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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 034 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 juin 2014

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Avant de présenter les témoins et d'enchaîner avec les travaux d'aujourd'hui, j'aurais quelques questions à poser au comité.
    Mardi prochain, nous allons examiner ce projet de loi article par article. Jeudi prochain, nous allons nous occuper du sommaire concernant les terres rares. Mme Moore a proposé que nous soyons prêts à discuter du rapport sur les terres rares, au cas où on finirait l'examen article par article plus tôt que prévu.
    Est-ce que cela convient à tous?
     Des voix: D'accord.
    Le président: Ensuite, il me restait à vous demander...
    Premièrement, au cas où l'étude article par article prendrait plus de deux heures, convient-on de prendre le temps qu'il faut pour terminer l'examen du projet de loi C-22?
    Est-ce que tout le monde en convient?
    Des voix: D'accord.
    Ça va, s'il n'y a pas de vote ou d'interruption.
    Oui. Eh bien, on ne peut jamais prévoir les votes.
    D'accord. C'est ce que nous ferons.
    Finalement, il y a l'étude sur le propane. Nous devrions établir une date limite pour la présentation des listes de témoins. Cette étude aurait lieu le mardi 17 juin.
    Pourrions-nous rapidement fixer une date pour la présentation des listes de témoins pour l'étude sur le propane prévue pour le mardi 17 juin?
    Je propose mercredi prochain, à 17 heures.
    Tout le monde en convient-il?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Merci beaucoup.
    C'est ce que nous ferons.
    Vous avez dit le mercredi 5?

[Français]

    Mercredi prochain, à 17 heures.

[Traduction]

    Je suis désolée, la traduction n'était pas bonne. Vous venez de me dire « le mercredi 5 », et je me disais, « mais on est déjà le 5 ».
    C'est parfait.
    Merci.
    Nous allons maintenant commencer les travaux à l'ordre du jour.
    Je voudrais commencer par remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Labonté, c'est la deuxième réunion de suite, et nous serons heureux d'entendre votre exposé et les réponses à nos questions.
    Nous poursuivons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-22, Loi concernant les opérations pétrolières au Canada, édictant la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, abrogeant la Loi sur la responsabilité nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence.
    Durant les 45 premières minutes de notre réunion de ce matin, nous entendrons des témoins du ministère des Ressources naturelles. Nous accueillons d'abord M. Jeff Labonté, directeur général, Direction de la sûreté énergétique et sécurité, Secteur de l'énergie. Encore une fois, merci.
    Nous souhaitons également la bienvenue à M. Dave McCauley, directeur, Division de l'uranium et des déchets radioactifs, Direction des ressources en électricité, Secteur de l'énergie.
    Enfin, il y a Mme Joanne Kellerman, avocate générale et directrice exécutive, Services juridiques. Merci de votre présence aujourd'hui.
    Nous allons d'abord entendre votre exposé. Ensuite, nous passerons aux questions et aux observations. J'espère que notre réunion sera aussi fructueuse que la dernière.
    La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. C'est avec plaisir que je traite ce matin la deuxième partie du projet de loi C-22, laquelle porte sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire.

[Français]

    Ce matin, c'est avec plaisir que je vous présenterai notre contexte en ce qui concerne la deuxième partie de ce projet de loi.

[Traduction]

    On a fait circuler notre document. J'espère que tout le monde en a une copie. Comme les dernières fois, nous allons essayer de parcourir la présentation assez rapidement, pour ensuite répondre à vos questions. Nous allons faire de notre mieux pour y répondre.
    Aujourd'hui, nous allons faire le point sur les composants nucléaires de la Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique. Essentiellement, la loi vise à modifier le régime nucléaire pour assurer une plus grande certitude juridique et améliorer les procédures de responsabilité et d'indemnisation, les protocoles et les aspects relatifs au cas improbable d'un accident nucléaire au Canada.
    En guise de contexte, la loi va remplacer le régime actuel de responsabilité nucléaire, qui est fondé sur la Loi sur la responsabilité nucléaire de 1976. Notre conseillère juridique m'a rappelé que cette loi a été déposée au Parlement en 1970, mais qu'elle n'est entrée en vigueur qu'en 1976.
    Cette loi prévoyait que la responsabilité, en cas d'incident nucléaire, était limitée à 75 millions de dollars. Il n'est pas exagéré de dire que certains des aspects de cette loi sont désuets, et nous espérons qu'ils seront actualisés. Cette loi n'est pas au diapason des normes internationales ni des conventions internationales qui portent sur la gestion transfrontalière des incidents nucléaires éventuels. Il s'agit là, pour nous, des points centraux du projet de loi.
    Je pense que la plupart des membres du comité le savent déjà, mais je vais le dire aux fins du compte rendu. Le projet de loi a déjà été déposé au Parlement à quatre reprises, mais il n'a jamais franchi l'étape du vote et de la sanction royale. Je suis d'avis que c'est un projet de loi important. Nous espérons le faire avancer et, à cette fin, nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Le projet de loi porte essentiellement sur trois éléments principaux: renforcer le régime d'indemnisation et le rendre conforme à celui de nos pairs internationaux; préciser les définitions liées à l'indemnisation, les circonstances qui y donneraient lieu et les modalités de calcul; permettre au Canada de signer et de ratifier la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Cette convention permet aux divers pays de collaborer en cas d'incidents transfrontaliers et de partager des ressources si un incident devait se produire dans l'un des pays signataires de la convention.
    De plus, le projet de loi — comme pour le volet extracôtier — contient des éléments qui correspondent au rapport d'automne 2012 du commissaire à l'environnement et au développement durable. Le commissaire, dans ce rapport, s'est penché sur les limites de responsabilité de tous les régimes de production énergétique et des domaines liés au secteur des ressources naturelles au Canada.
(0850)

[Français]

    Je vais maintenant parler de ce qui se retrouve à la quatrième page de notre présentation.
     Le secteur nucléaire est important pour l'économie du Canada. Quelque 30 000 emplois y sont directement liés, dont 5 000 dans le secteur de l'uranium et de l'aluminium, et 25 000 dans les services et la production de l'énergie issue de l'uranium. Au total, cela génère des revenus annuels de 6 milliards de dollars au Canada. C'est un aspect important de notre contexte économique ainsi que du développement.

[Traduction]

