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CIMM Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du Nouveau Parti démocratique du Canada

Préface

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM) a proposé pour la première fois d’étudier les atrocités commises à l’endroit du peuple yézidi par l’État islamique en juillet 2016 et l’étude d’urgence a débuté pendant l’été. La portée de l’étude a été élargie afin d’examiner ce que le Canada pourrait faire pour mieux  appuyer les groupes vulnérables dans les régions inaccessibles afin de reconnaître que, malheureusement, d’autres groupes sont confrontés à des menaces existentielles semblables dans le monde. Toutefois, il est clair, d’après le procès-verbal de la réunion 21 du CIMM[i], que l’étude découle du rapport des Nations Unies intitulé They came to destroy: ISIS Crimes Against the Yazidis. Le rapport, publié le 16 juin 2016, déclare que l’État islamique a tenté de commettre un génocide à l’endroit du peuple yézidi[ii].

Le rapport du Comité, Cri de détresse : Adapter le programme d’immigration du Canada pour joindre les groupes de personnes déplacées et les plus vulnérables, formulait cinq grandes recommandations sur les mesures que le Canada pourrait prendre pour mieux collaborer avec ses partenaires internationaux afin de s’assurer que les personnes les plus vulnérables et les personnes déplacées sont réinstallées[iii]. De plus, le Nouveau Parti démocratique a présenté une opinion complémentaire exhortant le gouvernement à prendre une mesure spéciale et à faire appel à des organisations crédibles sur le terrain afin de désigner et de sélectionner des victimes de génocide qui pourront se réinstaller au Canada. Ces mesures devaient aller au-delà des initiatives ou des politiques déjà en vigueur[iv].

Les néo-démocrates ont été très déçus qu’à la suite de cette étude, le gouvernement ne prenne aucune de ces mesures. Pour faire avancer les choses, le 20 octobre 2016, le Parti conservateur du Canada a déposé la motion suivante :

Que la Chambre a) reconnaisse que le Groupe armé État islamique se rend coupable de génocide à l’endroit du peuple yézidi; b) constate que beaucoup de femmes et de jeunes filles yézidies sont toujours maintenues en captivité par le Groupe armé État islamique comme esclaves sexuelles; c) reconnaisse que le gouvernement a omis de présenter à cette Chambre un plan adéquat et les mesures correspondantes requises pour intervenir face à cette crise humanitaire; d) appuie les recommandations formulées dans le rapport du 15 juin 2016 publié par la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie intitulé « They came to destroy: ISIS Crimes Against the Yazidis »; e) demande au gouvernement (i) de donner suite immédiatement à l’ensemble des recommandations énoncées aux paragraphes 210, 212 et 213 dudit rapport, (ii) emploie sa pleine autorité pour offrir l’asile aux femmes et aux jeunes filles yézidies dans les 30 jours[v].

Après que cette motion a été adoptée à l’unanimité à la Chambre des communes, les néo‑démocrates ont présenté une motion lors de la réunion 35 du CIMM le 27 octobre 2016. Le Comité a apporté des amendements à la motion et il a finalement été convenu :

Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, et compte tenu que la Chambre des communes a voté unanimement en faveur de la motion voulant que le gouvernement canadien emploie sa pleine autorité pour offrir l’asile aux femmes et aux filles yézidies qui fuient le génocide dans les 120 jours, le Comité entreprenne une étude et invite les représentants du gouvernement allemand qui ont dirigé l’initiative allemande visant à réinstaller rapidement 1 000 femmes et filles yézidies pour que le Canada puisse profiter de leur expérience; que cette étude consiste en une réunion; que le comité fasse rapport à la Chambre; et que conformément à l’article 109 du Règlement le gouvernement dépose une réponse globale[vi].

À la suite d’une étude comprenant trois réunions (qui ont eu lieu le 17 novembre, le 22 novembre et le 1er décembre 2016), le Comité a envoyé une lettre privée au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Le 20 décembre 2016, les députés néo‑démocrates et conservateurs membres du CIMM ont ensuite envoyé une lettre ouverte à l’honorable John McCallum, C.P., qui était alors ministre. 

