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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 131 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 131e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, lequel poursuit son étude des défis et des possibilités en matière de migration pour le Canada au XXIe siècle.
    Vous vous rappellerez qu'avant de faire notre mission en Ouganda et en Tanzanie, nous avons entendu le Conseil mondial pour les réfugiés et nous avions alors pensé qu'il serait important de le convoquer de nouveau en tant qu'organisme et d'entendre d'autres représentants du Conseil. Nous accueillerons donc un second témoin de cet organisme ainsi que des particuliers.
    Nous allons commencer par le Conseil mondial pour les réfugiés. Je crois comprendre que Mme Jilani va commencer.
    Monsieur le président, avant que vous ne commenciez, je me demande si vous pouvez nous dire quand le ministre comparaîtra devant le Comité au sujet du Budget provisoire des dépenses.
    Je ne crois pas que nous ayons une date. Nous avons fait une demande et nous avons l'assurance qu'il sera présent et que nous respecterons notre échéance.
    D’accord, merci.
    Allez-y, madame Jilani.
    Monsieur le président, c’est pour moi un privilège de m'adresser aux membres du Comité au nom du Conseil mondial pour les réfugiés, que je copréside avec Lloyd Axworthy, ancien ministre des Affaires étrangères du Canada.
    Permettez-moi d'abord de dire quelques mots au sujet du Conseil mondial pour les réfugiés.
    Il s'agit d'un organisme indépendant qui comprend plus de 20 dirigeants politiques, conseillers politiques, experts universitaires, chefs d'entreprise, représentants de la société civile et militants des droits de la personne provenant de partout dans le monde. Le Conseil a été convoqué par le Centre for International Governance Innovation avec l'appui du gouvernement du Canada.
    Notre objectif était de faire une bonne analyse de la situation des réfugiés dans le monde, des enjeux qui émergent actuellement avec ce mouvement massif de personnes, et des problèmes qui ont touché les pays d'accueil en particulier avec le phénomène que nous voyons actuellement. Nous avons préparé le rapport et nous sommes sur le point de le publier l'an prochain, mais j'aimerais présenter au Comité certaines des conclusions auxquelles nous sommes arrivés.
    Nous reconnaissons que les Nations unies ont conclu récemment le Pacte mondial sur les réfugiés. Le travail du Conseil est complémentaire au Pacte mondial de l'ONU sur les réfugiés et vise à tirer parti du consensus que l'ONU a déjà réussi à obtenir.
    Nous pensons que le Pacte constitue une avancée digne d’intérêt et que tout le monde devrait l’appuyer. Cependant, nous sommes conscients qu'en raison de certaines faiblesses du système multilatéral de l'ONU, notamment de la domination des grandes puissances, du clivage entre le nord et le sud à l'ONU, du caractère bureaucratique et cloisonné de ses institutions, de la crainte de miner la Convention de 1951 sur les réfugiés et des limites inhérentes au mandat du HCR, le processus de l'ONU n'a pas produit les changements d’envergure qui s'imposent de toute urgence.
    Nous estimons que le Pacte mondial sur les réfugiés ne permet pas de réinitialiser le système des réfugiés. Tel qu’il le mentionne, le Pacte mondial sur les réfugiés est complètement apolitique et fondamentalement humanitaire, mais comme vous devez l'avoir constaté dans vos propres recherches sur la situation réelle des réfugiés, les causes des déplacements forcés et les mesures qui sont prises pour y répondre sont entièrement politiques. Pour citer Sadako Ogata, ancienne haute-commissaire pour les réfugiés, les problèmes humanitaires n'ont pas de solutions humanitaires, ils n'ont que des solutions politiques. Le Conseil cherche donc à obtenir ces solutions politiques et à trouver des stratégies qui permettront de les concrétiser.
    J'aimerais aussi vous donner un aperçu de l'ampleur du défi auquel nous devons faire face aujourd'hui.
     Le problème des déplacements forcés s'aggrave. Selon le HCR, le nombre de personnes déplacées en raison de conflits et de persécutions dans le monde était de 68,5 millions à la fin de 2017, soit le nombre le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. Les chiffres publiés en mai 2018 montrent qu'il y a eu 30,6 millions de nouveaux déplacements à l'intérieur des pays en 2017, pour un total estimatif de 40 millions de déplacés à l'intérieur de leur propre pays en raison des conflits et de la violence à la fin de 2017.
     À l'échelle mondiale, près de 74 millions de personnes souffrent de famine grave en raison en grande partie des conflits et de l'instabilité, qui poussent plus de gens au désespoir et augmentent les déplacements en raison de la guerre et des conflits. Parallèlement, les réfugiés obtiennent un soutien nettement insuffisant. Les demandes de financement sont toujours bien en deçà de leurs objectifs.
    Le Conseil mondial pour les réfugiés soutient que la réponse aux défis posés par les déplacements forcés doit être d’envergure mondiale et doit investir les nations du monde de responsabilités communes, mais différentes en fonction des capacités des États. Les communautés d'accueil doivent être soutenues dans leur gestion des réfugiés, et les réfugiés eux-mêmes doivent avoir accès en temps opportun à la protection et au soutien nécessaires.
     La question des réfugiés soulève de graves problèmes de discrimination fondée sur le sexe et d'abus généralisés. On relève de nombreux cas de harcèlement et d’agressions sexuels aux postes frontaliers actuels entre le Venezuela et la Colombie. Parallèlement, le rôle des femmes comme participantes actives au dossier des réfugiés a été minimisé dans les mesures gouvernementales, notamment en raison d'une indifférence quant au manque d'éducation pour les femmes et les enfants déplacés.
    On peut lire au début du rapport dont je viens de parler que fondamentalement, le monde ne souffre pas d’une crise des réfugiés, mais d’une crise de leadership — un manque de vision, d’humanité et de solidarité. Nous croyons que le rapport renferme des recommandations et des appels à l'action dans des domaines clés qui susciteront une réflexion nouvelle et innovatrice sur la question des réfugiés et des questions comme la responsabilité collective et la responsabilité partagée, et nous avons proposé de nombreuses façons pratiques pour amorcer cette réflexion.
    Parmi les principaux domaines où nous appelons à l'action, mentionnons la responsabilisation des auteurs de crimes qui agissent en toute impunité, souvent en s'enrichissant, et qui sont trop souvent protégés par les droits de veto au Conseil de sécurité. Nous croyons que la responsabilisation est un aspect auquel il faut accorder plus d'attention et qu’il faut instaurer des institutions et des mécanismes de responsabilisation à l'échelle internationale. Il faut encourager la création de meilleurs mécanismes de responsabilisation crédibles à l'échelle nationale.
    L'autre aspect que nous jugeons extrêmement important, c'est le niveau de financement pour les réfugiés. J'espère que mon collègue Allan vous en parlera un peu. Nous insistons sur le fait qu'il faut offrir plus de soutien aux pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés, de manière à ce que non seulement les réfugiés aient de l’aide, mais que les populations locales sentent qu'elles font partie du développement et qu'elles voient les avantages qui découlent de la coopération internationale.
    Nous croyons également que la réinstallation est extrêmement importante. Il n'y a pas d'initiatives visionnaires, tant à l'échelle internationale qu'au HCR. Nous croyons que la communauté internationale doit prendre de meilleures dispositions pour la réinstallation, laquelle doit se faire rapidement, afin que les réfugiés n’aient pas le statut de réfugié pendant une longue période pendant laquelle ils n'ont aucun moyen prévisible de savoir quand leur situation désespérée va prendre fin.
    Nous croyons également que la réforme de la gouvernance doit être importante et nous proposons des changements au Secrétariat de l'ONU en tant que tel. Le Conseil préconisera également de nouvelles approches de prise de décisions en ce qui concerne les personnes déplacées de force, en appelant à la régionalisation et à la décentralisation des décisions stratégiques. Nous tenons beaucoup à ce que les institutions régionales participent et jouent un rôle beaucoup plus important dans la recherche de solutions à la crise des réfugiés dont nous sommes témoins aujourd'hui.
    Nous avons également indiqué dans le rapport des façons très pratiques de mettre en oeuvre les recommandations du Conseil mondial pour les réfugiés, lesquelles sont très faisables, pratiques et réalisables.
    Je terminerai en disant qu'une réponse mondiale plus efficace aux déplacements forcés assortie d’une responsabilité partagée permettra une plus grande prévisibilité et une mobilisation efficace des ressources. Ces mesures amélioreront la gestion des frontières et du processus de migration, et accorderont la priorité à la dignité et aux droits tant des personnes déplacées de force que des communautés d'accueil.
    Je crois que le fait de corriger le système permettra non seulement de sauver des vies et de répondre aux besoins des personnes déplacées, mais aidera aussi les pays, y compris le Canada, à mieux gérer les pressions exercées pour la réinstallation des réfugiés. Concrètement, on peut vraiment dire que les intérêts personnels et les intérêts des personnes déplacées coïncident.
     Merci, mesdames et messieurs.
(1545)
    Vous n'avez pas vraiment de temps, monsieur Rock, mais vous pouvez prendre deux minutes si vous voulez ajouter quelque chose, puisque vous êtes là.
    Eh bien, c'est gentil de votre part, monsieur le président. Je suis également reconnaissant et honoré d'être ici.
    J'ai deux brèves remarques à faire.
    Tout d'abord, le Conseil s'est rendu en Colombie au cours de l'été. Ce voyage et les recherches qui ont suivi ont donné lieu à un rapport portant uniquement sur les questions soulevées par les réfugiés vénézuéliens, qui représentent le plus grand exode de l'histoire des Amériques. Il rivalise avec l'exode des réfugiés syriens. Les conséquences sont énormes pour l'hémisphère.
     Nous avons déposé le rapport la semaine dernière à Washington, et à l'OEA. Il n'est disponible qu'en anglais, alors je ne peux pas vous le remettre, mais j'ai donné les détails à la greffière. Il est disponible en ligne.
    Ensuite, le Conseil recommandera entre autres que les pays du monde entier puissent confisquer les avoirs gelés des dirigeants étrangers corrompus et réinvestir l’argent pour en faire profiter la population qu'ils ont escroquée. Le Canada et d'autres pays ont littéralement des milliards de dollars dans nos banques ou sous forme d'actifs sur notre territoire. Nous avons des lois — notamment la loi de Magnitski que vous avez adoptée l'an dernier — qui autorisent le gel de ces actifs, mais ceux-ci restent là.
    Nous proposons donc une loi — il pourrait s'agir d'une modification à la loi de Magnitski ou d'une loi indépendante — qui autoriserait le procureur général du Canada, ou quelqu'un d'autre, avec son consentement, à demander à une cour supérieure des provinces une ordonnance autorisant la confiscation de ces biens et leur réattribution. On pourrait soit les renvoyer dans leur pays d'origine, soit, si ce pays est toujours sous l'emprise d'un gouvernement corrompu, verser cet argent à un organisme international comme le HCR, ou à une ONG qui rendra des comptes au tribunal. Un suivi serait fait pour chaque dollar, et le tribunal recevrait un rapport sur la façon dont l'argent est dépensé. La cour rendrait cette ordonnance sur avis donné à toutes les parties intéressées, de façon à assurer la transparence, la reddition de comptes et la primauté du droit, mais on utiliserait ces actifs.
    Le Congrès américain est actuellement saisi d'une mesure législative semblable ayant le même objectif. Le Royaume-Uni envisage cette approche. La Suisse a déjà adopté une loi, laquelle constitue un bon précédent.
    Je termine en disant que nous allons recommander que le gouvernement du Canada adopte une telle loi ici et qu'il serve de modèle pour le monde. Nous pouvons utiliser cet argent dans un système sous-financé. Il y a aussi une certaine symétrie, justice et responsabilisation qui découlent de cette approche, et nous la recommanderons au Comité et au gouvernement.
    Merci, monsieur le président.
(1550)
    Merci.
    Allez-y, madame Lenard.
    Je comparais à deux titres, d'abord comme professeure à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, où mes recherches portent sur l'expérience des répondants de réfugiés, et ensuite comme coordonnatrice de Rainbow Haven, un organisme communautaire qui parraine et accueille des réfugiés LGBTQ ici à Ottawa.
    Je suis heureuse et fière de vous annoncer aujourd'hui que mon groupe accueillera cinq nouveaux Canadiens ce mois-ci, soit une femme célibataire grâce à un jumelage fructueux dans le cadre du Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas et une famille de quatre personnes grâce à une demande de parrainage privé de réfugiés, ou une demande de RPSP.
    J'ai trois observations à formuler aujourd'hui, qui découlent tant de mon activisme que de mes recherches. L’accent aujourd'hui est mis sur les personnes au Canada qui font une grande partie du travail de réinstallation, c'est-à-dire les bénévoles, les bénévoles qui sont des gens comme moi qui ont un emploi à temps plein, des enfants — on dirait parfois qu'ils en ont des millions, mais ils n'en ont que deux — et des cours de yoga.
