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ACVA Rapport du Comité

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LES VÉTÉRANS AUTOCHTONES : DES SOUVENIRS D’INJUSTICE À UNE RECONNAISSANCE DURABLE

Introduction

Conformément à la résolution adoptée lors de sa réunion du 9 novembre 2017, le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes (le Comité) a entrepris une « étude sur les services offerts aux vétérans autochtones en mettant l’accent sur les besoins et les enjeux particuliers auxquels ils font face ». Le Comité permanent des anciens combattants n’a jamais consacré d’étude aux vétérans autochtones.

Selon Lloyd Bishop, un Métis rencontré lors du passage du Comité à Beauval, en Saskatchewan,  la décision des Autochtones de s’enrôler dans les Forces armées canadiennes (FAC) constitue la meilleure preuve de leur engagement à faire pleinement partie de la société canadienne. Afin de maintenir la force de cet engagement, le gouvernement du Canada doit s’assurer, en contrepartie, que les vétérans puissent compter sur son soutien lorsque surgit un problème découlant de ce service militaire.

Pour compléter les témoignages recueillis durant les neuf réunions publiques  tenues à Ottawa, le Comité s’est rendu à Millbrook (N.-É.), Halifax (N.-É.), Six Nations of the Grand River (Ont.), Beauval (Sask.) et Victoria (C.-B.), pour y tenir des réunions et faire des visites entre le 27 mai et le 1er juin 2018[1]. Il s’est ensuite rendu à Yellowknife et à Behchoko (Territoires du Nord-Ouest), du 21 au 24 octobre 2018[2].

Les témoins rencontrés lors de cette étude ont abordé, entre autres, les thèmes suivants :

  • le soutien offert aux vétérans autochtones, par leurs communautés, lors du processus de transition;
  • la qualité des services offerts par Anciens Combattants Canada aux vétérans autochtones;
  • les particularités des besoins des vétérans autochtones habitant en région éloignée;
  • les enjeux particuliers touchant :
    • les vétérans des Premières Nations (dans les réserves et hors des réserves),
    • les vétérans Métis,
    • les vétérans Inuits,
    • les vétérans autochtones des conflits modernes,
    • les réservistes autochtones;
  • le traitement réservé aux vétérans autochtones ayant participé à la Première Guerre mondiale, à la Deuxième Guerre mondiale et à la guerre de Corée;
  • les enjeux touchant les vétérans des Rangers;
  • les services offerts par Anciens Combattants Canada (ACC) aux vétérans autochtones de la Gendarmerie royale du Canada.

Ce rapport est divisé en cinq parties :

  1. la première décrit la participation des Autochtones aux deux guerres mondiales et à la guerre de Corée, en soulignant le traitement différentiel qu’ils ont dû subir malgré leur enthousiasme à s’enrôler. Les injustices subies ont été par la suite bien documentées pour les vétérans des Premières Nations qui ont pu obtenir un dédommagement de la part du gouvernement au début des années 2 000. Les vétérans métis réclament aujourd’hui un dédommagement similaire à ce qu’ont obtenu les vétérans autochtones. L’isolement des communautés inuites a limité leur participation aux grands conflits. Certains se sont enrôlés dans le Régiment royal de Terre-Neuve, mais il est difficile d’estimer leur participation.
  2. La deuxième partie analyse la participation actuelle des Autochtones au sein des Forces armées canadiennes (FAC) en insistant sur les mesures mises en place par les FAC pour favoriser le recrutement. Une section spéciale est ensuite consacrée aux Rangers canadiens, une force de réserve comptant 5 000 personnes, dont une proportion importante est composée de membres des communautés autochtones assurant une présence militaire dans les régions éloignées au Canada.
  3. La troisième partie décrit le principal défi auquel sont confrontés les vétérans autochtones : l’isolement géographique qui nuit à la capacité d’Anciens Combattants Canada d’offrir des services, particulièrement en santé, à un niveau comparable à ce qui est offert dans le reste du Canada. Différentes stratégies sont envisagées afin d’atténuer les conséquences néfastes de cet isolement tout en préservant les conditions qui ont permis aux communautés de développer leur résilience.
  4. La quatrième partie analyse les éléments culturels propres dont ACC doit tenir compte afin d’offrir des programmes et des services qui soient adaptés aux particularités des vétérans autochtones.
  5. La cinquième partie regroupe trois thèmes exploratoires qui devraient faire l’objet d’une plus grande attention dans les années à venir de la part d’ACC : une meilleure reconnaissance des vétérans autochtones dans les programmes de commémoration du ministère; la difficulté d’intégrer les vétérans autochtones plus jeunes au sein des organisations de vétérans autochtones; et, finalement, l’importance de briser une certaine atomisation des organisations de vétérans autochtones afin de favoriser de meilleurs contacts entre ACC et les communautés où vivent les vétérans autochtones.

Les injustices du passé

Comme l’a rappelé Hélène Robichaud, d’Anciens Combattants Canada :

Les peuples autochtones du Canada ont une fière tradition de service militaire. Bien qu’il soit difficile d’établir des chiffres exacts, le taux de participation des Autochtones aux efforts militaires du Canada a été considérable. Selon les estimations, plus de 12 000 Autochtones du Canada auraient participé aux deux guerres mondiales, à la guerre de Corée et, plus récemment, aux efforts internationaux de maintien de la paix. Au moins 500 d’entre eux y auraient perdu la vie[3].

Les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis ont, dans le passé, subi des injustices de la part du gouvernement du Canada en raison de leur appartenance même à une collectivité autochtone. Pour espérer guérir les blessures qui sont liées à ces injustices, la première étape cruciale consiste à reconnaître de part et d’autre la vérité objective des préjugés dont furent victimes les vétérans autochtones ainsi que des promesses brisées qui, jusqu’à aujourd’hui, rendent fragile la confiance des vétérans autochtones envers le gouvernement du Canada.

On sait que la proportion des autochtones qui se sont enrôlés volontairement dépasse celle des autres Canadiens. Selon Robert Thibeau, de l’organisation Aboriginal Veterans Autochtones :

La raison de leur enrôlement pouvait être aussi simple que d’avoir trois repas par jour, une paire de bottes ou un lit pour dormir. J’ai tendance à penser que les Autochtones souhaitaient principalement prouver une fois de plus leur ténacité au Canada. Ils espéraient que, grâce à leur service, les choses changeraient et s’amélioreraient chez eux. En d’autres termes, ils s’enrôlaient en échange que le pays reconnaisse leurs droits et les respecte en tant que citoyens égaux[4].

Heureusement, beaucoup de travail a été accompli au cours des dernières décennies afin de documenter d’une part, la contribution remarquable des Autochtones à l’effort de guerre du Canada durant les grands conflits du xxe siècle, et d’autre part, le traitement inéquitable qui leur fut réservé une fois devenus des vétérans. La présente section constitue un bref rappel de ces faits. La documentation demeure malheureusement très fragmentaire en ce qui touche les vétérans métis et inuits dont on ne peut qu’esquisser quelques éléments.

1. Première Guerre mondiale

Durant la Première Guerre mondiale, la politique officielle du gouvernement du Canada fut de ne pas recruter d’Indiens inscrits. On craignait la réaction de l’ennemi à leur présence, en raison de leur réputation traditionnelle liée au scalp qu’on croyait incompatible avec les Conventions de Genève : « les Allemands pourraient refuser de leur accorder les privilèges de la guerre civilisée[5]. »

Dans les faits, cette politique ne sera pas appliquée de manière systématique, surtout à partir de 1916, alors que le recrutement volontaire s’essoufflait et qu’il fallait fournir un grand nombre de recrues pour compenser les pertes sur le front européen. Sur un effectif total d’environ 600 000 personnes, on estime d’après les sources officielles qu’environ 4 000 membres des Premières Nations ont fait partie du Corps expéditionnaire canadien. Cela représente 35 % des habitants des réserves en âge de servir. Au Canada atlantique, cette proportion atteint 50 %. Toutefois, selon l’Encyclopédie canadienne, ces chiffres ne portent que sur les Indiens inscrits, et n’incluent donc ni les Métis ni les Indiens non inscrits. Le chiffre approximatif total serait donc vraisemblablement plus proche de 6 000.

Les réserves iroquoises des Six-Nations autour de Brantford, en Ontario, et de Tyendinaga dans la baie de Quinte, sont celles qui fourniront le plus grand nombre de recrues. Une personnalité publique tenta même de financer la création d’un bataillon composé exclusivement de membres de la réserve des Six-Nations[6]. Le gouvernement fédéral refusa, car les chefs des Six-Nations voulaient qu’une demande officielle leur soit adressée en ce sens, ce qui aurait équivalu à une négociation « de nation à nation ».

La grande valeur de cette contribution des Premières Nations durant la Première Guerre mondiale tenait à sa dimension volontaire. La plupart des communautés autochtones s’opposèrent à ce que le service militaire leur soit imposé lors de la conscription de 1917[7]. En effet, n’ayant pas le statut de citoyens à part entière ni le droit de vote, ils voyaient mal pourquoi on leur imposerait le service militaire. Le gouvernement se rendra à leurs arguments et, par un décret du 17 janvier 1918, les soustraira à la Loi sur le Service militaire.

À l’inverse, en vertu de la Loi des électeurs militaires, tous les Indiens inscrits déployés outremer, ainsi que les femmes servant comme infirmières, obtinrent le droit de voter aux élections fédérales du 17 décembre 1917.

Quant aux Inuits, sur une population d’environ 3 000 au Canada à l’époque, peu ont participé au conflit. La plus grande part s’est retrouvée au sein du Royal Newfoundland Regiment qui ne faisait pas partie du Corps expéditionnaire canadien.

Trois cents membres des Premières Nations perdirent la vie durant la Grande Guerre, dont 88 volontaires de la seule réserve des Six-Nations[8].

  • Population totale du Canada en 1921 : 8,8 millions
  • Population totale des Premières Nations : 110 814
  • Population totale des Inuits : 3 269
  • Population métisse : inconnue
  • Autochtones ayant fait partie du Corps expéditionnaire canadien : entre 4 000 et 6 000

[Source : Recensement de 1921.]

2. L’entre-deux-guerres

À leur retour à la vie civile en 1918, les vétérans des Premières Nations n’eurent pas accès aux mêmes avantages que ceux offerts aux autres vétérans canadiens. En effet, le gouvernement canadien considérait qu’en tant qu’Indiens inscrits, ils bénéficiaient déjà d’un soutien de l’État auquel les autres Canadiens n’avaient pas accès, et qu’il serait donc injuste de les faire bénéficier du soutien supplémentaire consenti aux autres vétérans.

Les vétérans des Premières Nations furent donc exclus des terres agricoles offertes en vertu de la Loi ayant pour objet d’aider les soldats revenus de la guerre à s’établir sur des terres (Loi d’établissement de soldats), sanctionnée le 29 août 1917, et amendée dans la version entrée en vigueur le 1er janvier 1919. Non seulement les vétérans autochtones ne pourront pas acquérir de terres en vertu de cette loi, mais en plus, afin de rendre des terres disponibles aux autres vétérans, le gouvernement fédéral acquerra, selon des estimations variables, entre 35 000 et 75 000 hectares de « terres des Indiens ». En réaction à cette injustice, un vétéran, le lieutenant Frederick Ogilvie Loft, Mohawk de la réserve des Six-Nations de Grand River, fondera la League of Indians of Canada, l’une des toutes premières organisations de défense des droits des Premières Nations.

3. Deuxième Guerre mondiale et guerre de Corée

La mobilisation initiale volontaire des Autochtones, lors du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, sera un peu moins forte que lors de la Première Guerre mondiale. Selon les chiffres officiels du gouvernement fédéral, sur les 125 946 Indiens inscrits dénombrés au recensement, 3 090 se sont enrôlés[9]. Selon le prof. Scott Sheffield, les chiffres réels seraient plus proches de 4 200 pour les seuls Indiens inscrits[10]. Selon lui, en ce qui concerne la guerre de Corée, les données sont beaucoup plus fragmentaires, et nous devons nous contenter d’affirmer qu’il y en a eu « probablement des centaines ».

Pour les Indiens non inscrits, les Métis et les Inuits, un chiffre même approximatif est difficile à établir. Pour les femmes autochtones, la seule référence crédible est un document du gouvernement fédéral de 1950 qui fait état de 72 Indiennes inscrites ayant participé aux deux guerres mondiales[11].

Sur la Côte-Ouest, environ 15 000 Britanno-Colombiens et Yukonnais, en grande majorité des Autochtones, se sont enrôlés dans les Rangers pour patrouiller la côte, signaler tous les mouvements de troupes ennemies et guider les forces en service tout le long du littoral[12].

La quasi-totalité des Autochtones firent partie de l’Armée de terre, et, selon l’Encyclopédie canadienne, « [j]usqu’en 1942 et 1943 respectivement, l’Aviation royale du Canada (ARC) et la Marine royale canadienne (MRC) exigent que les volontaires soient “d’ascendance européenne pure et de race blanche” ». La résistance du gouvernement canadien à l’enrôlement des Autochtones vint également du fait que, durant la Première Guerre mondiale, ils s’étaient montrés beaucoup plus vulnérables aux maladies infectieuses comme la tuberculose[13].

Les besoins l’emporteront toutefois sur ces résistances. En septembre 1940, la conscription pour le service intérieur est promulguée avec la Loi sur la mobilisation des ressources nationales, mais cette fois, les Indiens inscrits n’en seront pas exclus. Les membres des Premières Nations, encore privés de leurs droits civiques, protestent contre cette obligation, malgré l’assurance du gouvernement qu’ils ne seront pas envoyés à l’étranger[14]. Lors de l’extension de la conscription au service outremer en cas de besoin, en avril 1942, des affrontements avec la police ont lieu à Caughnawaga (Québec). Dans les régions isolées, la conscription est pratiquement impossible à imposer. En décembre 1944, une exemption à la conscription sera accordée à environ 20 % des membres des Premières Nations pour lesquelles des traités excluent l’obligation de service militaire (traités nos 3, 6, 8 et 11). Dans les faits, très peu d’efforts seront faits pour retrouver les membres des Premières Nations qui ne se sont pas présentés à l’enregistrement pour la conscription. Parmi les quelque 2 500 conscrits qui participeront au conflit outremer, très peu seront des Autochtones.

