des personnes accusées de représailles. On peut voir que l’enquête comme telle sera vraisemblablement superficielle et qu’elle prendra beaucoup de temps. »

Depuis 2007, quatre décisions du commissaire concernant des enquêtes en matière de représailles ont été infirmées par la Cour fédérale ou par la Cour d’appel fédérale. Selon M. Radford, « il est clair que les cas de [représailles] sont difficiles à résoudre ». En 2014, la Cour d’appel fédérale a précisé au commissaire qu’il doit ne recourir à son pouvoir discrétionnaire pour rejeter une plainte que s’il est « manifeste et établi hors de tout doute » qu’elle ne relève pas de sa compétence ou qu’elle n’est pas liée à une divulgation protégée.

Récemment, la Cour d’appel fédérale a également précisé au Commissariat que la notion d’« objet de celle-ci » au sens de la LPFDAR inclut le bien-fondé d’une plainte. Cette décision a été prise au vu des preuves dans la plainte en matière de représailles de Mme Therrien, une dénonciatrice qui, à la suite de l’échec de sa divulgation par les voies internes, au Commissariat, s’est plainte aux médias de l’existence de quotas à l’assurance-emploi. La Cour d’appel fédérale a statué ce qui suit :

[L]a décision du commissaire selon laquelle l’objet de la plainte de l’appelante était instruit par un organisme agissant dans le cadre du processus de règlement des griefs prévu par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique […LRTFP] était déraisonnable étant donné que le commissaire n’a pas vérifié si la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) entendrait les griefs de suspension et de rejet sur le fond et, dans l’affirmative, si elle examinerait l’objet des plaintes pour représailles[38].

Le commissaire estimait qu’il ne pouvait pas statuer sur la plainte, conformément au paragraphe 19.3(2), car un autre organisme avait été saisi de l’objet de celle-ci. Or, la Cour d’appel fédérale était plutôt de l’avis suivant :

L’interprétation du commissaire, qui a conclu que le simple renvoi d’un grief à la CRTEFP était visé par le paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR, est incompatible avec l’objet et l’esprit de la LPFDAR, laquelle vise à protéger les fonctionnaires contre les représailles en plus des droits qu’ils possèdent en vertu de la LRTFP[39].

Qui plus est, dans les circonstances, la Cour d’appel fédérale a critiqué le commissaire pour avoir « violé les droits à l’équité procédurale de l’appelante ».

Faisant allusion au dossier de Mme Therrien, M. Radford a soutenu que :

Puisque la Cour d’appel fédérale a annulé la décision de l’ancien commissaire rejetant certaines des allégations [de représailles], nous sommes actuellement saisis de toutes les allégations de Mme Therrien. L’enquête sur certaines allégations et l’analyse des autres allégations sont en suspens jusqu’à ce que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique statue les questions de Mme Therrien.

Dans le même ordre d’idées, Mme Daviau, a soutenu que ce processus d’enquête « est souvent inéquitable, qu’il n’est pas rigoureux et qu’il n’a aucun égard pour les dénonciateurs ». Elle a dit que les lacunes l’entourant entraînent des litiges inutiles et des délais inacceptables et qu’il faut de ce fait remédier à cette situation.

Néanmoins, M. Friday est intervenu à ce sujet au cours de l’étude pour expliquer que « [c]oncrètement, il ressort de cette décision que [son bureau doit] mettre [son] enquête en suspens jusqu’à ce qu’on ait statué sur l’admissibilité de la plainte ». Il a dit partager les mêmes préoccupations relativement à la longueur du processus.

A. Gardien du Tribunal

Comme dans le cas des enquêtes sur les actes répréhensibles, M. Brown a soulevé le risque de conflit d’intérêts pour le Commissariat relativement à ses rôles d’enquêteur et de protecteur dans le cadre des plaintes en matière de représailles, en particulier si aucun acte répréhensible n’est constaté. M. Devitt, faisant écho aux réserves exprimées par d’autres témoins, s’est dit inquiet du fait qu’on donne le pouvoir au commissaire d’empêcher les travailleurs de se prévaloir de leurs droits juridiques et d’avoir accès aux tribunaux.

Des témoins, dont M. Worth, M. Devitt et M. Devine, ont d’ailleurs déploré le fait que seul le commissaire peut référer un cas devant le Tribunal. De plus, selon M. Worth, cette pratique ne concorde pas avec les meilleures pratiques internationales et le fait qu’un divulgateur doive s’adresser à une entité du pouvoir exécutif « pervertit » le principe de la séparation des pouvoirs. Dans les faits, cette pratique crée un effet d’entonnoir [40].

Au Royaume-Uni, au cours des 18 dernières années, 18,7 % des personnes qui ont déposé une plainte liée à des représailles en vertu de la loi sur la protection des divulgateurs ont eu droit à une audience. Au sujet des statistiques du Commissariat, M. Worth a informé le Comité que, selon les données publiées sur son site Web, le Commissariat a reçu une plainte en matière de représailles à chaque trois divulgations qui ont été faites et au cours des 8 dernières années, le Tribunal a été saisi de sept dossiers sur 215 plaintes en matière de représailles, ce qui représente environ 3 % des cas. Selon lui, il s’agit là d’un « pourcentage très faible » qui démontre le bien-fondé d’étudier les difficultés auxquelles se heurtent les fonctionnaires qui veulent obtenir une audience. Il a aussi affirmé que le fait de devoir obtenir le feu vert pour pouvoir accéder à un tribunal ne reflète pas les pratiques exemplaires internationales et a qualifié cette pratique de « [perversion du] principe de la séparation des pouvoirs ». En seconde analyse, M. Brown, incertain de la pertinence d’une enquête initiale pour renvoyer une plainte devant le Tribunal, a laissé entendre qu’un tel exercice privait probablement les enquêtes du commissaire sur les actes répréhensibles de beaucoup de temps et de ressources.

M. Friday a expliqué que la LPFDAR « n’interdit pas aux parties mises en cause dans une divulgation ou des représailles de demander le contrôle judiciaire d’une décision du Commissariat par la Cour fédérale; en fait, elle prévoit explicitement cette possibilité dans l’article 51.2 ». Il a ajouté que le Commissariat est en train de travailler à la rédaction d’un manuel pour faciliter l’accès aux tribunaux.

2.1.2.3 Devant le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles

J’estime simplement que la forme que peuvent prendre les représailles en milieu de travail est tellement insidieuse et subtile que l’on a besoin d’un enquêteur expert, d’un décideur expert ou d’un tribunal expert pour trancher, de préférence à un simple tribunal devant décider si un devoir d’ordre plus général a été rempli à l’égard du plaignant ou de l’employé. J’estime qu’une expertise est absolument essentielle à cette fin, comme en fait foi la jurisprudence en matière de droits de la personne. En effet, la Commission et le Tribunal des droits de la personne ont acquis une expertise leur permettant de déterminer s’il y a eu ou non discrimination.
David Yazbeck, 
associé, 
Raven, Cameron, Ballantyne, & Yazbeck s.r.l., à titre personnel

La LPFDAR établit une marche à suivre, les Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, qui vise à aider les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires qui ont été victimes de représailles pour avoir divulgué des actes répréhensibles ou pour avoir participé à une enquête en vertu de la Loi. Cette marche à suivre commence par le dépôt d’une plainte auprès du commissaire et peut se terminer devant le Tribunal.

Si l’enquête le justifie, le commissaire peut s’adresser au Tribunal pour demander la prise de mesures de réparation à l’égard du plaignant ou la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne qui a exercé les représailles[41]. Sous condition des règles de pratique adoptées par le président du Tribunal, le Tribunal fonctionne avec des pouvoirs et une procédure en grande partie semblables à ceux d’une cour supérieure, mais d’une manière se voulant plus simple et rapide. Le commissaire est partie à la procédure, de même que le plaignant et son employeur actuel ou antérieur, dans le cas d’un ancien fonctionnaire[42]. Le Tribunal peut accorder au plaignant un vaste éventail de mesures de réparation et d’ordonnances, notamment le versement d’une indemnisation pour les pertes financières découlant directement des représailles, en plus d’une indemnisation allant jusqu’à 10 000 $ pour les souffrances et les douleurs découlant des représailles dont il a été victime [43]. Les enquêtes doivent respecter l’équité procédurale et la justice naturelle.

Le Tribunal est un organe indépendant quasi judiciaire qui traite les plaintes en matière de représailles que lui transmet le commissaire. Le Tribunal se prononce sur les cas de représailles présumées et, s’il conclut que des représailles se sont bel et bien produites, ordonne la prise de mesures correctives ou de sanctions disciplinaires. Il convient de noter que le Commissariat n’est pas habilité à juger si des représailles ont été exercées; seul le Tribunal possède ce pouvoir.

Un greffe a également été constitué en 2007 afin d’appuyer le Tribunal dans l’exécution de de son mandat[44] et disposait d’un budget s’élevant à 1,2 million de dollars pour l’exercice 2013-2014[45]. Or, depuis le 1er novembre 2014, le Greffe du Tribunal a été fusionné avec le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs[46] en vertu de la Loi sur le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs.

Comme le montre le tableau 3, le Tribunal a été saisi depuis sa création en 2007 de sept plaintes en matière de représailles, dont cinq sont maintenant terminées.

Tableau 3 – Information sur les affaires dont le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles a été saisi depuis 2007

 

Nom de l’affaire

Statut

Partie plaignante

Employeur

2011

El-Helou et Service administratif des tribunaux judiciaires, Power et Delage

Active

Charbel El-Helou

Service administratif des tribunaux judiciaires

2011

Roberts et Énergie atomique Canada limitée

Réglée par la médiation / Demande retirée

Wayne Roberts

Énergie atomique Canada limitée

2012

Lambert et Santé Canada

Réglée entre les parties / Demande rejetée de façon sommaire

Gérard Lambert

Santé Canada

2014

David Joy et Pont Blue Water Canada

La demande a été retirée en raison d’un règlement entre les parties

David Joy

Pont Blue Water Canada

2014

Cathy Gardiner et Pont Blue Water Canada

La demande a été retirée en raison d’un règlement entre les parties

Cathy Gardiner

Pont Blue Water Canada

2014

Stan Korosec et Pont Blue Water Canada

La demande a été retirée en raison d’un règlement entre les parties

Stan Korosec

Pont Blue Water Canada

2016

Dunn et Affaires autochtones et du Nord Canada, Lecompte

En cours

Chantal Dunn

Affaires autochtones et du Nord Canada

Source : Tableau préparé à partir de données tirées du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada, toutes les affaires.


Le Tribunal présente le processus de plaintes de représailles en sept étapes distinctes :

  1. Après avoir reçu une plainte, le commissaire décide s’il y a lieu de mener une enquête.
  2. Si le commissaire décide de mener une enquête, il en confie la responsabilité à un enquêteur.
  3. Un conciliateur peut être nommé à tout moment au cours de l’enquête pour essayer de régler la plainte.
  4. Si un règlement est conclu et approuvé par le commissaire, la plainte peut alors être rejetée ou retirée. Sinon, l’enquêteur continue son travail et soumet un rapport au commissaire.
  5. Si le commissaire est d’avis que l’instruction de la plainte par le Tribunal est justifiée, il peut lui demander de décider si des représailles ont été exercées à l’égard du fonctionnaire divulgateur.
  6. Si le Tribunal détermine que des représailles ont été exercées à l’endroit du fonctionnaire divulgateur, il peut ordonner des mesures de réparation.
  7. Si le commissaire le demande, le Tribunal peut également ordonner des sanctions disciplinaires à l’encontre des personnes qui ont exercé les représailles.[47]

La figure 1 présente le processus de plaintes en matière de représailles en ce qui touche la transmission de renseignements au Commissariat et les plaintes se rendant devant le Tribunal.

Figure 1 – Illustration du processus de plaintes en matière de représailles

Figure 1 – Illustration du processus de plaintes en matière de représailles

Source : Figure reproduite à partir d’information tirée du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada, Processus de plaintes de représailles.

En ce qui concerne le rôle du Tribunal, Rachel Boyer, directrice exécutive, Tribunal, a expliqué au Comité que l’unique fonction du Tribunal est de déterminer si des représailles ont été exercées ou non à l’encontre d’une personne à la suite d’une divulgation. Elle a ajouté que les parties participant aux procédures du Tribunal « comprennent la personne qui a déposé la plainte, le plaignant, son employeur, la ou les personnes ayant pris les mesures de représailles alléguées, l’intimé ou les intimés ainsi que le commissaire, qui est celui qui a renvoyé l’affaire au Tribunal ». Le Tribunal est composé d’un président et de deux à six membres nommés par le gouverneur en conseil, qui sont tous des juges soit de la Cour fédérale soit d’une cour supérieure provinciale. Elle a enchaîné en disant que le Tribunal « possède beaucoup des pouvoirs et attributions d’une cour de justice. II peut faire des déterminations de faits, interpréter la loi en l’appliquant aux faits qui lui sont présentés et ordonner des mesures de réparation et des sanctions disciplinaires ». Toutefois, le Tribunal ne peut pas se pencher sur les pratiques d’emploi dans la fonction publique, participer à l’élaboration des politiques et se charger des activités de défense de droits auprès du public.

Mme Boyer a poursuivi en disant que le Tribunal a rendu en moyenne de une à deux décisions interlocutoires par année depuis sa création, mais n’a rendu aucune décision finale sur le mérite d’une demande puisque les demandes reçues ont soit été réglées par les parties durant les procédures du Tribunal, soit elles sont toujours pendantes devant le Tribunal.

Concernant les cas référés au Tribunal, Me Yazbeck a donné l’exemple d’un cas où trois allégations de représailles ont été faites auprès du Commissariat et que seulement une des allégations a été soumise au Tribunal parce que le commissaire a rejeté les deux autres. Selon Me Yazbeck, cette décision a été écartée, car le processus du commissaire était injuste et qu’après une ordonnance de la Cour fédérale, le commissaire a dû entreprendre une nouvelle enquête. Il a ajouté que c’est seulement en raison de l’aide de leur syndicat, soit l’Alliance de la fonction publique du Canada et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, que deux fonctionnaires ont réussi à faire entendre leur cause devant la Cour fédérale. Aux termes de sa nouvelle enquête, le commissaire a réexaminé les trois allégations et les a toutes rejetées, et ce, incluant celle qu’il avait envoyée au Tribunal.

Au sujet de l’accès au Tribunal, M. Friday et Mme Smart ont dit appuyer un accès plus direct. Mme Boyer a souligné en réponse à une question d’un membre du Comité que dans le cas du Tribunal de la concurrence, bien que la majorité des dossiers dont il est saisi proviennent du Bureau du commissaire de la concurrence, l’industrie peut aussi s’adresser directement à ce Tribunal. Elle a de plus soutenu qu’il n’y avait selon elle pas de conflit d’intérêts provenant du fait que le Commissariat qui est chargé d’assurer la confidentialité du processus est aussi celui qui détermine si une plainte en matière de représailles doit être examinée par le Tribunal.

M. Worth a déploré le fait que le cas de Chantal Dunn, dont le Tribunal est saisi de la plainte en matière de représailles depuis 2012, n’a pas encore été réglé. En comparaison, il a mentionné qu’au Royaume-Uni le traitement d’un dossier prend en moyenne 20 mois. M. Conacher a suggéré que les divulgateurs puissent interjeter appel devant le Tribunal pour un examen de toute décision rendue par le commissaire et de demander à une cour d’intervenir dans les cas où le Tribunal ne traite pas leur cas en temps opportun[48].

