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OGGO Rapport du Comité

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Rapport dissident du Nouveau Parti démocratique du Canada

Les efforts pour reformer le processus budgétaire entamé par l’Honorable Scott Brison dans le cadre de son rôle de Président du Conseil du Trésor durant le 42e parlement offrent des leçons importantes pour toute personne qui souhaiterait réformer les systèmes de base du Parlement, particulièrement lorsqu’ils touchent aussi aux mécanismes de base du Parlement.

Les premiers signes étaient prometteurs. Il y a un large consensus que le processus budgétaire est fortement déficient. Les parlementaires et le public en général ont de la difficulté à comprendre la relation entre les autorisations de dépenses accordées par le Parlement et le programme politique du gouvernement.

C’est en partie à cause de  la différence dans les méthodes comptables entre les prévisions budgétaires d’un côté et le budget et les comptes publics de l’autre. C’est aussi en partie à cause du fait que les crédits au sein des estimations ne sont pas catégorisés selon la fonction pour laquelle l’argent est dépensé.

Le problème majeur, cependant, est en lien avec le problème de concordance entre le budget d’une année fiscal et les plans budgétaires de dépenses. Généralement, les gouvernements fédéraux ont choisi de présenter un budget vers la fin du mois de février. Le processus de préparation du budget est hautement secret, même au sein du gouvernement, et peu d’informations à propos de son contenu n’est partagé avec quiconque à l’extérieur du ministère des Finances.

Cela veut dire que les ministères, incluant le Conseil du Trésor, n’ont habituellement aucune connaissance de ce qui sera annoncé dans le budget pendant qu’ils préparent les estimations qui seront présentées à la Chambre des communes. Avant que les changements temporaires ne soient mis en place pour ce parlement, les principales estimations devaient être déposées avant le 1er mars.

Juste avant ou juste après que les prévisions budgétaires ne soient déposées, le nouveau budget venait modifier les priorités politiques et financières du gouvernement, mais ces changements n’étaient pas reflétés dans les principales prévisions que la Chambre allait étudier durant la session du printemps. En effet, il fallait parfois jusqu’à 18 mois ou plus pour que des éléments annoncés dans le budget soient inclus dans le processus d’estimation, causant d’importants décalages entre l’annonce d’un programme par le gouvernement et le moment où il reçoit le financement nécessaire pour le mettre en place.

En d’autres mots, des problèmes dans l’interaction entre les échéances respectives dans le processus de création du budget et des prévisions budgétaires causaient des problèmes (1) dans l’interprétation de la relation entre les documents budgétaires et les priorités du gouvernement, telles qu’énoncées dans le budget et (2) en augmentant les délais entre l’annonce des programmes et leur mise en place.

La façon la plus évidente et prometteuse de résoudre ce problème serait pour le ministère des Finances de partager plus d’information concernant ce qui trouvera dans le budget avec le Conseil du Trésor et les autres ministères pertinents dans les semaines qui précèdent la sortie du budget. Cela permettrait (1) l’inclusion dans les prévisions budgétaires des nouveaux éléments annoncés dans le budget pour l’année où ils sont annoncés et (2) un plus court délai entre le moment où un programme est annoncé et le moment où il reçoit les fonds nécessaires à sa mise en place.

Évidemment, des mesures devraient être prises afin d’assurer la confidentialité de cette information. Il ne s’agit pas, cependant, d’une raison pour empêcher que cette information ne soit partagée. De l’information très sensible est partagée au sein du gouvernement sur d’autres sujets, alors nous pouvons avoir confiance que des mesures de précautions efficaces peuvent être misent en places afin de protéger la confidentialité de cette information.

Cette solution ne demanderait pas de changement aux Règlements ou davantage de coopération par le Parlement. Elle n’implique pas non plus de compromis entre le rôle de surveillance des programmes budgétaires du gouvernement par le Parlement avant d’accorder l’autorisation de dépenser d’un côté, et l’augmentation de la transparence de la comptabilité du gouvernement de l’autre.

Ce genre de proche coopération existe dans les juridictions que le ministre Brison a identifiées comme étant les références en matière de cycles fiscaux bien coordonnés, c’est-à-dire l’Australie et l’Ontario.