4. L’après-guerre

Comme l’a bien résumé le prof. Sheffield de l’Université de Fraser Valley : « Pour la plupart des [Autochtones, le service militaire] fut une expérience égalitaire puissante et pour la première et, malheureusement, peut-être la dernière fois de leur vie, ils se sentaient respectés et honorés pour ce qu’ils étaient et ce qu’ils pouvaient faire[15]. »

Bien qu’ils aient été en principe admissibles aux avantages et services offerts aux autres vétérans en vertu des lois promulguées après la fin de la guerre et regroupées sous le vocable de « Charte des anciens combattants », le traitement de leurs demandes ne se fera pas de manière équitable. Il faudra attendre jusqu’à la fin des années 1990 avant que des organisations de défense des droits des Premières Nations parviennent à convaincre le gouvernement du bien-fondé de leurs récriminations :

Les prestations de la Charte des anciens combattants étaient fondées sur des hypothèses culturelles de la société colonisatrice.
[…]
Pour pouvoir bénéficier de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, il fallait avoir une expérience agricole antérieure et il était encore mieux de posséder déjà des terres. De même, l’un des avantages du troisième volet était un accès garanti à son ancien emploi si l’employeur et l’emploi existaient toujours. C’était formidable, pour peu qu’on ait été employé avant son enrôlement. De plus, celui qui voulait prendre une formation universitaire devait avoir son immatriculation et avoir terminé ses études secondaires.
[…]
Étant donné la marginalisation sociale et économique des peuples autochtones entre les deux guerres et vu que, de façon généralisée, ils manquaient de terres et avaient peu accès aux études et aux soins de santé, bien des anciens combattants métis et des Premières Nations n’avaient pas la totalité ni même une partie des actifs nécessaires avant la guerre pour se prévaloir des avantages offerts[16].

En 1999-2000, des associations de vétérans des Premières Nations, l’Assemblée des Premières Nations, et les trois ministères fédéraux impliqués dans ces enjeux (Affaires indiennes et du Nord, Anciens Combattants et Défense nationale) s’entendirent pour former la Table ronde nationale sur les enjeux touchant les vétérans des Premières Nations (National Roundtable on First Nations Veterans’ Issues). Afin d’établir une référence documentaire commune et objective, la Table ronde commandera un rapport qui sera publié en avril 2001[17].

Ce rapport décrira en détail le traitement inégal accordé aux demandes d’avantages financiers et d’indemnisation présentées par les vétérans des Premières Nations. Ces différences ont été clairement documentées dans les cas suivants : l’appropriation des allocations par les « agents des Indiens », l’accès à l’information diffusée par le gouvernement du Canada quant aux programmes auxquels les vétérans autochtones auraient pu avoir droit et l’octroi inéquitable de subventions et de prêts pour le développement de propriétés agricoles.

En ce qui concerne le premier problème, les allocations qui étaient versées aux conjointes des militaires en service étaient parfois remises aux « agents des Indiens » plutôt qu’aux personnes elles-mêmes, sans qu’il soit possible de déterminer si l’argent avait été ultimement versé aux familles elles-mêmes. De manière générale, comme l’a décrit le prof. Sheffield, le ministère des Affaires indiennes s’est ingéré directement dans le traitement des programmes auxquels avaient droit les vétérans qui étaient des Indiens inscrits :

Dans l’étude de ces dossiers personnels, les agents étaient à la fois troublés et influencés négativement par le rôle des Affaires indiennes et de ses agents dans ce qui a fini par devenir une sorte de système d’administration parallèle distinct pour ces anciens combattants.
Cela a pris différentes formes. À la base, il y avait une bureaucratie supplémentaire entre l’ancien combattant et ses prestations de réadaptation, ce qui a occasionné pour beaucoup des retards et de l’exaspération. Certains anciens combattants ont même renoncé, désespérés après des années d’efforts, ou se sont contentés de moins que ce qui leur était dû.
Malheureusement, l’influence de la Direction générale des affaires indiennes a été beaucoup plus envahissante et problématique. Elle et son personnel n’étaient pas des agents impartiaux dans leurs rapports avec les anciens combattants. Ils avaient leur propre culture d’organisation, une solide raison d’être, soit l’assimilation, qui, parfois, faussait l’intention qui sous-tendait les avantages consentis aux anciens combattants et nuisait à leur réadaptation.
[…]
Les agents des Indiens, au lieu de renseigner les anciens combattants sur les possibilités offertes, leur ont dit ce qu’ils pensaient préférable ou ce dont ils les croyaient être capables, et compte tenu des préjugés négatifs de cette époque, la barre était souvent très basse[18].

Dans certaines situations, relatées par le prof. Sheffield, les agents des Indiens détournaient les subventions destinées à la réinstallation des vétérans afin de compenser l’insuffisance des ressources du ministère des Affaires indiennes pour le logement dans les réserves :

Dans les Maritimes, par exemple, le ministère des Affaires indiennes a mis sur pied un programme de regroupement au cours de cette période pour essayer de transférer tous les Micmacs de la Nouvelle-Écosse dans deux réserves, celles de Shubenacadie et d’Eskasoni. Il ne permettrait aux anciens combattants micmacs de présenter une demande de subvention en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants que s’ils acceptaient de déménager dans l’une de ces deux réserves. En ce sens, les avantages consentis aux anciens combattants sont devenus un outil, un bâton pour les Affaires indiennes afin d’imposer cette politique de regroupement[19].

Le deuxième problème découlait du fait que, après la guerre, les services et avantages financiers versés aux vétérans étaient normalement sous la responsabilité du ministère des Anciens Combattants. Pour les vétérans des Premières Nations, cependant, l’administration de ces avantages fut confiée aux agents des Indiens. Comme l’a expliqué au Comité le prof. Sheffield :

On leur a dit de retourner dans leur réserve et de se renseigner auprès de leur agent des Indiens au lieu de se rendre à un bureau d’Anciens Combattants Canada. Cela a eu pour effet de transférer aux Affaires indiennes la charge de la réadaptation de l’ancien combattant. La situation était différente pour les autres anciens combattants. Le résultat fut que l’information diffusée dans les médias des grandes villes concernant les programmes de rétablissement offerts par le gouvernement ne parvint pas aux membres des Premières Nations qui étaient retournés sur les réserves[20].

Le troisième problème est celui pour lequel les injustices ont eu les plus grandes répercussions financières pour les vétérans autochtones. Les subventions et les prêts au développement de propriétés agricoles en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants firent l’objet d’un traitement distinct selon que les terres étaient sur la réserve ou à l’extérieur des réserves. Les vétérans avaient accès à un prêt pouvant aller jusqu’à 6 000 $ qui devait être remboursé sur une période de 25 ans. Si les remboursements étaient faits à temps, le gouvernement graciait le vétéran d’environ 2 320 $ du montant initial du prêt, ce qui équivalait à une subvention du même montant.

Les vétérans des Premières Nations eurent peu accès aux prêts s’ils voulaient demeurer sur la réserve, mais purent recevoir une subvention de 2 320 $ à des conditions plus contraignantes. Ils avaient le choix de renoncer à leur statut d’Indien pour pouvoir accéder au prêt, ou d’obtenir la subvention pour exploiter une terre sur la réserve, mais la terre demeurait sous le contrôle de la Première Nation et l’équipement acheté avec la subvention demeurait sous le contrôle de l’agent des Indiens durant une période de dix ans. Cela bloqua leur accès au capital nécessaire pour le développement de fermes comparables à ce que les autres vétérans purent exploiter[21]. Puisque ces terres étaient situées sur la réserve, elles ne pouvaient pas, par exemple, être léguées librement à des membres de la famille[22]. Les banques étaient réticentes à consentir des prêts pour des exploitations agricoles sur des terres situées sur une réserve, car elles ne pouvaient pas saisir ou confisquer des biens sur ces terres en cas de défaut de paiement[23]. Les vétérans non autochtones, de leur côté, ont bénéficié de terres de première qualité qu’ils étaient libres d’exploiter à leur guise[24].

Au début des années 2000, estimant la valeur moyenne des fermes qu’ils auraient pu développer s’ils avaient eu accès aux prêts comme les autres, les pertes d’allocations aux conjoints et les arrérages d’avantages financiers non réclamés, les vétérans des Premières Nations demandèrent « un dédommagement financier de 425 000 $ par ancien combattant, veuf ou veuve, conjoint, personne à charge ou succession[25] ». Selon le témoignage d’une représentante de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan au Sous-comité sénatorial sur les anciens combattants en décembre 2001, le gouvernement avait quant à lui établi à 125 000 $ la valeur de ces pertes[26]. Toutefois, le gouvernement avait déjà fixé à entre 20 000 $ et 24 000 $ le dédommagement à verser aux membres de la marine marchande qui avaient été exclus des programmes destinés aux vétérans. Ce montant servit donc de référence du côté du gouvernement. Huit cents vétérans et 1 000 membres des familles avaient été identifiés comme bénéficiaires possibles de ce dédommagement[27].

Le 21 juin 2002, le ministre des Anciens Combattants, l’honorable Rey Pagtakhan, annonça à la Chambre des communes « que pour des raisons humanitaires, le gouvernement du Canada a mis de côté 39 millions de dollars afin d’aider à régler cette question. Une somme maximale de 20 000 $ sera accordée à chaque ancien combattant des Premières Nations, ou à son conjoint, revenu s’installer dans une réserve après la guerre. »

En 2003-2004, 1 298 requérants ont été identifiés comme bénéficiaires légitimes de cette indemnisation[28]. Des demandes similaires avaient été adressées par les vétérans métis afin de régler des situations analogues, mais elles n’ont pas débouché sur des règlements (voir section 5.2).

Les Autochtones dans les Forces armées canadiennes aujourd’hui

Selon les informations compilées par les Forces armées canadiennes, en juin 2015, 2 294 militaires de la Force régulière et de la Première réserve s’étaient auto-identifiés comme Autochtones. Cela représente environ 2,5 % des effectifs totaux[29]. L’objectif à long terme des FAC relativement à l’équité en matière d’emploi pour les Autochtones s’élève à 3,5 %[30].

Ces objectifs de recrutement ne tiennent toutefois pas compte des Rangers, comme l’a expliqué le prof. Lackenbauer, de l’Université Saint Jerome :

Non seulement cela traite les Rangers comme s’ils n’étaient pas de vrais réservistes, ce qui est injuste et faux, mais cela dévalue le service militaire unique exécuté par les Rangers, lequel s’est avéré très attrayant pour beaucoup de peuples autochtones dans les collectivités nordiques et côtières isolées. J’aimerais également souligner qu’au moins 21 % des Rangers canadiens de tout le Canada sont des femmes, ce qui est beaucoup plus près de l’objectif d’un quart fixé par les Forces armées canadiennes, comparativement à la Force régulière ou à la Première réserve. C’est une belle réussite[31].

Sur les quelque 5 000 Rangers canadiens, il est difficile d’établir le nombre de ceux qui sont autochtones. Un estimé conservateur pourrait fixer cette proportion à environ 40 %[32]. Si on en tenait compte dans le calcul de la représentation des Autochtones au sein des FAC, cela la ferait presque doubler. On comprend toutefois que l’objectif de 3,5 % utilisé par les FAC vise à assurer une meilleure représentation des Autochtones au sein de la Force régulière et de la Première réserve.

Les données d’ACC sont également très fragmentaires quant à la proportion de leurs clients qui sont des vétérans autochtones : « Nous savons que, dans les trois territoires, la population de vétérans est estimée à 1 900. Ce qu’on ne sait pas, c’est le nombre de vétérans qui sont d’origine autochtone[33]. » Le nombre d’employés d’ACC qui sont des vétérans autochtones est également inconnu. Afin d’inciter le ministère à compiler des données plus complètes, le Comité recommande :

Recommandation 1

Qu'Anciens Combattants Canada s'engage à continuer d'embaucher du personnel autochtone, avec l'intention d'atteindre un nombre au moins proportionnel au nombre de vétérans autochtones qui sont clients du Ministère.

Les FAC offrent des services aux membres des familles des militaires et des vétérans grâce aux réseaux des Centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM). Lors de son passage à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest), les membres du Comité ont pu s’entretenir avec le personnel du seul centre à desservir les trois territoires, soit deux travailleuses sociales, l’une offrant des services sur place, l’autre s’occupant de l’outreach. Ce sont surtout des services de référence et de coordination des services offerts par d’autres organisations. La gouvernance du centre a été établie à partir des critères utilisés pour les services offerts aux familles des militaires qui sont déployés à l’étranger. Il n’y a donc pas de conseil d’administration comme dans les autres CRFM. Le centre est dirigé par une directrice exécutive, Mme Rose Jasmin, qui est appuyée par un comité consultatif composé en majorité de membres des familles des militaires. Lors de la visite des membres du Comité à Yellowknife, Mme Noha Elhakeem, travailleuse sociale au CRFM a expliqué que les bénéficiaires des services semblent surtout être des personnes dont le/la conjoint/e a été affecté/e dans le Nord pour une période de quelques années. On y retrouve donc peu de membres autochtones qui proviennent des communautés du Nord.

1. Recrutement

Lors de leur passage à Victoria (Colombie-Britannique), les membres du Comité se sont entretenus avec le sergent Farid Karmali, recruteur au Détachement de Victoria du Centre de recrutement des Forces canadiennes, afin de comprendre les particularités des programmes visant à convaincre les Autochtones de se joindre aux Forces armées canadiennes.

Différents programmes ont existé depuis 1971. Depuis 2002, le programme principal est le Programme d’enrôlement des Autochtones des Forces canadiennes (CFAEP ou Canadian Forces Aboriginal Entry Program). Son objectif est de permettre aux candidats intéressés d’expérimenter la réalité d’une carrière militaire. Cela leur permet de prendre une décision éclairée quant à leur intérêt réel à poursuivre dans cette direction. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des participants prennent la décision de se joindre à la Force régulière.

Offert pour la première fois en 2008 au Collège militaire royal de Kingston, en Ontario, le Programme d’initiation au leadership à l’intention des Autochtones (ALOY ou Aboriginal Leadership Opportunities Year) est destiné aux Autochtones souhaitant entreprendre la formation d’élève-officier[34]. Il est similaire à un programme offert aux autres recrues, mais durant un an, l’apprentissage d’une langue seconde est remplacé par un module axé sur la culture autochtone.