    À la page 5, je vais passer en revue quelques éléments clés de la loi. Je suis certain que vous allez les approfondir, mais je voudrais souligner les aspects du projet de loi qui portent sur la responsabilité et l'obligation de rendre des comptes.
    D'abord, la loi maintient la responsabilité exclusive et absolue des exploitants. Comme pour le volet extracôtier du projet de loi, si un incident devait se produire — et nous croyons qu'un tel incident est très improbable —, l'exploitant serait absolument responsable. Ce ne serait pas nécessaire de prouver qu'il a été fautif ou négligent.
    Le projet de loi propose de faire passer la responsabilité absolue à 1 milliard de dollars, en plusieurs étapes, sur une période de trois ans. Il exige des exploitants qu'ils aient une assurance ou une garantie financière proportionnelles qui leur permettraient d'assumer une responsabilité absolue de 1 milliard de dollars. Le projet de loi prévoit également que l'État offrira une couverture en l'absence d'assurance. Dans ce secteur de l'économie, il y a plusieurs cas où cela pourrait se produire. On peut penser aux petits réacteurs ou aux réacteurs destinés à la recherche. Cela s'applique aussi aux cas où les assureurs ne sont pas disposés à offrir une couverture sur 30 ans pour certains dommages.
    La loi prévoit également un examen obligatoire des montants de responsabilité tous les cinq ans pour que le Parlement ait la possibilité d'augmenter les montants de responsabilité et d'indemnisation, qui sont au coeur de cette loi.
    La seconde partie du projet de loi a trait à l'amélioration de la capacité d'intervention. Ainsi, le projet de loi élargit la définition des catégories de dommages indemnisables, prolonge les délais de présentation d'une demande d'indemnisation pour préjudice corporel de 10 à 30 ans, permet de compenser les coûts des mesures correctives en cas de dommages environnementaux et établit les pouvoirs nécessaires pour la création d'un processus simplifié de gestion des réclamations, le cas échéant.
    Le projet de loi permet également au Canada d'améliorer sa transparence et de se joindre à la communauté internationale en ratifiant la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Une fois en vigueur, cette convention précisera les modalités de responsabilité en cas d'incidents transfrontaliers. On précise comment ces questions seront traitées. Cette convention donne accès à une indemnité supplémentaire si le Canada devait en avoir besoin et prévoit que le Canada contribuera à cette indemnité supplémentaire si un autre pays membre devait en avoir besoin également.
    Quelles sont les prochaines étapes? Ce projet de loi a été présenté le 30 janvier. Après la sanction royale et l'entrée en vigueur, un certain nombre de règlements doivent être pris, conformément à la partie 2. Nous prévoyons le faire dans les prochains mois. Au cours des 12 à 18 prochains mois, nous aurons à établir des règlements, d'une part, pour l'élaboration d'une police d'assurance et, d'autre part, pour la désignation d'installations nucléaires.
    Une fois la loi en vigueur, le Canada terminera le processus en vue de la ratification officielle de la convention. Nous l'avons signée, mais elle n'est pas officiellement ratifiée avant qu'une police d'assurance soit inscrite dans les lois nationales et que plusieurs règlements soient en place. On pourra, dès lors, ratifier la convention et en devenir membre officiellement. Il faut donc franchir plusieurs étapes avant d'en arriver là. Enfin, dans l'annexe, on recense les lois qui seront modifiées, directement ou indirectement, par ce processus.
    Merci, monsieur le président.
(0855)
    Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Labonté.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés. Ils auront sept minutes, et nous allons commencer par Mme Crockatt.
    La parole est à vous pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour. C'est un plaisir de vous revoir, quoiqu'on ait l'impression que c'était il y a à peine quelques heures.
    Nous étudions le volet nucléaire du projet de loi. Merci de votre exposé ce matin. Je me demande si vous pourriez nous faire un survol des grands objectifs stratégiques du projet de loi et des raisons pour lesquelles on fait passer la responsabilité de l'exploitant à 1 milliard de dollars.
    En gros, c'est à cause de l'âge de la loi actuelle qui prévoyait une limite de 75 millions de dollars. Le projet de loi vise à augmenter cette limite afin de la rendre conforme à ce qui est attendu d'un régime nucléaire, pour amener les exploitants de ces installations nucléaires partout au pays à répondre de leurs actes, tout en rappelant que ces installations sont appuyées par des compagnies d'assurance et qu'il faut atteindre un juste équilibre entre un montant de responsabilité raisonnable et un montant qui est viable sur le plan économique, c'est-à-dire qui permet d'assumer les frais de fonctionnement et d'assurance.
    Plus généralement, les pays qui, comme le Canada, ont des installations nucléaires à des fins de production d'énergie ont adopté des seuils de responsabilité différents. Ces limites varient de 100 millions de dollars en Norvège et en France, à 500 millions de dollars aux Pays-Bas, et jusqu'à 1,2 milliard de dollars en Suisse. Ainsi, une limite de responsabilité absolue de 1 milliard de dollars placerait le Canada carrément au niveau d'autres pays chefs de file. Chose certaine, nous estimons que ce montant est approprié, étant donné le contexte particulier de notre pays.
    Le public est-il au courant de ces limites de responsabilité? Cette limite a-t-elle été établie afin de donner au public l'assurance que le secteur est bien encadré, ou est-ce pour rassurer le gouvernement, ou encore les deux?
    Je dirais que c'est les deux. Je pense que les Canadiens estiment que toutes les entreprises poursuivant des activités risquées devraient être préparées à affronter tout incident et accident, que ce soit par la conception et l'exploitation de leurs activités, par leurs plans d'intervention en cas d'urgence, par leur niveau de préparation en cas d'incident ou par leurs activités de prévention.
    Du point de vue du gouvernement, il faut avoir la certitude que les exploitants de ces installations ont les ressources financières nécessaires pour réagir à de tels incidents. Par ailleurs, les exploitants doivent être soumis à un système de réglementation qui les oblige à préparer des plans, à les mettre en oeuvre et à démontrer, à la satisfaction d'un organisme de réglementation qui est indépendant du gouvernement, qu'ils sont bien préparés et qu'ils ont tout fait pour atténuer et éviter les problèmes. La plupart des Canadiens ne connaissent pas les montants en cause, mais je pense qu'ils ont néanmoins des attentes claires. Ils s'attendent à ce que les installations soient prêtes, qu'elles fassent tout en leur pouvoir pour éviter les accidents et qu'elles soient prêtes à intervenir, le cas échéant.
    Vous avez dit que le projet de loi a déjà été déposé quatre fois avant cette version. Avez-vous calculé le nombre d'heures de débats que cela représente?
    Je me réserve le droit de ne pas répondre.
    Parce que vous avez mieux à faire?
    Je pense que le projet de loi a été étudié en comité à deux reprises. C'est peut-être une bonne chose, car il aura ainsi fait l'objet de vastes consultations, discussions et débats, donnant lieu à beaucoup d'observations.
    Chaque fois, le projet de loi a été amélioré, et on y trouve des changements qui n'existaient pas dans la mouture précédente. Je peux passer en revue ces changements, si vous le voulez, mais disons que ce n'est pas la première fois qu'on le met sur le métier.
    Puisque vous le proposez, expliquez-nous quelle modification se trouve dans cette mouture du projet de loi. D'abord, s'agit-il d'un meilleur projet de loi?
(0900)
    Du point de vue stratégique, je crois que le ministère confirmerait que le projet de loi est bel et bien plus musclé. Par exemple, la version précédente du projet de loi limitait la responsabilité à 650 millions de dollars, alors que ce chiffre est maintenant porté à 1 milliard de dollars, ce qui n'est pas rien. Le projet de loi met en oeuvre ce nouveau seuil de façon progressive, en réponse à certaines préoccupations des parties prenantes qui estimaient qu'elles avaient besoin davantage de temps pour obtenir cette assurance, et pour mettre en place les éléments financiers nécessaires. Nous passons donc de 75 millions de dollars à 1 milliard de dollars sur un horizon de trois ans, en commençant par 650 millions de dollars, pour ensuite passer à 750 millions de dollars l'année suivante, puis à 850 millions de dollars l'année d'après et, enfin, à 1 milliard de dollars.
    Le projet de loi  C-22 définit plus clairement ce qu'est un traumatisme psychologique, c'est-à-dire l'un des préjudices indemnisables en vertu du projet de loi, et précise comment cela pourrait se présenter au fil du temps et comment c'est lié à un préjudice corporel. Tout cela était moins clair dans les versions précédentes du projet de loi. Donc, plus les fonctionnaires ont eu le temps d'étudier le projet de loi, plus ils ont pu l'améliorer et le raffiner afin qu'il soit beaucoup plus clair. Vous êtes parlementaires, et je sais que vous essayez d'en faire autant, mais vous avez des contraintes de temps.
    Le projet de loi  C-22 précise également que les coûts liés à l'intervention en cas d'incident ne sont pas compensés par l'exploitant. Par exemple, si l'on appelle les services de pompiers, de police, etc., en cas d'incident, les coûts de ces services ne sont pas remboursés à la municipalité ou à la province en cause. Ils sont plutôt couverts par les services d'urgence de la localité.
    Chaque fois qu'on alourdit le fardeau du secteur industriel, on se demande quelle sera l'incidence sur le consommateur. Pourriez-vous donc nous indiquer l'incidence de ces nouvelles mesures sur le consommateur? Doit-on s'attendre à des augmentations des tarifs d'assurance ou d'électricité?
    Nous nous attendons à ce que cette nouvelle limite de responsabilité de 1 milliard de dollars ait une incidence sur les primes d'assurance pour les exploitants. Il n'y a que trois exploitants d'installations nucléaires qui chercheront à se faire assurer au Canada; donc, leur nombre est très petit, tout comme le nombre d'assureurs potentiels, lesquels doivent être approuvés. En vertu du projet de loi, le ministre des Ressources naturelles doit approuver une police d'assurance afin de s'assurer qu'elle répond aux besoins de la loi.
    Il y aura donc une augmentation des primes. Elles devraient être de cinq à huit fois plus élevées. En Ontario, où l'on trouve le plus grand nombre de réacteurs, cela se traduira par une augmentation de 2 $ par année pour le consommateur moyen.
    Cela ne représente pas de cinq à huit fois le prix de l'électricité. Mais la prime serait de cinq à huit fois plus élevée.
    La prime d'assurance serait de cinq à huit fois plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui.
    Et cela représente 2 $ par année?
    Ça fait 2 $ par année par ménage, en fonction de la consommation moyenne. Nous n'avons pas les détails pour chaque ménage, mais il s'agit d'une modélisation qui tient compte de la moyenne au fil du temps.
    Merci.
    Merci, madame Crockatt.
    Nous passons maintenant à l'opposition officielle. Madame Moore, vous avez un maximum de sept minutes.
    Allez-y je vous prie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Labonté, comme vous le savez, les catastrophes comme celles de Fukushima, de Three Mile Island et de Tchernobyl surviennent à l'occasion, même si ce sont des événements très inattendus et malheureux. C'est un fait indéniable. Dans de pareilles situations, l'environnement et la santé publique sont en jeu. En gros, les conséquences sont énormes. Les contribuables peuvent être aux prises avec ces conséquences pendant des décennies. Jusqu'à présent, au Canada, nous avons été très chanceux.
    J'aimerais savoir quel est le pire scénario que vous avez imaginé et qui pourrait arriver au Canada. Quel serait le coût potentiel d'un tel accident dans le pire des cas? Connaissez-vous les coûts des trois plus grandes catastrophes mondiales, soit à Fukushima, à Three Mile Island et à Tchernobyl? Pourriez-vous également nous fournir des informations indiquant s'il y a eu des accidents ou des quasi-accidents, c'est-à-dire si une catastrophe est venue près de se produire au Canada?
(0905)
    Je vous remercie de votre question.
    Je crois qu'il y a quelques sous-questions dans votre commentaire. J'aimerais présenter mes réponses en quelques points.
    Il y a certainement des risques d'accident dans le contexte nucléaire. Cela existe et c'est toujours une possibilité. Toutefois, nous pensons que la probabilité est très faible. En même temps, il nous faut un système d'indemnisations et une loi pour protéger les citoyens ainsi que tous les aspects de notre activité économique, l'environnement et la santé de la population.
    Dans l'élaboration du projet de loi C-22, nous avons eu beaucoup de discussions avec différentes parties intéressées et la population. Nous avons imaginé des scénarios qui présentent la possibilité d'un accident au Canada, et ce, basé sur le modèle, le système et le contexte de notre réacteur nucléaire.
    Permettez-moi de continuer en anglais.

[Traduction]

    Nous avons modélisé le contexte — il y a déjà plusieurs années — afin que la conception du réacteur soit propice au confinement, c'est-à-dire de sorte que tout incident puisse être contenu grâce aux paramètres de conception et grâce à la structure même du réacteur. Le concept d'ingénierie même prévoit une procédure en cas d'arrêt d'urgence du réacteur, ainsi que des procédures de secours, auxquelles s'ajoutent d'autres procédures de secours, tout ceci afin d'éviter qu'un incident ne se transforme en accident grave.
    La modélisation porte sur un scénario dans lequel un incident serait contenu par l'installation nucléaire. Elle tient également compte de divers contextes, l'un à

[Français]

Gentilly, au Québec, et un autre ici, en Ontario, où il y a des réacteurs. Dans des cas semblables, je crois que le montant du scénario se chiffre à 100 millions de dollars, ce qui comprend les coûts et les dépenses d'un accident qui se produirait dans le contexte du développement ou de l'installation d'un réacteur.

[Traduction]

    Dans ce contexte-là, on estimait quelque 100 millions de dollars. La modélisation n'a pas tenu compte de scénarios comme Fukushima ou Tchernobyl, car ces incidents sont très peu probables et entourés de circonstances très particulières. Bref, nous n'avons pas conçu notre système en vue de les défendre de ce genre d'incidents.
    Dans le cas de Fukushima, je pense que le coût de l'accident est de 30 milliards de dollars pour l'instant, mais il devrait augmenter de beaucoup. C'est un total cumulatif. Dans le cas de Tchernobyl, je ne connais pas les chiffres. Il ne s'agit pas d'un cas où le pays a été particulièrement transparent en ce qui concerne les coûts.
    Vous avez mentionné un troisième cas. S'agissait-il de Three Mile Island? Three Mile Island se trouve aux États-Unis, et je vais devoir chercher les données pour cet incident, bien qu'il ne soit pas considéré comme un incident particulièrement grave, si j'ose dire. Il y a eu un incident au Royaume-Uni dans les années 1950 qui était un peu plus grave, car il y avait eu une fuite de rayonnement.
    Nous pouvons certainement vous communiquer les chiffres pour les trois exemples que vous avez donnés. En ce qui concerne les scénarios de conception en contexte canadien, nos collègues de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ont également fait de la modélisation, notamment sur le plan des incidents, et ils pourront certainement vous donner l'information que vous cherchez.

