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LANG Rapport du Comité

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POUR QUE JUSTICE SOIT RENDUE DANS LES DEUX LANGUES OFFICIELLES

Introduction

Au printemps 2017, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (ci-après, le Comité) a entrepris une étude sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles. L’objectif était de faire le point sur cette question d’importance capitale pour les Canadiens et Canadiennes, particulièrement pour les membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) et, à la lumière des témoignages entendus et des mémoires soumis, formuler des recommandations afin d’aider le gouvernement du Canada à atteindre un réel accès égal en matière de justice dans les deux langues officielles.

1. ACCROÎTRE LA CAPACITÉ LANGAGIÈRE DES JUGES DE NOMINATION FÉDÉRALE

1.1 Nécessité d’interpréter le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art.5 et 6 (2014) dans l’optique du bilinguisme des juges de la Cour suprême.

Le bilinguisme obligatoire comme condition d’admissibilité à une nomination à la Cour suprême est un enjeu qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a été débattu à de nombreuses reprises. Au cours de la présente étude, un aspect du débat s’est précisé : le Parlement peut-il légiférer pour faire du bilinguisme une condition d’admissibilité à une nomination à la Cour suprême du Canada ?

Cette question donne lieu à une polémique qui, en grande partie, gravite autour de l’interprétation du Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, article 5 et 6[1], un jugement rendu par la Cour suprême du Canada en 2014.

Dans le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, article 5 et 6, la Cour suprême affirme que le Parlement peut adopter des modifications d’ordre administratif qui ont trait à la Cour suprême, mais qu’il ne peut « modifier unilatéralement ni la composition ni d’autres caractéristiques essentielles de la Cour[2]. » La Cour s’appuie, entre autres, sur l’alinéa 41d) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui prévoit qu’une modification à la composition de la Cour suprême requiert une modification constitutionnelle :

41. Toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province :
d) la composition de la Cour suprême du Canada[3]

Le bilinguisme comme condition d’admissibilité à une nomination à la Cour suprême relève-t-il de la composition  ou d’une autre caractéristique essentielle de la Cour suprême ? Autrement dit, le Parlement peut-il imposer le bilinguisme comme condition d’admissibilité à une nomination en modifiant une loi existante ou en adoptant une nouvelle loi ou doit-il avoir recours au processus de modification constitutionnelle formel ?

Le Comité a eu le privilège de recevoir les témoignages d’imminents constitutionnalistes qui ont apporté leur éclairage et leur expertise sur cette question complexe. Me Benoît Pelletier est de ceux qui croient que le Parlement possède la compétence requise — soit en modifiant une loi existante ou en adoptant une nouvelle loi — pour imposer unilatéralement le bilinguisme comme condition d’admissibilité à une nomination à la Cour suprême.

Son argumentation repose, dans un premier temps, sur le fait que la composition de la Cour suprême est décrite au paragraphe 4(1) de la Loi sur la Cour suprême et les conditions de nomination aux articles 5 et 6 :

Composition de la Cour
4 (1) La Cour se compose du juge en chef, appelé juge en chef du Canada, et de huit juges puînés.
Nomination
(2) La nomination des juges se fait par lettres patentes du gouverneur en conseil revêtues du grand sceau.
Conditions de nomination
5 Les juges sont choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure provinciale et parmi les avocats inscrits pendant au moins dix ans au barreau d’une province.
Précision
5.1 Pour l’application de l’article 5, il demeure entendu que les juges peuvent être choisis parmi les personnes qui ont autrefois été inscrites comme avocat pendant au moins dix ans au barreau d’une province.
Représentation du Québec
6 Au moins trois des juges sont choisis parmi les juges de la Cour d’appel ou de la Cour supérieure de la province de Québec ou parmi les avocats de celle-ci.
Précision
6.1 Pour l’application de l’article 6, il demeure entendu que les juges peuvent être choisis parmi les personnes qui ont autrefois été inscrites comme avocat pendant au moins dix ans au barreau de la province de Québec[4].

Ainsi, Me Pelletier conclut qu’« au paragraphe 4 (1) et aux articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême, il n’est pas question du bilinguisme des juges ou des différents critères de qualification, mais bien de la composition de la Cour : « On y indique qu’elle est composée de neuf juges et que trois d’entre eux doivent provenir du Québec. Il y est question des conditions de nomination en général[5]. »

Dans un deuxième temps, Me Pelletier argue que le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême donne suffisamment d’indications sur les caractéristiques essentielles de la Cour suprême pour conclure que l’imposition du bilinguisme comme condition d’admissibilité à une nomination à la Cour suprême relève de l’autorité du Parlement. Selon Me Pelletier, lesdites caractéristiques essentielles « touchent à la pérennité de la Cour, au bon fonctionnement de la Cour et à la place que la Cour occupe dans les ordres juridique et constitutionnel du Canada[6]. » L’extrait suivant de l’exposé de Me Pelletier explique avec plus de détails cet argument :

Essentiellement, les caractéristiques de la Cour ont trait à sa pérennité, donc à son existence même. Pour ce qui est de savoir si le bilinguisme des juges de la Cour suprême mettrait en danger l’existence même de la Cour, la réponse est non. Les caractéristiques essentielles touchent le bon fonctionnement de la Cour. Quant à savoir si le fait d’exiger le bilinguisme chez les juges de la Cour suprême compromettrait le bon fonctionnement de la Cour, la réponse est non.
L’autre critère essentiel est la place que la Cour occupe dans l’ordre constitutionnel et légal canadien. Pour ce qui est de savoir si le fait d’imposer le bilinguisme aux juges de la Cour suprême affecterait le rôle de cette dernière en tant que tribunal d’appel de dernier ressort au Canada, la réponse est non, encore une fois[7].

Me Pelletier a la ferme conviction que l’imposition du bilinguisme comme condition de nomination ne changerait pas la composition de la Cour ou une autre caractéristique essentielle; c’est l’unilinguisme qui serait appelé à changer :

Premièrement, si quelqu’un vient soutenir devant vous que le bilinguisme obligatoire affecterait une caractéristique essentielle de la Cour suprême, demandez-lui à l’inverse si l’unilinguisme est une caractéristique essentielle de la Cour suprême.
[…]
Alors, lorsque vous vous demandez, dans le fond, quelle situation serait modifiée, c’est celle de l’unilinguisme. Jamais on ne me convaincra que l’unilinguisme est une caractéristique essentielle de la Cour suprême du Canada. Je vous le dis : jamais on ne convaincra un juge de la Cour suprême, non plus, que c’est le cas[8].

Me Michel Doucet abonde dans le même sens. Il avance que, « [d] ans le cas qui nous occupe, il n’est pas question de la composition de la Cour, mais de la compétence de celle‑ci[9]. »

Le professeur Sébastien Grammond a souligné que le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art.5 et 6 doit être interprété à la lumière de la question qui avait été soumise à la Cour suprême dans le cadre de l’affaire du juge Marc Nadon :

Comme c’est le cas pour toutes les décisions des tribunaux, ces commentaires de la Cour suprême doivent être lus à la lumière de l’affaire qui lui était soumise, laquelle portait sur la nomination du juge Nadon et sur les conditions nécessaires pour qu’un juge soit reconnu comme un juge du Québec, si je peux dire les choses ainsi. La Cour n’était pas appelée à se prononcer sur la question de savoir si le Parlement pouvait toujours ajouter une exigence de bilinguisme à la Loi sur la Cour suprême[10].

Le juriste Michael Bergman est également d’avis que la décision ne concerne que la question originale qui avait été posée à la Cour suprême et qu’elle « ne tient pas compte des politiques à long terme nécessaires pour faire fond sur les exigences constitutionnelles relativement à ce qu’il nous faut pour avoir une Cour suprême ou un tribunal sain et adéquat[11]. »

Le Comité tient à souligner qu’il a invité plusieurs experts qui soutiennent que le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art.5 et 6 a pour effet de soustraire au Parlement la capacité de légiférer sur la composition de la Cour suprême ou de modifier unilatéralement les caractéristiques essentielles de cette cour. Seul le professeur Daniel Jutras a accepté l’invitation.

À l’instar des autres témoins, le professeur Jutras croit qu’il est souhaitable que les juges de la Cour suprême du Canada maîtrisent les deux langues officielles. Son désaccord porte sur la façon de procéder pour atteindre cet objectif. Il ne croit pas que la voie législative, c’est-à-dire l’adoption d’une loi ou la modification d’une loi existante, soit la meilleure option : « À mon avis, les avantages politiques d’une telle initiative seraient moins importants que les risques juridiques qui en découleraient[12]. »

 Certes, le professeur Jutras reconnaît que l’enchâssement du bilinguisme obligatoire dans une loi présenterait un gain symbolique puisque le geste marquerait « l’importance égale des deux langues officielles[13] ». Il perçoit également le « gain stratégique » qu’apporterait une telle démarche puisque la modification ou l’abrogation d’un texte législatif sont soumises au processus législatif[14]. Aussi, « quand une exigence est insérée dans une loi, on peut exiger qu’elle soit respectée en vertu de la loi[15]. »

Par contre, le professeur Jutras estime que l’insertion d’une exigence telle que le bilinguisme obligatoire pour les juges de la Cour suprême dans un texte législatif présente des risques beaucoup plus grands que les avantages potentiels :

[…] si une loi impose le bilinguisme comme condition de nomination, toute nomination d’un juge à la Cour suprême est susceptible d’être contestée devant les tribunaux. Quelqu’un pourrait en effet alléguer une violation de cette exigence et avancer que, le juge n’étant pas suffisamment bilingue, selon lui, cette nomination devrait être défaite[16].

Selon le professeur Jutras, la contestation d’une nomination à la Cour suprême ayant comme base les compétences linguistiques du juge « comporte un risque bien réel[17] ». Il poursuit en disant qu’elle serait « embarrassante pour la magistrature […] humiliante pour le juge concerné, complexe, imprévisible sur les plans factuel et juridique et susceptible d’affaiblir la Cour suprême elle-même[18]. »

Contrairement aux autres témoins, le professeur Jutras est aussi d’avis que l’imposition du bilinguisme comme condition d’admissibilité à une nomination à la Cour suprême exige une modification constitutionnelle[19]. Son argument repose sur le paragraphe 105 du Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art.5 et 6 :

Les conditions de nomination générales et les conditions de nomination particulières pour le Québec sont des aspects de la composition de la Cour. En conséquence, toute modification importante portant sur ces conditions de nomination constitue une modification de la Constitution portant sur la composition de la Cour suprême du Canada et entraîne l’application de la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.[20]

Pour le professeur Jutras, le paragraphe précité ne laisse planer aucun doute sur le fait que l’ajout d’une obligation linguistique modifierait les conditions de nominations générales, et que, conséquemment, elle nécessiterait une modification constitutionnelle :

On ne peut pas être plus clair que cela. Pour dire qu’une modification à la Constitution n’est pas requise pour réaliser l’objectif dont on parle ici ce matin, il faut faire fi de ce langage ou, en tous les cas, l’interpréter de façon à en évacuer les éléments importants[21].

