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ACVA Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du NPD au sujet du rapport La santé mentale chez les vétérans canadiens : une mission de famille

La santé mentale chez les vétérans – Renforcer les recommandations

Le rapport en question tire son origine de l’étude menée par le Comité sur les services offerts aux vétérans. Les témoignages reçus au cours de l’étude précédente ont fait ressortir l’urgence de la situation et la nature critique des effets sur la santé mentale des vétérans. Il ressort des témoignages reçus au cours de l’étude sur la santé mentale qu’il est nécessaire d’améliorer l’accès des vétérans aux services de santé mentale. 

Les néo-démocrates croient que les témoignages reçus et mentionnés dans le rapport La santé mentale chez les vétérans canadiens : une mission de famille justifient les recommandations suivantes :

Le NPD recommande qu’Anciens Combattants Canada accélère son étude sur l’utilisation des chiens à des fins de thérapie en prenant en considération les recherches réalisées à l’étranger et qu’il mette en œuvre un programme de chiens de thérapie, assorti de normes nationales.

Le NPD recommande qu’Anciens Combattants Canada offre une formation pour les traumatismes sexuels en milieu militaire à tout le personnel des cliniques pour BSO et qu’il veille à ce que, dans chacune de ces cliniques, au moins un membre du personnel possède une formation et une expérience reliées au traitement des traumatismes sexuels en milieu militaire.

La méfloquine et ses conséquences pour la santé mentale

Le cabinet de la ministre a demandé que le Comité se penche également sur la méfloquine dans le cadre de son étude. Le présent rapport complémentaire met en lumière des témoignages concernant la méfloquine et renforce les recommandations formulées par le Comité.   

Au cours des audiences du Comité, les membres néo-démocrates ont entendu de nombreux témoins qui ont décrit leur expérience avec la méfloquine et ses répercussions sur les membres actifs des Forces canadiennes, sur les vétérans et sur leurs familles. Les témoins ont aussi mentionné les lacunes importantes de l’essai clinique de la méfloquine auquel ont pris part des militaires canadiens. Ils ont affirmé qu’on ne leur avait pas laissé le choix du médicament antipaludique à prendre et que celui-ci avait des effets négatifs sur leur sommeil et leur comportement. Ils ont décrit les graves répercussions à long terme de la méfloquine, constatées par eux‑mêmes et par leurs médecins. 

Dr Remington Nevin a signalé les lacunes du soi-disant essai clinique canadien dont aurait fait l’objet le médicament antipaludique, la méfloquine:

Un élément important à souligner, je crois, c'est que la première expérience du Canada avec ce médicament faisait partie d'une étude en matière de sécurité qui a été menée au début des années 1990, ce qui a permis au ministère de la Défense nationale d'avoir accès à de grandes quantités de méfloquine pour usage au cours des premiers mois de la mission en Somalie. Ce médicament n'était pas homologué en 1992 et pendant les premières semaines de 1993 lorsque de nombreux militaires ont commencé à prendre le médicament et à être déployés en Somalie.
L'accès du ministère de la Défense nationale à ce médicament était conditionnel à sa participation à une étude de sécurité qui aurait dû éclairer l'homologation du médicament, éclairer le contenu de l'étiquette du produit ainsi que les médecins pour les informer des effets secondaires qui seraient apparus en utilisant régulièrement ce médicament.
Vous me demandez quelles études ont été menées. L'étude qui aurait dû avoir été effectuée auprès du personnel militaire n'a pas eu lieu et le médicament a été homologué sans pouvoir profiter de ce qui aurait constitué, en rétrospective, de l'information très importante[1].

En 1999, le vérificateur général a publié un rapport qui fait mention du témoignage du Dr Nevin et de l’échec de l’essai clinique[2].  

Les vétérans qui ont pris le médicament ont décrit leur expérience et parlé du consentement éclairé. Le vétéran Jason Roy Hoeg, déployé en Ouganda en 1996, a dit ceci : « On nous a remis ce médicament en nous informant que ce serait le seul antipaludéen que nous prendrions durant notre déploiement. On nous a dit de lire les instructions qui venaient avec chaque boîte de pilules, mais personne ne nous a parlé des effets secondaires néfastes que le médicament pouvait avoir[3]. »

Hervey Blois, vétéran qui a servi en Somalie, a déclaré : « [O]n ne m’a jamais informé des effets néfastes connus, et on ne m’a jamais dit de cesser de prendre le médicament si ces effets se manifestaient[4]. »

