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FINA Rapport du Comité

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INÉGALITÉ DES REVENUS AU CANADA: UN SURVOL

CHAPITRE UN : INTRODUCTION

Le 13 juin 2012, la motion M-315 des Affaires émanant des députés a été adoptée à la Chambre des communes par 161 voix contre 138. Cette motion a donné instruction au Comité permanent des finances de la Chambre des communes d’entreprendre une étude sur l’inégalité des revenus au Canada. Elle indiquait que cette étude devrait inclure :

i) un examen des systèmes canadiens fédéraux et provinciaux d’imposition du revenu des particuliers et des mesures de soutien au revenu, ii) un examen des pratiques exemplaires visant à réduire l’inégalité des revenus et à augmenter le PIB par habitant, iii) le recensement de toute lacune importante dans le régime fiscal fédéral et les mesures de soutien au revenu responsable de l’inégalité des revenus, ainsi que des mesures décourageant l’emploi rémunéré dans l’économie officielle qui pourraient exister dans le cadre d’un « cercle vicieux de l’aide sociale », iv) la formulation de recommandations sur les meilleurs moyens d’améliorer l’égalité des chances et la prospérité pour tous les Canadiens; le Comité devrait faire rapport de ses constatations à la Chambre dans l’année suivant l’adoption de cette motion.

À cette fin, le Comité a tenu trois audiences et reçu des mémoires de la part d’universitaires, de membres de groupes de réflexion, de représentants d’associations, de particuliers et d’autres intervenants, qui ont exposé leurs points de vue sur divers sujets concernant l’inégalité des revenus au Canada.

Des témoins ont également exprimé leurs points de vue sur des sujets comme la pauvreté, qui peuvent être connexes à l’inégalité des revenus, mais pas forcément, car il se peut que les revenus soient distribués de manière très inégale sans qu’il y ait de pauvreté si la personne au bas de la courbe de distribution dispose d’un revenu adéquat. Le Comité a cependant décidé de se concentrer principalement sur les points de vue ayant un lien avec les sujets de la motion M-315 et des sujets qui n’ont pas été étudiés récemment par d’autres comités parlementaires. C’est pourquoi les questions relatives à la pauvreté au Canada en général et au niveau de vie des aînés à faible revenu en particulier ne sont pas abordées dans le présent rapport, car elles ont fait l’objet de plusieurs rapports : Plan fédéral de réduction de la pauvreté : travailler en partenariat afin de réduire la pauvreté au Canada, publié par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, de la Chambre des communes; Le vieillissement de la population, un phénomène à valoriser, publié par le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement; Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion, publié par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Le chapitre deux du présent rapport porte essentiellement sur la mesure de l’inégalité des revenus et de la disparité économique au Canada. Le chapitre trois fait état des commentaires sur les explications possibles de l’inégalité des revenus au Canada. Le chapitre quatre présente les répercussions possibles de l’inégalité des revenus au Canada, tandis que les mesures proposées par les témoins pour réduire l’inégalité des revenus et en atténuer les effets sont exposées au chapitre cinq. Enfin le chapitre six contient les recommandations du Comité.

CHAPITRE DEUX : MESURE DE L’INÉGALITÉ DES REVENUS ET DE LA DISPARITÉ ÉCONOMIQUE AU CANADA

L’inégalité des revenus peut se mesurer de bien des façons, que ce soit à l’aide de concepts relativement simples, comme les déciles, les quintiles et la variation de la distribution des revenus, ou à l’aide de techniques relativement plus pointues comme une courbe de Lorenz ou un coefficient de Gini. Parmi ces mesures, la plupart des témoins du Comité se sont concentrés sur le coefficient de Gini. Ceci étant dit, la disparité des revenus entre individus peut être évaluée sur la base de l’inégalité au chapitre de la consommation ou de la richesse, du degré de mobilité des revenus et de la proportion de citoyens ayant un revenu faible ou vivant dans la pauvreté; les témoins ont aussi discuté de quelques-uns de ces enjeux, tel qu’indiqué ci-dessous.

A. Notions générales

D’après les estimations de Statistique Canada, en 2010, le 1 % des contribuables les mieux nantis regroupait 254 700 personnes, et ceux-ci ont déclaré un revenu médian de 283 400 $. Selon le Conference Board, l’inégalité des revenus s’est accentuée avec le temps; puisque cette tranche de 1 % a représenté au Canada près de 33 % de la croissance du revenu médian depuis la fin des années 1990, comparativement à une croissance de 8 % dans les années 1950 et 1960.

La répartition des revenus, du plus faible au plus élevé, peut s’effectuer de plusieurs façons, par quintile — autrement dit, chaque part de 20 % des revenus de la population — ou par décile — autrement dit, chaque part de 10 % des revenus de la population. Le tableau 1 présente, en dollars constants de 2010, le niveau et le taux de variation du revenu du marché moyen et du revenu moyen après impôt et transferts — ou disponible — au Canada avec le temps, par quintile de revenu. De 1976 à 2010, le revenu moyen du groupe de 20 % de Canadiens ayant les revenus du marché les plus élevés — le quintile supérieur — a augmenté de 28,9 %, tandis que celui des 20 % de Canadiens ayant les revenus du marché les plus faibles — le quintile inférieur — a baissé de 22,5 %. Lorsque le revenu disponible est pris en considération, la disparité entre les quintiles inférieur et supérieur a diminué de 1976 à 2010. Le revenu disponible a augmenté pour chaque quintile de revenu de 1976 à 2010, mais la croissance a été particulièrement notable pour les quintiles inférieur et supérieur, avec des hausses respectives de 15,9 % et 27,1 %.