Trois programmes d’instruction d’été sont destinés aux Autochtones : Bold Eagle (Wainwright, Alberta), Raven (Esquimalt, Colombie-Britannique) et Black Bear (Oromocto, Nouveau-Brunswick). D’une durée de six semaines, ils permettent aux participants de se familiariser avec l’entraînement militaire, sans engagement préalable à se joindre aux Forces armées canadiennes par la suite. Une rémunération de 3 500 $ est offerte aux participants, ce qui équivaut à la solde de base d’un soldat pendant six semaines. Selon l’adjudant-maître Grant Greyeyes, la popularité des programmes d’été est croissante, alors que les ALOY et le CFAEP ciblent plutôt des personnes qui sont déjà prêtes à entreprendre une carrière militaire :

Pour les programmes d’été, le programme Bold Eagle passera de 110 à 150 places cet été. Pour ce qui est des programmes Black Bear et Raven, nous espérons avoir jusqu’à 60 participants. Dans le cas du Programme d’enrôlement des Autochtones des Forces armées canadiennes, nous parlons de 30 places. Cependant, nous n’avons pas été en mesure de trouver des candidats pour toutes ces places[35].

M. Wally Sinclair, de l’Association nationale des centres d’amitié, a décrit en termes élogieux l’effet structurant que le programme d’instruction Bold Eagle obtient en rapprochant les générations, et a raconté l’enrichissement que retiraient toutes les personnes proches de ces jeunes lorsqu’ils complétaient le programme :

…Je porte mon uniforme, avec mes collègues — et je demande aux gens de se tourner vers l'avenir. Nous vivons un jour à la fois dans nos façons traditionnelles de prier et de penser.
[…] Les parents sont présents. Les tuteurs et les grands-mères assistent à toutes les remises de diplômes. Nous en parlons ensemble. Nous apprenons plus de choses en discutant avec les kokums et les mushums, les grands-mères et les grands-pères, et avec les membres de la famille élargie, qu'en parlant au jeune homme ou à la jeune fille. Ils sont si fiers d'être là et de recevoir un prix ou un diplôme, c'est évident. Par respect, je leur fais toujours savoir que je vais m'entretenir un peu avec la grand-mère et je leur demande comment ils vont[36].

Afin d’appuyer ces efforts de recrutement, et de favoriser l’intégration des Autochtones au sein des FAC, celles-ci ont mis en place un programme de sensibilisation à la culture autochtone que l’adjudant-maître Greyeyes a présenté au Comité :

La raison pour laquelle cette formation est offerte, c’est pour sensibiliser le leadership à accroître leurs connaissances sur les cultures autochtones du pays. L’autre raison, c’est pour que tous les instructeurs ou membres du personnel qui travaillent pour les programmes que le général Paul vous a décrits – Bold Eagle, Raven, Black Bear, PILA et le CFAEP – suivent cette formation sur la sensibilité à la culture autochtone afin d’être davantage sensibilisés à la culture des participants du programme. C’est très important, car ils doivent savoir à qui ils s’adressent, et dans certains cas comment parler aux gens qu’ils forment ou avec lesquels ils travaillent.
[…]
Les membres actuels des Forces armées canadiennes et les employés du MDN – le personnel civil de la Défense – n’ont aucun rayonnement dans les communautés. Toutefois, les bases des Forces armées canadiennes servent d’intermédiaire à cet égard. Le Groupe consultatif des Autochtones de la Défense offre un lien vers les communautés, ou directement à l’intérieur du GAD, pour aider à l’enseignement et créer une sensibilisation culturelle nécessaire pour les membres et les familles, au besoin[37].

Étant donné les caractéristiques démographiques des communautés autochtones, qui comptent en moyenne une plus grande proportion de jeunes que les autres communautés canadiennes, et l’importance stratégique grandissante du Nord canadien, on peut s’attendre à ce que la représentation des Autochtones au sein des FAC s’accroisse au cours des prochaines années.

2. Rangers

2.1. Présentation du programme des Rangers canadiens et des Rangers juniors canadiens

Selon la section du site Internet que les FAC leur consacrent, les 5 000 Rangers canadiens (RC) sont un sous-élément de la Force de réserve et sont répartis en 186 patrouilles regroupées au sein de cinq Groupes de patrouilles. Les patrouilles sont formées d’entre 10 et 35 Rangers, et chacune élit annuellement son chef de patrouille et ses sergents. Moins de 5 % des RC exercent leurs activités à temps plein. Leur travail constitue une occupation militaire distincte de surveillance du respect de la souveraineté territoriale, de cueillette de données locales stratégiques pour les Forces armées canadiennes et de signalement d’activités ou de phénomènes inhabituels. Ils peuvent également être amenés à jouer un rôle dans des opérations de recherche et de sauvetage ou apporter leur aide lors de catastrophes naturelles. Comme l’a expliqué le prof. Whitney Lackenbauer, de l’Université Saint Jerome :

[Les Rangers canadiens] sont des réservistes au sein d’unités militaires qui mènent des missions de sécurité nationale et de protection civile dans les régions peu peuplées nordiques, côtières et isolées du Canada, là où d’autres éléments des forces armées ne peuvent intervenir de manière convenable ou économique[38].

Selon la Directive et ordonnance administrative de la défense DOAD 2020-2 – Rangers canadiens, les tâches des RC consistent à :

  • a) Mener des opérations de protection du territoire et soutenir ces opérations :
    • i) Mener et soutenir des patrouilles de surveillance et de protection du territoire, y compris en offrant de l’instruction au Canada.
    • ii) Effectuer des patrouilles dans les postes du Système d’alerte du Nord.
    • iii) Signaler les activités suspectes ou inhabituelles.
    • iv) Recueillir des renseignements locaux utiles sur le plan militaire.
  • b) Mener des opérations nationales des FAC et prêter main-forte à ces opérations :
    • i) Effectuer des patrouilles du territoire canadien.
    • ii) Fournir des connaissances sur le milieu local et l’expertise des RC (c.‑à‑d. conseils et guides).
    • iii) Participer à des opérations de recherche et de sauvetage.
    • iv) Fournir du soutien en cas de désastres naturels ou causés par l’homme et dans le cadre d’opérations humanitaires
    • v) Prêter main-forte aux autorités gouvernementales à l’échelle fédérale, provinciale ou territoriale ou aux administrations municipales.
  • c) Assurer une présence des FAC dans la collectivité locale :
    • i) Instruire, encadrer et superviser les Rangers juniors canadiens.
    • ii) Soutenir les activités de la collectivité locale et y participer (p. ex. Yukon Quest, la fête du Canada, le jour du Souvenir, etc.).

Les activités des RC sont limitées au territoire canadien. Ils ne peuvent pas être déployés à l’étranger. En vertu de l’article 4.2 des DOAD 2020-2, les membres des RC ne peuvent pas :

  • i) prendre part à un entraînement militaire tactique;
  • ii) effectuer des tâches immédiates de défense locale comme contenir les petits détachements ennemis ou les observer en attendant l’arrivée d’autres forces;
  • iii) assurer la protection des points vitaux (p. ex. barrages, mines, oléoducs, etc.);
  • iv) aider les forces policières fédérales, provinciales, territoriales et locales à découvrir des agents ennemis, des saboteurs, des criminels ou des terroristes, à signaler leur présence ou à les arrêter;
  • v) prêter main-forte au pouvoir civil.

Les RC ne sont pas soumis au principe de l’universalité du service[39]. Ils sont donc exclus des opérations de combat et, même si leurs conditions d’embauche impliquent qu’ils soient physiquement aptes à accomplir leurs tâches, ils ne font l’objet d’aucun suivi médical[40]. Comme l’a dit le lieutenant-colonel Timothy Halfkenny, commandant du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens (GPRC) lors du passage du Comité à Yellowknife : « Les Rangers canadiens sont membres des Forces armées canadiennes, mais ils ne sont pas des soldats. » Il n’y a pas non plus d’âge de retraite obligatoire, ce qui fait que les RC peuvent exercer leurs activités tant qu’ils en sont capables.

Les conditions de travail et la rémunération des Rangers, comme pour les autres réservistes, sont établies en fonction du nombre de jours consécutifs en opération. La plupart des Rangers sont des réservistes en classe A, ce qui veut dire que leurs activités sont limitées à 12 jours consécutifs. Si la nature des opérations exige de dépasser cette durée, ils doivent muter en classe B, qui comprend les réservistes à temps plein pour des contrats de moins de six mois. Les Rangers ne peuvent pas être des réservistes en classe C, car ces derniers sont ceux qui sont habituellement déployés à temps plein au sein d’unités de la Force régulière dans le cadre d’opérations dont sont exclus les Rangers. Le temps que doivent consacrer les Rangers à leurs opérations varie beaucoup d’une patrouille à l’autre, mais le budget alloué au 1er GPRC se fonde sur une période d’activités moyenne de 12 jours par année par Ranger.

Comme l’ont expliqué le lieutenant-colonel Halfkenny et l’adjudant-chef Derek Millard (sergent-major du 1er GPRC), les patrouilles sont envoyées en mission autonome pour une durée d’au moins 72 heures. Les FAC fournissent l’uniforme, la carabine et 200 cartouches de munitions, et les Rangers reçoivent une indemnisation de 200 $ par jour pour l’utilisation de leur véhicule personnel. Depuis l’introduction de la nouvelle carabine C19[41], la vérification des antécédents a dû être resserrée. Cela a entraîné le renvoi de quelques membres, mais du même coup, cela a permis de définir plus précisément les exigences de bonne conduite applicables aux RC.

Les cinq Groupes de patrouilles sont répartis géographiquement :

  1. Le premier Groupe est formé d’environ 1 800 Rangers formant 60 patrouilles qui desservent tout le territoire du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon.
  2. Le deuxième Groupe est formé d’une trentaine de patrouilles et dessert les collectivités isolées du nord du Québec.
  3. Le troisième Groupe est formé de 22 patrouilles qui assurent une présence militaire dans les collectivités du nord de l’Ontario.
  4. Le quatrième Groupe comprend 42 patrouilles et dessert tout le territoire du nord du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.
  5. Le cinquième Groupe est formé des 20 patrouilles qui desservent l’île de Terre-Neuve, et de 12 autres qui desservent le territoire du Labrador.

Aux activités des RC s’ajoute également le programme des Rangers juniors canadiens (RJC), qu’a présenté le colonel T.E.C. Mackay : « Il ne s’agit pas d’un programme exclusif aux cultures autochtones, mais un pourcentage important des participants sont Autochtones. C’est un programme qui ressemble beaucoup à celui des cadets. Il s’agit d’un programme offert aux jeunes et qui offre une composante culturelle[42]. » Le lieutenant-colonel Halfkenny a présenté les RJC comme un programme qui fait la promotion des cultures et des modes de vie traditionnels auprès des jeunes dans les collectivités éloignées et isolées du Canada.

On compte environ 1 300 RJC dans le 1er GPRC, et alors que la proportion de femmes est de 23 % dans les RC, elle atteint plus de 40 % dans les RJC. L’entraînement des RJC est établi en fonction de trois groupes de compétences :

  1. Compétences des Rangers : premiers soins, cartes et boussole, navigation et GPS, sécurité des armes à feu, et exercices militaires (drill);
  2. Compétences traditionnelles : chasse et pêche, cuisine et couture, sculpture, tambours, tannage et construction d’igloos;
  3. Aptitudes à la vie quotidienne : programme PHASE (Prévention du harcèlement et de l’abus par la sensibilisation et l’éducation), prise de parole en public, gestion de la colère, nutrition et hygiène.

La caporale-chef Alice Mantla, qui est en charge des Rangers juniors canadiens à Behchoko, a décrit l’effet structurant qu’avait le programme sur le comportement des jeunes. La possibilité de participer à des exercices de survie en forêt et d’apprendre à se servir d’une carabine exerce un fort attrait sur eux. Ceux qui veulent joindre la patrouille doivent démontrer leur bonne conduite et ne pas avoir de dossier criminel. Les RC sont donc une inspiration pour toute la communauté. C’est sous la recommandation des membres de la communauté auprès des responsables du 1er GPRC que sont recrutés les membres des différentes patrouilles.

L’effet bénéfique sur les communautés a également été mis en évidence par l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes :

Il ne fait aucun doute que l'organisation des Rangers canadiens et le programme des Rangers juniors canadiens ont un impact positif dans les collectivités nordiques et éloignées. La passation des connaissances traditionnelles aux jeunes par les aînés est valorisée et escomptée; elle s'inscrit dans le succès des missions. La structure, de l'enrôlement aux promotions et au-delà, est décidée par ce groupe. Ce modèle attache à l'organisation des Rangers canadiens et au programme des Rangers juniors canadiens des principes fondamentaux d'honnêteté, d'intégrité, d'apprentissage et de raison d'être[43].

Le quartier général du 1er GPRC comprend 70 personnes, dont environ 40 font partie de la Force régulière, réparties dans 60 patrouilles des RC et 44 patrouilles des RCJ. Selon le lieutenant-colonel Halfkenny, les instructeurs sont affectés à des patrouilles pour une période de trois ans. Ils en coordonnent l’ensemble des opérations, des activités administratives et de logistique. L’objectif est de maintenir un instructeur pour quatre communautés, alors que le ratio actuel est d’environ un instructeur pour six communautés chez les RC, et d’un instructeur pour sept communautés chez les RCJ. Le maintien du contact avec les différentes patrouilles oblige les instructeurs à s’absenter de leur lieu de résidence environ 100 jours par année.

Lors de son témoignage, l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, M. Gary Walbourne, a dénoncé la lourdeur du fardeau administratif qui incombe aux instructeurs des RC[44]. Selon lui, il y aurait un instructeur pour 183 Rangers. C’est dans le 1er GPRC que le fardeau est le plus lourd, avec un ratio d’un instructeur pour 239 Rangers[45]. La nécessité d’alléger la tâche des instructeurs constitue le principal message que M. Walbourne a voulu communiquer au Comité :

Donnons aux instructeurs des Rangers les ressources dont ils ont besoin pour leur donner les moyens d'accomplir ce qui doit être fait sur le terrain, c'est-à-dire de passer du temps avec leurs patrouilles, les former et les aider s'il y a une maladie ou une blessure. C'est essentiel. Si nous ne faisons qu'ajouter des Rangers dans le système et que nous n'augmentons pas le nombre de personnes qui gèrent et supervisent ce groupe, je crois que ce sera une grave erreur[46].

