Passer au contenu
;

PACP Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

RAPPORT 3 – LES DÉPENSES FAITES AU MOYEN DU SYSTÈME FISCAL, PRINTEMPS 2015 – RAPPORTS DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA

INTRODUCTION

Les mesures fiscales peuvent avoir des objectifs divers. Dans bien des cas, il s’agit des objectifs de base du système fiscal, par exemple mieux reconnaître la capacité des personnes de payer ou faciliter la conformité au système fiscal et l’administration de celui-ci. Les mesures fiscales que les gouvernements utilisent pour promouvoir certains objectifs stratégiques sont souvent appelées des « dépenses fiscales » parce qu’elles réduisent les revenus que les gouvernements devraient autrement recevoir[1].

Les dépenses fiscales se divisent en deux sous-catégories, dont la première peut être considérée comme structurelle ou propre au système fiscal. Les dépenses fiscales de cette sous-catégorie visent à assurer l’équité et l’efficience du système fiscal[2]. La deuxième sous-catégorie comprend des mesures qui constituent des substituts similaires ou identiques aux dépenses de programmes directes du gouvernement; on parle dans ce cas de « dépenses faites au moyen du système fiscal[3] ».

Le ministère des Finances du Canada a pour responsabilités d’élaborer et d’évaluer les politiques et lois fiscales fédérales, d’évaluer les propositions de nouvelles dépenses fiscales, d’évaluer la pertinence et l’efficacité des dépenses fiscales, de préparer des prévisions concernant les recettes cédées à cause des dépenses fiscales et de surveiller les répercussions des dépenses fiscales pour cerner les pertes de revenus non anticipées[4]. Pour sa part, l’Agence du revenu du Canada (ARC) est chargée de faire appliquer les lois fiscales du Canada, notamment la Loi de l’impôt sur le revenu, et de conseiller la Direction de la politique de l’impôt du ministère des Finances lorsqu’elle repère des incongruités dans les lois[5].

Dans les rapports du printemps 2015, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) présente les résultats d’un audit de performance qui visait à déterminer si Finances Canada, avec l’appui de l’ARC et conformément à leurs rôles et responsabilités respectifs, gérait efficacement les dépenses faites au moyen du système fiscal. Le BVG a également examiné si le ministère des Finances avait fourni des renseignements clairs et utiles sur les dépenses faites au moyen du système fiscal pour permettre au Parlement et aux Canadiens d’en effectuer un examen adéquat[6].

Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a consacré une audience à cet audit le 25 mai 2015. Du BVG, le Comité a accueilli Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, et Richard Domingue, directeur principal. De la Direction de la politique de l’impôt de Finances Canada, il a entendu Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal, Geoff Trueman, directeur général (Analyse), Maude Lavoie, directrice de la Division de la politique fiscale intergouvernementale, évaluation et recherche, et Miodrag Jovanovic, directeur de la Division de l’impôt des particuliers. Costa Dimitrakopoulos, directeur général de la Direction de la politique législative, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, a comparu devant le Comité au nom de l’ARC.

COMMUNICATION DE L’INFORMATION AUX CANADIENS CONCERNANT LES DÉPENSES FAITES AU MOYEN DU SYSTÈME FISCAL

Selon le BVG, la présentation de rapports publics et la surveillance des dépenses gouvernementales par le Parlement sont d’importants éléments d’un système efficace de gestion des dépenses fiscales[7]. Depuis 1994, le ministère des Finances du Canada publie les dépenses fiscales liées à l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, ainsi qu’à la taxe sur les produits et les services (TPS). Son rapport Dépenses fiscales et évaluations présente les dépenses fiscales, les recettes cédées prévues et les projections de l’année en cours concernant de nombreuses mesures fiscales[8]. Depuis 2000, le rapport sur les dépenses fiscales est scindé en deux documents. Le premier, Dépenses fiscales et évaluations, est publié tous les ans. Il présente les projections des années antérieures concernant les mesures fiscales ainsi que celles de l’année précédente et de l’année en cours, de même que les résultats de recherches et d’analyses sur des mesures fiscales précises[9]. Maude Lavoie, directrice de la Division de la politique fiscale intergouvernementale, évaluation et recherche au sein de la Direction de la politique de l’impôt au ministère des Finances, a informé le Comité que ce rapport comprend des données sur les dépenses fiscales couvrant une période de six années, soit quatre années de données historiques et deux années de prévisions pour l’année précédente et l’année en cours[10]. Le deuxième document, Dépenses fiscales : Notes afférentes aux estimations et projections, est un document de référence qui présente les dépenses fiscales en place au moment de la publication et leurs objectifs. On y explique également comment les estimations et les projections sont calculées. Ce document est mis à jour de façon périodique, et la dernière publication remonte à 2010[11].