    Ma première observation est la suivante et c’est une chose que vous savez déjà: le Canada est souvent décrit comme un leader sur la scène LGBTQ dans le monde. Non seulement les lois canadiennes offrent une protection totale et égale à tous les membres de la communauté LGBTQ, mais le Canada, dans l'ensemble, a manifesté de façon délibérée et cohérente son engagement à l'égard des droits des LGBTQ à l'étranger.
    Cet engagement constant est la raison pour laquelle, chaque année, mes collègues et moi-même avons bon espoir que le gouvernement rendra permanent ce qu'on appelle communément le « Rainbow Refugee Assistance Program », qui offre un appui financier aux groupes qui soutiennent les réfugiés LGBTQ et nous exempte des quotas. Cependant, chaque fois que le programme est renouvelé, il n’est prolongé que d'un an ou deux.
     Je sais que les membres du Comité ont entendu l'an dernier des défenseurs des réfugiés LGBTQ qui ont demandé que le Rainbow RAP devienne permanent. J'ai lu que les témoins et les membres du Comité étaient très enthousiastes à l'idée de rendre ce programme permanent, mais il y a une chose qui manque dans ce témoignage, c'est l'incidence de l'incertitude relative au renouvellement sur nous, sur les gens qui font le travail, sur les bénévoles. Voici un exemple.
     Il y a deux ans et demi, nous avons présenté une demande de RPSP dans le cadre du Rainbow RAP, celle que j'ai mentionnée dans ma déclaration préliminaire, et nous avons commencé cette demande en sachant que le Rainbow RAP arrivait à échéance dans trois mois. Nous avons dû aller de l'avant sans savoir avec certitude si nous aurions encore accès au programme, au financement et aux places « hors quota » — qui sont particulièrement utiles —, lorsque la demande serait terminée.
    Ce programme, comme tous les programmes de RPSP et de RDBV, connaît du succès grâce au travail des bénévoles. L'incertitude quant à l'avenir de ce programme peut nous mener, ou les mener, à parrainer moins de réfugiés ou à subir beaucoup plus de stress. À mon avis, aucune raison ne justifie de nous forcer à fonctionner avec ce genre d'incertitude. Le programme n'est pas coûteux, il n'est pas surutilisé et il est utilisé par des personnes profondément engagées dans la communauté LGBTQ. Il y a toutes les raisons de dissiper cette incertitude inutile et d’indiquer à cette communauté et à ceux d'entre nous qui l'appuient que notre travail est valorisé et reconnu.
     Ma première recommandation est la suivante: faites enfin de ce programme un volet permanent de la série de programmes de réinstallation des réfugiés du Canada.
    Deuxièmement, je crois comprendre que, depuis la création du programme mixte RDBV en 2012, le gouvernement espère vraiment que les Canadiens auront une réaction positive à ce programme et que, sauf pendant la période de pointe de la guerre en Syrie, la réaction à ce programme a été décevante.
     J'encourage fortement le gouvernement à continuer d'appuyer ce programme. Il y a tellement de raisons d'élargir le réseau de Canadiens qui contribuent au programme mixte RDBV, parce qu'il contribue au sentiment proréfugiés qui persiste au Canada en dépit des forces politiques qui nous poussent dans l'autre direction; parce qu'il peut accroître le nombre de personnes ayant besoin de protection, en particulier les personnes très vulnérables qui sont admises au Canada; et parce que c'est un excellent partenariat entre les Canadiens et leur gouvernement qui travaillent ensemble pour créer un environnement dans lequel les Néo-Canadiens peuvent prospérer.
    Pour aller de l'avant avec ce programme, ce que j'encourage, j'ai deux autres recommandations précises. La première est la suivante. Pour que ce programme soit attrayant pour les défenseurs des droits des réfugiés, le gouvernement doit faire mieux pour nous assurer qu'il ne se sert pas de nous pour assumer ses propres responsabilités. Autrement dit, il doit trouver un moyen de nous assurer publiquement que le principe d'additionnalité est respecté à mesure que le programme mixte RDBV sera élargi.
    Une grande partie de la volonté des bénévoles canadiens de faire ce travail repose sur la confiance que notre travail s'ajoute aux contributions du gouvernement dans ce domaine. Je vous encourage à mettre l'accent sur le maintien des relations de confiance dont dépend cette volonté en réaffirmant explicitement l'engagement du gouvernement à l'égard de l'additionnalité. Nous surveillons les déclarations du ministre au sujet de ce programme, et il est important pour nous tous de voir l'engagement des responsables à l'égard de l'additionnalité.
    Deuxièmement, afin de susciter plus d'appuis pour le programme mixte RDBV, il est évident que nous devons trouver des Canadiens qui souhaitent consacrer du temps au travail de réinstallation des réfugiés. Pour ce faire, nous devons comprendre pourquoi ils sont prêts à le faire, et pas seulement à le faire en période de pointe, comme pour les Syriens; nous devons surtout comprendre si l'énergie consacrée à ce genre de travail pendant la période de pointe peut être canalisée pour assurer un engagement continu des Canadiens à l’égard de la réinstallation des réfugiés.
(1555)
    À ma connaissance, on n'a pas encore mis l'accent sur le jumelage entre les réfugiés désignés par un bureau des visas et des répondants privés, et je recommande que cette analyse soit effectuée le plus rapidement possible. Je connais un chercheur qui est très bien placé pour faire ce travail afin que le gouvernement puisse aller de l'avant en comprenant bien la meilleure façon de motiver les Canadiens à se joindre au projet de réinstallation.
     Le programme a besoin d'un meilleur nom. Le nom pose problème.
    Enfin, j'aimerais souligner, en guise de conclusion, qu'à la lumière des nouveaux chiffres annoncés concernant les admissions de réfugiés et d'immigrants, il vaut la peine de se rappeler que tous les yeux partout dans le monde sont tournés vers le Canada en ce moment. La décision de faire la promotion de notre programme de parrainage privé à l'échelle mondiale nous en a assuré. Le moment est venu d'être encore plus audacieux dans ce dossier.
     Nous venons d'entendre des observations expliquant pourquoi la réinstallation devrait être un élément essentiel du travail que nous faisons à l'égard des réfugiés, alors soyez audacieux. De nombreuses études menées au Canada indiquent que les réfugiés s'en tirent bien ou mieux, en moyenne, que les Canadiens de naissance. De nombreuses études indiquent que leurs enfants s’épanouissent. Je suis une de ces personnes — si vous pensez que les professeurs sont épanouis — et je suis certain que je ne suis pas le seul enfant de réfugié dans cette salle.
    Au cours des deux dernières années, les États-Unis ont porté un coup dévastateur aux efforts mondiaux de réinstallation. C'est un moment où le Canada peut montrer qu'il mérite encore les compliments formulés par le chef du HCR, il y a trois ans, lorsqu'il a applaudi la générosité des Canadiens face à l'exode des Syriens de leur pays.
    Pour conclure, permettez-moi d'ajouter ma voix — ou plutôt de donner voix — à la déclaration récemment prononcée par le Conseil canadien pour les réfugiés et de joindre ma voix à la sienne pour demander une augmentation du nombre de réfugiés pris en charge par le gouvernement au Canada en 2019. Ce serait une triple victoire: nous pouvons réagir aux graves dommages causés par notre voisin du Sud; nous pouvons montrer une fois de plus que nous, Canadiens, prenons au sérieux la nécessité pour le Canada de faire sa juste part des efforts mondiaux d'aide aux réfugiés; et vous, le gouvernement, pouvez nous indiquer, à nous, les bénévoles, que vous continuez de respecter le principe d'additionnalité qui motive une grande partie de notre volonté de faire ce travail.
     Je vous remercie de votre temps et de votre travail dans ce dossier.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sarai, vous avez sept minutes.
    Merci à vous trois.
    Ma première question s'adresse à Mme Jilani, qui est venue de loin, et à l'honorable Allan Rock.
    Actuellement il y a un nombre astronomique de réfugiés dans le monde, représentant probablement le double de la population du Canada. De plus, le nombre de personnes déplacées représente le triple de la population du Canada. Même si le Canada fait beaucoup de réinstallation — et ses efforts sont probablement disproportionnés, compte tenu de sa population, par rapport à celle de la plupart des pays du monde —, ce n’est qu'un faible pourcentage de ce qui pourrait être fait.
    Y a-t-il d'autres solutions que l'établissement des réfugiés pour éviter ces conflits? J'ai remarqué qu'il y a moins de volonté politique dans le monde pour aider à régler les conflits. Est-ce l'ingrédient manquant, ou y a-t-il autre chose qui manque et qui cause de telles perturbations?
    Je vais commencer par Mme Jilani.
(1600)
    On pense maintenant — et vous avez tout à fait raison de dire que cette réflexion doit être faite maintenant — que la réinstallation peut être complétée par d'autres initiatives qui faciliteront l'octroi d'un statut permanent aux réfugiés dans les pays d'accueil. C'est pourquoi le Conseil mondial pour les réfugiés insiste sur un meilleur soutien pour les pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés.
    Nous avons suggéré de créer des arrangements financiers bilatéraux et multilatéraux pour faciliter la souscription de prêts, alléger le fardeau de la dette de certains de ces États, les aider à s'orienter vers un développement qui sera perçu par la population locale comme un développement pour elle-même, afin que les populations locales acceptent mieux leur intention de donner un statut permanent aux réfugiés à l'intérieur de leurs frontières.
    Le Conseil mondial pour les réfugiés fait plusieurs suggestions et propositions de ce genre, qui ne peuvent toutefois être mises en oeuvre que si la communauté internationale est disposée à travailler ensemble et à considérer cet enjeu comme un problème collectif où chacun contribue dans la mesure de sa capacité et dans la mesure de ses ressources et de son expertise.
    Monsieur Rock, pouvez-vous nous dire s'il y a une volonté dans le monde de déployer des efforts dans ce dossier, ou si peu de pays y prêtent attention tandis que le reste en fait fi?
    Comme vous le savez, les Nations unies travaillent actuellement sur le Pacte mondial qui sera tant pour les réfugiés que pour les migrants. Je crois comprendre qu’il est difficile d’obtenir un consensus sur le Pacte mondial sur les réfugiés. Le volet migration semble avoir été moins difficile à établir.
     Je pense qu’il est difficile d’en arriver à un consensus sur les réfugiés, car il y a des points de vue très différents parmi les gouvernements du monde, et le système de négociation intergouvernemental de l'ONU est habituellement un nivellement par le bas. Je suis sûr que le Pacte sera utile, mais il ne sera pas suffisant. C'est pourquoi le Conseil souhaite formuler des recommandations qui s'appuieront sur le Pacte et tenter d’amener les objectifs à un autre niveau.
    Le Conseil a beaucoup voyagé dans le cadre de ses travaux. Nous sommes allés en Tanzanie et à Addis-Abeba; j'étais dans le Nord de l'Ouganda il y a quelques mois, en Colombie pendant l'été, puis dans la Méditerranée orientale et à Berlin.
    Soit dit en passant, si les budgets le permettent, permettez-moi de dire sauf votre respect qu'il serait extrêmement utile que le Comité voyage également et voie par lui-même la situation, pas seulement celle des réfugiés, mais aussi celle des pays d’accueil et les attitudes avec lesquelles nous devons composer.
    À Berlin, par exemple, nous avons rencontré des gens d'affaires, des ONG, des réfugiés eux-mêmes et des porte-parole du gouvernement. Les points de vue sont très divergents, mais il est important que nous les écoutions.
    Pour répondre à votre question, j'ai deux observations à faire selon ce que nous avons vu.
    Premièrement, certains pays hôtes — l'Ouganda dans le cas du Soudan du Sud, la Jordanie dans le cas de la Syrie, la Colombie dans le cas du Venezuela — s'en tirent mieux que d'autres. L'Ouganda et la Colombie sont remarquablement généreux dans la façon dont ils accueillent et hébergent les réfugiés, mais il y a d’autres pays où les choses ne vont pas aussi bien. Je pense ici à certains pays d'Europe, en particulier, où les attitudes ne sont pas positives et où il y a beaucoup de résistance, et où l'on craint que les réfugiés minent la culture, menacent la sécurité ou volent les emplois.
     Le Conseil mondial pour les réfugiés a formulé des recommandations qui, nous l'espérons, permettront de régler ce problème. Voici deux brefs exemples. En Jordanie, afin d'encourager les réfugiés à rester en Jordanie et d'aider le gouvernement jordanien à régler ses problèmes politiques concernant le nombre de réfugiés syriens, l'Union européenne a conclu un accord en vertu duquel elle a réduit les droits de douane sur les biens jordaniens exportés en Europe à la condition que le gouvernement jordanien délivre des permis de travail aux réfugiés syriens. Tout le monde y gagne, et c'est une mesure utile.