Le professeur Jutras est d’avis que, si le Parlement allait de l’avant en adoptant une mesure législative visant les compétences linguistiques des juges de la Cour suprême, ladite « loi serait contestée devant les tribunaux et […] il est probable qu’elle serait invalidée[22]. » Conséquemment, « le gain apporté par l’insertion de cette condition dans une loi serait symbolique et cette stratégie n’en vaut pas la peine[23]. » Malgré le fait qu’il reconnaisse que le programme en vigueur pourrait faire l’objet d’une contestation judiciaire[24], le professeur Jutras croit que « l’engagement formel du premier ministre dans sa forme actuelle… [est] suffisant pour réaliser l’objectif du bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada[25]. »

Afin de déterminer si le Parlement a le pouvoir de faire du bilinguisme une condition de nomination pour les juges à la Cour suprême, le professeur Grammond suggère que le cabinet renvoie la question à la Cour suprême. C’est un avis que partagent plusieurs intervenants, dont Mme Ghislaine Saikaley, la commissaire aux langues officielles intérimaire. Elle affirme qu’il s’agit « d’une excellente suggestion[26]. » Mes Mark Power et Marc-André Roy abondent dans le même sens :

[…] il est très possible que l’imposition d’une exigence linguistique […] puisse être effectuée unilatéralement par le Parlement fédéral. Or, il existe néanmoins un doute quant à savoir si le Parlement fédéral peut faire cela seul en vertu de son pouvoir sur les tribunaux fédéraux prévu à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il est aussi possible que ce soit un changement qui touche l’une des caractéristiques essentielles de la Cour suprême et que, par conséquent, cela nécessite l’assentiment de sept provinces dont la population totale représente 50 % de la population canadienne.
Étant donné l’existence d’un doute, nous partageons l’avis du professeur Grammond selon lequel il serait vraiment utile que le gouvernement fédéral renvoie la question à la Cour suprême pour qu’elle tranche une fois pour toutes. Ce serait là un moyen de régler l’impasse. Cela permettrait d’éviter une situation qui pourrait faire penser à l’affaire du juge Nadon, il y a quelques années, alors que le débat avait été malencontreusement personnalisé. Il y a eu, en effet, une contestation basée sur la nomination d’un individu en particulier. Nous pensons donc que le moyen d’éviter cela et d’aller de l’avant serait de poser la question à la Cour suprême[27].

Les représentantes du Barreau du Québec sont également favorables à un renvoi à la Cour suprême :

Il y a plusieurs écoles de pensée sur la question du bilinguisme, à savoir si la Loi constitutionnelle peut être modifiée par le Parlement ou s’il faut une modification constitutionnelle. Le renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême n’a pas permis de trancher clairement cette question.
C’est une question fondamentale pour l’accessibilité à la justice. En effet, la Cour suprême est la cour de dernier ressort pour tous les Canadiens, y compris ceux qui s’expriment en français. Il serait important, si on n’arrive vraiment pas à trancher le différend entre les deux écoles de pensée, de soumettre cette question à la Cour suprême du Canada pour qu’elle donne l’heure juste sur cette question, c’est-à-dire pour qu’elle détermine si le bilinguisme fait partie de ce qu’on appelle les autres caractéristiques essentielles qui sont protégées par la Constitution[28].

1.2 Modifier la Loi sur les langues officielles

Une modification à la Loi sur la Cour suprême n’est pas la seule option envisageable pour assurer le bilinguisme à la Cour suprême du Canada. Certains témoins se sont penchés sur la possibilité de modifier la Loi sur les langues officielles. À l’heure actuelle, le paragraphe 16 (1) exclut la Cour suprême des obligations linguistiques auxquelles sont soumis les autres tribunaux fédéraux.

16 (1) Il incombe aux tribunaux fédéraux autres que la Cour suprême du Canada de veiller à ce que celui qui entend l’affaire :
a) comprenne l’anglais sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en anglais;
b) comprenne le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en français;
c) comprenne l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu dans les deux langues[29].

Pour Me Pelletier, une modification à la Loi sur les langues officielles lui paraît être le choix le plus judicieux pour assurer le bilinguisme à la Cour suprême : « Je choisirais la modification à la Loi sur les langues officielles. C’est ce qui me semble le plus aisé et le plus évident dans les circonstances[30]. » Le paragraphe 16 (1) pourrait être modifié de sorte à supprimer les mots « autres que la Cour suprême du Canada » et, ainsi, enlever l’exception qui s’applique à la Cour suprême[31].

En dépit du fait que Me Pelletier soit d’avis que le bilinguisme des juges de la Cour suprême peut être imposé unilatéralement par le Parlement au moyen d’une modification à la Loi sur les langues officielles[32], il n’écarte pas la possibilité qu’une telle démarche puisse faire l’objet d’un contentieux :

La Loi sur les langues officielles est une loi fédérale, dont certaines dispositions ont un caractère quasi constitutionnel, tel que prévu à l’article 82 de cette loi. C’est le cas des dispositions de sa partie III, intitulée « Administration de la justice ». Toutefois, les dispositions de la Loi sur les langues officielles peuvent être amendées unilatéralement par le Parlement, à condition, entre autres, qu’elles ne touchent pas à une caractéristique essentielle de la Cour suprême du Canada[33].

Le professeur Grammond a aussi procédé à une importante mise en garde quant aux effets pervers que pourrait engendrer une modification de l’article 16 de la Loi sur les langues officielles :

Quant à la Loi sur les langues officielles, j’imagine que vous faites allusion à la modification — il s’agit de l’article 16, je crois — qui exempte la Cour suprême du droit du justiciable d’être entendu dans sa langue par une cour créée par le Parlement. Ce serait une possibilité, mais cela pourrait conduire à la situation suivante. Si un Juge de la Cour n’entendait pas les causes en français, il ne pourrait par conséquent pas entendre celles du Québec, notamment des causes constitutionnelles plaidées par une partie francophone. Il se peut que ce ne soit pas souhaitable, en ce sens que, pour les parties plaidant devant la Cour, cela pourrait ouvrir la porte à des choix stratégiques liés à la langue utilisée. En effet, celles-ci pourraient y voir une occasion de contrôler l’identité des juges qui entendraient leur cause. Or cela n’est pas souhaitable[34].

Le Comité croit que le bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada est un enjeu de grande importance. Conséquemment, le gouvernement du Canada doit s’assurer que les justiciables canadiens ainsi que leurs avocats sont compris et lus dans la langue officielle de leur choix au plus haut tribunal du pays. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 1

Qu’au cours du 42e Parlement, le gouvernement du Canada dépose un projet de loi qui garantirait la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada.

Recommandation 2 

Qu’en fonction de la recommandation 1, le gouvernement modifie le paragraphe 16 (1) de la Loi sur les langues officielles afin que l’obligation relative à la compréhension des deux langues officielles s’applique également aux juges de la Cour suprême du Canada.

1.2 Nécessité de nommer un nombre suffisant de juges bilingues

1.2.1 Travaux du commissaire aux langues officielles

En 2013, l’ancien commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, a publié, en collaboration avec ses homologues de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, un rapport intitulé : L’Accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures[35]. Le processus de nomination des juges de nomination fédérale y est examiné ainsi que la formation linguistique qui leur était offerte.

Il importe de spécifier que l’étude du commissaire portait sur les cours supérieures, c’est-à-dire les cours supérieures de première instance ainsi que les cours d’appel des provinces.

Le commissaire a conclu que le processus de nomination des juges des cours supérieures ne permet pas « d’assurer la nomination d’un nombre suffisant de juges ayant les compétences linguistiques requises pour entendre les citoyens dans la langue officielle de la minorité, et ce, sans délai ou coût supplémentaires[36]. » Comme l’explique la commissaire intérimaire, le commissaire Fraser a constaté que le processus de nomination comportait deux failles principales :

Premièrement, il n’existe aucune action concertée pour déterminer les besoins des cours supérieures en ce qui a trait à leur capacité bilingue ou veiller à ce qu’un nombre suffisant de juges bilingues soient nommés à ces cours.
Deuxièmement, il n’existe pas encore d’évaluation objective des compétences linguistiques des candidats à la magistrature des cours supérieures. Jusqu’à tout récemment, le seul critère à cet égard était une seule question dans le formulaire de candidature à la magistrature des cours supérieures demandant aux candidats d’évaluer eux-mêmes leur capacité de mener un procès dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. Cette autoévaluation n’était jamais vérifiée de manière objective[37].

Les quatre premières recommandations du rapport L’Accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures s’attaquent au problème de concertation et, conséquemment, visent à renforcer la coopération intergouvernementale :

Le commissaire aux langues officielles recommande au ministre de la Justice du Canada :
1. d’entreprendre, d’ici au 1er septembre 2014, en collaboration avec chacun de ses homologues provinciaux et territoriaux, une démarche visant à assurer en tout temps une capacité bilingue appropriée au sein de la magistrature des cours supérieures du pays;
2. d’établir, de concert avec le procureur général et les juges en chef des cours supérieures de chaque province et territoire, un protocole d’entente visant à :
2.1. fixer les termes de cette démarche collaborative;
2.2. adopter une définition commune du niveau de compétence linguistique requis de la part des juges bilingues afin qu’ils puissent présider des instances dans leur langue seconde;
2.3. définir le nombre approprié de juges et/ou de postes désignés bilingues;
3. d’inviter le procureur général de chaque province et territoire à mettre sur pied un processus de consultation de la magistrature et du barreau auquel participera l’association de juristes d’expression française de common law ou la communauté juridique de langue minoritaire afin de considérer leur point de vue sur le nombre approprié de juges bilingues ou de postes désignés bilingues;
4. de réévaluer, en collaboration avec le procureur général et les juges en chef des cours supérieures de chaque province et territoire, la capacité bilingue des cours supérieures de façon périodique ou lorsque surviennent des changements susceptibles d’avoir un impact sur l’accès à la justice dans la langue de la minorité[38].

Au moment de la comparution de la commissaire aux langues officielles intérimaire le 4 mai 2017, le gouvernement du Canada n’avait toujours pas donné suite aux recommandations contenues dans le rapport L’Accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures (2013). Néanmoins, elle avait constaté qu’il y a tout de même des avancées : « Nos discussions avec les gens du ministère de la Justice donnent à penser qu’ils veulent se tourner vers les recommandations que nous avons faites, mais nous n’avons rien vu de concret encore[39]. »

Depuis ce temps, le ministère de la Justice du Canada a publié le Plan d’action – Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures (plan d’action du ministère de la Justice).  Rendu public le 25 septembre 2017, ce plan contient sept mesures « qui font suite aux changements apportés en octobre 2016 au processus de nomination à la magistrature des cours supérieures[40]. » Les mesures en question visent à «  améliorer l’information recueillie dans les questionnaires de candidature; renforcer l’évaluation des compétences en langue seconde des candidats; accroître l’information sur la capacité linguistique de la magistrature des cours; envisager la possibilité d’offrir aux magistrats un complément de formation en langue seconde[41]. »

Les points 6 et 7 du nouveau plan d’action du ministère de la Justice répondent, dans une certaine mesure, aux recommandations qu’avait formulées le commissaire aux langues officielles en 2013 sur le plan de la coordination intergouvernementale. Ils engagent le ministère de la Justice à travailler « avec les juridictions intéressées, ainsi que les cours, afin d’élaborer des moyens permettant d’évaluer la capacité bilingue existante des cours supérieures[42] » ainsi qu’avec « les provinces et territoires afin d’examiner les différentes façons d’évaluer les besoins des Canadiens en ce qui a trait à l’accès aux cours supérieures dans les deux langues officielles[43]. »

1.3 Évaluation objective des compétences langagières des candidats à la magistrature des cours supérieures et à la Cour suprême du Canada

1.3.1 Travaux du commissaire aux langues officielles

Comme mentionné précédemment, l’ancien commissaire aux langues officielles a mis en lumière une deuxième faille dans le système de nomination des juges des cours supérieures. Il a déterminé qu’il n’existe pas de mesure objective pour évaluer les compétences langagières des candidats[44].

