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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue aux témoins.
    Je tiens aussi à accueillir chaleureusement Mme Kwan, notre collègue, qui remplace M. Davis. Je veux aussi féliciter notre vice-président qui a dû présider les dernières réunions. Dans ces circonstances, j’ai été sensible à votre coopération. Je tiens aussi à vous remercier d’avoir déposé, hier, cette pétition dans l’intérêt des personnes âgées.
    Nous allons maintenant poursuivre notre étude des opioïdes et de la crise dont ils sont la cause. Des témoins se sont joints à nous ce matin. Nous allons écouter leurs exposés. Chaque entité disposera de 10 minutes pour sa déclaration préliminaire. Ensuite, nous passerons à la période de questions.
    Je vais commencer par donner la parole au Dr Jeff Blackmer, vice-président, professionnalisme médical de l’Association médicale canadienne. Ce sera ensuite le tour de M. Alistair Bursey, président du conseil d’administration de l’Association des pharmaciens du Canada. Enfin, nous écouterons M. Réjean Leclerc, président du Syndicat du préhospitalier - CSN couvrant la région de Montréal et de Laval. Merci à tous d’être venus nous rencontrer.
    Nous aurons également deux représentants de la section 18 de l’Association internationale des pompiers qui couvre la région de Vancouver. Ce sont tous deux des pompiers, M. Chris Coleman et M. Lee Max. Je vous remercie très sincèrement d’être venus aujourd’hui.
    Je donne la parole au représentant de l’Association médicale canadienne. Vous disposez de 10 minutes.
    Je suis le Dr Jeff Blackmer, vice-président, professionnalisme médical, à l'Association médicale canadienne. Permettez-moi d'abord, au nom de l'AMC, de féliciter le comité d'avoir lancé une étude urgente sur cette crise de santé publique au Canada. Organisation nationale représentant plus de 83 000 médecins canadiens, l'AMC joue un rôle déterminant, en collaboration avec les autres intervenants du secteur de la santé, les gouvernements et les associations de patients, pour s'attaquer à la crise des opioïdes au Canada.
    Au nom des médecins du Canada, l'AMC s'inquiète vivement de la crise de santé publique qui continue à s'aggraver en conséquence de l'utilisation problématique des opioïdes et du fentanyl. À bien des égards, les médecins sont aux premières lignes de cette épidémie. Nous sommes chargés d'appuyer les patients dans la prise en charge de la douleur aiguë et chronique. Les décideurs doivent reconnaître que les opioïdes d'ordonnance sont des outils essentiels pour soulager la douleur et la souffrance, surtout dans des domaines comme les soins palliatifs et le traitement du cancer.
    L'AMC se préoccupe depuis longtemps des préjudices associés à l'utilisation des opioïdes. Nous avons même témoigné devant ce comité en 2013 dans le cadre de son étude sur le rôle du gouvernement pour contrer l'utilisation abusive des médicaments d'ordonnance. À l'époque, nous avions formulé un certain nombre de recommandations sur le rôle que le gouvernement pourrait assumer — je reprendrai certaines d'entre elles aujourd’hui.
    Depuis, l'AMC a pris un certain nombre de mesures pour contribuer à la réponse du Canada face à la crise des opioïdes. Elle a notamment fait connaître le point de vue des médecins à tous les groupes gouvernementaux de consultation actifs.
    Outre l'étude réalisée par le Comité de la santé en 2013, nous avons aussi participé en 2014 à la table ronde ministérielle et à des consultations récentes de Santé Canada sur la réglementation, plus particulièrement en ce qui concerne les technologies de formulation inviolable des médicaments et l'accès sans ordonnance au naloxone pour la prévention des décès par surdose dans la communauté.
    Nous avons aussi pris d’autres mesures comme sonder les médecins pour mieux comprendre leur expérience en matière de prescription d'opioïdes, élaborer et diffuser une nouvelle politique pour contrer les préjudices associés aux opioïdes et aux autres médicaments d’ordonnance, appuyer la création de ressources et d'outils d'éducation médicale continue pour les médecins, appuyer les journées nationales de retour des médicaments d'ordonnance et organiser une séance d'éducation à l'intention des médecins dans le cadre de notre assemblée annuelle à Halifax, en 2015.
    Je suis également heureux de souligner que l'AMC s'est récemment jointe au Conseil exécutif de la stratégie S'abstenir de faire du mal, coordonnée par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. Nous avons en outre joint les rangs d'un consortium formé cette année par sept des principaux intervenants qui uniront leurs efforts pour s'attaquer au problème d'un point de vue médical et clinique.
    Il importe que le comité reconnaisse que la prescription inappropriée d’opioïdes n’est pas le seul élément à l’origine de la crise actuelle et s’en prendre uniquement à ce seul élément ne permettrait pas de résoudre le problème. Toutefois, les médecins doivent accepter leur part de responsabilité; nous, nous sommes prêts à assumer la nôtre en faisant le nécessaire pour progresser dans la lutte contre ce problème fort complexe ayant des facettes multiples.
    J’en viens maintenant brièvement aux recommandations que l’AMC soumet à l’étude du Comité. Nous les avons regroupées sous quatre grands thèmes, le premier étant la réduction des méfaits.
    Il faut reconnaître et traiter la dépendance comme un état pathologique grave, chronique et récurrent pour lequel il existe des traitements efficaces. Même si l'on admet généralement que nous connaissons une crise de santé publique, la Stratégie nationale antidrogue fédérale est fortement axée sur une approche de droit pénal et non sur une approche de santé publique. Dans sa forme actuelle, cette stratégie ne tient pas compte de façon adéquate des déterminants de la consommation de drogue, ne traite pas les dépendances et ne réduit pas les préjudices liés à la consommation de drogues. L'AMC recommande fermement au gouvernement fédéral de revoir la Stratégie nationale antidrogue et de rétablir la réduction des préjudices comme pilier central.
    Les sites de consommation supervisée jouent un rôle important dans les programmes de réduction des préjudices et il faut les intégrer à une stratégie complète de lutte contre les préjudices imputables aux opioïdes. Comme vous le savez, il existe encore très peu de sites de consommation supervisée au Canada. L'AMC maintient sa position selon laquelle les nouveaux critères mis de l'avant dans la Loi sur le respect des collectivités sont excessivement lourds et dissuadent la création de nouveaux sites. Nous recommandons à nouveau que la Loi soit abrogée ou, du moins, substantiellement modifiée pour s’attaquer à ce problème.
    Le second thème que j'aborderai est celui de la nécessité d'accroître les possibilités de traitement et les services. Au Canada, les programmes et les services de traitement des dépendances et de prise en charge de la douleur manquent cruellement de ressources.
(0850)
    Ces programmes et services comprennent les traitements de substitution comme l'association suboxone-méthadone, de même que les services qui aident les patients à renoncer graduellement aux opioïdes ou les appuient par une intervention comme la thérapie cognitivo-comportementale. L'accès à ces ressources critiques et leur disponibilité varient sensiblement selon les provinces et les territoires et d'une région à l'autre. Le gouvernement fédéral doit aussi jouer un rôle en accordant la priorité à l’élargissement de ces services dans toutes les régions du pays. L'AMC recommande que le gouvernement fédéral attribue de toute urgence un financement supplémentaire à une expansion substantielle de l'offre de programmes de traitement des dépendances et de services de prise en charge de la douleur et à l'amélioration de l'accès à ces programmes et services.
    Le troisième thème que je souhaite présenter au Comité est celui de la nécessité d'investir davantage dans les ressources de formation des prescripteurs et d'éducation des patients. Pour les prescripteurs, cela comprend des modules d'éducation continue ainsi que des programmes de formation à tous les niveaux du continuum médical. Nous devons veiller à offrir des programmes de formation impartiaux et fondés sur les données probantes en matière de prescription d'opioïdes, de prise en charge de la douleur et de traitement des dépendances. Il sera important, de plus, d'appuyer la création d'outils et de ressources de formation fondés sur les nouvelles lignes directrices cliniques à paraître au début l’année prochaine. Cet appui jouera un rôle déterminant dans l’approche globale.
    Il est crucial de sensibiliser les patients et le public aux préjudices liés à l'utilisation des opioïdes. À cette fin, l'AMC recommande que le gouvernement fédéral prévoie de nouveaux fonds pour appuyer la création et la diffusion de ressources d'éducation et de formation, non seulement pour les prescripteurs, mais aussi pour les patients et le grand public.
    En dernier lieu, un programme de surveillance des ordonnances en temps réel, auquel les prescripteurs auraient accès, constituerait une importante mesure à l'appui de pratiques optimales d'ordonnance. Un tel programme permettrait aux médecins de consulter l'historique des médicaments prescrits à un patient dans de multiples services de santé au point d’intervention avant de lui donner une ordonnance. La surveillance des ordonnances en temps réel est actuellement en place dans seulement deux administrations au Canada.
    Avant de terminer, je dois souligner que les répercussions négatives des opioïdes d'ordonnance constituent un problème complexe qui nécessite une intervention multilatérale et à facettes multiples. Un défi de taille, pour les décideurs et pour les prescripteurs, consiste à atténuer les préjudices découlant de l'usage des opioïdes d'ordonnance sans empêcher les patients d'avoir accès aux traitements appropriés pour leurs problèmes cliniques. Pour reprendre ce que disait un ancien président de l'AMC, « La triste réalité, c'est qu'il n'existe pas de solution miracle et qu'aucun groupe ou gouvernement ne peut à lui seul remédier à ce problème. »
    L'AMC est déterminée à faire partie de la solution.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole au représentant de l’Association des pharmaciens du Canada. J’ai omis de parler du Dr Emberley dans mon introduction et je vous prie de m’en excuser.
    La parole est à vous.
    Bonjour à tous. Je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez de participer aujourd’hui à vos travaux.

[Français]

     Je m'appelle Alistair Bursey. Je suis un pharmacien de Fredericton, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

    Je suis ici aujourd’hui pour vous entretenir du problème croissant de la dépendance aux opioïdes dans nos communautés, du point de vue d’un praticien qui a à faire face en première ligne à une crise urgente de santé publique. Je suis également le président de l’Association des pharmaciens du Canada, qui est le porte-parole au niveau national des 40 000 pharmaciens de notre pays. Je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue, M. Phil Emberley, qui est le directeur des Affaires professionnelles de notre association et exerce également comme pharmacien communautaire à Ottawa.
    Permettez-moi de commencer par remercier les membres de votre Comité d’avoir lancé cette étude urgente. Il est manifeste que, au Canada, l’usage abusif des opioïdes prend l’apparence d’une épidémie et il devient indispensable, dans notre pays, qu’un leadership énergique prenne les choses en main pour endiguer cette marée. M. Emberley et moi sommes en mesure d’affirmer que les pharmaciens sont les spécialistes en la matière quand on en vient à l’utilisation de médicaments, mais également que nous intervenons en première ligne dans nos communautés. Dans l’exercice de notre métier, nous sommes confrontés au quotidien aux tragédies imputables à l’usage abusif des opioïdes. Notre mission, comme pharmaciens, est de traiter tous les patients de nos communautés. J’ai moi-même constaté, au cours des années, que le nombre de patients suivant des traitements des dépendances augmente à un rythme déconcertant. Les générations, les unes après les autres, sont prises dans les griffes de la toxicomanie et nous en constatons souvent les effets des années après que les dommages aient été causés. Nous savons fort bien que ce problème ne peut pas être réglé du jour au lendemain. Nous pouvons néanmoins intervenir de nombreuses façons différentes pour traiter les personnes touchées, pour empêcher les prescriptions et les distributions inappropriées et pour protéger les jeunes des griffes de la toxicomanie.
    J’en viens maintenant aux commentaires que j’entends vous faire aujourd’hui en commençant par ceux sur la prévention. Si nous devons, bien évidemment, nous attaquer à la crise actuelle, il est également impératif que nous nous penchions sur certaines des causes sous-jacentes qui nous ont menés à cette situation. Tous les paliers de gouvernement doivent collaborer pour adopter une approche proactive afin de contribuer à lutter dès le début contre l’utilisation abusive des opioïdes, avant qu’elle ne devienne un problème. Il nous faut pour cela une combinaison de politiques et de programmes de sensibilisation du public aux conséquences de l’utilisation abusive des opioïdes et des médicaments contre la douleur. Il faudrait accorder une attention toute particulière à l'éducation des jeunes Canadiens puisque l'expérience montre que nombre d'entre eux sont exposés aux stupéfiants illégaux avant la fin de leurs études secondaires.