Tableau 1 — Niveau et variation du revenu du marché moyen et du revenu disponible moyen, toutes les unités familiales, Canada, 1976 et 2010
(dollars constants de 2010)

Quintile

Revenu du marché

Revenu disponible (après impôt et transferts gouvernementaux)

Niveau ($)

Variation

Niveau ($)

Variation

1976

2010

 $

 %

1976

2010

 $

 %

Inférieur

4 000

3 100

-900

-22,5

12 600

14 600

2 000

15,9

Deuxième

27 000

22 500

-4 500

-16,7

30 000

32 700

2 700

9,0

Troisième

49 700

46 300

-3 400

-6,8

46 600

49 700

3 100

6,7

Quatrième

72 800

78 500

5 700

7,8

64 300

73 500

9 200

14,3

Supérieur

129 400

166 800

37 400

28,9

106 600

135 500

28 900

27,1

Note :   Le « revenu du marché » comprend le revenu d’emploi, le revenu net de placements, le revenu de retraite et d’autres formes de revenu ». Le « revenu après impôt et transferts » — qu’on appelle aussi le revenu disponible — ajoute au revenu du marché les transferts gouvernementaux (p. ex. les paiements gouvernementaux pour le maintien du revenu et l’aide sociale) et soustrait l’impôt sur le revenu fédéral et provincial.

« Toutes les unités familiales » inclut les familles économiques et les personnes seules. Une famille économique est définie comme un groupe de deux personnes ou plus qui vivent dans le même logement et qui sont apparentées par le sang, par alliance, par union libre, par adoption ou par une relation de famille d’accueil. Une personne seule est une personne qui vit seule ou avec d’autres personnes avec lesquelles elle n’a aucun lien de parenté, par exemple un colocataire ou un pensionnaire.

Source :     Tableau préparé à partir de données tirées de Statistique Canada, tableau CANSIM 202-0701, « Revenu du marché, total et après impôt, selon le type de famille économique et les quintiles de revenu, dollars constants de 2010 », consultée en avril 2013.

Tel qu’on peut le calculer à partir du tableau 1, l’écart entre le revenu disponible moyen du quintile inférieur et celui du quintile supérieur est passé de 94 000 $ en 1976 à 120 900 $ en 2010.

D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada se classait au 21e rang parmi 34 pays industrialisés du point de vue de l’inégalité des revenus à la fin des années 2000, comme le mesure l’écart entre les 10 % des personnes ayant les revenus les plus élevés et le reste de la population. Le ratio du Canada de 4,2, qui indique que les revenus des 10 % de personnes ayant les revenus les plus élevés sont environ quatre fois plus élevés que ceux du reste de la population, correspondait à peu près à la moyenne de l’OCDE à ce moment.

Une courbe de Lorenz est établie en comparant les pourcentages cumulés du revenu total revenant aux différents pourcentages cumulés de la population, classés depuis les revenus les plus faibles jusqu’aux revenus les plus élevés. La figure 1 montre une représentation théorique des courbes de Lorenz au Pays A, qui révèle une inégalité relativement faible, et au Pays B, qui révèle une inégalité relativement grande. Comme le montre la figure 1, l’inégalité des revenus est plus grande dans un pays que dans l’autre lorsque sa courbe de Lorenz s’approche davantage de la ligne d’inégalité parfaite.

Figure 1 — Courbes de Lorenz théoriques pour le Pays A et le Pays B

Figure 1 — Courbes de Lorenz théoriques
    pour le Pays A et le Pays B

Source :     Joseph L. Gastwirth, “A General Definition of the Lorenz Curve,” Econometrica, Vol. 39, No. 6 (Nov., 1971).

Le coefficient de Gini d’un pays mesure l’aire située entre la courbe de Lorenz du pays et la ligne représentant l’égalité parfaite. Un coefficient de Gini de 1 indique une inégalité maximale, ce qui signifie qu’une seule personne détient tout le revenu et que le reste de la population n’a rien; un coefficient de Gini de 0 indique l’absence d’inégalité, ce qui signifie que tout le monde a exactement le même revenu. En réalité, les coefficients de Gini varient de 0 à 1. En 2010, en utilisant les coefficients de Gini établis à partir du revenu disponible afin de mesurer l’inégalité des revenus, le Canada se classait en 4e position au sein du Groupe des Sept, après le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, comme l’indique la figure 2.

Figure 2 — Inégalité des revenus mesurée par le coefficient de Gini
du revenu disponible, toute la population, Groupe des Sept, 2010

Figure 2 — Inégalité des revenus mesurée
    par le coefficient de Gini du revenu disponible, toute la population, Groupe des Sept, 2010

Source: Figure préparée à partir de données tirées de : Organisation de coopération et de développement économiques, « Distribution des revenus — Inégalités », OECD.StatExtracts

Les coefficients de Gini pour le Canada et quelques pays de l’OCDE établis à partir du revenu disponible de la population âgée de 18 à 65 ans sont illustrés à la figure 3 pour le milieu des années 80 et la fin des années 2000.