Le BVG a examiné si le ministère des Finances du Canada avait communiqué de l’information claire et utile sur les dépenses faites au moyen du système fiscal[12]. Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, a informé le Comité que le BVG avait constaté que « l’information préparée par le ministère des Finances du Canada sur les dépenses faites au moyen du système fiscal n’appuyait pas adéquatement le Parlement dans sa fonction de surveillance. Ces dépenses sont semblables aux dépenses du programme direct, mais nous avons constaté que le Parlement reçoit moins d’information sur celles-ci que sur les dépenses directes du gouvernement[13]. » Par exemple, M. Ferguson a expliqué que le rapport Dépenses fiscales et évaluations, ne contient pas de projection au sujet des coûts futurs. Il a ajouté que les pratiques de reddition de comptes de l’Australie, de la France et de la Pennsylvanie donnent des exemples de données additionnelles communiquées au sujet des dépenses fiscales, telles que le nombre de bénéficiaires, les coûts administratifs et les références aux dépenses de programmes directs[14].

Pour ces raisons, le BVG a recommandé que le ministère des Finances adopte de meilleures pratiques de reddition de comptes sur les dépenses faites au moyen du système fiscal et fournisse plus de renseignements, notamment sur les recoupements entre les dépenses fiscales et les dépenses de programmes directes, pour améliorer la compréhension de toutes les dépenses gouvernementales, ainsi que les projections des coûts pour les années à venir. De plus, le rapport annuel Dépenses fiscales et évaluations devrait être déposé au Parlement afin de contribuer à la fonction de surveillance de ce dernier[15].

Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal de la Direction de la politique de l’impôt à Finances Canada, a suggéré que le Ministère présente des renseignements importants au public, tels que des renseignements sur les objectifs et la conception des dépenses fiscales fédérales ainsi que les coûts réels et projetés au moyen de son rapport annuel Dépenses fiscales et évaluations et de son document de référence complémentaire, intitulé Dépenses fiscales : Notes afférentes aux estimations et projections[16]. Selon M. Marsland, « [l]e Canada est aussi l’un des rares pays qui publient régulièrement des évaluations des dépenses fiscales. L’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] et le Fonds monétaire international [FMI] ont reconnu la grande qualité des rapports sur les dépenses fiscales produits par le Canada[17]. »

M. Marsland a précisé que « [c]ertains pays fournissent des données supplémentaires que le Canada ne fournit pas actuellement, tandis que d’autres ne publient pas certaines informations fournies par le Canada[18]. » Il a ensuite reconnu que « d’autres pays ou administrations fournissent d’autres points de données – plus de projections de coûts, par exemple –, mais aucune de ces administrations ne fournit toutes ces données. Ce que je dis, c’est que chaque administration fait ses propres choix[19]. » Mme Lavoie a ajouté que :

[L]e Canada décrit les objectifs des mesures fiscales. Nous présentons six années de données. Nos produits sont complets. Les rapports australiens comportent beaucoup de ces renseignements, sauf sur les objectifs, par exemple. Les rapports français sont très exhaustifs, mais ils ne comprennent pas de descriptions. Voilà des exemples des choix différents que nous faisons. Mais je souligne la qualité supérieure des publications de tous ces États. Mais chacun ne choisit pas les mêmes renseignements à présenter[20].