Le Comité a reçu d’autres témoignages indiquant que les jours où les bataillons se voyaient administrer de la méfloquine, on parlait des « lundis de la méfloquine[5] » pour décrire l’impact collectif des effets secondaires et les cauchemars. Marjorie Matchee, épouse du vétéran Clayton Matchee, a expliqué comment le médicament avait affecté son mari avant son départ pour la mission en Somalie. Quelques jours avant son départ, il lui a dit : « On doit prendre ce médicament contre le paludisme […] J’ai essayé de m’y faire, mais je ne pense pas pouvoir m’habituer à cette merde. On voit des choses pendant son sommeil. On en voit le jour aussi. On ne peut éviter de les voir[6]. »

Plusieurs témoins se sont sentis déshonorés par le démantèlement du Régiment aéroporté durant la mission en Somalie. Claude Lalancette, vétéran ayant participé à la mission, a indiqué :

On nous a donné de la méfloquine comme médicament antipaludéen. C'est à cela que je peux retracer l'origine de mes problèmes de santé mentale […] Je ressens jusqu'à présent la honte qui a accompagné cette fermeture […] J'ai d'autant plus honte que j'ai blâmé pour la fermeture du régiment deux personnes innocentes : Clayton Matchee et Kyle Brown, qui sont des victimes[7].

Un autre vétéran, le caporal John Dowe, a relaté au Comité ce qu’il avait vu le soir où est décédé le jeune Somalien Shidane Arone. Le compte rendu troublant de témoin oculaire qu’il a donné est fondamental, car il met en lumière des détails importants et l’effet que la méfloquine peut avoir :

Shidane Arone avait déjà été intercepté au moins 15 fois avant. C'était un récidiviste. Évidemment, la situation s'était corsée […] nos commandants de section nous avaient indiqué que nous devions être plus durs avec les prisonniers, pour passer un message et bien leur faire comprendre que nous étions sérieux. Est‑ce que ces ordres donnaient carte blanche au caporal-chef Matchee? Non, bien entendu[8].
Shidane Arone était prisonnier dans le bunker […] Quand je suis entré, j'ai vu qu'il était avec Kyle Brown, qui se trouvait un peu à l'écart sur le côté. Le caporal‑chef Matchee tenait une matraque en bois […] J'étais au plus bas échelon, […] mais il m'a quand même appelé […] Avec sa matraque en bois, il a soulevé la tête de Shidane Arone et j'ai vu son visage couvert de bleus et de sang. Il avait les lèvres enflées et son nez avait l'air cassé.
Le prisonnier ne me semblait pas en situation de danger imminent […] je pensais qu'il voulait simplement me montrer ou me dire que nous avions un prisonnier.  Je ne comprenais pas vraiment ce que je faisais là. Ensuite, il a regardé vers le sol […] Tout de suite après m'avoir montré Shidane Arone, le caporal-chef Clayton Matchee s'est mis à lui donner des coups de matraque sur les cuisses, en blasphémant et en criant : « Maudites araignées » – excusez mon langage grossier. Il lui matraquait les jambes, puis il a reculé et il s'est tourné vers le fond du bunker, en frappant sans arrêt sur les murs avec sa matraque. Il n'y avait pas d'araignées chameaux à cet endroit.
Ce que j'ai vu, c'est Clayton Matchee qui était victime d'hallucinations, dans un état de psychose et de rage violente. Quand il s'est retourné pour chasser les araignées solifuges – tout s'est passé en quelques secondes –, je me suis dit que c'était ma chance de partir […] c'était le moment de sortir de cet enfer […] j'ai pris mes jambes à mon cou pour rejoindre ma couchette.
Après 58 minutes […] dans l'espace où je dormais, loin du bunker […] ne pouvais pas dormir. J'étais encore sous le choc après ce que je venais de voir […]
J’ai vu un groupe d'hommes sortir du bunker, mais qui restaient autour. Ce même bunker où j'étais une heure plus tôt. Ils essayaient de ranimer Shidane Arone, étendu au sol, inerte. Ils lui ont lancé de l'eau pour lui faire reprendre conscience. Ils n'y sont pas arrivés […]
Comme je connaissais Clayton Matchee avant la mission, je suis en mesure de comprendre dans quel état il se trouvait à ce moment, et ce qui se passait. Il frappait des araignées chameaux imaginaires parce qu'il avait des hallucinations, c'est évident, et c'est aussi clair que sa rage était due à un épisode psychotique[9].