Introduction

Les néo-démocrates croient fermement qu’en cas de crise exceptionnelle, une réponse exceptionnelle est requise. Le crime de génocide entre dans cette catégorie. En novembre 2017, le gouvernement a annoncé que le Canada allait procéder à la réinstallation de 1 200 yézidis avant la fin de 2017. Toute mesure prise par le Canada est louable, mais les néo‑démocrates sont déçus que le gouvernement n’ait pas pris de mesure spéciale allant au‑delà de ce qui est stipulé dans le plan des niveaux d’immigration pour les réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG). De fait, les 1 200 yézidis ont été intégrés aux 25 000 RPG de l’initiative relative aux réfugiés syriens. En date du 29 janvier 2017, le gouvernement signalait que 21 876 RPG de la Syrie étaient arrivés au Canada, soit 3 124 réfugiés de moins que l’engagement de 25 000 réfugiés qui avait été pris[vii]. Le 16 janvier 2018, on signalait que le gouvernement n’avait pas atteint son objectif de réinstaller 1 200 yézidis. À la fin de l’année 2017, seulement 981 RPG étaient arrivés au Canada et 795 d’entre eux étaient des yézidis[viii]

Cette étude nous a également appris que les efforts de réinstallation des yézidis comportaient des problèmes importants. Les néo-démocrates estiment que les recommandations découlant du rapport principal et du présent rapport complémentaire devraient être mises en œuvre immédiatement pour permettre aux yézidis qui se sont établis au Canada de se bâtir une nouvelle vie ici, en toute sécurité. Étant donné que cette étude repose sur le travail effectué dans le cadre des études précédentes, les néo-démocrates croient que les différentes études menées par le CIMM sur ce sujet devraient être jumelées et que les recommandations devraient constituer la pierre d’assise pour améliorer le processus de réinstallation des réfugiés qui se trouvent au Canada maintenant et de ceux qui arriveront dans le cadre d’initiatives futures. C’est l’approche que les néo-démocrates préconisaient dès le départ dans le cadre de ces études et de cette initiative. Les témoins qui ont comparu devant le Comité appuyaient eux aussi cette approche globale. C’est dans cette optique que les néo-démocrates, bien qu’ils appuient les recommandations contenues dans le rapport principal, soumettent le présent rapport complémentaire.

Parrainage de réfugiés

Nous pouvons tous être fiers de l’esprit humanitaire des Canadiens. Il a véritablement été mis en lumière lors de la crise des réfugiés syriens. En date du 29 janvier 2017, les Canadiens avaient parrainé 14 274 réfugiés dans le cadre du programme de réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP) d’IRCC. La volonté des Canadiens de prendre part à ce programme n’a pas diminué, mais les cibles du gouvernement pour les RPSP ont artificiellement limité les capacités d’agir des Canadiens. Les niveaux d’immigration prévus pour les RPSP sont passés de 17 800 en 2016[ix] à 16 000 en 2017[x].  L’augmentation prévue dans les plans des niveaux d’immigration est la bienvenue (de 18 000 réfugiés en 2018 à 20 000 réfugiés en 2020)[xi], mais dans le cadre de nombreuses études du CIMM sur les réfugiés, et plus particulièrement sur les yézidis, la communauté du parrainage a clairement indiqué avoir la capacité et la volonté d’en faire davantage.

M. Lorne Weiss d’Operation Ezra a expliqué ceci :

Nous avons toutefois un problème de logistique, parce que nous perdons beaucoup de temps à chercher des titulaires d'ententes de parrainage privé qui n'ont pas encore atteint leur quota et qui peuvent encore parrainer des familles. C'est encore plus difficile pour nous que de trouver les fonds requis pour aider une famille pendant une année. Nous aurions besoin d'un plus grand nombre de titulaires d'ententes de parrainage privé dans les grands centres où il y a déjà des communautés yézidies. Il faut également relever les quotas[xii].