A. Mécanismes de résolution informels et rapides

Mme Boyer a expliqué que la nature de la relation entre le Commissariat et le Tribunal ressemble à celle entre le commissaire des droits de la personne et le Tribunal canadien des droits de la personne. Elle a précisé que les règles du Tribunal peuvent être « interprétées largement » en vue d’assurer une résolution informelle et rapide des plaintes. Toutefois, M. Korosec, qui a suivi le processus du Tribunal, n’était pas du tout du même avis :

Pour ce qui est de la partie informelle, comme je vous l’ai expliqué, j’ai été policier pendant 18 ans et j’avais l’habitude de témoigner en cour. Bref, la logistique du Tribunal auquel nous avons eu affaire… […] C’était très intimidant, même un peu pour moi, mais imaginez quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds dans un tribunal, qui n’a jamais connu ce stress. Il doit témoigner; […] puis il est assommé au contre‑interrogatoire. C’est très intimidant et cela n’a rien d’informel. Il faut que cela change, à mon avis, ou du moins que ce soit pris en considération lorsque l’affaire passe devant un tribunal.

De plus, Mme Boyer a confirmé qu’il n’y a pas encore eu une seule audience complète ni de décision rendue pour les sept causes que le Tribunal a entendues depuis 2007.

B. Fardeau de la preuve

Le pire aspect de la Loi, c’est que le fardeau de la preuve repose sur les épaules du dénonciateur.
Allan Cuttler, 
Allan Cuttler Consulting, à titre personnel

En vertu de la Loi, le divulgateur doit établir en cour qu’il a été effectivement victime de représailles. Tous les témoins qui ont parlé du fardeau de la preuve ont dit qu’il s’agissait d’une tâche décourageante et pour ainsi dire impossible ou que, du moins, une inversion du fardeau de la preuve rendrait les règles du jeu équitables pour les divulgateurs devant le Tribunal[49]. Me Yazbeck a expliqué que les représailles sont « subtiles, insidieuses et, en fait, difficiles à prouver » parce qu’il est rare qu’on puisse trouver des preuves directes, d’autant plus que les preuves peuvent avoir été dissimulées d’ici à ce que le plaignant fasse entendre sa cause devant le Tribunal. Il a soutenu que l’inversion du fardeau de la preuve « n’est pas du tout une notion radicale » et qu’elle existe dans bien d’autres endroits, notamment au Québec.

En guise de solution de rechange à une audience, Mme Boyer a tenu à expliquer que le Tribunal offre « un processus de médiation volontaire pour tenter de résoudre des plaintes liées à des représailles sans tenir d’audience », ce qui permet aux parties « de trouver une solution mutuellement acceptable par l’entremise d’une tierce partie neutre ». Elle a ajouté que la méditation est généralement plus rapide, moins coûteuse et moins accusatoire qu’une audience judiciaire. Or, M. Hutton a soutenu qu’en raison des répercussions négatives d’une divulgation sur la santé mentale, physique et financière des divulgateurs et de la longueur du processus d’enquête, tous les divulgateurs à ce jour ont renoncé à faire entendre leur cas devant le Tribunal et ont plutôt opté pour un règlement. Selon lui, ce choix a été motivé par la volonté des divulgateurs « d’échapper à ce processus terrifiant, sachant qu’ils ne peuvent pas gagner ».

2.1.3 L’administration de la justice

2.1.3.1 Mesures de réparation provisoires

Dans son cadre actuel, la Loi ne semble prévoir aucune mesure de réparation provisoire (par exemple dans le cas d’un licenciement) ou de sanctions (dans le cas de représailles). Le Comité a uniquement entendu parler de cas qui ont duré des mois, voire des années, et durant lesquels les plaignants n’ont pu bénéficier d’aucune mesure du genre[50].

Cependant, si le licenciement ne fait pas partie des représailles, Mme Smart a fait valoir que l’administrateur général a l’autorité et les ressources nécessaires pour aider le divulgateur qui se sent victime de représailles, comme le prévoit l’article 51.1 de la Loi.

En Irlande, la loi a été structurée de façon à ce que les victimes de représailles puissent demander réparation en temps opportun. M. Devitt a déclaré qu’il est possible de demander une injonction ou l’application d’une réparation provisoire à un tribunal d’instance inférieure (les tribunaux itinérants) dans les 21 jours suivant un avis de congédiement. Il a expliqué que la mesure ne sert qu’aux fins de réintégration, jusqu’à ce que la cause ait été entendue et qu’une décision ait été rendue, ce qui peut prendre plus de deux ans.

2.1.3.2 Mesures de réparation et sanctions

Avec le système de dénonciation que nous avons présentement, même si vous gagnez, vous perdez.
Scott Chamberlain, 
directeur des relations de travail,
 avocat général, Association canadienne des agents financiers

La LPFDAR prévoit des sanctions contre quiconque exerce sciemment des représailles à l’encontre d’un fonctionnaire, fait délibérément des déclarations fausses ou trompeuses dans le cadre d’une divulgation d’actes répréhensibles ou d’une enquête menée en vertu de la Loi, fait entrave à une telle enquête ou altère un document ou un objet qui sera vraisemblablement utile dans le cadre de l’enquête en question. Quiconque commet une telle infraction est passible d’une amende maximale de 10 000 $ et d’un emprisonnement maximal de deux ans, ou de l’une de ces peines[51].

De l’avis de nombreux témoins, les sanctions et les mesures de réparation que le Tribunal peut imposer sont insuffisantes. M. Rousseau remettait en cause leur effet dissuasif sur la perpétration d’actes répréhensibles et l’exercice de représailles; il a indiqué qu’il n’existait pas de mécanisme de sanction « fiable ». En outre, les « plafonds imposés relativement aux dommages […] semblent absolument ridicules », a déclaré M. Brown. Dans le cas des licenciements, M. Korosec a aussi qualifié de « tout à fait insuffisant[es] » les indemnités accordées.

Par ailleurs, les plaignants peuvent soit se représenter eux-mêmes devant le Tribunal ou retenir les services d’un avocat, dont les coûts dépassent les 1 500 ou 3 000 $ que le commissaire peut accorder. Par exemple, les frais juridiques de M. Korosec se sont élevés à 30 000 $. Selon plusieurs témoins, le fardeau financier, outre les bouleversements affectifs et personnels que vivent les plaignants, rend la situation encore plus difficile.

2.1.4 Cadre juridique

2.1.4.1 La courte portée de la Loi

Peu importe si l’organisme qui trahit la confiance du public est un organisme public ou privé.
Tom Devine, 
directeur du service juridique, 
Government Accountability Project, à titre personnel

L’article 34 de la LPFDAR interdit au commissaire de recueillir des renseignements auprès de sources extérieures au secteur public; il est tenu de mettre fin à cette partie de l’enquête et d’en saisir les autorités compétentes. Néanmoins, le Commissariat, pour tenter de mener ses enquêtes à terme, demande la coopération du secteur privé, s’il y a lieu, pour accéder aux renseignements utiles à une enquête, selon M. Lampron. Ce dernier a expliqué que, toutefois, lorsque le Commissariat reçoit des divulgations du secteur privé, ces divulgateurs sont rapidement avisés que le commissaire n’a pas compétence pour se saisir du dossier.

En Irlande, la législation sur les divulgations protégées ne tient pas compte du secteur, c’est-à-dire qu’elle englobe aussi bien le secteur public que les secteurs privé et sans but lucratif[52]. M. Devine a ajouté que d’autres pays, comme la Corée du Sud, la Zambie et l’Ouganda, protègent eux aussi tous les citoyens, sans égard à leur secteur d’emploi et qu’aux États-Unis, la loi « couvre pratiquement tout le secteur public et tout le secteur privé ». En outre, M. Devitt a indiqué que, selon un sondage réalisé en Irlande, 90 % des employeurs appuient la législation sur la protection des divulgateurs, même dans les cas où les renseignements divulgués sont de nature confidentielle.

Le statut de l’employé visé par la Loi est une autre question de compétence. Par exemple, les Nations Unies étendent la protection contre les représailles à tous les fonctionnaires, stagiaires et volontaires[53]. La même politique s’applique au Royaume-Uni, où la loi a été modifiée de façon à ne plus protéger uniquement les employés, mais aussi les entrepreneurs, les stagiaires et les autres types de travailleurs susceptibles de prendre connaissance d’actes répréhensibles dans le cadre de leur travail[54]. En vertu de la LPFDAR, seuls les fonctionnaires fédéraux – mais pas les anciens fonctionnaires – et, dans une certaine mesure les entrepreneurs, jouissent d’une telle protection. Les membres du public peuvent eux aussi faire une divulgation d’actes répréhensibles au commissaire, mais elle ne peut alors avoir trait qu’au secteur public.

A. Entrepreneurs

M. Garrett a expliqué qu’on ne lui a jamais dit, en acceptant de réaliser des travaux de construction en 2008 dans la prison de Kent située en Colombie-Britannique, qu’il devait prendre des précautions parce que les membres de son équipe et lui allaient être exposés à l’amiante. Après en avoir fait la découverte, M. Garrett a d’abord tenté de résoudre le problème directement avec le gouvernement, mais il s’est tourné par la suite vers le commissaire. Sa description du traitement du dossier par le commissaire de l’époque laisse entendre qu’il a été mal géré; en effet, M. Garrett croit que ses droits à l’équité procédurale n’ont pas été respectés. À la conclusion de l’enquête, il a été déterminé qu’aucun acte répréhensible ne s’était produit. SPAC a déclaré avoir communiqué aux entrepreneurs l’étude sur les matériaux contenant de l’amiante (MCA) réalisée en 2004; pour sa part, M. Garrett a soutenu que c’était la première fois, à la lecture de cette lettre du Commissariat, qu’il entendait parler de l’étude sur les MCA.

En réponse à ce témoignage, M. Conacher a maintenu que « tout le monde doit être protégé, y compris les fournisseurs du gouvernement ». Par ailleurs, il a suggéré qu’on procède à des vérifications de suivi pour veiller à ce que les entrepreneurs ne perdent pas leurs contrats ou qu’ils ne soient ni inscrits sur une « liste noire » ni victimes de représailles. En revanche, M. Friday a déclaré que la Loi interdit déjà la résiliation des contrats ou le non-versement de paiements en raison d’une divulgation. Elle interdit également le refus d’accorder à un fournisseur des contrats subséquents en raison d’une divulgation. Néanmoins, il a reconnu que les entrepreneurs n’ont pas accès au Tribunal et suggéré qu’il pourrait s’agir là d’un moyen de régler la question. Enfin, il a aussi expliqué qu’il revient à l’ombudsman de l’approvisionnement de veiller à ce qu’un fournisseur ne soit pas inscrit sur une « liste noire ». En cas de manquement aux droits d’un fournisseur dans l’une ou l’autre de ces conditions, l’entrepreneur doit alors déposer une plainte auprès de l’ombudsman de l’approvisionnement ou du commissaire.

Se remémorant ce qu’il a vécu, M. Garrett a demandé que la Loi soit passée en revue pour garantir la transparence et l’imputabilité du secteur public, étant donné surtout la hausse du nombre de partenariats public-privé.

2.1.4.2 Un cadre juridique complexe

Tout au long de l’étude, les témoins ont tous convenu que la LPFDAR est une loi complexe. D’ailleurs, dans le mémoire présenté, le Groupe de travail sur la divulgation interne a demandé des précisions aux fins d’interprétation. La complexité de la Loi et du processus, selon M. Devine, affaiblit la protection accordée aux divulgateurs. Dans de telles circonstances, selon lui, une loi n’est pas un bouclier en métal, mais plutôt un bouclier en carton; il a avancé que la loi canadienne tient plutôt du « bouclier en papier ». Fondamentalement, selon M. Devitt, pour être efficace, une mesure législative se doit d’être simple et claire.

Selon M. Brown, la Loi « ne répond pas aux normes » et devrait être entièrement réécrite. M. Friday, pour sa part, ainsi qu’un témoin du Secrétariat du Conseil du Trésor, était d’avis qu’il serait possible d’améliorer la LPFDAR en y apportant certaines modifications importantes.

Certains témoins, comme M. Chamberlain, ont suggéré qu’il serait préférable d’avoir un mécanisme de divulgation unique et de simplifier la Loi. En revanche, M. Worth, tout en convenant de la complexité de la LPFDAR, a affirmé qu’il est préférable d’avoir un plus grand nombre de mécanismes de divulgation selon l’opinion internationale. M. Brown a expliqué que le système australien est muni de quatre niveaux d’intervenants en ce qui a trait à ses processus de divulgation et de protection, à savoir les superviseurs, le système de divulgation interne, un organisme indépendant externe comme le vérificateur général du Canada qui examine les renseignements et mène des enquêtes et l’organisme chargé de protéger les divulgateurs. Selon lui, il est très important d’avoir de multiples mécanismes de divulgation afin d’offrir un choix aux divulgateurs et il est crucial que tous les intervenants connaissent leur rôle et soient coordonnés. À son avis, le véritable défi consiste en la coordination des différents mécanismes :

[D]ans une situation donnée, on ne peut pas prédire à qui l’on peut faire confiance et à qui le divulgateur ou le dénonciateur fer[a] confiance. Ils doivent avoir un choix, et il est important que tous ces intervenants connaissent leur rôle et qu’il y ait une coordination.

M. Brown a conclu toutefois en disant que les processus prévus dans la LPFDAR ne sont pas coordonnés, et qu’il serait possible de remédier à la situation en créant un organisme de surveillance pour éviter « que certains aspects passent entre les mailles du filet. Le problème n’est pas tant les dédoublements ou le caractère redondant du système. » Selon lui, cet organisme de surveillance pourrait résoudre rapidement les problèmes, éviter la confusion et les conflits entre les différents intervenants et présenter des recommandations quand la situation l’oblige; par exemple les cas où des dossiers sont bloqués entre deux intervenants.

2.2 Solutions proposées par les témoins

2.2.1 Devoir de protéger et de soutenir

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la troisième pratique exemplaire est le « droit de refuser d’enfreindre la loi ». Cette disposition est, selon l’avis de M. Devine, fondamentale pour empêcher les faits accomplis et, dans certains cas, éliminer le besoin de dénoncer. Étant donné qu’au sein de nombreuses organisations, un employé qui refuse d’obéir à un ordre parce qu’il le juge illégal s’expose à des sanctions disciplinaires; il est nécessaire de mettre en place un mécanisme juste et expéditif visant à protéger l’employé qui a des motifs raisonnables de croire qu’on lui demande d’enfreindre la loi. Cette protection aurait pour but d’éliminer l’obligation de l’employé de passer à l’acte et d’être assujetti à des représailles pendant qu’un tribunal ou une autorité trancherait sur la légalité de l’ordre donné.

M. Devine a expliqué qu’un des problèmes auquel les divulgateurs font face est la perception quel leur action trahit l’organisation et qu’elle menace la carrière et le bien-être de leurs collègues. Selon lui, la solution à ce problème serait l’instauration d’un environnement de confiance par les gestionnaires en communiquant à leurs employés qu’ils veulent être informés des problèmes avant qu’ils ne s’aggravent.

Selon Me Yazbeck, les divulgateurs victimes de représailles ont souvent dû par le passé fournir des preuves de la véracité de leurs allégations, alors qu’il estime que des soupçons raisonnables devraient être suffisants pour que le commissaire lance une enquête.