Le lieutenant-colonel Halfkenny a reconnu la difficulté, mais a insisté sur le fait qu’il fallait tenir compte du nombre d’employés en soutien aux Rangers, et non seulement du nombre de Rangers par instructeur. Les chiffres qu’il a présentés aux membres du Comité indiquent un ratio d’un employé à temps plein (y compris les instructeurs) pour 56 Rangers, comparativement à un ratio comparable d’un pour vingt-cinq dans les FAC. Selon lui, il serait souhaitable que le fardeau des instructeurs puisse être allégé, mais il ne constitue pas à l’heure actuelle un problème grave.

2.2. Les Rangers canadiens et la défense du Nord

Lors de leur visite à Yellowknife, les membres du Comité ont pu comprendre l’importance stratégique des Rangers afin d’assurer la présence des Forces armées canadiennes dans le Nord du pays. En présence du brigadier-général Patrick Carpentier, commandant de la Force opérationnelle interarmées du Nord (FOIN), et d’une dizaine d’autres membres de la Force, Mme Helen Vaughan Barrieau, conseillère aux Affaires intergouvernementales et autochtones de la FOIN, a brossé un tableau complet des différentes composantes de la stratégie canadienne de défense du Nord, y compris celles se déroulant conjointement avec les forces américaines dans le cadre des activités du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Cette zone de responsabilité, qui comprend le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, couvre un territoire presque aussi grand que les États-Unis, mais où ne vivent que 113 600 personnes. Plusieurs éléments des FAC participent à cette présence militaire du Canada dans le Nord : les 300 membres de la FOIN, les 1 500 membres du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens, le 440e Escadron de transport « Vampire », l’Unité de soutien de secteur (N) et les réservistes de la Compagnie « C » (Yellowknife) du Loyal Edmonton Regiment.

L’un des enjeux importants de l’activité de la FOIN est l’augmentation de la circulation maritime liée à la fonte des glaces dans le passage du Nord-Ouest. Selon le brigadier-général Carpentier, il faudra encore bien des années avant que ce passage puisse être exploité sur le plan commercial, contrairement à des routes nordiques en Europe où la circulation est plus facile. Cela n’empêche pas certaines entreprises ou certaines personnes de s’y aventurer sans les précautions nécessaires, ce qui entraîne de fait une augmentation des risques sécuritaires dans la région. Les Rangers canadiens sont évidemment les premiers à pouvoir signaler de tels risques et à pouvoir intervenir en cas de besoin.

Afin de mieux répondre à cet accroissement de l’activité dans le passage du Nord-Ouest, la Marine royale canadienne procédera au déploiement du premier navire de patrouille dans l’Arctique, le NCSM Harry de Wolfe, dès que la station de ravitaillement deviendra opérationnelle.

Le brigadier-général Carpentier a tenu à mettre les membres du Comité en garde contre la tentation de reproduire dans le Nord le modèle de services qui prévaut dans le reste du Canada. Selon lui, une offre de services publics plus importante pourrait entraîner une dépendance envers ces services qui mettrait en péril la capacité des gens du Nord de maintenir leur plus grand avantage : leur résilience, qui s’est construite sur la nécessité de trouver des solutions inventives face à des conditions de vie difficiles.

2.3. L’adaptation des programmes d’Anciens Combattants Canada aux besoins des Rangers

Dans son rapport de septembre 2017 sur les RC, l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes (ODNFC) a identifié trois problèmes qui freinent l’accès des RC aux soins de santé et aux prestations financières du MDN ou d’ACC : l’emplacement géographique, le niveau de connaissance des droits, et la pratique actuelle en ce qui concerne le suivi et la déclaration des maladies et des blessures des Rangers canadiens.

Le problème des régions éloignées affecte les RC et les vétérans autochtones davantage que les autres vétérans, mais c’est un problème qui touche également tous les vétérans canadiens qui n’habitent pas les grands centres urbains, qu’ils aient fait partie de la Force régulière ou de n’importe quelle composante de la Force de réserve. M. Walbourne a donné un exemple éloquent des difficultés que cela peut poser pour les RC : « Essayez de remettre un chèque à un Ranger canadien dans une collectivité où il n'y a aucune banque ou encore, demandez-lui de remplir un formulaire en ligne lorsque le point d'accès Wifi le plus près se trouve à 1 000 kilomètres de distance. Ce Ranger, en passant, ne sait peut-être pas parler, lire ou écrire ni en anglais ni en français[47]. » Il s’agit là d’un problème propre à la géographie canadienne. Étant donné son ampleur dans le cas des vétérans autochtones, la prochaine section du rapport lui sera consacrée.

Lors de leur passage à Behchoko, les membres du Comité ont pu rencontrer une dizaine de membres de la patrouille des Rangers de la communauté. Quatre d’entre eux avaient vingt-cinq ans de service ou plus, mais aucun ne savait qu’ils étaient admissibles à des programmes d’indemnisation d’ACC en cas de blessure ou de maladie liées à leur service. Quatre-vingt-neuf pour cent des Rangers interrogés par l’ODNFC ne savaient pas qu'elles avaient droit aux prestations administrées par Anciens Combattants Canada[48].

Puisqu’il n’y a pas d’âge de retraite obligatoire pour les RC et que ces derniers ne sont pas soumis aux exigences de l’universalité du service, très peu déposent des demandes auprès d’ACC, alors qu’ils seraient admissibles, par exemple, à une indemnisation pour une invalidité liée au service qui ne les empêche pas de poursuivre leur travail de Ranger. De plus, très peu d’entre eux s’identifient comme « vétérans ». Selon le prof. Lackenbauer :

Certains Rangers ont servi alors qu’ils avaient largement dépassé les 80 ou 90 ans. D’ailleurs, demain, je serai à la cérémonie de passation de commandement du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens à Yellowknife, où deux Rangers recevront leur CD4[49] : le Ranger Ookookoo Quaraq de la patrouille de Pond Inlet, pour ses 52 années de service continu, et le Ranger Ilkoo Angutikjuak, un membre de la patrouille de Clyde River, qui a servi de manière continue depuis 53 ans. La décision de continuer à servir, au lieu de demander une libération volontaire, a évidemment des répercussions sur leur accès à certains avantages et services du ministère des Anciens Combattants[50].

Le Comité a recommandé à plusieurs reprises que des liens s’établissent avec ACC dès l’enrôlement, afin de permettre un meilleur partage éventuel de l’information pertinente en cas de demande de services et de maintenir présente à l’esprit des membres en service l’existence des programmes d’ACC. Si cette recommandation était appliquée dès qu’une recrue devient un Ranger, plusieurs des problèmes soulevés par l’ODNFC seraient plus faciles à aborder.

La seule récrimination a été exprimée au nom du groupe par le sergent Frank Beaulieu, qui compte trente-trois ans de service au sein de cette patrouille. Elle n’est pas propre aux programmes d’ACC, mais elle touche la lenteur dans le traitement des demandes, un problème qui n’est que trop bien connu au sein d’ACC. Les critiques du sergent Beaulieu portent sur le traitement des demandes de remboursement pour les dommages causés aux véhicules personnels des Rangers. Le lieutenant-colonel Halfkenny, commandant du 1er GPRC, a confirmé la lenteur du processus qui exige que chaque demande soit transmise à Ottawa pour analyse. Il n’est pas rare qu’il puisse s’écouler six mois et plus entre la soumission de la demande et le remboursement. Le Comité recommande donc :

Recommandation 2

Que les Forces armées canadiennes délèguent à chacun des Groupes de patrouilles des Rangers canadiens une autorité financière suffisante pour leur permettre de rembourser rapidement les bris d’équipements personnels utilisés par les Rangers canadiens lorsqu’ils sont en service.

Les RC sont admissibles aux mêmes programmes que les autres réservistes à temps partiel. Toutefois, la nature même de leurs activités entraîne des ambiguïtés quant à la possibilité de déterminer à quel moment un Ranger canadien est en service. Prenons l’exemple d’un Ranger canadien qui se déplace alors qu’il n’est pas en service; il constate des situations inhabituelles qui pourraient avoir quelque importance pour les FAC, et décide de recueillir des informations sur ces situations comme s’il était en patrouille. Si cette personne se blesse alors qu’elle recueillait ses informations, elle pourrait ne pas être admissible aux soins de santé des FAC ou aux prestations d’ACC, car elle n’était pas officiellement en service. Pour être considérée en service, il aurait fallu qu’elle ait été envoyée en patrouille, qu’elle ait reçu d’une manière ou d’une autre l’autorisation de ses supérieurs de procéder à cette collecte d’informations, ou que cette activité en question ait été désignée rétroactivement par le MDN comme une opération militaire[51].

Le prof. Lackenbauer a soulevé quelques ambiguïtés auxquelles pouvait donner lieu ce statut particulier des RC, en particulier par rapport à l’admissibilité des RC aux programmes d’ACC :

Je ne suis pas sûr si le soutien du revenu des Forces armées canadiennes s’applique aux Rangers ou si les anciens Rangers ont accès au Fonds d’urgence pour les vétérans, qui est conçu pour régler le problème d’itinérance chez les anciens combattants. Par ailleurs, je ne sais pas si les Rangers ont droit à l’allocation pour études et formation à l’intention des anciens combattants[52].

Plusieurs des programmes d’ACC exigent comme critère d’admissibilité d’avoir été libéré des FAC. Pour les Rangers, comme pour d’autres réservistes en classe A, le processus de libération peut être très informel. Dans le cas des Rangers, puisqu’ils ne font pas l’objet d’un suivi médical, il peut être difficile de garder une trace documentée d’incidents ou de conditions qui pourraient permettre aux Rangers, durant leur service ou après, de bénéficier de certains programmes d’ACC. Il faut également tenir compte de la résistance compréhensible des Rangers à déclarer leur condition médicale s’ils croient que cela pourrait entraîner leur renvoi du groupe. M. Walbourne a confirmé l’existence d’une telle résistance :

S'ils sont malades ou blessés, ils ne pourront pas prendre part à une patrouille, et ils pourraient manquer cette occasion. La pensée de quitter le cadre des Rangers… et, si vous commencez à parler à quelques-uns des Rangers, vous verrez très clairement la fierté que leur apporte leur travail. Leur adhésion au groupe des Rangers revêt une importance primordiale à leurs yeux. Par conséquent, ils s’abstiendront de signaler toute circonstance qui pourrait avoir une incidence sur leur participation aux activités des Rangers.
[…] Un problème de santé les force habituellement à quitter leur collectivité, à parcourir des milliers de kilomètres et à s’absenter pendant de longues périodes, autrement dit, à s’éloigner de leur groupe de soutien, de leur famille. C’est la raison pour laquelle ils sont un peu réticents lorsqu’il s’agit de communiquer ces problèmes aux Forces armées canadiennes[53].

L’enquête de l’ODNFC a révélé que « les maladies et les blessures des Rangers canadiens n’étaient pas systématiquement signalées ni suivies de manière adéquate » (p. 5). Selon le prof. Lackenbauer, « cela pourrait compliquer les efforts visant à discerner les blessures ou maladies liées au service de celles qui existaient déjà. Voilà qui pourrait influer sur les allocations pour incidence sur la carrière, les indemnités pour blessure grave ou les prestations et pensions d’invalidité[54]. »

La procédure pour consigner et signaler l’information se rapportant à une blessure ou une maladie est la même que dans les autres unités des FAC, et est grandement simplifiée lorsqu’un rapport CF 98 a été correctement rempli. L’ODNFC a toutefois noté que la documentation nécessaire n’avait pas été remplie dans la moitié des cas où une blessure en service avait été signalée, et que même lorsqu’un rapport CF 98 était rempli, il n’était pas transmis au Directeur – Gestion du soutien aux blessés dans presque le tiers des cas[55].

L’ODNFC a recommandé au MDN et aux FAC de « se conformer au processus actuel de déclaration des blessures et des maladies afin que les Rangers canadiens ne soient pas empêchés involontairement d’avoir accès aux soins de santé et aux prestations connexes ». Dans sa Réponse au rapport, le ministre de la Défense nationale affirme appuyer cette recommandation[56].

Selon le prof. Lackenbauer, un autre problème est la difficulté de transmettre l’information sur les programmes gouvernementaux dans des communautés dont la langue d’usage est une langue autochtone. Cette barrière linguistique a été confirmée par les RC rencontrés à Behchoko ainsi que par le commandement du 1er GPRC et l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes. Ce dernier a d’ailleurs tenu à souligner que le rapport qu’il a préparé sur les Rangers canadiens avait été traduit dans les principales langues autochtones. Le Comité recommande donc :

Recommandation 3

Qu’Anciens Combattants Canada produise une brochure présentant ses principaux programmes et services dans les principales langues autochtones, et que cette brochure soit distribuée à toutes les patrouilles des Rangers canadiens.

Ce qui ressort de manière générale de la nature particulière du travail des Rangers canadiens est que, comme l’a clairement exprimé le prof. Lackenbauer, il est

difficile d’essayer d’inclure les Rangers dans la prestation normale des services d’Anciens Combattants Canada, étant donné que les Rangers habitent majoritairement dans des collectivités éloignées. Par conséquent, l’idée selon laquelle nous pourrions tout simplement leur offrir des services sans problème comme nous le faisons pour les autres anciens réservistes et anciens militaires dans le sud du pays n’est pas réaliste.
Que vous choisissiez d’avoir une catégorie précise pour les Rangers ou de les inclure globalement dans vos discussions sur ce qui devrait être fait pour veiller à ce que les gens qui habitent dans les régions éloignées aient accès aux services, je vous laisse prendre cette décision, mais je crois qu’il faut nous rappeler que de nombreux Rangers servent vraiment au-delà de ce qui serait nécessaire pour une libération obligatoire pour les membres de la Première Réserve ou de la Force régulière et en tenir compte lorsque nous examinons les avantages auxquels ils sont admissibles[57].

Rejoindre les vétérans autochtones vivant en région éloignée

L’accès aux soins de santé, et aux services gouvernementaux en général, pour les personnes vivant en région éloignée constitue un problème difficile, mais qui peut prendre des proportions critiques pour les vétérans des communautés éloignées. Les FAC sont responsables des soins de santé des membres de la Force régulière, ou des réservistes lorsqu’ils sont en service à temps plein. Comme les membres en service à temps partiel des unités de Réserve ou des Rangers canadiens, les vétérans habitant dans des régions isolées dépendent quant à eux des cliniques médicales locales pour la prestation de leurs soins de santé. L’accès aux soins spécialisés est donc difficile, y compris les soins en santé mentale. Selon M. Thibeau, d’Aboriginal Veterans Autochtones, « l’éloignement est le problème principal. Lorsque les [vétérans autochtones] parviennent à se rendre aux bureaux du ministère, ils n’ont rien de différent des autres; ils arrivent, discutent avec un intervenant et suivent le processus. Le problème, c’est de s’y rendre[58]. » Les représentants d’ACC qui sont venus témoigner au Comité reconnaissent le problème :

Bien que nous soyons déterminés à offrir aux vétérans et à leurs familles le soutien dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin et là où ils sont, l’accès aux services en région éloignée peut parfois constituer un défi. Ce n’est pas par manque de volonté du ministère, mais plutôt parce que les ressources communautaires et provinciales vers lesquelles Anciens Combattants Canada dirige ses clients sont parfois limitées[59].