[Français]

    Merci.
    En effet, je suis certainement intéressée à voir leurs éléments de modélisation.
    Dans le projet de loi C-22, la responsabilité absolue est fixée à 1 milliard de dollars. Vous avez parlé des scénarios que vous aviez analysés, mais ce ne sont pas les pires qui pourraient se produire.
    Je sais que la sécurité nucléaire est très, très importante au Canada et qu'on juge qu'il est très peu probable qu'un accident survienne. Il reste qu'un tel accident serait assez coûteux. Comment s'assure-t-on que ce ne seront pas les contribuables qui, finalement, paieront la facture?
(0910)

[Traduction]

    C'est une question importante, car le système repose, en grande partie, sur la conception de l'installation, sa mise en oeuvre, sa construction et son exploitation, ainsi que l'approche réglementaire afin d'assurer régulièrement l'amélioration du système, sa mise à l'essai et l'atténuation des conséquences. Mais l'on fait beaucoup de travail pour protéger le contribuable et s'assurer que l'installation est bien conçue. On y intègre des mesures de prévention. On y mène des exercices d'essai. On prévoit des procédures qui évitent le pire. C'est là le point le plus important: un gros montant d'argent est dépensé au chapitre de la prévention et de la préparation en cas d'incident.
    Mais vous avez raison pour ce qui est du reste. C'est pourquoi le projet de loi propose une responsabilité absolue de 1 milliard de dollars. C'est un maximum. C'est une limite de 1 milliard de dollars pour les exploitants. Aux termes du projet de loi, si le montant des dommages semble approcher, voire dépasser le seuil de 1 milliard de dollars, le ministre des Ressources naturelles sera obligé de déposer un rapport au Parlement expliquant les coûts ou prévoyant les coûts éventuels, afin que le Parlement puisse discuter et débattre de l'intervention du gouvernement, le cas échéant.
    Cela dit, il faut savoir qu'il n'existe que trois exploitants d'installations nucléaires au Canada. Deux d'entre eux sont des sociétés d'État. En d'autres mots, il s'agit de sociétés qui relèvent des gouvernements provinciaux. En fait, il y en a trois si l'on compte Gentilly et Hydro-Québec au Québec, bien que cette installation ne soit pas actuellement en service. Par ailleurs, il y a un exploitant du secteur privé, mais quoi qu'il en soit, toutes les installations appartiennent à des sociétés d'État.
    Il y a un certain élément d'interaction, si je puis dire, entre les propriétaires des réacteurs et leurs exploitants, ainsi qu'entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Bref, il y a une certaine interaction entre le régime de droit et le cadre de réglementation — qui relèvent du fédéral — et les propriétaires-exploitants, qui sont de compétence provinciale. Ces deux paliers de gouvernement doivent collaborer, notamment lorsqu'un incident cause — Dieu nous en préserve — des dommages qui dépassent la limite de responsabilité absolue de 1 milliard de dollars, chose que nous considérons fort improbable.
    Merci, madame Moore.
    Monsieur Regan, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Labonté, je ne sais pas si c'est vous qui aviez témoigné lorsque la version précédente du projet de loi a été portée devant ce comité voilà deux ans. À l'époque, les fonctionnaires avaient indiqué au comité que la limite absolue de 650 millions de dollars était plus que suffisante et qu'une limite de 1 milliard de dollars serait problématique.
    Qu'est-ce qui a changé depuis?
    Eh bien, le temps a passé. La mouture précédente du projet de loi remonte déjà à quatre ans.
    Je ne me rappelle pas exactement.
    Ce n'était pas moi qui ai témoigné, mais je crois bien que c'était il y a quatre ans.
    Depuis, nous avons pu approfondir nos consultations et discussions auprès des entreprises d'assurance, auprès des exploitants et auprès d'autres pays. Il y a une tendance mondiale qui se dessine dans les marchés d'assurance. Je ne suis pas un spécialiste en assurance, mais nos discussions avec les assureurs nous laissent croire que les marchés d'assurance ont les reins plus solides.
    S'il y a déjà des pays où la limite absolue est de 1 milliard de dollars, et qu'ils arrivent à trouver des assureurs pour ce montant, pourquoi avons-nous besoin d'une mise en oeuvre progressive de trois ans?
    En fait, je ne voudrais pas vous induire en erreur. Il faut savoir qu'il n'y a que trois ou quatre pays qui exigent une limite supérieure à 1 milliard de dollars. D'ailleurs, l'Union européenne s'apprête à adopter un seuil de 1 milliard de dollars; il s'agit donc d'un processus graduel.
    C'est une tendance mondiale qui s'amorce. Cela tient, en partie, à une meilleure compréhension et probablement au fait que le secteur de l'assurance est en pleine croissance et qu'il suit les cycles économiques. Mais les divers pays veulent également s'assurer de changer la dynamique, ce qui est un facteur important pour les marchés.
    Donc, il y a plusieurs facteurs en jeu. La loi en vigueur vise un groupe d'assureurs. Il y a une association d'assurance nucléaire au Canada, une aux États-Unis, une au Royaume-Uni et une autre en Europe. Bref, il y a quatre groupements d'assureurs qui accepteraient d'assurer nos installations en vertu de notre loi. C'est un très petit nombre, mais ces bassins sont composés de grandes compagnies d'assurance qui sont présentes partout au monde et qui ont les actifs nécessaires, les fonds réservés et les instruments financiers appropriés pour appuyer ce genre de polices.
(0915)
    Vous n'êtes pas sans savoir qu'à la deuxième heure de notre réunion de mardi, l'un des témoins était William Amos, d'Ecojustice.
    M. Jeff Labonté: En effet.
    L'hon. Geoff Regan: Il a recommandé plusieurs amendements au projet de loi C-22. Entre autres, il aurait voulu qu'on accorde au Cabinet le droit d'établir des règlements visant le calcul des dommages-intérêts liés à la perte de jouissance environnementale.
    C'est exact.
    Si le projet de loi était modifié en conséquence, quels articles devraient être amendés?
    Il va falloir que je m'en remette à notre juriste, qui pourra sans doute répondre.
    Grosso modo, M. Amos a proposé qu'on crée, après l'adoption du projet de loi, une autorité de réglementation chargée d'établir la valeur d'une côte, d'une espèce, d'un habitat, etc., et de calculer en conséquence le coût de la remise en état ou l'impact sur la société. Là où le bât blesse, c'est que les dommages environnementaux ont une valeur de « non-usage ». Il s'agit de choses que l'on ne peut ni acheter ni vendre. Il faudrait faire une analyse des plus rigoureuses dès le départ qui tiendrait compte de divers facteurs.
    Notre avocate peut vous indiquer quelles dispositions devraient être modifiées, mais si cela s'avérait nécessaire, une fois les règlements en place, il faudrait les mettre à jour constamment. Voilà pourquoi il vaudrait mieux que les tribunaux se fondent sur les éléments de preuve afin de déterminer la valeur de ces choses aux yeux de la Couronne et de la société dans son ensemble.
    Madame Kellerman, pouvez-vous répondre à la question précise qui a été posée?
    L'article 14 du projet de loi prévoit que les « préjudices matériels » sont des dommages indemnisables. La valeur de non-usage est en fait une forme de préjudice matériel. Il s'agit d'un dommage à la propriété de la Couronne, qu'elle soit provinciale ou fédérale.
    L'article 18 traite du coût raisonnable des mesures prises pour atténuer ou réparer « les dommages à l'environnement ».
    L'article 18 vise les dommages au Canada et l'article suivant concerne ceux dans un État autre que le Canada, mais dans les deux cas, il s'agit de dommages environnementaux indemnisables. Seule restriction: les mesures doivent être ordonnées par une autorité compétente.
    Je n'ai pas entendu l'intervention de M. Amos, mais je crois savoir ce qu'il voulait dire. Ma réponse à cela serait que le projet de loi que vous examinez prévoit que les mesures prises pour atténuer ou réparer les dommages environnementaux sont indemnisables, à la fois au Canada et à l'extérieur de nos frontières.
    Je ne suis pas vraiment sûr que la recommandation de M. Amos soit la bonne solution. L'idée que des gens doivent s'adresser aux tribunaux pour régler ces questions, c'est impossible, du moins pour la plupart des Canadiens. C'est trop cher.
    La question est donc la suivante: n'y a-t-il aucune autre façon de régler ce problème, outre un recours aux tribunaux, ce qui est au-delà des moyens de la plupart des Canadiens? Ils n'ont pas les moyens de dépenser des milliers et des milliers de dollars en frais d'avocat.
    Je comprends cela. En fait, le projet de loi prévoit que seul le procureur général d'un gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral pourra saisir un tribunal d'une affaire. On ne s'attend pas à ce que les Canadiens le fassent, et ils ne seraient pas non plus autorisés à le faire. C'est la Couronne, au nom des Canadiens, qui prendrait cette décision, justement pour la question que vous venez de soulever...
(0920)
    ... celle de l'accès.
    ... celle de l'accès, et aussi pour éviter la multiplication de cas semblables qui encombreraient les tribunaux.
    Je vais passer à ma prochaine question.
    Merci, monsieur Regan.
    J'aimerais poser ma prochaine question.
    Votre temps est écoulé.
    Nous commençons maintenant les tours de cinq minutes; nous allons d'abord entendre M. Trost, et ensuite Mme Block et M. Rankin.
    Monsieur Trost, allez-y, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    En tant que seul membre du comité qui était déjà là, je crois, lorsque cette partie de ce projet de loi a été déposée, j'ai vraiment hâte qu'elle soit enfin adoptée. Il y a une rumeur qui dit que je ne pourrai pas quitter ce comité tant que ce projet de loi ne sera pas enfin adopté.
    Selon vous, l'une des raisons pour lesquelles on doit adopter le projet de loi concerne la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Pourriez-vous nous dire, premièrement, pourquoi il est important que le Canada la ratifie et, deuxièmement, de quelle manière cela va contribuer à protéger les Canadiens en cas d'accidents dans un autre pays?
    Je vais répondre en général et demander à mes collègues de poursuivre.
    En gros, le fait d'adhérer à la convention internationale nous assure davantage de protection, dans le sens qu'il existe une communauté de pays qui évoluent dans des circonstances semblables et qui ont essentiellement mis en place les mêmes cadres de travail. Cela donne donc une certaine certitude juridique.
    Plus précisément, les États-Unis ont signé cette convention, et ils sont un des signataires de la Charte. Aujourd'hui, on peut dire sans problème que tant le Canada que les États-Unis ont des installations nucléaires. La plupart d'entre elles se trouvent près de la frontière. Il y a donc un potentiel — même si, comme nous le pensons ou le croyons, c'est fort peu probable — qu'un incident transfrontalier puisse avoir lieu.
    À défaut de faire partie de la convention, il n'existe aucun traité ni aucun cadre opérationnel d'établi avec les États-Unis sur la façon de réagir si quelque chose provenait d'un pays ou de l'autre et avait une incidence sur l'un des deux pays. L'adhésion à la convention nous permettra, dès son entrée en vigueur, d'avoir un traité avec les États-Unis qui porte sur la certitude de compétence et, très certainement, sur la façon de traiter les dommages et tout autre problème qui pourrait survenir.
    Je vais céder la parole peut-être d'abord à Dave, puis à Joanne afin qu'ils puissent rajouter des détails en réponse à votre question portant sur les autres types d'avantages.
    Allez-y, monsieur McCauley.
    Je pense que M. Labonté a essentiellement couvert tous les points. En somme, cela clarifie les compétences, à savoir quel exploitant est responsable dans l'éventualité de dommages transfrontaliers ou advenant un accident lors du transport. La convention est aussi assortie d'un fonds public, qui permet à un pays membre d'obtenir davantage d'indemnisation dans l'éventualité d'un incident. Et troisièmement, du fait que les pays se réunissent à l'échelle mondiale pour signer une convention comme celle-ci, cela permet d'améliorer la sécurité nucléaire en accordant aux entrepreneurs internationaux davantage de souplesse pour travailler dans différents pays.
    Pour poursuivre dans cette veine, comment cela permet-il à nos entrepreneurs, à notre industrie de faire davantage de travail? Expliquez-moi cela un peu plus en détail.
    Bien sûr. Étant donné que nous sommes membres d'un traité, d'une convention avec un autre pays, cela signifie que ce pays membre accepte les modalités de compétence et les mêmes règles de responsabilité que nous. Ainsi, il est plus facile pour nos entrepreneurs ou des entrepreneurs d'autres pays, de trouver du travail dans les autres pays membres.