M. Brown a souligné qu’il a été démontré que les lois sur la protection des fonctionnaires divulgateurs doivent être adaptées pour englober une responsabilité organisationnelle plus vaste quant à la protection des divulgateurs comme c’est le cas avec la responsabilité liée à la santé et à la sécurité en milieu de travail. Il a précisé qu’il est important d’établir des responsabilités claires quant au devoir de protection des divulgateurs et que ceux qui ne respectent pas ce devoir soient tenus personnellement responsables.

De plus, l’Alliance de la Fonction publique du Canada a suggéré dans son mémoire de s’assurer que le Commissariat possède les ressources nécessaires pour venir en aide aux victimes de représailles et pour sensibiliser les fonctionnaires au sujet de leurs droits et les gestionnaires quant à leurs obligations en vertu de la LPFDAR.

Enfin, Me Yazbeck a suggéré que le Tribunal soit saisi de toutes les plaintes en matière de représailles. D’autres témoins, dont des représentants syndicaux[55] et M. Brown ont abondé dans le même sens en indiquant que cette pratique est utilisée dans d’autres pays.

2.2.2 Reconnaître les représailles et offrir une protection efficace

Afin de prévenir les représailles, un certain nombre de témoins, dont Mme Myers et M. Brown, ont suggéré d’instaurer des mesures de réparation provisoires ou automatiques, car attendre que les représailles aient lieu va à l’encontre de l’objectif sous-jacent. Selon M. Hutton, il devrait être « dangereux » pour une personne d’exercer des représailles. Un grand nombre de témoins, incluant l’Alliance de la Fonction publique du Canada dans son mémoire, ont proposé d’accroître les sanctions et les mesures correctives imposées aux personnes coupables d’avoir exercé des représailles.

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la quatrième pratique exemplaire est « la protection contre les retombées des représailles ». Cette disposition est, selon l’avis de M. Devine, essentielle afin que la loi puisse prévoir tout scénario susceptible de dissuader un fonctionnaire de faire une divulgation d’actes répréhensibles, soit à titre de divulgateur, témoin ou personne soupçonnée, à tort, d’être le divulgateur. Cette protection aurait pour but de minimiser les risques que le divulgateur soit isolé et que des témoins potentiels se distancent par peur de représailles.

La septième pratique exemplaire énoncée est « la protection contre le harcèlement non conventionnel ». Cette disposition vise à incorporer toute forme de discrimination, qu’il s’agisse de mesures actives ou passives, dans la loi afin que toute personne impliquée dans une divulgation ne souffre pas de représailles « innovatrices ». Des recommandations, menaces et mesures tentatives peuvent avoir le même effet que l’exercice de représailles.

2.2.2.1 Mesures de réparation et sanctions

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 14e pratique exemplaire concerne l’« indemnisation "sans failles" ». Cette disposition donne droit à un divulgateur ayant obtenu gain de cause une réparation exhaustive qui tient compte de toutes les conséquences directes, indirectes et ultérieures des représailles. Dans les cas de harcèlement mental ou physique, il peut être question d’un déménagement ou du paiement des frais médicaux. Dans les contextes non liés à l’emploi, le divulgateur pourrait se voir accorder la protection de son identité, un déménagement ou la fin des poursuites contre lui.

La 15e pratique exemplaire concerne la disposition sur les mesures de « réparation provisoire ». Cette disposition vise à faire en sorte que l’employé qui a eu gain de cause puisse bénéficier d’une réparation provisoire. En réalité, le système de lutte contre les représailles a tendance à s’étirer sur de nombreuses années de litiges, et la victoire se limite à une simple reconnaissance théorique des revendications si un divulgateur se retrouve néanmoins sans emploi et sur une liste noire, et s’il a possiblement fait faillite. Ici, l’objectif consiste à offrir une mesure de réparation injonctive ou provisoire, après une décision préliminaire afin d’éviter d’autres douleurs et souffrances.

La 17e pratique exemplaire concerne l’« option de mutation ». Cette disposition vise à offrir au divulgateur qui a eu gain de cause la possibilité de repartir à neuf afin d’éviter la reprise possible des représailles si l’employé retourne travailler sous les ordres du gestionnaire contre qui il vient de remporter une poursuite judiciaire. M. Devine a expliqué que les divulgateurs doivent être « remis dans leur position antérieure », car ils se retrouvent perdants même s’ils gagnent; cette notion engloberait les mesures de réparation, les mesures correctives et la responsabilité publique[56].

Tous les témoins, y compris Mme Stevens, ont suggéré au Comité d’étudier la possibilité d’étendre la portée des protections contre les représailles prévues dans la Loi à toutes les personnes en cause dans une divulgation protégée, même celles considérées à tort comme étant le divulgateur. Cette modification vise à éviter les retombées des représailles.

Mme Smart a expliqué au Comité que les administrateurs généraux et les hauts dirigeants ont beaucoup d’outils à leur disposition pour éviter les représailles et protéger les divulgateurs. Toutefois, un certain nombre de témoins, dont M. Devitt, ont suggéré au Comité que, plutôt que de dépendre du haut dirigeant ou de l’administrateur général pour reconnaître la menace de représailles et prendre les mesures nécessaires, la Loi devrait par exemple consentir aux divulgateurs un accès prioritaire aux processus de dotation et aux congés avec solde, afin d’éviter qu’ils subissent les contrecoups de leur divulgation protégée. En outre, M. Brown a expliqué qu’il est impératif, dans les dossiers délicats comme ceux que mettent au jour les divulgateurs, de veiller à la gestion et à « [l]’évaluation des risques de représailles ou de mesures préjudiciables » tout au long du processus de divulgation.

Un grand nombre de témoins, dont M. Chamberlain et M. Korosec, ont suggéré d’accorder la priorité en dotation et la protection du revenu à titre de mesures de réparation provisoires dans les cas de représailles. Dans son mémoire, le Commissariat a aussi suggéré une augmentation de la somme maximale accordée pour les souffrances et les douleurs, au titre de la Loi.

Aux termes du paragraphe 20.4(1) de la Loi, le commissaire, en renvoyant un dossier au Tribunal, peut soit recommander la prise de mesures de réparation à l’égard du plaignant, soit recommander la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne ayant exercé les représailles. De l’avis de M. Korosec, ces mesures ne conviennent pas. Il a ajouté que, durant son audience, on lui a dit qu’il n’avait droit qu’à une seule des mesures de réparation énumérées au paragraphe 21.7(1); il a fait valoir qu’on devrait accorder au divulgateur un nombre adéquat de mesures de réparation, en fonction des circonstances. Un grand nombre d’options devrait être à la disposition du divulgateur, et elles devraient être choisies en consultation avec ce dernier[57].

Au sujet des sanctions, M. Conacher a suggéré dans son mémoire que soit portée à 50 000 $ l’amende minimale pour l’exercice de représailles assortie d’une fourchette maximale d’amendes variant de 100 000 à 200 000 $ pour les fonctionnaires, et à 40 % du salaire annuel total des dirigeants d’entreprise. Il a aussi suggéré « la perte de toute indemnité de départ et de la récupération partielle de tout paiement de pension ».

2.2.2.2 Frais juridiques

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 16e pratique exemplaire concerne la « couverture des frais d’avocat ». Cette disposition autorise un divulgateur qui a eu gain de cause à se faire rembourser les frais d’avocat et les frais de litige connexes. Ainsi, le divulgateur peut faire valoir ses droits sans avoir à porter le fardeau de frais juridiques élevés. Par ailleurs, cette aide devrait être accordée si le divulgateur obtient la réparation réclamée, qu’elle l’ait été ou non au moyen d’une ordonnance juridique.

M. Rousseau a dénoncé le fait que les dispositions juridiques prévues dans la Loi dépendent de l’approbation du commissaire; il suggère plutôt la création d’un fonds d’aide juridique destiné aux divulgateurs. Cette idée ressemble à celle contenue dans le mémoire de M. Conacher concernant l’établissement d’une clinique juridique gratuite.

Dans son mémoire, le Commissariat a proposé que le Tribunal soit habilité à accorder des frais de justice au plaignant et que le président du Conseil du Trésor ait l’autorité nécessaire pour augmenter la valeur monétaire maximale pour les services de consultation juridique.

2.2.2.3 Responsabilité personnelle

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 18e pratique exemplaire concerne la « responsabilité personnelle pour les représailles ». Cette disposition vise à éviter les infractions répétitives en tenant l’auteur des représailles personnellement responsable de payer des dommages‑intérêts. Autrement, rien n’est fait pour dissuader quelqu’un d’exercer des représailles, c’est-à-dire qu’aucune mesure tendant à décourager l’exécution de l’acte n’est en place. Certains modèles législatifs étendent la responsabilité aux personnes qui négligent, de mauvaise foi, de protéger un divulgateur. Une autre possibilité consisterait à donner aux divulgateurs le droit de faire une demande reconventionnelle pour sanctions disciplinaires, dont le licenciement.

M. Brown a suggéré que, au sujet des sanctions pour un crime de représailles, la sanction soit similaire à celle encourue dans les cas de détournement du cours de la justice, de subornation de jurés ou d’intimidation de témoins dans le cadre de procédures judiciaires. Pour l’essentiel, l’exercice de représailles à l’encontre des divulgateurs consiste à « détourne[r le] cours de la justice », a-t-il ajouté.

2.2.2.4 Délais raisonnables

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 13e pratique exemplaire concerne l’« échéancier réaliste pour faire valoir ses droits ». Cette disposition vise à donner à un divulgateur la chance de prendre connaissance de ses droits dans les cas de représailles avant qu’ils doivent y renoncer en raison de l’arrivée à échéance d’un délai arbitraire. La prescription fonctionnelle minimale est de six mois; il est toutefois préférable et conforme aux droits issus de la common law de prévoir un délai de prescription d’un an.

2.2.3 Le droit de se faire entendre de bonne foi en audience publique

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 10e pratique exemplaire concerne le « droit de se faire entendre de bonne foi en audience publique ». Cette disposition accorde au divulgateur le droit à la procédure judiciaire établie courante, celui même qui s’applique généralement aux citoyens touchés par un acte illégal ou un abus de pouvoir et qui a pour objectif d’offrir une audience équitable, exempte de conflits d’intérêts organisationnels. Elle comprend :

  • une décision rendue dans des délais opportuns;
  • une audience publique avec témoins;
  • le droit de confronter ses accusateurs;
  • des règles de procédures objectives et équilibrées;
  • un échéancier raisonnable.

Des témoins, dont Mme Gualtieri, ont fait valoir qu’il est essentiel que les divulgateurs aient accès aux tribunaux pour obtenir réparation envers les torts et les représailles subis. M. Devitt a par exemple dit qu’une des lacunes de la LPFDAR est que seul le Commissariat peut transmettre une plainte en matière de représailles au Tribunal alors qu’en Irlande, rien n’empêche un individu d’essayer d’obtenir réparation devant les tribunaux lorsqu’il estime avoir subi un tort à la suite d’une divulgation protégée. M. Devine estime, quant à lui, que les divulgateurs devraient avoir accès aux tribunaux si le Commissariat ne rend pas de décision en temps opportun comme c’est le cas aux États-Unis où le seuil est fixé entre 180 et 210 jours.

La 11e pratique exemplaire prévue dans les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation est l’« option de règlement extrajudiciaire des différends par une partie indépendante désignée d’un commun accord ». Cette option est un moyen plus rapide et moins coûteux pour le divulgateur et vise à mettre à la disposition de ce dernier un mécanisme de règlement des différends indépendant et juste.

2.2.3.1 Renversement du fardeau de la preuve

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 12e pratique exemplaire concerne les « normes réalistes pour prouver qu’il y a eu atteinte aux droits ». Cette disposition découle d’une nouvelle norme internationale qui vise à corriger une situation de fardeaux de preuve déraisonnables qui rend désespérément irréalistes pour un divulgateur les chances d’obtenir gain de cause lorsqu’il défend ses droits.

Tous les témoins ont soutenu être en faveur du renversement du fardeau de la preuve de sorte qu’il incombe à l’employeur de démontrer que les actes disciplinaires, prétendus être des représailles, ne sont pas reliés à la divulgation d’actes répréhensibles faite par le fonctionnaire[58]. En effet, M. Friday a fait valoir que le renversement du fardeau de la preuve serait « juste, étant donné que le but poursuivi est de rendre plus équitables des règles du jeu autrement inégales ».

2.2.4 Améliorer le cadre juridique

2.2.4.1 Étendre la portée de la Loi

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la cinquième pratique exemplaire concerne la « protection "sans failles" pour tous les citoyens faisant une déclaration relative à la mission de service public ». À son avis, cette obligation est essentielle pour étendre la portée de la protection à tous les demandeurs ou employés qui dénoncent une trahison de la mission de l’organisation ou de la confiance du public, sans égard au caractère officiel du divulgateur.

De nombreux témoins, dont M. Conacher dans son mémoire, ont recommandé que la protection s’étende à tous les travailleurs de l’économie du pays; pour sa part, le Commissariat a suggéré que l’on commence par permettre aux anciens fonctionnaires de demander des services de consultation juridique. M. Brown, quant à lui, a proposé que l’on accorde au commissaire le pouvoir de demander des renseignements à des parties autres que celles du secteur public.

En ce qui concerne l’approvisionnement, Mme Myers a proposé la possibilité d’inclure dans les contrats d’approvisionnement des dispositions précisant que le fournisseur ou l’entrepreneur a pris des mesures en matière de divulgation et que les employés peuvent s’adresser à l’ombudsman du ministère ou de l’organisme concerné en cas de représailles. D’après Mme Daviau, la valeur des contrats attribués chaque année au secteur privé s’élève à au moins 8 milliards de dollars.

2.2.4.2 Simplifier le cadre juridique

Au sujet des améliorations concrètes qui pourraient être apportées au cadre juridique dans les institutions qui forment le cadre d’intégrité, M. Brown a suggéré qu’il conviendrait de préciser les objectifs de la Loi ainsi que les responsabilités des ministères et organismes de même que de l’organisme de surveillance. Il conviendrait également, selon lui, de veiller à ce que les recours offerts soient exempts de « failles » qui en restreindraient l’accès. Toutefois, il a suggéré que, compte tenu du nombre important de modifications nécessaires pour s’assurer que ces changements se concrétisent, il pourrait valoir la peine de reprendre entièrement la Loi.

Enfin, Paul G. Thomas, professeur à l’Université du Manitoba, a suggéré dans un mémoire adressé au Comité la simplification et la clarification de la Loi, « notamment en ce qui concerne l’utilisation des […] modes de divulgation et des procédures de traitement des représailles ».

2.3 Observations et recommandations du Comité

Le Comité croit que, similairement à la responsabilité organisationnelle que les cadres supérieurs des ministères et organismes fédéraux ont en lien avec la santé et la sécurité au travail, ils leur incombent aussi de protéger et de soutenir leurs employés tout au long du processus de divulgation. Ils ont également le devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour enrayer les représailles dont sont souvent victimes les divulgateurs. De plus, les personnes reconnues coupables d’avoir exercé des représailles contre un divulgateur doivent être responsables et se voir imposer des sanctions correctives.

Le Comité estime que la protection devrait s'appliquer non seulement au divulgateur, mais aussi à toute personne l’ayant aidé ainsi qu’aux témoins et à ceux pris à tort comme étant des divulgateurs. De plus, il convient que la Loi devrait être modifiée pour permettre à la fois différentes mesures de réparation civile et à l’emploi à l’égard des victimes de représailles et des sanctions disciplinaires à l’égard des personnes ayant exercé des représailles.