Bien que cette solution ne nécessite pas la coopération du parlement, elle demande la coopération du ministre des Finances et de son Ministère. Malheureusement pour la tentative du ministre Brison de réformer ce système, il semblerait que cette coopération n’était pas au rendez-vous.

Même en repoussant la date limite pour déposer les prévisions budgétaires au 16 avril, seulement 221 millions de dollars sur les plus de 7 milliards (3.1%) de nouveaux items budgétaires ont été approuvés par le Conseil du Trésor avant de déposer son Budget principal des dépenses 2018-2019. Cela suggère que les ministères avaient très peu d’informations quant à leurs propositions qui avaient été retenues dans le budget avant que celui-ci ne soit rendu public.

C’est dommage parce que, tel qu’indiqué dans le rapport du Directeur parlementaire du budget intitulé Le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses 2018-2019 :

«Comme l’ont déjà fait remarquer le président du Conseil du Trésor et le DPB, les retards dans la mise en œuvre du budget sont en grande partie attribuables aux processus internes du gouvernement. La simplification de ces processus permettrait au gouvernement de dépenser les fonds plus rapidement sans que le Parlement doive renoncer à obtenir des informations ou à exercer un contrôle. On ne sait pas exactement ce que le gouvernement entend faire pour régler ce problème. Toutefois, comme le Secrétariat du Conseil du Trésor a approuvé moins de mesures prévues dans le budget de 2018 (13, pour un total de 221 millions de dollars) que dans l’exercice précédent (19, pour un total de 994 millions de dollars), il n’y a eu aucun réel progrès à ce chapitre. »[1]

On dirait qu’en absence d’une meilleure coopération entre le Ministère des finances, le Président du Conseil du Trésor a cherché à modifier les Règlements afin d’allouer davantage de temps entre la sortie du budget et le dépôt du budget principal des dépenses. On peut présumer que ce temps additionnel, en combinaison avec une modeste augmentation de la coopération de la part du ministère des Finances avant la publication du budget, devait permettre à une portion significative des propositions de dépenses détaillées de nouveaux items budgétaires d’être approuvées par le Conseil du Trésor et d’être incluses dans le budget principal des dépenses.

Plusieurs parlementaires ont donc été surprise lorsque, quelques semaines avant le dépôt du budget principal des dépenses, le Président du Conseil du Trésor a annoncé, via les médias, que les nouveaux items budgétaires n’apparaitraient pas, comme à l’habitude, dans les budgets ministériels des dépenses après avoir été révisés par le Conseil du Trésor. À la place, le plan était de créer un nouveau Crédit central du Conseil du Trésor, le « Crédit d’exécution du budget », qui allait servir d’autorisation de dépenses pour toutes les nouvelles initiatives budgétaires.

En plus de soulever le spectre d’une autorisation financière avec peu de contraintes, le Crédit d’exécution du budget représente un obstacle rôle de surveillance des dépenses du parlement. Il signifie en effet que le document budgétaire doit remplacer les descriptions des programmes dans les plans départementaux. Cela veut dire qu’un seul comité, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, est responsable de revoir tous les nouveaux items budgétaires du gouvernements, plutôt que d’avoir des comités composés d’experts de leur sujet pour revoir les initiatives budgétaires pertinentes en lien avec leur domaine d’expertise. Le rapport du Comité fait quelques recommandations qui pourraient aider à réduire les réduire les impacts de ces conséquences négatives.

Plus important encore, cela voulait dire qu’on s’attendrait des parlementaires qu’ils et elles accordent l’autorisation de dépenser à des programmes avant que ces programmes ne soient passés par le processus rigoureux d’évaluation des coûts du Conseil du trésor. C’est durant ce processus que plusieurs des détails des programmes sont décidés. Le fait que les nouveaux items budgétaires n’aient plus besoin de passer par ce processus avant d’être présentés aux parlementaires pour l’autorisation des dépenses signifie en principe qu’il pourrait être impossible de répondre à certaines questions à propos de comment l’argent sera dépensé à l’intérieur dues programmes avant que les parlementaires n’accordent le financement. Ces questions sont sans réponses parce que ces réponses n’ont pas encore été développées. Comme la section 2.2 de ce rapport l’indique, c’était effectivement le cas pour un certain nombre de ministère durant le processus budgétaire 2018-2019.