    Une autre mesure qui est prise est le financement conditionnel offert par les institutions financières internationales aux pays hôtes pour les aider, et cette mesure est aussi utile. Pour répondre à votre question, cependant, les attitudes varient, et je pense qu'il faut un certain leadership. Je pense que le Canada est bien placé pour le faire.
(1605)
    Madame Lenard, je vous remercie de votre travail. Le Canada a la chance d'avoir beaucoup de gens qui donnent de leur temps et qui accueillent les réfugiés. Nous sommes l'un des rares pays à avoir une demande de réfugiés plus élevée que ce que nous pouvons en fait accueillir.
    Le Canada a un programme pilote de réinstallation des réfugiés dont vous avez parlé, le Rainbow Refugee Assistance Program. D'après votre expérience, y a-t-il d'autres pays de réinstallation qui ont un programme ciblant les personnes LGBTQ?
    D'après ce que je comprends, les pays scandinaves accueillent activement les réfugiés LGBTQ et leur réservent des places urgentes. La Finlande et la Norvège, je crois, ainsi que les Pays-Bas, sont trois autres pays qui accueillent actuellement des réfugiés LGBTQ.
    Ces pays ont-ils des pratiques exemplaires que vous aimeriez nous présenter ou suggérer?
    Non. En fait, ils se tournent vers nous pour les pratiques exemplaires. Les Pays-Bas ont récemment fait une visite ici pour voir comment nous progressons dans ce domaine.
    Très bien. Merci.
    Il reste six secondes.
    C'est au tour de Mme Rempel.
    J'ai une série de questions. Je vais commencer par certaines des observations qui ont été faites au sujet de la sécurité des femmes dans les camps et de certaines des réformes nécessaires à cet égard.
     Le Conseil mondial pour les réfugiés a-t-il établi un cadre pour les camps du HCR, par exemple des normes communautaires ou quelque chose du genre?
     Si un réfugié est reconnu coupable d'avoir agressé ou menacé quelqu'un d'autre, y a-t-il moyen de renvoyer cette personne du camp ou de la sanctionner? Y a-t-il un cadre en cas d’agression dans les camps?
    Oui. Il y a différents types de mesures qui peuvent être prises, mais je pense que, lorsque ces camps sont construits, une partie des mesures disciplinaires et pratiques qui sont adoptées englobent aussi le comportement.
    Le HCR a pris de nombreuses mesures, principalement en raison des pressions exercées par les ONG, pour gérer les camps non seulement de façon à protéger les victimes potentielles et à faire de la prévention, mais aussi de manière à ce que les coupables puissent être identifiés.
    À commencer par le Darfour, beaucoup de mesures ont été prises par le HCR. Le Conseil mondial pour les réfugiés prend évidemment cette question très au sérieux. Nous n'avons pas élaboré de cadre nous-mêmes, mais nous encourageons, dans nos recommandations sur toute la question de la violence fondée sur le sexe, que les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur du pays qui, pendant leur fuite, dans les camps de réfugiés et en tout temps, sont...
    J'ai une brève question, car j'ai besoin de précisions. Dans ce contexte, pourriez-vous indiquer au Comité les types de sanctions qui seraient actuellement utilisées en cas d'abus?
    Je pense que le droit pénal sera le meilleur cadre possible, parce que ce sera une question de compétence dans ce contexte. Le HCR prendra certaines mesures en tant que gestionnaire de camp si l’incident se produit dans un camp, mais le droit pénal en vigueur dans le pays où le camp est situé s'appliquera également.
    On l'a vu à plusieurs endroits. Je suis allée au Liban, non pas en tant que membre du Conseil mondial pour les réfugiés, mais à d'autres titres, et on nous a montré comment la violence fondée sur le sexe était perpétrée en toute impunité. À certains égards, des mesures sont prises pour mettre fin à l'impunité.
    Avez-vous des données sur la fréquence à laquelle ces cas se produisent, ou sur les signalements et sur les cas où justice a été faite, par opposition aux incidents probables de...
    Absolument, ils...
    Ce que je veux dire, c'est que je comprends que même dans les pays développés, beaucoup de femmes ne signalent pas la violence sexuelle.
    Mme Hina Jilani: Oui.
    L’hon. Michelle Rempel: Je suis sûre que ce doit être bien pire dans de telles situations. Je me demande simplement si nous sommes naïfs de penser...
    Je n'ai pas de données ni de chiffres à vous citer pour l'instant, mais ces données existent, et elles ont été recueillies de façon plus systématique au cours des dernières années.
    Où pourrait-on avoir ces données?
    Il faut demander au HCR. Plusieurs ONG en ont aussi, comme Médecins Sans Frontières. Ils recueillent ce genre de données.
    D'accord. Merci beaucoup.
     Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur la question des droits de la personne au Pakistan. De nombreux cas de Pakistanais qui ont fui en Thaïlande en raison de la persécution religieuse ont récemment été signalés à mon bureau. Une des difficultés à laquelle ce groupe est actuellement confronté est, à ses dires, le peu d’aide reçue du HCR.
    Votre organisme est-il au courant? Avez-vous des conseils à nous donner sur les efforts de défense des droits qui conviennent à cet égard?
(1610)
    Vous avez raison de dire que ce que j’ai surtout travaillé avec les communautés minoritaires au Pakistan, et plus particulièrement avec celles qui sont plus persécutées que les autres. Le climat est mauvais pour l’ensemble des minorités non musulmanes, mais il y a certaines minorités, comme la communauté ahmadie, qui subit beaucoup plus de persécution. Je n'ai pas vu que le HCR a été très utile.
    D'accord.
    Nous avons trouvé que les interventions des missions individuelles faites par des pays et la communauté diplomatique au Pakistan ont été beaucoup plus efficaces.
    Merci.
    Par ailleurs, en ce qui concerne le Conseil mondial pour les réfugiés, vous avez parlé brièvement de sanctions supplémentaires qui vont au-delà de ce qui est prévu dans la loi de Magnitski actuellement, et il est certain que le génocide des Rohingyas préoccupe grandement toute la communauté internationale. Est-ce que le recours à la loi de Magnitski pour sanctionner les personnes jugées responsables de crimes graves commis contre les Rohingyas est quelque chose que votre organisme préconise actuellement?
    Nous allons certainement préconiser l'utilisation de tous les mécanismes disponibles pour mettre fin à l'impunité. Nous croyons que les efforts déployés récemment par la Cour pénale internationale pour traiter la situation des Rohingyas au moyen de ce mécanisme du droit pénal international seront très efficaces. Il faut l'appuyer et lui donner plus de force.
    Je vais terminer par une question plus générale.
    Que pensez-vous, en tant qu'organisme, de l'accord de Dublin, des récentes négociations au sein de l'Union européenne visant à apporter des changements à plus grande échelle possible en Europe à la politique de réinstallation ou au traitement des demandes d'asile? Y a-t-il quelque chose que le Canada devrait savoir, quelque chose qui vous préoccupe ou quelque chose que vous encouragez vraiment en ce qui concerne le déroulement de cette renégociation?
    Selon notre rapport, certaines de ces mesures sont très positives. Nous croyons que cela peut donner lieu à des pratiques beaucoup plus utiles.
    De quelles mesures s’agit-il précisément?
    Je ne peux pas vous donner d’exemples précis pour l'instant. Je vous renvoie simplement au rapport pour indiquer que nous en tenons compte.
    De quel rapport parlez-vous?
    Le rapport sera publié l'an prochain, celui que le Conseil mondial pour les réfugiés a... le rapport provisoire a déjà été présenté. Il y a un rapport provisoire, et je veillerai à ce que le Comité en ait une copie.
    Ce serait très bien.
    Certaines de ces mesures — pas toutes, évidemment — qui ont été prises en Europe ou dans d’autres régions pourraient être utiles à l'étude du Canada.
    Y a-t-il des sujets de préoccupation?
    Je dois vous demander de conclure. C'est votre dernière question.
    Je n’ai aucun exemple précis qui me vienne à l'esprit en ce moment. Bien sûr, il y a beaucoup de choses dont il faut se préoccuper, mais je crains de ne pouvoir en citer des exemples si promptement.
    Merci.
    C'est au tour de Mme Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leurs exposés.
    J'aimerais parler de la situation au Venezuela ou, si vous voulez, en Amérique centrale. Les États-Unis ont jugé que la violence familiale — ou la violence des gangs, par exemple — ne serait pas une raison valable pour demander l'asile aux États-Unis. Plus récemment, le président a déclaré qu'ils s'apprêtent à définir légalement le sexe comme celui qui est immuablement assigné par les organes génitaux avec lesquels une personne naît. Par conséquent, les transgenres seraient eux aussi victimes de persécution aux États-Unis.
     À cette fin, dans le contexte des personnes déplacées à l'intérieur du pays et des personnes qui sont déplacées, le Canada a conclu une entente sur les pays tiers sûrs, qui, dans les faits, empêche simplement les gens d'entrer au Canada par les postes frontaliers réguliers. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. De plus, pensez-vous que les États-Unis sont actuellement un pays tiers sûr? Sinon, croyez-vous que le Canada devrait suspendre l'Entente sur les pays tiers sûrs?
(1615)
    Lloyd Axworthy et moi-même avons déjà publié un avis selon lequel le temps est venu de mettre fin à cet accord. Je faisais partie du Cabinet lorsque cette entente a été conclue. Elle a été conclue en se fondant sur le fait que les États-Unis étaient à l'époque un endroit sûr pour un réfugié et qu'un réfugié aux États-Unis pouvait être refoulé en toute sécurité pour cette raison.
    Je crois que les États-Unis ne sont plus un endroit sûr pour les réfugiés. Depuis janvier 2017, il y a de plus en plus de preuves que ce n’est plus un pays sûr. L’administration américaine fait une nouvelle déclaration, franchit une nouvelle étape ou adopte une nouvelle position absurde chaque mois, ce qui met ces gens en danger.
    Je pense que cet accord devrait être suspendu et que nous ne devrions plus considérer les États-Unis comme étant sûrs à ces fins.
    Merci beaucoup, monsieur Rock.
    Madame Lenard, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je voulais juste dire que je suis d'accord.
    J’ai défendu le maintien de l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs beaucoup plus longtemps que tous les gens avec qui j'entretiens des liens. En fait, je pense qu'il faudrait l’abandonner avant l’hiver afin de traiter beaucoup moins de gens qui perdent des doigts en essayant de traverser la frontière illégalement vers le Canada. Nous sauverons des vies et bien des doigts en annulant cette entente dans les plus brefs délais.
    Pour ce qui est du contexte mondial, je vous remercie, monsieur Rock, de suggérer des mesures à prendre, particulièrement en visant les actifs gelés des dirigeants étrangers corrompus. Vous nous recommandez, en fait, de déposer un projet de loi visant à dégeler ces fonds pour les utiliser à des fins humanitaires. Outre l'application de cette mesure au pays, que devrait faire le Canada avec la communauté internationale sur cette question?
     Eh bien, je pense que le Conseil rêve du jour où un réseau mondial de lois similaires démontrera aux dirigeants corrompus que leur argent ne sera plus jamais en sécurité.
     J’ai parlé de la Suisse. Craignant pour l’intégrité de son système bancaire, ce pays a pris dès 2001 des mesures informelles obligeant les banques à identifier le propriétaire effectif de l’argent avant d'en accepter le dépôt, à envisager de geler des actifs et de recourir aux tribunaux pour en demander la confiscation. Ces mesures sont devenues loi en 2015.
     Nous devrions suivre cet exemple. Nous recommandons d'y apporter quelques changements, mais ces mesures sont excellentes. Nous allons encourager tous les pays à adopter des lois semblables afin qu’il n’y ait plus de refuge pour les biens volés et que ces escrocs sachent qu’ils ne peuvent pas s’en tirer impunément. Je pense que c’est l’objectif ultime.
    Merci.
    J’aimerais revenir aux collectivités vulnérables. Il s’agit des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, en particulier la communauté LGBTQ dans les pays dont les lois pénales interdisent leur façon de vivre. Pourtant, le Canada n'a rien prévu pour réinstaller les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. Nous n'avons qu'un programme pilote, et je vous remercie, madame Lenard, de recommander qu'il devienne permanent.
    En attendant que la réinstallation se concrétise au Canada et dans d'autres pays, que pourrions-nous faire? Par exemple, pourrions-nous créer des refuges pour soutenir ces populations vulnérables? Je ne parle pas seulement de la communauté LGBTQ, mais des victimes de violence sexuelle, par exemple. Y a-t-il quelque chose à faire avec la communauté internationale pour régler ce problème?
    Oui, je suis sûre qu’il y a des choses à faire. Il faut renforcer l’engagement envers les communautés vulnérables, surtout envers la communauté LGBTQ. Je pense aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ou dans des camps de réfugiés où elles ne sont pas en sécurité. Qui les protégera? Les gouvernements hôtes ne s'en soucient certainement pas.