M. Omar Khoudeida et Mme Shannon Smith ont appuyé l’idée d’éliminer le plafond quant au nombre de réfugiés yézidis pouvant être parrainés afin de venir au Canada[xiii].  Mme Nafiya Naso, M. Hadji Hesso, Mme Dala Abdallah et M. Weiss[xiv] ont souligné que cette mesure ne devrait pas se limiter aux populations yézidies. M. Weiss estime en outre que « la limite va s'imposer d'elle‑même, en fonction de la capacité de réunir des fonds [xv] ». En effet, les signataires d’entente de parrainage doivent démontrer qu’ils ont les fonds nécessaires pour être admissibles au parrainage d’un réfugié additionnel. Leurs efforts de réinstallation ne peuvent donc pas dépasser leur capacité financière.

Les néo-démocrates demeurent fiers de l’esprit humanitaire des Canadiens et des efforts qu’ils déploient pour contribuer à la réinstallation des réfugiés. Nous croyons que le gouvernement ne devrait pas limiter artificiellement la capacité des Canadiens à en faire davantage. Pour cette raison, le Nouveau Parti démocrate présente la recommandation suivante :

Recommandation 1 :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait éliminer le plafond imposé quant au nombre de réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP).

Réunification des familles

Une des recommandations contenues dans le rapport principal consiste à prolonger indéfiniment le délai prescrit d’un an afin de permettre aux réfugiés yézidis réinstallés de parrainer des membres de leur famille immédiate. Les néo-démocrates appuient cette recommandation, mais pendant l’étude, il a été porté à l’attention du Comité que le délai prescrit d’un an comporte d’autres limites qu’il faudrait corriger. En outre, des témoins et des organisations qui ont comparu dans le cadre d’autres études ont émis la même opinion.

Le délai prescrit d’un an permet uniquement la réunification des membres de la famille immédiate (c’est-à-dire les époux/conjoints de fait, les enfants à charge, ainsi que les enfants à charge d’un enfant à charge). Compte tenu de la violence et des conflits que de nombreux réfugiés fuient, particulièrement dans le cas des yézidis, il est possible que tous les membres  de la famille immédiate d’un demandeur principal soient décédés. Le demandeur peut toutefois découvrir qu’un frère, une sœur, un oncle, une tante, un cousin, une nièce ou un neveu est toujours en vie. Dans certains cas, les seuls autres membres de la famille toujours en vie peuvent être des membres de la famille élargie.

Mme Debbie Rose de Project Abraham a recommandé que le gouvernement :

[élargisse] la disposition sur le délai prescrit d'un an pour les victimes de génocide afin d'inclure des membres de la famille qui sont découverts vivants après l'émigration des familles de réfugiés au Canada. De plus, pour les besoins spéciaux de cette collectivité, élargir cette disposition pour l'appliquer aux proches parents et aux parents[xvi].  

Pendant l’étude du CIMM sur la réunification des familles, Chantal Desloges, avocate en immigration, a indiqué ce qui suit aux membres du Comité :

Le concept de la famille nucléaire qui se limite à deux parents et des enfants est surtout propre à l'Europe de l'Ouest. Ce n'est pas la norme dans la plupart des pays du monde et surtout pas dans les régions d'où viennent la plupart des nouveaux arrivants au Canada. Néanmoins, nous avons fondé notre définition de la famille sur ce concept dans le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Peut-être est-il temps de la revoir[xvii].