Le Comité considère primordial que ceux qui auraient été victimes de représailles après la divulgation d’actes répréhensibles puissent être entendues par un tribunal et que de les obliger à passer au préalable par le Commissariat pour que celui-ci évalue le cas et le réfère au Tribunal retarde non seulement les procédures, mais va également à l’encontre des pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la divulgation. De plus, le Comité estime que le Tribunal prend beaucoup trop de temps pour traiter les dossiers et que le processus doit être considérablement accélérer en vue de permettre aux victimes de représailles d’obtenir un jugement en temps opportun.

Enfin, le Comité est d’avis que des modifications importantes à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles sont nécessaires pour respecter les droits des divulgateurs et améliorer le processus au moyen duquel ils obtiennent un redressement concernant les représailles.

Par conséquent, le Comité recommande que :

RECOMMANDATION 5

Le gouvernement du Canada mandate explicitement les gestionnaires et supérieurs des ministères et organismes fédéraux pour protéger et soutenir leurs employés ayant fait des divulgations, les personnes les ayant aidés, les témoins et ceux pris à tort comme étant des divulgateurs.

RECOMMANDATION 6

Le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles pour :

A.   veiller à ce que la protection prévue dans la Loi s’étende à toute personne ayant aidé un divulgateur, à tout témoin et à tous ceux pris à tort comme étant des divulgateurs;

B.   clarifier et élargir la définition du terme « représailles » de façon à ce qu’elle inclue tout acte ou toute omission incompatible avec le devoir de protéger et de soutenir les employés;

C.   fournir des mesures de réparation aux divulgateurs pour s'assurer qu'ils soient remis dans leur position antérieure, en tenant compte de leur statut d'emploi avant la divulgation, et ce, indépendamment des mesures correctives pouvant être ordonnées contre un fautif;

D.   conférer au commissaire à l'intégrité du secteur public et au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles le pouvoir d’accorder une indemnité pour des frais juridiques raisonnables pour encourager les divulgateurs à se manifester;

E.   donner au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles le droit de décider de sanctionner les personnes qui ont exercé des représailles ou qui ont posé toute forme d’acte préjudiciable à l’endroit d’un employé ayant fait une divulgation, de toute personne l’ayant aidé, de tout témoin et de tous ceux pris à tort comme étant des divulgateurs;

F.    porter à 12 mois le délai prévu pour déposer une plainte en matière de représailles;

G.   permettre aux divulgateurs victimes de représailles, y compris les entrepreneurs fédéraux, de s’adresser directement au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles sans faire valider au préalable leur cas par le commissionnaire à l’intégrité du secteur public, et fournir au Tribunal davantage de ressources afin qu’il puisse statuer sur les plaintes dans de meilleurs délais;

H.   supprimer l'exigence selon laquelle les enquêtes effectuées par le Commissariat à l’intégrité du secteur public ne peuvent pas se chevaucher avec des enquêtes réalisées en vertu d'autres lois;

I.      renverser le fardeau de la preuve afin que l’employeur ait à démontrer qu’il n’a pas exercé de représailles à l’endroit du divulgateur.

Voici la principale leçon que nous avons tirée : des droits faibles sont contre-productifs. Lorsque les droits sur papier ne correspondent pas à la réalité, ils augmentent l’effet dissuasif et le culte du secret.
Tom Devine, 
directeur du service juridique, 
Government Accountability Project, à titre personnel

3.1 Dispositions de la Loi liées à la culture entourant les actes de divulgation

3.1.1 Garantir un milieu de travail sain et sécuritaire

3.1.1.1 Modifier la culture de la fonction publique

Des témoins ont informé le Comité que dans une publication de 2016, le Groupe CSA[59] a publié des lignes directrices sur la divulgation et qu’une de ses recommandations principales pour tous les employeurs est de créer une culture offrant aux employés la liberté de parler franchement. De plus, dans cette publication, le Groupe CSA conclut qu’il existe un lien étroit entre la création d’un milieu de travail sain et sécuritaire au niveau psychologique et la création d’un système de divulgation[60].

Abondant dans le même sens, un certain nombre de témoins ont parlé de la nécessité de changer la culture existante au sein de la fonction publique. M. Devine a par exemple indiqué qu’« [e]n l’absence d’une acceptation culturelle et d’une révolution culturelle, la révolution juridique sera, en pratique, dépourvue de pertinence ». M. Friday a, de son côté, dit « qu’il ne peut y avoir un système de dénonciation efficace sans un changement de culture : la dénonciation d’actes répréhensibles possibles doit faire partie de la culture du secteur public et être encouragée et traitée dans un environnement exempt de représailles ou de craintes de représailles ». Il a ajouté que pour réussir à changer la culture actuelle au sein de la fonction publique fédérale, il faut d’abord reconnaître l’existence de la crainte de représailles et ensuite admettre que d’importants changements doivent se produire pour que cette crainte diminue et finisse par disparaître.

Selon M. Rousseau, la divulgation ne fait pas partie de la culture au Canada, car il n’existe ni processus indépendant de divulgation ni protection efficace pour les divulgateurs. Il a ajouté que les lacunes de la LPFDAR favorisent une culture du silence malsaine et inefficace au sein de la fonction publique fédérale.

M. Thomas a expliqué dans son mémoire que selon des études menées ailleurs, des facteurs comme le soutien des superviseurs, l’engagement de l’organisation et le statut de l’employé (ancienneté, sexe, poste occupé, appartenance à un groupe minoritaire, etc.) influent sur la confiance des employés envers le processus de divulgation d’actes répréhensibles. Il a également souligné que l’analyse de certaines questions du sondage exhaustif auprès des fonctionnaires fédéraux de 2014 lui a permis de déceler la tendance suivante : dans les organisations où un plus grand nombre d’employés ont affirmé savoir où soulever les préoccupations d’ordre éthique et où les questions d’éthique étaient régulièrement discutées, un pourcentage plus élevé d’employés ont dit ne craindre aucune mesure de représailles lors de divulgations.

3.1.1.2 Sensibilisation

On peut toujours avoir les meilleurs cadres juridiques et éthiques du monde, mais si peu de gens connaissent leur existence, ils sont tout simplement inutiles.
Amipal Manchanda, 
sous-ministre adjoint, Services d’examen, 
ministère de la Défense nationale

Depuis 1999, le Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, qui fait partie du Secrétariat du Conseil du Trésor, réalise tous les trois ans un sondage exhaustif auprès des fonctionnaires fédéraux afin de mesurer leurs opinions sur leur mobilisation, le leadership, l’effectif et le milieu de travail. De plus, un court sondage annuel est mené auprès des fonctionnaires fédéraux les années où le sondage exhaustif n’a pas lieu. Ces sondages ont pour but d’aider la fonction publique fédérale à cerner à la fois ce qu’elle fait bien et les améliorations nécessaires à ses pratiques de gestion des ressources humaines[61].

Le dernier sondage exhaustif auprès des fonctionnaires fédéraux a été réalisé en 2014 et 71,4 % des fonctionnaires y ont répondu, soit 182 165 personnes travaillant pour 93 ministères et organismes fédéraux. En réponse à la question 50 – « J’estime pouvoir amorcer un processus de recours officiel (p. ex. grief, plainte, droit d’appel) sans crainte de représailles » – 40 % des répondants se sont dits fortement ou plutôt d’accord avec l’affirmation, soit une hausse de 2 points de pourcentage par rapport à la même question en 2011[62].

Par ailleurs, le Commissariat a commandé une étude à la firme Phoenix Strategic Perspectives Inc. auprès d’employés fédéraux afin d’explorer la culture de divulgation au sein de la fonction publique fédérale en 2011 et de nouveau en 2015. Selon le rapport publié en 2015, les participants ont exprimé les préoccupations suivantes concernant la divulgation d’actes répréhensibles : la possibilité de représailles, la solidité de leurs éléments de preuve et le manque d’anonymat et de confidentialité. Ce même rapport indique que, selon les gestionnaires fédéraux, la peur constitue le principal frein à la divulgation d’actes répréhensibles[63]. M. Friday a expliqué que les deux rapports des études de 2011 et 2015 ont souligné qu’une participation accrue des cadres supérieurs est nécessaire pour qu’un véritable changement se produise quant à l’acceptabilité de la divulgation.

M. Chamberlain s’est dit d’avis que la formation des fonctionnaires concernant la divulgation d’actes répréhensibles n’est pas aussi importante que d’apporter les modifications nécessaires à la LPFDAR puisque la plupart des fonctionnaires reçoivent de la formation lors de leur embauche. Il a dit croire que « cette formation n’est pas très efficace parce que la plupart des [employés] présument qu’ils n’auront pas ce problème-là, de sorte que l’information rentre par une oreille, puis elle ressort par l’autre ». Il a souligné que « la sensibilisation et la formation sont utiles, mais elles ne constituent qu’une petite partie de la solution ».

A. Initiatives en cours dans la fonction publique fédérale

Au sujet des efforts déployés par les dirigeants de la fonction publique fédérale pour favoriser la divulgation d’actes répréhensibles, M. Trottier a expliqué au Comité que le Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines a la responsabilité d’appuyer les ministères et organismes fédéraux à appliquer la LPFDAR, dont la désignation d’agents supérieurs ainsi qu’au moyen d’activités d’apprentissage, de formation, de réunions, d’un encadrement continu et d’outils de renseignement affichés sur le site Web du gouvernement fédéral. Il a poursuivi en affirmant que le Secrétariat du Conseil du Trésor croit « à la promotion au sein du secteur public, d’une culture positive et respectueuse qui est ancrée dans les valeurs et l’éthique ». Mme Smart a expliqué que son bureau effectue un suivi auprès des administrateurs généraux afin de s’assurer qu’ils diffusent l’information, font de la sensibilisation et fournissent les ressources nécessaires au bon fonctionnement du processus de divulgation interne. Elle a ajouté que tous les employés fédéraux doivent suivre un cours en ligne obligatoire d’une durée de trois heures, suivi d’un examen pour évaluer leurs connaissances du code de conduite de la fonction publique. Enfin, elle a précisé qu’en plus des sondages effectués dans la fonction publique fédérale par son bureau, certains ministères font des suivis après ces sondages auprès de leurs employés.

3.2 Protéger les droits des employés

3.2.1 Assurer de façon fiable la confidentialité

La LPFDAR comprend des dispositions protégeant l’identité des personnes ayant participé à la divulgation, y compris le divulgateur, les témoins et les auteurs présumés de l’acte répréhensible. L’alinéa 11(1)b) exige des dirigeants qu’ils mettent en place des mécanismes visant à assurer la protection de l’information recueillie relativement à une divulgation d’un acte répréhensible. Aux termes des alinéas 22e) et 22f), le commissaire doit, dans toute la mesure du possible et en conformité avec les règles et les droits en vigueur, veiller à ce que l’identité des personnes mises en cause par une divulgation soit protégée, établir des procédures à suivre pour le traitement des divulgations et assurer la confidentialité des renseignements recueillis relativement aux divulgations et aux enquêtes.

Selon le rapport Whistleblower Protection Laws in G20 Countries [disponible en anglais seulement], la confidentialité représente le point faible de la LPFDAR. Aux termes de la Loi, une divulgation anonyme n’est pas considérée comme une divulgation protégée par le Secrétariat du Conseil du Trésor.

M. Lampron a fait valoir que, lorsque les enquêteurs s’entretiennent avec les témoins, ils font « tout en [leur] pouvoir pour assurer la protection de leur identité ». Toutefois, M. Radford a précisé que les enquêteurs ne peuvent pas promettre une confidentialité absolue étant donné les limites qui s’appliquent en raison du principe de la justice naturelle et de l’équité procédurale. Pour sa part, Mme Stevens a fait valoir que les dispositions sur la confidentialité pouvaient susciter des inquiétudes en ce qui concerne les auteurs présumés d’actes répréhensibles. Mme Smart a indiqué que, pour que l’auteur d’actes répréhensibles se réadapte, la solution n’est pas de le couvrir de honte.

Tous les témoins qui ont comparu devant le Comité étaient d’avis que la crainte de représailles est le principal obstacle empêchant les personnes de dénoncer des actes répréhensibles. De l’avis de M. Trottier, la crainte de représailles est difficile à évaluer, mais le dernier Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2014 montre que plus de 50 % des fonctionnaires ne divulgueraient pas d’acte répréhensible pour cette raison. Devant ces données, M. Rousseau a avancé que le Commissariat pourrait souhaiter que l’on ajoute à la Loi des dispositions garantissant l’anonymat. D’autres témoins, comme M. Conacher, ont admis que, dans de petits organismes, il peut être très difficile de protéger l’identité d’un divulgateur puisque seul un petit groupe de personnes peut connaître l’information divulguée.

Enfin, M. Radford a affirmé que, dans le cadre d’une enquête, le Commissariat et l’enquêteur ont connaissance de l’identité du divulgateur. En réponse à une question d’un membre du Comité, il a été expliqué que le divulgateur est un témoin clé dans une enquête pour confirmer les renseignements et faire le suivi sur certaines questions importantes pour les enquêteurs. M. Friday a noté que l’anonymat est une « arme à deux tranchants » et a indiqué que, à son avis, ce type de divulgation n’est pas conforme aux objectifs de la LPFDAR.

3.2.1.1 Au sujet de la liberté d’expression

En termes simples, disons que les divulgateurs sont des employés qui exercent leur droit à la liberté d’expression pour dénoncer les abus de pouvoir ou les actes illégaux néfastes pour le public ou déloyaux à son endroit. Les divulgateurs incarnent les idéaux les plus élevés de la fonction publique : loyauté, honnêteté et dévouement.
Joanna Gualtieri, 
directrice, 
The Integrity Principle, à titre personnel

La Loi exempte les fonctionnaires de leurs obligations de confidentialité prévues par d’autres lois fédérales aux fins de la divulgation d’actes répréhensibles, sous réserve d’exceptions précises. Le fonctionnaire doit limiter la divulgation de renseignements à l’acte répréhensible et suivre les procédures établies concernant le traitement de l’information protégée. Un fonctionnaire peut uniquement divulguer ces renseignements dans des cas exceptionnels[64].

M. Devine a décrit trois grands critères d’une infrastructure de divulgation saine. Premièrement, la protection des divulgateurs contre les ordonnances imposant le secret; deuxièmement, le respect des droits à la liberté d’expression sans échappatoires; et, troisièmement, la protection assurée de la confidentialité pour permettre l’échange de renseignements et la définition de l’acte répréhensible. Il a cerné, dans le droit canadien, des lacunes pour chacun de ces critères. D’abord, il a fait valoir que le droit ne protège pas les divulgateurs contre les ordonnances imposant le secret délivrées par des organismes, mais bien seulement contre les restrictions parlementaires. Ensuite, la Loi ne vise pas certaines grandes catégories de règlements importants pour l’approvisionnement, comme les règlements du Conseil du Trésor. Enfin, il a donné l’exemple d’autres pays, à savoir les États-Unis et la Serbie, qui interdisent de dévoiler non seulement l’identité du divulgateur, mais également le sujet de la divulgation afin d’assurer la confidentialité.

Le Comité, se souciant des répercussions des ententes de non-divulgation et des ordonnances imposant le secret sur la liberté d’expression des fonctionnaires, a demandé des éclaircissements à ce sujet. Ainsi, en réponse à une question du Comité, des représentants du ministère de la Justice ont expliqué par écrit que certains fonctionnaires et membres des FAC ont signé un formulaire de sécurité intitulé Formulaire spécial d’attestation de sécurité en lien avec le projet des capacités futures en matière d’avions de chasse du ministère de la Défense nationale. Ils ont précisé que ce formulaire de sécurité ne constitue pas une entente de confidentialité, mais qu’il souligne plutôt les obligations des fonctionnaires et membres des FAC concernant la protection des renseignements du gouvernement fédéral. Ainsi, ce formulaire n’empêche en rien la divulgation d’actes répréhensibles par les fonctionnaires visés par la LPFDAR, lesquels demeurent protégés en vertu de la Loi[65].