    Comme je l’ai dit tout à l'heure en répondant à une question, la plupart des plans d'action contre les agresseurs dans ces collectivités sont établis localement. Ils dépendent du pays hôte, qui y applique ses lois pénales, ce qui crée une situation très dangereuse.
    Il n’y a pas de refuges pour les femmes victimes de violence familiale dans la communauté des PDIP ou des réfugiés. En outre, le HCR et les organismes internationaux responsables des groupes de réfugiés n’assument pas leur protection contre le crime, parce que les lois du pays déjà sont hostiles à ces communautés.
(1620)
    Me permettez-vous d'ajouter une petite observation? Nous pensons aux réfugiés qui sont dans des camps, mais la plupart d'entre eux ne vivent justement pas dans des camps.
    En Colombie, par exemple, un million de Vénézuéliens ont traversé la frontière, qui s'étend sur 2 200 km, et ont disparu dans le pays. Ils parlent la même langue. On ne les distingue pas des Colombiens, alors ils se perdent dans la foule — sauf qu'ils ne s'y intègrent pas. Ils ont de la peine à trouver du travail. On les accepte mal. Ils n'ont pas de gagne-pain. Un grand nombre de ces gens se retrouvent en marge de la société. Cette situation oblige les femmes à se prostituer pour nourrir leur famille. Elles tombent entre les mains des trafiquants et de quiconque veut les exploiter. Elles tombent entre les mains des cartels, qui leur font transporter de la drogue.
    Pour résoudre la crise vénézuélienne en Colombie, nous exhortons le gouvernement à régler aussi rapidement que possible la situation des réfugiés qui ne sont pas dans des camps afin de leur permettre de travailler, de s'instruire et d'obtenir des services sociaux. Si le financement pose un problème, nous avons des solutions à recommander. Nous recommandons qu'à l'ONU, la rémunération du HCR soit obligatoire. Il ne devrait pas la récolter sous forme de don de bienfaisance, parce que cela ne fonctionne pas. Nous recommandons que le secteur privé intervienne et émette des obligations pour les réfugiés pour recueillir des fonds.
    Bref, ce problème ne sévit pas seulement dans les camps.
    Merci.
    C’est au tour de M. Whalen.
    Merci beaucoup.
    Cette conversation est très intéressante. Quand Mme Rempel a soulevé la question de l’accord de Dublin, je me demandais ce que vous penseriez d’un accord de dublinesque pour l’Amérique du Nord.
    Le Canada est en grande partie à l’abri des flux migratoires des États-Unis, qui absorbent entre 11,3 et 22,1 millions de personnes, suivant les groupes que l'on recense. Le Canada est loin d'atteindre son pourcentage de flux réguliers de migrants comparativement aux États-Unis.
    Serait-il possible de codifier les règles dans tout notre hémisphère pour mieux gérer ces flux de sorte que la Colombie, le Brésil et les États-Unis n'en portent pas tout le fardeau? Trouverions-nous une façon équitable de partager le fardeau de ces pays pour soutenir les migrants clandestins en régularisant leur situation ou par d'autres moyens?
    Vous venez de citer la recommandation principale du Conseil mondial pour les réfugiés, qui est de partager le fardeau, la responsabilité. Il faut que nous cessions d'imposer le plus gros de ces tâches aux pays avoisinants. Les autres pays du monde doivent y contribuer en reconnaissant que nous en subissons tous les conséquences. Comme l'a dit Mme Jilani, les nations devraient se partager cette responsabilité en assumant différentes tâches.
    Si nous avions un partenaire rationnel chez nos voisins du Sud, nous nous ferions un plaisir d'en discuter avec lui pour organiser quelque chose de ce genre. Il faut absolument que cela se produise à l'avenir.
    Parlant du nombre de réfugiés, on prédit de façon certaine que d'ici à 2050, il s'élèvera à 250 millions. Nous n'en sommes pas si loin. Ces réfugiés fuiront la sécheresse, la montée des océans et de grandes catastrophes météorologiques. La seule solution possible sera d'en partager la responsabilité.
    Vous avez tous recommandé l'annulation de l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, mais si même un tout petit pourcentage des 11,3 à 22,1 millions de personnes se présentaient légalement à un poste frontalier du Canada en pensant pouvoir demander l’asile et ne pas être refoulées, notre pays ferait face à de grandes difficultés. Cela surchargerait notre système, qui est déjà passablement accablé, mais qui traite les migrants clandestins de façon responsable.
    Dans le cas des Équatoriens, même si un petit nombre d'entre eux nous arrivent l'année prochaine quand les États-Unis les expulseront, nous devrons trouver une autre solution. Si nous nous contentons d'annuler l'entente sur les tiers pays sûrs, nous jetterons le chaos dans notre système.
    Je ne connais pas très bien les arrangements actuels, mais comme je l’ai dit, le rôle des organismes régionaux est très important. Je suppose que le système interaméricain devra intervenir à un moment donné, parce que ce problème ne sévit pas seulement en Amérique du Nord. Des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud sont aussi des pays hôtes et les pays d'origine de très nombreux réfugiés. Il faudra bien sûr trouver des solutions régionales, mais très fermement fondées sur le partage du fardeau et sur la responsabilité collective.
(1625)
    Dans cette optique, comment le Canada peut-il régulariser les migrants clandestins qui arrivent chez nous? Leur offrons-nous de bonnes occasions de participer à notre économie? Pouvons-nous et devrions-nous en faire plus? L’exemple ougandais est excellent pour ceux qui ne sont pas LGBTQ. Si ce n’est pas le cas, alors bien sûr, c’est un très bon système. Qu’est-ce que le Canada peut faire de mieux pour leur offrir des débouchés?
    D’une part, il faut des ressources pour accélérer le processus d'identification des demandeurs d’asile. Je pense que les longs délais de traitement des demandes d'asile discréditent tout le système et minent la confiance des Canadiens envers ce système. Les Canadiens ont le droit de croire que les frontières sont sûres, que les lois seront respectées et que personne ne cherchera à exploiter le système. Ceux qui arrivent en demandant l’asile n’enfreignent pas la loi; ils revendiquent un droit. En réponse à cette affirmation du droit, nous devrions établir un système qui permette de traiter rapidement et efficacement leurs demandes. Si nous ne le faisons pas, nous mettrons le système en danger.
    Je vois là un débat philosophique que nous n'avons pas le temps d'entamer.
    Une question rapide, madame Lenard. Je conviens que nous devrions appliquer plus efficacement le Programme mixte RDBV. Les niveaux augmenteront peut-être à l'avenir si nous l'utilisons plus.
    Je vais partager mon temps de parole avec Mme Zahid, qui a une question importante à poser.
    Je remercie nos trois témoins d'être venus aujourd'hui. Ma question s'adresse à Mme Jilani.
    Je suis très honorée de vous rencontrer en personne aujourd'hui. Vous avez toujours été un modèle pour moi. Quand j'étais jeune, au Pakistan, nous observions votre travail et celui de votre soeur sur les droits de la personne, particulièrement sur les droits des femmes, et je vous admire profondément pour cela. J'ai été atterrée d'apprendre ce qui est arrivé à votre soeur en février. Je vous remercie de tout le travail que vous avez accompli sur les droits de la personne au cours de ces 30 dernières années.
    Vous êtes également membre de l'organisme The Elders, qui a demandé au Myanmar de permettre aux Rohingyas déplacés de retourner chez eux. Pourriez-vous nous parler de ce qu'il faudra exiger pour que ce retour soit durable et nous dire ce que le Canada et nos alliés pourraient faire pour faciliter cela?
    Je crois que la communauté internationale doit avant tout présenter un programme commun au gouvernement du Myanmar afin que ces gens puissent rentrer chez eux en toute sécurité. À mon avis, certaines des mesures déjà prises sont loin d'être satisfaisantes.
     J’ai rencontré la population rohingya au Bangladesh, et je ne crois pas que cette population soit en mesure de retourner chez elle et d’y vivre en toute sécurité. De toute façon, le Myanmar fait face à un conflit ethnique. À mon avis, ce problème ne se limite pas aux préjugés contre la population rohingya.
    Je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire au Myanmar. Le problème pour la communauté internationale et pour moi, en tant que membre de l'organisme The Elders qui s'efforce de trouver des solutions, c’est que ces réfugiés ne peuvent pas rester longtemps au Bangladesh, qui lui aussi fait face à de graves problèmes.
    Je pense que la meilleure solution sera d'entamer des pourparlers diplomatiques avec le gouvernement du Myanmar et de faire plus de pression sur le gouvernement civil pour qu’il impose une certaine retenue aux militaires dans les provinces où ces conflits ethniques font rage. Les Rohingyas sont peut-être plus en sécurité dans les grandes villes, mais les régions qu'ils fuient sont encore très dangereuses.
(1630)
    Merci de tout coeur.
    Merci. Nous devons mettre fin aux témoignages de ce groupe.
    Merci beaucoup. Mme Zahid a parlé pour moi, madame Jilani. Je crois que le décès de votre soeur a bouleversé le monde. Vous poursuivez son travail de championne d'une manière impressionnante.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants.
(1630)

(1635)
    Pourrions-nous reprendre la séance, s'il vous plaît?
    Nous allons reprendre avec le témoignage du professeur Milner. Nous l'avons invité tout particulièrement pour qu'il nous parle du Pacte mondial. Je voudrais qu'il nous parle de son travail, parce que j'ai lu un excellent article dans le journal à ce sujet. À mon avis, c'est très important, et je crois que son témoignage nous aidera aussi à établir un cadre...
    Oui?
    À titre de précision, s’agit-il de la moitié de la réunion pour le... Avons-nous été avisés que ce témoignage occuperait la moitié de la réunion?
    Non, parce que cela fait partie de notre étude. Cela fait simplement partie de l'étude.
    Je propose que le Comité demande au président d'aviser les participants quand il prévoit de façon arbitraire d'attribuer la moitié d'une séance à cet enjeu particulier.
    Voici pourquoi je propose cela. Comme l'a dit le président lui-même, cet enjeu est un thème secondaire. Si nous ne voyons que le nom d'un témoin sans savoir qu'il éclairera une étude secondaire, je trouve que l'on tourne autour du pot. Nous aurions peut-être pu nous préparer un peu mieux. Je demanderais à mes collègues, par simple courtoisie, qu'ils prient le président d'informer le Comité quand il envisage d'agir ainsi.
    De plus, j’avais cru comprendre que nous discuterions des témoins à inviter pour cette étude secondaire, alors je me demande comment les témoins ont été choisis et pourquoi il n'y en a qu'un dans ce groupe. Il me semble qu'en attribuant la moitié d'une séance à un seul témoin, nous gaspillons le temps...
    Je vais vous répondre que cela est dû au fait que les partis n'ont pas remis les noms des témoins dans les délais prescrits. Comme je n'avais aucun nom de témoin à la date fixée, que le Comité connaissait et avait acceptée, j'ai poursuivi mon travail.
    Je vous dirai, monsieur le président...
    Dans le cadre de mes fonctions de président du Comité, je devais poursuivre le travail du Comité. Je tiens à souligner au public que les partis n'avaient pas proposé de témoins.
    Monsieur le président, dans cette situation, n'auriez-vous pas dû... puisque que cela vient d'arriver mardi, je crois?
    La date butoir était vendredi dernier, et non, je ne suis pas ici pour vous prendre par la main.
    Je ne vous demande pas de nous prendre par la main, monsieur le président. Je trouve cette remarque insultante. Nous essayons de...
    Je crois que vous êtes censé être neutre. Je dis que, vu l'importance de ce sujet, si vous aviez des préoccupations au sujet des témoins ou, sérieusement, si vous convoquez des témoins qui ont demandé à comparaître à ce sujet, il serait poli — et non pas pour les motifs particuliers que vous venez de décrire — de faire savoir aux gens que vous allez consacrer la moitié d’une séance pour traiter de ce sujet.
    Je vous demanderais qu'à l'avenir, quand vous affectez des témoins à une étude secondaire, vous en avertissiez le Comité comme il se doit.
    L'analyste vient de me rappeler qu’il y a un avis dans les notes d’information.
    De quelle autre façon, exactement, pensez-vous que vous devriez être avisés des dates d'échéances pour proposer des témoins, à part les notes d’information, ou que cela concerne les pactes mondiaux?
    Je le répète, initialement je vous demandais de préciser si vous envisagez d'y consacrer la moitié de la séance.
    Oui.
    Vous l'avez déjà dit. À l'avenir, je voudrais seulement dire que... Il nous reste trois séances et demie, n'est-ce pas? Je vous demanderais d'inscrire dans les notes d'information que vous envisagez d'en prendre une partie, pour que nous n'ayons pas cette même conversation à chaque fois, ce serait merveilleux.
    Oui.
    M. Tilson était le premier à la liste. Avez-vous baissé la main?
    Non.
    Nous entendrons M. Tilson, puis M. Maguire.