Lors de sa comparution devant le Comité, Mme Lobat Sadrehashemi a parlé de l’importance de la réunification des familles dans le processus de réinstallation, de même que de son incidence sur la guérison d’un traumatisme :

Vous avez entendu le témoignage de survivants et de ceux qui travaillent avec eux au Canada selon lequel la séparation de la famille est particulièrement dévastatrice pour ceux qui ont vécu des traumatismes graves et ont fait l'objet d'une réinstallation. La réunification des familles a été reconnue par le HCR et par le gouvernement comme une étape essentielle dans la réinstallation des réfugiés. Le HCR a reconnu la famille comme « un droit essentiel du réfugié » dans ses « principes directeurs sur la réunification des familles réfugiées de 1983 ». […]
Pour les réfugiés qui ont survécu à un traumatisme, la séparation de la famille peut être particulièrement difficile. Le rassemblement de la famille est absolument essentiel pour que les membres puissent se sentir en sécurité et protégés dans un nouveau domicile[xviii].

Le Nouveau Parti démocratique a déjà formulé la recommandation qui suit dans son rapport complémentaire sur l’étude sur la réunification des familles, mais il la formule de nouveau en raison de la grande importance que les témoins de cette étude ont accordée à la réunification des familles dans le processus de réinstallation.

Recommandation 2 :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait élargir la définition de famille dans le cadre du programme de réunification des familles ainsi que le délai prescrit d’un an pour les demandeurs du statut de réfugié dans le cadre du programme de parrainage, de manière à inclure les frères et sœurs, les cousins et cousines, les oncles, les tantes, les nièces et les neveux.  

Accroître le nombre de réfugiés yézidis réinstallés au Canada

Pendant l’étude sur les groupes vulnérables, M. Murad Ismael a indiqué qu’il aimerait que le Canada procède à la réinstallation de 5 000 à 10 000 yézidis[xix]. Cette recommandation a également été présentée par les néo-démocrates dans l’opinion complémentaire qu’ils ont jointe au rapport sur cette étude[xx]. Les néo-démocrates avaient toujours souhaité que la première cible de 1 200 réfugiés soit rapidement atteinte et que le gouvernement s’engage à atteindre l’objectif de 5 000 à 10 000 réfugiés yézidis. Les néo-démocrates ont éprouvé une profonde déception lorsque Mme Dawn Edlund a indiqué ceci au Comité : « nous n'avons pas reçu de directive concernant un nombre accru de personnes du Nord de l'Irak[xxi] ». En plus de souligner qu’ils appuyaient l’élimination du plafond quant aux demandes de RPSP, les témoins qui ont comparu devant le Comité ont clairement indiqué qu’il faudrait viser la réinstallation d’au moins 5 000 réfugiés yézidis au Canada.  Le Nouveau Parti démocratique présente donc la recommandation suivante :

Recommandation 3 :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait prendre une mesure de suivi spéciale pour réinstaller 5 000 réfugiés yézidis au Canada.

Mesures spéciales

Il va sans dire qu’en cas de génocide, les crimes contre l’humanité nécessitent des mesures extraordinaires de la part de la communauté internationale. Devant la nécessité d’agir, le Canada s’est joint à d’autres pays comme l’Allemagne. C’est louable. Toutefois, en raison de la crise mondiale qui fait en sorte que plus de 65 millions de personnes sont déplacées sur la planète, l’initiative du Canada en ce qui concerne les yézidis ne doit pas supplanter le travail visant la réinstallation de réfugiés provenant d’autres pays.

Lors de leur comparution devant le Comité, M. Omar Khoudeida, Mme Shannon Smith, M. Mohamed Al-Adeimi, M. Hesso, Mme Naso, M. Weiss, Mme Debbie Rose, M. Gary Rose et Mme Lobat Sadrehashemi ont tous convenu que le gouvernement devrait lancer une initiative  afin de réinstaller d’autres réfugiés yézidis[xxii],[xxiii],[xxiv]. Ils ont également convenu que cette initiative devrait aller au-delà de l’actuelle cible de 7 500 RPG du Canada.

Étant donné que tous comprennent cette situation et la reconnaissent, le Nouveau Parti démocratique présente la recommandation proactive suivante :

Recommandation 4 :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait accorder la priorité au génocide lors de la sélection des réfugiés à réinstaller et prendre des mesures spéciales qui vont au-delà des objectifs de réinstallation prévus.