Au sujet des ententes de non-divulgation, M. Devitt a expliqué qu’en vertu de la Irish Protected Disclosures Act, un employeur n’a pas le droit de forcer un employé à signer une clause de non-divulgation, mais qu’il « existe des exceptions pour les personnes qui communiquent des renseignements susceptibles d’être liés à la sécurité nationale ou d’avoir une incidence sur elle. Cependant, lorsqu’on croit qu’un contrat public est sujet à des actes répréhensibles, il n’y a aucune disposition pour empêcher un employé de communiquer l’information ou d’en faire la divulgation protégée ».

3.2.1.2 Au sujet de l’accès à l’information

L’article 44 de la Loi prévoit que sauf si la communication est faite en exécution d’une obligation légale ou est autorisée par la Loi, le commissaire et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité sont tenus au secret en ce qui concerne les renseignements dont ils prennent connaissance dans l’exercice des attributions que leur confère la présente Loi. M. Hutton a déploré la nature secrète de la LPFDAR car l’« information est enterrée pour toujours ».

M. Brown a expliqué que, en Australie, les dispositions concernant la confidentialité ne visent pas à cacher les résultats des enquêtes menées dans l’intérêt du public. Leur seul objectif est d’assurer l’intégrité des enquêtes.

En outre, les audiences du Tribunal peuvent être tenues à huis clos. M. Rousseau et Mme Myers estiment que ces mesures vont à l’encontre de l’objectif des lois de protection des divulgateurs d’actes répréhensibles, qui s’articulent autour de l’intérêt public, de la liberté d’expression et du droit de savoir par l’intermédiaire de l’accès à l’information.

3.2.2 Organismes non visés par la Loi

Dans la LPFDAR, « fonctionnaire » s’entend de « [t]oute personne employée dans le secteur public, tout membre de la Gendarmerie royale du Canada et tout administrateur général », alors que le « secteur public » comprend la Gendarmerie royale du Canada, mais, sous réserve d’exceptions, ne comprend pas les FAC, le Service canadien du renseignement de sécurité et le CST[66]. La Loi s’applique cependant à tous les employés du ministère de la Défense nationale.

Les institutions qui ne sont pas assujetties à la LPFDAR doivent avoir des mécanismes internes semblables à ceux prévus par la LPFDAR, selon le Secrétariat du Conseil du Trésor, en vertu de l’article 52 de la Loi[67]. Par exemple, le Processus de divulgation des Forces armées canadiennes, entré en vigueur le 1er avril 2013, reconnaît « la nature spécialisée des opérations effectuées par les membres des FAC, principalement en ce qui concerne la sécurité nationale ». Ce processus offre aux divulgateurs « les mêmes droits et protections que ceux accordés aux fonctionnaires en vertu de la LPFDAR ». Pour les FAC, les actes répréhensibles sont des infractions graves qui vont à l’encontre de l’intérêt public et non à l’encontre des intérêts personnels.

Selon un certain nombre de témoins, dont M. Devine, le fait que la LPFDAR ne s’applique ni aux employés des organismes de renseignement ni aux militaires constitue une faille dans la LPFDAR et ne respecte pas les pratiques exemplaires internationales. Cependant, Mme Smart a affirmé qu’ils font rapport au Conseil du Trésor chaque année et que le Secrétariat surveille les activités de ces organismes et collabore avec eux, et ce, même si les données les concernant ne sont pas comprises dans son rapport annuel sur la LPFDAR.

3.3 Solutions proposées par les témoins

3.3.1 Modifier la culture organisationnelle

On a présenté au Comité de nombreuses suggestions pour modifier la culture entourant la divulgation d’actes répréhensibles. Chacune visait à prévenir ou à atténuer les effets néfastes auxquels s’exposent les personnes qui décident de dénoncer de tels actes. L’une de ces suggestions consiste à faire connaître des cas où les divulgateurs ont gagné leur cause et conservé leur emploi. D’après M. Brown, les exemples de réussite sont nécessaires pour rétablir la confiance dans le système :

[S]i un organisme souhaite assurer le bon fonctionnement de son système de divulgation, l’un des meilleurs moyens d’y arriver consiste à utiliser ses propres antécédents pour diffuser un message positif sur le déroulement de cas réels.

Il a expliqué qu’il s’agit d’une forme de reconnaissance qui, n’est toutefois pas axée sur l’individu. Elle servirait plutôt à démontrer les avantages pour l’intérêt public de la divulgation, son importance et son appréciation.

À cet égard, M. Hutton a fait valoir qu’une stratégie fondamentale pour atteindre ce but consisterait à « entoure[r] » les divulgateurs identifiés de manière à ce que quiconque essaie de leur causer du tort le fasse « à ses risques et périls ». La responsabilité personnelle à l’égard des représailles, selon M. Devine, est nécessaire pour décourager toute infraction à la loi. À son avis, « [a]ucune mesure corrective importante » n’a été prise en vertu de la LPFDAR depuis plus de 10 ans. En ce qui concerne les divulgateurs, M. Conacher a suggéré dans son mémoire que ceux dont les allégations sont avérées reçoivent automatiquement, en guise de récompense, une somme équivalant à au moins une année de salaire afin qu’ils puissent chercher à leur guise un nouvel emploi, la divulgation ayant pu les rendre mal à l’aise de continuer à travailler au même endroit.

Par ailleurs, M. Devitt a proposé que l’on simplifie les exigences concernant la divulgation de manière à instaurer une « norme unique ». Selon M. Thibodeau une telle stratégie s’appuie sur trois piliers : la proactivité, le principe selon lequel il n’y a pas de « porte interdite » et le principe consistant à « tout mettre en œuvre ». Il a expliqué que, à l’ASFC, des enquêtes peuvent être lancées en cas de manquement présumé et que les mesures disciplinaires en cas d’inconduite font l’objet de communications régulières. En outre, il a fait valoir que les employés, sans égard au mécanisme de divulgation, sont orientés vers le moyen de résolution approprié par un spécialiste interne. Enfin, il a affirmé que les « problèmes sont circonscrits et examinés » à l’aide de nombreux processus, y compris des enquêtes sur le comportement répréhensible, des évaluations du milieu de travail et même des enquêtes criminelles.

De plus, M. Conacher a proposé un mécanisme infaillible pour les cas où une divulgation ou une plainte en matière de représailles est incorrectement traitée ou fait l’objet de retards injustifiés.

Malgré ces suggestions, M. Brown a indiqué que le véritable défi réside dans la façon dont les mécanismes sont mis en place pour assurer leur efficacité et pour favoriser la confiance par rapport au système.

3.3.2 Garantir un milieu de travail sain et sécuritaire

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la neuvième pratique exemplaire prévoit l’offre de « services de soutien essentiels pour assurer des droits sur papier ». Les divulgateurs ne peuvent être protégés que s’ils connaissent l’existence de la loi visant à assurer leur protection. Par conséquent, tous les lieux de travail devraient contenir des affiches sur les droits des divulgateurs et le devoir de dénoncer tout acte illégal. De plus, les services de soutien devraient inclure un ombudsman, comme le Commissariat, ayant accès aux documents et aux représentants de l’organisation de façon à pouvoir surmonter tout manque de ressources ou conflit astreignant, et prendre des mesures correctives rapidement.

Dans son mémoire remis au Comité, M. Thomas a affirmé que :

Changer la culture d’une organisation vaste et diversifiée comme la fonction publique fédérale est un processus lent et incertain qui tient davantage du jardinage que de l’ingénierie. En ce qui a trait aux dénonciations, les dirigeants doivent semer les germes de l’intégrité, de l’ouverture et de la confiance, et ils doivent la cultiver. La création d’un climat interpersonnel de confiance visant à favoriser et à soutenir les dénonciations se révèle ardue.

En outre, M. Thomas a suggéré de « mettre davantage l’accent sur la prévention par l’éducation et par le dialogue sur la "rectitude", plutôt que sur la divulgation et la punition des actes répréhensibles ».

Selon M. Conacher, toute personne qui est témoin d’un acte répréhensible commis par quiconque dans la sphère politique, le gouvernement ou une entreprise, ou en possession de preuves à cet égard, devrait être tenue de le signaler au Commissariat.

En réponse à une question d’un membre du Comité, M. Brown a quant à lui conseillé d’identifier les éléments des ministères et organismes qui fonctionnent le mieux pour créer une saine culture de divulgation au sein de la fonction publique et de les utiliser comme exemple pour inspirer les autres.

Le Commissariat a commandé un document de recherche sur la crainte de représailles en lien avec la divulgation dans lequel il est indiqué que la recherche qualitative « a confirmé qu’un sens de futilité et la crainte de représailles étaient au centre des préoccupations des fonctionnaires lorsqu’ils ne parlaient pas » et que « des recherches menées à l’extérieur de la fonction publique fédérale en sont arrivées à des conclusions identiques sur la façon dont ces facteurs entraînent le silence[68] ». Le document suggère les trois propositions suivantes : mener davantage de recherches sur la crainte de représailles au sein de la fonction publique fédérale, revoir la LPFDAR ainsi qu’accroître la sensibilisation et mieux promouvoir le mandat du Commissariat.

Un certain nombre de témoins ont parlé de l’importance de la formation et des activités de sensibilisation auprès des employés. M. Ferguson a dit estimer que la formation est primordiale pour favoriser une culture saine dans la fonction publique fédérale où les employés comprennent « qu’il est important de traiter [les divulgations] avec respect et de la bonne façon, en croyant les gens qui se manifestent et en menant une enquête approfondie appropriée ». Mme Myers a soutenu que pour amorcer un changement de culture, il est important « d’être proactif et de s’assurer que si l’on se dote d’un système, on doit s’y fier, en parler aux gens et bien communiquer ».

Bon nombre de témoins, dont Mme Gualtieri, ont expliqué que le meilleur moyen pour changer la culture de la fonction publique est de donner des exemples de réussite de protection de fonctionnaires divulgateurs. À ce sujet, M. Chamberlain a dit qu’« [i]l y a seulement une modeste part du changement de cette culture qui passe par la formation. Il s’agit davantage de faire en sorte que les gens puissent voir des exemples de gens qui ont fait des dénonciations qui ne leur ont pas attiré des conséquences désastreuses ». Selon M. Brown une façon efficace d’assurer le bon fonctionnement d’un système de divulgation est de « diffuser un message positif sur le déroulement de cas réels, en utilisant des exemples appropriés ».

3.3.3 Dispositions sur la confidentialité

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la sixième pratique concerne la « protection fiable de la confidentialité ». Cette disposition vise à favoriser la communication de toute l’information nécessaire pour que les responsables rendent compte de leurs actes, en assurant la fiabilité des mécanismes de divulgation protégée. Les défenseurs des droits des divulgateurs sont d’avis que le fait de ne pas garantir le droit des divulgateurs à la confidentialité décourage et empêche fortement la divulgation d’actes répréhensibles.

Convenant lui aussi de l’importance de la confidentialité, le Commissariat a proposé, dans un mémoire, que l’on renforce les dispositions relatives à la confidentialité de la Loi pour y inclure tout document créé en vue de faire une divulgation ou d’enquêter sur les représailles. Toutefois, compte tenu du droit du public de savoir, M. Conacher a proposé que l’identité de toute personne reconnue coupable d’un acte répréhensible soit rendue publique.

Une autre solution, selon M. Conacher, consisterait à permettre l’envoi anonyme des divulgations au commissaire ou de créer un nouvel organisme responsable de recueillir ces divulgations et de conseiller les divulgateurs potentiels.

3.3.3.1 Liberté d’expression

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la huitième pratique consiste à assurer la protection des droits des dénonciateurs contre le bâillon en incluant dans les règles, les politiques ou les ententes de non-divulgation de l’organisation une interdiction à l’utilisation d’ordonnances imposant le secret.

Afin d’éliminer toute faille risquant d’empêcher une personne d’exercer pleinement sa liberté d’expression, M. Devine a proposé d’inclure dans la Loi des dispositions qui interdisent les ordonnances imposant le secret. Aux États-Unis, on trouve trois dispositions de la sorte dans la Whistleblower Protection Act. Parallèlement ou également, ce type de disposition pourrait, comme le propose un mémoire de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, être ajouté à un code de conduite pour empêcher le musellement des professionnels de la fonction publique et l’intervention et l’ingérence politique indues dans leur travail.

3.3.3.2 Accès à l’information

Certains témoins ont proposé que l’on modifie les dispositions sur l’accès à l’information pour réduire le dédoublement des efforts entrepris conformément à la Loi, sans porter nécessairement atteinte pour autant aux dispositions relatives à la confidentialité. De l’avis de M. MacMillan, les articles 43 et 44 de la Loi devraient être modifiés afin de permettre à la GRC d’accéder à l’information obtenue au cours d’une enquête du commissaire qui n’est pas nécessairement liée à l’objet de l’enquête. De manière semblable, Mme Smart a souligné le dédoublement des efforts des administrateurs généraux, qui doivent mener leurs propres enquêtes sur des cas d’actes répréhensibles constatés à l’interne par le commissaire, de manière à cerner les mesures correctives appropriées. Elle a indiqué que l’accès aux dossiers de l’enquête du commissaire aiderait les administrateurs généraux à prendre des sanctions disciplinaires appropriées.

D’autres témoins ont invoqué le droit du public d’être informé des cas d’actes répréhensibles et du traitement des cas de représailles, possiblement après qu’un certain nombre d’années se soit écoulé.

3.3.3.3 Employés du secteur de la sécurité et du renseignement

M. Devine a présenté le système en place aux États-Unis, qu’il considère comme efficace, car les responsables de son application « agissent de bonne foi et sont fermement résol[u]s à assurer son bon fonctionnement ». Essentiellement, les employés ont le droit à la dissidence au sein de l’organisme, mais n’ont pas de liberté d’expression publique, même s’ils sont protégés contre toute mesure de représailles s’ils exercent leur liberté d’expression.

3.3.4 Un organisme de protection et de surveillance

Au fil de l’étude, de nombreux témoins ont abordé l’idée de créer un bureau ou un organisme qui serait responsable de fournir des conseils juridiques, de veiller au respect des droits des divulgateurs, ainsi que de d’assurer que des mesures sont prises pour prévenir toutes représailles et pour intervenir immédiatement s’il s’avère que c’est le cas. Selon Mme Therrien, les témoins d’actes répréhensibles et les victimes de représailles n’ont personne vers qui se tourner pour obtenir des conseils juridiques dans une mesure raisonnable.

L’organisme aurait pour objectif d’assurer que l’ensemble du processus de divulgation et de traitement de plainte en matière de représailles se déroule avec la diligence voulue, afin que les cas soient réglés aussi rapidement que possible et à éviter de longues audiences judiciaires. Par exemple, M. Conacher a suggéré qu’un tel organisme de protection intervienne dans les cas où un ministère ou un organisme ne traite pas une divulgation ou une plainte en matière de représailles en raison d’un conflit d’intérêts. Qui plus est, selon M. Worth, le travail de cet organisme se déroulerait en amont parce que « [l]a protection assurée par les tribunaux n’est pas la pratique exemplaire ». On obtiendrait de meilleurs résultats avec un organisme responsable d’évaluer les risques de représailles et qui aurait pour rôle principal de défendre les divulgateurs à chaque étape du processus.