Figure 3 — Inégalité des revenus mesurée par le coefficient Gini
du revenu disponible, population âgée de 18 à 65 ans, quelques pays membres
de l’Organisation de coopération et de développement économiques,
milieu des années 1980 et fin des années 2000

Figure 3 — Inégalité des revenus mesurée
    par le coefficient Gini <br />
    du revenu disponible, population âgée de 18 à 65 ans, quelques pays
    membres

Source :     Figure préparée à partir de données tirées de : Organisation de coopération et de développement économiques, « Distribution des revenus — Inégalités », OECD.StatExtracts.

La figure 3 montre qu’à la fin des années 2000 le coefficient de Gini pour le Canada, à 0,324, était plus élevé que la moyenne de 0,311 pour les pays de l’OCDE. En même temps, le coefficient de Gini du Mexique, à 0,476, indiquait que l’inégalité des revenus dans ce pays était plus élevée qu’au Canada; par contre, dans les pays nordiques, le coefficient de Gini d’environ 0,25 indique que l’inégalité des revenus était plus faible dans ces pays qu’au Canada. Du milieu des années 1980 à la fin des années 2000, le coefficient de Gini a augmenté au Canada, tout comme dans quelques autres pays.

Même si l’inégalité des revenus est une mesure de la disparité économique entre les individus, dans leurs études, Jason Clemens de l’Institut Macdonald-Laurier, Yanick Labrie de l’Institut économique de Montréal et Chris Sarlo, de l’Institut Fraser, soutiennent que l’inégalité devrait plutôt être mesurée en fonction de la capacité d’acheter des biens et services, soit l’inégalité sur le plan de la consommation.
Selon ce point de vue, la consommation pourrait donner une indication relativement plus exacte de l’inégalité, puisqu’on mesure ainsi la capacité de maintenir un niveau de vie suffisant.

D’après ces études, les écarts des dépenses de consommation sont plus faibles que les écarts des disparités de revenu, et ils sont restés relativement constants depuis 35 ans. De plus, ces études font remarquer que des disparités relativement faibles et stables de la consommation durant la vie d’une personne peuvent être facilitées par les emprunts et l’épargne, car les gens ont tendance à financer la consommation en empruntant lorsqu’ils sont jeunes et en puisant dans leurs économies lorsqu’ils sont âgés.

En outre, l’étude de M. Clemens pour l’Institut Macdonald-Laurier conteste la fiabilité des revenus déclarés qui, dans certains cas, peuvent exclure des revenus tirés d’activités légales (p. ex. la sous-déclaration de l’aide gouvernementale) et illégales (p. ex. l’économie souterraine).

Une autre forme de disparité économique entre les individus est l’inégalité des avoirs. Tel que montré à la figure 4, le montant médian des avoirs – auquel on soustrait la dette – détenus par le quintile supérieur a augmenté de 28% de 1999 à 2005, alors que le montant médian des avoirs – auquel on soustrait la dette – détenus par le quintile inférieur a diminué de 13% au cours de la période.

Figure 4 – Valeur nette médiane, selon le quintile de valeur nette, 1999 et 2005 (dollars constants de 2005)

Figure 4 – Valeur nette médiane, selon le
    quintile de valeur nette, 1999 et 2005 (dollars constants de 2005)

Note: La valeur nette est égale aux avoirs moins les dettes.

Source: Figure préparée à partir de données tirées de Statistiques Canada, « Avoirs et dettes détenus par les unités familiales, montants médians, selon le quintile de valeur nette », Enquête sur la sécurité financière.

Les coefficients de Gini reflètent un moment donné dans le temps et n’indiquent pas si les écarts de revenu entre ceux qui ont les revenus les plus élevés et ceux qui ont les revenus les plus bas ont changé avec le temps. Des études de M. Labrie de l’Institut économique de Montréal, de Zanny Minton Beddoes pour The Economistet de Miles Corak, Lori Curtis et Shelley Phipps publiée par l’Université Dalhousie constatent que l’inégalité des revenus peut s’expliquer par des facteurs positifs (p. ex. récompense du travail productif) et par des facteurs négatifs (p. ex. les enfants de familles démunies peuvent ne pas avoir les mêmes opportunités). De plus, ces études font observer que l’inégalité des revenus à un moment donné n’est pas nécessairement problématique s’il y a une tendance générale vers une réduction de l’inégalité des revenus lorsqu’on passe de l’enfance à l’âge adulte — la mobilité intragénérationnelle des revenus — ou lorsqu’un enfant vieillit et que son revenu dépasse celui de ses parents — la mobilité intergénérationnelle des revenus.