    Je comprends les éléments positifs que cela sous-tend. Mais il y a quand même des risques, à certains égards, car nous pourrions perdre des droits s'il y avait un incident du côté des États-Unis, n'est-ce pas?
    Vous dites que cela nous donne davantage de certitude. Mais les légendes entourant les avocats plaidants américains et ce qu'ils peuvent obtenir en dommages-intérêts existent tout de même. Si quelqu'un voulait intenter des poursuites aux États-Unis, est-ce que cela limiterait la capacité des citoyens canadiens d'avoir recours aux tribunaux américains dans l'éventualité d'un incident aux États-Unis qui aurait des répercussions au Canada? Cela empêcherait-il les Canadiens d'intenter une poursuite aux États-Unis?
    Non, pas du tout; cela établirait que les États-Unis ont compétence et, aux termes de la convention, une indemnisation serait non discriminatoire de sorte que les Canadiens aient droit à une indemnisation équivalente à ce que des Américains pourraient recevoir en raison des dommages qui auraient pu être encourus et auxquels ils pourraient être assujettis.
    Et quels seraient les avantages ou les protections obtenus par les États-Unis? Je suppose qu'ils seraient identiques, mais pourrions-nous nous exposer à davantage de coûts s'il y avait un accident canadien qui impliquerait les Américains?
    L'inverse est aussi vrai. Le Canada aurait aussi compétence. Les Américains chercheraient à obtenir un dédommagement dans le système canadien, et nous serions assujettis au système canadien et à notre régime de dommages et de responsabilité...
(0925)
    Ce serait tout de même la loi canadienne qui...
    C'est elle qui s'appliquerait. Donc, une partie du traité porte, si vous le voulez, sur la contrepartie.
    Merci, monsieur Trost.
    Nous cédons la parole à Mme Block, la secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles. Vous avez jusqu'à cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue au comité. Je suis heureuse que vous soyez là. Je vous remercie de votre témoignage et du travail qui a été fait sur ce projet de loi. Comme mon collègue l'a signalé, je m'en remets à ceux qui ont été ici beaucoup plus longtemps que moi et d'autres membres récents du comité, parce que comme l'a dit M. Trost, ce projet de loi a déjà été renvoyé à notre comité au moins quatre fois. Nous en discutons maintenant pour la cinquième fois.
    Je vous remercie beaucoup.
    Ma première question porte sur le montant de la responsabilité. Pouvez-vous me dire exactement quelle serait la période de transition, selon le montant et le nombre d'années.
    Dave, pourriez-vous répondre à cette question?
    Bien sûr. Merci beaucoup pour la question.
    Dès la promulgation de la loi, le montant de la responsabilité serait de 650 millions de dollars. Un an après cette date, il s'élèverait à 750 millions de dollars. Deux ans après la date de la promulgation, le montant passerait à 850 millions de dollars et ensuite, trois ans après la date de promulgation, il s'élèverait à 1 milliard de dollars.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais aussi en savoir un peu plus sur les types de dommages qui feraient l'objet de compensation aux termes de la nouvelle loi. Pouvez-vous m'en parler également.
    L'article 14 du projet de loi prévoit que les préjudices corporels, la mort et les préjudices matériels sont indemnisables. Vient ensuite l'article 15 qui, à mon avis, est plus précis que ce que les membres du comité ont pu voir dans la version précédente du projet de loi. Cet article précise qu'un traumatisme psychologique peut donner droit à une indemnité lorsqu'il découle d'un préjudice corporel subi par une personne. Donc, s'il y a un préjudice corporel qui se traduit ensuite par un traumatisme psychologique, c'est indemnisable. Il existe aussi des dispositions plus précises relativement aux pertes économiques, c'est-à-dire le temps en arrêt de travail, par exemple, et la perte de salaire découlant d'un préjudice personnel ou corporel. Les pertes économiques découlant d'un préjudice matériel sont également indemnisables.
    Je sais que vous avez aussi évoqué les délais de prescription pour les demandes d'indemnisation et je me demande si vous pouvez nous donner davantage d'information sur ces délais.
    Bien sûr.
    Le délai de prescription est actuellement de 10 ans. Le projet de loi à l'étude ferait passer ce délai de 10 à 30 ans pour les demandes d'indemnisation en cas de préjudice corporel ou de mort. Advenant un incident, quelqu'un pourrait faire une demande d'indemnisation en cas de préjudice corporel ou de mort jusqu'à 30 ans après l'incident — c'est la période qui est perçue —, dans l'éventualité d'une exposition, ce qui est rare, pendant laquelle une maladie pourrait prendre forme, se manifester et être décelable. C'est pour cette raison que le délai de prescription a été prolongé.
    Très bien. Merci.
    Il vous reste une minute, madame Block.
    Pouvez-vous nous parler un peu des consultations, à savoir s'il y en a eu de récentes qui ont pu inspirer certains des changements les plus récents apportés à ce projet de loi?
    Merci beaucoup.
    Oui, le projet de loi a fait l'objet de beaucoup de consultations depuis qu'il a été déposé pour la première fois, bien sûr, dans une forme antérieure.
    Plus récemment, toutefois, comme M. Labonté l'a indiqué, puisque le projet de loi a déjà été renvoyé deux fois en comité, nous avons pu tirer profit des observations qui ont été faites par les membres du comité et les témoins qui ont comparu devant le comité et, je pense, que cela nous a permis d'élaborer une mesure législative plus solide.
    En outre, en 2012, le ministère a publié un document de consultation sur la façon dont on pourrait actualiser le projet de loi en mettant l'accent plus particulièrement sur les responsabilités de l'exploitant et sur ce qui semblerait être raisonnable et approprié pour accroître le niveau de responsabilité. C'est une des principales raisons qui nous ont amenés à faire passer ce montant à 1 milliard de dollars.
(0930)
    Merci, madame Block.
    Nous passons maintenant à M. Rankin, notre dernier intervenant. Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins.
    Monsieur Labonté, dans l'ensemble, aux termes des lois environnementales en vigueur au cours des dernières années, c'est aux pollueurs de payer et que c'est la personne qui cause les dommages d'en assumer la responsabilité. Dans ma province, la Colombie-Britannique, les sites contaminés sont assujettis à une responsabilité absolue et rétroactive, qu'elle soit conjointe ou individuelle. Les fabricants de produits chimiques doivent assumer tous les coûts en cas d'accident.
    Alors, si l'on tient compte de cette vue d'ensemble, pourquoi est-ce que l'industrie nucléaire ne devrait pas se conformer à ce régime, dans lequel c'est à l'industrie d'en assumer la responsabilité?
    Je vous remercie de votre question. Le principe du pollueur-payeur existe en common law. On le retrouve dans bon nombre de lois.
    Dans ce cas-ci, le principe du pollueur-payeur est assujetti à un seuil au regard duquel la collectivité pourrait fonctionner, et ce seuil ne se limite pas au contexte canadien, mais il est plutôt d'ordre mondial. En tout cas, certaines parties du projet de loi démontrent que le pollueur devra payer et rendre des comptes.
    Mais cela est assujetti à un plafond de 1 milliard de dollars.
    Oui, c'est ce que prévoit la loi. De nouveau, je mettrais l'accent sur le fait qu'au bout du compte, les propriétaires des réacteurs au Canada sont des contribuables, alors pour être plus direct...
    Mais cela ne s'applique qu'à l'heure actuelle. À l'avenir, cela pourrait couvrir des exploitants privés qui seront là peut-être dans 10 ans, n'est-ce pas?
    C'est possible. Mais je pense qu'on peut dire que la conception et la création d'une centrale nucléaire qui verrait le jour dans 10 ans en serait maintenant sans doute à l'étape de réglementation.
    Je vous dis tout simplement qu'en principe, cela pourrait s'appliquer à des exploitants privés. Il y en a déjà un, et il pourrait y en avoir d'autres. Est-ce exact?
    Nous avons un exploitant privé pour une centrale publique. Alors, oui, il y a un exploitant qui assure le fonctionnement d'une centrale publique. Il est vrai qu'il pourrait éventuellement y avoir une centrale privée au Canada.
    Je ne connais pas la réponse à cette question, mais on m'a dit que la loi américaine Price-Anderson au sujet de la responsabilité nucléaire envisage de créer un fonds d'assurance commun qui se chiffre à 12 milliards de dollars US, soit environ 13,25 milliards de dollars canadiens. Est-ce exact?
    Pour la plupart, les États-Unis ont établi une limite en ce qui a trait à la responsabilité de chaque exploitant. Cette limite se chiffre, je crois, à environ 375 millions de dollars. S'il survient un accident qui excède ce montant, lequel représente, si vous voulez, le plafond américain de 375 millions de dollars dans le cadre du régime de pollueur-payeur, alors tous les autres propriétaires de réacteurs devront contribuer à une réserve commune qui, à ce stade-ci, représenterait environ 12 milliards de dollars.
    Dans votre présentation de diapositives, que j'ai trouvée fort utile, vous faites mention de la responsabilité de 1 milliard de dollars. En dessous, vous indiquez que le projet de loi conserve la responsabilité du gouvernement pour les incidents en l'absence d'assurance.
    C'est exact.
    Ensuite, vous ajoutez que l'amélioration de la capacité d'intervention permet de compenser les coûts des mesures correctives en cas de dommages environnementaux.
    Je ne comprends pas bien ces deux points. Il y a, d'une part, 1 milliard de dollars et, d'autre part, un fonds commun gouvernemental qui s'y ajoute. Est-ce bien ce que cela veut dire?
    Non. On exige 1 milliard de dollars des exploitants. Dans la phase de réglementation qui suit l'adoption du projet de loi, on définira les types de centrales nucléaires. Il en existe plusieurs.
    Un réacteur qui génère de l'électricité représente un type de centrale qui serait assujetti à un seuil prévu de 1 milliard de dollars. Il existe des réacteurs de recherche dans des universités partout au pays, et ces réacteurs sont assez petits et sont bien distincts de ceux qui produisent de l'électricité. Dans ces cas-là, ils n'auront pas à trouver 1 milliard de dollars en police d'assurance.
    Le gouvernement fournira cette couverture aux milieux de recherche, et il y aura un fonds dans lequel ils pourront verser une cotisation afin de contrecarrer cet aspect-là. Donc, il existe plusieurs exemples de cela.
    Autre exemple: il est probable que les compagnies d'assurances ne couvriront pas le changement de 10 à 30 ans en cas de préjudice corporel. Ainsi, le gouvernement devra en tenir compte dans son régime d'assurance.
    La phase de réglementation comporte deux étapes: la première crée des catégories et la deuxième met en oeuvre une assurance applicable à titre de politique approuvée. Des discussions sont en cours avec les compagnies d'assurances à ce sujet.
    Pour répondre à une question qui a été posée un peu plus tôt par un des membres, nous étions justement en train de les consulter il y a quelques semaines. Le gouvernement devra peut-être fournir une partie des fonds, pour ainsi dire.
(0935)
    Si vous me le permettez, j'aimerais vous poser une dernière question.
    Si la situation changeait, et que le Canada était doté d'un réacteur nucléaire privé, appartenant à un exploitant privé, serait-il juste de dire qu'il faudrait modifier la législation pour répondre à ce changement?
    Ensuite, peut-on dire que cela nous laisserait beaucoup de temps, car il faut beaucoup de temps pour suivre le processus de réglementation, du début à la fin, et pour construire un réacteur nucléaire?
    Je ne peux pas me prononcer en ce qui a trait à la volonté du Parlement à l'avenir, mais je peux vous dire que les délais pour créer un nouveau réacteur au Canada serait très long. Mes collègues dans le milieu de la réglementation pourront probablement vous dire qu'ils feraient de leur mieux pour aller de l'avant le plus rapidement possible, mais étant donné la conception et le développement, cela pourrait prendre environ une décennie.
    Merci beaucoup d'être venus, monsieur Labonté, monsieur McCauley et madame Kellerman.
    Nous vous remercions de votre présence et des renseignements que vous nous avez fournis afin de nous permettre d'examiner ce projet de loi fort important.
    Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes pour que nous puissions passer à notre prochaine série de témoins. Nous allons donc nous retrouver pour le reste de la réunion afin de poser des questions à ces témoins.
(0935)