    L'une des clés de la réussite dans ce domaine tient à la mise en place de partenariats efficaces avec les prestataires de soins de santé. Les pharmaciens communautaires jouent un rôle important dans l'éducation des patients aux méfaits imputables aux opioïdes d'ordonnance et à d'autres médicaments potentiellement dangereux. Je peux vous en donner comme exemple la révision par le pharmacien des médicaments déjà prescrits à un patient donné pour voir comment il y a réagi. Ce service fournit aussi l’occasion de préciser au patient comment prendre en toute sécurité ses médicaments contre la douleur et permet de détecter les comportements toxicomaniaques. La révision des médicaments prescrits peut également mettre en évidence les idées fausses d'un patient sur la façon de prendre ses médicaments et sur le moment auquel il doit le faire, peut permettre de détecter les médicaments qui ne contrôlent pas la douleur comme il faudrait et se reporte à la thérapie prescrite pour lutter de façon optimale contre la douleur. Cette interaction précieuse entre le pharmacien et le patient est essentielle pour assurer un emploi sécuritaire et optimal des médicaments. Au Canada, un pharmacien voit en moyenne chaque client 14 fois par année. Il a donc de multiples occasions d'intervenir auprès de celui-ci en faisant appel à ses propres compétences et peut également consulter le médecin de famille pour mieux soulager les douleurs de ce patient.
    L’APhC est favorable à l'annonce récente du gouvernement de son intention d'apporter des changements réglementaires imposant la pose d'étiquettes d'avertissement sur les opioïdes et la remise au client d'un feuillet de renseignements à l'intention des patients décrivant les risques d’accoutumance et de surdose. C’est un bon début. Cela dit, des feuillets et des étiquettes d'avertissement ne remplacent pas l’attention d’un pharmacien. C'est pourquoi l'APhC recommande que toutes les provinces et territoires, et le gouvernement fédéral à titre de prestataires de services de santé, accroissent le financement des services pharmaceutiques pour couvrir la révision des médicaments contre la douleur par un pharmacien. Assurer le financement de la consultation d'un pharmacien, et du suivi par celui-ci, contribuerait dans une large mesure à améliorer les résultats pour ces patients. L'éducation va de pair avec l'amélioration des pratiques de prescription. Le gouvernement a convenu qu'il faut en faire davantage pour améliorer le processus de prescription des opioïdes, mais le Canada a pris du retard en la matière. Nous savons que les lignes directrices du Canada sur la prescription de médicaments sont périmées et ne tiennent pas compte des meilleurs éléments de preuve disponibles. Cela n'empêche que nos normes ne sont toujours pas à la hauteur de la situation. Dans l'attente de nouvelles lignes directrices, attendues l'an prochain, les médecins prescripteurs peuvent se sentir poussés à prescrire des opioïdes aux patients victimes de douleurs aiguës ou chroniques sans même avoir essayé les approches non pharmacologiques. Aux États-Unis, les Centers for Disease Control incitent les médecins prescripteurs à commencer à traiter leurs patients avec de faibles doses et en ne leur prescrivant que des quantités limitées. Il faut que nous adoptions immédiatement des normes comparables au Canada pour nous assurer que les patients bénéficient des meilleurs soins possible.
    Il n'y a pas que les lignes directrices sur la prescription de médicaments qui doivent être révisées pour nous permettre d'exercer notre profession de façon plus efficace et pour réduire la consommation inappropriée d'opioïdes. Une pharmacie est le modèle de remise des médicaments le plus sûr, le plus efficace, le plus efficient et le plus responsable pour dispenser des médicaments d'ordonnance. Toutefois, les pharmaciens ne peuvent pas dépasser l'efficacité des outils mis à leur disposition. La mosaïque actuelle des programmes de surveillance pharmaceutique, les PSP, en vigueur au Canada ne permet pas de détecter les cas de prescription de plus d'un médicament pour un même trouble ni l’obtention d’ordonnances multiples. Les PSP ne sont que des solutions palliatives.
(0855)
    Le fait d'aller au-delà de la surveillance pharmaceutique pour mettre en oeuvre un système intégré d'information sur les drogues et pour adopter les dossiers de santé électroniques, dans toutes les provinces et dans tous les territoires, permettrait aux pharmaciens et aux médecins d’accéder aux informations dont ils ont besoin pour collaborer à la lutte contre les prescriptions inappropriées et pour détecter les comportements toxicomaniaques.
    Lorsqu’un médecin prescripteur ne pourra plus prétendre ignorer qu'un patient est traité par un autre médecin, les responsabilités en la matière seront mieux assurées. Il faut accélérer l’entrée en service des dossiers de santé électroniques et du système d'information sur les drogues pour réduire la dépendance aux opioïdes.
    Les régimes d’assurance-médicaments peuvent également réduire l'approvisionnement en opioïdes d'ordonnance en limitant le nombre de doses qu'ils acceptent de rembourser au cours d'une période donnée. Cela fait plus de 20 ans que, dans la province où je réside, le Nouveau-Brunswick, un médecin ne peut prescrire des opioïdes ni d'autres médicaments contrôlés pour plus de 35 jours, mais de tels contrôles ne sont pas en vigueur dans toutes les régions du pays. Limiter la quantité de médicaments remis en une seule fois à un patient offre aux pharmaciens un plus grand nombre de possibilités d'exercer un contrôle et d'intervenir, et leur permet, au besoin, de contacter le médecin prescripteur dans un délai beaucoup plus court.
    Du point de vue de la sécurité publique, restreindre l'approvisionnement maximum des patients entraîne une diminution des stocks de stupéfiants dans nos communautés. L'expérience m'a appris que des patients victimes de douleurs et suivant des chimiothérapies ont été agressés par des criminels qui en veulent à leurs ordonnances d'opioïdes. Le fait de remettre en une seule fois un patient un plus petit nombre de gélules peut contribuer à réduire le risque de détournement.
    Il faut par contre être conscient que l'application de ces restrictions par les pharmaciens ne représente qu'une goutte d'eau dans la lutte contre la crise de santé publique. La fabrication illégale, dans des laboratoires clandestins, de produits pharmaceutiques contrefaits est purement et simplement la principale cause de l'épidémie de surdoses. Ces stupéfiants sont très dangereux et exposent leurs consommateurs à des risques élevés de surdose puisqu'il est impossible de savoir quels produits entrent dans leur composition, et en quelle quantité. La fabrication illicite d'opioïdes synthétiques, comme le fentanyl, est de plus en plus courante et les corps policiers ont besoin de disposer des outils voulus pour mettre un frein à la croissance des approvisionnements.
    Le gouvernement a obtenu des résultats intéressants avec les restrictions imposées sur les produits chimiques précurseurs, mais il faut en faire encore davantage pour restreindre la production de ces stupéfiants dangereux. L'Association canadienne des chefs de police signale que des criminels importent des presses commerciales à comprimés au Canada, mais que les douaniers n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour les saisir. Pour mesurer l'importance de la chose, il faut savoir qu'il est possible d'acheter ces machines en ligne pour moins de 10 000 $ et qu'elles permettent de fabriquer de 10 000 à 18 000 pilules à l’heure.
    Comme pharmacien, je peux vous assurer qu'aucun particulier n'a de raison valable pour posséder l'une de ces machines. L’APhC recommande vivement au gouvernement d'imposer des pénalités pour l'importation illégale des divers types de presses à comprimés, et d'en restreindre la possession aux seuls pharmaciens et autres spécialistes détenant un permis idoine.
    Enfin, nous ne pouvons pas laisser de côté la dimension humaine de l'usage abusif des opioïdes et nous ne pouvons pas laisser tomber les gens qui en sont déjà victimes. Il nous faut davantage de programmes pour aider les toxicomanes prenant des opioïdes. Les pharmaciens sont en première ligne pour aider les anciens toxicomanes en délivrant des médicaments pour traiter la dépendance, tels que la méthadone, le suboxone et la naloxone, et en assurant un soutien, un suivi et des contrôles réguliers, parfois sur une base quotidienne.
    Les prestataires de services de santé qui mettent en oeuvre ces programmes de traitement et de soutien ont besoin de recevoir davantage d'aide. Il n’y a pas de solution miracle pour mettre fin à une crise qui s'intensifie depuis des décennies, mais nous voulons également prendre grand soin de ne pas causer des effets imprévus. En commençant à restreindre l'accès légal à ces stupéfiants, nous pourrions mettre en danger les travailleurs de première ligne du domaine des soins de la santé. Les pharmaciens seront les premiers à subir de l'intimidation, des menaces et des vols.
    J'ai eu l'occasion de discuter récemment avec un collègue de Terre-Neuve. Il m'a raconté que des travailleurs terre-neuviens, partis travailler dans les champs pétrolifères de l'Alberta et devenus toxicomanes, sont revenus dans leur communauté rurale et ont dévalisé une pharmacie en y mettant le feu au moyen de gallons d'essence et d'un briquet.
    Les pharmaciens sont très préoccupés par les défis qu'ils vont devoir affronter à la suite du resserrement des approvisionnements.
    Les législateurs, les responsables de la réglementation et les professionnels des soins de la santé doivent coopérer pour trouver des solutions permettant d'endiguer la toxicomanie. Les pharmaciens sont prêts à assumer le rôle d'un chaînon important de la solution, et nous demandons le soutien de ce comité dans la lutte contre l'usage abusif des opioïdes au Canada.
(0900)
    Merci beaucoup.
    Puisque nous parlons des travailleurs de première ligne, je vous rappelle que nous avons M. Leclerc parmi nous.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Bonjour à toutes et à tous.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité, je vous remercie de m'accueillir devant vous aujourd'hui. Je suis conscient du privilège qui m'est accordé de me présenter devant vous avec l'intention de contribuer un tant soit peu aux travaux portant sur la crise des opioïdes.
    Je m'appelle Réjean Leclerc. Je suis un paramédic depuis plus de 20 ans et je suis actuellement président du Syndicat du préhospitalier (FSSS-CSN). Ce syndicat représente près de 1 000 paramédics qui oeuvrent à la Corporation d'Urgences-santé et qui assurent des services préhospitaliers d'urgence à la population de Montréal et de Laval. La Corporation est l'unique organisme gouvernemental en préhospitalier au Québec. Il dispose d'un budget annuel d'environ 130 millions de dollars et relève directement du ministère de la Santé et des Services sociaux.
    Au cours de l'année financière 2015-2016, les paramédics que nous représentons ont reçu 315 575 affectations visant une population de quelque 2,4 millions de personnes occupant un territoire de 744 kilomètres carrés. Par conséquent, la Corporation d'Urgences-santé est l'un des plus importants services préhospitaliers d'urgence au Canada.
    Bien que beaucoup d'informations aient déjà filtré au sujet des travaux du présent Comité, nous remarquons que la situation québécoise n'a pas encore fait l'objet de représentations en ces lieux. Or, même si la crise n'est pas comparable pour le moment à ce que vivent certaines autres régions du Canada, nous observons une hausse marquée des surdoses d'opioïdes au Québec. En effet, l'Institut national de santé publique du Québec mentionnait ce qui suit: « Le taux de mortalité attribuable aux intoxications liées aux médicaments et aux drogues a augmenté dans les années 2000. »
    Cette hausse reflète principalement l'augmentation des intoxications mortelles suivant la prise d'opioïdes. De 2000 à 2012, 1 775 décès attribuables à une intoxication suivant la prise d'opioïdes ont été dénombrés au Québec, ce qui représente un taux de 2,97 décès par 100 000 personnes. Par ailleurs, on a pu lire ce qui suit récemment dans La Presse: « Été 2014. Montréal est au cœur d’une épidémie de surdoses liées à la consommation de drogues de rue. En quelques semaines, 233 cas sont recensés et près de 30 personnes en meurent. »
    II est à noter que, selon les statistiques de la Régie de l'assurance maladie du Québec, « entre 2011 et 2015, les prescriptions d'opioïdes ont augmenté de 29 %, passant de 1,9 million à 2,4 millions. Le nombre de personnes ayant reçu des prescriptions a augmenté de 10 %, atteignant 377 365 personnes en 2015. »
    À la lumière de ces informations, certains diront qu'il y a une crise, d'autres diront le contraire, mais quoi qu'il en soit, il est reconnu qu'il faut poursuivre et même améliorer la collecte de données à ce sujet afin d'avoir un meilleur portrait de la situation et de mieux réagir en temps réel.
    D'ailleurs, il a été porté à notre attention que des initiatives sont mises en avant ou en voie de l'être. Qu'il s'agisse de la formation et de la distribution de trousses de Naloxone à l'entourage des personnes à risque de surdose, de la volonté d'implanter des centres d'injection supervisée, de la création de groupes de vigie afin de mieux recenser les cas ou de la volonté du Collège des médecins du Québec de parfaire le pouvoir d'enquête de ses membres, l'objectif demeure le même, à savoir de réduire de façon significative le nombre de décès attribuables aux surdoses d'opioïdes.
    Ayant à coeur la mission de réduire la mortalité et la morbidité chez nos concitoyennes et concitoyens, nous, en tant que paramédics, souscrivons à ces initiatives, mais aussi au projet de loi C-224, qui a été déposé par le député de Coquitlam—Port Coquitlam. Nous estimons que les chances de survie d'une personne victime de surdose seront meilleures à la suite de la promulgation de ce projet de loi dans la mesure où la population en est informée. À cet égard, le faire le plus rapidement possible sera le mieux.
