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ETHI Rapport du Comité

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ANNEXE C : TÉMOIGNAGE RELATIF AU MODÈLE HYDBRIDE

 

Témoignage sur le modèle hybride

« Notre discussion est née des plaintes du commissaire au sujet des retards excessifs, atteignant parfois deux, trois ou quatre années, avant la divulgation de l'information demandée, et ce pour une proportion inouïe des demandes. [..] C'est nous qui avons proposé au commissaire un modèle comprenant le pouvoir de rendre des ordonnances et nous étions enclins à le retenir, mais le commissaire ne cessait de s'y opposer, faisant valoir que le modèle d'ombudsman fonctionnait mieux. Il soutenait que le pouvoir de rendre des ordonnances entraînerait des retards encore plus longs du fait qu'il faudrait faire une évaluation circonstanciée et rédiger une décision justificative susceptible de résister à un examen judiciaire minutieux en cas d'appel d'une telle ordonnance. Il pensait que les retards seraient encore plus longs en raison des procédures d'appel et ainsi de suite […] Au fil de nos discussions, la cause de certains de ces retards inhérents commençait à émerger, et le commissaire a fini par reconnaître qu'il s'accommoderait d'un modèle comprenant le pouvoir de rendre des ordonnances, qui pourrait fonctionner convenablement, mais qu'il pensait néanmoins que le modèle d'ombudsman était le meilleur pour Terre-Neuve-et-Labrador.  Après avoir fait une évaluation détaillée de la cause de ces retards — tous ces renseignements sont dans notre rapport —, il s'est avéré que 90 % des retards étaient imputables au commissariat lui-même. Ses procédures et son approche ne différaient pas sensiblement de ce qui se faisait dans la plupart des autres provinces […]Nous avons cherché des moyens pour accélérer le processus, et nos efforts en ce sens ont abouti au modèle hybride. Nous avons imposé des délais très stricts dans l'échéancier fixé […] Lorsque le commissaire formule une recommandation, si l'organisme public concerné la trouve inacceptable, il a le choix soit d'appliquer la recommandation et de divulguer l'information demandée, soit de s'adresser sans tarder au tribunal, dans un délai de 10 jours, en vue d'obtenir une ordonnance de non-divulgation. De ce fait, le fardeau incombe désormais à l'organisme public plutôt qu'au demandeur. Il s'agit effectivement de l'équivalent d'une ordonnance, mais qui ne place pas le commissaire dans la position où lui ou ses collaborateurs doivent se résigner à ces processus d'audience et à la rédaction de ces décisions érudites, exhaustives, de caractère judiciaire accompli, ce qui prend énormément de temps, et ensuite à comparaître à l'audience d'appel devant le tribunal chargé d'entendre l'affaire de nouveau[1] ».

M. Clyde Wells

« S'il y a un modèle hybride qui traite 700 recommandations, quel besoin est-il d'en avoir un différent pour en traiter 70 000? Pourquoi la simple différence quantitative jouerait-elle dans le choix de modèle? Vous auriez quand même une charge peut-être plus lourde avec un modèle comprenant le pouvoir de rendre des ordonnances pour 70 000 demandes qu'avec le même modèle pour 700 demandes. Je penserais que la charge serait plus lourde avec un modèle comprenant le pouvoir de rendre des ordonnances qu'avec le modèle hybride. C'est ce que je soupçonne, mais la commissaire le saurait mieux que moi[2] ».

M. Clyde Wells

« Je m'explique mal la volte-face faisant en sorte que le commissaire demande maintenant l'octroi du pouvoir de rendre des ordonnances plutôt que le modèle hybride. Comme lui, je cite le rapport du juge LaForest. Ce dernier nous a prévenu qu'une telle transformation serait coûteuse, qu'elle pourrait retarder encore davantage le processus d'enquête et que, pis encore, cela pourrait mener à une audience à huis clos. Je vais maintenant citer des propos du juge LaForest qui figurent dans le document du commissaire à la protection de la vie privée. La citation va comme suit:
  • Un modèle quasi judiciaire prévoyant la délivrance d’ordonnances risque de devenir trop formaliste, et d’aboutir à un processus presque aussi coûteux et gruge-temps que les instances judiciaires. On peut également soutenir que l’absence du pouvoir de rendre des ordonnances permet à l’ombudsman conventionnel d’adopter une position plus ferme à l’égard du gouvernement qu’une autorité quasi judiciaire. Il y a également un certain intérêt à confier le règlement des questions litigieuses d’accès et de protection de la vie privée aux tribunaux, où les instances sont généralement publiques[3] ».

