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HUMA Rapport du Comité

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CHAPITRE 7 : LE FINANCEMENT DE L’ASSURANCE-EMPLOI

La Loi sur l’assurance-emploi renferme les règles concernant le financement du programme. Les prestations régulières et spéciales ainsi que les mesures de soutien à l’emploi et les frais d’administration du programme sont majoritairement financés par les cotisations des employés et des employeurs. Les employés financent 5/12 des coûts du programme en payant des cotisations sur leur rémunération assurable. Les employeurs financent pour leur part 7/12 des coûts du programme[143].

Le gouvernement fédéral y contribue financièrement seulement à titre d’employeur, mais peut aussi parfois décider d’y contribuer davantage, comme ça été le cas lorsqu’il a introduit des mesures temporaires d’amélioration au programme afin de contrer les effets de la récession de 2008‑2009.

A. Taux de cotisation

En 2016, le taux de cotisation à l'AE des employés a été fixé à 1,88 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable. Ce taux de cotisation, jumelé au maximum de rémunération assurable de 50 800$, fait en sorte que les travailleurs assurés paieront, en 2016, un maximum de 955,04 $ en cotisations d'AE.

Les travailleurs indépendants qui choisissent de contribuer au programme paient le même taux que les employés salariés. Ils sont éligibles aux prestations spéciales (décrites précédemment) mais n’ont pas droit aux prestations régulières de l’AE.

Le taux de cotisation des travailleurs du Québec est plus bas qu'ailleurs au Canada, car le Québec administre son propre régime de prestations de maternité, parentales et de paternité, et prélève lui-même les cotisations de ses travailleurs depuis janvier 2006. En 2016, le taux de cotisation des travailleurs québécois a été fixé à 1,52 $[144].

Bon nombre de témoins ont fourni leur opinion quant au niveau des taux de cotisation de l’AE, mais aucun consensus n’a émergé des témoignages quant à savoir s’ils devraient être réduits, augmentés, ou demeurer stables.

Selon la Commissaire des travailleurs et travailleuses de la CAEC, « les acteurs du milieu du travail n’ont pas préconisé de réduction du taux de cotisation; en fait, ils préfèreraient que les programmes de l’assurance-emploi soient plutôt améliorés de sorte que les cotisants soient mieux servis par le système[145] ».

L’Alberta Federation of Labour a, elle aussi, recommandé de cesser de mettre l’accent sur la réduction des taux de cotisation, affirmant que la réduction des taux ne contribue pas nécessairement à venir en aide aux chômeurs :

Réduire les cotisations à l’AE ne fera qu’amoindrir la capacité du programme d’agir comme stabilisateur économique lors des périodes de récession et de catastrophe. Les cotisations ont été nettement réduites depuis les années 1990, et il faudrait les rétablir. Leur réduction ne fait rien pour garantir que les travailleurs sans emploi bénéficient des mesures de soutien nécessaires au moment même où ils en ont besoin[146].

Le Syndicat canadien de la fonction publique croit également qu’« il ne faut pas réduire les cotisations si l’on veut soutenir les changements actuels et futurs[147] ». De même, le Groupe de travail Interprovincial sur l’AE demande que le gouvernement fédéral attende avant de réduire les cotisations à l’AE, question d'abord de savoir quelles améliorations doivent être apportées au système[148].

David Gray s’est, au contraire, prononcé en faveur d’un maintien des taux de cotisation de l’AE pour les entreprises à un niveau peu élevé, « parce que ces dépenses font baisser la demande de main-d'œuvre[149]. » Or, selon lui, cette proposition ne devrait pas uniquement s'appliquer aux petits employeurs. Il croit que « nous devrions éviter de créer différentes catégories d'employeurs en fonction de leur taille, particulièrement en ce qui a trait aux charges sociales[150]».

La FCEI a pour sa part soutenu devant le Comité que « le fardeau fiscal demeure la principale contrainte que ressentent les PME du pays[151] », et qu’environ 46 % de ses membres considèrent les cotisations d'AE comme une contrainte. La FCEI a émis plusieurs recommandations précises à l’égard des cotisations de l’AE, dont les suivantes:

  1. Mettre en place de façon permanente un taux d’AE plus bas pour les petites entreprises.
  2. Instaurer le partage à parts égales (50-50) des cotisations d’AE entre les employeurs et les employés.
  3. Permettre aux entrepreneurs de bénéficier d’un remboursement de leurs cotisations excédentaires, comme c’est le cas pour les employés[152].

Judith Andrew a ajouté que les employeurs s'inquiètent également des cotisations qu'ils doivent verser:

Elles semblent être disproportionnées par rapport aux autres cotisations prévues dans l'accord tripartite. C'est contreproductif dans certains cas, car si les plus petits employeurs paient des charges sociales, des cotisations au RPC, des indemnités d'accident du travail, et ainsi de suite, toutes ces cotisations font monter la facture pour créer un emploi. Cela peut nuire à la création d'emplois[153].

Le Comité reconnait que les employés et les employeurs sont ceux qui, par leurs cotisations, financent en grande partie le programme d’AE. Pour cette raison, le Comité croit qu’il est important que les employés et les employeurs aient voix au chapitre lorsque vient le temps d’établir le taux de cotisation. Le Comité formule donc la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 14

Le Comité recommande à Emploi et Développement social Canada d’établir un mécanisme qui fera en sorte que les employés et les employeurs puissent donner leur avis dans le cadre du processus décisionnel menant à la fixation du taux de cotisation.