Selon M. Brown, l’évaluation des risques de représailles devrait être intégrée dans le processus du ministère ou organisme et de l’organisme de surveillance à chaque étape du processus de divulgation :

Quelqu’un doit [évaluer les risques d’acte préjudiciable ou de représailles et déterminer] [q]uelle est la meilleure stratégie à adopter pour gérer cette situation[,] car la situation variera toujours.

En outre, il a fortement suggéré que les équipes d’éthique internes des ministères fédéraux rendent des comptes à l’organisme de surveillance :

Très souvent, tout ce qu’il faut pour qu’un organisme [ou une unité interne à l’éthique] résolve le conflit d’intérêts, dans une large mesure, et qu’il prenne conscience qu’il peut et devrait protéger le dénonciateur est de savoir qu’une entité indépendante veille sur les gens et communiquera comment elle gère la situation[69].

Au sujet du commissaire à l’intégrité ou d’un commissaire à la protection, de nombreux témoins, dont M. Conacher, ont fait valoir que, pour assurer leur efficacité, les commissaires devraient avoir le pouvoir d’imposer des mesures correctives et d’effectuer des vérifications régulières. Les témoins ont également proposé que les bureaux ministériels de divulgation soient indépendants et relèvent directement d’un commissaire, mais Mme Smart a indiqué que cette solution pourrait poser des difficultés aux administrateurs généraux puisqu’ils sont responsables des employés de leur ministère au organisme.

Finalement, selon M. Hutton, si le gouvernement fédéral se dotait d’un « organisme qui a le pouvoir, la réputation et le leadership du vérificateur général, mais qui est centré sur la dénonciation », cela remédierait au fait que le commissaire n’est pas indépendant.

3.4 Observations et recommandations du Comité

Le Comité croit que la compréhension, le dialogue et la collaboration entre les différents intervenants – à savoir les employés de la fonction publique, les ministères et organismes fédéraux, les agents supérieurs responsables de recevoir les divulgations internes, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, le commissaire et son Commissariat, le Tribunal et les tribunaux ainsi que les syndicats de la fonction publique – sont essentiels pour assurer une protection efficace des divulgateurs d’actes répréhensibles.

Le Comité estime que la sensibilisation forme un élément clé d’une protection efficace des divulgateurs, comme l’a identifié l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans le plan d’action [disponible en anglais seulement] préparé pour le Groupe de travail sur la lutte contre la corruption du G20 en 2011. Ainsi, la LPFDAR doit être accompagnée d’efforts de sensibilisation, de communication et de formation efficaces dans l’ensemble de la fonction publique. Le Comité est d’avis que tous les employés de la fonction publique fédérale doivent non seulement connaître et comprendre les mécanismes de divulgation, mais également connaître leurs droits et les recours à leur disposition s’ils sont victimes de représailles. Il est ainsi essentiel que tous les ministères et organismes fédéraux, incluant les sociétés d’État, en collaboration avec le Commissariat, fassent la promotion de ces éléments en multipliant les séances d’information et la formation offertes à leurs employés.

En outre, le Comité reconnaît que d’importants efforts doivent être déployés afin de favoriser un changement de culture au sein de la fonction publique fédérale et que les besoins en matière d’information et de sensibilisation sont constants. Un changement de culture nécessite, dans un premier temps, que les gestionnaires des ministères et organismes fédéraux reconnaissent leurs obligations envers leurs employés et, dans un deuxième temps, une volonté concrète et continue de leur part de prendre toutes les mesures nécessaires pour réussir ce changement. La progression de ce changement de culture devrait aussi être évaluée régulièrement.

Enfin, le Comité favorise un gouvernement ouvert et transparent en ce qui concerne les enquêtes sur les actes répréhensibles et les plaintes en matière de représailles, et ce, y compris la transparence et l’ouverture concernant les résultats d’enquêtes et les mesures correctives prises. Bien qu’il soit important que les ordonnances imposant le secret et les ententes de non-divulgation n'empêchent pas un fonctionnaire de divulguer des actes répréhensibles ou la tenue d’enquêtes, le Comité se soucie du fait que les conclusions ne soient pas dévoilées publiquement et que les Canadiens ignorent les mesures correctives instaurées et la justice rendue. Par ailleurs, les dispositions relatives à la confidentialité pour protéger l'identité des divulgateurs ne devraient ni empêcher la divulgation d’actes répréhensibles ni être utilisées pour protéger les auteurs de ces actes. Afin de servir l'intérêt du public d’une manière ouverte et transparente, des informations devraient être communiquées au divulgateur, à la présumée victime de représailles et/ou au public, s'il y a lieu, à la fin de chaque étape d'une enquête.

Par conséquent, le Comité recommande que :

RECOMMANDATION 7

Le Commissariat à l’intégrité du secteur public soit responsable, en collaboration avec les ministères et organismes fédéraux, de sensibiliser les fonctionnaires fédéraux, de communiquer avec eux et de leur offrir de la formation en ce qui touche le processus de divulgation, leurs droits et la protection offerte aux divulgateurs d’actes répréhensibles, et que les organisations non visées par la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles en fassent de même pour leurs employés.

RECOMMANDATION 8

Le Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines de la fonction publique fasse, en conformité avec les recherches internationales de pointe aux fins de comparaison, comme celles effectuées en Australie, plus de recherche sur les pratiques exemplaires en vue de changer la culture de divulgation existante et la crainte de représailles au sein de la fonction publique, et de déceler les lacunes des systèmes de protection et de divulgation qui doivent être corrigées au sein de chaque ministère et organisme fédéral.

RECOMMANDATION 9

Le Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines de la fonction publique évalue régulièrement la culture de divulgation et la crainte de représailles au sein de la fonction publique, notamment en consignant la fréquence des actes répréhensibles perçus et des actes répréhensibles rapportés et en évaluant le niveau de confiance des fonctionnaires envers la protection et l'efficacité du mécanisme de divulgation interne, et qu’il diffuse publiquement l’information recueillie et les conclusions.

RECOMMANDATION 10

Le gouvernement du Canada modifie les dispositions relatives à la confidentialité prévues par la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles afin que les informations obtenues au cours d’enquêtes du Commissariat à l’intégrité du secteur public puissent être utilisées par les ministères et organismes fédéraux, par le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles et par la Cour fédérale, dans le but d’éviter le dédoublement des efforts sans toutefois compromettre la confidentialité des divulgateurs et des témoins.

RECOMMANDATION 11

Le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles pour y inclure des dispositions qui assurent le respect et le maintien de la confidentialité des témoins, y compris les divulgateurs, sauf dans l’éventualité où la personne concernée donne par écrit son consentement à la divulgation de son identité.

Toute loi sur la dénonciation devrait comprendre un processus d’examen officiel pour déterminer combien de dénonciateurs exercent les nouveaux droits, si ces droits se sont avérés efficaces en pratique, et quels changements devraient être adoptés selon les leçons tirées.
Tom Devine, 
directeur du service juridique, 
Government Accountability Project, à titre personnel

4.1 Disposition d’évaluation de la Loi

4.1.1 Examen de la Loi et préambule

Conformément à l’article 54 de la LPFDAR, cinq ans après l’entrée en vigueur de la Loi, le président du Conseil du Trésor doit veiller à ce qu’un examen indépendant de la Loi, de son administration et de son application soit tenu.

Selon M. Devine, l’intervalle de cinq ans entre les examens est raisonnable, pourvu qu’une structure d’examen officielle soit mise en place. La LPFDAR ne contient pas de disposition à cet égard. Par ailleurs, il a expliqué qu’aux États-Unis des audiences de surveillance sont tenues tous les deux ans afin d’effectuer un examen exhaustif de la loi. Mme Gualtieri s’est dite favorable, une fois les lacunes actuelles corrigées, à l’idée de « met[tre] la loi à l’essai » au moyen d’exemples concrets afin d’évaluer son efficacité et de déterminer s’il y a lieu de la revoir en profondeur. Selon M. Devitt, dans d’autres États, comme l’Irlande, les examens sont tenus à des intervalles plus rapprochés, par exemple aux trois ans.

Le préambule de la LPFDAR établit trois objectifs. En premier lieu, la Loi vise à maintenir et à renforcer la confiance du public envers l’intégrité des fonctionnaires. En deuxième lieu, elle vise à renforcer la confiance du public envers les institutions publiques en établissant des procédures efficaces de divulgation d’actes répréhensibles et des procédures de protection des fonctionnaires à l’origine de ces divulgations. En dernier lieu, elle vise à établir un équilibre approprié entre le devoir de loyauté envers l’employeur et la liberté d’expression des fonctionnaires, comme le garantit la Charte canadienne des droits et libertés.

De l’avis de M. Devine, il est problématique que la divulgation d’actes répréhensible soit perçue comme un manque de loyauté envers l’institution. Il a fait valoir que, la plupart du temps, les divulgations ont des effets bénéfiques pour l’institution puisque, autrement, l’acte dénoncé risque de « se retourn[er] contre elle, au détriment de tous ». Dans le même ordre d’idées, Mme Daviau a indiqué que le Comité a l’occasion, par ses travaux, de veiller à ce que « la dénonciation soit reconnue et appréciée en tant que service et pas punie comme une trahison ».

Selon Me Yazbeck, le préambule situe la Loi « au cœur de notre démocratie » qui est essentielle au bon fonctionnement du gouvernement. Cependant, selon son expérience, la Loi n’a pas atteint ces objectifs jusqu’à maintenant.

4.1.2 Surveillance et production de rapports

Le dirigeant principal des ressources humaines doit produire, afin de le présenter au Conseil du Trésor du Canada, un rapport annuel faisant état de toutes les activités de divulgation au sein de la fonction publique. Ce rapport doit comprendre les éléments suivants :

  • a) le nombre de demandes de renseignements généraux relatives à la Loi;
  • b) le nombre de divulgations reçues et de plaintes déposées en matière de représailles ainsi que le nombre de divulgations auxquelles il a été donné suite et auxquelles il n’a pas été donné suite;
  • c) le nombre d’enquêtes ouvertes en raison de divulgations faites par l’intermédiaire des mécanismes de divulgation internes;
  • d) les problèmes systémiques qui donnent lieu à des actes répréhensibles;
  • e) toute autre question que le dirigeant principal des ressources humaines juge pertinente.

Le président du Conseil du Trésor doit déposer ce rapport devant chaque Chambre du Parlement dans les 15 jours de séance suivant la date où il l’a reçu[70].

En ce qui concerne le rôle que joue le Secrétariat du Conseil du Trésor dans la mise en œuvre, la surveillance et l’examen des processus de protection des divulgateurs dans les ministères et les organismes, Mme Smart a expliqué qu’il existe un sondage annuel, en plus des rapports annuels, qui doivent être établis, lesquels lui sont directement présentés par les administrateurs généraux de chaque ministère et organisme. Ces derniers sont responsables de la préparation des rapports annuels, qui comprennent les statistiques énoncées précédemment ainsi que des recommandations d’amélioration[71].

Le commissaire est également tenu, conformément à la Loi, de présenter divers rapports et de rendre des comptes sur ses activités. Il doit déposer au Parlement un rapport annuel contenant les éléments suivants :

  • a) le nombre de demandes de renseignements généraux relatives à la Loi;
  • b) le nombre de divulgations reçues et de plaintes déposées en matière de représailles ainsi que le nombre de divulgations auxquelles il a été donné suite et auxquelles il n’a pas été donné suite;
  • c) le nombre d’enquêtes ouvertes au titre de la Loi;
  • d) le nombre et l’état des recommandations que le commissaire a faites;
  • d.1)  en ce qui concerne les plaintes déposées en matière de représailles, le nombre de règlements de plaintes, de demandes faites au Tribunal et de décisions les rejetant;
  • e) les problèmes systémiques qui donnent lieu à des actes répréhensibles;
  • f) les recommandations d’amélioration que le commissaire juge indiquées;
  • g) toute autre question qu’il estime pertinente.

En outre, dans les 60 jours suivant la date où il conclut qu’un acte répréhensible a été commis, le commissaire est tenu de présenter à l’administrateur général concerné un rapport sur le cas faisant état de l’enquête. Ce rapport comprend plusieurs éléments, notamment la conclusion du commissaire[72].

Mme Smart a nommé diverses initiatives visant à assurer que les administrateurs généraux remplissent leurs obligations et rendent des comptes, comme des réunions mensuelles et des suivis, mais a clairement souligné l’importance de normes uniformes en ce qui concerne l’application de la Loi dans les ministères et organismes. Elle a informé le Comité qu’elle travaille à cette initiative pour fournir une meilleure orientation aux administrateurs généraux. Cependant, elle a souligné que le Secrétariat du Conseil du Trésor n’effectue pas d’audit pour s’acquitter de ses fonctions aux termes de la Loi.

D’autres témoins, comme M. Conacher, estiment que la production de rapports dans les ministères et organismes n’est pas satisfaisante et réclament une plus grande reddition de comptes de la part du dirigeant principal des ressources humaines et du commissaire.

4.1.2.1 Statistiques incomplètes et incompatibles

En réponse aux questions des membres du Comité, les témoins ont formulé de nombreuses interprétations contradictoires des données recueillies et publiées dans les rapports annuels. Pour certains, comme Mme Glover et M. Trottier, les données disponibles montrent que la protection de l’information ne pose aucun problème et que les fonctionnaires font confiance aux mécanismes établis. M. Trottier a indiqué que le fait que le nombre de divulgations demeure relativement le même d’une année à l’autre est un bon signe et a ajouté qu’il s’inquiéterait seulement si l’analyse de cette donnée montrait des variations importantes. Toutefois, M. MacMillan n’est pas d’avis qu’une simple variation annuelle est un indice révélateur de l’efficacité de la Loi. D’autres données qualitatives et quantitatives permettraient de saisir la situation générale. En effet, M. Friday a fait valoir que le nombre de divulgations satisfaisant la définition d’acte répréhensible établie dans la Loi est désormais plus élevé qu’à l’époque où la LPFDAR a été adoptée. À son avis, il s’agit d’une amélioration concrète du travail accompli conformément à la Loi depuis 2007.

M. MacMillan a conclu que, essentiellement, l’analyse des statistiques publiées sur les activités de divulgations aux termes de la LPFDAR ne doit pas se faire sans égard aux statistiques relevant d’autres mécanismes de résolution puisque la Loi s’inscrit dans le cadre général de l’intégrité et qu’elle touche des actes répréhensibles plus graves que ceux visés par les autres mécanismes. En outre, M. Friday a indiqué que la méthodologie employée par son bureau et par le Secrétariat du Conseil du Trésor pour calculer les statistiques est différente puisque son bureau fait état des divulgations d’actes répréhensibles et que le Secrétariat fait état des allégations d’actes répréhensibles, où une divulgation peut comprendre plusieurs allégations. Par conséquent, ces données ne sont pas comparables et il est difficile d’obtenir une idée claire des activités de divulgations dans l’ensemble de la fonction publique fédérale.

4.1.3 Une loi réactive

Le mécanisme de divulgations d’actes répréhensibles et de plainte en matière de représailles est déclenché parce qu’un acte répréhensible a été commis ou des représailles ont été exercées. Ce modèle est réactif, selon M. Friday, et ne permet pas, de prévenir ces actes et ne favorise pas un changement de culture. Néanmoins, M. Lampron a confirmé que le Commissariat a tout de même enquêté sur un certain nombre de cas uniquement sur la base de spéculations, à titre préventif.