Pour corriger ce problème, le commissaire avait formulé la recommandation suivante :

5. Le commissaire aux langues officielles recommande que le ministre de la Justice du Canada, d’ici au 1er septembre 2014, accorde au Commissariat à la magistrature fédérale le mandat de :
5.1. mettre en place un processus visant à évaluer de façon systématique, indépendante et objective les compétences linguistiques de tous les candidats qui ont précisé leur niveau de capacité linguistique dans leur fiche de candidature;
5.2. transmettre au comité consultatif approprié les résultats de l’évaluation linguistique des candidats;
5.3. recueillir et publier les données sur le nombre de candidats dont l’évaluation linguistique confirme qu’ils seraient en mesure de présider une instance dans les deux langues officielles, dès leur nomination[45].

1.3.2 Évaluation linguistique dans l’actuel processus de nomination des juges des cours supérieures et de la Cour suprême

La commissaire aux langues officielles intérimaire, à l’instar d’autres témoins, a souligné une récente initiative ayant trait aux compétences langagières des juges de nomination fédérale. En août 2016, le gouvernement du Canada a apporté des changements au processus de nomination des juges des cours supérieures. Sur le plan des compétences linguistiques, les candidats doivent maintenant suivre un processus d’auto identification plus détaillé : le Questionnaire relatif au processus de nominations des juges de la Cour suprême du Canada 2017[46] (le formulaire de mise en candidature) comporte quatre questions portant sur leurs compétences linguistiques alors qu’auparavant le formulaire n’en comportait qu’une seule.

Plus précisément, les candidats doivent indiquer dans quelle langue officielle et s’ils sont capables, sans formation supplémentaire, de lire ou de comprendre des documents de la cour; de discuter d’affaires juridiques avec leurs collègues; de converser avec un avocat en cour et de comprendre les observations orales présentées en cour. De plus, le questionnaire de mise en candidature indique que les candidats peuvent être évalués sur leur connaissance fonctionnelle des deux langues[47].

Le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice a précisé que, sous le nouveau plan d’action du ministère de la Justice, les candidats qui déclarent être en mesure d’exécuter dans les deux langues officielles les quatre fonctions décrites ci-dessus devront répondre à deux autres questions additionnelles : « pouvez-vous présider un procès dans l’autre langue officielle ? » et « pouvez-vous écrire une décision dans l’autre langue officielle[48] ? » 

Bien que les candidats à la magistrature fédérale doivent remplir un formulaire différent, ils doivent répondre aux mêmes questions et peuvent également être assujettis à une évaluation pour mesurer leurs compétences linguistiques[49].

Dans le cas de la Cour suprême, le gouvernement précise qu’il veillera « à ce que les personnes qui sont nommées à la Cour suprême du Canada soient effectivement bilingues[50] ». L’expression « effectivement bilingue » signifie qu’un « juge de la Cour suprême du Canada doit être capable de lire des documents et de comprendre les plaidoiries, en français ou en anglais, sans avoir besoin d’une traduction ou d’une interprétation[51]. » Le gouvernement affirme aussi qu’« il serait souhaitable que le juge puisse converser en anglais et en français avec les avocats durant les plaidoiries et avec les autres juges[52]. »

La majorité des témoins qui ont comparu au Comité croit que l’ajout de nouvelles questions sur les compétences langagières dans l’actuel processus de mise en candidature est une bonne initiative. La commissaire intérimaire croit que, lorsque ces mesures seront complètement mises en œuvre, la ministre de la Justice aura « en main les résultats de ces évaluations au moment d’examiner les besoins des cours avec un juge en chef ou de formuler des recommandations[53] » et que « ces changements constituent des mesures concrètes qui donnent suite à certaines des recommandations formulées par l’ancien commissaire, M. Fraser, dans son étude[54]. » Elle considère également que « ces progrès récents témoignent d’une prise de conscience dans les milieux juridiques à l’égard de l’accès à la justice dans les deux langues officielles[55]. »

Me Marc-André Roy estime aussi que la mesure susmentionnée « […] nous assure que, dans un avenir prévisible, les prochains juges vont être nommés selon des normes de bilinguisme[56]. » Cela étant dit, Me Roy est d’avis qu’elle n’est pas suffisante, car « il demeure grandement possible qu’un prochain gouvernement abandonne tout simplement cette pratique[57]. »

1.3.3 Problème de l’autoévaluation

Tous les témoins ont critiqué le fait que, dans le processus de mise en candidature actuel des juges de nomination fédérale, les compétences langagières des candidats font l’objet d’une autoévaluation. Comme l’explique Me Daniel Boivin, président de la Fédération des associations des juristes d’expression française (FAJEF), « l’autoévaluation en matière de bilinguisme est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas suffisant. Il faut qu’il y ait une évaluation[58]. »

La FAJEF redoute, entre autres, les conséquences de cette démarche subjective, craignant que les candidats surévaluent leurs compétences linguistiques :

Trop souvent dans le réseau, des gens se déterminent bilingues. Certes, ils sont suffisamment bilingues pour être capables de communiquer dans les deux langues officielles dans un cadre social, mais c’est complètement autre chose d’être capable d’entendre des témoins et de bien comprendre la preuve, car cela demande une connaissance très précise de la langue[59].

Me Boivin explique l’importance de mesurer de manière objective les compétences linguistiques des juges, plus particulièrement ceux de la Cour suprême, de la manière suivante :

De nos jours, les causes entendues à la Cour suprême sont les plus complexes et les plus techniques. Ce sont des causes qui n’ont pas pu être résolues ailleurs. Les juges sont donc appelés à résoudre des questions extrêmement complexes. Dans ce contexte, le plaideur doit constamment se demander si le juge va le comprendre lorsqu’il va utiliser la terminologie technique et précise d’un principe compliqué. C’est une question que je me pose souvent dans mon domaine de pratique. C’est pour cela qu’il est essentiel d’être capable de mesurer la réelle capacité des juges qui siègent déjà et qui se disent bilingues, ainsi que la capacité de ceux qui postulent à un poste de juge désigné bilingue[60].

Me Karine McLaren, directrice du Centre de traduction et de terminologie juridiques à l’Université de Moncton, est catégorique : « L’autoévaluation ne fonctionne absolument pas. Je pense qu’on doit évoluer vers un modèle qui ne soit pas fondé sur l’autoévaluation[61]. » MMcLaren a illustré ses propos en soulignant un cas survenu au Nouveau-Brunswick « où un juge nommé à la Cour provinciale, qui se disait bilingue, avait rendu une décision alors qu’il n’était pas capable d’entendre la cause en français[62]. »

L’honorable Denise LeBlanc, juge responsable du Programme linguistique juridique, a affirmé ce qui suit :

[…] il faut que le gouvernement s’éloigne de la notion d’autoévaluation. L’intérêt, la capacité et la disponibilité de juges aptes à s’occuper de matières juridiques dans les deux langues découleront nécessairement de l’adoption d’un processus d’évaluation officiel, par opposition à celui d’autoévaluation[63].

Me Mark Power abonde dans le même sens :

Il est tout à fait normal, voire responsable, d’exiger une certification pour confirmer que quelqu’un qui pense ou qui dit pouvoir faire quelque chose peut vraiment le faire. […] Par ailleurs, je ne devrais pas être membre du Royal 22e Régiment si je ne peux pas m’exprimer en français assez bien pour que mon obus se rende vraiment là où mes collègues me disent qu’il doit se rendre. De la même façon, je ne devrais pas être un fonctionnaire fédéral qui donne des services de première ligne si je n’ai pas une exemption ou la cote la plus élevée en matière de service.
L’autoévaluation ne fonctionne pas […] Ce n’est pas une fois qu’une candidature est annoncée officiellement qu’on va tester en direct à CPAC les connaissances linguistiques du candidat. On le fait dans le cas des fonctionnaires et des membres du Royal 22e Régiment, et on devrait le faire aussi dans le cas des juges, qu’ils soient à la Cour suprême du Canada ou ailleurs[64].

La capacité d’évaluer la compétence linguistique juridique des juges existe au Canada, du moins pour les juges de nomination provinciale. Les spécialistes qui œuvrent chez KortoJura, un volet du Programme de formation linguistique juridique, ont élaboré une épreuve de compréhension orale en français et une autre visant à évaluer l’expression orale en français en contexte juridique. À l’heure actuelle, KortoJura prépare le Legal English Listening Test qui s’adresse aux juges d’expression française[65].

Les épreuves susmentionnées sont calibrées selon une échelle de compétence précise. M. Normand Fortin, spécialiste chez KortoJura, explique que l’échelle en question « a été créée par un comité de juges et d’experts en évaluation de la langue seconde et a servi de guide pour l’élaboration des tests[66]. » L’échelle « est basée sur les tâches qu’un ou une juge doit normalement accomplir. Les juges qui ont élaboré la grille […] ont pu classer les différentes tâches selon leur complexité et le niveau de compétence langagière nécessaire pour les accomplir[67]. »

Ce travail a mené à la création de « quatre niveaux de compétence langagière qui ont été peaufinés tout au long du processus de formation et d’évaluation[68]. » Les quatre niveaux de compétence sont décrits de la manière suivante :

[…] la personne ayant le premier niveau, soit le FJ1, devrait avoir une compétence minimale pour présider une séance unique non contestée ou de nature administrative. Il peut s’agir d’un ajournement, d’un plaidoyer ou d’une demande à un individu de plaider coupable ou non coupable.
[…]
[…] le niveau FJ2 est un niveau plus élevé que le FJ1. À ce niveau, un juge est capable de présider plusieurs séances successives dans une journée, où les éléments contestés sont plutôt simples, mais pourraient exiger des témoignages, par exemple, une enquête sur remise en liberté ou des procès simples.
Au niveau FJ3, un juge est capable de présider la majorité des séances, mais il pourrait rencontrer des difficultés lors d’une séance contestée impliquant plusieurs parties ou plusieurs témoins.
Au niveau FJ4, un juge peut fonctionner dans un milieu où la grande majorité des activités judiciaires se déroulent dans la deuxième langue officielle[69].

Le Comité a demandé à M.  Fortin à quel niveau de l’échelle d’évaluation susmentionnée un juge de la Cour suprême devrait se situer. Sans surprise, il a répondu le niveau FJ4[70] » tout en ajoutant que, si l’échelle devait être adaptée aux besoins de la Cour suprême du Canada, il faudrait déterminer avec les juges de cette Cour ce qu’il faut pour fonctionner à la Cour suprême[71].

Comme mentionné précédemment, les épreuves et les échelles d’évaluation des compétences langagières élaborées par KortoJura reflètent la complexité et la précision du vocabulaire juridique employé par les juges des provinces canadiennes :

[…] nos tests sont uniques, car ils ont été pensés et élaborés en collaboration avec des juges. Ils portent sur des situations réelles que vivent les juges et ils ont été validés par des juges. Ils sont corrigés par des juges et ces mêmes juges participent à la rédaction de l’appréciation finale de la compétence langagière de la personne qui passe le test. Aucun autre outil d’évaluation au Canada ou ailleurs au monde, à notre connaissance, ne répond à ces critères[72].