Pendant son témoignage, M. Dowe a fait part de ses impressions plus à fond :

[L]e caporal-chef Matchee est une victime parce qu'il souffrait de psychose, d'hallucinations et d'accès de rage incontrôlables et que, parce qu'il avait les facultés affaiblies par le médicament et qu'il se sentait légitimé par un ordre illégal, la coupe a débordé. Quand il a repris ses esprits et qu'il a réalisé ce qui l'attendait, ce qui lui arrivait, c'en était trop et il a fait une tentative de suicide.
 Kyle Brown a subi l'opprobre de toute une nation. Il a été un bouc émissaire pour l'ensemble de la mission […] Il veut être heureux. Il comprend qu'il se passe beaucoup de choses ces temps-ci qui permettront de mieux comprendre ce qu'il a enduré durant la fameuse nuit et ce qu'il continue d'endurer aujourd'hui.
Et oui, je crois fermement que c'est la famille de Clayton Matchee qui a le plus souffert parce qu'il n'est plus tout à fait lucide et ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive. C'est sa femme, Marj, et c'est toute la famille Matchee, sa mère et son père, toute la communauté qui portent ce poids sur leurs épaules[10].

Le NPD constate non sans étonnement qu’aucune recherche n’a été effectuée pour déterminer le lien possible entre la méfloquine et les gestes du personnel militaire en Somalie globalement, et plus précisément l’incidence possible sur les actes du caporal‑chef et du soldat Brown. Dr Remington Nevin a expliqué au Comité :

La commission d’enquête sur la Somalie s’est intéressée essentiellement au problème central des effets d’un comportement inusité. Ses travaux ont été interrompus avant qu’on fasse enquête sur la contribution éventuelle de la méfloquine à ce type de comportement. Je pense qu’on en sait beaucoup plus aujourd’hui qu’alors sur les effets de ce médicament. Il pourrait donc être utile de rouvrir l’enquête, compte tenu de ce que nous savons des dangers associés au médicament et de ce qu’on a appris par la suite au sujet de l’usage inapproprié de la méfloquine comme médicament expérimental dans les premiers mois de cette mission[11].

Le NPD croit qu’une étude plus approfondie aurait dû être menée pour mieux cerner le véritable effet de la méfloquine dans cette tragédie de l’histoire militaire du Canada et son effet sur les vétérans qui s’en ressentent encore aujourd’hui.

Dans son mémoire présenté au Comité, Val Reyes-Santiesteban attribue à la méfloquine le suicide de son fils, le caporal Scott Smith, au Rwanda le jour de Noël de 1994[12].

Le NPD recommande que le gouvernement du Canada mandate un organisme indépendant pour déterminer toute corrélation possible entre la méfloquine administrée aux membres des Forces canadiennes et les événements tragiques qui ont conduit au décès de Shidane Arone en Somalie.

Le NPD recommande également que le gouvernement du Canada entreprenne une étude afin de déterminer la neurotoxicité à long terme de la méfloquine et qu’il fasse rapport de ses conclusions au Parlement au plus tard le 1er décembre 2018.


[1] ACVA, Témoignages, 25 octobre 2016, 1705 (Dr Remington Nevin, à titre personnel).

[2] Vérificateur général du Canada, avril 1999, Défense nationale et Santé Canada : Non‑respect des conditions et surveillance inadéquate de l’utilisation avant homologation d’un médicament antipaludique.

[3] M. Jason Roy Hoeg, Mémoire, publié le 20 février 2017. 

[4] M. Hervey Blois, Mémoire, publié le 27 octobre 2016. 

[5] ACVA, Témoignages, 25 octobre 2016, 1110 (Dre Elspeth Ritchie, à titre personnel). 

[6] Marjorie Matchee, Mémoire, publié le 16 janvier 2017. 

[7] ACVA, Témoignages, 27 octobre 2016, 1540 (M. Claude Lalancette, vétéran, à titre personnel). 

[8] ACVA, Témoignages, 27 octobre 2016, 1650-55 (M. John Dowe, militant, International Mefloquine Veterans’ Alliance).

[9] ACVA, Témoignages, 27 octobre 2016, 1650-55 (M. John Dowe, militant, International Mefloquine Veterans’ Alliance).

[10] ACVA, Témoignages, 27 octobre 2016, 1725 (M. John Dowe, militant, International Mefloquine Veterans’ Alliance).  

[11] ACVA, Témoignages, 25 octobre 2016, 1720 (Dr Remington Nevin, à titre personnel).

[12] Mme Val Reyes-Santiesteban, Mémoire, publié le 16 janvier 2017.