(0940)
    Bonjour, mesdames et messieurs. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-22.
    Au cours de cette deuxième heure, nous allons accueillir trois témoins.
    Souhaitons d'abord la bienvenue à M. John Barrett, président-directeur général de l'Association nucléaire canadienne. Merci d'être venu, malgré le très court préavis.
    Souhaitons maintenant la bienvenue à Shawn-Patrick Stensil, analyste nucléaire, de Greenpeace Canada.
    Souhaitons enfin la bienvenue à M. Michael Binder, président et premier dirigeant de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
    Nous allons commencer par vos exposés. Nous vous demandons de vous en tenir à cinq minutes, pour que nous puissions avoir le temps de vous poser des questions.
    Nous allons suivre l'ordre qui figure à l'ordre du jour et commencer par l'exposé de M. Barrett, de l'Association nucléaire canadienne.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Monsieur le président et distingués membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant vous au nom de l'industrie nucléaire canadienne.
    L'Association nucléaire canadienne est un organisme sans but lucratif qui a été créé en 1960 pour représenter l'industrie nucléaire au Canada. Elle fait la promotion du développement et de l'essor des technologies nucléaires à des fins pacifiques. Elle représente le spectre entier de la filière nucléaire, depuis l'extraction de l'uranium jusqu'à la gestion des déchets en passant par toutes les étapes entre les deux.
    L'industrie nucléaire canadienne produit des isotopes qui améliorent le diagnostic et le traitement du cancer, des images qui améliorent la qualité de la fabrication ainsi que de l'électricité sans émission de gaz à effet de serre à l'origine du changement climatique. Grâce à ces activités, l'industrie nucléaire canadienne offre aux Canadiens 30 000 emplois directs et, par l'intermédiaire de ses fournisseurs, 30 000 emplois indirects.
    D'après l'association Manufacturiers et exportateurs du Canada, l'industrie génère une activité économique qui se chiffre à près de 7 milliards de dollars, exporte des biens et des services totalisant 1,2 milliard de dollars et verse 1,5 milliard de dollars sous forme de taxes fédérales et provinciales. La sûreté est au coeur de toutes nos activités. Elle est omniprésente dans notre culture organisationnelle.
    Le dossier des exploitants de centrales nucléaires en matière de sûreté est remarquable. Ces exploitants jouissent d'une grande estime auprès des employés, des collectivités où ils sont établis et de l'industrie nucléaire du monde entier. Nous sommes fiers qu'il n'y ait jamais eu de demandes d'indemnisation sous le régime de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Et nous sommes déterminés à ce qu'il n'y en ait jamais non plus sous le régime de la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation nucléaire. Notre industrie est favorable à l'adoption du projet de loi C-22. Cette loi améliorerait le cadre de responsabilité nucléaire en l'amenant au niveau des normes internationales. Elle protégerait les Canadiens et aiderait l'industrie à mieux gérer les risques de façon responsable.
    Au moment de l'adoption de la Loi sur la responsabilité nucléaire en 1976, notre industrie a accepté les principes de la responsabilité absolue et exclusive de l'exploitant, de la garantie financière obligatoire et de la responsabilité limitée sur le plan du temps et du montant. Ces principes font systématiquement partie de la législation nucléaire aux États-Unis, en Europe et ailleurs dans le monde.
    Le projet de loi C-22 assure un juste équilibre entre les besoins de l'industrie et ceux des Canadiens. En actualisant la loi de 1976, le Parlement amènerait le Canada au niveau des normes internationales modernes. Nos membres apprécient la souplesse dont fait preuve le gouvernement en proposant d'avoir recours à des instruments financiers en remplacement de l'assurance.
    De plus, l'industrie nucléaire est très favorable à l'adhésion à la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Ce traité, qui a été ratifié par les États-Unis, offrira une protection supplémentaire en cas d'incident international. De plus, il aidera l'industrie à exporter l'expertise appréciable des spécialistes du nucléaire canadiens.
    À l'heure actuelle, 71 réacteurs nucléaires sont en construction dans le monde, dont 5 aux États-Unis et 20 en Chine. Ces travaux créent des possibilités formidables. Le Canada est réputé dans la sphère internationale comme pionner du nucléaire et chef de file mondial de l'innovation technologique et de l'efficacité réglementaire.
    Monsieur le président, nous sommes en faveur des dispositions du projet de loi et exhortons les parlementaires à l'adopter. Cela dit, j'aimerais souligner deux points sur lesquels le gouvernement devrait porter son attention. Premièrement, nous exhorterions le ministre à faire usage de ses pouvoirs pour accroître le nombre d'assureurs agréés. Nos membres sont aux prises avec une forte augmentation des primes d'assurance et ils aimeraient pouvoir bénéficier d'une concurrence ouverte et loyale dans le marché de l'assurance. Les mesures que le gouvernement a prises récemment ont mis fin à un monopole de longue date, mais une concurrence accrue s'imposera lorsque le projet de loi aura été promulgué.
    Deuxièmement, nous souhaitons que le sens de l'expression « installation nucléaire » soit clarifiée. À notre avis, il y a une différence entre l'interprétation qu'on en fait dans le projet de loi et celle qu'on en fait dans le document d'information qui l'accompagne. Dans le document d'information, on précise, et je cite, les « installations nucléaires canadiennes telles que les centrales, les réacteurs de recherche, les usines de traitement du combustible et les installations de gestion du combustible épuisé ». En revanche, dans le projet de loi, la définition d'« installation nucléaire » pourrait être beaucoup plus large. Si les auteurs du document d'information ont eu raison de nommer seulement ces quatre types d'installations, la loi devrait être tout aussi claire.
(0945)
    En résumé, monsieur le président et distingués membres du comité, tout comme elle était favorable aux tentatives antérieures du gouvernement pour modifier la Loi sur la responsabilité nucléaire, l'industrie nucléaire est en faveur du projet de loi. Ces modifications se font attendre depuis trop longtemps. Elles amèneraient le régime de responsabilité nucléaire canadien au niveau des normes internationales.
    Nous vous encourageons, vous-mêmes et vos collègues, à adopter cette loi après y avoir apporté les améliorations que nous avons recommandées.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci beaucoup, monsieur Barrett, pour cet exposé. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Nous passons maintenant à Shawn-Patrick Stensil, de Greenpeace Canada.
    Allez-y, monsieur; vous avez cinq minutes pour faire votre exposé.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter les opinions et les recommandations de Greenpeace sur le projet de loi C-22 concernant la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire.

[Français]

    Je vais faire ma présentation en anglais, mais, si vous le désirez, je vais répondre avec plaisir à vos questions en français.