    Monsieur le président, je m'inquiète du fait que si, comme vous l'avez dit, aucun des trois partis n'a remis de noms de témoins, nous avons trop de réunions.
    Mme Michelle Rempel: Initialement, nous avions décidé d'en tenir deux.
    M. David Tilson: Si tel est le cas, je ne pense pas que cela donne automatiquement le droit au président de désigner des témoins.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, je crois que si tel est le cas, vous n'avez pas ce droit. Je crois que nous aurions dû — et nous devrions encore le faire — convoquer une réunion du sous-comité pour discuter du fait qu'il ne nous reste plus de témoins. Ou si nous n'avons plus de témoins désignés à la date d'échéance, nous devrions convoquer une réunion du sous-comité pour discuter du problème et pour peut-être déterminer si notre étude se prolonge trop longtemps.
(1640)
    Je vais expliquer au Comité que M. Milner figurait en fait sur la première liste de témoins. Nous avons tenté de lui trouver une place, mais il a un calendrier de voyage très chargé.
    Monsieur le président, je...
    De fait, je vais déclarer votre intervention irrecevable parce que nous n'avons pas de sujet à traiter.
    Eh bien, je parle de la motion. Nous sommes saisis d'une motion, et j'ai le droit d'en parler. Vous ne pouvez pas déclarer mon intervention irrecevable. Je parle de la motion.
    La motion...
    Vous ne pouvez pas déclarer mon propos irrecevable. Je parle de la motion.
    La motion n'a pas été présentée de façon compréhensible pour la présidence, puis elle a été modifiée trois fois.
    Eh bien, vous devriez peut-être demander à l'auteure de la motion de la clarifier si vous ne comprenez pas, monsieur le président.
    Si la motionnaire veut bien présenter une motion claire, je l'accepterai. La motion dont nous sommes saisis n'est pas claire. Je tiens à préciser que les mots « j'aimerais présenter une motion » ne constituent pas, en fait, une motion.
    Mais vous ne pouvez pas déclarer une chose irrecevable du seul fait que vous ne comprenez pas.
    De fait, je peux. Je peux déclarer votre intervention irrecevable. Oui, je peux.
    Eh bien, monsieur le président, votre propos est irrecevable, et je le dis avec tout le respect que je dois au témoin. Je ne conteste pas le témoin. C'est vous que je conteste pour avoir pris l'initiative de faire comparaître des témoins lorsque vous n'en avez pas le droit. Les partis, les trois caucus, ont le droit de faire comparaître des témoins. S'il n'y avait pas de témoins, vous auriez dû convoquer une réunion de sous-comité et demander aux trois représentants ce qu'ils voulaient faire.
    La convocation d'une réunion de sous-comité est à mon entière discrétion, monsieur Tilson.
    Ce n'est pas vrai, monsieur.
    Oui. Oui.
    Eh bien, vous avez choisi de ne pas la convoquer et de faire les choses comme vous l'entendiez. Est-ce bien ce que vous voulez nous dire? Vous n'avez pas le droit de faire cela.
    Je dis que M. Milner est un témoin choisi par le Comité. Il a été invité à comparaître en octobre. Nous avons essayé de lui trouver du temps. Et voici qu'il est disponible.
    Monsieur, je ne conteste pas le témoin. C'est vous que je conteste, vous qui avez agi...
    Je ne sais pas trop ce qu'est la contestation, parce qu'il a été présenté...
    La contestation, c'est que vous avez mal agi.
     D'accord, la décision de la présidence est contestée.
    C'est une contestation officielle?
    Oui.
    D'accord. Dans ce cas, nous devons voter pour maintenir la décision de la présidence. Elle ne peut être débattue.
    Que tous ceux qui sont en faveur de contester la décision de la présidence veuillent bien voter.
    (La décision de la présidence est maintenue.)
    Le président: Merci. Je continue.
    Je vais donner à Mme Rempel la possibilité de... Si vous voulez présenter une motion qui indique clairement que je dois... Je crois avoir compris, mais la situation a changé au fur et à mesure.
     Monsieur le président, lorsque la conversation initiale a eu lieu — et je crois qu'elle était publique, si bien que je ne suis pas...
    Oui.
    D'accord.
    Je pense qu'une bonne partie de la motion, d'après ce que je comprends, pourrait être discutée avec... De nombreux fonctionnaires canadiens se sont penchés sur la question. Il m'apparaît important de faire comparaître le ministre. Je suppose que le président organiserait la comparution de témoins d'Affaires mondiales Canada, d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, du ministre et peut-être même de notre rapporteure, Mme Arbour. Je pense que c'était plutôt l'esprit qui sous-tendait la motion. Nous aurions facilement pu passer deux réunions ou plus avec les fonctionnaires canadiens, comme vous l'aviez déjà décidé, et il ne s'agit pas de gardiennage, comme vous l'avez décrit; c'est seulement que nous avons un seul témoin. Nous avons un témoin, alors que nous aurions pu entendre un groupe de nombreux autres fonctionnaires, et ainsi de suite.
    Je pense que c'est une mauvaise attribution de temps, surtout...
    Les fonctionnaires du ministère ont été invités, et leur comparution est déjà organisée.
    D'accord, donc...
    M. Milner a été invité il y a quelque temps et il pouvait venir aujourd'hui. Nous nous sommes dit: « C'est un coup de chance » — ce qu'il ne pense peut-être pas en ce moment — « pour le Comité qu'il puisse être ici. » Il est un expert canadien du Pacte, et il y participe, et le moment de sa comparution était déjà fixé.
     Honnêtement, aucun autre témoin n'avait été présenté — les témoins sont maintenant présentés et les fonctionnaires ont été invités — et c'est la raison pour laquelle nous procédons ainsi.
    La réalité, je le rappelle au Comité, c'est que vous avez fixé au 10 décembre la date limite pour laquelle nous devons accomplir cette tâche. Pour que nous puissions respecter cette date, la présidence doit veiller à tenir quatre réunions sur le sujet. C'est ainsi que nous procédons.
(1645)
    J'aimerais quand même rappeler que l'esprit de la motion, lorsque nous l'avons adoptée et que nous sommes convenus d'élargir la portée du sujet, n'était pas de permettre à la présidence d'organiser arbitrairement des réunions sans que nous ayons quoi que ce soit à dire. Autrement, j'aurais proposé la motion pour avoir une étude distincte.
    C'est pourquoi je trouve étrange qu'on n'ait pas un peu plus réfléchi à la planification.
    À contrecoeur, je dirais que, selon la façon dont vous répondrez à la question, si vous avez l'intention, comme président, de constituer un groupe un peu plus robuste qu'une seule personne pour les trois réunions et demie qu'il nous reste, selon ce que vous avez décidé, c'est probablement plus conforme à l'esprit de la motion. Honnêtement, cela me semble une perte de temps.
     Je crois qu'une douzaine de témoins ont été présentés au sujet des pactes, en plus des représentants du ministère.
    Dans ce cas, pourquoi avoir un groupe composé d'une seule personne?
    Il pouvait être ici aujourd'hui.
    D'accord. Si nous ne sommes pas en mesure de convoquer les autres témoins ou les représentants du ministère, je demanderais... Je ne veux surtout pas voir un autre groupe comme celui-ci, parce que cette personne était sur la liste pour l'étude plus générale. Si les notes d'information pouvaient conclure que nous perdons maintenant la moitié de la réunion, par exemple, ce serait une bonne chose.
    Je comprends ce que vous dites.
    L'acceptez-vous, monsieur le président?
    Je reconnais qu'il peut arriver qu'un groupe d'un ou de six soit approprié, selon le sujet et selon ce qu'on en attend.
    Je ne suis pas d'accord, car cela a une incidence sur le temps dont nous disposons pour poser des questions. Si le gouvernement décide de mettre tous les fonctionnaires dans un même groupe... Je dirais simplement que, si nous avons un groupe de six représentants du ministère, les partis de l'opposition ont moins de temps pour leur poser des questions, ce qui est une tactique souvent utilisée par le gouvernement. Je n'aimerais pas qu'il en soit ainsi dans le cas qui nous occupe.
    Il y a quelque chose d'ironique sur quoi je n'attirerai pas notre attention.
    Monsieur Maguire, même si je ne suis pas sûr que nous avons une motion, auriez-vous quelque chose à dire?
    Je voulais seulement faire un commentaire, monsieur le président.
    Au début de la séance, vous avez dit qu'il n'y avait pas de témoins pour notre séance. J'abonde dans le même sens que mon collègue, M. Tilson: si aucun parti ne propose de témoins, nous n'avons aucune raison de nous réunir.
     Je dirais au Comité que c'est beaucoup plus complexe que cela. De nombreux témoins ont été présentés dans le cadre de cette vaste étude, dans laquelle s'inscrivent les pactes mondiaux.
    Je comprends.
    On a demandé que trois témoins comparaissent dans le groupe d'aujourd'hui. Deux n'ont pas pu venir. Nous avons décidé d'aller de l'avant avec l'expertise du professeur parce que je la trouvais précieuse pour le Comité. J'ai pensé aussi que le Comité aurait beaucoup de temps pour l'interroger, mais ce temps est en train de disparaître.
    J'ai M. Tabbara, puis M. Whalen.
    Un dernier commentaire. Merci, monsieur le président.
    Je suis d'accord avec vous. Nous avions d'autres témoins. Mais un seul était disponible aujourd'hui. Je pense qu'il nous incombe de ne pas perdre plus de temps et de faire comparaître le témoin pour lui poser certaines questions.
    À l'avenir, nous devrions tous — tous les partis — proposer des témoins avant la date limite et respecter les échéances. De plus, selon le type de témoins que nous accueillons, je suis d'accord pour dire que nous pouvons en avoir un seul ou en avoir quatre ou cinq, comme nous l'avons vu dans le Comité.
    Je pense que nous devrions passer aux questions.
(1650)
    Merci.
    Monsieur Whalen, allez-y.
    Je retire mon commentaire.
    Monsieur Milner, nous étions convenus que vous parleriez un peu plus longtemps que les sept minutes imparties, étant donné que nous n'avions qu'un seul témoin. Je vais respecter notre engagement de nous faire profiter de votre sagesse. Ensuite, le Comité aura des questions à vous poser.
     Merci, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
    Comme vous l'avez vu dans votre étude, le régime mondial des réfugiés est né de la Deuxième Guerre mondiale, et avait alors deux fonctions: premièrement, assurer la protection des réfugiés et, deuxièmement, trouver une solution à leur sort. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, en tant qu'organisation, a été créé pour travailler avec les États à la poursuite de ces objectifs.
    Malgré un soutien durable aux normes du régime des réfugiés et la croissance du Haut Commissariat au cours des 60 dernières années, le régime est incapable de s'acquitter de son mandat principal de façon prévisible. Partout dans le monde, les réponses non cohérentes et ponctuelles aux réfugiés engendrent de l'incertitude et de l'instabilité, tant pour les réfugiés que pour les États. De même, comme le Comité l'a constaté lors de sa visite en Tanzanie et en Ouganda, 85 % des réfugiés dans le monde restent dans le Sud, dans leurs régions d'origine, et passent en moyenne 20 ans en exil.
    Pourquoi cela? Aujourd'hui, je voudrais expliquer pourquoi nous voyons ces problèmes dans le fonctionnement du régime mondial des réfugiés, relever certaines utilisations possibles du Pacte mondial quant aux rôles que le Canada pourrait jouer pour corriger ces lacunes, et formuler certaines suggestions sur les rôles que le Canada pourrait jouer pour tirer parti de l'occasion du Pacte mondial pour renforcer le régime mondial des réfugiés. Je travaille à ces questions depuis une vingtaine d'années.
    Mon travail sur la politique du régime mondial des réfugiés m'amène à conclure que l'incapacité du régime de s'acquitter de son mandat de façon fiable découle de trois facteurs clés.
    Premièrement, les États conservent le contrôle ultime de la qualité et de l'étendue de l'asile qu'ils accordent aux réfugiés sur leur territoire. C'est parfaitement conforme au principe de la souveraineté des États, mais cela a donné lieu à des manques de convergence dans l'application de la politique mondiale d'accueil des réfugiés d'un État à l'autre. Cela a contribué à la multiplication des politiques d'asile restrictives dans le monde depuis la fin des années 1980. La coopération au sein du régime mondial des réfugiés passe par la volonté politique, et aussi par les intérêts des États.
    Deuxièmement, les résultats pour les réfugiés sont façonnés par la politique dans les domaines qui ne ressortent pas du régime des réfugiés. Les résultats pour les réfugiés sont aujourd'hui souvent façonnés par des décisions prises dans le cadre de régimes relatifs aux voyages, à la main-d'œuvre, au développement et à la sécurité, dont chacun peut revendiquer l'autorité sur certains aspects des mouvements de réfugiés. Dans certains cas, la complexité du régime présente des possibilités. Comme vous l'avez vu en Ouganda, la gouvernance du développement peut tirer parti de la participation d'intervenants qui peuvent créer des occasions d'encourager l'autonomie des réfugiés et leur contribution aux économies locales et nationales, alors que, dans d'autres domaines, elle peut permettre aux intervenants de transformer la prise de décisions sur les réponses aux réfugiés en régimes répondant mieux à leurs intérêts, effritant ainsi l'autorité et l'efficacité du régime mondial des réfugiés. Le régime a besoin de la capacité de s'engager de façon plus convergente et plus efficace dans les domaines de politiques connexes, et de les mettre à contribution pour formuler des résultats où tout le monde, tant les réfugiés que les États, trouve son compte.