    Toutes et tous conviennent que les paramédics dispensent des soins essentiels à la population. Au Québec, la responsabilité d'évaluer et de maintenir la qualité de ces soins incombe à des médecins désignés par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Ainsi, aucun ordre professionnel ne régit les paramédics québécois.
     La profession de paramédic n'étant pas reconnue officiellement — et ce sera le cas pour encore plusieurs années —, est-ce à dire que, si le projet de loi C-224 prévoit une exemption des accusations de possession de substances pour les personnes présentes sur les lieux à l'arrivée de professionnels de la santé, la population québécoise ne pourrait bénéficier de cette exemption lorsque seuls les paramédics se présenteront au chevet d'une personne en surdose? Nous posons la question à ce sujet.
(0905)
     Sous réserve de l'interprétation des experts, y a-t-il lieu d'adapter le projet de loi C-224 pour tenir compte de cette réalité?
    D'autre part, monsieur le président, je profite de la tribune qui m'est offerte aujourd'hui pour attirer l'attention des députés et du public sur une situation qui nous apparaît préoccupante. Face aux défis à relever inhérents à l'augmentation des surdoses aux opioïdes, nous tenons à exprimer aujourd'hui notre préoccupation quant à la façon avec laquelle la Corporation d'Urgences-santé gère la formation des paramédics concernant le protocole de la Naloxone.
    En effet, en novembre 2014, alors qu'une opportunité s'offrait à la Corporation pour former l'ensemble des paramédics en quelques mois, nous avons fait une proposition dans le cadre des modalités usuelles afin de favoriser le déploiement rapide et uniforme de cet antidote à Montréal et Laval. À notre grand étonnement, la Corporation d'Urgences-santé n'a pas donné suite à notre requête alléguant des questions de contrôle budgétaire. Préférant s'inscrire dans la vision d'austérité imposée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, la Corporation d'Urgences-santé a fait le choix, en pleine crise des opioïdes, de ne former que quelques dizaines de cadres et de paramédics. Avec seulement une cinquantaine de paramédics autorisés à donner le précieux médicament, ce qui est un nombre nettement insuffisant selon nous pour répondre à une demande en hausse, il était prévisible que se produisent certain incidents malheureux, comme celui vécu et récemment décrit dans La Presse par la Dre Marie-Ève Morin. Dans le cas en question, une ambulance est arrivée de toute urgence pour constater qu'à l'arrivée des paramédics, ceux-ci n'étaient pas formés et n'avaient pas non plus avec eux l'antidote qui aurait permis de renverser rapidement l'effet de la drogue ingérée par la personne en état de surdose.
    Comme service d'urgence, quel message lançons-nous à la population lorsqu'une grande majorité de paramédics ne peuvent poser les gestes requis dans le cadre d'une intervention pour lesquelles ils sont appelés de toute urgence dans l'espoir qu'ils fassent la différence entre la vie et la mort?
    Il est louable de modifier les lois afin d'encourager la population à appeler plus souvent et plus rapidement le 911, mais si, au gré du hasard, l'équipe de paramédics prêts à intervenir n'est pas habilitée à agir lors de situations de surdoses, nous ratons l'objectif et perdons toute crédibilité à la première occasion.
    Est-ce que la population montréalaise et lavalloise est mieux servie aujourd'hui? Selon les données obtenues en septembre dernier par Radio-Canada auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux, seulement 35 % du millier de paramédics que nous représentons seraient formés pour administrer la Naloxone. Force est de constater que cette statistique est inquiétante et semble incompatible avec les efforts et les orientations soutenues par le présent Comité et par plusieurs autres parties intéressées. Cette situation regrettable mérite selon nous d'être dénoncée publiquement, et ce, jusqu'à ce que la formation des paramédics de la Corporation d'Urgences-santé soit complétée pour les autoriser ainsi à administrer la Naloxone dans le but de sauver plus de vies.
    Je vous remercie de votre attention.
(0910)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter les représentants du syndicat des pompiers de Vancouver.
    Je suis pompier à Vancouver. Je préside également le comité d’engagement politique de notre syndicat, la Vancouver Fire Fighters’ Union, qui est la section 18 de l’Association internationale des pompiers.
    Les pompiers de Vancouver sont heureux, dans le cadre de votre étude, de vous faire part de leur point de vue sur la crise des opioïdes au Canada. Nous remercions le Comité de reconnaître le rôle que nous jouons dans l’intervention contre cette crise et de vouloir entendre directement notre point de vue. Tous, nous partageons l’objectif d’atténuer les conséquences de la tragédie humaine qui se déroule dans notre ville.
    Nous représentons plus de 760 pompiers professionnels qui travaillent à temps plein dans la ville de Vancouver. Ce sont des hommes et des femmes qui interviennent, en quelques minutes, dans pour ainsi dire toutes les urgences qui surviennent. Ils forment la première ligne de défense de la ville.
    Nous sommes un service de sécurité publique qui prend en charge tous les risques. Ce service est financé intégralement par la municipalité. Nos membres interviennent non seulement lorsqu’il faut éteindre un incendie ou sauver des citoyens coincés, mais aussi dans des situations d’urgence de tout acabit, notamment lors d’urgences médicales où ils administrent les premiers soins jusqu’à l’arrivée des ambulanciers, d’incidents mettant en cause des matières dangereuses ou, encore, d’opérations de sauvetage technique, sur la glace et dans l’eau.
    Comme on l’a vu dans le passé et particulièrement au cours des derniers mois, les pompiers de Vancouver sont aux premières lignes de la crise des opioïdes qui fait rage dans notre ville, surtout dans le quartier est du centre-ville qui, si l’on peut dire, est le point zéro de cette épidémie qui est en grande partie le fait d’une consommation abusive de fentanyl et même d’opioïdes plus puissants.
    Il y a quelques années seulement, les services de police et les organismes de santé publique avaient mis en garde contre un problème de plus en plus grave de consommation abusive de fentanyl dans l’ensemble du pays. Aujourd’hui, ils mettent en garde contre la circulation d’opioïdes « bioniques », 100 fois plus puissants que le fentanyl, qui se retrouvent entre les mains aussi bien de toxicomanes endurcis que d’adolescents ne voulant que faire la fête le week-end.
    Les pompiers de Vancouver sont aux premières loges pour constater les résultats dévastateurs de cette crise. Tous les jours, des douzaines de fois par jour en fait, nous constatons par nous-mêmes les résultats catastrophiques de la crise et son coût tragique en vies humaines. Cette crise absorbe aussi quantité de ressources des nombreuses agences et travailleurs de première ligne, dont les pompiers, et ampute les ressources à notre disposition pour protéger la population de manière sécuritaire et efficace contre toutes les formes de situations d’urgence.
    Voici quelques chiffres qui mettront le problème en perspective. Je suis convaincu que vous les connaissez déjà, mais, je vous en prie, laissez-moi vous les répéter. Selon le Bureau du coroner de la Colombie-Britannique, le pourcentage de décès causés par les drogues illicites et dans lesquels le fentanyl était en cause est passé de 5 % en 2012 à 30 % en 2015 et à 60 % en 2016. La situation n’évolue manifestement pas dans le bon sens.
    Au cours des huit premiers mois de l’année en cours, les pompiers de Vancouver sont intervenus dans 2 287 incidents de surdose, soit une moyenne de 286 incidents par mois (le nombre d’incidents de surdose ayant toutefois grimpé à 319 incidents en juillet et à 341 incidents en août). La vaste majorité de ces surdoses sont survenues dans la zone de la caserne 2, dans le quartier est du centre-ville. Cette caserne a reçu plus tôt cette année 1 000 appels d’urgence en un seul mois pour la première fois de son histoire; ce nombre extrême d’appels est demeuré le même depuis. Dans l’ensemble, notre volume d’appels a doublé depuis l’arrivée du fentanyl.
    Les services médicaux d’urgence ne sont pas nouveaux pour les pompiers de Vancouver. Nous arrivons rapidement sur les lieux d’urgences de nature médicale et utilisons le personnel et les véhicules existants afin d’améliorer les résultats pour les patients d’une manière rentable. L’ajout de la naloxone, cet antidote aux opiacés très efficace, et de la formation appropriée aux compétences médicales des pompiers ont fait une grande différence dans la crise des opioïdes qui se joue actuellement.
    Sur le plan médical, notre rôle est un grand exemple de service à valeur ajoutée présentant un grand avantage à un coût relativement peu élevé. Notre capacité d’intervention dans les situations d’urgences médicales comme les surdoses d’opioïdes renforce la capacité des services d’ambulance que finance la province. Notre capacité d’intervenir rapidement à l’aide du personnel et des véhicules actuels du service d’incendie place un professionnel formé sur les lieux d’une manière opportune et rentable tout en libérant les ressources ambulancières pour qu’elles puissent s’occuper d’autres urgences.
    Toutefois, à mesure que les ressources de notre service d’incendie s’occupent de plus en plus d’un seul type d’urgence dans un périmètre de six pâtés de maison de la ville, on peut s’attendre à des répercussions dans d’autres secteurs. Les interventions menées dans le cadre de la crise aux opioïdes peuvent accaparer les ressources, ce qui nous oblige à faire venir les véhicules d’incendie d’un district voisin afin de répondre aux autres urgences. Cela peut nuire aux délais d’intervention dans une situation où chaque seconde compte.
(0915)
    Étonnamment, malgré l’essor du secteur du bâtiment et une croissance marquée de la population, Vancouver compte moins de pompiers de première ligne qu’il y a 20 ans. Notre association ne ménage aucun effort à l’échelle locale pour faire valoir la nécessité d’augmenter les ressources des services de première ligne. Elles sont un élément clé de la sécurité des pompiers et de la population. Notre rôle dans l’intervention contre la crise des opioïdes signifie aussi une diminution des ressources consacrées à la prévention des incendies dans les collectivités que nous servons. Il a aussi pour conséquence de réduire le temps que nous consacrons normalement à une formation régulière qui nous assure d’être prêts à faire notre travail avec compétence et efficacité.
    Une autre conséquence de la crise des opioïdes est ses effets néfastes sur tous les intervenants de première ligne qui en constatent par eux-mêmes les résultats. Plus précisément, il est néfaste pour la santé mentale d’une personne de voir de si près quotidiennement tant d’impuissance et de souffrance; de travailler extrêmement fort, mais de sentir que ses efforts n’ont pour ainsi dire aucun effet sur un problème qui submerge les rues de sa propre ville. Le fait de voir une population se faire du mal à répétition pour, au bout du compte, voir la mort et des gens qui ont succombé à cette tragédie humaine porte un coup au bien-être psychologique. Le simple volume d’interventions réalisées porte à lui seul un coup au bien-être physique et psychologique des intervenants, et il finit par nuire à la capacité de récupération des pompiers entre leurs quarts de travail.
    C’est un point sur lequel je me dois d’insister. Il faut que vous sachiez que nos collègues qui travaillent dans l’est du centre-ville éprouvent des difficultés. Ils ont le sentiment d’être abandonnés et sont désespérés. Lorsque je parle avec ces collègues, ils me disent souvent « Cela me rend dingue. » ou « Je n’en peux plus. » Ils me disent parfois compter 20 ou 30 toxicomanes dans une allée. Ils ne sont ni préparés ni formés à ces situations. Ce qui les désespère est d’avoir à faire face plusieurs fois, pendant le même quart de travail, à la même personne qui fait une surdose et qui a une seringue de plantée dans le cou et qui se tortille dans son urine et ses selles. Ils ont le sentiment d’être abandonnés et perdent l’espoir.
    Rappelons que, si Vancouver est peut-être le point zéro de la crise du fentanyl, il n’en demeure pas moins que nous sommes aux prises avec un problème d’envergure nationale qui touche des villes de tout le Canada. Selon ce qu’ont rapporté les médias, en 2015, 162 décès et 32 décès par surdose de fentanyl ont été recensés en Ontario et au Canada atlantique, respectivement. Il s’agit d’un problème national ayant des conséquences sur le plan provincial et aussi fédéral. D’abord, les opioïdes illicites comme ceux qui font des ravages dans le quartier est du centre-ville sont habituellement expédiés au Canada depuis l’étranger, par exemple l’Asie, et Vancouver est un point d’entrée évident.
    Ensuite, comme il a été mentionné précédemment, notre intervention médicale allège le fardeau du système ambulancier que finance la province. Dans le contexte de l’intervention contre la crise des opioïdes, le Comité devrait prendre note que le rôle des services d’incendie et de sauvetage de Vancouver est l’exemple d’un gouvernement municipal qui assume des coûts qui ne reviennent pas uniquement à ce dernier. Les demandes de financement des ordres municipal et provincial de gouvernement devraient être examinées dans cette optique, s’il y a lieu. La Vancouver Fire Fighters' Union tient à féliciter les divers organismes gouvernementaux et non gouvernementaux du travail qu’ils font pour faire face à cette crise des opioïdes. Nous sommes en faveur des initiatives à caractère social qui sont conçues pour atténuer les méfaits et les souffrances, et pour aider par d’autres moyens les personnes aux prises avec un problème de consommation abusive d’opioïdes.