Déplacements internes

Dans le cadre des études du CIMM sur les groupes vulnérables, et plus particulièrement celle sur les yézidis, la question des déplacements internes et de la difficulté à joindre les personnes qui se trouvent dans cette situation a été soulevée à de nombreuses reprises. Lors de sa comparution devant le CIMM dans le cadre de cette étude, M. Sean Boyd du ministère des Affaires étrangères a parlé des déplacements internes en Irak qui se produisent actuellement avec la population yézidie. « Ce conflit a entraîné le déplacement de millions de personnes à l'intérieur du pays, et on estime qu'environ 400 000 yézidis vivent dans des camps destinés aux personnes déplacées ou dans des communautés d'accueil[xxv]. » De plus, M. Mirza Ismail de Yezidi Human Rights Organization-International a exhorté le gouvernement canadien à :

faire parvenir de l'aide humanitaire, de toute urgence, directement aux personnes déplacées en Irak. Il existe un risque réel de famine, de déshydratation et de maladies, surtout sur le mont Sinjar. Cette aide devrait provenir de sources non gouvernementales neutres afin d'éviter le détournement des vivres, de l'eau et des médicaments[xxvi].

Dans le cadre de l’étude sur le projet pilote de 2011 pour les réfugiés LGBTQ+[xxvii], de même que dans le cadre de l’étude sur les groupes vulnérables[xxviii], les néo-démocrates ont formulé, dans des rapports complémentaires, des recommandations visant à examiner plus en détail le rôle que le Canada pourrait jouer en ce qui concerne les déplacements internes dans le monde.  Comme nous en sommes à la troisième étude et que des témoins continuent d’indiquer qu’il s’agit d’une question complexe et qu’il faut fournir de l’aide de toute urgence aux personnes déplacées, les néo-démocrates demandent une fois de plus au gouvernement d’intervenir.

Recommandation 5 :

Le Canada devrait augmenter les niveaux de l’aide humanitaire destinée aux populations de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et collaborer sur le terrain avec des groupes établis qui travaillent dans ces régions, de manière à s’assurer que l’aide atteint sa cible.

Recommandation 6 :

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration devrait entreprendre, de toute urgence, une étude approfondie sur la question des déplacements internes dans le monde, ainsi que sur les mesures que peut prendre le Canada pour répondre adéquatement aux besoins uniques des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

Services de réinstallation

Après l’étude du CIMM sur l’initiative du gouvernement fédéral visant la réinstallation des réfugiés syriens au Canada, le Comité a déposé le rapport Après la bienvenue : S’assurer de la réussite des réfugiés syriens à la Chambre des communes. Ce rapport se penche sur les nombreuses difficultés rencontrées dans le cadre des efforts de réinstallation et formule 14 recommandations afin d’améliorer les efforts de réinstallation à l’avenir. À l’époque, les néo‑démocrates avaient soumis une opinion dissidente concernant le rapport. De fait, ils estimaient que le rapport principal et ses recommandations ne permettaient pas de combler adéquatement et complètement les lacunes dans le financement et la prestation des services de réinstallation. Les néo-démocrates avaient donc formulé 10 recommandations additionnelles sur les sujets suivants : les prêts au transport, le logement, l’accès à la formation linguistique, l’accès aux services de santé, ainsi que l’amélioration de l’information fournie aux parrains et aux réfugiés[xxix].

Le vérificateur général a ensuite produit un rapport sur les services d’établissement pour les réfugiés syriens. Selon ce rapport, dans l’ensemble, la plupart des réfugiés syriens avaient reçu des évaluations des besoins, des évaluations linguistiques et de la formation linguistique, mais  des retards dans le financement octroyé par IRCC en 2017-2018 aux fournisseurs de services ont entraîné des compressions dans certains services d’établissement pendant au moins trois mois. Selon le rapport, « ces constatations sont importantes parce que, pour s’intégrer dans la société canadienne, les réfugiés syriens doivent pouvoir accéder aux services d’établissement dont ils ont besoin, et ce, au moment où ils en ont besoin[xxx] ».