Selon ce que décrivait l’ancien professeur de l’Université Queen’s Charles Beach, dans Dimensions of Inequality in Canada, « Si tous les travailleurs progressent systématiquement le long d’une trajectoire âge-revenu donnée au fil de leur carrière, l’inégalité des revenus dans l’économie est peu préoccupante socialement. Mais si les travailleurs sont très stratifiés dans les catégories inférieure, moyenne et supérieure de la distribution des revenus tout au long de leur carrière, l’inégalité des revenus est beaucoup plus préoccupante socialement ». [traduction]

Dans son document d’information préparé pour Canada 2020, M. Corak laisse entendre que les perceptions quant à l’importance de l’inégalité dépendent de l’ampleur de la mobilité des revenus et plus particulièrement de la mobilité intergénérationnelle des revenus. Il fait remarquer qu’une grande inégalité des revenus qui persiste d’une génération à l’autre peut faire baisser les niveaux d’efficience et de productivité, et la société pourrait bien être considérée moins juste si l’accès aux emplois est déterminé davantage par l’avantage acquis que par le talent et l’énergie de chacun.

La figure 5, qui illustre la mobilité intergénérationnelle des revenus pour quelques pays de l’OCDE, semble indiquer que les enfants canadiens qui ont grandi durant la période visée par l’étude ont affiché une mobilité intergénérationnelle des revenus relativement élevée; les enfants des pays nordiques ont affiché une mobilité intergénérationnelle des revenus relativement plus élevée.

Figure 5 — Mobilité intergénérationnelle des revenus, coefficient de Gini
du revenu disponible des ménages, quelques pays de l’Organisation
de coopération et de développement économiques

Figure 5 — Mobilité intergénérationnelle
    des revenus, coefficient de Gini <br />
    du revenu disponible des ménages, quelques pays de l’Organisation <br />
    de coopération et de développement économiques

Note :   La figure porte sur la mobilité des revenus des personnes qui étaient des enfants en 1985 et des adultes à la fin des années 2000.

Source :     Figure préparé à partir de données tirées de Miles Corak, Understanding inequality and what to do about it, Université d’Ottawa, Exposé présenté au caucus anti-pauvreté non partisan, Chambre des communes, Ottawa, 12 février 2013.

L’étude mentionnée plus haut de M. Corak et Mmes Curtis et Phipps publiée par l’Université Dalhousie ainsi qu’une autre de M. Corak pour The Pew Charitable Trusts comparant la mobilité intergénérationnelle des revenus au Canada et aux États-Unis ont révélé que la mobilité intergénérationnelle des revenus était jusqu’à trois fois plus élevée au Canada qu’aux États-Unis. Même si les résidents des deux pays accordent probablement une grande importance à la mobilité des revenus et à l’effort individuel, des différences touchant au rôle des familles, au marché du travail et aux politiques pourraient expliquer la mobilité intergénérationnelle des revenus relativement plus grande au Canada. Ainsi, d’après la première de ces études, les politiques publiques au Canada compensent davantage les inégalités relatives aux origines familiales et au marché du travail que celles des États-Unis. Dans un examen de la relation entre la situation économique de la famille et les revenus que peuvent espérer des enfants de familles pauvres lorsqu’ils atteignent l’âge adulte, quatre grandes différences ont été constatées entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne les politiques qui facilitent la mobilité des revenus :

  • Soins de santé : Le régime canadien de soins de santé universels joue un rôle dans les soins préventifs aux enfants, ce qui réduit le nombre et la gravité des chocs de santé qui pourraient provoquer des difficultés encore plus graves.
  • Souplesse concernant les choix de garde des enfants et des heures de travail : Au Canada, les parents semblent avoir plus de souplesse, grâce à d’importants changements des politiques survenus au milieu des années 1990 qui ont allongé les congés payés dans l’année suivant la naissance d’un enfant et confirmé le droit législatif de retrouver leur emploi.
  • Inégalités sur le marché du travail et rôle des programmes fiscaux et de transfert : Sans intervention gouvernementale, les marchés du travail au Canada et aux États-Unis entraîneraient à peu près le même niveau de pauvreté. Mais au Canada, les transferts publics de revenu jouent un rôle beaucoup plus important dans la réduction de la pauvreté chez les enfants canadiens. Ainsi, la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) a grandement réduit la gravité de la pauvreté des parents de jeunes enfants.
  • Écoles publiques : Aux États-Unis, les écoles publiques sont financées par les impôts fonciers locaux; au Canada, le financement est lié à l’impôt sur le revenu provincial, ce qui permet une répartition plus égale des ressources entre les municipalités et les quartiers. L’étude semble indiquer que les meilleurs résultats scolaires des enfants canadiens pourraient être facilités par une répartition plus égale des fonds, ce qui peut contribuer à une meilleure qualité globale de l’éducation.

Outre la répartition par quintile de revenu, Statistique Canada produit deux mesures relatives de faible revenu — le seuil de faible revenu (SFR) et la mesure de faible revenu (MFR), qui comparent le revenu des ménages à un niveau de revenu standard — et une mesure absolue du faible revenu — la mesure du panier de consommation (MPC), qui estime le niveau de revenu minimum nécessaire pour survivre :

  • Le SFR est la limite de revenu, qui varie selon la taille de la famille et de la collectivité, en deçà de laquelle une famille consacre une part plus importante de son revenu à l’achat de nécessités comme la nourriture, le logement et l’habillement qu’une famille moyenne;
  • La MFR mesure les revenus qui sont inférieurs à la moitié du revenu familial médian rajusté en fonction de la taille de la famille;
  • La MPC mesure le revenu disponible dont une famille aurait besoin pour acheter un panier comprenant la nourriture, l’habillement, le transport, le logement et autres nécessités; elle varie suivant la taille de la famille et sa composition ainsi que la taille et la région de la collectivité.