    Le troisième défi est probablement le plus fondamental, en ce sens que le régime n'oblige pas les États à coopérer pour assurer son fonctionnement. Alors que les pays de premier asile ont l'obligation internationale de ne pas renvoyer de force des réfugiés dans un pays où ils craignent d'être persécutés, les autres États ne sont pas tenus d'assumer une part des coûts associés à l'octroi de l'asile. Même si les États s'entendent généralement sur le principe de la coopération et du partage de la responsabilité au niveau international, rien ne les oblige à coopérer pour trouver des solutions pour les réfugiés. En l'absence d'un tel mécanisme, la responsabilité à l'égard des réfugiés est le résultat d'accidents géographiques, qui font que les États situés dans les régions d'origine des réfugiés accueillent la vaste majorité des réfugiés du monde.
    Les inégalités qui en résultent soulèvent non seulement des questions d'éthique, mais encore des questions politiques plus profondes sur la mobilisation de la coopération internationale dans un environnement où les États de première ligne ne peuvent compter sur un soutien pour répondre à l'arrivée et à la présence prolongée des réfugiés. De fait, l'absence apparente de coopération internationale depuis 30 ans a incité plusieurs États du Sud à se donner des politiques d'asile plus restrictives. Elle a exacerbé les tensions nord-sud au sein du régime d'accueil des réfugiés et entraîné un faible niveau de confiance entre les principaux États d'accueil des réfugiés et les États donateurs.
    Le Pacte mondial sur les réfugiés, dont l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies est actuellement saisie et qui connaît un passage difficile à New York, nous donne l'occasion de nous attaquer à certains — mais pas à l'ensemble — des problèmes de gouvernance auxquels le régime est actuellement soumis.
(1655)
     Premièrement, s'il est mis en oeuvre, le Pacte risque d'inciter les États d'accueil à se donner des approches favorisant la protection des réfugiés et une solution à leur égard. Ici, il peut aider à rétablir la confiance entre les États d'accueil de réfugiés et les autres membres de la communauté internationale.
    Deuxièmement, le Pacte mondial sur les réfugiés est assorti de mécanismes qui relient les questions relatives aux réfugiés à des discussions plus larges sur le développement, les politiques et les pratiques. C'est une innovation nécessaire qui peut déboucher sur un changement important.
    Troisièmement, le Pacte mondial sur les réfugiés prévoit la tenue d'un forum mondial ministériel sur les réfugiés, qui se tiendra tous les deux ou trois ans, pour susciter un engagement politique de haut niveau dans le processus de résolution des situations de réfugiés. Ce mécanisme aide à faire naître la volonté politique et la mobilisation d'une action collective pour répondre à une préoccupation commune. Comme pour les enjeux mondiaux tels le commerce et l'environnement, des mesures collectives soutenues sont la meilleure façon de résoudre les problèmes de réfugiés. Il faut une volonté politique pour que cet élément de l'ordre international à base de règles puisse relever efficacement ce défi commun et se remettre de l'échec de l'action collective.
    Le Pacte mondial ne corrigera pas toutes les lacunes du régime mondial des réfugiés. Il demeure un accord volontaire non contraignant et ne garantit pas que la coopération internationale est fiable et efficace dans toutes les situations. Il n'est donc pas une panacée. Par contre, il offre une occasion potentiellement importante de démontrer la valeur de l'action collective, de rétablir la confiance et de raviver la confiance dans l'ordre international à base de règles.
    Le Canada pourrait-il être un chef de file dans le Pacte mondial? Je dirais que le Canada est déjà un chef de file dans l'élaboration du Pacte mondial, et je serai heureux d'en parler pendant la période des questions. Je pense que le Canada a l'occasion de jouer un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre du Pacte mondial, à la fois pour améliorer le régime des réfugiés et, surtout, pour démontrer ses capacités comme défenseur de l'ordre international à base de règles.
    Comme j'en ai discuté avec les missions canadiennes au Kenya et en Tanzanie il y a deux semaines en Afrique de l'Est, et comme je l'ai fait valoir à la réunion des chefs de mission mondiaux à Ottawa en mai dernier, le Canada peut mobiliser les ressources existantes en matière d'immigration, de développement et d'aide humanitaire pour aider à mettre en oeuvre le Pacte mondial et à répondre aux intérêts communs avec les principaux États d'accueil de réfugiés. Cela permettrait d'améliorer les relations du Canada avec ces États et de renforcer la protection et les solutions pour les réfugiés.
    Où, précisément, le leadership canadien peut-il contribuer à maximiser l'impact? Je mentionnerais deux possibilités.
     Premièrement, dans le cadre du Pacte mondial, on s'est engagé à organiser un forum mondial ministériel sur les réfugiés à la fin de 2019 ou au début de 2020. Le Canada peut offrir de coprésider la première réunion ministérielle. Au cours de la prochaine année, le Canada pourrait piloter les efforts visant à construire une coalition nord-sud d'États déterminés à démontrer les avantages de l'action collective. Il pourrait rétablir la confiance dans le régime mondial des réfugiés et favoriser une solution pour les réfugiés. C'est dans l'intérêt des États et des réfugiés.
    Deuxièmement — et je pense que c'est plus facile à faire —, le Canada peut effectuer un examen des ressources en matière d'immigration, de développement, de diplomatie et d'aide humanitaire qu'il consacre actuellement aux principaux États et régions d'accueil de réfugiés. Le Canada devrait alors proposer la mise en place d'une plateforme, d'un autre mécanisme dans le Pacte mondial, pour les situations où il peut piloter avec d'autres États la réalisation d'un changement grâce à l'utilisation complémentaire des ressources existantes en collaboration avec les autres États.
    C'est ainsi que le Canada a ouvert la voie aux réfugiés lhotshampas bhoutanais au Népal. On peut appliquer la même logique pour déployer ce mécanisme. Cette approche a permis au Canada de jouer un rôle de premier plan dans le dénouement de situations particulières de réfugiés dans le passé. Elle a donné des résultats positifs pour les réfugiés et les États qui les accueillent. Elle a aussi relevé considérablement le prestige du Canada dans la communauté internationale. Nous l'avons déjà fait, et je crois que l'appui à la mise en oeuvre du Pacte mondial des réfugiés nous donne l'occasion de le refaire une fois de plus.
    Merci beaucoup. J'attends vos questions.

[Français]

    Monsieur Milner, je vous remercie d'être présent, et je m'excuse pour ce temps perdu, que nous aurions pu utiliser pour vous poser davantage de questions et profiter de votre expertise. Parfois, il y a de la politique même dans les comités les mieux pensants.
    Vous avez souligné trois points en particulier.
     Selon ce que j'ai pu comprendre, il n'y a aucun avantage pour les États à coopérer pour faciliter l'application du Pacte mondial sur les migrations. Un des effets collatéraux de cela est le retrait des États-Unis; trois pays se sont retirés de ce pacte. Les décisions de notre voisin immédiat ont des répercussions mondiales, mais particulièrement chez nous, étant donné que le Canada a conclu l'Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis.
    Comment arrive-t-on à gérer et à garder le leadership mondial, comme vous l'avez dit dans vos derniers commentaires, sans bénéficier d'un soutien économique en fonction du nombre de réfugiés? Nous en accueillons déjà un nombre important. D'autres témoins ont dit que c'était une goutte dans l'océan. Effectivement, c'est très peu par rapport à la demande.
    Comment peut-on arriver à concilier tout cela, afin que le Canada puisse devenir un leader, comme vous l'avez évoqué dans vos derniers commentaires?
(1700)
    Je vous remercie beaucoup, votre question est extraordinaire. Si vous me le permettez, je vais y répondre en anglais.
    Il n'y a pas de problème.

[Traduction]

     Il y a deux éléments de cette question qui, à mon avis, sont d'une importance primordiale, à savoir comment encourager la coopération en l’absence d’une obligation de coopérer et comment assurer le fonctionnement d’un système dont il est évident que la puissance hégémonique se retire.
    Permettez-moi de répondre à ces deux questions l'une après l'autre.
    Voyons d'abord le moyen d'assurer la coopération en l’absence d’obligations contraignantes: on pourrait arguer en faveur d'incitatifs. Il y a des situations où les ressources existantes et l’arrivée de nouveaux partenaires peuvent permettre de tirer parti du changement, et il y a des cas réussis.
    Ce que vous avez vu en Ouganda, du point de vue de l’investissement que représente le fait de permettre aux réfugiés de contribuer à l’économie locale en estimant que c'est une contribution économique à l’Ouganda, a amené l’Éthiopie à réfléchir à l’utilité éventuelle d’attirer des prêts concessionnels de la Banque mondiale pour ouvrir une zone économique spéciale et sortir 800 000 réfugiés des camps, qui travaillent dans des zones économiques spéciales. On en voit aujourd'hui les répercussions au Kenya, etc.
    Dans le climat mondial actuel, il n'y aura plus de nouvelles obligations découlant de traités liant les États à de nouveaux engagements. Quand l'actuel secrétaire général de l'ONU António Guterres était haut-commissaire pour les réfugiés, il a dit, à sa dernière rencontre avec le comité exécutif du HCR, qu’il serait formidable d'avoir un protocole supplémentaire annexé à la convention de 1951 pour faire de la coopération internationale une obligation contraignante. Cela ne se fera pas.
    Cependant, je pense qu’une occasion se présente à nous avec les banques multilatérales de développement, la Banque mondiale, et les acteurs économiques nationaux et régionaux qui voient maintenant les possibilités économiques qui découlent de la participation des réfugiés comme moteur du développement local et national, et que tout cela ouvre la possibilité de créer de nouveaux incitatifs. Je pense que c’est la voie à suivre pour assurer la coopération, parce qu’elle ne renvoie pas exclusivement aux principes humanitaires; elle joue sur les intérêts des États. Je pense que c’est de cette façon que nous pouvons donner l’impulsion nécessaire à une coopération sans obligation contraignante de coopérer.
    Comment faites-vous cela en l’absence des États-Unis? Je vais parler ici du Pacte mondial sur les réfugiés.
    Les États-Unis se sont officiellement retirés du Pacte mondial sur la migration. Au cours des deux dernières semaines, nous avons également vu les États-Unis exprimer leur réticence à participer à une résolution générale consensuelle de l’Assemblée générale des Nations unies pour appuyer le Pacte mondial sur les réfugiés. Nous ne sommes pas tout à fait certains de la façon dont les choses vont se dérouler. C’est ce qui se passe actuellement à New York.
    Il est très clair que les États-Unis ont déjà fait part de leur intention de réduire leur participation au système mondial d'accueil des réfugiés, compte tenu notamment du nombre de réfugiés qu’ils accueillent. Il est question de passer d'une échelle de 90 000 à 100 000 par an à une échelle de 20 000 à 30 000 par an. La question des chiffres se pose aussitôt du point de vue de la réinstallation des réfugiés: comment combler l'écart?
    Je pense que le financement du HCR est plus important. Les États-Unis, par principe, ont toujours assumé 38 % du budget du HCR, et il est question de réduire ce soutien de moitié.
    La question du leadership politique est encore plus importante. Il ne saurait revenir à des pays comme le Canada de combler cet écart en termes monétaires ou quantitatifs immédiats. Je pense que, en fait, cela ouvre la possibilité d'envisager de nouvelles formes de leadership.
    Les États-Unis ont jusqu'ici dominé le système d'accueil des réfugiés. Ce sont eux qui en ont déterminé les résultats. Par principe, le haut-commissaire adjoint a toujours été un Américain. Nous voilà peut-être au tournant où l’impact, le niveau d’influence, si important des États-Unis depuis 50 ans, va changer. Peut-être que cela donnera lieu à un système très différent, peut-être plus souple, mais je pense que d’autres intervenants, qui sont prêts à le faire, pourraient jouer un rôle de leadership.
    Ce que je tiens à dire, c’est que cela ne signifie pas nécessairement de nouvelles ressources importantes; il s’agit de réfléchir de façon créative à l’utilisation des ressources dont nous disposons actuellement.
(1705)

[Français]

     Je vous remercie.
    Combien de temps de parole me reste-t-il?

[Traduction]

    Il vous reste une minute.