Le nouveau Plan d’action : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, comporte deux stratégies pour améliorer le processus d’évaluation actuel des compétences linguistiques des candidats visant la magistrature d’une cour supérieure. Le Comité a déjà abordé le premier volet de cette stratégie, soit le fait que des questions additionnelles seront posées « aux candidats qui se sont auto-identifiés comme ayant une capacité bilingue[73]. » Le deuxième volet consiste à demander aux « comités consultatifs de la magistrature de vérifier les réponses à ces questions afin d’assurer qu’elles s’alignent aux habiletés linguistiques déclarées par les candidats[74]. » Aussi, le « commissaire à la magistrature fédérale (CMF) sera autorisé et encouragé d’effectuer des évaluations linguistiques et/ou des vérifications ponctuelles[75]. »

Au point deux du plan d’action du ministère de la Justice, le ministère énonce sa deuxième stratégie. Le CMF « sera chargé de formuler des recommandations à l’intention de la ministre de la Justice au sujet d’un outil d’évaluation qui pourrait être mis en œuvre afin d’effectuer une évaluation objective de tous les candidats qui s’auto-identifient comme ayant une capacité bilingue, dans le but d’identifier des niveaux de compétence relatifs. Les recommandations du CMF se pencheront sur toute ressource additionnelle nécessaire afin d’opérationnaliser cet outil d’évaluation[76]. »

À l’heure actuelle, l’autoévaluation demeure le seul mécanisme utilisé pour mesurer les compétences linguistiques des juges de nomination fédérale et qui assure que les prochains juges à la Cour suprême soient « effectivement bilingues ».

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 3

Que le gouvernement modifie la Loi sur les juges par adjonction, après l’article 3, de ce qui suit :

Bilinguisme — désignation de postes

4 (1) Le poste désigné bilingue par le procureur général de la province doit être pourvu par une personne qui, en plus de respecter les critères prévus à l’article 3, parle et comprend les deux langues officielles selon les standards qui seront élaborés par le Commissariat à la magistrature fédérale.

Bilinguisme — nomination de juges bilingues

(2) Le juge en chef de la juridiction supérieure de la province peut demander qu’un poste donné soit pourvu par une personne qui, en plus de respecter les critères prévus à l’article 3, parle et comprend les deux langues officielles.

Mandat

(3) Le Commissariat à la magistrature fédérale évalue le niveau de compétence de la personne dans les deux langues officielles.

Le Comité croit qu’il existe déjà des ressources pouvant guider le Commissariat à la magistrature dans ses recommandations visant l’élaboration et la mise en œuvre d’une évaluation objective des compétences langagières des candidats à la magistrature fédérale. Conséquemment, le Comité recommande :

Recommandation 4  

Que le Commissariat à la magistrature fédérale explore les ressources canadiennes existantes, telles que KortoJura, afin de développer une épreuve et une échelle pour évaluer les compétences langagières des candidats à la magistrature fédérale et à la Cour suprême.

1.3.4 Plaidoyer pour une démarche législative afin d’assurer un nombre suffisant de juges bilingues

Me Roy croit que la voie législative devrait être envisagée pour assurer la nomination d’un nombre suffisant de juges bilingues :

À notre avis, il est important de mettre en place des règles, probablement en modifiant la Loi sur les langues officielles, de manière à établir des quotas ou, à tout le moins, des lignes directrices pour s’assurer que, lorsque le gouvernement nomme des juges dans ces tribunaux, il y a un nombre suffisant de juges capables d’exercer leurs fonctions dans les deux langues officielles. Ainsi, on respecterait les droits en matière d’accès à la justice des francophones partout au pays[77]

Selon Me Roy, cinq principaux arguments justifient l’adoption d’une démarche législative. Dans un premier temps, les « lois fédérales ainsi que celles du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l’Ontario, du Manitoba et des trois territoires sont adoptées dans les deux langues officielles[78] ». Il est donc nécessaire d’avoir des juges capables de comprendre le français « pour vraiment donner effet à la version française de ces textes de loi[79]. »

Dans un deuxième temps, le Code criminel garantit à l’accusé un droit d’accès égal aux tribunaux désignés dans la langue officielle de son choix. Par conséquent, le gouvernement du Canada doit s’assurer qu’il y ait un nombre suffisant de juges ayant les compétences langagières pour faire respecter ce droit issu d’une loi de compétence fédérale[80].

Dans un troisième temps, certaines provinces et certains territoires « garantissent aux justiciables des droits linguistiques devant les cours supérieures et les cours d’appel[81]. » Si le gouvernement fédéral ne nomme pas les juges capables d’entendre des causes dans la langue de la minorité, les provinces et territoires ne seront pas en mesure de remplir leurs obligations[82].

Dans un quatrième temps, le fait de nommer davantage de juges bilingues au niveau des cours supérieures aurait pour effet d’agrandir le bassin de candidats bilingues à la Cour suprême[83].

Dans un cinquième et dernier temps, une modification législative « permettrai [t] au gouvernement fédéral de respecter l’engagement énoncé à la partie VII de la Loi sur les langues officielles[84]. »

1.4 Formation linguistique et formation au sujet des droits linguistiques des justiciables

La formation linguistique ainsi que la formation au sujet des droits linguistiques des justiciables adressées aux juges n’ont pas été abordées en profondeur lors des réunions du Comité. C’est peut-être parce que de telles formations sont disponibles et prises en main par diverses institutions, notamment le Commissariat à la magistrature fédérale. C’est du moins ce que reflètent les recommandations que le commissaire aux langues officielles avait formulées en 2013 :

9. le ministre de la Justice du Canada demande au Commissariat à la magistrature fédérale de revoir, d’ici au 1er septembre 2014, le programme actuel de formation linguistique afin, notamment, d’enrichir sa composante appliquée et cela, en tenant compte du programme de formation appliquée qu’offre actuellement le Conseil canadien des juges en chef des cours provinciales;
10. le Conseil canadien de la magistrature fédérale examine la possibilité de mandater l’Institut national de la magistrature d’ajouter un module spécifique sur les droits linguistiques des justiciables au programme d’orientation et de formation continue ainsi qu’une composante sur les droits linguistiques dans les divers modules offerts à la magistrature[85].

Les points 3, 4 et 5 du nouveau plan d’action du ministère de la Justice engagent ce dernier à revoir les programmes de formation qui s’adressent aux juges de nomination fédérale :

Le CMF [Commissariat à la magistrature fédérale] examinera la prestation de certains programmes de formation linguistique existants, y compris le renforcement de la composante appliquée ciblant les compétences en salle d’audience.
Le CMF mettra à la disposition des CCM [comités consultatifs à la magistrature] de la formation et de l’information au sujet des droits linguistiques des justiciables. Le Ministère fournira un soutien, au besoin.
La ministre demandera au Conseil canadien de la magistrature de développer des modules de formation sur les droits linguistiques des justiciables à l’intention des juges de nomination fédérale, qui seront offerts par l’intermédiaire de l’Institut national de la magistrature[86].

2. ACCROÎTRE LA CAPACITÉ LANGAGIÈRE DES INTERVENANTS DANS L’ENSEMBLE DE L’APPAREIL JUDICIAIRE

Le bilinguisme des juges de nomination fédérale, notamment ceux de la Cour suprême, est certes un aspect important pour l’atteinte de l’égalité réelle en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles, mais ce n’est pas en soi le seul élément à améliorer.

Comme l’explique le Quebec Community Groups Network (QCGN), « avoir des droits et un système judiciaire bilingue a peu de valeur si l’infrastructure entourant l’accès à la justice n’est pas en mesure d’offrir des services dans les deux langues officielles[87]. »

Dans le rapport intitulé Vers un nouveau plan d’action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l’immigration francophone en milieu minoritaire, le Comité a souligné l’importance d’obtenir des services bilingues auprès de tous les intervenants du système judiciaire en affirmant que « les capacités bilingues restreintes d’autres intervenants du système judiciaire sont parmi les plus grands obstacles à l’accès à la justice en français[88]. »

2.1 Plan d’action proposé par le Réseau national de formation en justice

En 2014, le Réseau national de formation en justice (RNFJ) a été mandaté par le gouvernement du Canada « de le conseiller sur les besoins en matière de formation linguistique des intervenants provinciaux du système judiciaire[89]. » Deux ans plus tard, le RNFJ a déposé à la Direction des langues officielles du ministère de la Justice un plan d’action intitulé Pour que l’égalité reçoive son sens véritable : Une nouvelle approche en normalisation, en développement d’outils juridiques et jurilinguistiques et en formation pour un accès égal à la justice dans les deux langues officielles. Son objectif est de faire en sorte que « le système de justice au Canada ait la capacité institutionnelle de fonctionner également dans les deux langues officielles[90]. »

Le RNFJ propose d’atteindre cet objectif en adoptant une action corrective systémique qui comporte les deux axes stratégiques suivants : 1) agir sur les leviers de politique publique et 2) investir dans des initiatives structurantes[91].

2.1.1 Axe stratégique un : agir sur les leviers de politique publique

Essentiellement, le premier axe propose au gouvernement du Canada d’adopter, dans le cadre du prochain plan d’action pour les langues officielles, un énoncé de politique publique qui affirme ses objectifs « en matière d’accès égal à la justice dans les deux langues officielles[92] » et qui renforce « l’alignement stratégique des agences, ministères gouvernementaux et des autres parties concernées[93]. »

Lors de sa comparution, M. Ronald Bisson, gestionnaire-cadre au RNFJ, a affirmé que la politique publique proposée servirait à « élaborer les principes de collaboration avec les provinces dans le domaine de la justice en tenant compte du cadre constitutionnel et législatif[94]. » Cette recommandation rejoint les quatre premières recommandations du commissaire aux langues officielles portant sur la coopération intergouvernementale dans le rapport L’Accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures[95].

La politique publique proposée par le RNFJ servirait également à rappeler aux Canadiens et Canadiennes qu’en droit criminel et en droit de la famille on doit parler de collectivités de langue officielle égales et non de minorités :

Le jugement dans l’affaire Beaulac a été très clair à ce sujet. Il est plutôt question de deux collectivités de langue officielle qui sont égales. Partout où je vais au Canada, j’entends parler de minorités et on dit vouloir les desservir. En matière de droit criminel et de droit de la famille, on ne parle pas de minorités, mais de deux collectivités égales[96].

Ensuite, le plan d’action du RNFJ fait intervenir des agences et ministères fédéraux qui n’ont pas été identifiés dans les deux dernières feuilles de route pour les langues officielles du gouvernement du Canada à titre de partenaires fédéraux, soit : l’Agence des services frontaliers du Canada; la Gendarmerie royale du Canada; le Service correctionnel du Canada; le Service des poursuites pénales du Canada et Sécurité publique Canada[97]. Le RNFJ estime que ces institutions devraient participer, « en collaboration avec le ministère de la Justice du Canada, à la mise en œuvre du prochain plan d’action pluriannuel en matière de langues officielles[98]. » Le RNFJ précise que leur « participation porterait sur les volets de formation et d’outils linguistiques[99]. »

Le témoignage ci-dessous illustre bien l’importance d’inclure les institutions fédérales dont les activités ont trait à la justice dans l’élaboration et la mise en œuvre du prochain plan d’action pour les langues officielles. Le cas suivant, décrit par le QCGN, concerne le Service correctionnel du Canada (SCC).