Comme le note le Conference Board du Canada, les pays développés tels le Canada utilisent souvent des mesures relatives comme le SFR et la MFR, qui répartissent les ménages par rapport à un niveau de revenu donné. Les mesures absolues comme la MPC estiment le revenu minimum nécessaire à la survie.

Comme le montre le tableau 2, le pourcentage des personnes à faible revenu varie suivant la méthode de mesure employée tant dans une année donnée qu’au fil du temps.

Tableau 2 — Pourcentage des personnes à faible revenu
âgées de 18 à 64 ans, par méthode de mesure, années diverses

Méthode de mesure

Taux de faible revenu (%)

1976

1986

1996

2000

2010

Seuil de faible revenu après impôt

10,5

11,2

15,0

12,9

10,1

Mesure de faible revenu après impôt

10,0

10,4

12,4

12,7

12,7

Mesure du panier de consommation

n.d.

n.d.

n.d.

12,6

11,1

Notes :       « n.d. » signifie « non disponible »

Les valeurs du seuil de faible revenu après impôt découlent d’une analyse des données de l’Enquête sur les dépenses des familles de Statistique Canada pour 1992. Les niveaux de revenu servant à calculer les valeurs sont choisis dans l’hypothèse que les familles dont le revenu est inférieur à ces niveaux consacrent habituellement plus de 63,6 % de leur revenu à la nourriture, au logement et à l’habillement. Le seuil de faible revenu varie suivant la taille de la collectivité et de la famille. Les taux de faible revenu sont des moyennes globales.

La mesure de faible revenu après impôt est une mesure relative fixée à 50 % du revenu médian des ménages. Elle est rajustée en fonction du nombre de membres que compte le ménage compte tenu des économies d’échelle inhérentes à la taille du ménage. Les taux de faible revenu sont des moyennes globales.

La mesure du panier de consommation correspond au coût d’un panier comprenant le régime alimentaire nutritif, les vêtements et les chaussures, le loyer, le transport et les autres biens et services nécessaires (dont les articles ménagers et ceux de soins personnels). Le coût du panier est comparé au revenu disponible du ménage pour établir les taux de faible revenu. Les taux de faible revenu sont des moyennes globales.

Source :     Tableau préparé à partir de données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 202-0802, « Personnes dans des familles à faible revenu », consultée en avril 2013.

Comme l’illustre la figure 6, la proportion de Canadiens ayant un revenu faible varie selon le groupe d’âge et recule globalement pour chaque groupe d’âge depuis quelques années. Certaines mesures fiscales et transferts fédéraux ont pu contribuer à la diminution des proportions d’enfants, de certains ménages et de personnes âgées vivant avec un revenu faible; ceux-ci comprennent la PFCE, le Supplément de la prestation nationale pour enfants (SPNE), le Crédit remboursable pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée, la Prestation fiscale pour le revenu de travail (PFRT), le Supplément de revenu garanti (SRG) et l’Allocation au survivant.

Figure 6 — Pourcentage de la population ayant un revenu faible, par groupe d’âge, Canada, 1976—2011

Figure 6 — Pourcentage de la population ayant
          un revenu faible, par groupe d’âge, Canada, 1976—2011

Source : Figure préparée à partir de données tirées de Statistique Canada, Tableau 202-0802, « Personnes dans des familles à faible revenu », consultée le 18 octobre 2013.

B. Points de vue des témoins

Stephen Richardson, membre exécutif de l’Université de Calgary, qui a comparu devant le Comité à titre personnel, a expliqué que le coefficient de Gini mesure l’inégalité de la distribution d’une variable, telle que le revenu, par rapport à une situation de parfaite égalité.

Dans la figure 7, présentée au Comité par Alan Walks de l’Université de Toronto, qui s’est exprimé à titre personnel, l’inégalité des revenus au Canada après impôt et transfert, soit le revenu disponible, mesuré par le coefficient de Gini, augmente au fil du temps. En effet, il est passé d’environ 0,36 en 1990 à presque 0,40 en 2010.

Figure 7 — Degré d’inégalité des revenus (mesuré par le coefficient de Gini),
revenu familial avant et après impôt pour tous les types de famille, Canada,
1976-2010

Figure 7 — Degré d’inégalité des
          revenus (mesuré par le coefficient de Gini), revenu familial avant et après
          impôt pour tous les types de famille, Canada, <br />
          1976-2010

Source : Figure fournie au Comité permanent des finances de la Chambre des communes par Alan Walks, Université de Toronto, 5 avril 2013.

J. David Hulchanski et Robert A. Murdie, qui enseignent respectivement à l’Université de Toronto et à l’Université York et qui ont fait part au Comité de leurs points de vue à titre personnel, ont communiqué de l’information sur le coefficient de Gini du Canada dans un contexte international; ils ont comparé le degré d’inégalité du revenu au Canada à celui d’autres pays développés. Comme le montre la figure 8, à la fin des années 2000, le Canada se classait au 5e rang pour ce qui est de l’inégalité du revenu parmi 15 pays occidentaux relativement riches : il venait derrière la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Le Centre canadien de politiques alternatives et M. Walks,  ont indiqué que, du milieu des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000, le Canada avait connu la plus grande augmentation de l’inégalité des revenus après la Finlande, d’après la mesure du coefficient de Gini.