[Français]

    Vous avez mentionné en deuxième lieu, à l'égard des réfugiés, que la politique jouait un rôle important pour ce qui était des résultats. Comment arrive-t-on à évaluer la qualité de l'intégration des réfugiés? On parle ici de qualité, mais aussi de quantité de temps et de générations. En effet, une première génération de réfugiés qui s'établit n'est peut-être pas la mieux intégrée, étant donné que, dans certains cas, les réfugiés arrivent à un âge déjà avancé. Toutefois, la situation est différente pour les deuxième et troisième générations.
     Comment arrive-t-on à déterminer si on a un plan de qualité pour les réfugiés?

[Traduction]

     C’est une autre excellente question.
    Je sais que nous avons peu de temps. Vous l’avez peut-être constaté dans le contexte de la Tanzanie, où des réfugiés burundais sont présents depuis 1972. Ils parlaient le swahili. Ils avaient des entreprises locales. Ils étaient intégrés dans les faits, mais, faute de statut juridique, ils n’étaient pas en mesure de remplir leur rôle de citoyen.
    C’est une question qui fait l’objet d’un grand débat sur le plan de l’intégration économique. Je vous renvoie au travail du projet Refugee Economies de l’Université d’Oxford. Vous en avez peut-être pris connaissance en prévision de votre séjour en Ouganda. Je vous renvoie au débat sur l’intégration juridique par opposition à l’intégration sociale et culturelle.
    La réponse simple à la question est que la mesure de l’intégration dépend de la personne à qui vous posez la question et des intérêts qu’elle veut défendre dans cette argumentation. Depuis les années 1970, il y a eu un riche débat sur les conditions dans lesquelles la présence de réfugiés et de programmes d’aide aux réfugiés contribue à l’économie locale. L’intégration passe entre autres par la possibilité de contribuer à l’économie, d'investir dans l’économie locale et d'exercer les droits liés à la citoyenneté.
    La réponse simple est que le statut juridique est la mesure de référence claire de l’intégration — avoir un statut juridique durable —, mais, au-delà, il y a les aspects sociaux et culturels de l’intégration, et cela fait l’objet d’un débat au Canada tout autant qu’au Kenya.
    Merci.
    C’est au tour de Mme Rempel.
    Merci, monsieur le président.
    Du point de vue de l’état actuel de l’accord, dans sa version la plus récente, comment y définit-on les réfugiés? Plus précisément, quels changements a-t-on apportés à cette définition compte tenu des accords précédents, comme l’Accord de Genève et autres?
    C’est une excellente question.
    L’élaboration du texte du Pacte mondial des Nations unies comporte deux volets. Il y a eu l’annexe 1 de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants à partir de septembre 2016, et cela ajoute des définitions assez générales de la notion de réfugié et autres, le plus souvent dans l'esprit de la convention de 1951. Cela a marqué le début d’un processus de consultations de deux ans, à Genève, concernant un programme d’action pour la mise en œuvre de l’annexe 1, soit le CAGR.
    C’est dans le cadre de ces échanges que...
    Pourriez-vous simplement nous décrire certains des acronymes que vous utilisez de temps à autre?
    Le CAGR est le Cadre d’action global pour les réfugiés. Il s’agit de l’annexe 1 de la Déclaration de New York.
    C'est à New York qu'a été entamé ce processus de deux ans. Il s'agissait d'élaborer ce cadre d’action global pour les réfugiés, et, maintenant, nous avons besoin d’un programme d’action pour le mettre en oeuvre. C’est là que 193 États membres, plus les ONG...
    Question de temps, parce que...
    Simple.
    ... il ne nous reste que quelques minutes. Pouvez-vous nous dire précisément où en est la dernière version en ce qui concerne les réfugiés?
    Dans le cadre des consultations, on s’est efforcé de déterminer où se situaient les PDIP dans tout cela. L’une des grandes questions est de savoir si les PDIP s'inscrivent entre le Pacte mondial sur les réfugiés et le Pacte mondial sur la migration. Deuxièmement, qu’en est-il des personnes qui se déplacent en raison des changements climatiques?
    Il y a un paragraphe dans le pacte mondial, le paragraphe 12, qui dit, dans le texte en cours d'adoption par l’Assemblée générale — voyons si ce sera intact à la fin de la semaine prochaine —, que le principal objectif du Pacte mondial sur les réfugiés est précisément les réfugiés, mais que le modèle du pacte mondial s’applique également aux autres populations en déplacement.
    Cela a été décidé par un certain nombre d'États, le HCR et des organismes de la société civile parce que les États qui accueillent des réfugiés dans l'hémisphère sud craignent que ces obligations ne s’appliquent pas seulement aux réfugiés, mais à une tout autre population. Comme l'a dit l’honorable Allan Rock — qui est parmi nous —, d’ici 2050, 250 millions de personnes se déplaceront en raison des changements climatiques.
    Les États qui accueillent des réfugiés hésitaient beaucoup à assumer davantage d’obligations. C’était un libellé de compromis pour pouvoir dire que, compte tenu de la pratique et au fil du temps, il y a une discussion parallèle sur la gouvernance et les mesures prises à l'égard des PDIP. Il y a une discussion parallèle sur la gouvernance relative à ceux qui se déplacent en raison des changements climatiques.
    Il y a espoir que, au fil du temps et compte tenu de la pratique, seront mis en place des mécanismes permettant de relier les interventions humanitaires et de développement, de travailler avec les populations déplacées et les collectivités d’accueil, et d’habiliter les femmes, les filles et les réfugiés à participer au processus de gouvernance, mais c’est très ambigu dans le document.
(1710)
    Dans la version actuelle, si je devais résumer, la définition serait-elle la même que dans la convention de 1951 ou a-t-elle été élargie?
    Un peu des deux... donc, ce n’est pas vraiment une réponse.
    D’accord.
    Dans l’introduction, on dit que cela s’applique aux réfugiés, dont la définition se trouve dans la convention de 1951 et dans les ententes régionales. On y énumère tous les endroits où on a vu... La définition de 1951 n’est pas la même que celle de [Inaudible]
     C’est beaucoup de... Si je communique cette information à quelqu’un, y a-t-il une façon simple ou un endroit simple où la notion de réfugié est définie dans cet accord? Si vous deviez l'expliquer à quelqu’un qui ne sait rien en matière d'immigration, comment le pacte définit-il un réfugié?
    Le pacte ne définit pas la notion de réfugié. Si je devais résumer, je dirais que, si vous lisez de bout en bout tout le jargon juridique, ce que dit le pacte mondial, c’est qu’un réfugié est une personne qui a traversé une frontière par crainte de persécution ou de violence généralisée. C'est cette définition abrégée qui vaut.
    Ce que vous dites, c’est que la définition de « persécution » a été élargie.
    Désolé, pourriez-vous répéter?
    Si je devais simplifier, ce que vous dites, c'est que la notion de persécution a été élargie dans le pacte.
    Cela n'y est pas précisé clairement, parce qu’il y a...
    D’accord. Pour ce qui est de la question suivante, je crois comprendre que la notion de réinstallation a été très clairement élargie dans l’accord. Est-ce que j'ai raison? Je comprends que tout l’accord vise à partager les fardeaux, mais cette notion a été considérablement élargie dans l’accord. Est-ce que je résume correctement?
    L’article que j’ai sous les yeux dit que, en plus d’être un instrument de protection et de solutions pour les réfugiés, la réinstallation est également un mécanisme tangible de partage du fardeau et de la responsabilité, qui permet aux États de s’aider mutuellement et de réduire l’impact des cas de réfugiés très nombreux sur les pays d’accueil.
    Le pacte vise à élargir la définition du soutien à la réinstallation — par exemple, la formation linguistique, le logement abordable et ce genre de choses — à ce que je qualifierais maintenant de transferts de richesse internationaux entre les nations.
    C'est bien cela?
    Non. Sur ce point très précis, je dirais que non. Cette définition des trois fonctions de la réinstallation remonte à 2001, en lien avec les consultations mondiales et le programme de protection, et elle a donc déjà été adoptée.
    Ce que vous voyez dans le Pacte mondial sur les réfugiés, ce sont tous les efforts déployés dans le cadre de l'évolution de la politique mondiale sur les réfugiés au cours des 15 dernières années. Des efforts ont été déployés pour la codifier dans le pacte mondial. Quant aux fonctions de la réinstallation, cela existe depuis 2001.
    Brièvement, en quoi les responsabilités du Canada changeraient-elles si le Pacte mondial sur les réfugiés était ratifié?
    Cela ne modifierait pas les obligations particulières du Canada, parce qu’il s’agit d’un accord non exécutoire et non juridique.
    Qu’attendrait-on du Canada si nous décidions de le ratifier?
    On s’attendrait à ce que le Canada continue d’être un chef de file dans le système mondial d'accueil des réfugiés, et ce serait au Canada de décider où il serait dans son intérêt de manifester ce leadership.
    De quelle façon, d'après vous, le Canada le manifesterait-il?
    Le Canada contribue au système d'accueil des réfugiés de quatre façons. Il y a d'abord la contribution financière au HCR, ensuite le nombre de réinstallations, puis la participation mondiale aux discussions et, enfin, les mesures qu'il prend dans des situations individuelles.
    À mon avis, ce serait formidable que, compte tenu du retrait des États-Unis, le Canada augmente sa contribution au HCR et le nombre de réinstallations dont il se chargerait, mais il faut aussi reconnaître que ce n’est pas une attente raisonnable.
    Je crois qu’on espère que le Canada accorde plus de valeur au système mondial d’accueil des réfugiés pour y assumer un rôle de chef de file plutôt que d’être un guichet automatique.
(1715)
    Qu’est-ce qui changerait si cet accord était signé?
    Deux choses.
    Beaucoup de pays qui accueillent des réfugiés ont confiance dans le processus, et c’est l’occasion de démontrer que l’action collective fonctionne.
    Deuxièmement, il confère une légitimité normative à des idées qui sont à l’oeuvre depuis longtemps.
    Comme?
    Par exemple le lien entre les interventions humanitaires et de développement, la participation de la Banque mondiale aux solutions répondant aux besoins des réfugiés dans les collectivités d’accueil, et la participation des réfugiés aux processus décisionnels. Ce sont des idées qui fonctionnent. Nous l’avons fait à certains endroits.
    Ce qui changerait, c’est que cela nous donnerait une base grâce à laquelle nous pourrions le faire non seulement dans quelques endroits, mais partout.
    Merci.
    Je dois vous arrêter ici.
    C’est au tour de Mme Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Milner.
    Concernant la définition, il me semble qu’elle n’a pas beaucoup changé, mais permettez-moi de vous poser quelques questions précises. Dans la définition de réfugié, est-ce que la violence familiale, la violence des gangs et les droits des LGBTQ sont toujours inclus dans la perspective du pacte?
    Oui et non. Quand le pacte a été rédigé, certaines de ces questions sur la définition... Par exemple, les lignes directrices du HCR sur la persécution liée à l’identité de genre et à l’orientation sexuelles ne sont pas acceptées par tous les États. Si on inscrit cela expressément dans le document, des pays comme l’Égypte s’y opposeront.
    La définition de la notion de réfugié traduit en fait les lignes directrices et politiques actuelles, de sorte que toutes les interprétations progressistes des cas de violence fondée sur le sexe, de violence de la part d’acteurs non étatiques et de persécution fondée sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle sont référencées, mais pas d'une façon telle que les États la considéreraient comme un empiétement sur leurs obligations en vertu de la convention de 1951.
     Merci.
    Au sujet du rôle du Canada, vous avez parlé de l’importance de ce que nous pouvons faire dans le contexte international.
    Oui.
    Je pense qu’il est juste de dire que le Canada n’est pas la Banque mondiale. Nous n’avons pas un puits sans fond de ressources. Cela dit, le Canada peut jouer un rôle, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, et il en va de même pour la réinstallation. La géographie et la nature de l’endroit où nous sommes nous empêchent de réinstaller beaucoup de gens.
    Oui.
    La collectivité internationale s’attend pourtant à ce que le Canada joue un rôle de chef de file sur ces deux fronts. C’est pour inciter d’autres pays et collectivités à jouer leur rôle, n’est-ce pas?
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    C’est là qu’il y a une recommandation très précise que le Comité peut examiner.
    La réponse facile est d'y consacrer plus d’argent. Le pacte mondial, c'est une nouvelle façon de penser, de relier l'aide humanitaire au développement. Le Canada a déjà des programmes et des ressources consacrés aux principaux pays et régions qui accueillent des réfugiés. En 2008, au moment où il dirigeait des initiatives concernant les réfugiés en situation d'asile prolongé, le Canada a déclaré que, avant de commencer à consacrer de nouvelles ressources, il faudrait examiner où nous avons des ressources. Y a-t-il un moyen de faire le lien et de démontrer l’impact des ressources existantes et de s'en servir, exactement comme vous le dites, pour démontrer la valeur de l’action collective et inciter d’autres intervenants à participer?