Le QCGN a informé le Comité de ses préoccupations concernant l’application de la Loi sur les langues officielles au Centre fédéral de formation du SCC à Laval. En février 2017, les représentants du QCGN, accompagnés de spécialistes en alphabétisation, en éducation et en renseignements juridiques, ont visité ledit Centre fédéral de formation. Cette visite, une initiative régionale du SCC, « était axée sur les questions relatives aux langues officielles dans le cadre des programmes et des possibilités d’enseignement offerts aux détenus, des interactions entre les membres du personnel et les détenus et des milieux de vie et de travail[100]. » Il avait aussi été question « des défis auxquels font face les membres du personnel et la direction en ce qui concerne la conformité avec les obligations en matière de langues officielles[101]. »

Dans un mémoire soumis au Comité, le QCGN a affirmé que « la délégation a relevé plusieurs préoccupations graves liées à l’application de la Loi sur les langues officielles au sein des établissements du SCC au Québec. » Par ailleurs, le QCGN affirme qu’il a « toutes les raisons de croire que c’est une situation systémique qui affecte vraisemblablement les détenus de minorités francophones et anglophones dans d’autres établissements[102]. »

Le QCGN a tenu à préciser que la « direction du Service correctionnel dans la région du Québec a, de façon proactive, établi des liens avec notre communauté. Ils se préoccupent beaucoup de leurs responsabilités linguistiques et cherchent un moyen de s’en acquitter. […] Ils ne savent tout simplement pas comment s’y prendre[103]. » D’ailleurs, le QCGN s’est engagé à travailler avec le SCC pour surmonter les difficultés liées à la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles.  Le QCGN croit que le SCC a besoin de plus de soutien du gouvernement fédéral pour corriger les lacunes : « l’organisation [le SCC] a besoin d’aide au chapitre des ressources et de l’expertise en matière de langues officielles[104]. »

Dans l’optique de l’axe un du plan d’action du RNFJ, M. Bisson a souligné l’importance de créer un lieu d’expertise pour assurer la coordination horizontale interministérielle et intergouvernementale en ce qui a trait aux initiatives en matière de justice dans les deux langues officielles. Le RNFJ recommande « au gouvernement fédéral que cette responsabilité de coordination soit attribuée à la Direction des langues officielles du ministère de la Justice du Canada[105]. »

2.1.2 Axe stratégique deux : investir dans des initiatives structurantes

Essentiellement, le deuxième axe stratégique élaboré par le RNFJ présente au gouvernement du Canada une série de 18 initiatives structurantes (voir Annexe A) dont la mise en œuvre répondrait aux besoins connus et émergents en justice[106]. Ces initiatives sont réparties dans les six chantiers d’intervention suivants :

  1. L’entreprise de normalisation du vocabulaire français de la common law;
  2. La production et l’alimentation d’outils juridiques et jurilinguistiques et de ressources didactiques à accès pancanadien;
  3. La formation des jurilangagiers , les architectes du français juridique, qui créent et mettent à jour la langue du droit;
  4. La formation en cours d’emploi des acteurs qui offrent des services en justice et qui ont un contact direct avec le justiciable;
  5. La formation postsecondaire en français dans les domaines de droit et justice pour augmenter le bassin de futurs employés qualifiés;
  6. a mise en place d’un système de mesure et de certification des compétences linguistiques en français et en anglais en contexte juridique[107].

Devant le Comité, M. Bisson a souligné que ces initiatives visent « une action corrective systémique[108] » et le plan d’action du RNFJ précise que « toutes les initiatives seront à accès pancanadien et, dans la plupart des cas, seront développées en collaboration par les membres du RNFJ, ou par les membres du RNFJ et d’autres intervenants[109]. »

Lors de la réunion du 9 mars 2017, les membres du Comité ont eu l’occasion d’approfondir leur connaissance de la normalisation du vocabulaire français de la common law et de la mise en place d’un système de mesure et de certification des compétences linguistiques en français et en anglais en contexte juridique, deux des six chantiers d’intervention identifiés par le RNFJ.

2.1.2.1 Normalisation du vocabulaire français de la common law

Me Karine McLaren a expliqué ce qu’est la normalisation du vocabulaire français de la common law de la manière suivante :

Essentiellement, c’est la création de la terminologie française de la common law canadienne selon une approche scientifique. L’objectif de la normalisation est d’établir, en français, un langage de la common law qui coïncide exactement avec celui de la common law en anglais et qui est le même d’une province à l’autre. L’entreprise doit aboutir à une terminologie complète dans tous les secteurs d’emploi technique du vocabulaire juridique de la common law[110].

Me McLaren a également expliqué pourquoi la normalisation du vocabulaire français de la common law est un élément important pour l’accès à la justice dans les deux langues officielles :

Pourquoi cette démarche est-elle nécessaire  ? C’est parce que le réseau terminologique de la common law a été élaboré pendant plusieurs siècles exclusivement en anglais. On se trouve donc dans une position particulière, soit celle de devoir introduire en bloc des termes de droit dont le sens est lourdement chargé et qui n’existe tout simplement pas en français. L’opération de normalisation aboutit donc souvent à la création de nouveaux termes ou notions en français, qu’on appelle des néologismes. Cette terminologie est consignée au moyen d’une banque terminologique qui s’appelle Juriterm.
La terminologie normalisée de la common law en français est la pierre d’assise de l’accès au droit en français. […] C’est l’existence de ce langage technique qui permet, entre autres, de bâtir et d’alimenter les outils dont se servent les membres des professions juridiques pour offrir des services juridiques aux justiciables; d’enseigner la common law en français; d’appuyer la formation linguistique des professionnels du domaine de la justice; de fournir aux rédacteurs législatifs le vocabulaire juridique qui permet la rédaction des lois dans les deux langues officielles; et de fournir aux traducteurs juridiques, aux interprètes et aux sténographes judiciaires un vocabulaire fiable pour exprimer le droit dans l’autre langue officielle[111].

Me McLaren a aussi souligné qu’il reste toujours des domaines entiers de droit qui n’ont jamais été étudiés et d’autres qui n’ont été étudiés que partiellement[112]. Conséquemment, « la common law en français est en situation de rattrapage majeur[113]. » Cela implique également que « les outils essentiels qui en dérivent sont aussi toujours bien insuffisants[114]. » Ces lacunes ne font qu’alimenter l’insécurité linguistique chez les justiciables et, ultimement, freinent l’accès égal à la justice en français :

[…] si le langage de la common law en français n’est pas complet ou fiable, on ne peut absolument pas parler de l’accès égal à la justice dans les deux langues officielles. Prétendre exercer la common law en français devient une entreprise chargée de risques et de difficultés pour tous les acteurs du système juridique, à commencer par les justiciables. On se tourne alors vers l’anglais, même si ce n’est pas sa langue de choix, pour éviter les conséquences potentiellement néfastes liées au fait de transiger en français. C’est exactement en quoi consiste l’insécurité linguistique[115].

Pour ces raisons, le RNFJ recommande au gouvernement du Canada de « doter le système de justice d’un code de langage et d’une gamme d’outils linguistiques qui lui permettront de fonctionner aussi bien en anglais qu’en français[116]. »

2.1.2.2 Mise en place d’un système de mesure et de certification des compétences langagières en français et en anglais en contexte juridique

Me Rénald Rémillard, directeur général du Centre canadien de français juridique, a affirmé qu’il n’existe pas « de mesure et de certification des compétences linguistiques en contexte juridique[117]. »  Pourtant, les avantages d’élaborer de telles mesures et certifications sont clairs :

[elles] permettraient d’accroître la confiance du public relativement aux compétences linguistiques de l’ensemble des intervenants de l’appareil judiciaire, notamment les juges, les interprètes judiciaires, les procureurs de la Couronne et les agents de probation.
Elles permettraient d’éviter des situations où la compétence linguistique en contexte juridique mène à des situations fâcheuses ou, dans le pire des cas, à des erreurs juridiques qui pourraient compromettre les droits des justiciables.
Elles permettraient aussi au système judiciaire de mieux affecter ses ressources humaines bilingues afin de mieux desservir les justiciables francophones.
Enfin, elles permettraient de déterminer de façon objective la véritable capacité bilingue des juges et des autres intervenants du système d’administration de la justice. Cette information pourrait être utile notamment lors de la sélection de candidats à la magistrature[118].

À l’heure actuelle, KortoJura collabore étroitement avec le RNFJ afin de développer des évaluations langagières pour divers professionnels du système de justice. Selon M. Fortin, certains outils ont déjà été développés : « il y a une échelle de compétences pour les procureurs de la Couronne. Il y en a une aussi pour les greffiers et greffières, et pour les juges[119]. » Le Comité est heureux d’apprendre qu’un tel travail se poursuit :

À présent, nous avons une demande de toutes les professions juridiques liées de près ou de loin à la cour, ou qui ont une interaction avec la cour. Nous avons donc la possibilité d’élaborer des tests qui fonctionnent de la même manière que ceux mentionnés par M. Fortin, avec des spécialistes non seulement du domaine langagier, mais du domaine juridique. Nous voulons proposer des tests à ceux qui en ont besoin, et nous savons que la demande est absolument énorme, puisque nous travaillons au développement de ces marchés[120].

2.1.3 Favoriser l’offre de formation linguistique juridique à distance

Lors de leur comparution, les représentants du RNFJ ont également souligné l’importance d’investir dans les nouvelles plateformes technologiques qui permettent l’offre de formation à distance :

Un investissement en technologie est nécessaire. Nous demandons un investissement en technologie pour que non seulement de la formation se donne en personne, mais aussi pour qu’un employé ait accès à la formation directement à son bureau, au moyen de son ordinateur.
[…]
La technologie est un exemple d’investissement structurant et permanent[121].

Les représentants de KortoJura souhaitent également profiter pleinement des plateformes technologiques afin de « mettre en ligne des outils à la disponibilité de programmes de mentorat et de tutorat[122] ». Ils souhaitent ainsi créer « une communauté virtuelle[123] » avec tous les participants, c’est-à-dire « un réseau pancanadien de mise en commun de connaissances pour que les juges des deux communautés linguistiques puissent s’entraider[124]. »

De telles initiatives sont jugées essentielles pour assurer que les apprenants maintiennent leurs acquis et améliorent leurs compétences entre les sessions de formation qui se donnent en personne. L’honorable Denise LeBlanc explique l’importance d’être en communication constante avec les apprenants de la manière suivante :

L’absence de séance de formation ou d’éducation entre les sessions de formation ou de tutorat plus longues constitue un des obstacles. Quand vient le temps de fonctionner dans une langue seconde, particulièrement dans un contexte juridique, vous comprendrez qu’il est difficile de réaliser des progrès si l’on n’assiste qu’à deux séances de formation officielle par année et que l’on n’a pas nécessairement l’occasion d’utiliser ses compétences dans l’intervalle.
C’est un des aspects auquel nous réfléchissons lorsque nous envisageons ce qu’il se passera au cours des cinq prochaines années, car cela a une incidence sur le temps dont une personne aura besoin pour atteindre le niveau 4[125].

Le Comité remercie le RNFJ pour le plan d’action en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles qu’il a produit et recommande :

Recommandation 5

Que le ministère de la Justice mette en œuvre l’intégral des axes un et deux et des initiatives proposées par le Réseau national de formation en justice dans le rapport Pour que l’égalité reçoive son sens véritable : Une nouvelle approche en normalisation, en développement d’outils juridiques et jurilinguistiques et en formation pour un accès égal à la justice dans les deux langues officielles.

3. NÉCESSITÉ D’ÉLARGIR LA PORTÉE DES PROGRAMMES DE SOUTIEN FÉDÉRAUX EN MATIÈRE DE JUSTICE DANS LES DEUX LANGUES OFFICIELLES

Au cours des 10 dernières années, le gouvernement du Canada a investi d’importantes sommes pour améliorer l’accès à la justice, notamment dans le domaine du droit criminel. Comme l’explique Me Daniel Boivin, « le fait de mettre l’accent sur l’accès à la justice en français dans le contexte du droit criminel est logique. Après tout, il s’agit d’un important point de contact entre les citoyens et l’appareil judiciaire[126]. »

Bien qu’ils soient d’avis que le gouvernement du Canada doit continuer à soutenir les initiatives en matière de droit criminel, plusieurs témoins, dont Me Boivin, ont démontré au Comité qu’il y a nécessité d’élargir la portée des programmes gouvernementaux pour améliorer l’accès à la justice dans les deux langues dans d’autres domaines de droit, notamment en droit de la famille.