De plus, M. MacMillan a soutenu que l’un des objectifs de la LPFDAR consiste à éviter le dédoublement des enquêtes. Ainsi, comme l’a expliqué Mme Renaud, il arrive couramment qu’une divulgation soit renvoyée à un autre processus établi. Selon M. Brown, la nature réactive entre la Loi et le rôle des responsables de sa mise en œuvre constitue un problème, mais il note que ce problème n’est pas unique au Canada. Fondamentalement, il est impossible pour un système réactif d’assurer aux divulgateurs et aux autres personnes touchées une protection en première ligne contre toute mesure préjudiciable.

Pour M. Hutton, tout compte fait, la LPFDAR est le Titanic des lois en matière de protection des divulgateurs parce que les mécanismes s’enclenchent trop lentement pour que les divulgateurs puissent avoir gain de cause avant que des mesures de représailles ne soient prises à leur égard. Il a affirmé que les protections promises dans la Loi ne sont pas réelles en soulignant qu’aucune mesure de réparation n’a été accordée par un tribunal. Dans le même ordre d’idées, Me Yazbeck a expliqué que la mise en œuvre de la LPFDAR n’a pas mené à des changements fondamentaux pour les divulgateurs et qu’il donne encore les mêmes conseils aux personnes, à savoir de ne pas faire de divulgation sans être prêt à traverser de durs moments puisque les processus en place ne sont pas efficaces. M. Garrett, selon son expérience, estime qu’il est beaucoup plus efficace de gérer de manière proactive les risques d’actes répréhensibles que d’améliorer les processus pour mettre un terme à un acte répréhensible. Il a affirmé que « [c]ela n’arrête pas » et qu’il connaît un employé de la prison de Kent qui a des preuves d’au moins six cas d’exposition à l’amiante dans l’établissement.

4.2 Solutions proposées par les témoins

Comme l’a observé un précédent président du présent Comité, il y a un certain temps, cette loi ne vise pas à protéger les dénonciateurs, mais bien à assurer la protection des sous-ministres contre les dénonciateurs.
David Hutton, 
chercheur principal, Centre for Free Expression, à titre personnel

4.2.1 Objectifs de la Loi

Pour examiner adéquatement une loi, il est nécessaire de déterminer les critères sur lesquels reposera l’examen. La Loi, toutefois, n’établit pas d’objectifs clairs. Mme Myers a expliqué au Comité que le préambule de la Loi décrit un résultat et non un objectif. Selon M. Cutler, la LPFDAR visait à permettre aux divulgateurs de se manifester sans crainte, mais elle a été rédigée d’une manière inadéquate ne permettant pas d’atteindre cet objectif. Il a indiqué au Comité que le fait d’avoir permis au secteur public de rédiger la loi encadrant sa propre intégrité a compromis le processus dès le départ.

En 2014, une initiative commune rassemblant quatre organismes de protection des divulgateurs a analysé et coté, selon 14 critères, les Whistleblower Protection Laws in G20 Countries [disponible en anglais seulement]. Ces critères sont les suivants : procédures de divulgation internes; anonymat; mécanismes de signalement externes; transparence; surveillance; confidentialité; sanctions; indemnisation; seuils; actes répréhensibles; portée des représailles; portée de la protection; définition de « divulgateur »; et mécanismes de signalement. Le Canada s’est classé au troisième rang dans la catégorie des lois visant le secteur public, mais à l’avant-avant-dernière place dans la catégorie des lois visant le secteur privé. Toutefois, la grande majorité des témoins ont indiqué au Comité, à des degrés différents, que, même si la LPFDAR semble être exhaustive, elle ne peut être appliquée efficacement et qu’elle contient de graves failles qui empêchent les divulgateurs de jouir de la protection que vise à leur offrir la Loi.

M. Worth a expliqué ce qui suit afin de démontrer l’importance que la Loi fasse l’objet d’un examen périodique :

Lorsque le Canada a adopté [sa] loi, en 2005, les principes de Transparency International n’existaient pas encore. Les principes de l’OCDE et du Conseil de l’Europe n’existaient pas non plus. En 2005, tous ces autres principes mis au point par d’autres ONG et d’autres organismes n’avaient pas encore été mis de l’avant, alors je crois que l’examen que vous avez entrepris arrive au bon moment. Une foule de lois sur la protection des lanceurs d’alerte ont été adoptées. Depuis 2010 seulement, 25 de ces lois ont été adoptées partout dans le monde. Il y a beaucoup de leçons à tirer de toute cette activité […]

En outre, de nombreux témoins ont exhorté le Comité à examiner le préambule afin qu’il énonce les bons objectifs pour orienter la mise en œuvre de la Loi et les examens futurs. À ce sujet, Mme Gualtieri a noté que même le titre, en anglais, est boiteux puisqu’il sous-entend la protection de la « divulgation » et non du « divulgateur ». Abondant dans le même sens, M. Brown a fait valoir au Comité que pour établir une loi efficace et intelligible, il faut bien définir les objectifs et énoncer clairement l’intention.

4.2.2 Surveillance efficace et système de rapports en temps opportun

Cette responsabilité [quant à la production de rapports] ne devrait pas être seulement assortie de la responsabilité de consigner les statistiques, mais aussi d’une responsabilité d’utiliser ces renseignements pour relever les cas où il faut intervenir. C’est ce que nous appelons les « difficultés d’intervention ».
A.J. Brown,
 professeur, 
Griffith University, à titre personnel

Selon les Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, la 20e pratique exemplaire concerne « l’examen » de la loi, qui prévoit l’évaluation du texte de la loi et de sa mise en œuvre. L’objectif consiste donc à faire en sorte que chaque loi sur la protection des divulgateurs comporte un processus d’examen officiel qui analyse de manière empirique l’emploi que les divulgateurs font de leurs nouveaux droits et leur taux de réussite de manière à cerner les modifications à apporter à la loi.

En ce qui concerne l’évaluation de l’efficacité de la loi, M. Devitt a fait valoir qu’en Irlande, le Department of Public Expenditure and Reform est responsable de la gestion des données et qu’il bénéficie de l’aide d’autres organismes pour surveiller et évaluer l’expérience des divulgateurs dans les divers ministères. En effet, M. Worth a indiqué que, ce qui est intéressant, ce sont les raisons pour lesquelles les plaintes et les divulgations sont rejetées. Il a fait valoir que les données publiées par le commissaire et le Secrétariat du Conseil du Trésor doivent comprendre des détails plus précis sur le traitement des divulgations, puis il a ajouté que ces données devraient être rendues publiques chaque année dans des formats facilement accessibles.

Au cours de l’étude, M. Radford a présenté des nouvelles données plus exhaustives sur les types d’allégations d’actes répréhensibles reçues par le Commissariat : 20 % concernent des cas graves de mauvaise gestion; 24 % concernent des cas graves de contravention à un code de conduite; 17 % concernent des cas de contravention à une loi ou à un règlement; et 14 % concernent des cas d’usage abusif de fonds ou de biens publics. Il a ajouté que, parmi les 13 rapports sur les cas déposés au Parlement, six concernaient des contraventions graves à un code de conduite.

M. Thomas, dans son mémoire au Comité, a proposé une liste partielle d’indicateurs de l’efficacité d’une loi sur la protection des divulgateurs d’actes répréhensibles qui engloberait plus que la divulgation d’actes et les allégations de représailles :

  • si la loi encourage ou non les organismes à mettre au point leurs propres procédures de divulgation équitables, efficaces et bien comprises;
  • la confiance des fonctionnaires dans la sécurité et l’équité des procédures de divulgation et dans le sérieux avec lequel les actes répréhensibles seront corrigés;
  • le volume des divulgations effectuées dans les organisations d’attache des employés et par l’intermédiaire du Commissariat à l’intégrité du secteur public;
  • les types d’actes répréhensibles divulgués en fonction de leur pertinence en vertu de la loi et de leur gravité;
  • la correction des problèmes divulgués et l’adoption de mesures préventives;
  • si les fonctionnaires qui font une divulgation de bonne foi sont protégés ou non contre les représailles;
  • si la loi et son application rendent ou non la dissidence et la divulgation internes plus légitimes et mieux acceptées dans la culture de la fonction publique;
  • la fréquence à laquelle les fonctionnaires perçoivent erronément des actes répréhensibles;
  • si la loi et son application servent à des fins préventives, réduisent l’incidence des actes répréhensibles et contribuent à accroître la confiance dans le gouvernement.

Les défenseurs internationaux des droits des divulgateurs, comme M. Devine et M. Worth, fondent leurs analyses sur des données comme le taux de réussite des divulgations sans représailles et le taux de gain de cause en cour en cas de représailles pour déterminer si la Loi protège véritablement les divulgateurs et si elle atteint ses autres objectifs. M. Brown a recommandé d’investir dans la recherche pour mieux comprendre les répercussions des mécanismes de divulgation sur les différents groupes et ainsi recueillir des renseignements pouvant mener à des modifications concrètes et réfléchies.

4.2.3 Une loi proactive

La majorité des témoins, mais surtout M. Brown, a exhorté le Comité à modifier la Loi ou à en faire une refonte totale pour établir un système de protection des divulgateurs d’actes répréhensibles à la fois proactif et facile à comprendre.

Selon M. Trottier, le Secrétariat du Conseil du Trésor prend des mesures proactives pour sensibiliser les employés et pour assurer la mise en place d’initiatives de bien-être au travail. Cependant, certains témoins, notamment M. Begin, ont réclamé l’adoption d’une approche plus proactive pour découvrir les actes répréhensibles. Il a indiqué que, même si elle détermine que des allégations sont sans fondements, une enquête peut avoir servi à cerner des secteurs où des actes répréhensibles sont susceptibles de se produire et, par conséquent, où des mesures de prévention seraient justifiées. Cependant, Mme Glover a expliqué qu’il n’est pas facile de relever des cas où une enquête pourrait être lancée de manière proactive. Par exemple, dans le cas du système de paie Phénix, les désaccords des employés concernant le processus ou sa mise en œuvre n’auraient pas donné lieu à une quelconque enquête proactive puisqu’il ne s’agissait pas d’un cas d’acte répréhensible.

De l’avis de M. Brown, un exemple d’approche proactive consisterait à veiller à la bonne mise en œuvre des procédures et des mesures de protection à l’échelle des ministères et organismes. Il a ajouté que la production obligatoire de rapports sur les cas et leur traitement constitue un élément essentiel d’un système proactif. Cette approche nécessite l’établissement de normes vérifiables et la tenue de vérifications sur les bureaux d’enquête[73]. En ce qui concerne les mesures de protection précoces, M. Brown a fait valoir ce qui suit :

Il s’agit essentiellement de leur assurer protection et soutien après coup, parce que toute procédure qui exigerait que le dénonciateur prépare lui‑même sa défense serait déplacée par nature. Un simple doute raisonnable ou une inquiétude raisonnable devrait suffire pour que ces protections s’appliquent. C’est ensuite l’organisation ou le commissaire à l’intégrité qui devrait avoir la responsabilité de traiter adéquatement l’information et de mener enquête. Si le dénonciateur était lui-même responsable de « monter le dossier », ce serait presque comme de dire qu’il doit lui-même mener enquête, qu’il doit lui-même rassembler toute la preuve, et tout le système deviendrait bien trop réactif. L’idée, c’est que cela devienne le problème du gouvernement, le problème de l’organisme. C’est lui qui doit traiter l’information de manière responsable.

Enfin, M. Korosec, en demandant l’adoption de modifications importantes et tangibles, a indiqué que, même avec les meilleures intentions, les personnes responsables de la mise en œuvre et de l’administration de la loi sont contraintes par les limites de la loi elle-même, car « ils ne [peuvent] faire mieux. »

4.3 Observations et recommandations du Comité

Le Comité estime qu'il est essentiel que la Loi continue de faire l'objet d'un examen indépendant à intervalle régulier afin de veiller à ce que les divulgateurs soient adéquatement protégés en vertu de la Loi et que les modifications requises soient mises en œuvre et évaluées en temps opportun.

Même si certains hauts fonctionnaires, dont M. Trottier, ont dit qu’à leur avis la LPFDAR fonctionne bien, le Comité estime qu’il manque beaucoup de données quantitatives et qualitatives pour corroborer cette affirmation. Le Comité reconnaît et convient que les objets de la Loi devraient être révisés afin de mieux correspondre aux objectifs réels de celle-ci, soit de permettre à quiconque croit qu’un acte répréhensible dans la fonction publique s’est produit ou pourrait se produire, de le dénoncer sans crainte de représailles. De plus, la Loi a pour fonction d’assurer que le secteur public est efficace et que les fonctionnaires se comportent de façon éthique et ne peuvent commettre des actes répréhensibles ou illégaux et progresser dans la fonction publique. De plus, le Comité est d’avis que, lorsqu’un acte répréhensible au sens de la Loi est commis, il n’y a pas de conflit entre le devoir de loyauté d’un fonctionnaire à son employeur et sa liberté d’expression, puisque c’est plutôt le devoir du fonctionnaire de dénoncer des actes répréhensibles au nom de l’intérêt public et le devoir de l’employeur de protéger le fonctionnaire en question dans de telles situations.

Le Comité reconnaît le rôle important que joue le Secrétariat du Conseil du Trésor, conformément à la Loi, pour mettre en œuvre, surveiller et administrer le mécanisme de divulgation interne. Cependant, le Comité croit que le cadre d’intégrité ne peut pas uniquement se fonder sur l’intégrité de son administration et qu’il devrait de ce fait faire l’objet de vérifications. Aux fins des examens futurs de la Loi, le Comité souhaite que le Commissariat joue un rôle plus actif et obtienne une compréhension fondamentale de l’évolution des activités de divulgation dans le secteur public de manière à cerner les améliorations nécessaires à apporter aux procédures. Le Commissariat devrait avoir la responsabilité d'évaluer la progression des divulgations des ministères et organismes fédéraux afin d'identifier les situations de conflits d'intérêts potentiels et de mauvaise gestion des dossiers. Dans de telles situations, le commissaire devrait avoir la responsabilité et l'autorité d'intervenir afin d'assurer la tenue impartiale et adéquate d’enquêtes et la mise en œuvre de mesures correctives appropriées. Le Comité s’engage à s’assurer qu’un système qui appuiera les divulgateurs et qui dissuadera grandement la prise de mesures de représailles sera créé et entend pouvoir compter sur l’entière coopération du Secrétariat du Conseil du Trésor, des ministères et organismes fédéraux, du commissaire et du Tribunal.

Au sujet du rôle des statistiques, le Comité est d’avis qu’il serait utile de produire des statistiques pertinentes et interprétables, assorties d’indicateurs clairs, afin qu’il soit possible de mesurer l’efficacité de la Loi. Le Comité reconnaît que la recherche –potentiellement des analyses intersectionnennelles comme des analyses comparatives entre les sexes plus – pourrait aider les administrateurs de la Loi à cerner les éléments problématiques dans la mise en œuvre des mécanismes de divulgation.

Enfin, le Comité estime que des efforts devraient être déployés pour que la mise en œuvre de la Loi se fasse d’une manière plus proactive et qui appuie davantage les personnes qui font une divulgation dans l’intérêt du public. Il faut chercher à corriger les failles dans le cadre de l’examen de la Loi, mais cette responsabilité échoit également à tous les intervenants entre temps, et de véritables efforts doivent être déployés pour qu’aucun cas ne soit laissé en suspens.

Par conséquent, le Comité recommande que :

RECOMMANDATION 12

Le président du Conseil du Trésor entreprenne un examen indépendant de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur des modifications recommandées.