    J’aimerais ajouter que j’ai une vision unique de la situation, car si je suis pompier à Vancouver, sachez que j’habite dans le quartier est du centre-ville. Les personnes qui choisissent de venir travailler dans ce quartier auprès de personnes atteintes de maladie mentale gravement toxicomanes ont bien du mérite, et je profite de l’occasion pour les féliciter de leur dévouement. Nous, les pompiers de Vancouver, ne sommes que l’un des nombreux groupes de personnes dévouées qui font ce qu’elles peuvent pour remédier à cette crise.
    Je vous remercie de réaliser cette importante étude et d’avoir demandé l’apport des pompiers de Vancouver. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions des membres du Comité.
    Merci.
(0920)
    Merci beaucoup.
    J’ai trouvé fort intéressant ce que vous nous avez dit. Je crois que vous nous avez tous remerciés de vous avoir invité à faire un exposé. Je tiens, moi, à vous remercier d’être venus nous raconter vos histoires et vos expériences face à cette crise. Peu d’entre nous ont une expérience qui se compare aux vôtres. Nous vous remercions de votre apport. Il n’est pas tombé dans les oreilles de sourds.
    Nous allons maintenant entamer notre première série de questions de sept minutes avec M. Ayoub.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Je vais commencer par poser quelques questions à M. Leclerc.
     La situation nationale m'inquiète. À la suite de votre témoignage, d'articles de journaux et de reportages, je dois avouer que la situation au Québec me préoccupe beaucoup.
    Comment expliquez-vous qu'on n'arrive pas à s'inspirer d'expériences qui ont lieu ailleurs au Canada? Vancouver est un exemple à cet égard. Comment expliquez-vous qu'au Québec, on n'arrive pas à avoir la formation voulue et le nombre voulu de personnes pour intervenir à cet égard? Vous en avez parlé brièvement, mais j'aimerais que vous parliez un peu plus en détail des raisons qui expliquent cet état de choses. Je pense particulièrement à la formation à Montréal à ce sujet. Quand on regarde dans l'ensemble du Québec, cela semble disproportionné par rapport à l'impact qu'aurait une formation de ce genre à Montréal. On s'entend que les grands centres sont les plus touchés au départ par ce problème.
    En résumé, nous sommes présentement confrontés à des restrictions budgétaires. En effet, la Corporation d’Urgences-santé est un organisme gouvernemental directement relié au ministère. On a senti, dès le changement de gouvernement, une série de compressions, y compris dans le contexte de la crise des opioïdes. Il y a eu également, de façon concomitante, une crise en 2014.
     Souvenez-vous des appréhensions concernant le virus Ebola. On a consacré beaucoup de moyens à cette crise appréhendée. De façon concomitante, il y avait également la crise des opioïdes et il y a eu un choix à faire.
    Qui fait ce choix?
    C'est la Corporation d’Ugences-santé, de concert avec le ministère.
    Il faut comprendre qu'on avait prévu de donner plus tard de la formation sur la Naloxone. C'était prévu, mais pour plus tard.
     Que veut dire la notion de « plus tard »?
    Ce serait peut-être d'ici 2019-2020.
     Lorsque la crise est survenue, les gens ont voulu — peut-être  pour les apparences — former quelques ambulanciers paramédicaux pensant que ces gens allaient desservir tout le territoire. Manifestement, cela n'a pas fonctionné. Même encore aujourd'hui, nous sommes inquiets parce qu'il y a eu des compressions en matière de formation. Les ambulanciers paramédicaux ne sont toujours pas complètement formés et, normalement, cela ne prend que quelques mois. Pour ce type d'intervention, on parle d'une formation de quatre heures. On ne parle pas d'une formation de trois semaines par personne, mais d'environ quatre heures.
    Je regarde les statistiques sur la formation. Je me demande pourquoi, ailleurs au Québec, presque 70 % des ambulanciers sont formés. Il n'y a que trois exceptions à cet égard, à savoir trois régions.
(0925)
    Même dans les régions où il n'y a aucun cas répertorié, jusqu'à 90 % des ambulanciers paramédicaux sont formés.
    À la Corporation d'Urgences-santé, il y avait déjà un retard pour ce qui est de la formation obligatoire. Ce retard devant être comblé, ils ont choisi, lors de la planification, de le combler.
    Cependant, la crise des opioïdes a surgi et ils n'ont pas su s'adapter à cause de raisons budgétaires. C'est carrément une question de budget.
    Selon vous, combien de temps faudra-t-il pour rattraper ce retard à Montréal et à Laval? Parle-t-on d'un an ou de deux ans?
    Cela dépend de la volonté des autorités.
    Si nous partions de zéro aujourd'hui, il faudrait de quatre à six mois pour former tout le monde, y compris les gens qui sont absents de manière irrégulière.
    Je sais que ce n'est pas votre domaine d'expertise, mais vous travaillez en collaboration avec d'autres premiers répondants, c'est-à-dire des pompiers et des policiers.
    Seriez-vous prêts à ce que ces gens soient aussi formés?
    L'important est que le médicament soit à la disposition des victimes le plus rapidement possible.
     Qui plus est, ce médicament peut être fourni aujourd'hui sans ordonnance. Cela irait donc de soi, mais à la condition de bénéficier d'un encadrement. En effet, il ne faut quand même pas donner cela n'importe comment. Il faut être formé, il faut que les gens soient...
    Vous seriez néanmoins prêts à ce que d'autres intervenants soient...
    En effet, je n'y ai pas d'objection si cela peut sauver des vies. Vous comprendrez que le temps est important pour sauver une victime.
    Je n'aime pas présumer des choses, mais peut-on dire que les statistiques indiquent que des gens sont morts parce qu'on n'avait pas ce médicament à Montréal lors d'interventions ou parce que les délais d'intervention étaient trop grands?
    Il m'est difficile de le dire. Il faudrait des enquêtes de coroner pour établir la séquence intégrale des événements.
     Est-ce parce que le médicament n'était pas disponible? Est-ce dû au retard de l'ambulance? Le décès a-t-il été constaté une fois rendu à l'hôpital? Je n'ai pas ces données pour l'instant. Je peux cependant confirmer, par exemple, que des ambulanciers paramédicaux se sont présentés à certains endroits, qu'ils se sont trouvés en présence d'un patient en surdose et qu'ils n'ont pas pu intervenir. C'est un fait objectif. Je ne peux pas vous faire part de la conséquence aujourd'hui, parce que je n'ai pas les informations exactes à ce sujet.
     D'accord.
    On traite dans l'actualité des interventions du gouvernement fédéral en matière de santé. On parle toujours de questions budgétaires. M. Yves Robert, qui est secrétaire du Collège des médecins du Québec, dit qu'on finit toujours par en arriver à une forme de budget et d'intervention.
     Compte tenu des différences qui existent entre diverses régions en matière de préparation et de planification, que ce soit à l'intérieur même du Québec ou du Canada, comment le gouvernement fédéral va-t-il intervenir cette fois-ci à l'échelle du pays pour assurer un suivi et une certaine uniformité pancanadienne au chapitre des soins?
    Même si c'est moins d'actualité, je vais prendre comme exemple l'appréhension suscitée par la maladie du virus Ebola. Au sein des services frontaliers, tout le monde était impliqué. Les directives et les recommandations étaient claires. En outre, on a demandé des suivis par la suite.
     Dans le cas présent, la particularité est que la crise éclôt pas de la même façon d'une région à l'autre. Elle est devenue nationale, mais au début, soit pendant plusieurs mois, elle n'a sévi que dans la région de Vancouver.
    Je crois qu'il faut procéder à peu près de la même façon. Les directives doivent être claires et les suivis doivent être faits pour que les ressources soient assignées aux bons endroits. Il faut aussi que les gens puissent s'adapter de façon à pouvoir intégrer ce genre d'urgence dans leurs plans. Quoi qu'il en soit, il faut que les directives soient claires.
    Présentement, on en parle, mais je sens que ni l'employeur ni le ministère ne croit que cette crise doit être abordée comme l'a été à l'époque celle de l'Ebola.
    Vous voyez donc d'un bon oeil que le gouvernement établisse une réglementation et des directives pour assurer l'uniformité des interventions à l'échelle du pays.
    Je ferais une nuance entre la réglementation et les directives. Je parle ici de donner des directives et d'exprimer clairement qu'il est important de s'attaquer à la situation, étant donné que c'est un problème de santé publique. Quant à la réglementation, que je préfère ne pas aborder aujourd'hui, elle se situe à un autre niveau. C'est au gouvernement de déterminer la façon dont il va procéder. Quoi qu'il en soit, il faut que les directives soient claires.
(0930)

[Traduction]

    Votre temps de parole est épuisé.
    Monsieur Carrie, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. C’est un plaisir de vous revoir. J’espère que vous allez mieux.
    Je saisis cette occasion de remercier les experts et les témoins que nous avons aujourd’hui parmi nous. Nous traitons en ce moment d’un énorme problème et nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre apport. J’ai particulièrement aimé l’exposé du représentant de l’Association des pharmaciens du Canada. Vous nous avez dit, monsieur Bursey, qu'il nous faut absolument adopter une approche globale. Il s'agit ici de prévention. Les solutions font appel à la prévention et au traitement.
    Il semble que les gouvernements, de tous les paliers, veuillent mettre l'accent sur les solutions à court terme. C'est pourquoi j'apprécie votre apport en la matière.
    J'avais l'intention de commencer avec les pompiers, mais… J'ai lu récemment un article sur l'un de vos membres, M. Ryan McConnell, un pompier de Vancouver affecté à la caserne nº 2, qui a dit: « Bienvenue au mercredi du bien-être à Vancouver. » Il faisait allusion à la journée la plus chargée pour les pompiers parce que c'est le jour auquel les gens font la queue pour obtenir leur chèque mensuel de bien-être. M. Jason Lynch, un autre pompier de Vancouver, a indiqué qu'il a dû ranimer deux fois en un mois une jeune femme de 24 ans. Je crois que nous avons tous conscience que, dans un grand pays comme le nôtre, tout un chacun a quantité de possibilités qui s'offrent à lui, mais entendre des histoires comme celle-ci — devoir ranimer deux fois en un mois une jeune femme de 24 ans — nous n'avons d'autre choix que de constater qu’il faut que nous en fassions davantage.
    Je réalise bien l’intérêt et l’importance de la naloxone sur le terrain. S'agit-il vraiment de la solution ou, comme l'a dit M. Lynch, n’est-ce qu’un palliatif bien insuffisant face à une telle crise?
    Je vous remercie de poser cette question.
    J'en profite pour vous présenter mon collègue, M. Lee Lax, qui est également pompier.
    C’est un point important. La naloxone n’empêche pas les surdoses. Elle ne règle pas le problème. Notre chef pourrait ajouter demain une centaine de pompiers dans le quartier est du centre-ville que cela ne changerait rien à la situation.
    C'est bien le problème. Nous pourrions rendre la naloxone disponible, et cela pourrait constituer une solution temporaire, mais, à mon avis, ce n'est pas la solution. La plus grande disponibilité de ce médicament fait aussi apparaître une préoccupation, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez: les toxicomanes ne vont-ils pas commencer à se sentir invincibles, en particulier les jeunes qui pourraient en être à leur premier essai d'opioïdes Est-ce là un problème dont il faut que nous soyons conscients?
    Je suis d'avis qu'il s'agit là d'un problème de santé.
    Un toxicomane va se droguer, que la naloxone soit ou non disponible. Ce sont des toxicomanes et je crois que, avec ou sans naloxone… Il suffit de vivre et de travailler dans ce quartier, d'observer ce qui s'y passe pour vous répondre non. Je ne le crois pas.
    Les toxicomanes vont continuer à prendre des opioïdes parce qu'ils en éprouvent le besoin. Je je ne crois pas que la naloxone ait fait de quiconque un héros. Les risques encourus par les toxicomanes étaient déjà énormes avant l'arrivée des drogues plus puissantes.
    Elles semblent de plus en plus puissantes. Mon collègue vient d'évoquer un nouveau produit qui est 100 fois plus puissant, une sorte de super fentanyl. Je crois que nous devons vraiment concentrer nos efforts sur la prévention.
    La semaine dernière, ou la précédente, nous avons entendu le Dr David Juurlink, de la Division de la pharmacologie clinique et de la toxicologie du Sunnybrook Health Sciences Centre, qui attribue une grande partie du blâme aux médecins. Il a été particulièrement dur à leur endroit, parlant du manque de formation pour la prescription des opioïdes et, plus précisément, la prescription abusive de ces produits au Canada. Toutefois, à ce que j'ai compris, les pouvoirs des médecins en la matière sont limités.