3.1 Appuyer le droit de la famille : l’exemple de la mise en œuvre de la Loi sur le divorce

Le Comité a été saisi du fait que, malgré le fait que la Loi sur le divorce soit de juridiction fédérale, les Canadiens et Canadiennes d’expression française n’ont pas tous la possibilité de divorcer en français. C’est notamment le cas pour ceux et celles dont les procédures de divorce se déroulent en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse ainsi qu’à Terre-Neuve-et-Labrador[127].

Selon Me Boivin, une telle situation lui semble « incompatible avec les objectifs de la Loi sur les langues officielles et les exigences du paragraphe 41 (1) de cette même loi[128]. » Il est d’avis que le gouvernement du Canada peut et doit agir pour corriger la situation :

Le pouvoir du Parlement de légiférer dans ses propres domaines pourrait faire pour le divorce ce que le Parlement fédéral a fait pour le droit pénal, c’est-à-dire affirmer que quand messieurs et mesdames les juges vont entendre quelqu’un relativement à ce pouvoir fédéral, ils devront offrir le service en français et en anglais[129].

Le Comité est d’avis que le gouvernement du Canada doit élargir la portée de ses programmes de soutien en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles. Il recommande donc :

Recommandation 6

Que le ministère de la Justice du Canada élargisse la portée de ses programmes d’appui pour l’accès à la justice dans les deux langues officielles de sorte à assurer aux Canadiens et Canadiennes qui entament des procédures de divorce qu’ils seront entendus dans la langue officielle de leur choix tout au long du processus sans égard au lieu où se déroule la procédure.

3.2 Appuyer la traduction des jugements des cours supérieures et des cours d’appel provinciales

En dépit du fait que les cours supérieures des provinces et territoires soient de nomination fédérale, l’administration de ces cours relève des provinces et des territoires. Le gouvernement du Canada n’accorde pas de financement pour la traduction des décisions de ces cours, même s’ils ont trait à des domaines de droit fédéral. Or, certains témoins arguent que la traduction des jugements des cours supérieures provinciales et territoriales devrait figurer comme un volet dans la stratégie d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles du gouvernement du Canada. Comme l’expliquent Mes Power et Roy, « la disponibilité des jugements dans les deux langues officielles augmente la cohérence de la jurisprudence de tous les ressorts[130]. »

3.2.1 Exemple de la jurisprudence du Québec

Le Barreau du Québec croit qu’il serait souhaitable que le ministère de la Justice du Canada collabore davantage avec les différents acteurs québécois, dont le ministère de la Justice du Québec, les tribunaux et la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) et apporte « une aide financière afin que soit conçue une stratégie qui permettra de favoriser la traduction des jugements […][131]. »

Comme l’explique Me Claudia P. Prémont, ancienne bâtonnière du Québec, « le Québec a intérêt à ce que sa jurisprudence soit connue, mais pour le reste du Canada, c’est aussi extrêmement positif d’avoir accès aux arrêts des cours québécoises[132]. » Or, si la jurisprudence québécoise n’est pas traduite en anglais, elle « ne rayonne pas […] puisqu’elle n’est pas comprise par les instances des autres provinces; elle n’est pas lue[133]. »

L’hon. Jacques R. Fournier, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, et Me Paul‑-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec, croient également que le Canada doit bénéficier de la spécificité de la pensée juridique québécoise : les décisions, les textes doctrinaux (ouvrages universitaires) et les interprétations constitutionnelles faites au Québec[134] :

La jurisprudence du Québec est influencée par celle des autres provinces canadiennes, particulièrement en droit de la faillite et en droit criminel, qui est un droit extrêmement important, mais le contraire ne peut pas se produire. Notre jurisprudence ne s'exporte pas. Le mur est imperméable vers l'est et vers l'ouest; rien ne sort du Québec. Ici, nous avons une façon de penser qui est due à notre formation de civilistes, mais qui influence nos réflexions en droit criminel et, évidemment, en droit de la faillite, parce que c'est une forme de droit privé. Notre façon de penser n'est pas exportée et elle n'enrichit pas le corpus législatif canadien, alors que le corpus législatif canadien vient enrichir le nôtre[135].

Force est de constater qu’il y a une dimension culturelle à la question : « Le domaine juridique fait partie de la culture d’un peuple. Dans un pays bijuridique, il serait normal que la culture d’un peuple ne soit pas à sens unique[136]. »

Comme l’explique l’hon. Juge Fournier, cette situation ne favorise pas l’atteinte d’une certaine unité de pensée à travers le pays comme l’avaient souhaité les Pères de la Confédération. Pour y arriver, les idées doivent voyager et s’influencer mutuellement[137].    

L’ancienne bâtonnière du Québec a également expliqué au Comité que les ressources manquent pour la traduction des projets de loi et des lois :

[…] en vertu de l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, l’Assemblée nationale du Québec se doit d’adopter ses lois dans les deux langues officielles. Or au Québec, il s’est établi au fil des ans une pratique voulant que les députés ne votent que les textes en français. Dans ce contexte, il arrive souvent que des amendements votés dans le cadre d’une commission parlementaire ne soient pas immédiatement disponibles en anglais.
Les projets de loi sont rédigés au départ par des avocats ou des notaires légistes et sont ensuite traduits par des traducteurs qui n’ont pas nécessairement de formation juridique. Vous aurez compris que cela cause des difficultés. Dans certains cas, il s’agit d’erreurs grammaticales, mais dans d’autres cas, les versions peuvent même mener à une interprétation totalement différente[138].

Les variations qu’il peut y avoir entre la version française et anglaise d’une loi engendrent des problèmes d’interprétation. Conséquemment, « les justiciables doivent se présenter devant les tribunaux afin d’obtenir un jugement qui porte sur l’interprétation de la loi[139]. » L’exemple le plus frappant est celui du Code civil : « il a fallu plus de 18 ans pour en arriver à une version du Code civil tout aussi bonne en français qu’en anglais[140]. » À l’heure actuelle, une révision de la version anglaise du Code de procédure civile est en court :

[…] le Barreau de Montréal a souligné, tout particulièrement, beaucoup d’erreurs contenues dans le nouveau Code de procédure civile. En fait, il n’est plus si nouveau, puisque cela fait plus d’un an qu’il a été adopté au Québec. En ce moment, on se doit de travailler extrêmement fort pour modifier le plus rapidement possible ces différences entre la version française et la version anglaise[141].

Il importe de souligner que le gouvernement du Québec s’est engagé à prendre des mesures pour améliorer, tant sur le plan de la qualité et de la quantité, les services de traduction :

Des engagements ont donc été pris, dont celui d’engager des juristes civilistes anglophones pour procéder à la traduction des lois. On ne parle pas de traducteurs de profession, mais de juristes civilistes anglophones. Cela pourrait améliorer le résultat. Cette idée a été entendue. Ce n’est pas complètement réglé, parce qu’il faut que cela passe par le Conseil du Trésor également, mais il y a quand même un engagement du ministère de la Justice à cet égard.
On a également pris l’engagement d’embaucher des jurilinguistes de façon ponctuelle, lorsqu’on se trouvera devant des pièces législatives d’importance. Toutefois, la corédaction n’est pas envisagée présentement, en raison des ressources de la province[142].

Le Comité est d’avis que la traduction est essentielle à la construction du corpus juridique canadien, tout particulièrement, à l’intégration de la pensée juridique québécoise dans ce dernier. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation  7 

Que le ministère de la Justice du Canada favorise la traduction d’un plus grand nombre de jugements d’intérêt jurisprudentiel ayant trait à des domaines de droit fédéral provenant des cours supérieures et des cours d’appel provinciales et territoriales.

4. ACCROÎTRE LE SOUTIEN AUX ORGANISMES COMMUNAUTAIRES QUI OEUVRENT DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE

Selon Me Boivin, l’accès à la justice dans les deux langues officielles est entravé par le manque d’organismes et de réseaux communautaires qui œuvrent dans le domaine de la justice[143].

Malgré le fait que certaines communautés francophones comme celle de l’Ontario bénéficient de réseaux comme l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario, « il reste qu’on ne retrouve pas partout une telle situation[144]. » La capacité des CLOSM à construire de tels organismes et réseaux est limitée par le fait que les programmes qui appuient l’accès à la justice dans les deux langues officielles n’offrent pas de financement de base pluriannuel, particulièrement en ce qui concerne les organismes et les réseaux chargés de la revendication juridique.

Me Doucet explique le problème de la manière suivante :

 […] le financement de base qui appuie la revendication en vue d’obtenir l’accès égal à la justice dans les deux langues n’existe pratiquement plus […] une nouvelle philosophie qui favorise davantage l’information juridique ne permet malheureusement plus aux AJEF [associations des juristes d’expression française] de faire ce travail de base de revendication[145]. 

Les organismes et réseaux communautaires voués à la revendication judiciaire sont des intermédiaires nécessaires entre la ministre de Justice du Canada et ses homologues provinciaux[146]. Comme l’explique Me Doucet, ils s’assuraient « que suffisamment de juges bilingues étaient nommés et que les gouvernements tenaient compte des deux communautés linguistiques dans l’élaboration de mesures visant l’accès égal à la justice dans les deux langues, de sorte que le bilinguisme judiciaire n’accuse pas de recul[147]. »

L’absence de financement de base pluriannuel pour les organismes communautaires voués à la revendication en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles porte atteinte à la capacité des CLOSM d’intervenir en matière d’accès à la justice.

Les engagements du nouveau Plan d’action pour améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures n’incluent pas de manière directe les CLOSM.   Contrairement à la recommandation 3 de l’étude sur la justice dans les cours supérieures du commissaire aux langues officielles (2013), le nouveau plan d’action du ministère de la Justice n’incite pas les procureurs généraux des provinces et des territoires à « mettre sur pied un processus de consultation de la magistrature et du barreau auquel participera l’association de juristes d’expression française de common law ou la communauté juridique de langue minoritaire afin de considérer leur point de vue sur le nombre approprié de juges bilingues ou de postes désignés bilingues[148] ».

Par ailleurs, le nouveau plan d’action du ministère de la Justice ne prévoit pas une réévaluation de la capacité bilingue des cours supérieures, notamment « lorsque surviennent des changements susceptibles d’avoir un impact sur l’accès à la justice dans la langue de la minorité[149]. »

Qui plus est, le nouveau plan d’action du ministère de la Justice ne fait pas allusion à la recommandation 6 du rapport du commissaire (2013) qui demande à la ministre de la Justice du Canada de nommer « au sein de chaque comité consultatif, un membre de la communauté francophone ou anglophone minoritaire de la province ou du territoire[150] ».

M. Marco Mendicino, le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice, a simplement affirmé que le processus de consultation avec les provinces et les territoires, comme décrit au point 7 du nouveau plan d’action du ministère de la Justice, exigera une collaboration avec les CLOSM « qui sauront nous présenter les défis auxquels font face les justiciables issus des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui exigent un accès égal au système de justice[151]. »

Le Comité est d’avis que le ministère de la Justice doit faire valoir l’expertise qui a été développée par les organismes et réseaux des CLOSM qui œuvrent dans le domaine de la justice. Conséquemment, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 8

Que le ministère de la Justice du Canada s’assure que les communautés de langue officielle en situation minoritaire :

a) aient la capacité d’intervenir en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles tant sur le plan de la revendication que sur le plan de l’information et de la formation juridique;

b) soient représentées au sein de chaque comité consultatif à la magistrature.