Figure 8 — Coefficient de Gini pour 15 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, fin des années 2000

 Figure 8 — Coefficient de Gini pour
          15 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, fin des années 2000

Note : les coefficients de Gini sont arrondis au centième près.

Source : Version adaptée d’une figure fournie au Comité permanent des finances de la Chambre des communes par J. David Hulchanski, Université de Toronto et par Robert A. Murdie, Université York, 5 avril 2013.

Selon Canada 2020, le Groupe financier Banque TD et Bradley A. Corbett, professeur à l’Université Western qui, avec plusieurs collègues, a présenté ses vues à titre personnel, le coefficient de Gini ne permet pas de mesurer les changements aux deux extrémités de la courbe de distribution du revenu. M. Corbett a mentionné une étude de l’OCDE indiquant que les revenus des personnes à l’extrémité supérieure de la courbe de distribution des revenus augmentent plus rapidement que les revenus des personnes à l’autre extrémité.

Michael R. Veall, professeur à l’Université McMaster qui a exposé ses vues à titre personnel, a expliqué comment les gains économiques se situent disproportionnellement au sommet de l’échelle des revenus. Selon lui, de 1986 à 2012, le revenu disponible des salariés faisant partie des tranches supérieures de 1 %, de 0,1 % et de 0,01 % de l’échelle des revenus s’est accru respectivement de 77 %, de 131 % et de 160 %. Au cours de la même période, le revenu disponible de la tranche inférieure des 90 % de salariés a progressé de 19 %.

La Fédération canadienne des contribuables a laissé entendre que la hausse du revenu du groupe de 1 % de la population qui touche les plus hauts revenus, soit quelque 254 000 personnes, s’est produite parallèlement à l’augmentation de la part que paient ces contribuables des impôts sur le revenu au Canada. Citant un rapport de Statistique Canada, elle souligne qu’en 1982 ce groupe avait versé 13,4 % de l’ensemble des impôts sur le revenu fédéral et provincial, proportion qui est passée à 23,3 % en 2007.

L’Institut économique de Montréal, et Jason Clemens, vice-président exécutif de l’Institut Fraser qui a comparu à titre personnel, ont avancé que la « consommation » donne une idée relativement plus exacte de l’inégalité, car elle mesure la capacité de maintenir un niveau de vie adéquat. Par ailleurs, l’Institut économique de Montréal a indiqué que les inégalités de consommation au Canada ces 30 dernières années ont été moindres que les inégalités de revenus et qu’elles ont très peu changé durant cette période. Il a ajouté que même si les aînés ont généralement des revenus moins élevés que ceux de la population en âge de travailler, ils ont un degré d’inégalité de consommation relativement moins élevé, car ils ont eu l’occasion de se constituer des actifs et peuvent avoir une dette limitée, ce qui leur permet de conserver un niveau de vie adéquat.

Selon le Groupe financier Banque TD et l’Institut C.D. Howe, l’inégalité des avoirs, qui résulte des différences dans la capacité d’accumuler des biens au fils du temps — est aussi un aspect important des disparités économiques au Canada. Selon Social and Enterprise Development Innovations et M. Walks, l’inégalité des avoirs, qui a commencé à croître en 1977 — excède maintenant considérablement l’inégalité des revenus et continue son expansion qui est alimentée par des changements relatifs à la richesse aux deux extrémités du spectre. Comme l’a expliqué Jennifer Robson, conférencière à l’Université Carleton qui a fait part de ses opinions à titre personnel, les personnes qui ont des revenus supérieurs détiennent généralement plus d’actifs et leurs actifs se présentent généralement sous forme d’instruments fiscaux préférentiels qui augmentent la valeur nette des actifs.

Selon l’Institut Fraser, l’Institut économique de Montréal et M. Veall, l’inégalité des revenus à un certain moment, mesurée par le coefficient de Gini, ne pose pas nécessairement problème si, au cours du cycle de vie, elle tend à régresser.

M. Veall, Campagne 2000 et l’Institut économique de Montréal ont fait allusion à diverses études sur la mobilité économique intergénérationnelle. Selon eux, il ressort des études qui comparent la mobilité économique au Canada et aux États-Unis que les résidents de ces deux pays attachent beaucoup de prix à la mobilité économique et à l’effort individuel, mais des différences dans le rôle des familles, les marchés du travail et les politiques publiques concernant les soins de santé, la garde d’enfants et l’instruction peuvent expliquer le degré de mobilité intergénérationnelle relativement plus élevé au Canada.

M. Corak, professeur à l’Université d’Ottawa qui a exprimé ses opinions à titre personnel, a signalé qu’une importante proportion de la population canadienne demeure à faible revenu d’une génération à l’autre. Il a fait remarquer que la mobilité économique intergénérationnelle est peut‑être plus élevée au Canada qu’ailleurs, mais qu’environ le tiers des enfants issus de familles à faible revenu touchent, une fois adultes, de faibles revenus. Le Conference Board du Canada a indiqué au Comité que la mobilité du revenu ne fait pas disparaître tous les effets négatifs de l’inégalité sur la croissance économique et sur l’utilisation des compétences.