[Traduction]

    Pendant le débat en deuxième lecture du projet de loi C-22, j'ai entendu les partis de l'opposition dire qu'à leur avis, ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais qu'il comporte d'importants défauts. Ils espéraient que le projet de loi pourrait être amélioré et que les défauts pourraient être corrigés en comité.
    Je n'ai pas entendu le gouvernement dire qu'il s'opposait à ce que le projet de loi soit amélioré.
    Dans mon exposé, je vais formuler quatre recommandations pour améliorer le projet de loi C-22. Ces recommandations sont raisonnables et se fondent sur des précédents.
    La première concerne les pratiques exemplaires internationales que je souhaiterais que le gouvernement canadien s'efforce d'égaler. La deuxième concerne les principes modernes de la législation et de la jurisprudence canadiennes, notamment l'inclusion du principe du pollueur-payeur.
    Il y a deux principales raisons pour lesquelles ce projet de loi devrait être modifié. D'abord, il augmente le risque pour le public et le contribuable.
    Le désastre de Fukushima ne s'était pas encore produit la dernière fois que le Parlement a débattu de ce projet de loi; le contexte a donc changé. De l'avis de Greenpeace, cette nouvelle version de la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire ne tient pas compte des leçons apprises après Fukushima. Il y a maintenant de graves accidents nucléaires, quelque part dans le monde, au moins une fois par décennie. L'industrie nucléaire n'avait pas prévu ces accidents réguliers lorsque le Parlement a adopté la première Loi sur la responsabilité nucléaire dans les années 1970. Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima ont une cause commune qui n'a rien à voir avec l'ingénierie. Ces accidents ont été causés par des humains et des sociétés, des personnes morales, qui ont négligé de donner la priorité à la sécurité du public.
    Dans le monde de l'après-Fukushima, où nous savons que les accidents nucléaires sont causés par des sociétés irresponsables, est-ce bien raisonnable que le gouvernement du Canada accroisse la protection de l'industrie nucléaire aux dépens de la sécurité publique? Du point de vue de l'intérêt public, je pense que la réponse est clairement non. On n'encourage pas la sécurité publique en mettant les sociétés à l'abri des conséquences de leurs actes. C'est l'une des principales faiblesses du projet de loi C-22.
    Il impose également un risque et un fardeau inutiles aux contribuables. Ressources naturelles Canada a dit que le plafonnement de la responsabilité de l'exploitant à 1 milliard de dollars allait permettre d'indemniser le public tout en évitant d'imposer aux exploitants des réacteurs des primes d'assurance élevées. Mais comme on le constate dans les parties du projet de loi qui portent sur le pétrole et le gaz, on peut exiger une police d'assurance et une responsabilité absolue de 1 milliard de dollars sans plafonner la responsabilité globale. Les représentants de l'ACPP vous ont dit mardi que ce n'était pas un problème.
    J'affirme que vous pouvez éliminer le plafond de responsabilité de 1 milliard de dollars sans faire augmenter les coûts des exploitants. Dans sa forme actuelle, le projet de loi transfert inutilement tous les risques financiers dépassant 1 milliard de dollars aux Canadiens. Cela est contraire au principe du pollueur-payeur, ce qui m'amène à ma première recommandation.
    Le principe du pollueur-payeur a été omis de la disposition qui énonce l'objet du projet de loi. Nous sommes en 2014, pas en 1974, et c'est là une omission flagrante. Greenpeace recommande que le gouvernement copie le libellé concernant le principe du pollueur-payeur de l'article sur l'objet de la partie du projet de loi C-22 qui concerne le pétrole et le gaz.
    Greenpeace recommande que l'article 3 soit modifié pour se lire comme suit:
La présente loi a pour objet d'assurer la responsabilité conformément au principe du « pollueur-payeur » en cas d'accident nucléaire.
    Pour appliquer le principe du pollueur-payeur, Greenpeace recommande de modifier les articles qui mettent les exploitants et les fournisseurs à l'abri de la responsabilité; notamment, le paragraphe 24(1) devrait être modifié pour dire que la responsabilité des exploitants de réacteurs, au-delà de la responsabilité absolue de 1 milliard de dollars, est illimitée.
    C'est exactement ce qui est prévu pour le secteur du pétrole et du gaz extracôtiers.
    La responsabilité illimitée est maintenant une pratique exemplaire internationale en ce qui concerne la responsabilité de l'exploitant, et c'est également l'approche utilisée par le gouvernement pour l'industrie pétrolière et gazière extracôtière.
(0950)
    De même, l'article 13, qui protège complètement les fournisseurs même s'ils sont négligents, devrait être amendé. Greenpeace recommande que l'article 13 se lise comme suit:

Relativement aux dommages causés par l'accident nucléaire, l'exploitant peut exercer un recours contre toute personne dont la négligence flagrante cause un incident.
    Cette reformulation assurait l'homogénéité entre le volet pétrolier et gazier et le volet nucléaire de C-22 et nous permettrait de nous conformer aux meilleures pratiques à l'échelle internationale. Ainsi, selon la loi sur la responsabilité nucléaire de l'Inde, les fournisseurs doivent assumer leur responsabilité.
    Ma dernière recommandation est tournée vers l'avenir avant-gardiste. Selon les abondantes informations recueillies, le ministère des Ressources naturelles a évité à dessein, au cours des 10 dernières années, sous des gouvernements conservateurs et libéraux, de consulter les Canadiens sur ce projet de loi. Il n'est pas surprenant, de ce fait, que Ressources naturelles Canada croie qu'il soit acceptable de plafonner la responsabilité et que les Canadiens assument la plus grande part des risques créés par le secteur nucléaire.
    Selon le paragraphe 26(1), la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire doit être examinée tous les cinq ans. Greenpeace recommande que ce paragraphe soit amendé pour que ces examens soient publics et que des intervenants de l'extérieur du secteur puissent y participer. Cela se fait déjà dans d'autres pays.
    Voilà qui conclut mes observations. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Stensil, de Greenpeace Canada.
    Nous passons maintenant à notre troisième témoin: Michael Binder, président et premier dirigeant de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
    Vous avez la parole, monsieur, pour un maximum de cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
    Je m'appelle Michael Binder et je suis président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Je vous remercie de m'avoir invité à me joindre à vous aujourd'hui.

[Traduction]

    La CCSN est l'organisme de réglementation nucléaire du Canada. En vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, la CCSN remplit son mandat qui comporte trois volets: réglementer l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de préserver la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens et de protéger l'environnement; respecter les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire; et informer objectivement le public sur le plan scientifique ou technique, ou en ce qui concerne la réglementation du domaine de l'énergie nucléaire.
    La CCSN est un tribunal administratif indépendant quasi judiciaire qui réglemente tout ce qui touche le nucléaire au Canada, y compris l'extraction minière de l'uranium, la fabrication du combustible nucléaire, les réacteurs et les centrales nucléaires, la production et l'utilisation des isotopes médicaux ainsi que le déclassement et l'assainissement des sites nucléaires. La CCSN participe donc directement à la réglementation des installations nucléaires touchées par la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, la LRIN.
    Comme vous le savez, il incombe au gouvernement d'établir des politiques comme la LRIN, et c'est à la CCSN de remplir les responsabilités prévues par la loi. Nous saluons l'adoption de la LRIN, car elle permettra de moderniser et de préciser les différents rôles et les différentes responsabilités des parties concernées au cas où un accident nucléaire surviendrait.
    Le rôle de la CCSN est de s'assurer qu'aucune plainte ne soit jamais déposée aux termes de la LRIN. Nous ne délivrerons jamais de permis à une installation si nous ne sommes pas convaincus qu'elle est sécuritaire. La CCSN est un organisme de réglementation qui intervient directement grâce à son cadre de réglementation rigoureux, lequel garantit que nos titulaires de permis exploitent leurs installations de façon sûre et qu'ils respectent les conditions de leurs permis.
    Pour y arriver, nous réalisons toutes sortes d'études. Nous réalisons des études probabilistes de la sûreté. Nous simulons des conséquences d'accidents majeurs. Nous examinons des mesures de protection physique pour veiller à la sécurité. Et nous effectuons des recherches pour déterminer la durée de vie de tubes de force. Toutes ces études visent à éliminer les faiblesses dans le dossier de sûreté et à établir de nouvelles mesures pour combler les lacunes cernées.
    Par exemple, nous avons publié hier, aux fins de commentaires du public, le document intitulé Étude des conséquences d'un grave accident nucléaire hypothétique et efficacité des mesures d'atténuation. Cette étude se penche sur les conséquences d'un rejet résultant d'un accident grave hypothétique dans quatre réacteurs ainsi que sur les mesures à prendre pour protéger la santé du public. Il ne s'agit là que du plus récent exemple d'intervention de la CCSN en tant qu'organisme de réglementation de la sûreté.
    Vous avez sans doute entendu parler de l'accident survenu en 2011 à la centrale de Fukushima Daiichi, au Japon. Je peux vous assurer que ce malheureux accident a donné lieu, partout dans le monde, à un effort visant à rehausser les normes de protection contre des événements autrefois jugés improbables. De son côté, la CCSN a demandé l'examen du dossier de sûreté de tous les exploitants canadiens. Cet examen s'est traduit par un renforcement des mesures de sûreté dans la conception et l'exploitation de nos installations nucléaires.
    De plus, nous avons renforcé les capacités pour assurer la redondance de l'équipement d'atténuation des urgences, afin de maintenir l'état d'arrêt sûr d'un ou de plusieurs réacteurs simultanément. Ce renforcement des capacités comprend les éléments suivants: 21 générateurs diésel portables et mobiles pour fournir du courant de secours; 20 pompes d'eau de refroidissement sur le site — les camions-incendie de la municipalité offrant du soutien hors site; assez de combustible pour poursuivre l'exploitation pendant plusieurs jours sans rechargement hors site; de l'équipement d'atténuation de l'hydrogène supplémentaire, comme des recombineurs passifs, a été installé pour assurer la protection des mesures de confinement, ce qui réduit le risque de rejet. De plus, les titulaires de permis de centrale nucléaire ont établi un protocole d'entente pour la construction d'un centre d'intervention d'urgence centralisé qui fournirait du soutien hors site en cas d'accident.
    Ces améliorations apportées aux capacités d'atténuation en cas d'urgence sur le site, ainsi qu'aux capacités d'intervention hors site en cas d'urgence, permettront d'éliminer presque entièrement le risque qu'un tel accident se produise au Canada.
    Le Canada jouit d'un dossier enviable en matière de sûreté, et aucune demande n'a jamais été présentée aux termes de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Nous veillons à ce qu'il en soit toujours ainsi.
(0955)

[Français]

    En vertu du projet de loi, notre rôle consiste à conseiller le ministre en ce qui a trait à la désignation des installations qui possèdent des matières nucléaires, lesquelles seront assujetties à la loi.
     Nous vérifierons aussi constamment que les titulaires de permis qui sont tenus d'être couverts par une garantie en vertu du projet de loi se conforment entièrement à cette obligation.