M. Marsland a informé le Comité que le ministère des Finances du Canada fournira, pour toutes les dépenses fiscales, des renseignements sur les coûts projetés pour deux autres années, dans la mesure où il y a suffisamment de renseignements pour en arriver à des hypothèses de projection raisonnables, et qu’il ajoutera de l’information dans le document de référence complémentaire afin de mieux renseigner les lecteurs sur les programmes de dépenses gouvernementales[21].

Parlant de l’ajout de deux années de données sur les projections de coûts, M. Marsland a mentionné qu’il est difficile pour le Ministère d’établir des projections sur les dépenses fiscales sur une longue période :

Certaines dépenses fiscales sont liées aux cycles opérationnels ou au marché, par exemple. Il pourrait être très difficile et même trompeur d’établir des projections de coûts sur de trop longues périodes. Toutefois, nous tenterons d’en fournir le plus possible[22].

ANALYSE DES PROPOSITIONS DE DÉPENSES FAITES AU MOYEN DU SYSTÈME FISCAL

Selon le BVG, le besoin stratégique (pertinence) d’une mesure fiscale, l’efficience et l’efficacité de celle-ci, l’équité et les solutions de rechange, ainsi que les recettes cédées, sont d’importants facteurs qui doivent être pris en considération avant de mettre une mesure fiscale en œuvre. L’examen de ces facteurs constitue une pratique exemplaire pour des organisations telles que l’OCDE et le FMI[23].

Le BVG a examiné si le ministère des Finances du Canada prenait en considération ces éléments clés au moment d’analyser quatre mesures fiscales – le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, le crédit d’impôt pour la condition physique des enfants, le crédit d’impôt pour manuels et le crédit d’impôt pour volontaires participant à des activités de recherche et de sauvetage – avant leur mise en œuvre. Le BVG a constaté que le Ministère analysait les facteurs touchant le besoin stratégique (pertinence), l’efficience, l’efficacité, l’équité et les recettes cédées pour la plupart des mesures fiscales choisies. M. Ferguson a déclaré que « Finances Canada faisait un bon travail pour analyser les nouvelles mesures fiscales avant qu’elles soient mises en œuvre[24] ». Le Ministère n’a toutefois pas pris en considération des solutions de rechange aux mesures fiscales examinées[25].

M. Marsland a insisté sur le fait que Finances Canada « est guidé par des principes judicieux en matière de politique fiscale, conformes aux objectifs visant à garantir la compétitivité, l’efficience, l’équité et la simplicité du régime fiscal[26] ». Il a ensuite déclaré que le travail d’analyse et d’évaluation de la Direction de la politique fiscale est systématique et exhaustif :

Notre cadre d’analyse comporte de nombreux éléments, dont les suivants : évaluer en détail la nécessité d’intervenir sur le plan politique; évaluer une mesure du point de vue de son efficacité à atteindre ses objectifs de politique; vérifier si les mesures répondent aux objectifs de politique fondamentaux, à savoir l’efficience, l’équité et la simplicité; évaluer les options au regard des mécanismes de prestation; examiner les enjeux liés au genre ou à l’environnement, ainsi que les répercussions qu’ils pourraient avoir à l’échelle provinciale et territoriale; évaluer les incidences fiscales éventuelles[27].

Lorsqu’on lui a demandé les raisons pour lesquelles le ministère des Finances n’avait pas pris en considération des solutions de rechange aux mesures fiscales examinées dans le cadre de l’audit, M. Marsland a expliqué qu’une partie du cadre d’analyse du Ministère repose sur l’analyse de solutions de rechange aux mesures fiscales, dans les cas où il est indiqué de le faire[28]. Selon M. Marsland, dans certains cas, il ne convient pas d’envisager des dépenses de programmes directes comme solution de rechange à une dépense fiscale, par exemple lorsqu’une mesure fiscale sert à déterminer avec certitude le revenu aux fins d’impôt[29].