Lors de son passage à Yellowknife, le Comité a entendu de nombreux commentaires quant aux problèmes de transport qu’entraînait la nécessité de se rendre à Edmonton afin d’obtenir des services d’ACC. M. Peter Pilgrim, un inspecteur de la GRC qui a travaillé dans les communautés autochtones du Nord, a salué la qualité des services offerts à la clinique pour les troubles de stress opérationnel d’ACC à Edmonton, mais les démarches pour y avoir accès furent laborieuses. Même son de cloche pour Wayne Norris, un vétéran de 26 ans au sein de la GRC. Selon Merle Carpenter, un vétéran de la GRC rencontré à Yellowknife, ACC ne fait rien pour rejoindre les anciens membres de la GRC dans le Nord. Selon M. Floyd Powder, rencontré lors du voyage du Comité à Yellowknife, le problème ne tient plus tant au fait d’être Autochtone, mais bien au fait de vivre en région éloignée.

Puisqu’il n’y a pas de bureaux d’ACC dans le Nord, le ministère s’est engagé à intensifier ses efforts d’information et de sensibilisation, en envoyant ses représentants faire 12 visites par année dans les territoires, ainsi que dans le Nord du Labrador et du Québec[60]. On estime qu’il y a environ 1 900 vétérans dans les territoires, mais on ignore combien d’entre eux sont des Autochtones. ACC compte présentement 515 clients dans les territoires, dont 90 reçoivent des services de gestion de cas[61] :

Depuis août 2016, nous avons accru notre présence auprès des vétérans résidant dans le Nord du pays. Régulièrement, des employés de première ligne se rendent à Whitehorse, à Yellowknife et à Iqaluit pour y rencontrer des vétérans et leurs familles, mais aussi des partenaires et des fournisseurs de services sociaux. Ces rencontres nous permettent d’établir et de cultiver de solides relations et de relayer l’information au sujet de nos programmes et de nos services aux vétérans résidant dans ces communautés éloignées.
Néanmoins, tous les vétérans peuvent compter sur le vaste réseau de points de service d’ACC et sur le réseau élargi de Service Canada – plus de 558 points de service dans pratiquement toutes les collectivités du Canada –, qui relaie l’information sur les programmes et services d’ACC.
Quel que soit leur lieu de résidence, les vétérans qui en ont besoin peuvent compter sur la visite à domicile d’infirmières, d’ergothérapeutes et de gestionnaires de cas[62].

Il est plus difficile d’évaluer la capacité d’ACC de rejoindre les vétérans autochtones qui vivent en région éloignée dans les provinces. Il existe des bureaux, mais, selon l’information recueillie durant le premier voyage du Comité, pour de nombreux vétérans autochtones, le coût et la durée des déplacements découragent un grand nombre d’entre eux de s’y rendre. M. Thibeau a donné l’exemple de Beauval, une communauté métisse de la Saskatchewan où le Comité s’est rendu, pour illustrer cette difficulté :

Un important problème de taille se pose à Beauval, en Saskatchewan, où vous vous rendrez. Je ne dirai pas « important », car les gens vous donneront une idée de la nature du problème. Ils ne peuvent rencontrer les agents du ministère des Anciens Combattants, car il leur en coûte de l’argent pour se rendre de Beauval à Saskatoon.
Si vous avez renforcé l’effectif du ministère, pourquoi les agents ne peuvent-ils pas visiter les communautés? Établissez un réseau de communautés où ils peuvent se rendre, car on m’a dit que le ministère ne paie pas les frais de déplacement entre Beauval et Saskatoon, information qui peut être vérifiée pour vous. Si c’est le cas, ce n’est pas correct, car il s’agit d’anciens combattants aux prises avec des problèmes. Si c’est un problème de santé mentale, la situation est grave, car il n’est pas à la veille de se résoudre[63].

Danny Lafontaine, de l’Association des vétérans autochtones du Québec, a décrit une situation similaire qui semble exister dans plusieurs régions du Canada :

Notre problème est davantage lié aux réserves satellites dans le Nord, où, la plupart du temps, les Autochtones n’ont même pas accès à Internet ou au téléphone. Ils se joignent aux forces – surtout aux Rangers – et rentrent chez eux. Ils doivent ensuite passer par le conseil de bande pour obtenir de l’information, et la plupart de ces bandes ne reçoivent même pas d’information d’ACC. Voilà l’enjeu. Il n’y a aucune coordination entre les services de santé dans les réserves et ACC. J’ai parlé à beaucoup de chefs de bande. Les bandes prennent en charge leurs propres anciens combattants et, au fond, elles ne savent pas quoi faire[64].

Pour les vétérans vivant sur les réserves, ce problème d’accès est parfois aggravé par l’absence de liens entre les conseils de bande et le ministère. M. Lafontaine s’est montré critique à l’endroit de certains conseils de bande qui, selon lui, bloquent d’avance toute possibilité d’intervention de la part d’ACC :

Dans le Nord, il n’y a aucune transition, parce que les anciens combattants n’ont pas de contacts avec ACC, et c’est là que nous essayons d’intervenir, mais nous sommes bloqués. Tous ceux qui sont sur le terrain se heurtent au refus des chefs des réserves. Ils ne veulent rien savoir. Ils prennent une attitude dégagée […] Une partie de l’argent va à la réserve plutôt qu’aux anciens combattants[65].

Ses propos ont trouvé un écho dans le témoignage de M. Emile Highway, de l’Association des vétérans autochtones de la Saskatchewan : « Je ne sais pas si je devrais excuser les gens d’ignorer l’existence des anciens combattants du Nord, les chefs y compris. Chose certaine, ils n’ont aucune idée des sacrifices et des épreuves que nous avons endurés lorsque nous étions soldats. Il n’y a absolument aucun soutien auprès des chefs du Nord[66]. »

La clé, c’est de faire le premier pas. Selon M. Aurel Dubé, lorsqu’ACC a pris l’initiative d’entrer en contact avec les vétérans, cela a grandement facilité ce premier pas :

Le ministère a fait du bon travail récemment. Ses représentants vont bientôt entreprendre, si cela n’est pas déjà fait, une tournée pour montrer qu’ils sont là pour nous venir en aide. Il est parfois difficile de savoir à qui s’adresser, mais lorsque les gens du ministère se déplacent, les anciens combattants en entendent parler et vont à leur rencontre. Je sais que l’on s’apprête à visiter l’est du pays, et la plupart de ceux qui ont besoin d’aide sont au courant. Ils seront au rendez-vous, cela ne fait aucun doute.
C’est une question de communication. Lorsque la communication est bonne, les anciens combattants vont savoir que ces gens-là s’en viennent et vont aller à leur rencontre, ce qui permettra tout au moins d’établir un premier contact[67].

M. Lafontaine a abondé dans le même sens :

Une fois entrés dans le système, ils deviennent des personnes normales comme tout le monde – ils deviennent des anciens combattants. Pour nous, un ancien combattant est un ancien combattant. Il s’agit simplement de le faire entrer dans le système. Il ne s’agit pas de savoir s’il est autochtone ou non, mais de le sortir de la réserve. Mais pour faire cela, il faut y aller, dans cette réserve[68].

Pour le prof. Sheffield, les efforts que consentira le ministère afin de rejoindre les vétérans autochtones constituent la clé qui leur permettra un meilleur accès à ces services : « À mon avis, le problème tient notamment au fait que, au ministère des Anciens Combattants, on suppose qu’il suffit de bâtir les programmes pour que les gens les utilisent. Or, dans ce cas-ci, il faut aller vers les gens. Je crois qu’il faut opérer un véritable changement de mentalité afin d’améliorer l’exécution des programmes et d’établir une relation de confiance[69]. » Selon M. Thibeau, pour des raisons similaires, les nouveaux programmes mis en œuvre par ACC au cours des dernières années risquent fort d’être sous-utilisés par les vétérans autochtones[70].

L’un des enjeux soulevés lors de la visite du Comité à Yellowknife fut l’identification comme « vétéran ». Parmi la quinzaine de vétérans venus rencontrer les membres du Comité dans les locaux de la Légion royale canadienne, plusieurs ont affirmé avoir longtemps pensé que le terme « vétéran » ne s’appliquait qu’à ceux qui avaient participé à la Deuxième Guerre mondiale et à la guerre de Corée. Les représentants de Service Canada rencontrés à Yellowknife ont également affirmé que des personnes obtenaient des services à leurs bureaux et on découvrait plus tard que ces personnes étaient des vétérans. ACC a entrepris de nombreuses campagnes de sensibilisation afin de faire connaître ses programmes. Toutefois, afin d’obtenir une écoute attentive du personnel d’ACC envers les vétérans autochtones qui pourraient bénéficier des services du ministère, ces personnes doivent d’abord se considérer comme des vétérans. Afin de contourner ce problème, les organismes qui aident les vétérans itinérants, dont VETS Canada, plutôt que de demander si une personne rencontrée est un vétéran, demandent : « Avez-vous porté l’uniforme ? ». Le ministère a déjà fait de nombreux pas en cette direction, mais les membres du Comité souhaiteraient que ces démarches se fassent désormais de manière plus systématique, et recommandent donc :

Recommandation 4

Qu’Anciens Combattants Canada incorpore dans toutes ses communications à large public, et dans tous ses efforts de sensibilisation (outreach) à ses programmes, un message ou une question, comme « Avez-vous déjà porté l’uniforme ? » ou « Avez-vous déjà servi ? » permettant aux vétérans de s’identifier aisément comme vétérans.

Les membres du Comité ont pu rencontrer des représentants du bureau de Service Canada à Yellowknife qui doivent quotidiennement relever les défis liés à l’offre de services en régions éloignées. M. Muepu (Fox) Kabuya, directeur de secteur, a expliqué le rôle de première ligne des cinq centres de services des Territoires du Nord-Ouest (TNO) et comment il s’applique de manière propre aux besoins des vétérans. Par exemple, Service Canada offre ses locaux aux gestionnaires de cas d’ACC qui doivent se déplacer pour aller rencontrer les quelque 90 clients du ministère qui bénéficient des services de gestion de cas dans les territoires. De plus, les vétérans qui s’auto-identifient lors de leur visite à ces centres bénéficient d’une priorité de service, c’est-à-dire qu’ils pourront se faire servir immédiatement par la première personne disponible.

Les préposés de Service Canada ont reçu une formation leur permettant d’aider une personne à remplir certains formulaires de demandes de prestations ou de services avec Anciens Combattants Canada. Ils n’ont cependant pas les compétences nécessaires pour connaître les services ou les prestations auxquels une personne pourrait avoir droit. Selon Mme Cecile Gareau, gestionnaire de services, lorsque la personne recherche de l’information précise sur le contenu des programmes, elle sera référée au numéro 1-800 d’Anciens Combattants Canada.

Finalement, des représentants de Service Canada se rendent régulièrement dans les communautés en annonçant d’avance leur visite afin d’offrir toute une multitude de services par regroupement aux personnes qui seront sur place. Les services d’ACC ne figuraient cependant pas sur la liste de ceux qui étaient habituellement offerts. Afin de favoriser une meilleure conscientisation de Service Canada aux programmes d’ACC et de les faire connaître auprès des communautés isolées, le Comité recommande :

Recommandation 5

Que Service Canada ajoute les services offerts par Anciens Combattants Canada à la liste des services regroupés qu’elle fait connaître lorsque ses délégations se déplacent pour rencontrer les communautés en régions éloignées.

Il n’y a pas de doute que des efforts doivent être faits afin de mieux rejoindre les vétérans qui vivent dans les régions éloignées, dont les Autochtones forment une proportion importante. La difficulté consiste toutefois à identifier le meilleur moyen de parvenir à ce résultat sans calquer les manières de faire et les attitudes qui sont habituelles dans le reste du pays. Les particularités de la vie dans le Nord sont justement recherchées parce qu’elles impliquent un certain isolement de ce qui se fait dans le reste du pays où le rapport aux services publics peut s’établir sur un mode plus individualiste. Cet isolement implique une intégration à la communauté plus forte que ce qui est nécessaire dans le reste du pays. Cet isolement et cette intégration communautaire sont certainement des conditions ayant permis aux personnes qui y vivent de développer cette fameuse « résilience » et cette débrouillardise des communautés du Nord qu’ont évoquées toutes les personnes rencontrées durant le passage du Comité à Yellowknife et Behchoko.

C’est pourquoi toute modification de l’offre de services fédéraux dans le Nord doit se faire avec précaution. Le modèle de Service Canada est basé sur le regroupement des programmes fédéraux d’application générale, c’est-à-dire les programmes qui touchent tous les citoyens (passeports, impôt sur le revenu) ou auxquels est admissible un grand nombre de personnes en raison de caractéristiques démographiques qui s’appliquent de façon mécanique (Régime de pension du Canada, assurance-emploi, soutien financier aux familles, etc.). Le bassin de clients possibles est donc très étendu, et presque tous les Canadiens et toutes les Canadiennes seront directement touchés d’une manière ou d’une autre par l’un de ces programmes. Les programmes qui touchent les vétérans, au contraire, dépendent de circonstances tout à fait particulières qu’il faut identifier afin d’établir l’admissibilité des personnes. Le fait que Service Canada serve de point de services pour des programmes qui touchent toute la population pourrait donc être utilisé afin d’identifier des vétérans dans des communautés où les visites des unités mobiles de Service Canada sont la seule vitrine du gouvernement fédéral.

Ces unités mobiles ne seraient toutefois pas en mesure d’offrir des services personnalisés aux vétérans des communautés éloignées qui en ont besoin. Ces services personnalisés impliquent fréquemment de référer les vétérans à des ressources spécialisées en santé et en réadaptation qui ne peuvent exister que dans des centres urbains. Même s’il y avait un bureau d’ACC dans chaque communauté nordique, cela ne réglerait pas le principal problème lié à l’isolement, qui est celui du transport pour accéder aux ressources spécialisées.