Bien que le Comité se soit penché sur l’inégalité des revenus plutôt que sur la pauvreté, un certain nombre de témoins, dont le Groupe financier Banque TD, Campagne 2000, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique, Women’s Centres Connect, l’Institut Broadbent, Ronald Labonté, Arne Ruckert et Sam Caldbick, chercheurs de l’Université d’Ottawa qui ont présenté leurs vues à titre personnel, ainsi que Diana Gibson et Lori Sigurdson, chercheures respectivement à l’Université de l’Alberta et au Alberta College of Social Workers qui ont également présenté leurs vues à titre personnel, ont laissé entendre que l’incidence de la pauvreté dans un pays est positivement reliée au degré d’inégalité des revenus dans ce pays. Dans une autre perspective, l’Institut économique de Montréal a constaté qu’une hausse de l’inégalité des revenus peut se produire en même temps qu’une baisse du taux de pauvreté. Il a indiqué que, de 1995 à 2010, période marquée par une progression des inégalités de revenus et par un recul des mesures de redistribution de la part des gouvernements, le revenu disponible moyen de ceux ayant les revenus les plus faibles a augmenté de 25 % tandis que le nombre de personnes sous le « seuil de la pauvreté » a chuté de plus de 60 %.

Campagne 2000, Citizens for Public Justice et la Table ronde d’Hamilton sur la réduction de la pauvreté étaient d’avis qu’il n’existe pas de seuil de revenu communément accepté en deçà duquel un Canadien est considéré comme « dans la pauvreté ». Cela étant dit, les témoins ont exposé diverses mesures du faible revenu. Par exemple, le Centre canadien de politiques alternatives et le Conference Board du Canada ont fait état de la tendance générale de l’augmentation des taux de faible revenu, comme l’indique la MFR, qui permet de calculer les revenus qui se trouvent sous la moitié du revenu familial médian, rajusté en fonction de la taille de la famille.

L’Institut économique de Montréal et le Groupe financier Banque TD ont fait mention de la baisse des taux de faible revenu observée depuis le milieu des années 1990, mesurés par le SFR, soit le seuil en deçà duquel une famille d’une certaine taille vivant dans une collectivité d’une certaine taille consacre une part plus importante
de son revenu à l’alimentation, à l’habillement et au logement que ne le ferait une famille moyenne.

Beverley Smith, qui a présenté son point de vue à titre personnel, a fait valoir que, quelle que soit la mesure utilisée, la pauvreté, surtout chez les enfants, persiste, et limite la capacité de chaque enfant de disposer d’un soutien financier suffisant pour s’épanouir et jouir de la sécurité financière.

M. Clemens a fait observer que trois principaux groupes demeurent généralement en situation de faible revenu : les chefs de famille monoparentale, les personnes qui n’ont pas terminé leurs études secondaires et celles qui sont aux prises avec un problème de toxicomanie ou d’alcoolisme.

Le Conference Board du Canada a indiqué que le taux de faible revenu des aînés a reculé par rapport aux niveaux des années 1970 de sorte que le Canada a maintenant l’un des taux de faible revenu des aînés parmi les plus bas dans le monde; par contre, ce taux a légèrement augmenté ces dernières années.

CHAPITRE TROIS : CAUSES POSSIBLES DE L’INÉGALITÉ DES REVENUS AU CANADA

La nature et l’ampleur de l’inégalité des revenus au Canada, et leur évolution au fil des années, peuvent s’expliquer par bien des facteurs, notamment les forces du marché et les forces institutionnelles, tout comme l’évolution démographique. Plusieurs de ces forces et changements ont été décrits par les témoins du Comité.

A. Notions générales

Selon des études effectuées par Lars Osberg de l’Université Dalhousie et par l’OCDE, les forces du marché sont le principal facteur qui influe sur l’inégalité des revenus au Canada et dans le monde. Par exemple, la mondialisation et les progrès technologiques accentuent la disparité des revenus d’emploi entre les personnes à revenu très élevé et les personnes à très faible revenu. Avec la mondialisation de la production, les emplois manufacturiers au Canada ont été délocalisés dans des pays où les taux de rémunération moyens sont relativement plus bas. Par ailleurs, les taux de rémunération et les niveaux d’emploi ont progressé au Canada pour les travailleurs très spécialisés, surtout dans le secteur des technologies de l’information. La figure 9 montre les salaires annuels moyens dans un certain nombre de pays choisis, alors que les figures 10 et 11 indiquent les taux de chômage au Canada – y compris pour les jeunes, taux qui demeure élevé malgré la reprise économique du pays de la crise financière et économique mondiale – et dans certains pays choisis, respectivement.

Figure 9 — Salaires annuels moyens, pays choisis de l’Organisation de coopération et de développement économiques, 2011 (dollars US, parités de pouvoir d’achat de 2011)

Figure 9 — Salaires annuels moyens,
          pays choisis de l’Organisation de coopération et de développement économiques,
          2011 (dollars US, parités de pouvoir d’achat de 2011)

Note: Les parités de pouvoir d’achat correspondent aux taux de conversion monétaire qui égalisent les pouvoirs d’achats de diverses devises, en éliminant les différences de niveaux de prix existant entre les pays.