ÉVALUATION DES DÉPENSES FAITES AU MOYEN DU SYSTÈME FISCAL

Selon l’OCDE, il est sage de surveiller les effets des mesures fiscales et de se servir de l’information recueillie pour faire une évaluation officielle de ces mesures[30]. Le BVG a examiné le processus que Finances Canada suit pour surveiller et évaluer les mesures fiscales. Il a aussi cherché à déterminer la mesure dans laquelle le Ministère a évalué les huit mesures suivantes : le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation; le crédit d’impôt pour la condition physique des enfants; le crédit d’impôt pour l’exploration minière pour les détenteurs d’actions accréditives; le crédit en raison de l’âge; le crédit d’impôt pour manuels; le taux spécial d’imposition des coopératives de crédit; les matières de production d’énergie à partir de sources renouvelables non conventionnelles (catégories 43.1 et 43.2); et le crédit d’impôt pour la recherche scientifique et développement expérimental[31].

Le BVG a obtenu des données probantes montrant que le ministère des Finances avait exercé une surveillance de toutes les dépenses sélectionnées faites au moyen du système fiscal[32]. Il a aussi observé que le Ministère avait élaboré des plans de travail à moyen terme pour les travaux d’évaluation à faire sur divers sujets et que ces évaluations pouvaient être publiées dans son rapport annuel. Finances Canada a choisi les mesures à examiner en fonction des priorités courantes et des questions d’intérêt, et les commentaires que le Ministère reçoit des intervenants au sujet de dépenses fiscales possibles ou existantes influent sur les plans de travail[33]. M. Ferguson a cependant signalé que « le ministère des Finances surveillait les dépenses faites au moyen du système fiscal, mais qu’il ne les évaluait pas systématiquement pour s’assurer qu’elles donnaient les résultats escomptés et avaient un rendement à la hauteur des attentes[34] ».

Par exemple, le BVG a constaté que le Ministère n’avait pas évalué quatre des huit mesures examinées : le crédit d’impôt pour l’exploitation minière, le crédit en raison de l’âge, le crédit d’impôt pour manuels et le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation. Bien que le Ministère ait exercé une surveillance de ces crédits, tous les éléments de ces crédits n’ont pas été examinés ensemble. De l’avis du BVG, la surveillance d’éléments choisis ne constitue pas une évaluation, car cela ne donne pas toute la gamme d’information voulue sur la pertinence et le rendement global des mesures fiscales.[35]

M. Marsland n’était pas d’accord avec les conclusions du vérificateur général du Canada, à savoir que le Ministère n’avait pas évalué quatre des huit mesures visées par l’audit, mais il a reconnu que le Ministère devait mieux documenter ses évaluations :

En réalité, nous avons évalué sept de ces mesures et avons fourni des renseignements sur notre rendement. Là où nous ne sommes pas d’accord, c’est s’il existe un document unique qui évalue ce rendement ou si nous avons analysé toutes les composantes sur une période de temps donnée aux fins d’une évaluation[36].

[…] à notre avis, nous évaluons les mesures fiscales de façon efficace, que notre surveillance est adéquate, etc., mais nous convenons qu’il nous faut pouvoir le montrer, tant aux autres, qu’à nous-mêmes[37].

[…] nous examinons systématiquement nos travaux et veillons à ce qu’il n’y ait pas d’écarts, et que s’il y en a, nous nous assurons qu’ils sont corrigés[38].

M. Marsland a précisé que le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation est la seule des huit dépenses fiscales examinées par le BVG que le Ministère n’a pas évalué[39]. En réponse à une question, il a confirmé que le Ministère avait déterminé, à l’issue de ses activités de surveillance et d’évaluation, que le crédit d’impôt pour l’exploration minière donnait les résultats prévus[40].