RECOMMANDATION 13

Le préambule de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles soit modifié afin de mieux correspondre aux objectifs de la Loi, notamment la protection contre les représailles des personnes qui participent à une divulgation d'actes répréhensibles dans l’intérêt public.

RECOMMANDATION 14

Le Commissariat à l’intégrité du secteur public, en collaboration avec le Groupe de travail sur la divulgation interne, conçoive et mette en œuvre un cadre proactif visant à assurer la production de rapports réguliers, transparents et pertinents et la reddition de comptes à chaque étape du mécanisme de divulgation interne afin d’assurer le respect des normes de service établies.

RECOMMANDATION 15

Le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles pour inclure dans les rapports annuels publiés par le Commissariat à l’intégrité du secteur public des statistiques plus pertinentes concernant les ministères et les organismes fédéraux assujettis à la Loi, y compris:

A.   le sommaire des dossiers importants;

B.   la mesure des divulgations et des représailles, et les arriérés;

C.   le nombre de divulgations, par catégorie d’actes répréhensibles;

D.   la durée de tous les dossiers ouverts et des dossiers fermés durant l’exercice financier;

E.   la répartition des dossiers par région dans l’ensemble de l’organisation;

F.    la répartition des dossiers par ministère et organisme fédéral.

Les droits à la protection des divulgateurs sont essentiels au fonctionnement adéquat d’une démocratie saine et solide. Le Comité estime que, par la mise en œuvre des 15 recommandations formulées dans le présent rapport, le secteur public fédéral sera mieux outillé pour découvrir, traiter et corriger les actes répréhensibles en milieu de travail, ainsi que pour protéger adéquatement les divulgateurs, les témoins et ceux pris à tort comme étant des divulgateurs.

De l’avis du Comité, le gouvernement du Canada doit conserver comme priorité l’intégrité de la fonction publique fédérale. Pour ce faire, la LPFDAR devrait être modifiée afin d’améliorer les mécanismes de divulgation, notamment :

  1. élargir les définitions de l’expression « acte répréhensible » et du terme « représailles » ainsi que modifier la définition de l’expression « divulgation protégée » prévues dans la Loi;
  2. modifier la Loi pour protéger et soutenir les divulgateurs et prévenir les représailles contre ceux-ci;
  3. dans les cas de représailles, renverser le fardeau de la preuve en le faisant porter à l’employeur plutôt qu’au divulgateur;
  4. fournir, au besoin, des conseils juridiques ou sur la procédure aux fonctionnaires qui veulent divulguer des actes répréhensibles ou déposer une plainte en matière de représailles;
  5. incorporer dans la Loi des dispositions relatives à la confidentialité de l’identité des témoins;
  6. octroyer au Commissariat à l’intégrité du secteur public des responsabilités en matière de formation, d’éducation et de supervision du mécanisme de divulgation interne;
  7. instaurer le signalement obligatoire et en temps opportun des activités de divulgation.

Dans le domaine des lois sur la protection des divulgateurs, il n’existe pas de solution unique. Cependant, une démarche d’amélioration continue au moyen d’examens et de vérifications de la Loi permettrait d’assurer que celle-ci remplit son but : offrir une protection appropriée aux divulgateurs. Il est important que chaque responsable de la mise en œuvre de la Loi agisse avec la diligence voulue et qu’il reconnaisse l’importance de son rôle primordial pour protéger et soutenir les divulgateurs et toutes les personnes touchées par la divulgation d’un acte répréhensible.


*             Les termes « divulgateur » et « dénonciateur » sont utilisés comme synonymes dans ce rapport de même que les termes « divulgation » et « dénonciation ».

[1]                     Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, juge John H. Gomery, commissaire (Commission Gomery), Qui est responsable? Rapport factuel, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Ottawa, 2005, p. 200‑203.

[2]              La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR) ne s’applique toutefois pas à l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada et aux filiales à cent pour cent de sociétés d’État comme la Société immobilière du Canada CLC limitée, la Société du Vieux-Port de Montréal Inc. et Parc Downsview Park Inc qui sont des filiales à propriété exclusive de la Société immobilière du Canada limitée. Pour la liste complète des filiales à cent pour cent des sociétés d’État, voir : Gouvernement du Canada, Portefeuille des sociétés d’État. Source : Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Suivi de la réunion du 7 février 2017 du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (OGGO), p. 1-2. [Mémoire soumis à OGGO le 2 mars 2017].

[3]              OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 février 2017, 0848 (Carl Trottier, sous-ministre adjoint, Secteur de la gouvernance, planification et politique, Secrétariat du Conseil du Trésor).

[4]              LPFDAR, L.C. 2005, ch. 46, Préambule.

[5]              OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 mars 2017, 1026 (Joe Friday, commissaire, Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada).

[6]              Le 4 novembre 2015, le gouvernement fédéral a changé le nom de « Travaux publics et Services gouvernementaux », qui est devenu « Services publics et Approvisionnement Canada ». Toutefois, l’appellation légale de ce ministère, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, n’a pas encore été mise à jour.

[7]              OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 0959 (Raynald Lampron, directeur des opérations, Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada). Les statistiques sur les divulgations internes ont été calculées à l’aide de données tirées du Rapport annuel sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles 2015-2016 du Secrétariat du Conseil du Trésor.

[8]                     Le gouvernement fédéral publie à l’interne une liste des agents supérieurs chargés de recevoir les divulgations d’actes répréhensibles.

[9]              OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017, 0904 (Luc Bégin, ombudsman et directeur exécutif, Bureau de l’ombudsman de l’intégrité et de la résolution, ministère de la Santé) et Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 février 2017, 0845 (Amipal Manchanda, sous-ministre adjoint, Services d’examen, ministère de la Défense nationale).

[10]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 février 2017, 0955 (Joanne Renaud, directrice générale, Vérification, évaluation et éthique, Centre de la sécurité des télécommunications).

[11]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 février 2017, 0850 (Barbara Glover, sous-ministre adjointe, Direction générale de la surveillance, Services publics et Approvisionnement Canada).

[12]           LPFDAR, paragr. 26(1).

[13]           Ibid., art. 29.

[14]           Ibid., art. 36 à 38.1.

[15]                 Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, Rapport sur les plans et les priorités 2016-2017, p. 3.

[16]                 Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, Plan ministériel – Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada 2017-2018, p. 14.

[17]                 Il existe deux formulaires de divulgation. Le premier est pour les fonctionnaires et membres de la Gendarmerie royale du Canada et le deuxième pour les membres du public.

[18]                 Le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada peut chercher à obtenir les renseignements supplémentaires pour le fonctionnaire divulgateur. Pour cela, le fonctionnaire divulgateur n’a qu’à partager les renseignements qu’il possède déjà avec le Commissariat. De plus, le fonctionnaire divulgateur aura l’opportunité de discuter de son dossier avec un analyste et de fournir des renseignements supplémentaires si nécessaire ultérieurement.

[19]                 Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, Guide – Comment suis-je protégé(e)?.

[20]           LPFDAR, art. 25.1.

[21]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 février 2017, 0923 (Carl Trottier, sous-ministre adjoint, Secteur de la gouvernance, planification et politique, Secrétariat du Conseil du Trésor).

[22]           LPFDAR, paragr. 28(1).

[23]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 avril 2017, 1720 (A.J. Brown, professeur, Université Griffith, à titre personnel) et Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 avril 2017, 0955 (Mark Worth, gestionnaire, Blueprint for Free Speech, à titre personnel).

[24]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 février 2017, 0845 (Joe Friday, commissaire, Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada).

[25]           Bureau du vérificateur général du Canada, Note d’information à l’intention du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires : Examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, p. 4 [Mémoire soumis à OGGO le 20 février 2017].

[26]           Geoffrey England, Individual Employment Law, 2e éd., Toronto, Irwin Law, 2008, p. 100 [disponible en anglais seulement].

[27]           Haggarty v. McCulllogh, 2002 ABPC 3, paragr. 19-20 [disponible en anglais seulement].

[28]           Geoffrey England, Individual Employment Law, 2e éd., Toronto, Irwin Law, 2008, p. 98.

[29]           Ibid.

[30]           Le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail ne donne aucune définition précise du terme « harcèlement ». Comparativement à la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., ch. N.1.1, (qui définit le terme « harcèlement psychologique » comme étant « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste », art. 81.18); et à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990 (qui définit le terme « harcèlement au travail » comme s’entendant « du fait pour une personne d’adopter une ligne de conduite caractérisée par des remarques ou des gestes vexatoires contre un travailleur dans un lieu de travail lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns », art. 1).

[31]           Geoffrey England, Individual Employment Law, 2e éd., Toronto, Irwin Law, 2008, p. 101.

[32]           Code canadien du travail, L.R.C. 1985, paragr. 148(1) à (4).

[33]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017, 0945 (Allan Cutler, Allan Cutler Consulting, à titre personnel), 1000 (David Hutton, chercheur principal, Centre for Free Expression, à titre personnel) et 1010 (David Yazbeck, associé, Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck s.r.l., à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 février 2017, 0850 (Scott Chamberlain, directeur des relations de travail, avocat général, Association canadienne des agents financiers) et 1005 (Stan Korosec, à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 1015 (Don Garrett, D.R.Garrett Construction Ltd., à titre personnel) et 0905 (Joanna Gualtieri, directrice, The Integrity Principle, à titre personnel); et Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 mars 2017, 1720 (Sylvie Therrien, à titre personnel).

[34]           L’Administration du pont Blue Water Canada, une société d’État qui est, depuis le 1er février 2015, fusionnée avec La Société des ponts fédéraux Limitée.

[35]           LPFDAR, art. 20.7.

[36]           Ibid., art. 19.1 à 20.2 (« Le commissaire […] ne peut statuer sur la plainte si une personne ou un organisme — exception faite d’un organisme chargé de l’application de la loi — est saisi de l’objet de celle-ci au titre de toute autre loi fédérale ou de toute convention collective », paragr. 19.3(2)).

[37]           Ibid., art. 20.3 à 20.6.

[38]           Décisions de la Cour d’appel fédérale, Therrien c. Le procureur général du Canada, 17 janvier 2017.

[39]           Ibid.

[40]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 février 2017, 1022 (Debi Daviau, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada).

[41]           LPFDAR, art. 20.3 à 20.6.

[42]           Ibid., art. 21.1 à 21.6.

[43]           Ibid., art. 21.7 à 21.8.

[44]                 Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada, Rapport sur les plans et les priorités 2014-2015, p. 2.

[45]                 Secrétariat du Conseil du Trésor, Budget principal des dépenses 2015-2016, p. II-197.

[46]                 Le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs fournit des services de soutien et des installations à 11 tribunaux administratifs fédéraux, soit la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels, la Commission de révision agricole du Canada, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, le Conseil canadien des relations industrielles, le Tribunal canadien des droits de la personne, le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal d’appel des transports du Canada, le Tribunal de la concurrence, le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles Canada, le Tribunal de la sécurité sociale et le Tribunal des revendications particulières. Gouvernement du Canada, Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs.

[47]           Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada, Processus de plaintes de représailles.

[48]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 1000 (Duff Conacher, cofondateur, Démocratie en surveillance) et Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 avril 2017, 0915 (M. Conacher).

[49]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017, 0957 (David Hutton, chercheur principal, Centre for Free Expression, à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42législature, 21 février 2017, 0958 (Larry Rousseau, vice-président exécutif, Région de la capitale nationale, Alliance de la Fonction publique du Canada); Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 mars 2017, 1806 (A.J. Brown, professeur, Université Griffith, à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 0904 (Tom Devine, directeur du service juridique, Government Accountability Project, à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 mars 2017, 1617 (Anne Marie Smart, dirigeante principale des ressources humaines, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor); et Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 avril 2017, 0910 (Duff Conacher, cofondateur, Démocratie en surveillance).

[50]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 février 2017, 1006 (Stan Korosec, à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 1010 (Don Garrett, D.R. Garrett Construction Ltd., à titre personnel); et Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 mars 2017, 1720 (Sylvie Therrien, à titre personnel).

[51]           LPFDAR, art. 42.3.

[52]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 0940 (John Devitt, administrateur principal, Transparency International Ireland, à titre personnel).

[53]           Nations Unies, « Protection contre les représailles », Bureau de la déontologie.

[54]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 1003 (Anna Myers, directrice, Whistleblowing International Network, à titre personnel).

[55]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 février 2017, 0945 (Debi Daviau, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada) et 1035 (Patricia Harewood, conseillère juridique, Alliance de la Fonction publique du Canada).

[56]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 0907 (Joanna Gualtieri, directrice, The Integrity Principle, à titre personnel).

[57]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 avril 2017, 1735 (A.J. Brown, professeur, Université Griffith, à titre personnel).

[58]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017, 0955 (David Hutton, chercheur principal, Centre for Free Expression, à titre personnel) et 1005 (David Yazbeck, associé, Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck s.r.l., à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 février 2017, 0845 (Scott Chamberlain, directeur des relations de travail, avocat général, Association canadienne des agents financiers), 0945 (Debi Daviau, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada), 1005 (Stan Korosec, à titre personnel) et 0955 (Larry Rousseau, vice-président exécutif, Région de la capitale nationale, Alliance de la Fonction publique du Canada); Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 mars 2017, 1805 (A.J. Brown, professeur, Griffith University, à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017, 0900 (Tom Devine, directeur du service juridique, Government Accountability Project, à titre personnel); Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 mars 2017, 1615 (Anne Marie Smart, dirigeante principale des ressources humaines, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor); Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 avril 2017, 0910 (Duff Conacher, co-fondateur, Démocratie en surveillance); et Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, Examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (la Loi ou LPFDAR), Proposition de modifications législatives présentées par le commissaire à l’intégrité du secteur public, 14 février 2017, p. 2 [Mémoire soumis à OGGO le 20 février 2017].

[59]           Le Groupe CSA s’appelait auparavant l’Association canadienne de normalisation.

[60]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017, 1025 (David Yazbeck, associé, Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck s.r.l., à titre personnel) et Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 février 2017, 0955 (Larry Rousseau, vice-président exécutif, Région de la capitale nationale, Alliance de la Fonction publique du Canada).

[61]           Gouvernement du Canada, Sondages auprès des fonctionnaires fédéraux.

[63]           Phoenix Strategic Perspectives Inc., Exploration de la culture de dénonciation dans la fonction publique fédérale, décembre 2015, pp. ii et iii.

[64]           LPFDAR, S.C. 2005, art. 16.

[65]           Ministère de la Justice, Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes : Examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, p. 1 [Mémoire soumis à OGGO le 15 février 2017].

[66]                 LPFDAR, L.C. 2005, ch. 46, paragr. 2(1).

[67]                 Les mécanismes internes du Service canadien du renseignement de sécurité ont été approuvés en décembre 2009, ceux du Centre de la sécurité des télécommunications en juin 2011 et ceux des Forces armées canadiennes, en avril 2012. Gouvernement du Canada, Rapport annuel sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles 2015-2016, p. 4.

[68]           Craig Dowden, Le son du silence : La divulgation et la crainte de représailles – Commandé par le Commissariat à l’intégrité du secteur public, 22 décembre 2016, p. 3.

[69]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 avril 2017, 1724 (A.J. Brown, professeur, Griffith University, à titre personnel).

[70]           LPFDAR, paragr. 38.1(2) à 38.1(4).

[71]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 février 2017, 0955 (Joanne Renaud, directrice générale, Vérification, évaluation et éthique, Centre de la sécurité des télécommunications).

[72]           LPFDAR, art. 38.

[73]           OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 avril 2017, 1749 (A.J. Brown, professeur, Griffith University, à titre personnel).