    Quand on fait la preuve qu'on a réussi grâce aux ressources existantes, on dispose d’une base de données beaucoup plus solide pour déterminer la façon dont les ressources supplémentaires pourront produire des résultats supplémentaires. C’est le rôle de leadership, le rôle de rassembleur, mais il s’agit, en fait, de s’assurer qu’il y a une base de données probantes pour harmoniser les ressources existantes et ainsi maximiser les résultats.
    Tout à l’heure, l’honorable Allan Rock a fait un exposé. Il a, entre autres, proposé que le Canada apporte des changements pour obtenir des ressources auprès de ce qu’il appelle des « dirigeants étrangers corrompus » et que ces dollars gelés soient réinvestis dans des causes humanitaires. Que pensez-vous de cette suggestion et de cette recommandation?
(1720)
    Je suis au courant de l’idée; elle circule. Je ne suis pas le plus enthousiaste à cette idée, pour trois raisons.
    Premièrement, je pense que les enjeux politiques entre pays d'accueil et pays d’origine... Je sais qu’il en a été question avec des dirigeants engagés dans la situation en Libye, par exemple, et ils disent que si le Canada veut emprunter cette voie, il pourrait en subir les conséquences politiques, l’idée étant que c'est une excuse pour ne pas engager de ressources canadiennes, alors c'est une question de point de vue.
    Il y a aussi une question de détournement. La quantité de ressources qu'on obtiendrait en utilisant des actifs gelés ne comblerait pas entièrement le manque à gagner que nous constatons et ne nous donnerait pas l’accès aux ressources que nous espérons. J’ai entendu la fin du commentaire de l’honorable Allan Rock à propos du mérite de l’élément dissuasif, que les régimes qui provoquent des déplacements de population auraient des comptes à rendre finalement.
    Cependant, vu le jeu politique et les ressources qu'on y gagnerait, je ne pense pas que cela puisse changer de fond en comble le fonctionnement du régime d'aide aux réfugiés.
    Ne serait-ce pas le cas si c’était le seul outil dans notre coffre à outils? Ne devrions-nous pas examiner toutes les options? Pour moi, que le Canada joue un rôle de chef de file à cet égard ne signifie pas qu’il peut faire marche arrière dans ses contributions à l’aide humanitaire, par exemple. Nous devons poursuivre notre travail dans ce domaine. Ce n’est pas parce qu’il y a un problème qu’on peut se retirer.
    Absolument. Je suis tout à fait d’accord. Je pense qu’il y a toute une gamme d’options.
    Ce qui me préoccupe, c’est la façon dont on en a parlé. Ce n’est pas une panacée. Cela peut aider à la reddition de comptes, ce qui n'est pas rien, mais s'il faut engager une volonté politique et des ressources déjà rares pour rétablir la confiance, susciter du changement et créer des partenariats démontrant la valeur d’un système international fondé sur des règles, je ne mettrais pas cela en haut de ma liste de priorités.
    C'est vrai que ce n’est pas une panacée. Il y a là des enjeux très complexes qui touchent de nombreux pays, aussi je ne suis pas sûre qu’il y ait une panacée quelque part. Il vaudrait mieux attaquer le problème sur plusieurs fronts, je pense.
    À ce propos — et je me demande si vous voulez intervenir —, nous avons parlé des États-Unis et de la situation qui y règne actuellement. Je pense que la politique aux États-Unis a beaucoup changé, avec des répercussions considérables pour les migrants. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre le contraire.
    Selon vous, les États-Unis sont-ils toujours un tiers pays sûr?
     Il faut répondre à cette question dans le contexte des mesures prises en réaction à la situation aux États-Unis. Il y a certainement lieu de s'interroger sur le climat de protection dans ce pays. La question est de savoir ce que cela fait à la réputation mondiale du Canada et à sa capacité de dialoguer avec un pays comme le Kenya.
    Si le Canada se fait plus réticent à l’arrivée de 50 000 personnes à sa frontière... Il y a des questions à poser sur la façon dont la réaction a été coordonnée et communiquée, etc., mais si le Canada réagit d’une façon particulière à ce mouvement de migration, dans quelle mesure peut-il ensuite encourager l’Ouganda à rester ouvert à l’arrivée de 800 000 réfugiés du Soudan du Sud?
    Quant au sujet très précis de savoir si les États-Unis sont un tiers pays sûr, je pense qu’il y a des questions claires et importantes à poser, mais j’inviterais le Comité à ne pas considérer cette question de l’entente sur les tiers pays sûrs séparément de la capacité du Canada à exercer un leadership moral dans la communauté internationale et dans le régime mondial d'aide aux réfugiés.
    Il n’y a jamais rien qui fonctionne en vase clos, comme on le sait, certainement pas en politique. Cependant, je crois que la communauté internationale est tournée vers le Canada, étant donné notre position et la réputation que nous avons acquise. Si nous ne faisons rien contre quelque chose qui se produit juste à côté de chez nous, où des gens sont déplacés, où la violence familiale n’est pas considérée comme un motif valable pour demander l'asile, où la violence des gangs n’est pas considérée comme un motif valable pour demander l'asile, comment pouvons-nous prétendre vouloir donner l'exemple sur la scène internationale et rallier les autres dans un élan de solidarité?
(1725)
    Répondez très brièvement.
    J’allais simplement dire que cela en dit long sur l'importance d'être cohérent dans notre politique intérieure et notre politique internationale et de veiller à ce que le Canada ait l'autorité morale nécessaire pour exercer un leadership et, franchement, profiter de sa position avantageuse devant un pareil enjeu planétaire.
    Il faudrait alors...
    Merci.
    C’est au tour de Mme Zahid.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Milner, d’être ici aujourd’hui.
    J’ai lu avec intérêt vos commentaires sur iPolitics en janvier dernier au sujet des Rohingyas du Myanmar. Vous disiez plus précisément qu'en rapatriant de force la première vague de Rohingyas réfugiés au Bangladesh, sans garantir leur sécurité ni s’attaquer aux causes profondes du problème, on n'avait fait qu'aggraver le problème. Il paraît que ce cycle pourrait se répéter. Je m’oppose certainement à un rapatriement forcé et je crois qu’en plus de la sécurité, il faut aborder la question de la citoyenneté et des droits qui viennent avec. C’est une question très importante.
    Pouvez-vous nous dire ce qui doit faire partie d’un retour volontaire et durable des Rohingyas et ce que le Canada et ses alliés doivent faire pour l’encourager?
    Merci. C’est une question vraiment importante. Je fais remarquer qu'elle ne se limite pas aux Rohingyas. Comme vous avez pu le voir en Tanzanie, la situation des réfugiés burundais est très semblable. C’est la troisième fois dans ma vie que nous voyons un afflux important de Rohingyas du Bangladesh, et il en va de même pour les Burundais en Tanzanie.
    Je pense qu'il faut trois choses.
    D’abord et avant tout — et cela, nous sommes en train de l'apprendre —, les solutions ne sont pas simplement que les réfugiés rentrent chez eux physiquement, mais qu’il y ait un processus régulier de réintégration. Cela nous ramène à ce qu'on entend par intégration et réintégration. Il s’agit d’avoir un statut juridique solide et des recours devant la loi, mais aussi la capacité d'assurer sa subsistance par des débouchés économiques, des droits fonciers et ainsi de suite.
    Deuxièmement, il s'agit plus généralement de la façon dont nous abordons les Rohingyas et la plupart des situations de réfugiés. On s'est aperçu en 25 années que l'approche purement humanitaire — répondre aux besoins essentiels des réfugiés durant leur exil et espérer qu’ils finiront par rentrer chez eux — ne fonctionne pas. Il faut lier non seulement l'aide humanitaire et les interventions de développement, mais dans le cas des Rohingyas, il faut aussi lier l'humanitaire et le développement avec la diplomatie, avec la gouvernance, avec tout ce par quoi la communauté internationale adhère aux engagements fondamentaux de la Charte des Nations unies.
    Quant à savoir où le Canada peut être un chef de file, la réponse simple n’est pas de chercher une sortie rapide à la situation des Rohingyas, mais de reconnaître qu’il ne s’agit pas seulement de répondre aux besoins humanitaires urgents, qui existent certes, mais aussi d’engager un dialogue pour concrétiser les principes de la Charte des Nations unies en ce qui concerne les libertés fondamentales et l’accès à la citoyenneté au Myanmar.
    Maintenant, il semble ridicule de dire: « Ayons une conversation avec le régime du Myanmar au sujet des droits de citoyenneté. » Le problème remonte bien plus loin que notre engagement dans ce dossier particulier. Il remonte à des centaines d’années. Mais tant qu’on n’a pas atteint le seuil minimal, celui où on peut conclure à l'existence de droits juridiques dignes de ce nom, on ne peut pas parler de retour purement volontaire.
     Merci.
    Ma prochaine question porte sur l’exposé que vous avez présenté en 2016 au groupe d’intervenants en prévision du Sommet des Nations unies pour les réfugiés et les migrants. Il était question des leçons à tirer des situations graves et prolongées qui s'étaient produites dans le passé.
    J’ai trouvé intéressants vos propos au sujet de la Conférence internationale sur les réfugiés d’Amérique centrale, en particulier la façon dont les projets prioritaires élaborés à l’échelle régionale, comme l’investissement dans des établissements de santé et d’éducation au Guatemala et l’intégration au marché du travail au Costa Rica, grâce à un financement de 420 millions de dollars, ont pu faciliter l’intégration des rapatriés et corriger les circonstances qui peuvent provoquer la migration. On a fait remarquer à l’époque que cela pourrait être une leçon utile à appliquer ailleurs.
    Avons-nous retenu cette leçon?
(1730)
    Nous y arrivons. Une question comme celle-là me fait pétiller les yeux, alors merci.
    Nous avions connu à cette époque deux véritables réussites et un échec monumental. Les deux réussites étaient la CIREFCA, en Amérique latine, et la réponse à la crise des réfugiés indochinois. Ce que nous retenons de ces deux cas, c’est qu’on n'a pas seulement réagi à la situation des réfugiés, mais qu’on s'est posé les questions suivantes: Quels sont les États en cause? Qui sont les acteurs en scène? Quels sont leurs intérêts? Comment faisons-nous jouer les intérêts des États? Qu'est-ce que veulent les États? Comment formuler une réponse qui concilie leurs intérêts bien légitimes et les besoins de protection des réfugiés?
    En Amérique centrale, cela a donné une réponse régionale qui réunissait des approches de développement et des approches humanitaires, qui ont parfois payé en retour. Dans bien des cas, il s’est agi d’investir dans des projets de développement qui ont profité autant aux nationaux qu'aux réfugiés.
    Dans le cas des réfugiés indochinois, la République socialiste du Vietnam voulait réintégrer la communauté internationale, alors il y a eu une discussion très ouverte sur ce que le Vietnam pourrait faire en 1989 en échange de cette reconnaissance.
    Il s'agissait surtout d'une discussion de politique régionale. La solution résidait principalement dans la réinstallation. En Amérique centrale, il s'agissait encore de politique régionale, mais la réponse a été très différente.
    Cela n’a pas été le cas de la Conférence internationale sur l’aide aux réfugiés en Afrique, en 1981 et en 1984, où la seule préoccupation était de savoir combien d’argent on pouvait recueillir pour rendre le sort des réfugiés moins misérable. Cela n’a abouti à rien. Cela n’a rien donné parce que ce n’était pas lié aux intérêts des acteurs principaux.
    La leçon que nous commençons à en tirer, de façon très provisoire, c’est ce que nous voyons dans le contexte mondial, c’est-à-dire que les interventions humanitaires ne suffisent pas: il faut y mêler la politique, la diplomatie, le développement et l’économie.
    Pour reprendre l'analogie du coffre à outils, voilà les outils que nous avons, et le Canada est bien placé pour aligner toutes ces formes différentes de l’engagement international afin d'obtenir des résultats pour les réfugiés.
    Merci.
    Je vais partager mon temps avec M. Whalen.
    Il vous reste environ une minute.
    J’ai une brève question.
    Lorsque nous voulons faire appel à l'aide des États, beaucoup de ces États sont dirigés par des despotes ou des gens qui agissent en toute impunité. Comment concevoir ce besoin d'engager des intérêts d’État face au problème bien réel que les gens auxquels nous faisons appel et dont les intérêts entrent en ligne de compte sont ceux-là mêmes qui agissent en toute impunité et qui causent le problème?
    C’est une excellente question. Pour répondre brièvement, sans tomber dans la facétie, je dirai qu'il faut commencer par ces acteurs avec qui nous pouvons avoir une conversation de bonne foi sur le changement. Nous ne pourrons pas le faire partout en même temps, mais il y a des occasions où nous pouvons commencer. Je serais heureux de faire un suivi pour parler de ces occasions.
    Très bien. Je pense que c’est la fin.
    Merci beaucoup, et merci de votre patience au début de la séance.
    Merci.
    Nous reprendrons nos travaux le 20 novembre.
    La séance est levée.
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