M. Floyd Powder, rencontré lors de la visite du Comité à Yellowknife, a suggéré d’adapter le modèle de guichets uniques mis en place par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (TNO). Grâce à ce modèle, un agent de services travaille déjà au sein de plus d’une vingtaine de communautés des TNO. Cette personne est habituellement issue de la communauté elle-même et connaît la langue autochtone d’usage. Au lieu d’avoir un employé d’ACC posté à Yellowknife qui devrait aller rencontrer les communautés les unes après les autres afin de faire connaître les programmes du ministère durant une journée ou deux  chaque six mois, les agents de services territoriaux pourraient être formés et servir de relais entre les vétérans qui vivent sur place et les programmes d’ACC. En retour, ACC pourrait compenser les TNO pour le temps consacré aux dossiers des vétérans par les agents de services territoriaux. En raison de la souplesse d’un tel modèle, ainsi que de son enracinement dans les communautés, le Comité recommande :

Recommandation 6

Qu’Anciens Combattants Canada entreprenne des démarches auprès des gouvernements des territoires afin que les agents de services territoriaux travaillant au sein des communautés du Nord soient en mesure d’offrir localement un accès direct aux programmes d’Anciens Combattants Canada.

Adapter les programmes aux besoins des Autochtones

Les enjeux liés au contexte culturel particulier des vétérans autochtones prennent évidemment des formes diverses, selon que les vétérans soient Inuits, Métis ou membres d’une Première Nation. La section qui suit passe en revue quelques enjeux propres à chacun de ces groupes auxquels les membres du Comité ont été sensibilisés dans le cadre de la présente étude.

1. Premières Nations

1.1. L’attrait de l’armée américaine

Selon plusieurs Premières Nations, le traité de Jay de 1794, signé par les États-Unis et la Grande-Bretagne pour régler certaines conséquences de l’indépendance américaine, leur confère le droit de circuler librement entre les États-Unis et le Canada. Or, les tribunaux, tant américains que canadiens, ont stipulé que le traité de Jay avait été abrogé par la guerre de 1812. Les tribunaux américains ont toutefois reconnu le droit inhérent des Autochtones de ne pas être gênés par la frontière. Ce droit a été codifié dans la législation américaine en 1952, permettant aux Autochtones du Canada d’entrer librement aux États-Unis[71].

Le même droit n’a pas été codifié dans la législation canadienne, et, selon une interprétation reprise maintes fois par les tribunaux, les membres des Premières Nations qui entrent au Canada par les États-Unis sont soumis aux mêmes exigences que n’importe quel autre particulier[72]. Il n’y a donc pas de réciprocité entre la libre circulation du Canada vers les États-Unis pour les Autochtones et l’absence de reconnaissance d’un tel droit pour les Autochtones qui passent des États-Unis vers le Canada.

En ce qui concerne les vétérans, l’existence de ce déséquilibre dans la libre circulation a fait en sorte que de nombreux Autochtones vivant au Canada ont pu et ont choisi de s’enrôler dans l’armée américaine, alors que l’inverse s’est produit plus rarement. D’ailleurs, plusieurs vétérans rencontrés durant le premier voyage du Comité étaient des vétérans de l’armée américaine, revenus s’installer au Canada. À Millbrook, en Nouvelle-Écosse, les membres du Comité ont rencontré Allan Knockwood, James Stevens et Nolan Martin, tous trois des vétérans de l’armée américaine. Le premier a dit avoir fait ce choix, tout simplement parce que plusieurs autres membres de sa famille l’avaient fait par le passé, alors que les deux autres, qui ont joint les Marines, n’ont pas soulevé de raisons particulières, sinon le généreux bonus à l’enrôlement qui leur avait été offert.

Selon Tim Bernard, directeur du programme Culture et Histoire de la Confederacy of Mainland Mi’kmaq, l’une des motivations importantes à joindre l’armée américaine pour les membres des Premières Nations était le « GI Bill » qui, moyennant le paiement d’une prime, offre une garantie de 36 mois de soutien financier à l’éducation après le service militaire.

Selon Mme Randi Gage, de Unified Veterans of Manitoba, l’un des attraits principaux de l’armée américaine auprès des Autochtones est son aspect plus résolument guerrier :

Quand vous entrez dans l’armée américaine, vous devenez un soldat. Vous devenez un soldat qui prend une arme et tire sur des gens. Vous êtes déployé là-bas et vous foncez. Rappelez-vous que le mouvement allait dans les deux sens […]. Il y avait des gens aux États-Unis qui faisaient tout pour venir ici, et des gens d’ici qui faisaient tout pour aller là-bas.
Ici, nous avons vraiment une mentalité de maintien de la paix, une approche plus conciliante. Là-bas, c’est « Ôtez-vous de mon chemin. Je passe. » Je pense que beaucoup d’entre eux sont allés pour se battre – ceux que je connaissais, parce qu’il y en avait pas mal là où je travaillais –, pour qui c’était l’unique raison. Ils sont allés là-bas dans ce but précis[73].

C’est cette image de force de l’armée américaine qui a poussé Marwood White, un vétéran de l’armée américaine rencontré à la réserve de Six Nations et qui est maintenant membre des forces de police locales.

La situation des membres des Premières Nations qui possèdent la double citoyenneté est donc particulière puisque la responsabilité des services revient au gouvernement du pays pour lequel la personne a combattu. Ainsi, les vétérans autochtones de la guerre du Vietnam qui habitent au Canada doivent contacter le département américain des anciens combattants pour obtenir leurs prestations et leurs services.

Selon M. Bruce Patterson, premier vice-président de la Six Nations Veterans Association, rencontré lors du voyage du Comité, il semble que certaines ententes aient pu se conclure selon lesquelles le gouvernement américain rembourse les services provinciaux ou Anciens Combattants Canada pour des services dispensés au Canada à des vétérans de la guerre du Vietnam. Par exemple, Nolan Martin, un vétéran de Millbrook qui a servi au sein des Marines, a subi une opération au dos découlant d’un problème lié à son service militaire, et le département américain des anciens combattants s’est entendu avec un hôpital d’Halifax pour  procéder à l’opération. Ces ententes semblent toutefois être limitées à des arrangements ad hoc qui sont initiés par le département américain des anciens combattants afin de pouvoir offrir des traitements aux vétérans dont il a la responsabilité.

Selon Mme Savoie, d’ACC, « nous avons des accords de réciprocité avec plusieurs pays, dont les États-Unis, l’Afrique du Sud, l’Australie et le Royaume-Uni. Nous offrons des services aux anciens combattants alliés ou aux Canadiens qui ont servi dans d’autres pays[74]. » Il semble toutefois que ces ententes soient limitées aux vétérans alliés de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée.

Mme Veronica Morin, revenue vivre au Canada après le décès de son mari lors de son service dans l’armée américaine, fut étonnée du peu de soutien qui lui fut offert au Canada : « Je ne m’attendais pas à des services de garde gratuits en Saskatchewan lorsque je suis rentrée chez moi, mais j’espérais avoir accès aux allocations que les militaires canadiens offrent aux veuves et à leurs personnes à charge, alors j’ai essayé de demander une subvention pour les services de garde. Comme mon revenu n’est pas canadien, je n’ai pas eu droit à ce crédit[75]. »

M. Thibeau, d’Aboriginal Veterans Autochtones, a expliqué au Comité que l’un des irritants principaux de cette absence de coordination entre le Canada et les États-Unis touchait les frais de transport :

Il y a quatre ans, le chef Percy Joe de la bande indienne de Shackan, une réserve éloignée près de Merritt, en Colombie-Britannique, m’a dit que les anciens combattants devaient payer de leur poche les frais de transport de leur collectivité jusqu’à la frontière, après quoi ils seraient couverts. À l’époque, j’avais demandé s’il était possible de conclure une entente entre le DVA et ACC pour régler le problème des déplacements, autrement dit si ACC pouvait payer le transport et se faire rembourser par DVA au moyen de pourparlers transfrontaliers[76].

Afin d’assouplir ces irritants administratifs, le Comité recommande :

Recommandation 7

Qu’Anciens Combattants Canada, le ministère de la Défense nationale et le département américain des Anciens combattants recherchent une entente permettant une meilleure coordination des programmes et services pouvant être offerts aux vétérans autochtones ayant servi dans les Forces armées canadiennes et vivant aux États-Unis, et les vétérans autochtones et leur famille ayant servi dans les Forces armées américaines et vivant au Canada, y compris l’accès aux Centres de ressources pour les familles des militaires.

1.2. Le contexte culturel et spirituel

Lors d’études récentes du Comité, il fut fréquemment question de la perte d’identité vécue difficilement par de nombreux vétérans lors de leur transition de la vie militaire à la vie civile. Pour les vétérans autochtones, ce risque d’une perte d’identité se double du risque lié à la perte d’identité au sein de leur communauté lorsqu’ils y retournent après avoir entrepris une carrière au sein des FAC. Wallace Bona a bien exprimé cette tension :

Je savais que mes ancêtres étaient des Autochtones, bien évidemment. J’ai grandi avec le pain bannock et le thé. Je croyais que chaque famille avait grandi avec du pain bannock et du thé. Ma mère me disait : « Si tu n’en veux pas, c’est correct. » Mon père me disait : « Oh, non, il faut avoir cette carte. Cela pourrait t’aider plus tard dans la vie. » J’ai fini par prendre la carte. En parlant à mes amis, je disais : « Regardez ce que j’ai. J’ai une carte d’Indien des traités. » Je ne sais pas; j’ai des réactions mitigées par rapport à cette carte au fil des ans[77].

Selon Aurel Dubé, ce sont les aînés qui possèdent la clé de cette double transition et d’une meilleure adaptation des programmes d’ACC envers les vétérans autochtones :

Je sais qu’on le fait déjà, mais il faut obtenir le point de vue des aînés. Les Autochtones ont beaucoup de respect pour les aînés. Toutes les fois qu’un aîné nous dit que nous devrions faire telle ou telle chose, c’est pour nous matière à réflexion. Si nous prêtons une oreille attentive à nos aînés, ils vont nous guider quant aux moyens à prendre pour aider nos anciens combattants[78].

M. Victor Sanderson a exprimé la même idée, mais l’a élargie à la reconnaissance de l’importance du contexte spirituel et culturel dans son ensemble :

La spiritualité est l’essence de notre vie. Lorsque nous nous effondrons, lorsque tout se déglingue parce qu’on est loin des siens et qu’on se trouve dans un groupe ethnique autre que le sien, par exemple les Blancs, que nous passons beaucoup de temps avec ce groupe étranger, parfois notre âme est mise à mal et nous devons rentrer chez nous.
[…]
Nos cérémonies nous mettent en contact avec nos aînés et le Créateur. Elles sont importantes pour nous. Elles nous aident et elles nous font du bien, mais elles nous apprennent également que la route est longue, que rien ne vient seul[79].

Mme Debbie Eisan, rencontrée lors du passage du Comité à Halifax, est une ex-adjudante-chef ayant servi 26 ans au sein des Forces armées canadiennes. Elle a été choisie par sa communauté pour agir à titre d’aînée. Elle a fait ressortir l’importance d’adapter les programmes et services, en particulier les soins offerts en santé mentale, à leur contexte culturel. Par exemple, sans exclure le recours à la psychothérapie et à l’approche médicale, le fait de permettre à un vétéran des Premières Nations de retourner sur le territoire de sa communauté et de rencontrer les chefs spirituels peut grandement favoriser la guérison.

Mme Eisan a donné l’exemple de la hutte à sudation (sweat lodge) dont le rituel complexe encourage la personne à donner un sens à ses difficultés en les rattachant à son passé individuel, à celui de sa communauté et de sa famille grâce au soutien des chefs spirituels, et en amenant la personne à établir un lien entre cet héritage, les difficultés présentes et les manières d’apprendre de ces expériences afin de rouvrir un avenir qui pouvait lui sembler bloqué.

Depuis quelques années, ACC tente de favoriser une meilleure communication en intégrant à ces groupes consultatifs des représentants des communautés autochtones. Selon Faith McIntyre, d’ACC :

Actuellement, six groupes consultatifs ministériels sont chargés de conseiller et d’orienter le ministre et le ministère sur différents enjeux. Chacun des groupes compte un membre autochtone; on veille ainsi à ce que les groupes prennent en compte les besoins propres aux anciens combattants autochtones du Canada lorsqu’ils abordent des questions comme la communication avec les anciens combattants, la complexité des processus de demande, l’accès aux services et les différences culturelles, pour n’en nommer que quelques-uns[80].

Les membres du Comité ont été heureux d’apprendre qu’ACC avait déjà recours à un réseau de chefs spirituels provenant de diverses communautés autochtones à travers le pays. Le ministère peut se référer à ces personnes-ressources lorsqu’une situation exige une sensibilité culturelle particulière. Toutefois, les Métis ne sont pas représentés au sein des groupes consultatifs ministériels d’ACC[81].

1.3. Les soins de santé dans les réserves

Les budgets des services de santé dans les réserves sont déterminés par le gouvernement fédéral et ne relèvent donc pas des systèmes provinciaux. Or, les programmes de santé d’ACC furent élaborés de manière à bonifier les services assurés par les provinces et territoires, de manière analogue à la fonction remplie par les régimes de soins de santé offerts aux travailleurs qui bénéficient de programmes d’assurance collective. Il y a donc des ententes avec les provinces et territoires pour tous les vétérans qui ne vivent pas sur des réserves, mais il n’y a pas eu d’ententes équivalentes entre ACC et le ministère responsable des services aux Autochtones, qui auraient permis de bonifier les services offerts aux vétérans autochtones dans les réserves. C’est M. Thibeau, d’Aboriginal Veterans Autochtones, qui a soulevé cette question lors de son témoignage :

Dans le cas des Premières Nations, les budgets consacrés aux soins de santé dans les réserves sont limités, et on ne peut s’attendre à ce qu’elles ajoutent des soins pour nos anciens combattants sans une aide directe et positive du gouvernement du Canada, et plus particulièrement d’Anciens Combattants. Je peux aussi dire que les mêmes problèmes se présentent dans les petites collectivités où résident des anciens combattants autochtones […] Autrement dit, la prise en charge des anciens combattants ayant des droits ne devrait pas devenir un fardeau financier pour une collectivité, qui doit alors piger dans l’argent reçu pour la santé de la communauté. Anciens Combattants Canada doit offrir le même soutien qu’aux autres anciens combattants, et assumer les coûts afférents[82].