M. Ferguson a également indiqué que le BVG avait :

constaté des cas où le ministère des Finances avait relevé des problèmes par rapport à certaines mesures fiscales avant de les mettre en œuvre. En dépit de ces problèmes, le Ministère n’avait toujours pas évalué ces mesures fiscales après leur mise en œuvre. Lorsque le Ministère avait effectué une évaluation des mesures fiscales, il n’en avait pas publié les résultats. Par exemple, il a évalué le crédit d’impôt pour la condition physique des enfants, mais il n’a pas publié l’information[41].

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi Finances Canada ne rendait pas publics les résultats de son évaluation du crédit d’impôt pour la condition physique des enfants, M. Marsland a répondu que l’évaluation en question « était un document interne sur l’élaboration d’une politique que nous avons préparé dans l’examen de l’élaboration de la politique[42]. »

Interrogé sur les raisons pour lesquelles Finances Canada n’avait pas évalué le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation même si des risques avaient été identifiés avant sa mise en œuvre, M. Marsland a répondu que :

Je ne sais pas exactement à quels risques on fait référence dans le rapport. Or, avant de parler des éléments précis, je dirais qu’à mon sens et d’après mon expérience, toute mesure fiscale comporte des risques. Il y a toujours des risques, qu’il s’agisse de risques en matière de conformité, ou de risques que la réaction des contribuables ne corresponde pas à celle à laquelle nous nous attendions. Il y a toujours des risques. Notre rôle, c’est de cerner les risques, de les analyser et de les atténuer ou de fournir des moyens de les atténuer. Nous avons suivi l’évolution du crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation. Le gouvernement en a fait rapport dans ses rapports sur le plan d’action économique, et nous continuons de le surveiller en fonction de l’évolution du marché de l’habitation, mais nous n’avons pas effectué d’évaluation sur cette mesure[43].

Au sujet de l’absence d’évaluation de ce crédit malgré les risques identifiés, M. Ferguson a expliqué au Comité que le BVG l’avait:

particulièrement souligné dans le rapport, parce que nous avons estimé qu’il fallait le porter à l’attention du Parlement. Ces types de mesures fiscales pourraient être remplacées par des dépenses de programme directes, qui feraient l’objet d’évaluations périodiques complètes, mais la même rigueur ne s’exerce pas pour l’évaluation de ces types de crédits[44].

Il a également indiqué que « tous les programmes du gouvernement comportent des risques. Je pense que ces risques, pour les dépenses au moyen du système fiscal ou les dépenses de programmes directes, justifient précisément le besoin d’évaluations systématiques et exhaustives[45]. »

Le BVG a recommandé que le ministère des Finances du Canada mène des évaluations systématiques, prioritaires et continues de toutes les dépenses faites au moyen du système fiscal, semblables aux évaluations que tous les ministères et toutes les agences sont tenus de faire à l’égard des dépenses de programmes directes. Selon le BVG, ces évaluations devraient permettre de juger si les mesures demeurent pertinentes; de déterminer si le régime fiscal en question constitue le moyen le plus efficace et le plus efficient pour atteindre les objectifs de politique et donner les résultats escomptés; et de déterminer s’il faut abolir, modifier, remplacer ou conserver les dépenses faites au moyen du système fiscal[46].

Finances Canada a répondu qu’à l’avenir, il « veillera à documenter le processus par lequel il revoit de manière systématique et continuelle les dépenses fiscales. La sélection des dépenses fiscales à évaluer sera guidée par l’analyse déjà effectuée par le Ministère sur ces mesures[47]. »

Par ailleurs, le BVG a recommandé que le ministère des Finances du Canada publie en temps opportun, comme il le fait pour les évaluations des dépenses de programmes directes, des renseignements pertinents sur tous les programmes de dépenses faites au moyen du système fiscal qui ont été évalués afin d’aider les parlementaires et les Canadiens à se pencher sur la pertinence et le rendement de ces dépenses[48].

En réponse à cette recommandation, Finances Canada a indiqué qu’il « veillera à ce que les analyses et les évaluations des dépenses fiscales continuent d’être effectuées conformément à des normes de qualité élevées et que des renseignements pertinents soient accessibles au public, comme il convient[49] ».