B. Gestion des cotisations de l’assurance-emploi

Les cotisations d’AE sont versées au Trésor (ou Fonds du revenu consolidé), qui contient les revenus généraux du gouvernement, comme les revenus provenant des taxes et des impôts. Le 1er janvier 2009, le Compte des opérations de l’AE a été créé. Chaque année, toutes les dépenses d’AE sont débitées de ce compte et les revenus y sont crédités. Les revenus et les dépenses inscrits à ce compte apparaissent dans les Comptes publics du Canada et ses résultats nets (déficit ou surplus) sont inclus dans le bilan financier du gouvernement[154].

Chaque année, EDSC et Finances Canada envoient des données à l’actuaire retenu par la CAEC afin qu’il ou elle puisse leur faire part, dans un rapport officiel, de son estimation du taux de cotisation d’équilibre pour les années à venir. La détermination de ces taux d’équilibre vise à faire en sorte, qu’à long terme, les cotisations de l’AE ne servent qu’aux dépenses du programme.

Selon le rapport de l’actuaire de la CAEC pour l’année 2014, le taux de cotisation d’équilibre s’élevait à 2,08 %, mais le gouvernement fédéral a choisi de geler le taux de cotisation au taux de 2013, soit 1.88$, pour les années 2014, 2015 et 2016. En septembre 2014, le gouvernement fédéral a également annoncé la mise en place du crédit pour l’emploi visant les petites entreprises pour 2015 et 2016. En effet, ce crédit réduit les cotisations d’AE des petites entreprises, de 1,88 $ à 1,60 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable au cours de chacune de ces années ce qui, selon les estimations du gouvernement permet aux petites entreprises d’économiser plus de 630 millions de dollars[155]. Ces mesures ont été mises en œuvre pour procurer une plus grande certitude et une marge de manœuvre accrue aux employeurs, en particulier les petites entreprises[156].

À partir de 2017, il est prévu que la CAEC se charge de fixer le taux de cotisation annuelle de l’AE, en fonction du mécanisme d’établissement du taux assurant l’équilibre sur une période de sept ans. Ce nouveau mécanisme doit faire en sorte que les cotisations ne puissent dépasser le niveau requis pour financer les dépenses du programme d’AE au fil du temps, et que tout excédent cumulatif du Compte des opérations de l’AE soit transféré aux employeurs et aux employés sous forme de baisse du taux de cotisation d’AE. Dans son Budget de 2015, le gouvernement fédéral prévoyait que cette mesure entrainerait une réduction du taux de cotisation de 1,88 $ en 2016 à 1,49 $ en 2017[157].

Selon le Budget 2016, le taux d’équilibre de cotisation d’AE sera plutôt de 1,61 $ en 2017[158], compte tenu des nouvelles mesures d’AE proposées[159].

Plusieurs témoins ont indiqué au Comité qu’il était primordial pour eux que le compte de l’AE soit dissocié de la comptabilité générale du gouvernement, et que les cotisations d’AE ne servent qu’à financer le programme d’AE. Notamment la Commissaire représentant les travailleurs et des travailleuses de la CAEC a insisté sur l’importance de « s'assurer que les fonds de cette caisse servent uniquement au régime d'assurance-emploi et que les cotisations servent réellement aux fins pour lesquelles elles ont été perçues[160] ». Dans son mémoire, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec demande aussi au gouvernement de cesser « toute utilisation des fonds à des fins autres que celles pour lesquelles il a été institué[161] ».

Un document de référence remis par Judith Andrew, Commissaire aux employeurs de la CAEC stipule également que le fait de dépenser les revenus d’AE sur les bénéfices et le programme d’AE est très important pour les employeurs[162].

La gestion efficace de la « caisse » de l’AE faisait partie des préoccupations de plusieurs témoins. Afin de s’assurer que les cotisations d’AE servent exclusivement à financer le programme d’AE, le Comité émet la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 15

Le Comité recommande au gouvernement fédéral d’explorer des mécanismes visant à assurer que les fonds collectés aux fins du programme d’assurance-emploi servent à combler les besoins du programme.


[143]         André Léonard, Le financement de l’assurance-emploi, Publication no. 2014-89-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaire, Bibliothèque du parlement, 31 janvier 2014, p. 1.

[145]         Document de référence remis par Mary-Lou Donnelly, p. 4.

[146]         Mémoire déposé par l’Alberta Federation of Labour, 13 mai 2016, p. 3.

[147]         Mémoire déposé par le SCFP, 13 mai 2016, p. 10.

[148]         HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mai 2016, 1755 (Laurell Ritchie).

[149]         HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2016, 1645 (David Gray).

[150]         Ibid.

[151]         Ibid., 1700 (Daniel Kelly).

[152]         Présentation écrite, FCEI, Point de vue des PME sur l’assurance-emploi, 9 mars 2016, p. 15.

[153]         HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mai 2016, 1715 (Judith Andrew).

[154]         André Léonard, Le financement de l’assurance-emploi, Publication no. 2014-89-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaire, Bibliothèque du parlement, 31 janvier 2014, p. 2.

[155]         Gouvernement du Canada, Taux de cotisation à l’assurance-emploi pour 2016.

[156]         Gouvernement of Canada, Budget 2014, Sur la voie de l’équilibre: Créer des emplois et des opportunités, 11 Février 2014, p. 97.

[158]         Gouvernement du Canada, Budget 2016, Assurer la croissance de la classe moyenne, 22 mars 2016, p. 273.

[159]         Normalement, la variation maximale du taux de cotisation des employés est de 0,05 point de pourcentage. Toutefois, il a été convenu par les ministres d’EDSC et de Finances Canada qu’il n'y aura aucune limitation quant à la baisse du taux pour l’année 2017.

[160]         HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mars 2016, 1615 (Mary-Lou Donnelly).

[161]         Mémoire déposé par la FTQ, p. 11.

[162]         Document de référence remis par Judith Andrew, Commissaire des employeurs de la CAEC, p. 4.