Philip Ledoux, de l’Association des Premières Nations de Saskatchewan, a expliqué que cette différence de niveaux de service s’ajoutait au fardeau supplémentaire que la plupart des réserves sont éloignées des grands centres :

Le ministère des Anciens Combattants suppose que l’accès aux services dans les réserves est le même que celui dans les centres urbains hors réserve. Ce n’est absolument pas le cas. Lorsqu’il n’existe aucun service dans une réserve, les anciens combattants ont deux choix : ou bien ils s’en privent, ou bien ils absorbent les coûts personnels pour accéder aux services hors réserve. Les anciens combattants des Premières Nations ont besoin d’un processus de traitement précis qui tient compte de la proximité et de l’accès aux services requis[83].

Étant donné les risques d’iniquité qui peuvent découler de l’éloignement des réserves ainsi que de l’absence d’ententes particulières quant à la fourniture des services, le Comité recommande :

Recommandation 8

Qu’Anciens Combattants Canada et Services aux Autochtones Canada s’assurent que les paramètres de financement des services offerts aux vétérans autochtones vivant dans les réserves ne les désavantagent pas en comparaison des autres vétérans.

2. Métis

Contrairement aux vétérans des Premières Nations, les vétérans métis n’ont pas reçu de dédommagement à la suite du traitement dont ils ont affirmé avoir été victimes après la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. Brian Black, de la Nation métisse de l’Ontario, s’est désolé du peu de progrès réalisé dans le dossier des vétérans métis :

L’an dernier, nous avons appris qu’il y aurait une réconciliation pour les anciens combattants métis de la Seconde Guerre mondiale. Je vais vous demander ce qui se passe à ce sujet. Nous avons entendu cette annonce, puis plus rien – silence radio. Nos anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ne rajeunissent pas. Qu’attendons-nous?
Je sais qu’il y a peut-être eu des discussions avec le ministère des Anciens Combattants et le Ralliement national des Métis, mais rien de tout cela n’a été rapporté au conseil provincial des Métis, aux conseils des vétérans ou aux comités. Cette question nécessite un deuxième engagement et une deuxième discussion avec les conseils et les comités provinciaux des vétérans métis et non avec le conseil national, qui ne connaît pas tous les besoins de nos anciens combattants[84].

Selon Jimmy Durocher et Maxime Morin, rencontrés lors du voyage du Comité à Beauval, en Saskatchewan, les vétérans métis ont été les oubliés parmi les oubliés. Ne résidant pas sur les réserves administrées par le ministère des Affaires indiennes, mais étant considérés comme des Autochtones, ils ont subi les mêmes injustices que celles commises envers les autres Autochtones, mais n’ont pas eu droit aux indemnisations[85]. Dans un mémoire déposé par Alex Maurice au Comité, l’Association nationale des anciens combattants autochtones, Section de la Saskatchewan, a adressé au gouvernement du Canada une proposition d’indemnisation similaire à ce que les vétérans des Premières Nations ont obtenu.

Lors de son témoignage, M. David Chartrand, du Ralliement national des Métis, a affirmé avoir bon espoir qu’une entente serait conclue sous peu, offrant aux vétérans métis un dédommagement similaire à ce qui fut offert aux vétérans des Premières Nations[86]. Tout au long de la présente étude, cette demande d’une indemnisation équivalente à celle versée aux vétérans des Premières Nations fut la principale revendication des vétérans métis.

Selon Dave Armitt, de la Métis Nation British Columbia, rencontré lors du passage du Comité à Victoria, la première étape de ce rapprochement serait que le gouvernement fédéral finance une initiative visant à identifier les vétérans métis.

La principale difficulté touchant les revendications des vétérans métis tient au fait qu’une comparaison avec les vétérans des Premières Nations est difficile à établir. Les indemnisations reçues visaient à dédommager l’impossibilité pour les vétérans vivant sur les réserves d’avoir accès à des prêts et à des subventions pour des établissements agricoles. Or, les vétérans métis, ne vivant pas sur des réserves, avaient accès à ces subventions et à ces prêts comme tous les autres vétérans. La difficulté, dans leur cas, tient à l’éloignement de leurs communautés et à la difficulté d’avoir accès à l’information sur les programmes. Selon M. Chartrand, certains vétérans métis n’ont pas eu accès aux subventions et aux prêts offerts par le gouvernement du Canada : « C’était le cas des Métis de l’Alberta et de la Saskatchewan qui voulaient obtenir des concessions de terres pour anciens combattants et qui se sont plutôt fait dire de déménager dans des établissements métis ou des fermes collectives métisses[87]. » Les injustices sont donc plus difficiles à documenter pour les vétérans métis puisqu’ils ne vivaient pas sur les réserves et qu’ils n’étaient donc pas « inscrits », ce qui les aurait rendus plus aisément identifiables. Toujours selon M. Chartrand, les organisations défendant les vétérans métis n’ont pas pu avoir accès aux dossiers qui auraient permis d’établir la preuve qu’il y a eu discrimination systémique envers eux.

Étant donné que les membres du Comité manquent d’information afin de poser un jugement éclairé sur les raisons ayant empêché le gouvernement d’en arriver à une entente avec les vétérans métis, le Comité recommande :

Recommandation 9

Qu’Anciens Combattants Canada dépose au Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes une explication des raisons empêchant la conclusion d’une entente concernant les revendications des vétérans métis de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée, ainsi que leurs familles.

Recommandation 10

Qu'Anciens Combattants Canada continue de collaborer avec les Métis et les organisations métisses pour veiller à ce que les anciens combattants métis et leurs familles aient accès à tous les avantages et règlements auxquels ils ont droit, et ce, dès que possible.

3. Inuits

Étant donné leur isolement, les Inuits ont peu participé aux grands conflits du 20e siècle. On se rappellera toutefois des exploits de  John Shiwak, un sniper de la 1re guerre mondiale mort au combat en 1917, qui s’est joint au Royal Newfoundland Regiment en 1915. Aujourd’hui, les Inuits sont une composante essentielle des Rangers canadiens. Selon le mémoire déposé au Comité par Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), l’éloignement « réduit considérablement l’accessibilité des avantages et des services pour les vétérans en Inuit Nunangat, en comparaison des autres vétérans. » L’absence de services publics spécialisés en santé découle directement de cet éloignement et constitue le principal défi vécu par les vétérans inuits.

Selon un reportage de la CBC cité par ITK, 49 Rangers sont décédés entre 2011 et 2015. Un seul de ces décès serait toutefois attribuable au service. Puisqu’il n’y a pas d’âge de retraite, qu’il n’y a pas de suivi médical et que l’espérance de vie moyenne des populations du Nord est plus basse, le nombre de décès non liés au combat au sein du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens est plus élevé que dans les autres unités des Forces armées canadiennes. Les autres préoccupations exprimées par ITK sont les mêmes que celles qui ont mené aux recommandations de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes dans son rapport sur les Rangers canadiens[88].

Autres sujets

1. Rejoindre la nouvelle génération de vétérans autochtones

ACC ne compile pas de statistiques au sujet du nombre de vétérans autochtones au Canada, ni même du nombre de ses clients qui sont autochtones. Le ministère n’est pas non plus en mesure de savoir combien parmi ses propres employés sont des vétérans autochtones[89]. Il est donc difficile d’avoir un portrait réaliste du degré d’utilisation de ces services par les vétérans autochtones, en comparaison des autres vétérans, ainsi que du niveau de satisfaction par rapport à ces services. Steven Ross, grand chef de l’Association des Premières Nations de Saskatchewan, a confirmé ce manque d’informations : « En ce qui a trait à la qualité des services reçus par les anciens combattants autochtones, il est possible que les services existent et puissent être utilisés par les anciens combattants autochtones, mais nous ne connaissons pas le pourcentage d’anciens combattants qui ont accès à ces services ni les types de services qui sont demandés et reçus[90]. »

Le Comité ne peut donc que se rabattre sur des données anecdotiques. Par exemple, lors des voyages du Comité, il fut frappant de constater le peu de jeunes vétérans ayant participé aux rencontres, et la quasi-absence des jeunes vétérans au sein des associations de vétérans autochtones que le Comité a rencontrées.

Ellwood Froman, par exemple, est un vétéran de la guerre du Vietnam qui est revenu vivre sur la réserve de Six Nations afin de se rapprocher de sa famille. Selon lui, plusieurs des jeunes qui ont quitté la réserve pour s’enrôler dans les forces américaines ou canadiennes voudront retrouver leur famille lorsqu’ils seront plus vieux. Ils participent peu aux cérémonies du Souvenir, et il est difficile d’avoir une bonne idée de la situation de ces vétérans des conflits plus récents, comme le conflit en Afghanistan. Selon Mme Helen Miller, conseillère au Conseil de bande des Six Nations, les activités envers les vétérans sont limitées. Entre 40 et 50 personnes participent aux cérémonies commémoratives du troisième dimanche d’octobre, mais peu de jeunes y participent. Le même constat a été fait à plusieurs reprises au sujet de la nouvelle génération de vétérans qui semblent avoir peu d’intérêt à se joindre aux associations traditionnelles de vétérans.

2. Mieux soutenir la représentation des vétérans autochtones

Tout au long de la présente étude, les membres du Comité ont pu constater une certaine fragmentation dans la représentation des vétérans autochtones au Canada. Durant le voyage du Comité à la réserve de Six Nations, par exemple, les discussions se sont conclues sur le peu de liens entre les associations locales de vétérans autochtones et les associations provinciales ou nationales, et la nécessité d’améliorer ces liens. Le peu de liens entre ACC et les vétérans des Premières Nations vivant sur les réserves est également apparu comme un problème qui pourrait être renversé assez aisément si ACC déployait plus d’efforts pour faire connaître ses programmes auprès de ces communautés.

M. Joe Thorne, représentant pour la Colombie-Britannique d’Aboriginal Veterans Autochtones (AVA), rencontré lors du passage du Comité à Victoria, a dit souhaiter l’unification des associations qui représentent les vétérans autochtones au Canada. D’autres organisations, comme l’Association des Premières Nations de la Saskatchewan, ont demandé le soutien du gouvernement fédéral pour permettre une meilleure consolidation du réseau associatif en soutien aux vétérans autochtones[91].

Plusieurs organisations représentant les vétérans métis ont présenté de telles demandes. Par exemple, selon Mme Tanya Davoren, la Métis Nation British Columbia ne bénéficie d’aucun financement :

Il s’agit d’un comité de 10 personnes composé d’anciens combattants de partout en Colombie-Britannique. Le comité ne se réunit au complet que deux fois par année. Il ne dispose pas de fonds pour des réunions régionales, si bien que ses membres ne peuvent pas communiquer avec les anciens combattants dans les sept régions pour travailler, établir des liens ou des contacts personnels avec eux.
La solution que nous proposons, c’est que Métis Veterans British Colombia reçoive un financement d’Anciens Combattants Canada pour mener à bien son travail qui, comme l’a dit le président Black de Métis Nation Ontario, est un travail de contact personnel avec les anciens combattants et d’effort pour susciter leur engagement[92].

Certaines barrières semblent toutefois freiner cette consolidation des associations représentant les vétérans autochtones. Les membres du Comité, lors de leur passage à Victoria, ont malheureusement pu constater des divergences importantes entre certaines organisations. Mme Davoren, lors de son témoignage, en a révélé d’autres :

La Métis Nation British Colombia est préoccupée par l’apparition de groupes irréguliers d’anciens combattants métis et autochtones qui prétendent représenter tous les anciens combattants autochtones du Canada. La Métis Nation British Colombia n’accorde aucun soutien à Métis Veterans of Canada, ni à l’Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones. La Métis Nation British Colombia et notre comité, Métis Veterans British Colombia, entretiennent une relation, d’ailleurs fructueuse et cordiale, qu’avec Aboriginal Veterans Autochtones, ou AVA[93].

Recommandation 11

Qu’Anciens Combattants Canada entreprenne des démarches afin de réunir les représentants des associations représentant les vétérans autochtones afin de mieux faire connaître ses programmes et de créer des conditions propices au maintien de communications régulières reflétant la diversité de leurs préoccupations.

3. Commémoration

Dans le cadre de la présente étude, un débat a été soulevé quant à la pertinence de commémorer le service des vétérans autochtones la même journée que les autres vétérans, c’est-à-dire le 11 novembre, ou de reconnaître officiellement le 8 novembre comme étant la Journée nationale des vétérans autochtones, comme l’ont fait la Ville de Winnipeg et le gouvernement du Manitoba. Selon Randi Gage, l’objectif n’est pas de faire de la concurrence au jour du Souvenir :

Les gens disaient que ce serait une bonne occasion de sortir leur uniforme des boules à mites pour le faire nettoyer, de polir tout ce qui doit être poli et de se remettre à marcher dans la bonne direction pour souligner des souvenirs importants. Cette journée leur donnerait l’occasion de passer du temps précieux dans leur communauté, d’y remémorer des faits historiques, de parler à leurs enfants et à leurs petits-enfants de ce qu’ils ont vécu. Ils se sont dit qu’ils auraient ainsi le temps de bien se préparer pour les célébrations du 11 novembre[94].

Pour Brian Black, de la Nation métisse de l’Ontario, la date séparée conserve un élément de revendication : « Les Autochtones se sont enrôlés, et d’un seul coup, ils avaient un bon emploi et trois repas par jour. On les traitait comme tous les autres soldats; ils apportaient leur contribution, et tout le monde collaborait, sans faire de distinctions. Les distinctions ont apparu quand ils sont rentrés au pays. Voilà pourquoi nous tenons à célébrer les deux journées[95]. » Les organisations représentant les Métis ont par ailleurs demandé d’être mieux représentées lors des cérémonies du Souvenir et dans les différents musées financés par le gouvernement du Canada, par exemple celui se trouvant à Juno Beach, en Normandie.

L’autre demande, formulée par certains témoins et par des vétérans autochtones rencontrés lors du premier voyage du Comité, concerne le manque de fonds disponibles pour ériger des monuments dans les communautés. Selon plusieurs témoins, les communautés, dont les membres vivent parfois dans des conditions économiques difficiles, doivent recueillir des fonds par elles-mêmes afin d’ériger des monuments à la mémoire des vétérans qui ont servi le Canada. À cet égard, le Comité recommande :

Recommandation 12

Qu’Anciens Combattants Canada revoie les critères d’admissibilité de ses programmes de soutien financier à l’érection de monuments commémoratifs afin de pouvoir mieux aider les communautés vivant en régions éloignées qui souhaitent honorer la mémoire de leurs vétérans.