    Docteur Emberley, vous savez que, aux États-Unis, la FDA a maintenant approuvé plus de sept formulations inviolables et dissuadant les abus d’opioïdes d’ordonnance provenant de quatre entreprises pharmaceutiques, alors que notre gouvernement actuel a abandonné cette solution réglementaire à laquelle travaillait le gouvernement précédent. Nos provinces et nos territoires, et nos ministres de la Santé, étaient favorables à cette solution.
    Pouvez-vous me dire si l'Association des pharmaciens du Canada est favorable au recours à ces opioïdes inviolables et dissuadant les abus dans le cadre d'une stratégie nationale plus vaste de lutte contre les opioïdes. Dans l’affirmative, pourquoi?
    Ensuite, seriez-vous favorables à une réglementation imposant d’adopter pour tous les opioïdes à libération contrôlée, ou pour tous les opioïdes, des formulations inviolables pendant une courte période de transition?
    Nous nous sommes prononcés en faveur des formulations inviolables il y a quelques années. Nous avons pris alors cette décision à la suite de l'arrivée au Canada d'un médicament qui posait quantité de problèmes, l'OxyContin. C'est pour lutter contre ces problèmes qu'une formulation inviolable, l'OxyNEO, a été élaborée et cela nous est alors apparu comme une bonne chose. Ce n’était pas la seule solution, mais c’était une solution.
    Nous avons eu vent de rumeurs en provenance des États-Unis selon lesquelles cela allait devenir la nouvelle façon de procéder pour tous les nouveaux opioïdes à longue action qui seraient mis en marché dans ce format, et cela nous a paru une bonne chose. Nous sommes toujours en faveur de cette innovation technologique.
    Il y a cependant un autre côté de la médaille car nous avons constaté des conséquences indésirables. Il semble en effet que des gens se soient tournés vers des sources illégales de stupéfiants et d'opiacés. Ils sont allés sur le marché noir. Nous avons parlé des prix du fentanyl avec l'apparition de formes illicites de celui-ci. C’est ce qui a été à l’origine de ce concept d’effet de déplacement.Si nous réduisons l'attrait d'un type de médicament ou de formulation, et si nous rendons tous les stupéfiants inviolables, cela peut amener certains éléments de notre société à se procurer des formes illicites de ceux-ci. Nous devons faire preuve d'une grande prudence.
    La réponse courte est oui. Les opioïdes inviolables nous paraissent toujours être une solution, pas la seule, mais une solution. Certains chiffres disponibles aux États-Unis laissent entendre que cette solution a eu certains effets. Il faut cependant que nous fassions preuve d'une grande prudence en ce qui concerne les conséquences indésirables, qui pourraient se révéler encore pires que celles que nous voulions empêcher.
(0935)
    Il semble maintenant que, dans une certaine mesure, les modalités de prescription soient l’une des causes du problème, mais la plus importante reste sans aucun doute la disponibilité de fentanyl illégal. Vous avez également évoqué les presses à comprimés et d’autres causes.
    Je m’apprêtais à interroger M. Blackmer à ce sujet. Cela fait une décennie que votre organisme a connaissance de ces problèmes et y travaille. Qu’avez-vous pu faire pendant cette période pour collaborer avec les collèges afin d’éduquer leurs élèves et de participer à l’amélioration des connaissances des médecins qui travaillent sur le terrain?
    Si j’ai bien compris, l’inviolabilité des opioïdes est un outil utile. Toutefois, un jeune de 24 ans qui se fracture un os en pratiquant un sport peu, avant même que vous ne vous en aperceviez, devenir un toxicomane en 30 jours. Qu’avez-vous fait pour former les médecins aux bonnes méthodes de prescription et, peut-être également, pour les inciter à arrêter de prescrire ces substances?
    Ce sont là des questions de la plus haute importance pour un médecin.
    Nous avons collaboré très étroitement avec les organismes de réglementation ainsi qu’avec les établissements d’enseignement. Comme vous le savez, il existe un certain nombre d’organismes au Canada qui assument chacun des responsabilités dans des domaines qui leur sont propres. Nous, nous travaillons essentiellement à la production et la diffusion d’outils à utiliser en ligne et en personne, utilisables tout le long du continuum de la formation médicale.
    Il faut que nous parvenions à faire un travail plus efficace d’éducation des étudiants en médecine quand ils suivent leurs cours de pharmacologie, c’est-à-dire à ce niveau de base, pour qu’ils comprennent bien les risques d’accoutumance aux opioïdes, les différents types de médicaments contre la douleur qui peuvent être utilisés, et les autres approches à la gestion de la douleur, ainsi que d’autres sujets comme la gestion de l’accoutumance. Toutefois, actuellement, on met beaucoup l’accent sur les médecins praticiens pour qu’ils maîtrisent bien un certain nombre de sujets comme les nouvelles formulations de médicaments, les nouveaux types de ceux-ci afin qu’ils puissent s’attaquer précisément aux questions que vous abordez, qu’ils connaissent les solutions de remplacement aux traitements avec opioïdes utilisables dans certaines circonstances, etc. Ces médicaments peuvent se révéler utiles dans certains cas, mais pas dans d’autres, et il faut alors penser à réduire les doses prescrites et à s’assurer que les utilisateurs finissent par cesser d'en prendre.
    Nous avons travaillé main dans la main avec ces autres partenaires pour leur faire découvrir nos produits éducatifs.
    J’ai entendu dire que le nombre d'ordonnances concernant des opioïdes a encore augmenté de 29 % cette année. Est-ce que le message passe bien chez les praticiens? La stratégie repose en partie sur la dimension criminelle de cette crise, parce qu’il semble bien que ce soit elle qui est à l’origine de cette crise. Il faut y consacrer des ressources importantes mais, quand il est question de la prévention sur le terrain, peut-on dire que la stratégie fonctionne s’il y a effectivement eu une hausse de 29 % du nombre des ordonnances prescrivant des opioïdes l’an dernier? Que pouvons-nous faire de plus? Quels conseils pourriez-vous nous donner?
    Il est manifeste qu’il reste beaucoup de travail à faire. Il faut que notre profession se saisisse du problème, et elle le fait. Nous reconnaissons qu’il faut que nous fassions un meilleur travail en la matière.
    Comme dans toutes ces discussions, les choses sont beaucoup plus complexes en première ligne lorsqu’un praticien de la santé ou un médecin ne dispose que de 5 ou 10 minutes par patient. Il vaudrait beaucoup mieux qu’il dispose d’assez de temps pour s’asseoir et parler avec son patient des différentes solutions de gestion de la douleur. Il arrive fréquemment que ces médecins ne disposent que de très peu de temps et se sentent poussés à rédiger ou à renouveler une ordonnance au lieu de prendre le temps de discuter des autres types de solutions disponibles.
    Ces médecins qui travaillent en première ligne ont aussi souvent le sentiment d’être soumis à des pressions pour remettre ces ordonnances. Des gens viennent les voir pour qu'ils leur accordent l’accès à des médicaments, prétendant en avoir besoin et disant craindre de se trouver en état de manque. Les médecins ont souvent le sentiment d’être coincés entre l’arbre et l’écorce.
    Ce qu’il nous arrive d’observer, et je le constate dans ma pratique, est que les médecins de famille estiment que cela leur prend beaucoup trop de temps, que c’est trop difficile, et qu’ils subissent les pressions des organismes de réglementation d’une part et des patients et de leurs familles d’autre part, ce qui les incite à cesser de prescrire des stupéfiants. C’est la solution qu’ils envisagent. Eux estiment avoir fait leur travail avec leurs patients, mais ceux-ci se fournissent tout simplement ailleurs. Il faut que nous fassions un meilleur travail en mettant à la disposition de ce groupe de médecins les outils dont ils ont besoin pour prendre eux-mêmes leurs décisions, ainsi qu’avec les médecins prescripteurs qui ont besoin de plus d’aide et de conseils sur les dosages qui conviennent et, dans le cas des médecins prescripteurs, sur les modalités de réduction de la consommation de ces stupéfiants.
    Il est absolument certain qu’il reste encore beaucoup de travail à faire.
(0940)
    Votre temps de parole est épuisé. Je vous demande pardon.
    Madame Kwan, je vois sur la liste de nos membres que Mme Malcolmson est ici à titre de remplaçante. Allez-vous poser des questions?
    Oui, je vais en poser. Je vais commencer et, ensuite, Mme Malcolmson prendra la relève.
    Merci.
    Nous vous écoutons. Vous disposez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi tout d’abord de remercier tous les témoins de leurs exposés et, en particulier, d’exprimer ma reconnaissance aux premiers répondants pour le travail difficile qu’ils font dans notre communauté.
    Je précise ici que je suis la députée de Vancouver-Est, dans laquelle se trouve le quartier Est du centre-ville. J’adresse des félicitations spéciales aux premiers répondants de ce quartier et à la communauté, qui travaillent très fort pour essayer de faire face à cette crise permanente.
    C’est dans les années 1990 que le premier état d’urgence en santé publique a été déclaré. C’est aussi à cette époque que nous avons insisté pour obtenir le premier site d’injection supervisée. Depuis cette époque, nous sommes passés à une seconde série d’états d’urgence en santé publique avec l’apparition du fentanyl, qui est à l’origine des statistiques que vous nous avez présentées, monsieur Coleman. La situation est choquante, même pour une personne qui connaît la communauté depuis très longtemps. Je tiens ici, au sujet de la réduction des préjudices, à dire que le travail que vous faites est extrêmement important parce que, comme vous le savez, les personnes décédées ne peuvent pas être désintoxiquées. C’est ce à quoi nous devons nous attaquer et c’est une crise de nature médicale qui touche à la santé.
    Au sujet des questionnements sur l’avenir, étant donné la crise à laquelle nous faisons face actuellement qui touche l’ensemble du pays, que peut faire le gouvernement fédéral pour s’attaquer à ce problème? Quelles mesures devons-nous prendre pour nous assurer que le gouvernement fédéral réalise le travail indispensable en collaboration avec les paliers des gouvernements provinciaux et municipaux, avec les ONG et avec la communauté sur le terrain?
    Tout d’abord, je crois que nous devrions inciter le gouvernement fédéral à se pencher sérieusement sur cette crise, comme il le ferait pour n’importe quelle autre catastrophe touchant l’ensemble du pays, et lui recommander de venir en aide aux municipalités
    La décision de permettre aux premiers intervenants, en Colombie-Britannique ce sont le plus souvent les pompiers, d’utiliser la naloxone s’est révélée une première étape efficace. À Vancouver, le taux des décès à court terme imputables à des surdoses s’est stabilisé. Malheureusement, le nombre de surdoses continue d’augmenter.
    Si l’emploi de la naloxone facilite la tâche des premiers intervenants, ce sont ces derniers présents sur le terrain qui sauvent des vies. Voici comment les choses se déroulent: un toxicomane qui prend trop d’opioïdes risque de faire une surdose. Dans ce cas et sans intervention, sa respiration ralentit jusqu’à stopper, ce qui va provoquer un arrêt cardiaque et, ensuite, le décès. Tout dépend de l’intervention des premiers intervenants sur le terrain. Dans ces cas de surdoses, il est indispensable d’être présent sur le terrain pour sauver des vies et ce sont les municipalités qui assument le poids de ces interventions.
    Je crois que nous devrions prendre conscience que ces urgences relèvent autant de la santé mentale que de la toxicomanie. Dans le quartier est du centre-ville, pratiquement tous les patients que nos pompiers voient au quotidien ont des problèmes de santé mentale. S’ils décident de prendre des opioïdes, c’est pour atténuer le stress imputable à leur santé mentale. Les opioïdes les soulagent et réduisent temporairement leurs douleurs. Beaucoup de ces gens n’ont pas accès à une aide adéquate en santé mentale. Cette santé mentale joue un rôle déterminant dans tout ceci.
    Il faut aussi envisager d’offrir des services de santé mentale plus efficaces aux premiers intervenants. Ce sont eux qui, jour après jour, sont confrontés à ce genre d’urgences. Comme M. Coleman l’a évoqué, nos membres souffrent beaucoup d’être confrontés tous les jours à ces drames. Nous sommes satisfaits du travail que le gouvernement fédéral a fait jusqu’à maintenant pour identifier les traumatismes liés au stress. Les états de stress post-traumatique sont sans l’ombre d’un doute un sujet brûlant pour les premiers intervenants, au point de justifier une approche nationale du gouvernement fédéral pour s’en occuper.
(0945)
    Merci beaucoup.
    Serait-il temps, à vos yeux, de laisser tomber, par exemple, ces projets pilotes qui sont presque une tradition au gouvernement fédéral? Il décide de lancer un projet sur le soutien en santé mentale en se servant de logements qui ont été construits dans la communauté, et on observe que lorsque le projet pilote prend fin, il en est de même du programme et il n’y a plus de fonds disponibles. Il ne vous reste plus qu’à fermer les installations qui se sont révélées efficaces. Devons-nous mettre en place un soutien permanent pour ces programmes, pour nous permettre d’obtenir des résultats efficaces à long terme? Lorsqu’on parle d’offrir des traitements et de faire de la prévention, il faut avoir à sa disposition un parc de logements stable, et vous devez, par exemple, pouvoir offrir un soutien permanent en santé mentale aux personnes qui sont confrontées à ces difficultés dans nos communautés.