5. ACCÈS AUX JUGEMENTS DES TRIBUNAUX FÉDÉRAUX DANS LES DEUX LANGUES OFFICIELLES

5.1 Rapport spécial au Parlement du commissaire aux langues officielles

En novembre 2016, le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, a déposé un rapport au Parlement qui traite des obligations linguistiques des tribunaux fédéraux en ce qui a trait à l’affichage de leurs décisions sur Internet. Plus précisément, le rapport met en lumière le fait que les tribunaux fédéraux n’affichent pas simultanément la version française et anglaise de leurs décisions sur leur site Web. Selon la commissaire intérimaire, « de nombreux mois peuvent s’écouler avant que la version dans l’autre langue officielle soit affichée[152] ».

Le rapport susmentionné est le fruit d’une longue série de tentatives de la part du commissaire aux langues officielles pour régler le problème d’accès aux jugements dans les deux langues officielles. De fait, le commissaire a débuté son enquête en 2007. Après de nombreuses discussions infructueuses avec le Service administratif des tribunaux judiciaires (SATJ), le commissaire a, en avril 2016, déposé un rapport auprès du gouverneur en conseil. Il « recommandait au gouvernement de déposer un projet de loi ou de présenter une demande de renvoi à la Cour suprême du Canada afin de préciser les obligations linguistiques prévues à la Loi[153]. » Or, aux dires du commissaire, le gouvernement « a décidé de ne retenir ni l’approche judiciaire […] ni l’approche législative […][154] . »

Il appert qu’une polémique concernant l’interprétation de la Loi sur les langues officielles se trouve au cœur du problème qui oppose le Commissariat aux langues officielles et le SATJ.

Le Commissariat argue que l’affichage des décisions des tribunaux fédéraux sur Internet relève de la partie IV de la Loi sur les langues officielles (services et communication avec le public) :

[…] nous sommes d’avis que la publication des jugements des cours fédérales est régie par la partie IV de la Loi sur les langues officielles et que c’est plutôt le droit du public d’avoir accès à la justice dans les deux langues officielles qui est directement compromis lorsque les jugements des cours fédérales ne sont pas publiés sur leur site Web simultanément dans les deux langues officielles[155].

Selon le SATJ, les dispositions de la partie IV de la Loi sur les langues officielles ne s’appliquent pas aux décisions des cours fédérales en raison du principe de l’indépendance judiciaire[156]. Dans une publication intitulée L’Appareil judiciaire du Canada, le ministère de la Justice explique le principe d’indépendance judiciaire de la manière suivante :

[…] selon la Constitution, le pouvoir judiciaire est distinct et indépendant des deux autres pouvoirs du gouvernement, soit l’exécutif et le législatif. L’indépendance judiciaire garantit que les juges sont en mesure de rendre des décisions libres de toute influence et fondées exclusivement sur les faits et le droit. Elle comporte trois éléments : la sécurité de mandat; la sécurité financière; l’indépendance administrative[157].

La notion d’indépendance administrative signifie que « personne ne peut s’ingérer dans la gestion des procès par les tribunaux ni dans l’exercice des fonctions judiciaires[158]. » Comme l’explique la commissaire aux langues officielles intérimaire, Mme Ghislaine Saikaley, le SATJ s’appuie sur cette notion, entre autres, pour arguer qu’en principe de l’indépendance judiciaire, les juges peuvent rendre leur décision « dans une langue officielle, décision qui est ensuite traduite[159] ».

Par ailleurs, le SATJ maintient que la publication simultanée des décisions des cours fédérales dans les deux langues officielles est une question qui a trait à la partie III de la Loi sur les langues officielles (administration de la justice), plus spécifiquement l’article 20 :

Décisions de justice importantes
20 (1) Les décisions définitives — exposé des motifs compris — des tribunaux fédéraux sont simultanément mises à la disposition du public dans les deux langues officielles :
a) si le point de droit en litige présente de l’intérêt ou de l’importance pour celui-ci;
b) lorsque les débats se sont déroulés, en tout ou en partie, dans les deux langues officielles, ou que les actes de procédure ont été, en tout ou en partie, rédigés dans les deux langues officielles.
Autres décisions
(2) Dans les cas non visés par le paragraphe (1) ou si le tribunal estime que l’établissement au titre de l’alinéa (1) a) d’une version bilingue entraînerait un retard qui serait préjudiciable à l’intérêt public ou qui causerait une injustice ou un inconvénient grave à une des parties au litige, la décision — exposé des motifs compris — est rendue d’abord dans l’une des langues officielles, puis dans les meilleurs délais dans l’autre langue officielle. Elle est exécutoire à la date de prise d’effet de la première version.
Décisions orales
(3) Les paragraphes (1) et (2) n’ont pas pour effet d’interdire le prononcé, dans une seule langue officielle, d’une décision de justice ou de l’exposé des motifs.
Précision
(4) Les décisions de justice rendues dans une seule des langues officielles ne sont pas invalides pour autant[160].

Comme l’explique la commissaire intérimaire, « l’article 20 de la Loi sur les langues officielles prévoit que les décisions, dans certains cas, doivent être rendues dans les deux langues, entre autres quand les procédures ont été tenues dans les deux langues, et si c’est une décision qui suscite un certain intérêt public[161]. » Mme Saikaley a également précisé que « très peu de ces décisions, selon les cours, tombent dans cette catégorie, ce qui fait que les juges les rendent seulement dans une langue et qu’elles sont ensuite traduites[162]. » Cela l’amène à conclure que « le problème va au-delà de la traduction; il touche l’interprétation des lois[163]. »

Me Power a aussi témoigné du fait « qu’il y a un problème du côté de la traduction de jugements fédéraux » et que ce dernier repose, en partie, sur « l’ambiguïté de l’article 20, en particulier de l’alinéa 20 (1) a)[164]. » Me Power affirme qu’« il n’y a pas de consensus dans la communauté juridique ou dans l’appareil judiciaire sur ce qui justifie qu’une décision soit traduite[165] » et que, de manière générale, « l’article 20 n’est pas bien mis en œuvre[166]. »

Pour mettre fin à « l’ambiguïté qui perdure[167] » et qui « crée une certaine incertitude juridique[168] », le commissaire Fraser a recommandé au Parlement de renvoyer la question à un des comités parlementaires sur les langues officielles afin qu’il « étudie en profondeur les enjeux soulevés liés à l’égalité d’accès à la justice dans les deux langues officielles et qu’il recommande les modifications législatives qu’il conviendrait d’apporter à la Loi sur les langues officielles afin de clarifier les obligations linguistiques applicables à la langue d’affichage des décisions des cours fédérales sur leur site Web[169]. »

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 9 

a)      Que le gouvernement du Canada définisse les critères de ce que constitue une « décision importante » au sens de l’article 20 de la Loi sur les langues officielles ainsi que les obligations linguistiques applicables à la langue de l’affichage des décisions des cours fédérales sur leurs sites Web.

b)     Que les juges en chef des différentes juridictions choisissent les jugements à publier dans les deux langues officielles en fonction des critères qui seront établis.

6. PRÉCISER LE RÔLE DU COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES EN MATIÈRE DE RECOURS JUDICIAIRE

En matière de recours judiciaire, l’alinéa 78 (1) a) de la Loi sur les langues officielles stipule que le commissaire aux langues officielles peut exercer lui-même un recours et l’alinéa 78 (1) b) lui donne le droit de comparaître devant le tribunal pour le compte de l’auteur d’un recours[170].

Mes Power et Roy ont souligné le fait qu’au cours des dernières années, le commissaire aux langues officielles s’est présenté « devant les tribunaux que sporadiquement, et presque uniquement en tant que partie intervenante[171]. » Ils affirment qu’il serait souhaitable que le prochain ou la prochaine commissaire aux langues officielles « joue un rôle plus actif devant les tribunaux[172] » afin de faire progresser « l’interprétation des droits linguistiques et favoriser la progression vers l’égalité du français et de l’anglais[173]. »

Pour ce faire, Mes Power et Roy suggèrent de modifier la Loi sur les langues officielles afin de « préciser les circonstances dans lesquelles le commissaire doit — et non seulement peut — intenter des recours judiciaires ou participer à ceux-ci », notamment dans les cas où il est question de « problèmes structurels ou institutionnels en matière de mise en œuvre des droits[174]. »

Mes Power et Roy sont d’avis qu’une telle modification législative aurait pour effet d’enlever aux organismes communautaires et aux individus le fardeau de défendre à eux seuls les droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes[175].

Au cours de ces différentes études, le Comité a recueilli des témoignages ayant trait à la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le Comité tient compte de ces recommandations qui pourraient alimenter ses études futures.

7. NÉCESSITÉ DE BONIFIER LE FINANCEMENT ATTRIBUÉ AU PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

L’annonce du retour du Programme de contestation judiciaire a été bien accueillie par plusieurs témoins. Me Doucet explique ce que représente le Programme pour l’avancement des droits linguistiques :

Nous comptions beaucoup sur le Programme d’appui aux droits linguistiques. Maintenant, nous allons beaucoup compter sur le Programme de contestation judiciaire. Je sais que beaucoup de groupes sont aux portes actuellement et attendent la mise sur pied du Programme de contestation judiciaire pour pouvoir y faire appel afin de financer des recours en justice. Évidemment, le citoyen justiciable ne peut pas financer de lui-même un recours en justice dans un dossier d’intérêt public qui porte sur les droits linguistiques[176].

Mes Power et Roy ont souligné le fait que la portée du nouveau programme a été élargie de sorte à inclure les droits linguistiques prévus par la Loi sur les langues officielles. Or, à l’heure actuelle, le volet qui porte sur la clarification des droits en matière de langues officielles est doté de 1,5 million de dollars. Mes Power et Roy soutiennent qu’« étant donné le mandat élargi du nouveau programme […], il est fort probable qu’il soit nécessaire d’attribuer plus de fonds au volet linguistique [...][177]. »

Le Comité croit que le gouvernement du Canada doit s’assurer que le Programme de contestation judiciaire ait un financement adéquat pour mener à bien toutes les causes ayant trait à la clarification des droits en matière de langues officielles. Conséquemment, le Comité recommande :

Recommandation  10 

Que le gouvernement du Canada évalue les besoins du Programme de contestation judiciaire, notamment le volet qui porte sur la clarification des droits en matière de langues officielles et, au besoin, bonifie son appui financier.

Le Comité ne peut passer sous silence le fait que le rapport sur la justice du commissaire aux langues officielles de 2013 demeure un document phare en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles. La majorité des recommandations mises de l’avant par les témoins qui ont participé à la présente étude sont basées sur celles du commissaire. Force est de constater que si les recommandations du commissaire avaient été mises en œuvre, l’état des lieux auquel a procédé le Comité aurait fait montre de progrès. Le nouveau plan d’action du ministère de la Justice pour améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures est louable et le Comité croit que ses recommandations enrichiront les engagements qui ont été pris. Néanmoins, le Comité est inquiet de l’absence des CLOSM à titre de partenaire dans les sept engagements du ministère.

Enfin, le Comité remercie tous les témoins qui ont participé à cette étude ainsi que tous les intervenants qui travaillent pour que justice soit rendue dans les deux langues officielles.


[1]              Cour suprême du Canada, Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, 2014 CSC 21, [2014] 1 R.C.S. 433

[2]              Ibid.

[3]              Loi constitutionnelle de 1982.

[4]              Loi sur la Cour suprême (L.R.C. (1985), ch. S-26)

[5]              Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (LANG), Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 mai 2017, 1230 (Benoît Pelletier, professeur, Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, à titre personnel).

[6]              Ibid., 1205.

[7]              Ibid., 1210.

[8]              Ibid., 1245.

[9]              LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1215 (Michel Doucet, professeur titulaire et directeur de l'Observatoire international des droits linguistiques, Université de Moncton, à titre personnel).