Conclusion

Durant les grands conflits du XXe siècle, les Autochtones se sont enrôlés volontairement dans une proportion plus importante que celle des autres Canadiens et Canadiennes. Cet enthousiasme est bien documenté pour les membres des Premières Nations et témoignait d’une volonté claire de s’affirmer comme citoyens et citoyennes du Canada à part entière. Leur intégration parfois difficile au sein des forces armées n’en fut pas moins perçue comme une ouverture sincère à reconnaître de part et d’autre cette égalité de statut. Pour certains leaders autochtones voulant insister sur le maintien d’une relation de nation à nation, le soutien indéfectible de leur communauté à l’effort de guerre canadien manifestait sans équivoque leur engagement en tant qu’alliés de la Couronne. Dans le cas des Métis, les données fragmentaires suggèrent un enthousiasme similaire, alors que pour les Inuits, les données sont à peu près inexistantes.

Le traitement différentiel qu’ont subi les vétérans autochtones une fois la paix revenue leur a toutefois fait remettre en question la sincérité de cette ouverture du Canada à leur pleine participation sociale et politique. Il aura fallu attendre le début des années 2000 pour que soient reconnues et dédommagées les injustices subies par les vétérans des Premières Nations lors de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Un dédommagement comparable n’a pas été offert par le gouvernement du Canada aux vétérans Métis, malgré leurs demandes répétées. Les raisons de cette distinction demeurent nébuleuses et c’est pourquoi les membres du Comité ont demandé au gouvernement du Canada d’en expliquer clairement les motifs.

Il y a aujourd’hui environ 2 300 militaires de la Force régulière et de la Première réserve qui se sont identifiés comme autochtones, soit 2,5 % des effectifs totaux. L’objectif des FAC est de faire grimper ce pourcentage à 3,5 %, afin de représenter plus équitablement la proportion d’Autochtones au sein de la population canadienne. Plusieurs programmes de recrutement ont été développés et connaissent beaucoup de succès auprès des jeunes. Du côté d’Anciens Combattants Canada, on ne connaît pas la proportion de ses clients qui sont Autochtones.

Au sein des autres forces de réserve, les Autochtones occupent une place importante parmi les 5 000 Rangers canadiens. Le rôle des Rangers dans la protection de la souveraineté du Canada dans le Nord fut pour les membres du Comité l’une des plus importantes révélations de cette étude. Les circonstances absolument uniques de leur service militaire en font un groupe à part et la plupart des critères qui définissent la transition entre ce service militaire et la vie civile pour les vétérans s’appliquent difficilement aux Rangers.

Lors de leur passage à Behchoko, dans les Territoires du Nord-Ouest, les membres du Comité ont également pu constater que les Rangers canadiens ignoraient à peu près tout des programmes d’ACC, et ne se considéraient pas comme des vétérans lorsqu’ils quittaient la force, confirmant ainsi les constats de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes. C’est pourquoi le Comité recommande qu’ACC déploie des efforts beaucoup plus soutenus afin de faire connaître ses programmes auprès des Rangers, et que des initiatives similaires soient mises en œuvre pour rejoindre tous les vétérans vivant en régions éloignées, dont beaucoup sont des Autochtones.

Ces efforts de sensibilisation doivent évidemment être adaptés aux contextes culturels des Autochtones. Par exemple, dans le cas des vétérans des Premières Nations, ACC devra tenir compte du fait que, en raison du droit de circulation dont bénéficient les Premières Nations du Canada vers les États-Unis, beaucoup d’entre eux ont servi au sein de l’armée américaine avant de revenir auprès de leur communauté. Dans le cas des soins de santé mentale, ACC doit également tenir compte du rôle de soutien joué par les membres de la communauté, en particulier les chefs spirituels, dans le processus de transition et de rétablissement. L’intégration de représentants des Premières Nations au sein des groupes consultatifs est une avancée constructive à cet égard.

Pour les vétérans Métis, la prise en compte des dimensions culturelles semble plus difficile à mettre en œuvre, étant donné que la confirmation officielle de leur statut autochtone est plus récente et n’est pas traditionnellement liée aussi directement au regroupement des Métis sur des territoires désignés, comme ce fut le cas avec les réserves indiennes. C’est pourquoi dans leur cas, le premier pas consiste à bien documenter la dimension historique de leur participation aux guerres mondiales et à la guerre de Corée. Cela permettra, le cas échéant, de corriger les injustices du passé et de passer, dans un second temps, à la clarification des paramètres en vertu desquels s’établiront de nouvelles bases de collaboration, et qui pourront guider les interventions d’ACC auprès des vétérans de ces communautés.

Finalement, ACC doit faire plus d’efforts afin de rejoindre les générations plus jeunes de vétérans autochtones. Ces efforts doivent d’abord passer par un échange plus soutenu entre ACC et les organisations représentant les vétérans autochtones, ce qui implique également de faciliter les échanges entre ces organisations elles-mêmes. L’une des avenues à envisager serait de mieux soutenir financièrement les initiatives visant la commémoration dans les communautés autochtones. La mémoire des sacrifices du passé exerce une force rassembleuse irremplaçable. C’est par elle que peuvent s’ouvrir les voies d’un apaisement des désaccords, d’une reconnaissance mutuelle sincère des injustices et d’un engagement à les corriger. C’est par cette mémoire également, par la solidarité des douleurs passées, que peuvent s’établir les fondations d’une amitié profonde qui fera que tous et toutes pourront se tourner vers l’avenir et être prêts à lutter côte à côte si, un jour, les bienheureuses délices de la paix en venaient à se faire plus incertaines. La confiance que l’égalité dans le combat sera suivie d’une reconnaissance égale dans la concorde sera un signe de plus que la réconciliation entre les Autochtones et les autres Canadiens et Canadiennes s’est véritablement accomplie.


[1]              Voir le Rapport de voyage à l’annexe 1. La délégation était formée du président du Comité, M. Neil Ellis, ainsi que de M. Robert Kitchen, M. Bob Bratina, M. Scott Duvall, M. Colin Fraser, M. Darrell Samson et Mme Cathay Wagantall.

[2]              La délégation était formée du président du Comité, M. Neil Ellis, du second vice-président, M. Gord Johns, ainsi que de M. Bob Bratina,  M. Shaun Chen,  M. Doug Eyolfson,  M. Robert Kitchen et Mme Cathay Wagantall.

[4]              M. Robert Thibeau (président, Aboriginal Veterans Autochtones), Témoignages, ACVA, 22 mai 2018, 1105.

[5]              Document officiel du gouvernement du Canada, cité dans P. Whitney Lackenbauer et al., Les Autochtones et l’expérience militaire canadienne : une histoire, Ministère de la Défense nationale, 2010, p. 119.

[6]              Ibid., p. 123.

[7]              Ibid., p. 128.

[8]              Ibid., p. 130.

[9]              Ibid., p. 139, tableau 1.

[11]           P. Whitney Lackenbauer et al. (2010), p. 141.

[12]           Ibid., p. 143.

[13]           Ibid., p. 137.

[14]           Ibid., p. 146.

[17]           R. Scott Sheffield, A Search for Equity. A Study of the Treatment Accorded to First Nations Veterans and Dependents of the Second World War and the Korean Conflict, National Round Table on First Nations Veterans’ Issues, avril 2001 [disponible en anglais seulement].

[21]           R. Scott Sheffield, A Search for Equity, p. 43 à 49 [disponible en anglais seulement].

[22]           M. Steven Ross (grand chef, Association des Premières Nations de Saskatchewan), Témoignages, ACVA, 8 mai 2018, 1210 et Témoignages, ACVA, 8 mai 2018, 1215.

[25]           Sénat, Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, Témoignages, 5 décembre 2001, p. 3:10 (M. Perry Bellegarde, chef, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan et vice-chef de l’Assemblée des Premières Nations).

[26]           Sénat, Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, Témoignages, 5 décembre 2001, p. 3:24 (Mme Paulette Tremblay, agente de liaison nationale pour les chefs de la Saskatchewan, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan).

[27]           Sénat, Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, Témoignages, 5 décembre 2001, p. 3:13 (M. Howard Anderson, président de la table ronde des anciens combattants des Premières Nations et grand chef des anciens combattants des Premières Nations).

[28]           Anciens Combattants Canada, Rapport sur le rendement 2003-2004, p. 22.

[29]           Il n’a malheureusement pas été possible pour le Comité d’étudier la place des Autochtones au sein de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Selon le site Web de la GRC, sur les quelque 30 000 employés de la force, environ 2 000 se sont identifiés comme Autochtones, soit 6,7 %.

[32]           Cette estimation est inférieure à celui présenté par les Forces armées canadiennes lors de la visite du Comité à Yellowknife. Ce dernier ne tenait compte que du nombre d’Autochtones au sein du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens. Ce groupe de 1 500 Rangers est responsable des trois territoires, et il est donc raisonnable de croire que la proportion d’Autochtones y est supérieure à ce qu’elle est dans les Groupes de patrouilles qui sont chargés des régions éloignées dans les provinces.

[36]           M. Wally Sinclair (membre du conseil d'administration, Association nationale des centres d'amitié), Témoignages, ACVA, 27 septembre 2018, 1620.

[40]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1540.

[41]           La C19 a été spécialement conçue pour les RC. Elle est une adaptation du Tikka T3 de la compagnie finlandaise SAKO et est fabriquée sous licence par Colt Canada.

[43]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1540.

[44]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1545.

[45]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1545.

[46]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1630.

[47]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1540.

[48]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1540.

[49]           « CD » signifie « Décoration des Forces canadiennes ». Elle est accordée après 12 ans de service. Après chaque décennie supplémentaire, un chiffre est ajouté (CD1 pour 22 ans, etc.).

[51]           Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, Rangers canadiens : une enquête systémique des facteurs qui ont une incidence sur les droits aux soins de santé et aux prestations connexes des Rangers, rapport au ministre de la Défense nationale, septembre 2017, p. 13.

[53]           M. Gary Walbourne (ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes), Témoignages, ACVA, 16 octobre 2018, 1600.

[55]           Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, Rangers canadiens : une enquête systémique des facteurs qui ont une incidence sur les droits aux soins de santé et aux prestations connexes des Rangers, rapport au ministre de la Défense nationale, septembre 2017, p. 17.

[56]           L’honorable Harjit S. Sajjan, ministre de la Défense nationale, « Réponse du ministre » (31 octobre 2017), incluse comme l’annexe F du rapport de l’Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, Rangers canadiens : une enquête systémique des facteurs qui ont une incidence sur les droits aux soins de santé et aux prestations connexes des Rangers, rapport au ministre de la Défense nationale, septembre 2017, p. 31.

[58]           M. Robert Thibeau (président, Aboriginal Veterans Autochtones), Témoignages, ACVA, 22 mai 2018, 1150.

[63]           M. Robert Thibeau (président, Aboriginal Veterans Autochtones), Témoignages, ACVA, 22 mai 2018, 1135.

[67]           M. Aurel Dubé (à titre personnel), Témoignages, ACVA, 24 mai 2018, 1245.

[70]           M. Robert Thibeau (président, Aboriginal Veterans Autochtones), Témoignages, ACVA, 22 mai 2018, 1110.

[71]           United States Code, 2011 Edition, Title 8 – Aliens and Nationality, Chapter 12 – Immigration and Nationality, Subchapter II – Immigration, Part IX – Miscellaneous, Sec. 1359 – Application to American Indians born in Canada :

Nothing in this subchapter shall be construed to affect the right of American Indians born in Canada to pass the borders of the United States, but such right shall extend only to persons who possess at least 50 per centum of blood of the American Indian race.

(June 27, 1952, c. 477, Title II, c. 9, §289, 66 Stat. 234)

[72]           Voir Francis v. The Queen, [1956] SCR 618 [disponible en anglais seulement]. Voir également le rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, Questions relatives au passage des frontières et le Traité de Jay, juin 2016.

[73]           Mme Randi Gage (présidente, Unified Veterans of Manitoba), Témoignages, ACVA, 14 juin 2018, 1155.

[75]           Mme Veronica Morin (à titre personnel), Témoignages, ACVA, 5 juin 2018, 1215.

[76]           M. Robert Thibeau (président, Aboriginal Veterans Autochtones), Témoignages, ACVA, 22 mai 2018, 1115. Voir aussi Mme Veronica Morin (à titre personnel), Témoignages, ACVA, 5 juin 2018, 1245.

[77]           M. Wallace J. Bona (président, Aboriginal Veterans Society of Alberta), Témoignages, ACVA, 5 juin 2018, 1120.

[78]           M. Aurel Dubé (à titre personnel), Témoignages, ACVA, 24 mai 2018, 1245.

[79]           M. Victor Sanderson (à titre personnel), Témoignages, ACVA, 14 juin 2018, 1250.

[82]           M. Robert Thibeau (président, Aboriginal Veterans Autochtones), Témoignages, ACVA, 22 mai 2018, 1110.

[84]           M. Brian Black (président et vice-président, Nation métisse de l’Ontario), Témoignages, ACVA, 14 juin 2018, 1115.

[85]           Voir aussi M. Danny Lafontaine (agent des relations publiques, Association des Vétérans Autochtones du Québec), Témoignages, ACVA, 8 mai 2018, 1125.

[86]           M. David Chartrand (ministre des Anciens Combattants, Ralliement national des Métis), Témoignages, ACVA, 8 mai 20 septembre 2018, 1535.

[87]           M. David Chartrand (ministre des Anciens Combattants, Ralliement national des Métis), Témoignages, ACVA, 8 mai 20 septembre 2018, 1545.

[88]           Les constats et recommandations de l’ombudsman sont présentés à la section 2 du rapport.

[90]           M. Steven Ross (grand chef, Association des Premières Nations de Saskatchewan), Témoignages, ACVA, 8 mai 2018, 1210 et Témoignages, ACVA, 8 mai 2018, 1215.

[92]           Mme Tanya Davoren (directrice de la santé et du sport, directrice des vétérans, Métis Nation British Columbia), Témoignages, ACVA, 14 juin 2018, 1220.

[94]           Mme Randi Gage (présidente, Unified Veterans of Manitoba), Témoignages, ACVA, 14 juin 2018, 1125.

[95]           M. Brian Black (président et vice-président, Nation métisse de l’Ontario), Témoignages, ACVA, 14 juin 2018, 1130.