    Cela me paraît évident. Il vous suffit de parcourir les rues du quartier Est du centre-ville pour constater qu’il y a des membres de la société qui demandent désespérément de l’aide. Ils n’ont pas le soutien dont ils ont besoin et ils cherchent simplement à survivre d’un jour à l’autre. Si nous étions en mesure de leur apporter une aide à long terme pour lutter contre leur toxicomanie, ou pour faire face aux difficultés du logement, ou encore à leurs problèmes de santé mentale, nous contribuons beaucoup à faciliter leur vie.
    Je me tourne un instant vers vous, monsieur Coleman. Vous nous avez parlé des répercussions sur les premiers intervenants ou les pompiers qui interviennent sur le terrain. J’ai trouvé cela frappant. Si j’ai bonne mémoire, vous avez utilisé les termes « désespérés » et « impuissants » pour caractériser les réactions des personnes qui font face au premier chef à cette crise.
    Cela m’amène à me demander quelles sont les mesures qu’il faudrait prendre pour prendre soin des premiers intervenants et des personnes présentes sur le terrain dont le travail est de se trouver en première ligne pour sauver la vie des autres. Que pourrions-nous faire pour veiller à ce que vous disposiez des outils nécessaires pour faire efficacement votre travail et pour vous apporter le soutien voulu dans ces situations particulièrement difficiles.
    Comme l’a dit M. Lax, cela reviendrait à reconnaître qu’il s’agit d’un problème de dimension nationale et à apporter une aide avec les ressources limitées des municipalités. Nous vous avons déjà indiqué que nous nous démenons sur la scène locale pour collaborer avec le conseil municipal et le chef des pompiers pour obtenir davantage de personnel. Les pressions en ce sens sont importantes. Comme il s’agit d’un problème de dimension nationale, il est certain que l’aide du gouvernement fédéral serait utile et bienvenue.
    À court terme, il n’y a rien que ce comité puisse faire, mais je dois vous dire que les hommes et les femmes qui font ce travail de première ligne se sentent désespérés et abandonnés. Ils ont le sentiment que leur hiérarchie et leurs gestionnaires les abandonnent et ne se sentent pas soutenus.
    Lorsque notre chef a pris la parole lors d'une réunion de crise sur le fentanyl du conseil municipal de Vancouver, il a affirmé qu’il n’y a pas, dans ses effectifs, de problèmes de santé mentale et de ne pas s’inquiéter parce que nous avons une excellente équipe de gestion du stress à la suite d’incidents critiques. Eh bien, tout ne va pas bien. Nous apprécierions qu’un membre de l’équipe de gestions en visite à la caserne ne nous dise pas « Oubliez ça! », pour citer un sous-directeur, mais plutôt qu’il cherche à nous aider et qu’il écoute les collègues lui raconter leurs expériences.
    Je suis navré, mais vous avez épuisé votre temps de parole.
    Monsieur Eyolfson, la parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins d’être ici et les félicite tous des divers services qu'ils assurent.
    J’ai pratiqué la médecine d’urgence pendant près de 20 ans et, si je conviens que la prévention joue un rôle déterminant, cela n’empêche que nous sommes confrontés à une crise permanente. Il est évident que, dans un service d’urgence, quand tous les problèmes s’accumulent, on peut se contenter de dire qu’il aurait fallu prendre des mesures pour les éviter. J’ai pleinement conscience des difficultés que les premiers intervenants et les ambulanciers paramédicaux doivent affronter parce que nous les voyons sur leurs visages quand ils amènent ces patients. Ils se trouvent dans une horrible situation.
    Je suis pleinement d’accord avec ce qu’a dit ma collègue, Mme Kwan, sur la réduction des méfaits. Les données dont nous disposons en montrent bien l'importance.
    Docteur Blackmer, vous nous avez parlé des lourdeurs imposées par la Loi sur le respect des collectivités. Quelles sont précisément les dispositions de cette loi qui sont problématiques à vos yeux et qui empêchent de mettre en place davantage de stratégies de réduction des méfaits?
    Il y en a un certain nombre et je peux vous citer, en particulier, le nombre d'obstacles que les communautés doivent franchir et les entraves imposées en exigeant des lettres de soutien, et un certain nombre d’autres procédures qu’il faut suivre. Je crois que nous convenons tous que l’apport de la communauté constitue un aspect du processus de prise de décision. Il est sans aucun doute important mais il est manifeste que l’exigence de lettres de soutien de tous ces avocats et de tous ces niveaux impose des lourdeurs administratives qui finissent par l’emporter sur les avantages éventuels de l’apport de la communauté. Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres.
    Je vous signale que nous convenons bien volontiers que la réduction des méfaits est un aspect d’une approche globale à cette crise, et même un aspect très important de celle-ci. Nous savons également que dans les communautés où ces cliniques ont été ouvertes, même si elles se sont heurtées à des obstacles avant leur ouverture, les enquêtes réalisées par la suite montrent que, dans de nombreux cas, les communautés concernées ont fini par les juger bénéfiques. Cette loi comporte un certain nombre de dispositions qui, tout en étant importantes, imposent davantage d’obstacles que ce n’est nécessaire.
(0950)
    Merci.
    Monsieur Bursey, vous pouvez peut-être nous faire part du point de vue des pharmaciens sur cette question. Nous parlons ici de la disponibilité des opioïdes. Le Manitoba a été confronté à l’un des problèmes connexes, qui a été constaté par les milieux pharmaceutiques et médicaux. Ce problème était lié au Tylenol 1. À titre de rappel, les Tylenol 2 et 3 ne sont disponibles que sur ordonnance. Chaque comprimé de Tylenol 3 contient 30 milligrammes de codéine alors que le Tylenol 1, qui n’en contient que 8 milligrammes, est en vente libre. On a donc observé dans cette province que beaucoup de toxicomanes en achetaient, parce qu’il était en vente libre et qu’il pouvait en absorber en grande quantité. Comme il faut des quantités importantes de Tylenol 1 pour ressentir les effets de la codéine, les gens en absorbaient beaucoup au point d’endommager leur foie et devaient se présenter à l’hôpital, où l’on constatait parfois qu’il fallait procéder à une transplantation de cet organe.
    On a également découvert qu’il y a sur YouTube une vidéo de quatre minutes qui montre comment extraire de la codéine pure des comprimés de Tylenol 1.
    Face à ce problème, le Manitoba a décidé que le Tylenol 1 ne serait plus disponible que sur ordonnance. Le fait de retirer de la circulation une autre source de stupéfiants constitue-t-il une stratégie présentant une certaine utilité?
    Cela me paraît une bonne stratégie. Dans ma pratique, j’ai vu beaucoup de patients chercher du Tylenol 1. Nous en sommes arrivés à un point où nous exigions que le pharmacien procède à une évaluation du patient pour déterminer si ce médicament convient à son état. C'est par exemple le cas face à quelqu’un souffrant d’une migraine ou d’un abcès provoqué par une infection dentaire. Ensuite, le pharmacien rédige une ordonnance en fonction de son évaluation du patient, ordonnance inscrite dans le dossier de santé du patient pour permettre un suivi. Il s’agit pour nous de continuer à en remettre aux patients chez qui c’est justifié, à l’exclusion des toxicomanes. Dans le cas de ces derniers, nous les informons des diverses thérapies disponibles, comme celles offertes dans les services de toxicomanie.
    Je peux vous affirmer que la stratégie que nous avons mise en place dans notre pharmacie a vraiment donné des résultats et je crois que ce serait aussi le cas avec celle retenue par le Manitoba. Je m’inquiète pour les patients qui prennent du Tylenol 1, ou d’autres produits contenant de la codéine, à bon escient. Si vous remontez sa classification et que les pharmaciens ne peuvent plus en prescrire après une évaluation attentive d’un patient, cela pose un problème, mais je crois qu’il doit être possible de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties.
    Pour être bien clair, les pharmaciens du Manitoba peuvent le prescrire.
    Ah oui?
    Oui. Ils peuvent le prescrire mais doivent auparavant se livrer à une évaluation des besoins du patient. Ils doivent donc le prescrire au moyen d’une ordonnance qui est inscrite, comme tout autre ordonnance, dans le dossier médical électronique, ce qui permet par la suite d’exercer un suivi.
    Je crois que c’est une piste valable. J’espère qu’un plus grand nombre de provinces vont collaborer pour adopter cette solution.
    Merci.
    Vous avez fait allusion aux presses à comprimés commerciales. Toujours au Manitoba, nous sommes maintenant confrontés à des nouvelles fort alarmantes. On trouve à Winnipeg du carfentanil. Je connais ce produit depuis ma résidence. C’est un tranquillisant pour éléphants. Lorsque j’ai étudié la toxicologie, pendant cette résidence, j’ai lu qu’on ne trouvait ce produit que si l’hôpital se trouvait à proximité d’un service vétérinaire pour gros animaux, comme ceux qui peuvent être rattachés à un zoo, parce qu’il y a une vingtaine d’années c’était le seul genre d’endroit où il était possible, par accident, d’être exposé à ce produit. Les temps ont changé et on en trouve maintenant.
    À Winnipeg, il est malheureusement apparu sur des buvards comparables à ceux qu’utilisent les jeunes qui prennent d’autres drogues comme l’ecstasy, en particulier lors des raves. Rien n’indiquait de quel produit ce buvard était imprégné, mais il s’agissait bien de carfentanil. La police a mis la main sur une expédition assez importante. Au cours des derniers mois, on a enregistré au moins deux surdoses imputables à ce carfentanil à Winnipeg.
    Cela dit, étant donné qu’il est si facile de présenter le fentanyl dans un format rendant sa consommation facile, on peut se demander si l’interdiction des presses à comprimés commerciales aurait des effets réels ou si elle aurait simplement pour effet de détourner cette production vers un autre format facile à écouler dans la rue.
(0955)
    Comme nous vous l’avons déjà dit, je ne crois pas qu’il y ait de solution miracle qui permette de résoudre tous les problèmes, mais je crois que nous allons devoir utiliser un certain nombre de modalités différentes pour trouver des solutions. Il me semble que la réglementation de l’importation des presses à comprimés est une solution. Il me paraît évident qu’il y a des choses à faire en ce qui concerne ce tranquillisant pour éléphant, et je suis convaincu que, si nous nous attaquons au problème au moyen d’une approche multipartite et transversale, nous réussirons à faire des progrès et à être plus efficaces dans la lutte contre la toxicomanie.
    Ma dernière question s’adresse aux collègues de la Vancouver Fire Fighters’s Union. Je conviens à nouveau que la naloxone est un palliatif, un pansement en l’occurrence, mais quand une personne saigne vous avez besoin d’un pansement. Certaines administrations ont commencé à demander à leurs services de police d’être les premiers à intervenir dans certains cas. Aux États-Unis, les membres de certains corps de police transportent dans leur voiture des défibrillateurs mobiles et ce sont eux qu’on appelle en téléphonant au 911 lorsqu’une personne s’effondre sur place. Il est également question, à certains endroits, de former les policiers à l’utilisation de la naloxone intranasale. Est-ce que l’intervention de la police dans ce type de cas, en particulier avec la nouvelle législation qui n’entraîne plus automatiquement pour les policiers de condamnation pour la possession de drogue, serait utile pour faire face à cette catastrophe en attendant que nous ayons la situation sous contrôle?
    Je crois que oui. J’ai déjà entendu un débat sur le sujet lors de la réunion tenue il y a quelques semaines au cours de laquelle notre chef disait que tout allait bien. Un agent de police est également intervenu sur ce sujet. Le sujet est donc bien débattu actuellement. C’est une mesure qui n’est pas appliquée pour l’instant, mais je suis sûr qu’elle le sera un jour.
    Je suis ravi de l'apprendre. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la série de questions-réponses de cinq minutes, et nous commençons avec Mme Harder.
    Permettez-moi pour commencer de me joindre à mes collègues en vous remerciant très respectueusement d’être venus nous rencontrer aujourd’hui, de nous consacrer ainsi de votre temps et de nous faire profiter de vos compétences. Nous vous en sommes tout à fait reconnaissants.
    Ma première question s'adresse à M. Blackmer.
    J’ai récemment eu l’occasion de discuter avec un adolescent autochtone de ma communauté qui se vantait auprès de moi, sans savoir qui j’étais précisément, de se procurer des médicaments d’ordonnance, dont des opioïdes, auprès de son médecin, et de les revendre ensuite. Il m’a confié être lui-même toxicomane et retirer de 10 à 25 $ de la vente de chaque gélule. Pour l’essentiel, c’est ainsi qu’il réussit à vivre. Il va chez son médecin, se fait prescrire ces médicaments et les revend sur un marché illégal.