M. Michel Drapeau

« L'ABC est parfaitement d'accord avec le commissaire lorsqu'il dit que le modèle actuel de l'ombudsman doit être changé. […]  Nous préconisons comme solution de rechange le nouveau modèle conçu et mis en oeuvre à Terre-Neuve-et-Labrador au moyen des modifications apportées en juin 2015 à la loi provinciale sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. […] Le modèle amélioré de l'ombudsman a pour principal avantage un processus moins structuré et plus souple qui devrait selon nous être plus convivial pour vos commettants. En permettant au commissaire de demander des comptes aux organisations gouvernementales afin qu'elles fournissent des réponses et des documents pertinents dans les délais prescrits, ce que la loi en vigueur ne l'autorise pas à faire, on contribuera grandement à accélérer le processus. Comme on vous l'a déjà indiqué, le processus est souvent long et ardu, surtout lorsqu'il s'agit d'obtenir la collaboration des institutions gouvernementales pour avoir accès aux documents et aux renseignements dont on a besoin. Nous estimons que les nouveaux pouvoirs proposés pour un meilleur contrôle du processus d'enquête permettront de réaliser des gains d'efficience. Le modèle amélioré d'ombudsman transfère aux organisations gouvernementales le fardeau d'établir qu'il y a effectivement eu atteinte à la vie privée. Il s'agit selon nous d'un changement tout à fait approprié. Si une institution gouvernementale n'est pas satisfaite de la décision rendue par le commissaire, c'est à elle qu'il incombe de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une décision finale. Par ailleurs, nous croyons qu'il sera plus facile pour le commissariat de faire la transition vers le modèle amélioré d'ombudsman que vers un modèle qui s'appuie sur des pouvoirs d'ordonnance. À ce sujet, l'un des gestionnaires du Commissariat à l'accès à l'information et à la protection de la vie privée de Terre-Neuve-et-Labrador avec lequel je discutais récemment m'indiquait que le nouveau système en place depuis un an seulement fonctionnait très bien. À son avis, les résultats sont excellents. Le fait que le système n'est en place que depuis un an est aussi le principal inconvénient. Comme Terre-Neuve n'a mis en oeuvre le nouveau processus qu'en juin 2015, le temps d'évaluation est plutôt limité. Nous devons toutefois noter que le système semble pour l'instant bien fonctionner[4] ».

M. Gary Dickson

« Je crois que si vous prenez l'approche privilégiée par l'ABC — c'est-à-dire que les Canadiens ont des droits quasi constitutionnels en matière de protection de leur vie privée et d'accès aux documents et renseignements gouvernementaux —, il faut mettre l'accent sur l'accessibilité et habituellement, cela requiert un processus simple plutôt qu'un processus complexe. Lorsqu'on examine le type de plaintes présentées dans les différentes provinces, on se rend compte qu'elles portent souvent sur les retards. Ce n'est pas tellement que les décisions des commissaires ne sont pas respectées — la plupart du temps, elles sont honorées dans toutes les provinces, ainsi qu'à l'échelon fédéral. Le problème est plutôt lié aux retards. Je crois que la proposition du comité de Terre-Neuve, qui est enchâssée dans la loi terre-neuvienne, propose une façon d'accélérer les processus afin de réduire les délais par l'entremise d'un processus plus informel[5] ».

M. Gary Dickson

« Je crois que la position de l'Association du Barreau canadien, c'est que le modèle amélioré d'ombudsman présente un avantage important sur le plan de la flexibilité et de l'accessibilité[6] ».