SURVEILLANCE DES COÛTS ET ÉCHANGE D’INFORMATION

La conception et la mise en œuvre d’une nouvelle mesure fiscale peuvent influer directement sur la complexité d’un régime fiscal, les coûts administratifs et la conformité[50]. Lorsque le ministère des Finances du Canada élabore une nouvelle dépense faite au moyen du système fiscal, l’ARC évalue s’il lui faut du financement supplémentaire pour couvrir les coûts administratifs additionnels qui en découlent[51].

Le BVG a examiné si le ministère des Finances, avec l’aide de l’ARC et conformément à leurs rôles et responsabilités respectifs, évaluait les aspects administratifs et de conformité ainsi que le caractère exécutoire des dépenses faites au moyen du système fiscal avant leur entrée en vigueur. Il a aussi cherché à déterminer si le Ministère, avec la collaboration de l’ARC, tenait compte de l’information sur la possibilité de problèmes de conformité et les coûts de mise en œuvre de ces dépenses[52]. M. Ferguson a informé le Comité que le BVG avait constaté que l’ARC « surveillait les coûts de mise en œuvre des nouvelles mesures et des activités de conformité. L’agence partageait continuellement de l’information pertinente avec le ministère des Finances du Canada[53]. »

Par ailleurs, le BVG a constaté que l’ARC examinait l’incidence des changements apportés aux mesures fiscales à l’égard de plusieurs aspects opérationnels, par exemple, les effets des mesures sur les gouvernements provinciaux et territoriaux, sur ses propres activités internes et sur ses publications[54]. Il a aussi noté que les responsables de l’ARC avaient suggéré des modifications et des améliorations à la conception et qu’ils avaient donné au Ministère des conseils sur certaines mesures ou répondu à des demandes de renseignements sur les mesures en question[55].

Costa Dimitrakopoulos, directeur général de la Direction de la politique législative au sein de la Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires à l’ARC, a expliqué au Comité que l’Agence travaille avec la Direction de la politique de l’impôt de Finances Canada de deux façons :

Premièrement, lors de l’élaboration d’une mesure législative, nous fournissons des analyses sur l’administration, l’observation, l’exécution et l’établissement des coûts. Deuxièmement, une fois qu’une mesure législative est mise en œuvre, nous évaluons de façon continue l’administration des mesures fiscales afin de déterminer toute conséquence ou tout enjeu imprévus pouvant survenir dans l’application pratique de la mesure législative[56].

M. Dimitrakopoulos a précisé qu’en plus des renseignements présentés à l’appui du ministère des Finances, les analyses de l’ARC permettent aussi à l’Agence de cerner des enjeux importants pour une administration efficace de la modification fiscale, dont les changements à ses systèmes de technologie de l’information, le nombre attendu de demandes de renseignements que la modification engendrera et tous les changements devant être apportés à ses publications[57].

RAPPORT SUR LES PROGRÈS RÉALISÉS

Le ministère des Finances a remis au Comité un plan d’action présentant un certain nombre d’engagements visant à améliorer la quantité et la qualité de l’information sur les dépenses faites au moyen du système fiscal qui est mise à la disposition du Parlement et des Canadiens et de mieux documenter les évaluations de ces dépenses. Selon ce plan d’action, ces engagements devraient être menés à bien d’ici février 2016. Afin de surveiller les progrès accomplis à cet égard, le Comité recommande :

RECOMMANDATION

Que d’ici le 29 février 2016, le ministère des Finances du Canada remette au Comité permanent des comptes publics un rapport présentant les progrès réalisés en vue de donner suite aux recommandations contenues dans le Rapport 3 des rapports du printemps 2015 du Bureau du vérificateur général du Canada.