[10]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2017, 1205 (Sébastien Grammond, professeur titulaire, Section de droit civil, Université d'Ottawa, à titre personnel).

[11]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1135 (Michael Bergman, président, Association des juristes d'expression anglaise du Québec).

[12]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2017, 1205 (Daniel Jutras, professeur, à titre personnel).

[13]            Ibid.

[14]            Ibid.

[15]            Ibid.

[16]            Ibid.

[17]            Ibid.

[18]            Ibid.

[19]            Ibid.

[20]            Cour suprême du Canada, Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, 2014 CSC 21, [2014] 1 R.C.S. 433, paragr.105.

[21]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2017, 1210 (Daniel Jutras, professeur, à titre personnel).

[22]            Ibid.

[23]            Ibid., 1205.

[24]            Ibid., 1300.

[25]            Ibid., 1205.

[26]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1125 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[27]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1220 (Marc-André Roy, avocat, à titre personnel).

[28]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 avril 2017, 1225, (Sylvie Champagne, secrétaire de l'Ordre et directrice des affaires juridiques, Barreau du Québec).

[29]            Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.).

[30]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 mai 2017, 1240 (Benoît Pelletier, professeur, Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, à titre personnel).

[31]            Ibid., 1235.

[32]            Ibid., 1210.

[33]            Ibid., 1205.

[34]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2017, 1230 (Sébastien Grammond, professeur titulaire, Section de droit civil, Université d'Ottawa, à titre personnel).

[35]            Commissariat aux langues officielles du Canada, L’accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, Ottawa, 2013.

[36]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1105 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[37]            Ibid.

[38]            Commissariat aux langues officielles du Canada, L’accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, Ottawa, 2013, p.3.

[39]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1120 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[40]            Ministère de la Justice, Plan d’action : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures. Document d’information.

[41]            Ibid.

[42]            Ministère de la Justice, Plan d’action : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures

[43]            Ibid.

[44]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1105 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[45]            Commissariat aux langues officielles du Canada, L’Accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, Ottawa, 2013, p.3-4.

[46]            Commissariat à la magistrature fédérale Canada, Questionnaire relatif au processus de nominations des juges de la Cour suprême du Canada 2017, p.4.

[47]                  Ibid.

[48]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 novembre 2017, 1535 (Marco Mendicino, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada).

[49]            Commissariat à la magistrature fédérale Canada, Questionnaire pour les nominations à la magistrature fédérale, octobre 2016, p.6.

[50]                  Commissariat à la magistrature fédérale Canada, Nominations Cour suprême du Canada, Questions fréquemment posées.

[51]            Ibid.

[52]                  Ibid.

[53]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1110 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[54]            Ibid.

[55]            Ibid.

[56]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1245 (Marc-André Roy, avocat, à titre personnel).

[57]            Ibid.

[58]            Ibid., (Daniel Boivin, président, Fédération des associations des juristes d’expression française de common law).

[59]            Ibid.

[60]            Ibid.

[61]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2017, 1235 (Karine McLaren, directrice, Centre de traduction et de terminologie juridiques, Faculté de droit, Université de Moncton, et membre, Réseau national de formation en justice).

[62]            Ibid.

[63]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 mai 2017, 1140 (Denise LeBlanc, juge responsable du Programme, Programme linguistique juridique, KortoJura).

[64]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1250 (Mark Power, avocat, spécialiste en droit linguistique, à titre personnel):

[65]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 mai 2017, 1110 (Normand Fortin, conceptualisation, contenu et certification, Service d'évaluation, KortoJura).

[66]            Ibid.

[67]            Ibid.

[68]            Ibid.

[69]            Ibid., 1120.

[70]            Ibid., 1150.

[71]            Ibid.

[72]            Ibid., 1110.

[73]            Ministère de la Justice, Plan d’action : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures.

[74]            Ibid.

[75]            Ministère de la Justice, Plan d’action : Améliorer la capacité bilingue des cours supérieures, Document d'information.

[76]            Ministère de la Justice, Plan d’action : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures.

[77]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1220 (Marc-André Roy, avocat, à titre personnel).

[78]            Ibid.

[79]            Ibid.

[80]            Ibid.

[81]            Ibid.

[82]            Ibid.

[83]            Ibid.

[84]            Ibid.

[85]            Commissariat aux langues officielles du Canada, L’Accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, Ottawa, 2013, p.4.

[86]            Ministère de la Justice, Plan d’action : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures

[87]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1100 (Stephen Thompson, directeur, Politique stratégique, recherche et affaires publiques, Quebec Community Groups Network).

[88]            LANG, rapport, Vers un nouveau plan d’action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l’immigration francophone en milieu minoritaire, décembre 2016, p.27.

[89]            Réseau national de formation en justice (RNFJ), Pour que l’égalité reçoive son sens véritable : Une nouvelle approche en normalisation, en développement d’outils juridiques et jurilinguistiques et en formation pour un accès égal à la justice dans les deux langues officielles, 1er décembre 2016, p.5.

[90]            Ibid. Note : « Le dépôt de ce plan d’action cadre dans « l’élaboration du nouveau plan pluriannuel en matière de langues officielles pour les années 2018-2023».

[91]            Ibid., p.5 et 6.

[92]            Ibid., p.8.

[93]            Ibid.

[94]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2017, 1205 (Ronald Bisson, gestionnaire, Réseau national de formation en justice).

[95]            Commissariat aux langues officielles du Canada, L’accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, Ottawa, 2013, p.3.

[96]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2017, 1205 (Ronald Bisson, gestionnaire, Réseau national de formation en justice).

[97]            Ibid.

[98]            RNFJ, Pour que l’égalité reçoive son sens véritable : Une nouvelle approche en normalisation, en développement d’outils juridiques et jurilinguistiques et en formation pour un accès égal à la justice dans les deux langues officielles, 1er décembre 2016, p.9.

[99]            Ibid.

[100]          Quebec Community Groups Network (QCGN), mémoire au Comité, 11 avril 2017, p. 3.

[101]          Ibid.

[102]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1100 (Stephen Thompson, directeur, Politique stratégique, recherche et affaires publiques, Quebec Community Groups Network).

[103]          Ibid., 1115.

[104]          QCGN mémoire au Comité, 11 avril 2017, p. 5.

[105]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2017, 1205 (Ronald Bisson, gestionnaire, Réseau national de formation en justice).

[106]          RNFJ, Pour que l’égalité reçoive son sens véritable : Une nouvelle approche en normalisation, en développement d’outils juridiques et jurilinguistiques et en formation pour un accès égal à la justice dans les deux langues officielles, 1er décembre 2016, p.27.

[107]          Ibid., p.6.

[108]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2017, 1205 (Ronald Bisson, gestionnaire, Réseau national de formation en justice).

[109]          RNFJ, Pour que l’égalité reçoive son sens véritable : Une nouvelle approche en normalisation, en développement d’outils juridiques et jurilinguistiques et en formation pour un accès égal à la justice dans les deux langues officielles, 1er décembre 2016, p.27.

[110]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2017, 1215 (Karine McLaren, directrice, Centre de traduction et de terminologie juridiques, Faculté de droit, Université de Moncton, et membre, Réseau national de formation en justice).

[111]          Ibid.

[112]          Ibid.

[113]          Ibid.

[114]          Ibid.

[115]          Ibid.

[116]          Ibid.

[117]          Ibid., 1220 (Rénald Rémillard, directeur général, Centre canadien de français juridique inc. et Fédération des associations de juristes d’expression française de common law et membre, Réseau national de formation en justice).

[118]          Ibid.

[119]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 mai 2017, 1145 (Normand Fortin, conceptualisation, contenu et certification, Service d'évaluation, KortoJura).

[120]          Ibid., (Françoise Bonnin, directrice, Service d'évaluation, KortoJura).

[121]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2017, 1220 (Ronald Bisson, gestionnaire, Réseau national de formation en justice).

[122]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 mai 2017, 1110 (Allain Roy, directeur général, Programme linguistique juridique, KortoJura).

[123]          Ibid.

[124]          Ibid.

[125]          Ibid., 1145 (Denise LeBlanc, juge responsable du Programme, Programme linguistique juridique, KortoJura).

[126]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1205 (Daniel Boivin, président, Fédération des associations des juristes d’expression française de common law).

[127]          Ibid.

[128]          Ibid., 1210.

[129]          Ibid., 1230.

[130]          Juristes Power Law, Note de service, Comparution devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, 6 avril 2017, p. 3.

[131]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 avril 2017, 1220 (Claudia P. Prémont, ancienne bâtonnière du Québec, Barreau du Québec).

[132]          Ibid.

[133]          Ibid.

[134]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 novembre 2017, 1650 (Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec, Barreau du Québec).

[135]          Ibid., 1635 (Jacques R. Fournier, juge en chef de la Cour supérieure du Québec).

[136]          Ibid., 1710.

[137]          Ibid., 1635.

[138]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 avril 2017, 1210 (Claudia P. Prémont, ancienne bâtonnière du Québec, Barreau du Québec).

[139]          Ibid.

[140]          Ibid., 1215.

[141]          Ibid.

[142]          Ibid.

[143]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1235 (Daniel Boivin, président, Fédération des associations des juristes d’expression française de common law).

[144]          Ibid.

[145]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1225 (Michel Doucet, professeur titulaire et directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques, Université de Moncton, à titre personnel).

[146]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1235 (Daniel Boivin, président, Fédération des associations des juristes d’expression française de common law).

[147]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1225 (Michel Doucet, professeur titulaire et directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques, Université de Moncton, à titre personnel).

[148]          Commissariat aux langues officielles du Canada, L’accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, Ottawa, 2013, p.3.

[149]          Ibid.

[150]          Ibid., p.4.

[151]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 novembre 2017, 1540 (Marco Mendicino, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada).

[152]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1105 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[153]               Commissariat aux langues officielles du Canada, Rapport au Parlement du commissaire aux langues officielles sur l’enquête visant le Service administratif des tribunaux judiciaires en vertu du paragraphe 65 (3) de la Loi sur les langues officielles, Ottawa, novembre 2016, p. 5.

[154]               Ibid., p. 7.

[155]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1105 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[156]          Ibid.

[157]          Ministère de la Justice du Canada, L’Appareil judiciaire du Canada, 2015, p.15.

[158]          Ibid.

[159]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1105 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[160]          Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.).

[161]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2017, 1110 (Ghislaine Saikaley, commissaire intérimaire, Commissariat aux langues officielles).

[162]          Ibid.

[163]          Ibid.

[164]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 avril 2017, 1210 (Mark Power, avocat, spécialiste en droit linguistique, à titre personnel).

[165]          Ibid.

[166]          Ibid.

[167]               Commissariat aux langues officielles du Canada, Rapport au Parlement du commissaire aux langues officielles sur l’enquête visant le Service administratif des tribunaux judiciaires en vertu du paragraphe 65 (3) de la Loi sur les langues officielles, Ottawa, novembre 2016, p. 5.

[168]               Ibid.

[169]               Ibid., p. 7.

[170]          Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.).

[171]          Juristes Power Law, Note de service, Comparution devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, 6 avril 2017, p. 6.

[172]          Ibid., p. 7.

[173]          Ibid., p. 6.

[174]          Ibid., p. 7.

[175]          Ibid., p. 6.

[176]          LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1230 (Michel Doucet, professeur titulaire et directeur de l'Observatoire international des droits linguistiques, Université de Moncton, à titre personnel).

[177]          Juristes Power Law, Note de service, Comparution devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, 6 avril 2017, p. 7.