Plusieurs témoins ont fait part de problèmes similaires en ce qui concerne l’accès aux services pour les réfugiés yézidis. Cependant, ils ont également souligné qu’en raison de la culture et de la langue uniques des yézidis, de même qu’en raison des traumatismes extrêmes que l’État islamique leur a fait subir et de la taille relativement petite de la communauté yézidie déjà établie au Canada, les défis que les yézidis devaient relever pendant le processus de réinstallation étaient beaucoup plus grands.

Des yézidis ont également eu de la difficulté à obtenir des services d’interprétation en raison du nombre restreint d’interprètes qualifiés connaissant bien leur langue, le kurde kurmanji, ce qui a eu toute une gamme de répercussions sur l’accès aux services de réinstallation, notamment sur le counseling post-traumatique.  Mme Abdallah a expliqué ceci : « Il y a aussi une barrière linguistique. Étant donné que ce sont des services spéciaux et que la langue seconde est le kurmandji, il est très difficile d'obtenir des traductions exactes dans les renvois à des psychiatres et à des psychologues. C'est très difficile[xxxi]. »  Dans le même ordre d’idées, Mme Smith a indiqué qu’il « faudrait offrir des services d'interprétation qui s'étendent sur plus de six mois, puisque les problèmes de communication se répercutent sur tous les autres aspects, comme, par exemple sur les services de transport et les soins de santé mentale[xxxii] ».

Des témoins ont expliqué qu’en raison des traumatismes extrêmes subis par de nombreux yézidis installés au Canada, il se pourrait que plus de six mois, voire plus d’un an, s’écoule avant que les personnes ne soient prêtes à parler de ce traumatisme et à le surmonter. Pour cette raison, le Nouveau Parti démocratique recommande ce qui suit :

Recommandation 7 :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait collaborer avec les provinces et les territoires pour s’assurer que des services d’interprétation sont mis à la disposition des personnes faisant face à des obstacles linguistiques qui veulent avoir accès à des services publics.

Recommandation 8 :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait prolonger la période d’admissibilité au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) pour s’assurer que les réfugiés réinstallés ont accès à des soutiens et services en santé mentale lorsqu’ils en ont besoin.

En ce qui concerne la formation linguistique précisément, lors de sa comparution dans le cadre de la présente étude, M. Hesso a indiqué ceci : « Tous les adultes adorent les cours d'anglais, mais ils ont souvent du mal à apprendre en raison du traumatisme vécu. Ils semblent mieux s'en tirer au sein de groupes de conversation, où ils créent des liens et nouent des relations avec les autres[xxxiii]. »

Lors de l’étude sur la réinstallation des réfugiés syriens, Sherman Chan du Conseil canadien pour les réfugiés avait recommandé au Comité de prévoir du financement pour de la formation linguistique plus informelle au moyen de la conversation[xxxiv]. Des réfugiés syriens qui ont comparu devant le Comité, Mme Eman Allhalaq[xxxv] et M. Amer Alhendawi[xxxvi], ont également souligné qu’il fallait améliorer l’accès à la formation linguistique, y compris aux groupes d’échanges informels et aux services de garde d’enfants. Selon le rapport du Comité, « [parfois], parce qu’il n’y avait pas de service de garde, les femmes ont dû attendre avant de commencer les cours de langue, ce qui a pu prolonger leur isolement[xxxvii] ».

À l’époque, le Nouveau Parti démocratique avait formulé la recommandation suivante :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) devrait renforcer l’exécution des programmes en finançant des programmes de formation linguistique mieux adaptés aux besoins des réfugiés. Les fonds supplémentaires devraient être consacrés aux programmes qui offrent aussi des services de garde d’enfants et des groupes d’échanges informels, de même qu’aux programmes qui fournissent de l’aide à la réinstallation dans le contexte de l’acquisition de compétences linguistiques[xxxviii].