Cela représente une déviation significative par rapport à la norme et un obstacle sérieux à l’idée d’une réelle surveillance parlementaire; un obstacle rendu nécessaire uniquement par le fait que la ferveur du ministre Brison pour une réforme du processus budgétaire n’est pas partagée par ses collègues, particulièrement le ministre des Finances et le premier ministre.

Le nouveau Crédit d’exécution du budget est en conflit avec le processus actuel d’attribution des crédits et érode sans bonne raison le rôle du parlement comme juge ultime de l’utilisation des fonds publics. Bien que le rapport du comité contienne plusieurs bonnes recommandations, le fait que le rapport ne recommande pas de mettre fin immédiate à mécanisme est un échec important.

Il est par conséquent recommandé que :

Le Secrétariat du Conseil du Trésor mette fin à l’utilisation d’un crédit central pour financer de nouvelles initiatives budgétaires

Compte tenu de l’appui multi-partisan sans équivoque à une meilleure concordance entre l’information dans le budget et les crédits, le rapport aurait aussi pu recommander que le budget soit enfin officiellement incorporé dans le processus d’octroi des crédits en déterminant une date, ou une période, pour son dépôt à la Chambre des communes.

Malgré le refus obstiné du gouvernement à envisager une date fixe pour le budget à court terme, ses arguments pour modifier la date limite du dépôt du budget principal des dépenses appuient implicitement un budget à date fixe. On ne peut changer la date de dépôt du budget principal des dépenses pour être mieux synchronisé avec le budget que si l’on a une certaine certitude du moment de la présentation du budget.

Le Comité a écouté le témoignage de M. Alex Smith, analyste financier au Bureau du directeur parlementaire du budget, stipulant que les meilleures pratiques de l’OCDE sont de garantir que le budget est présenté et voté par le Parlement avant le début de l’année financière :

«Selon la pratique actuelle et, à vrai dire, les principes budgétaires exemplaires de l'OCDE, il convient de déposer le budget avant le commencement de l'exercice. Le Parlement devrait voter avant le début de l'exercice, car les dépenses sont déjà engagées par la suite. Des plans sont déjà en place. Il est très difficile d'apporter des changements ou de faire des observations lorsque les dépenses sont déjà engagées. »[2]

En réalité, la recommandation de l’OCDE va plus loin, en énonçant que :

«Le projet de budget du gouvernement doit être soumis suffisamment à l’avance au Parlement de façon à ce que ce dernier puisse l’examiner comme il convient. Il ne faut en aucun cas qu’il soit présenté moins de trois mois avant le début de l’année budgétaire. Le budget doit être approuvé par le Parlement avant que l’année budgétaire ne commence. »[3]

Plutôt que d’aller vers un système qui voit la conclusion de davantage d’éléments la planification financière de l’année financière avant le prochain exercice financier, les modifications temporaires du Règlement repoussent l’étude du budget principal des dépenses plus loin dans l’année financière et ne procurent aucune garantie quant au moment où le budget sera étudié par le Parlement, ni même s’il le sera éventuellement. À tout le moins, l’obligation qu’un budget soit déposé avant le début de l’année fiscale permettrait : (i) de rapprocher le Canada des standards de l’OCDE, (ii) d’assurer que les parlementaires voient un budget avant d’étudier le budget principal des dépenses et (iii) d’évaluer si la date limite du dépôt du budget principal des dépenses est sensée par rapport à la date de la présentation du budget dans le but synchroniser les deux documents.

Il est par conséquent recommandé que :

La Chambre des communes modifie son Règlement afin d’imposer le dépôt d’un budget avant le début de l’année fiscale, et de plus, que la Chambre évalue la possibilité de fixer la date limite en février afin de lui permettre d’être dispensée de l’étude du budget avant le début de l’année fiscale.