M. Gary Dickson

« En Alberta et en Colombie-Britannique, par exemple, le processus est nettement plus formel. Les parties ont davantage l'occasion de prendre connaissance des arguments présentés par les autres parties. Cela fait manifestement partie de l'équité procédurale. Ce qui se produit dans le modèle d'ombudsman, c'est que le bureau d'un commissaire à l'information ou d'un commissaire à la protection de la vie privée offre une plus grande souplesse. Si une question est soulevée dans le cadre d'une enquête menée en Alberta ou en Colombie-Britannique, il faut presque revenir au point de départ. Il faut écrire une série d'avis, etc., et repartir de zéro. Cela prend plus de temps. Dans le cadre du modèle d'ombudsman, si une autre question importante est soulevée au cours de l'enquête, on envoie un avis plus informel à l'organisme public. On lui donne moins de temps pour fournir des réponses supplémentaires. On juge que c'est un processus équitable, mais cette équité procédurale n'est pas aussi rigide que dans le cas d'un tribunal administratif[7] ».

M. Gary Dickson

« Je crois que le modèle exécutoire a certainement ses forces, et j'ai travaillé pour des administrations qui appliquent ce modèle, mais si l'objectif est d'offrir les plus hautes normes de service aux Canadiens et le mode de prestation le plus efficace, je pense que le modèle amélioré d'ombudsman est la meilleure option. Au-delà de cela, il faut s'assurer que le commissaire dispose d'une plus grande gamme de pouvoirs. Le Parlement a accordé divers pouvoirs au commissaire par l'entremise de la LPRPDE, et ce sont des pouvoirs pertinents qui sont fréquemment appliqués. Le commissaire à la protection de la vie privée doit avoir à sa disposition un arsenal semblable de recours, d'outils et de ressources lorsqu'il traite de dossiers relatifs à la Loi sur la protection des renseignements personnels[8] ».

M. Gary Dickson

« Au bout du compte, il faut que la loi soit efficace. Je n'aime pas particulièrement les pouvoirs exécutoires. Je pense que le modèle d'ombudsman fonctionne, mais j'en suis venu à comprendre la sagesse du modèle hybride de Terre-Neuve, selon lequel un ministère gouvernemental qui ne suit pas une recommandation relative à une obligation de la loi — collecte, utilisation, divulgation ou autres mesures de sécurité — doit faire face à la justice, justifier sa décision et expliquer pourquoi il n'a pas l'obligation de le faire. En effet, cela place le fardeau sur le ministère gouvernemental, et nous en viendrions à avoir une jurisprudence nettement plus claire[9] ».

M. David Fraser

« Je pense qu'une mesure législative dépourvue de mordant pose problème, en fin de compte. Obliger la personne en cause à s'adresser au tribunal et à devoir prouver au juge que ses droits ont été violés, d'une façon ou d'une autre, représente à mon avis un fardeau trop lourd pour un particulier. De plus, lorsqu'on regarde les facteurs financiers entre les deux — le gouvernement et le particulier —, on constate que c'est plutôt décourageant pour le particulier. Les possibilités sont probablement meilleures lorsque le commissaire n'a pas le pouvoir d'obliger une personne à faire quelque chose, mais qu'il détient tout de même un pouvoir considérable pour exiger la tenue de discussions. […]C'est une approche bien moins conflictuelle. Le commissaire aurait la possibilité de discuter avec les responsables de l'entité publique et d'user de persuasion morale pour leur faire prendre conscience de la situation et leur présenter une recommandation. Ensuite, si l'organisme gouvernemental décidait de ne pas suivre cette recommandation, c'est à lui qu'il incomberait de se présenter devant le juge pour faire valoir qu'il ne s'agit en aucun cas d'une obligation prévue par la loi. Les divergences d'opinions sont manifestement possibles. Pour moi, il s'agit à la fois de ne pas modifier la nature de l'interaction entre le Commissariat et le particulier — ou le Commissariat et l'organisme — et de veiller à ce que le fardeau de la preuve incombe à la partie pertinente et que les conséquences soient assumées par la partie pertinente, d'ailleurs. […]Si le commissaire a un mandat d'éducation et un mandat de défense des droits, parmi bien d'autres choses, on ne veut pas lui confier un rôle essentiellement comparable à celui d'un tribunal. Il convient de maintenir une séparation à cet égard[10] ».