[Traduction]

    En conclusion, la CCSN participe activement à la supervision de tous les titulaires de permis nucléaires. Par conséquent, nous connaissons parfaitement les installations au Canada et la nature des matières nucléaires qui s'y trouvent, et nous sommes prêts à offrir au ministre toute l'aide nécessaire pour mettre en oeuvre cette nouvelle loi.
    Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Binder.
    Je vous remercie de nouveau de votre présence à court préavis et d'avoir lancé la seconde partie de notre réunion aujourd'hui.
    Les députés auront sept minutes, et nous allons commencer par M. Leef, suivi de Mme Moore et de M. Reagan.
    Monsieur Leef, vous avez la parole pour un maximum de sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci à nos invités.
    Monsieur Binder, vous avez indiqué dans vos remarques liminaires que vous n'accorderiez pas de permis à une centrale, à moins d'être convaincu qu'elle est sécuritaire. Ensuite, vous avez parlé du cadre réglementaire et des tests que vous avez effectués. Pourriez-vous nous éclairer sur l'emplacement des sites canadiens actuels et les mettre en contraste avec le site de Fukushima? Nous pouvons bien construire des centrales, mais nous ne maîtrisons pas la force majeure. Selon les témoignages, les probabilités sont faibles, mais nous reconnaissons tous l'ampleur des conséquences, quelle que soit la catastrophe. Étant donné les mesures de protection, les risques d'incident semblent faibles mais, bien entendu, nous savons que les conséquences peuvent être graves.
    Au Canada, comment décidons-nous de l'emplacement d'une centrale? La catastrophe de Fukushima a-t-elle influé sur l'emplacement futur de nos centrales?
(1000)
    Le changement le plus marquant depuis Fukushima, c'est ce que notre expert technique qualifie d'accident que la conception n'aurait pu prévenir.
    Ces installations ont été pensées en fonction d'accidents très modérés. Ils se sont appuyés sur des données historiques concernant les séismes, les tornades, des tempêtes de verglas, etc. Ces installations ont été conçues il y a très longtemps, soit environ 30 ans.
    Fukushima nous a enseigné qu'il ne faut pas trop s'attarder à l'analyse technique. Nous avons plutôt décidé d'imaginer un scénario catastrophique, en quelque sorte, où un gros, gros accident survient. Que peut-on faire pour le prévenir? Par prévenir, nous n'entendons pas la préservation de l'actif, mais la certitude qu'aucune radiation ne sera émise. Dans le cas de Fukushima, on n'a pas pu acheminer de l'eau à la centrale assez rapidement.
    Après Fukushima, nous avons établi un plan d'action qui prévoit de très nombreuses mesures pour refroidir la centrale, à savoir l'acheminement de l'eau des lacs et une source d'électricité de remplacement assez rapide pour refroidir la centrale.
    Je vous fais grâce des détails techniques, mais ce sont les leçons que nous avons tirées.
    D'accord. C'est parfait. C'était ce qui m'intéressait. Je suis sûr qu'on pourrait avoir une discussion très intéressante sur les détails de la conception et envisager tous les scénarios catastrophiques possibles et les mesures d'atténuation, mais cela nous prendrait beaucoup trop de temps.
    Dans votre rapport, vous avez fait mention d'un protocole d'entente pour la construction d'un centre d'intervention d'urgence centralisé qui fournirait un appui hors site en cas d'accident. Pourriez-vous nous dire où en est le chantier, quand il sera terminé et les possibilités qu'offrira le centre d'intervention?
    Si ma mémoire est bonne, les États-Unis établissent à l'heure actuelle cinq centres de stockage. J'entends par là du diesel, des carburants et toutes sortes de matériel qui peuvent être acheminés à un site par avion.
    Au Canada, les centrales de Pickering et de Darlington en sont venues à une entente pour s'entraider en cas de perte de pouvoir. Le matériel peut être transporté d'un site à l'autre en cas d'accident. Le protocole d'entente est en place. En fait, elles envisagent actuellement la construction, en plus des mesures en place, d'un centre commun.
    Quand vous avez envisagé le pire des scénarios, avez-vous réfléchi aux coûts? Ma question porte justement là-dessus. Qu'est-ce que 1 milliard de dollars nous permet de faire? Quand vous évaluez les pires scénarios et votre intervention subséquente, tenez-vous compte de votre capacité financière ou seulement de votre capacité opérationnelle?
    Nous n'avons pas pour mandat de nous occuper des questions économiques et du contrôle des coûts. Nous cherchons à faire le meilleur usage des sommes consacrées à la sécurité.
    C'est tout ce qu'on peut faire pour assurer un bon rapport coût-efficacité. Nous n'avons pas un mandat économique. Notre mandat porte exclusivement sur la sécurité.
    Dans ce cas, qu'en est-il de l'évaluation de l'expertise des fournisseurs? Nous avons entendu parler des fournisseurs internationaux et de la responsabilité commune. En tenez-vous compte? Le Canada est-il doté de cette expertise, ou peut-il compter sur ses voisins pour intervenir immédiatement en cas de catastrophe de ce genre?
(1005)
    Nous allons chercher des experts lorsque nous pouvons en trouver. Mais il faut savoir que nous comptons parmi notre personnel des experts en physique nucléaire, en ingénierie nucléaire, en ingénierie mécanique, en évaluation environnementale, pour ne nommer que ceux-là. Ce sont des experts, et quand il nous manque des experts dans certains secteurs, nous nous tournons vers des sources extérieures. Et nous sommes continuellement en contact avec les autres autorités réglementaires pour échanger de l'information et nos expériences.
    Monsieur Stensil, vous avez présenté des recommandations intéressantes au comité. Vous avez parlé de la protection qu'on accorde aux exploitants en limitant la responsabilité absolue.
    À la lumière des témoignages que nous avons entendus — il s'agit de sociétés publiques sauf une, qui est exploitée par le privé mais qui appartient à l'État —, que pensez-vous de notre position sur la responsabilité, comparativement à d'autres pays dont le secteur est porté exclusivement par le secteur privé ou par des sociétés qui ne sont pas publiques?
    Je pense qu'il faut mettre les choses en contexte...
    Le temps de M. Leef est écoulé. Je vous prie de répondre à sa question brièvement.
    Je vous dirais ceci. Les réacteurs appartiennent aux gouvernements provinciaux. Dans d'autres domaines où les risques sont transférés à l'État, le gouvernement fédéral a récemment pris une excellente décision en refusant d'assumer les risques pour des dépassements de coûts associés à des projets de réacteurs. C'est la province qui devra les assumer.
    C'est une bonne façon de procéder. C'est pareil pour les déchets radioactifs. Pour une raison inconnue, c'est une exception dans le régime fédéral, et je pense qu'on peut régler le problème en supprimant le plafond.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à l'opposition officielle. Madame Moore, vous avez un maximum de sept minutes.

[Français]

    Monsieur Stensil, j'aimerais revenir sur votre recommandation concernant la responsabilité absolue et le fait que, dans ce projet de loi, elle touche uniquement l'opérateur et non les gens qui font partie de la chaîne d'approvisionnement au niveau des services. M. Binder pourra peut-être compléter la réponse à cet égard.
    Si un sous-traitant qui fait de la soudure ou fournit des pièces pour un réacteur ou encore teste des soudures au moyen de rayons X fait mal son travail, quelles seront les conséquences? Cette personne a t-elle l'obligation d'être assurée pour un certain montant d'argent de façon à couvrir le travail qu'elle a fait?
     Qu'en est-il dans le cas d'un sous-traitant qui travaille sur un réacteur nucléaire, même si celui-ci appartient à une société d'État?
    À l'heure actuelle, en termes de responsabilité, un fournisseur de réacteurs n'a aucune obligation dans le cas où surviendrait un accident. C'est la façon dont la loi est libellée et c'est également le cas en ce qui a trait à nouvelle version. Pour notre part, nous pensons que ce n'est pas une bonne chose.
    Dans le cas de Fukushima, on a démontré que le concepteur, General Electric, connaissait les problèmes de ce réacteur en matière de conception mais aussi de fabrication. Ce n'est pas ce qui a causé l'accident, mais cela a contribué aux fuites de radiations dans l'environnement. S'il s'agissait de n'importe quelle autre industrie, les Japonais pourraient poursuivre la compagnie.
    Nous recommandons donc qu'il y ait un droit de recours à cet égard.
    L'exploitant est toujours l'entité que l'on peut poursuivre. Cependant, il pourrait poursuivre un fournisseur négligent parce qu'il est le mieux placé pour le faire et obtenir ainsi plus d'argent pour indemniser la population touchée. C'est plutôt cela qu'on demande.
    En fait, ce serait l'assureur de l'exploitant qui poursuivrait à son tour.
    L'exploitant doit toujours détenir une assurance de 1 milliard de dollars, mais je suppose que les fournisseurs détiennent eux aussi une assurance puisque c'est obligatoire.
    Monsieur Binder, les fournisseurs de services doivent-ils respecter des obligations réglementaires pour pouvoir travailler dans le secteur nucléaire?
    Y a-t-il des règlements qui s'appliquent, par exemple, aux soudeurs qui travaillent dans le secteur nucléaire? À quoi sont tenus les fournisseurs de services?
(1010)
    Dans le cas d'un accident important, ce ne serait pas la commission qui déciderait qui va payer, mais plutôt le ministre ou les tribunaux. Dans les opérations quotidiennes, c'est l'opérateur qui est responsable de tout incident, même s'il y a des fournisseurs de services.
    En ce qui a trait à la Commission canadienne de sûreté nucléaire...

[Traduction]

    Excusez-moi, madame Moore.
    J'entends la sonnerie. Nous avons une demi-heure. Sommes-nous d'accord pour rester ici le plus longtemps possible pour entendre les témoins?
    Une voix: D'accord.
    Le président: On se donne combien de temps avant de partir?
    Monsieur Trost.
    Monsieur le président, faisons encore deux tours, ce qui correspond à environ 10 minutes.
    Nous continuons encore 10 minutes?
    Oui, environ 10 minutes. Quoi que nous décidions, il faudrait décider rapidement.
    C'est d'accord.
    Madame Moore, continuez, je vous prie. Désolé de l'interruption.