    Manifestement, son médecin l’alimente de façon continue et il ne semble pas qu’il puisse en être tenu responsable. L’adolescent en question ne garde pas ces médicaments pour sa consommation, et on peut donc même se demander s’il en a ou non besoin. J’aimerais donc savoir ce que vous en pensez et si cela se produit dans toutes les régions du Canada. Cela se produit-il souvent? Comment devrions-nous nous y prendre pour faire cesser ce type de comportement?
    Je ne suis pas en mesure de vous citer des statistiques précises à ce sujet, mais il ne fait aucun doute que c’est un sujet de préoccupation partout au Canada. Le problème des patients qui revendent des médicaments d’ordonnance ne se manifeste pas que dans une seule province ou un seul territoire. C’est un phénomène qui existe depuis des années. Cela nous renvoie certains des défis que j'ai évoqués auparavant et auxquels le médecin est confronté dans sa relation de personne à personne avec son patient. Il est très difficile pour un médecin de dire: « J’ai l’impression que c’est le type de personne qui va revendre ses médicaments. »
    Il faut que vous réalisiez que ce type de patient a bien préparé son argumentaire. Certains d’entre eux sont très bons. S’ils en vivent, c’est qu’ils sont excellents. Ils prétendent beaucoup souffrir. Ils racontent des histoires très convaincantes et le font même parfois auprès de plusieurs médecins dans une même journée. Ils s’adressent parfois à un fournisseur de soins de première ligne, mais le plus souvent c’est dans des cliniques sans rendez-vous ou dans des salles d’urgence qu’ils se rendent. Là, on n’a pas le temps d’établir de relation, et le patient ne rencontre le médecin qu’une fois.
    Ces professionnels de la santé ont parfois énormément de mal à cerner précisément la cause de certains de ces problèmes et à comprendre comment ces médicaments sont utilisés.
    Il est possible d’adopter un certain nombre de mesures pour atténuer ces difficultés. On peut penser ici à des programmes de surveillance pharmaceutique qui permettent aux médecins de consulter en temps réel l’historique du patient et de lui dire, par exemple, « Eh bien, vous êtes allés à l’urgence hier et on vous y a prescrit exactement le même médicament que celui que vous me demandez à nouveau. »
    Le médecin doit disposer de plus de temps pour avoir cette conversation avec son patient et pour tenter de déterminer si celui-ci est ou non toxicomane, mais aussi pour analyser les facteurs de risque pouvant indiquer qu’il a l’intention de revendre ses médicaments. Là encore, il n’y a pas de solution parfaite. Il faut mettre en place un certain nombre de mesures.
    Un médecin ou un autre professionnel de la santé travaillant en première ligne aura beaucoup de mal à déterminer en si peu de temps ce qu’il adviendra de ces médicaments lorsqu’il les aura prescrits.
(1000)
    Il me semble que la situation serait passablement différente si nous mettions en place un système national de base de données sur l’utilisation des médicaments d’ordonnance afin que nous sachions ce qui est prescrit, pour quelle raison, et à quelle fréquence. Il y aurait peut-être d’autres types d’informations à y ajouter. Donneriez-vous votre accord à la mise en place d’un tel système?
    Tout à fait. Il serait d’une très grande utilité. Je crois qu’il s’agit là d’un rôle important que le gouvernement fédéral pourrait assumer dans ce domaine. Nous savons que les gens peuvent franchir facilement les frontières au Canada, et nous savons qu’il n’y a pas de frontière à la recherche de la drogue. Pouvoir accéder à ses données en temps réel…
    Un médecin ne peut se contenter d’apprendre deux semaines plus tard que le patient qu’il a vu s’est adressé à plusieurs collègues et a obtenu plusieurs ordonnances. Cela serait utile pour l’avenir et pour, éventuellement, modifier sa pratique, mais cela ne lui permettrait pas d’aborder le problème en personne avec le patient. Il faut disposer de toute l’information en temps réel. Nous n'avons pas accès pour l’instant un à tel système.
    J’ai appris récemment qu’à certains endroits aux États-Unis, les médecins donnent couramment une consultation préalable avant de remettre une ordonnance. Il fait alors venir le patient, s’assoit et parle avec lui, s’informe des raisons pour lesquelles il demande une ordonnance et, lors d’une rencontre ultérieure avec le même patient, il lui prescrit les médicaments nécessaires.
    Si je comprends bien, l’objectif est ici d’imposer une période d’attente qui permet aux médecins de se faire une opinion, mais qui permet aussi à la personne qui veut se procurer des opioïdes de profiter d’une échappatoire.
    Pensez-vous qu’un tel mode de fonctionnement serait utile au Canada?
    Je sais que certains médecins canadiens procèdent de cette façon en imposant plusieurs consultations et réunions étalées dans le temps. C’est une méthode qui peut aussi poser des problèmes.
    Si vous prenez le cas d’une personne ayant des douleurs difficiles à supporter et qui a besoin, à juste titre, de médicaments contre la douleur, se faire interroger plusieurs fois sur une période de trois semaines pour obtenir une ordonnance d’un médecin ou d’un professionnel de la santé peut se révéler particulièrement pénible. C’est une solution qui peut convenir parfaitement dans certains cas et qui présente beaucoup de difficultés dans d’autres.
    Votre temps de parole est épuisé.
    Madame Sidhu, nous vous écoutons.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci également à tous nos témoins. Ma question s’adresse aux représentants de la Vancouver Fire Fighters' Union.
    Est-ce que des communautés sont particulièrement touchées par cette crise? Vous nous avez dit que c’est bien plus un problème de santé mentale que de toxicomanie. Quel type de formation vous paraîtrait utile et quels types de ressources nécessiterait-elle? Dites-nous ce que vous en pensez.
    Au risque de simplifier à l’excès, je crois que c’est une question de logement et de soutien en santé mentale
    Je suis convaincu que vous avez entendu parler de la crise du logement dans la ville de Vancouver, et la situation n’est pas meilleure dans le quartier est du centre-ville où une boulangerie de plain-pied que les résidants du quartier trouvaient abordable change de zonage pour faire place à une propriété condominiale de 13 étages dont le principal locataire sera Starbucks.
    En ce qui concerne les questions de santé mentale, avez-vous une vision de la formation nécessaire ou pensez-vous à d’autres ressources?
    Ce sont des domaines sur lesquels je ne peux pas me prononcer.
    Pour poursuivre sur le point soulevé par Chris, ce dont ont besoin quantité de ces membres de la société est avant tout un logement. Un logement stable permet ensuite de s'attaquer à la stabilité mentale.
    Quand vous parcourez les rues jour après jour, sous la pluie froide qui caractérise Vancouver en hiver, il ne vous est pas possible de parvenir à la stabilité mentale. Vous cherchez simplement à survivre. Vous voulez trouver le prochain endroit où vous allez pouvoir vous allonger le soir. C’est une question de survie. Si vous commencez à satisfaire les besoins fondamentaux de nourriture et d’abris, vous pouvez ensuite progresser pour parvenir au bien-être mental.
    Merci.
    Mon autre question porte sur la naloxone. Je sais qu’elle n’apporte qu'un soulagement temporaire. Seriez-vous d’accord pour qu’elle soit disponible dans les communautés éloignées, rurales, nordiques et urbaines, et qu’elle soit facile d’accès?
(1005)
    Est-elle accessible actuellement?
    Oui, dans toutes les communautés, si elles le veulent, rurales, urbaines…
    Je n’en étais pas certain, mais j’ai supposé que c’est le cas.
    Et sans entrave?
    Ce n’est pas un médicament d’ordonnance
    Il n’y a pas d’entrave. Elle est facilement…
    C’est exact, mais elle a un coût.
    D’accord.
    Cette question s’adresse à l’APhC.
    Pensez-vous que les prescriptions abusives de fentanyl contribuent à cette crise des opioïdes?
    Je crois que l’essentiel du fentanyl à l’origine de ce problème ne provient pas des timbres classiques de fentanyl destinés à des patients comme ceux souffrant d’un cancer. Le fentanyl en cause ici provient surtout de l’extérieur du pays sous forme de comprimés. Il n’en faut pas beaucoup pour permettre à ses consommateurs de parvenir à l’euphorie. Ce produit vient essentiellement de l’étranger.
    Nous avons entendu dire que le nombre d’ordonnances de fentanyl a augmenté. Savez-vous pourquoi?
    On a enregistré une hausse des ordonnances d’opioïdes. Je ne sais pas avec certitude s'il s’agit d'ordonnances de fentanyl, de morphine, ou encore d’hydromorphone. Pour moi, je n’ai pas observé dans ma pratique d’augmentation des quantités de fentanyl remis à des patients, mais je sais pour en avoir parlé avec des représentants d’organismes d’application de la loi qu’ils enregistrent une hausse des quantités de fentanyl synthétique provenant de l’étranger. Il provient essentiellement d’outre frontière.
    Des témoins que nous avons entendus auparavant nous ont expliqué qu’affirmer qu’un stupéfiant puissant amène les gens à en demander davantage. Ils veulent avoir l’air décontractés.
    Est-ce ainsi que les gens réagissent? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Je vous demande pardon, mais pourriez-vous m’en dire un peu plus sur le contexte de cette affirmation, s’il vous plaît?
    Un témoin nous a déjà raconté que le fait de dire que le fentanyl est un stupéfiant puissant amène les gens à vouloir s’en procurer pour avoir l’air décontractés. Est-ce la réalité?
    Je peux vous affirmer que, dans ma propre pratique, je n’ai jamais utilisé l’expression « stupéfiant puissant » en m’adressant à un patient. Je lui dirais plutôt que le médicament en question va soulager efficacement sa douleur ou encore que c’est un médicament avec lequel il faut être prudent. Lorsque nous conseillons nos patients, jour après jour, nous tenons à nous assurer qu’ils sont pleinement informés des caractéristiques de leurs médicaments. Si nous avons l’impression qu’un médicament ne convient pas à un patient, nous consultons alors le médecin qui lui a remis son ordonnance pour assurer la sécurité de ce patient.
    Merci.
    Monsieur Webber, vous devez avoir là quatre pages de questions.
    Pour vous dire la vérité, toutes ces questions ont déjà été posées.
    Je m’adresse maintenant à nos premiers répondants parce que j’aimerais obtenir des renseignements plus précis sur la façon d’administrer la naloxone. Que faut-il faire précisément pour en administrer à un patient? Faut-il faire une injection dans une veine? J’ai entendu dire que vous pouvez maintenant utiliser un vaporisateur nasal pour l’administrer. Pouvez-vous nous dire comment vous procédez pour l’administrer à votre patient?
    Le premier intervenant qui arrive sur place doit évaluer le niveau de conscience du patient et déterminer s’il s’agit d’une surdose. En règle générale, dans un tel cas, on trouve de bons indices à proximité comme des aiguilles ou des seringues traînant dans une allée. Ensuite, le premier intervenant essaie de soumettre la personne à un stimulus douloureux léger pour voir si elle réagit. L’étape suivante est l’évaluation de la respiration et, au besoin, la pose d’un appareil respiratoire pour la faciliter. Ensuite, nous remplissons la seringue à même un petit flacon et faisons une injection intramusculaire. Je ne sais pas avec précision quelle est la dose. Il arrive que nous devions faire plusieurs injections, mais lorsque la naloxone agit, le patient sort de son euphorie en une vingtaine de secondes et est souvent très fâché que nous ayons fait disparaître cette euphorie.
    C’est très intéressant. C’est un peu comme si vous utilisiez un dispositif d'auto-injection comme un EpiPen.
    C'est tout à fait exact.

[Français]

     Au Québec, la situation est différente. Dans de tels cas, nous utilisons un vaporisateur. Le médicament est retiré d'une fiole et mis dans une seringue, à laquelle on ajoute un vaporisateur pour administrer le médicament par le nez. Il faut alors faire un monitorage auprès du patient. Le sevrage est quasi instantané. Il peut y avoir beaucoup d'agitation de la part du patient et il faut donc contrôler l'espèce d'agressivité liée à ce nouvel état. Il faut faire un suivi en utilisant un électrocardiogramme. Selon la quantité de drogue absorbée, l'antidote cesse son effet après 30 à 40 minutes. Si la personne est encore sous l'effet d'opioïdes, elle peut retomber en surdose. Il faut donc, chaque fois, faire un monitorage d'environ 30 minutes et transporter rapidement le patient à l'hôpital.
(1010)

[Traduction]

    Très bien. Je vous remercie de ces informations. Monsieur Leclerc, vous nous avez indiqué que pour être autorisé à utiliser un EpiPen de naloxone, il faut avoir suivi un programme de formation de quatre heures au cours duquel on apprend à administrer ce médicament. Je suis surpris qu’il faille quatre heures pour apprendre à se servir d’un EpiPen.

[Français]

    En ce qui concerne ce médicament, la formation est d'environ quatre heures.

[Traduction]

    Merci.