M. David Fraser

« je n'essaie pas de dire que nous nous opposons au pouvoir de rendre des ordonnances. D'après moi, il faut se poser deux questions fondamentales. Premièrement, le pouvoir de rendre des ordonnances est-il nécessaire pour obliger le respect des recommandations émises? Deuxièmement, permettra-t-il au CPVP de jouer plus efficacement son rôle de surveillance? Aussi, motivera-t-il plus les organismes à suivre les recommandations du CPVP? Ce pouvoir renforcera-t-il le commissariat ou prolongera-t-il encore plus le processus en mettant les entreprises sur la défensive durant les enquêtes? Je ne connais pas les réponses à ces questions, mais je pense qu'il faut en tenir compte dans la réflexion à ce sujet.
Il faut également prendre en considération la déclaration du CPVP selon laquelle la plupart des organismes finissent par accepter ses recommandations, bien qu'il y ait parfois de longs délais. À la lumière de ce fait, évidemment, on a raison de s'inquiéter des délais, mais si c'est là la préoccupation principale, je ne vois pas vraiment en quoi le pouvoir de rendre des ordonnances constituerait une solution plus efficace que le modèle hybride déjà suggéré[11] ».

M. Michael Karanicolas

« Le modèle que nous utilisons, dans le cadre duquel nous faisons une recommandation qui peut constituer un ordre si celle-ci n'est pas portée en appel auprès de la cour dans les 10 jours, est très efficace. Le fardeau de la preuve incombe à l'organisme public. Nous pouvons ainsi participer aux audiences, ce qui est très utile, puisque nous donnons une perspective unique lors des audiences. Lorsqu'une personne n'a pas les ressources nécessaires pour utiliser les services d'un avocat, il s'agit vraiment du seul argument de la qualité important pouvant être entendu par la cour, autre que les arguments présentés au nom de l'organisme public[12] ».

Donovan Molloy

« Un modèle de recommandation pure est totalement inefficace. De notre point de vue, le fait qu'une recommandation puisse devenir une ordonnance en 10 jours incite les organismes publics et d'autres autorités à coopérer et à faire en sorte que les choses soient conclues, car si l'on en vient à un rapport formel et qu'ils ne sont pas prêts à suivre la recommandation, ils devront s'adresser aux tribunaux et justifier pourquoi. Je pense que le modèle hybride est assez puissant également[13] ».

Donovan Molloy

« J'aime le modèle hybride pour une petite administration. Je pense que ça devrait vraiment marcher. Mon bureau est très petit. Nous ne sommes que sept. Il n'y a aucun moyen pour que nous ayons des ressources nous permettant d'avoir une sous-section du règlement distincte, tandis que les bureaux fédéraux sont grands et probablement plus aptes à absorber cette responsabilité[14]  ».

Mme Catherine Tully


[1]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 31 mai 2016, 0915 (M. Clyde Wells, membre, Independent Statutory Review Committee).

[2]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 31 mai 2016, 0945 (M. Clyde Wells, membre, Independent Statutory Review Committee).

[3]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1120 (Colonel (à la retraite) Michel Drapeau, professeur, Université d'Ottawa, Faculté de droit, à titre personnel).

[4]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1120 et 1125 (M. Gary Dickson, Membre de l'exécutif, Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information, Association du Barreau canadien).

[5]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1155 (M. Gary Dickson, Membre de l'exécutif, Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information, Association du Barreau canadien).

[6]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1200 (M. Gary Dickson, Membre de l'exécutif, Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information, Association du Barreau canadien).

[7]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1200 (M. Gary Dickson, Membre de l'exécutif, Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information, Association du Barreau canadien).

[8]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1220 (M. Gary Dickson, Membre de l'exécutif, Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information, Association du Barreau canadien).

[9]              ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 septembre 2016, 1105 (M. David Fraser, associé, McInnes Cooper, À titre personnel).

[10]           ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 septembre 2016, 1125 (M. David Fraser, associé, McInnes Cooper, À titre personnel).

[11]           ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 octobre 2016, 1105 (M. Michael Karanicolas, conseiller juridique principal, Centre for Law and Democracy).

[12]           ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 octobre 2016, 1150 (M. Donovan Molloy, commissaire à la vie privée, Assemblée législative, Office of the Information and Privacy Commissioner of Newfoundland and Labrador).

[13]           ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 octobre 2016, 1210 (M. Donovan Molloy, commissaire à la vie privée, Assemblée législative, Office of the Information and Privacy Commissioner of Newfoundland and Labrador).

[14]           ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 octobre 2016, 1210 (Mme Catherine Tully, commissaire à l'information et à la vie privée de la Nouvelle-Écosse, Office of the Information and Privacy Commissioner of Nova Scotia).