CONCLUSION

Dans le régime parlementaire du Canada, le gouvernement fédéral doit demander au Parlement l’autorisation de dépenser. Ainsi, l’un des rôles fondamentaux du Parlement est d’examiner et d’approuver les dépenses et d’en tenir le gouvernement responsable. Les dépenses faites au moyen du système fiscal peuvent remplacer les dépenses de programmes directes, mais elles font partie des dépenses législatives, qui sont régies par des lois précises et ne nécessitent pas, une fois par année, l’approbation du Parlement, contrairement aux dépenses de programmes directes, qui font partie des dépenses votées[58]. Cela veut dire que les dépenses faites au moyen du système fiscal ne sont soumises à aucune limite autorisée par le Parlement et qu’elles peuvent ainsi exercer des pressions sur les finances du gouvernement fédéral[59].

Généralement parlant, le BVG a constaté que Finances Canada avait utilisé des pratiques appropriées pour analyser les nouvelles mesures fiscales, surveiller les dépenses faites au moyen du système fiscal et échanger de l’information avec l’ARC. Il a toutefois conclu que le Ministère « devrait déployer des efforts supplémentaires pour gérer les dépenses fiscales comme il se doit ». Il en est arrivé à « cette conclusion parce que ces dépenses n’étaient pas systématiquement évaluées et parce que l’information fournie n’appuyait pas adéquatement le Parlement dans sa fonction de surveillance[60] ».

En réponse aux recommandations du BVG, le ministère des Finances s’est engagé à améliorer la quantité et la qualité de l’information sur les dépenses faites au moyen du système fiscal qui est mise à la disposition du Parlement et des Canadiens et de mieux documenter les évaluations de ces dépenses. Le Comité surveillera les mesures prises par le Ministère pour s’assurer qu’il donne suite à ces engagements importants.


[1]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 – Les dépenses faites au moyen du système fiscal », Printemps 2015 – Rapports du vérificateur général du Canada, 2015, paragr. 3.2.

[2]        Ibid., paragr. 3.4

[3]        Ibid., paragr. 3.5.

[4]        Ibid., paragr. 3.9.

[5]        Ibid., paragr. 3.10 et 3.11.

[6]        Ibid., paragr. 3.12.

[7]        Ibid., paragr. 3.19.

[8]        Ibid., paragr. 3.24.

[9]        Ibid., paragr. 3.25.

[10]        Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 2e session, 41e législature, 25 mai 2015, Réunion no 60, 1610.

[11]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.26.

[12]        Ibid., paragr. 3.23.

[13]        Réunion no 60, 1530.

[14]        Ibid.

[15]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.33.

[16]        Réunion no 60, 1540.

[17]        Ibid.

[18]        Ibid., 1550.

[19]        Ibid.

[20]        Ibid., 1635.

[21]        Ibid., 1540.

[22]        Ibid., 1550.

[23]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.36.

[24]        Réunion no 60, 1530.

[25]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.38 et 3.42.

[26]        Réunion no 60, 1535.

[27]        Ibid.

[28]        Ibid., 1550.

[29]        Ibid.

[30]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.55.

[31]        Ibid., paragr. 3.52 et 3.53.

[32]        Ibid., paragr. 3.55.

[33]        Ibid., paragr. 3.57.

[34]        Réunion no 60, 1530.

[35]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.58.

[36]        Réunion no 60, 1555.

[37]        Ibid., 1625.

[38]        Ibid.

[39]        Ibid., 1620.

[40]        Ibid.

[41]        Ibid., 1530.

[42]        Ibid., 1615.

[43]        Ibid., 1615.

[44]        Ibid., 1640.

[45]        Ibid., 1630.

[46]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.61.

[47]        Ibid., paragr. 3.61.

[48]        Ibid., paragr. 3.63.

[49]        Ibid., paragr. 3.63.

[50]        Ibid., paragr. 3.67.

[51]        Ibid., paragr. 3.68.

[52]        Ibid., paragr. 3.70.

[53]        Réunion no 60, 1535.

[54]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.72.

[55]        Ibid., paragr. 3.74.

[56]        Réunion no 60, 1540.

[57]        Ibid.

[58]        Vérificateur général du Canada, « Rapport 3 », paragr. 3.19 et 3.20.

[59]        Ibid., paragr. 3.20.

[60]        Ibid., paragr. 3.77.