    Je vous demande pardon de vous interrompre, mais il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Je m’adresse à M. Bursey. Vous nous avez dit à quelques occasions que ces stupéfiants viennent de l’étranger. Nous avons entendu ici d’autres témoins qui nous ont dit qu’ils viennent surtout de Chine, qui est le plus important fournisseur de drogues illicites dans ce pays. Monsieur le président, je sais fort bien que nous avons déjà parlé du dépôt de ma motion, que je déposerai respectueusement lorsque nos témoins en auront terminé, mais j’aimerais en parler maintenant puisqu’elle propose d’inviter l’ambassadeur de Chine à venir témoigner ici, devant nous, pour qu’il nous explique les mesures prises par le gouvernement chinois pour s’attaquer à la fabrication, la distribution et la vente des opioïdes illégaux qui entrent au Canada. Je vais attendre pour cela la fin de notre séance.
    J’ai été ravi de vous compter parmi nous aujourd’hui et d’entendre vos commentaires. Ils ont été très éclairants. J’imagine que j’ai épuisé mon temps de parole.
    Nous vous écoutons, monsieur Kang.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J’aimerais commencer par remercier les intervenants de leurs exposés et de nous avoir tenus informés des derniers développements de cette crise à laquelle nous sommes confrontés.
    Docteur Blackmer, combien de sites d’injection supervisée nous faudrait-il pour contenir cette épidémie, et pourraient-ils nous servir également pour des crises ultérieures?
    Je ne crois pas que nous connaissions le nombre exact qui serait nécessaire. Je sais que quelques municipalités se sont efforcées de préciser les besoins que chacune d’elles aurait. À Ottawa, nous avons eu un certain nombre de discussions sur le sujet et il faudrait probablement plus d’un de ces sites étant donné la taille de notre population. Des villes comme Toronto et Montréal, et d’autres aussi, ont procédé à quelques analyses de cette question.
    Je crois que ce qu’il faut bien comprendre est que le volet de la réduction des méfaits, qui peut comprendre des sites d’injection supervisée, ne constitue qu’un élément d’une stratégie globale de lutte contre la dépendance aux opioïdes. Comme vous l’avez déjà entendu dire, cela ne va pas régler toute la question. Ce n’est qu’un aspect de celle-ci qui mérite qu’on y accorde plus d’attention et de soutien.
    Selon vous, quelles autres pistes pourrions-nous étudier pour atténuer cette crise?
    Autres que la réduction des méfaits?
    Oui.
    Il y a un certain nombre de pistes prometteuses. Il y a celle de la prévention, dont nous avons entendu parler, celle de formation des médecins et des autres prestataires de soins, en cherchant des solutions de remplacement, avec divers types d’initiatives et d’interventions sur la gestion de la douleur. Il y a aussi le traitement des patients dépendants, qu’il s’agisse de désintoxication — qui ne fonctionne pas très bien dans les cas de la dépendance aux stupéfiants et aux opioïdes —, ou des thérapies de remplacement avec des produits comme le suboxone. Viennent ensuite les programmes de surveillance pharmaceutique qui sont un élément très important de toute cette question.
    Encore une fois, en s’attaquant à n’importe lequel de ces problèmes, on risque d’obtenir des conséquences indésirables, comme on nous l’a déjà dit. Il nous faut une stratégie nationale énergique. Nous avons évoqué un peu ce qu’elle pourrait comprendre. Elle devra s’attaquer à la fois à tous ces types de problèmes. Qu’il s’agisse de la disponibilité de la naloxone en première ligne, d’une meilleure formation des prestataires de soins, ou des stratégies de réduction des méfaits, il faudra qu’elle comporte plusieurs volets.
(1015)
    D'accord.
    Un projet pilote d’injection supervisée lancé à Vancouver permettait aux toxicomanes de dépister la présence de fentanyl dans leur drogue. Ils ont constaté que 86 % des drogues testées contenaient du fentanyl. Lors de sa comparution devant le Comité, le 6 octobre 2016, la Dre Bonnie Henry, vice-administratrice de santé provinciale de la Colombie-Britannique, a parlé d’obstacles de nature législative qui empêchent les gens de dépister la présence de fentanyl dans leurs drogues. Elle a ajouté qu’il faudrait modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances de façon à autoriser cette pratique.
    Selon vous, y aurait-il lieu de lever les obstacles législatifs afin de permettre plus facilement aux toxicomanes de dépister la présence de fentanyl, ou possiblement d’autres substances, dans leurs drogues? Dans l’affirmative, comment devrait-on mettre les trousses de dépistage à la disposition des personnes qui consomment des drogues? Pensez-vous que cela contribuerait à atténuer le problème des surdoses?
    Je suis d’avis que la possibilité d’identifier ces substances devrait constituer un élément d’une stratégie globale et qu'il faudrait agir en conséquence. Je crois que nombreux sont les Canadiens qui ont été scandalisés de découvrir ces statistiques révélant que le fentanyl parvient ainsi à être présent dans d’autres substances. Des témoins nous ont parlé des importations en provenance de l’étranger. Je crois que l’analyse de ces substances est tout à fait logique, mais ne constitue qu’un élément d’une stratégie globale.
    Merci monsieur.
    Monsieur Bursey, quel rôle les pharmaciens peuvent-ils jouer pour cibler et traiter les personnes atteintes de troubles liés à l’utilisation de ces substances?
    Les pharmaciens sont souvent les yeux et les oreilles des médecins en première ligne. Nous voyons les patients, en particulier ceux souffrant de dépendance ou les patients qui prennent des médicaments contre la douleur, de nombreuses fois tout au long de l’année. Au Nouveau-Brunswick, une personne rend visite à son pharmacien en moyenne 16 fois dans l’année. Cela nous met en excellente position pour reconnaître les toxicomanes et pour collaborer avec nos médecins à nos programmes de traitement des dépendances, pour trouver des solutions et pour nous assurer que les patients dépendants peuvent être traités. Je crois que les pharmaciens jouent un rôle essentiel en collaborant avec les autres professionnels de la santé.
    Votre temps de parole est épuisé.
    Madame Malcomson, merci d’être parmi nous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je m’appelle Sheila Malcolmson et je suis la députée de Nanaimo—Ladysmith. Depuis 2008, nous avons le triste privilège de compter davantage de décès par habitant imputable à des surdoses que n’importe où ailleurs en Colombie-Britannique. Cela fait un certain temps que cela dure.
    Le mois dernier, le coroner de la Colombie-Britannique a déclaré que le territoire desservi par la Vancouver Island Health Authority — vous savez, cette île paradisiaque, cette région rurale — a enregistré la plus importante hausse de décès par opioïdes, une hausse de 135 % par rapport à l’an dernier, et nous avons le taux de plus élevé de décès par surdose de la Colombie-Britannique. J’apprécie donc à sa juste valeur le travail que font tous les hommes et toutes les femmes qui se trouvent en première ligne et j'aime vous entendre défendre la bonne cause par l’intermédiaire de tous les organismes auxquels vous appartenez.
    Monsieur Enderle, vous auriez dit l’an dernier que c’est vraiment là une catastrophe qui touche toutes les régions du Canada. On nous le répète encore et encore. À votre avis, la crise des surdoses d’opioïdes constitue-t-elle une urgence nationale?
    Je crois que c’est effectivement le cas. Au début, nous n’en entendions parler qu’à certains endroits. On nous disait qu’il y avait un problème à Vancouver, peut-être également dans les Prairies, mais maintenant toutes les communautés sont touchées. C’est facile à observer quand on travaille dans une pharmacie.
    Je travaille dans l’ouest d’Ottawa et je constate qu’il y a une partie de la population qui a été profondément touchée par cette crise. Nous voyons des gens qui ont des problèmes avec leurs médicaments. Certains se présentent tôt à la pharmacie avec leur ordonnance d’opioïdes, et nous avons le sentiment qu’ils perdent le contrôle de l’utilisation qu’ils devraient faire de ces médicaments. C’est sans aucun doute un problème d’ampleur nationale. Toutes les communautés sont touchées, sans exception. C’est pourquoi je suis d’avis que nous devons réagir comme nous le ferions face à une crise nationale.
(1020)
    Je vous remercie.
    Monsieur Blackmer, nous vous sommes reconnaissants de votre plaidoyer. J’ai appris que le gouvernement de l’Ontario vient de nommer ce que j’appellerai un coordonnateur des surdoses. C’est la première province à confier à un coordonnateur l’élaboration des systèmes de surveillance et de rapports pour recueillir des données sur les décès par surdose et pour prendre des décisions éclairées sur les soins des patients.
    Êtes-vous d’avis que le gouvernement fédéral devrait suivre la même voie en confiant à l’administrateur en chef de la santé publique le mandat de coordonner les réactions à l’échelle nationale à la crise des surdoses imputables aux opioïdes?
    Tout à fait, et je crois que le gouvernement fédéral aurait beaucoup à apprendre de ce qui se fait dans les provinces. Vous sembliez vous demander s’il s’agit d’une urgence nationale. La Colombie- Britannique a déclaré un état d’urgence provincial, essentiellement pour avoir accès à certaines données qu’elle n’aurait pu consulter autrement, pas uniquement celles portant sur les décès par surdose mais aussi pour connaître le nombre réel de surdoses. Je crois que le gouvernement fédéral aurait beaucoup à apprendre en examinant les mesures prises par les provinces. Il pourrait s’en inspirer et les appliquer au niveau national.
    Votre temps de parole est écoulé. J’en suis navré.
    Cela met fin aux témoignages d’aujourd’hui. Je tiens à remercier les témoins de leur apport à nos travaux. Vous êtes tous très impliqués dans ce problème et vous nous avez beaucoup aidés. Notre rapport tiendra compte de ce que vous nous avez dit. Je vous remercie très sincèrement d’être venus nous rencontrer aujourd’hui.
    Mesdames et Messieurs les membres du Comité, nous avons encore à discuter de certaines affaires du Comité et nous allons faire une pause de deux minutes avant de reprendre nos débats pour traiter de certaines motions.
(1020)

(1025)
    Nous reprenons maintenant nos travaux.
    Nous devons d’abord nous pencher sur certaines motions. Lorsque nous avons débuté cette étude, nous avons convenu que nos débats seraient publics et télédiffusés, mais il s’agit là d’affaires du Comité et il faut que les membres décident si nous allons les poursuivre dans les mêmes conditions ou si nous allons siéger à huis clos. Je sais que M. Webber, l’auteur de la motion, préfère siéger en public. Il s’agit donc de savoir si nous allons ou non siéger à huis clos.
    Monsieur Webber, nous vous écoutons.
    D’accord, mais je tiens à dire publiquement que je veux présenter cette motion.
    Nous avons entendu de nombreux témoins nous dire que ces drogues illégales posent un problème et viennent surtout de Chine. Parmi ces témoins, nous avons entendu des représentants de l’Agence des services frontaliers du Canada et de la GRC. Tous nous ont déclaré que ces stupéfiants illégaux viennent de Chine et que c’est là que se trouve le problème. Nous parlons de « super stupéfiant » comme le super fentanyl et le carfentanil. Certaines des expéditions de ces stupéfiants qui arrivent au pays seraient suffisantes pour faire disparaître la population du Canada.
    Monsieur le président, je veux proposer cette motion maintenant. Elle se lit comme suit:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité prie Son Excellence Monsieur Zhaohui LUO, ambassadeur de la République populaire de Chine, de comparaître devant lui pour lui communiquer des éléments probants au sujet des mesures prises par son gouvernement pour enrayer la fabrication, la distribution et la vente d'opioïdes illicites au Canada.
    Monsieur Oliver.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Sans entrer dans la discussion des mérites de cette motion, je crois que nous devrions nous en tenir au sujet que vous nous avez soumis: allons-nous oui ou non siéger à huis clos? Indépendamment des mérites de cette motion, je crois qu’il est d’usage que le Comité discute des témoins que nous voudrions inviter à huis clos, et je vous demanderai donc de passer immédiatement à huis clos.
(1030)
    Monsieur Kang, la parole est à vous.
    Je suis d’accord avec M. Oliver.
    Docteur Carrie.
    Je ne suis pas d’accord. Je suis partisan de… Nous pouvons siéger à huis clos pour discuter des témoins que nous voulons inviter, et cela fait partie des affaires du Comité et il me semble que c’est l’usage. Toutefois, dans le cas de cette motion, je crois que nous pouvons en débattre et voter à son sujet en public. Je crois que mon collègue va poser la question immédiatement.
    M. Len Webber: J’ai posé la question immédiatement.
    D'accord.
    Que tous ceux qui sont en faveur de poursuivre à huis clos le disent. Ceux qui sont contre?
    D'accord. Nous poursuivons à huis clos.
    [Note de la rédaction: inaudible] en compte les mains. Cela me paraît très …
    Bien, votons à nouveau.
    Que tous ceux qui sont en faveur de poursuivre à huis clos le disent. Cinq en faveur. Contre? Quatre. Nous poursuivons à huis clos.
    Une voix: Pouvons-nous tenir un vote par appel nominal?
    Le président: Un vote par appel nominal? Nous avons déjà voté. Nous poursuivons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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