[Français]

    Après avoir entendu les quatre recommandations qu'on nous a faites, je me sens moins prête à aborder l'étude article par article du projet de loi. Je considère que nous n'avons pas assez examiné ces recommandations. Il serait plus judicieux de tenir une ou deux séances supplémentaires. Nous pourrons d'ailleurs y revenir.
    Monsieur Binder, si je comprends bien, quelqu'un qui fournit des services à une société d'État qui exploite un réacteur nucléaire n'a aucune obligation réglementaire et n'est aucunement surveillé. Aucun règlement particulier ne s'applique à quelqu'un qui fait affaire avec une société d'État qui exploite un réacteur nucléaire.
    Les opérations doivent être sécuritaires, mais parfois, il y a des conflits entre l'exploitant et le fournisseur.
    En somme, vous vous adressez seulement à l'exploitant pour vérifier la sécurité. Vous n'intervenez pas auprès des fournisseurs de services.
    Cela dépend. S'il survenait quelque chose de très sérieux, nous pourrions obliger un fournisseur à nous rencontrer publiquement pour expliquer la raison pour laquelle un incident est survenu. La réglementation exige qu'une faute soit rendue publique et fasse l'objet d'un débat public.
    Monsieur Stensil, dans le projet de loi C-22, y a-t-il d'autres moyens de responsabiliser les fournisseurs de services, autres que ceux dont il est question dans l'amendement que vous avez proposé?
    Compte tenu du libellé actuel du projet de loi, l'amendement que j'ai proposé est le moyen le plus simple de les responsabiliser. C'est aussi ce qui est fait en Inde. On pourrait modifier l'article 13 du projet de loi intitulé « Aucun droit de recours » de façon à ce qu'il précise dans quels cas un opérateur peut poursuivre un fournisseur.
    L'article actuel du projet de loi stipule que « l'exploitant n'a aucun droit de recours », sauf dans les cas où un fournisseur aurait délibérément commis une faute. Je pense que c'est cet article qui pourrait être modifié. Si on réécrivait le projet de loi, on pourrait stipuler que les individus pourraient poursuivre directement les fournisseurs. Toutefois, comme il n'y a qu'une seule réunion pour en discuter, je dirai que le plus simple serait de modifier l'article 13 du projet de loi.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Non, vous avez utilisé tout votre temps, madame Moore.
    Nous passons maintenant à M. Regan, qui aura un maximum de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je commencerai par M. Binder.
    Et merci à vous tous d'être venus ce matin.
    Monsieur Binder, comme vous pouvez l'imaginer, de nombreux Canadiens ont écrit au comité et à leur député au sujet du projet de loi C-22. L'un d'eux est M. Chris Rouse, de New Clear Free Solutions, au Nouveau-Brunswick. Il m'a écrit il y a quelque temps et a témoigné devant le comité cette semaine pour nous dire qu'il avait demandé à la commission de lui fournir la définition de sûreté nucléaire et du risque associé à l'établissement des limites de responsabilité — les définitions juridiques que vous utilisez vous-même. Il affirme qu'il n'a pas pu obtenir de réponse, et je voudrais vous demander de lui en fournir une maintenant. Je n'imagine pas que vous l'avez sous la main, mais je vous demanderais de nous la faire parvenir d'ici la réunion de mardi, où nous étudierons ce projet de loi article par article.
(1015)
    En fait, je pense que nous avons répondu publiquement à M. Rouse. Nous connaissons bien ses points de vue, et la définition de la sécurité se trouve dans la loi. Elle est donc facilement accessible.
    Merci.
    Ma prochaine question est la suivante. D'après le Budget principal des dépenses de 2014-2015, la Commission canadienne de sûreté nucléaire recevra 1,6 million de dollars additionnels par rapport à la somme prévue dans le budget de 2013-2014, mais recevra 1,2 million de dollars de moins que ce que la commission avait dépensé au cours du dernier exercice, jusqu'au dépôt du budget de cette année. Ma question est donc la suivante: quelle incidence aura l'adoption et l'application du projet de loi C-22 sur le budget de la commission, étant donné cette réduction de 1,2 million de dollars?
    Le budget, comme vous le savez, est établi sur une base annuelle. Or, nous récupérons 70 % de notre budget par l'entremise des titulaires de licence. Par exemple, lorsque le Québec a décidé de fermer Gentilly-2, cela a eu une incidence sur notre budget. Celui-ci change d'une année à l'autre, car nous nous penchons actuellement sur la gestion des déchets et le déclassement.
    Le budget variera donc, mais je peux vous assurer que notre capacité de superviser la sécurité des opérations de nos installations n'a jamais été compromise.
    Mais aurez-vous besoin de moins d'argent cette année comparativement à l'année dernière? Car vous aurez 1,2 million de dollars de moins.
    Non. Le budget annuel est établi en fonction de nos prévisions pour l'année à venir. Ensuite, nous émettons des factures. Ainsi, 30 % de notre budget est voté, et le reste proviendra des titulaires de licences, selon les travaux en cours ou à faire.
    Merci.
    Monsieur Barrett, vous avez soulevé une question qui revient également dans l'exposé des représentants de la société Bruce Power, qui notaient que le projet de loi habilitera le ministre à autoriser des assureurs supplémentaires, ce qu'ils encouragent fortement. Pourquoi est-ce important pour votre secteur, et qu'arriverait-il si le gouvernement refusait ou hésitait?
    Eh bien, d'après ce que j'ai compris, le bassin d'assureurs existants, à savoir la Nuclear Insurance Association of Canada, était capable de supporter les exigences d'assurance étant donné la limite de responsabilité actuelle, et les cotisations étaient fondées sur cette responsabilité. Maintenant qu'elle passe à 1 milliard de dollars, on estime, comme c'est le cas dans n'importe quel autre marché, qu'il serait bon de stimuler la concurrence. Jusqu'ici, un petit groupe d'assureurs détenait le monopole, et le moment serait bien choisi de voir si une concurrence accrue pourrait faire baisser les cotisations. Je crois, tout comme les ménages, que les centrales cherchent à trouver la meilleure couverture au meilleur prix. C'était la principale raison.
    L'hon. Geoff Regan: Merci beaucoup.
    Avez-vous terminé, monsieur Regan? D'accord, merci.
    Passons maintenant à M. Calkins.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Il nous reste encore 21 minutes.
    Je serai aussi bref que possible. Je ne pensais même pas avoir l'occasion de poser des questions.
    Je remercie mon collègue, M. Regan, d'avoir été aussi concis.
    Monsieur Barrett, j'ai une question à vous poser au sujet des définitions que vous avez soulevées en ce qui a trait à une installation nucléaire et ainsi de suite.
    Je sais que les fonctionnaires du ministère qui ont comparu auparavant nous ont parlé des étapes à venir. Je n'ai pas eu la chance de leur poser une question, mais ils nous ont parlé d'insérer des définitions semblables dans les règlements plutôt que dans la loi. La question que je leur aurais posée, c'est pourquoi les insérer dans les règlements plutôt que dans la loi elle-même?
    Je me demandais si vous pouviez nous dire s'il est important pour vous que ces définitions soient dans la loi ou dans les règlements.
    D'après moi, ce qui importe, c'est que la définition soit claire, car comme je l'ai mentionné au départ, l'industrie nucléaire est très vaste et compte de nombreux intervenants, dont certains oeuvrent dans l'extraction de l'uranium, par exemple. D'autres que nous avons cités aujourd'hui, dont les centrales électriques, sont les plus touchés par la loi dont il est question aujourd'hui.
    Dans le cadre du cycle de vie du combustible, le combustible nucléaire est produit à partir de l'uranium au Canada puisqu'il est fabriqué, préparé, assemblé et prêt pour les réacteurs CANDU. C'est l'industrie qui sait quelles installations particulières sont envisagées dans cette mesure législative. Il s'agit donc de clarifier pour s'assurer que tant les documents d'information que la loi ont exactement les mêmes...
(1020)
    Mais au fond, peu vous importe où elles se trouvent. J'imagine que le gouvernement souhaite qu'elles soient dans les règlements puisqu'ils sont plus souples que les projets de loi adoptés à la Chambre des communes. Comme nous pouvons le constater, il y a eu jusqu'ici cinq versions de ce projet de loi.
    L'autre question pour vous, en fait n'importe qui peut y répondre, est la suivante. Si vous étudiez les lois de 1970 qui sont entrées en vigueur en 1976, qui fixaient le plafond à 75 millions de dollars, et que vous convertissez ces 75 millions de dollars de 1970 en dollars d'aujourd'hui, cela s'élèverait à environ 465 millions de dollars, alors que la responsabilité absolue s'élève maintenant à 1 milliard de dollars. Cela représente donc le double de l'indice des prix à la consommation, ou la valeur quelconque d'un dollar. Je me demandais si l'un de vous pourrait m'expliquer pourquoi on a fixé le plafond à 1 milliard de dollars. Ce montant provient-il de normes ou d'ententes internationales, ou provient-il en fait d'expériences découlant d'autres incidents?
    Monsieur Barrett.
    Voici mon opinion là-dessus. Jusqu'en septembre 2013, j'ai été l'ambassadeur du Canada auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique, et j'ai présidé le Conseil des gouverneurs. J'y étais lors de l'accident à Fukushima et par après. M. Binder a mentionné tout à l'heure le plan d'action en 12 points sur la sécurité qui avait été élaboré par l'AIEA à la suite de l'accident. D'après moi, c'est en partie parce que l'on comprend désormais que la responsabilité doit être mise à jour et bien en place. L'endroit où l'on se trouve dans le monde importe peu, bien qu'il faille tenir compte des particularités de chaque technologie et de son emplacement, etc. Cela étant dit, on estimait que tous les pays devraient étudier leurs propres lois et les améliorer.
    Monsieur Stensil.
    Peu importe, il me semble que le montant sera arbitraire. Ressources naturelles Canada avait trois critères pour établir cette somme de 1 milliard de dollars, notamment la capacité du marché de l'assurance, ainsi que les accidents prévisibles — je crois que c'était le deuxième. Nous ne devrions pas confondre le plafond de l'assurance disponible ou la sécurité nécessaire avec la limite de responsabilité. C'est ce que l'on importe de la loi de 1970 dans cette loi. Greenpeace proposerait que cette loi soit conçue pour garantir un dédommagement par l'industrie pour tout accident, sauf une catastrophe nationale, où, naturellement, le gouvernement interviendrait, mais l'objectif n'est pas atteint en limitant la responsabilité.
    Je comprends. Vous l'aviez déjà signalé.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'ai une dernière question pour M. Barrett.
    Vous avez parlé de la ratification de la Convention internationale sur la réparation complémentaire. Je crois qu'une fois qu'on fait adopter cette loi, que le Canada la ratifie et qu'un ou deux autres pays — peut-être le Japon ou la Corée — la ratifie, la convention entrera en vigueur sous peu. Comme vous l'avez indiqué dans vos observations, elle offrira une protection supplémentaire en cas d'incident international.
    Pouvez-vous nous en parler davantage, ou nous donner un exemple pour illustrer comment cette loi servirait à améliorer réellement la sécurité si un incident international se produisait?
    Bien sûr.
    Le premier exemple qui me vient à l'esprit est lié à la situation au Japon. Je me souviens très clairement que les pays avoisinants étaient très préoccupés par les retombées d'un accident sur leur pays, s'il atteignait leurs côtes. Comme vous le savez, sans répéter tout le contexte, la Convention internationale sur la réparation complémentaire prend les traités précédents comme point de départ et les renforce. Je pense que la communauté internationale reconnaîtra qu'effectivement, un accident ou un incident ne connaît pas de frontière — il s'agit d'un phénomène transfrontalier.
    Merci.
    Merci, monsieur Calkins.
    Il nous reste un peu plus de 15 minutes. Vous avez tous devant vous un exemplaire du budget. Vous pouvez y jeter un coup d'oeil et le mettre aux voix à la prochaine séance. Le budget total de cette étude s'élève à 3 900 $.
    Souhaitez-vous l'approuver immédiatement?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le budget est approuvé.
    Bien.
    Merci beaucoup aux trois témoins de leur présence aujourd'hui. Désolé pour l'interruption. Nous aurions aimé avoir plus de temps, mais c'est ainsi que les choses fonctionnent ici.
    La séance est levée.
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