Dans le même ordre d’idées, le Nouveau Parti démocratique recommande donc ce qui suit :

Recommandation 9 :

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait octroyer des fonds aux organisations qui offrent des services de réinstallation pour leur permettre d’ajouter des programmes et événements de conversation en anglais/français à leur programmation, de manière à s’assurer que les réfugiés vulnérables, particulièrement les femmes, ne souffrent pas d’isolement; et il faudrait que davantage de cours de formation linguistique offrent des services de garde d’enfants.

Finalement, M. Ismail a indiqué au Comité que certains réfugiés yézidis ne recevaient pas toutes les prestations auxquels ils avaient droit (c’est-à-dire l’Allocation canadienne pour enfants) :

familles, notamment celle de Mme Basema — qui devait être ici, mais qui n'a pas pu venir malheureusement en raison de problèmes personnels — sont arrivées au Canada depuis plus de quatre mois et n'ont toujours pas reçu leur prestation fiscale pour enfants. En attendant, le montant qui leur est accordé couvre à peine le loyer, sans compter la nourriture et les autres dépenses[xxxix].

Le coût de la vie est élevé dans bon nombre de villes canadiennes. Étant donné que le soutien du revenu octroyé aux réfugiés réinstallés correspond au taux d’aide sociale en vigueur dans la province où ils habitent, les réfugiés peuvent avoir du mal à joindre les deux bouts, même lorsqu’ils touchent tout le soutien au revenu auquel ils ont droit. Il est donc extrêmement important de s’assurer qu’ils ont immédiatement accès à la totalité de l’allocation, c’est pourquoi le Nouveau Parti démocratique formule la recommandation suivante :

Recommandation 10 :

Le gouvernement du Canada devrait corriger immédiatement les problèmes liés au versement de l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) pour s’assurer que les familles de réfugiés la reçoivent le plus rapidement possible.

Conclusion

Les néo-démocrates se réjouissent d’avoir eu l’occasion d’examiner les progrès réalisés dans le cadre de l’initiative de réinstallation des yézidis, un enjeu important qu’ils appuient depuis que l’ONU a déclaré qu’un génocide était perpétré contre cette communauté au début de 2016. Après avoir attendu aussi longtemps que le gouvernement agisse, nous sommes déçus de constater qu’il n’a pas pris de mesure spéciale pour l’initiative sur les yézidis et qu’il n’a pas atteint sa cible. Nous regrettons aussi qu’un bon nombre des préoccupations liées à la réinstallation, qui ont été signalées au gouvernement par le Comité pendant l’initiative pour les réfugiés syriens, posent toujours problème et sont même pire dans certains cas pour la réinstallation des yézidis. Nous reconnaissons toutefois que des mesures ont été prises. Pour véritablement tirer des leçons de ces expériences et améliorer l’approche liée au processus de réinstallation, les néo-démocrates espèrent que la série d’études menées sur ce sujet par le Comité, ainsi que les recommandations présentées au gouvernement, serviront de pierre d’assise pour relever les défis existants et améliorer la capacité d’intervention dans le cadre des initiatives à venir.


[xi] Avis-Renseignements supplémentaires–Plan des niveaux d’immigration pour 2018-2020, gouvernement du Canada.

[xii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 0853.

[xiii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 novembre 2017, 0930.

[xiv] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 0933.

[xv] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 0925.

[xvi] Ibid.

[xvii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 octobre 2016, 1536.

[xviii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 décembre 2017, 0905.

[xix] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 juillet 2016, 1025.

[xxi] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 novembre 2017, 0925.

[xxii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 0935.

[xxiii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 novembre 2017, 0935.

[xxiv] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 décembre 2017, 0955.

[xxv] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 novembre 2017, 0855.

[xxvi] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 1025.

[xxxi] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 0923.

[xxxii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 novembre 2017, 0932.

[xxxiii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 0900.

[xxxiv] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016, 1120.

[xxxv] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2016, 1220.

[xxxvi] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 31 mai 2016, 1300.

[xxxix] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 novembre 2017, 1024.