Le processus d’examen des prévisions budgétaires est censé permettre au Parlement d’allouer les fonds proposés par le gouvernement pour respecter ses engagements. Cependant, le Comité a entendu – dans les témoignages de M. Michael Ferguson, vérificateur général du Canada,– que la portée de l’information actuellement fournie dans le budget des dépenses omet de l’information essentielle pour l’ensemble du portrait financier du gouvernement :

«Fondamentalement, nous craignions que certains types de mesure fiscale qui, bien qu'on en rende compte correctement, comme réductions des recettes fiscales, n'aient les caractéristiques de programmes qui auraient pu prendre la forme de subventions, par exemple. Il nous a semblé que les parlementaires devraient être au courant de ces programmes. »[4]

Mme Martha Denning, directrice de la division de la comptabilité dans le secteur public des Comptables professionnels agréés du Canada a témoigné dans le même sens:

«On peut sans doute soutenir que toutes les dépenses du gouvernement, qu'elles soient directes ou qu'elles passent par le régime fiscal, devraient être soumises à l'examen du Parlement. Si les dépenses fiscales ne font pas l'objet de la même attention, si c'est un moyen de contourner le processus parlementaire d'examen des dépenses, alors c'est un problème.
Malheureusement, je n'ai pas vu d'exemples d'intégration de ces dépenses dans les prévisions budgétaires, mais je ne cherchais pas vraiment à en trouver dans le cadre de ma recherche. Toute l'idée des dépenses fiscales relève de la politique de l'impôt et des mesures prises pour simplifier la législation fiscale. Cela déborde le cadre de nos travaux. Par contre, si vous devez examiner le processus des prévisions budgétaires, la question est tout à fait pertinente: pourquoi ne soumettrait-on pas ces dépenses au même genre d'examen que toutes les autres? »[5]

Il est par conséquent recommandé que :

Le Secrétariat du Conseil du Trésor élargisse la portée de l’information fournie sur les autorisations budgétaires non votées dans les documents sur le budget des dépenses pour y inclure les dépenses fiscales et les projections relatives aux revenus générés par les ministères, les agences et les sociétés d’État au cours de l’année.

À notre avis, le dysfonctionnement du processus actuel d’examen des prévisions budgétaires a plus à voir avec l’échec du gouvernement à s’auto-coordonner pour présenter un budget et un budget principal des dépenses qui reflètent les mêmes objectifs en matière de politiques et les mêmes renseignements financiers. La synchronisation de ces deux documents pourrait se faire sans effectuer aucun changement au processus d'examen des prévisions budgétaires du Parlement comme tel.

Une réforme efficace du processus budgétaire chercherait à fournir aux député.es de meilleures informations avant qu’ils et elles ne votent sur les crédits budgétaires afin de leur permettre de prendre de meilleures décisions en ce qui concernent quelles autorisations de dépenses devraient être approuvées, et lesquelles devraient être rejetées. Le problème avec la tentative de réforme actuelle du gouvernement est que l’on demande maintenant aux député.es d’allouer des fonds pour des programmes qui n’ont pas encore été développés.

Bien que le budget principal des dépenses contient d’une façon plus d’information, dans le sens que toutes les nouvelles initiatives budgétaires y sont mentionnées, il ne contient pas davantage d’information sur la façon dont l’argent sera dépensée que ce qui est déjà présent dans le budget. De plus, les fonctionnaires des ministères sont moins préparés à répondre aux questions à propos des nouvelles initiatives qu’ils ne le seraient si l’argent était demandé plus tard dans un budget supplémentaire des dépenses.

La valeur de toute réforme au processus budgétaire doit être jugée en fonction de sa capacité à permettre aux député.es de mieux assumer leur rôle de gardiens des dépenses publiques. Les prévisions budgétaires doivent fournir aux parlementaires de l’information à jour et pertinente qui les aident à comprendre la relation entre l’agenda politique du gouvernement et ses demandes d’autorisations de dépenses. Nous croyons que, contrairement à la tentative actuelle de réforme du gouvernement, nos propositions permettraient au gouvernement d’être plus transparent sans éroder le rôle de surveillance du parlement.


[2] OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, réunion 95, 20 Juin 2017, 1000 (M. Alex Smith, analyste financier, Bureau du directeur parlementaire du budget, Bibliothèque du Parlement).

[4] OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, réunion 12, 10 May 2016, 1650 (M. Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada).

[5] OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, réunion 12, 10 May 2016, 1555 (Mme Martha Denning, directrice de projets, conseil sur la comptabilité dans le secteur public, Comptables professionnels agréés du Canada).