Source: Figure préparée à partir des données tirées de l’Organisation de coopération et de développement économiques, « Salaires annuels moyens », Statistiques de l'OCDE sur l'emploi et le marché du travail.

Figure 10 — Taux de chômage, par groupe d’âge, Canada, 1976-2012 (%)

Figure 10 — Taux de chômage, par groupe
          d’âge, Canada, 1976-2012 (%)

Source: Figure préparée à partir de données tirées de Statistique Canada, tableau 282-0002, « Estimations de l’Enquête sur la population active (EPA), par sexe et groupe d’âge détaillé », consultée le 8 novembre 2013.

Figure 11 – Taux de chômage pour les jeunes et la population, pays choisis de l’Organisation de coopération et de développement économiques, 2012 (%)

Figure 11 – Taux de chômage pour les
          jeunes et la population, pays choisis de l’Organisation de coopération
          et de développement économiques, 2012 (%)

Source: Figure préparée à partir de données tirées de l’Organisation de coopération et de développement économiques, Taux de chômage % de la population active totale et Taux de chômage des jeunes % de la population active des jeunes.

Des études menées par Nicole Fortin, David A. Green, Thomas Lemieux, Kevin Milligan et Craig Riddell, professeurs à l’Université de la Colombie-Britannique ainsi que par Ajit Singh et Rahul Dhumale, — qui travaillaient à l’époque à l’Université des Nations Unies — et l’Institut Broadbent révèlent que les forces institutionnelles peuvent influer sur l’inégalité des revenus. D’après ces études, le déclin des taux de syndicalisation, la stagnation du salaire minimum, la déréglementation et des politiques fédérales et provinciales en matière d’impôt qui favorisent les riches coïncident avec le creusement des disparités des revenus entre ceux qui ont des revenus élevés et ceux qui ont de faibles revenus.

En ce qui concerne le régime fiscal et le système des transferts au Canada, quelques études de Mme Fortin et MM. Green, Lemieux, Milligan et Riddell ainsi que de l’OCDE semblent indiquer que les régimes fiscaux fédéral, provinciaux et territoriaux sont devenus moins progressistes en raison de changements ayant surtout profité aux salariés à revenu élevé, comme la diminution des taux marginaux d’imposition pour les plus nantis, la création de crédits d’impôt fédéraux non remboursables et la baisse de l’imposition des gains en capital. Qui plus est, Action Canada, l’OCDE et le Caledon Institute of Social Policy font valoir que l’efficacité du système des transferts a diminué à cause des réductions des prestations d’aide sociale et de l’adoption de critères d’admissibilité plus stricts pour les programmes fédéraux et provinciaux de maintien du revenu tel le programme d’assurance-emploi (AE).

En ce qui concerne l’impact du régime fiscal sur les revenus faibles, bien que le gouvernement fédéral ait instauré diverses politiques fiscales pour accroître le revenu disponible des personnes ayant peu ou pas de revenu du marché du travail, l’Institut Broadbent, le Conseil national du bien-être social et le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, montrent qu’il faudrait améliorer les politiques publiques visant à amoindrir les répercussions négatives du passage de l’aide sociale à un travail rémunéré. Selon ces études, ceux recevant des prestations d’aide sociale telles que des versements d’aide sociale et des allocations pour le soin des enfants ou de logement,  sont pris au « piège de l’aide sociale », leurs prestations étant réduites s’ils gagnent un revenu d’emploi.

De manière plus générale, l’Institut Broadbent, le Conseil national du bien-être social et le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes préconisent une amélioration du système d’imposition et de transfert pour assurer aux plus démunis sur le plan économique un revenu plus décent et plus stable et pour fournir un soutien financier en période de difficultés financières. L’Annexe A précise certains éléments du système canadien d’imposition et de transfert.

Des études de l’OCDE et du Conference Board du Canada ainsi qu’une autre de M. Veall et d’Emmanuel Saez de l’Université de Californie à Berkeley indiquent que, de 1976 à 1994, le régime fiscal et le système des transferts du Canada ont été relativement efficaces pour réduire l’inégalité des revenus. Mais ces études font penser que depuis, l’effet redistributif de ces systèmes a été relativement moins efficace pour réduire l’inégalité des revenus au Canada; elles soutiennent également qu’il y a eu peu de changement à cet égard depuis le début des années 2000.

Comme le montre la figure 12, d’après le coefficient de Gini du Canada, l’inégalité du revenu disponible a diminué dans les années 1980, le coefficient atteignant un creux de 0,281 en 1989. D’après cet indicateur, l’inégalité des revenus a augmenté dans les années 1990, et est restée à environ 0,32 depuis le début des années 2000.

Figure 12 — Inégalité des revenus du marché et inégalité des revenus disponibles, mesurées par le coefficient de Gini, 1976-2010 (dollars constants
de 2010, corrigé en fonction de la taille du ménage)

Figure 12 — Inégalité des revenus du
          marché et inégalité des revenus disponibles, mesurées par le coefficient de
          Gini, 1976-2010 (dollars constants de 2010, corrigé en fonction de la taille du ménage)

Note :   Pour tenir compte des économies d’échelle présentes dans les plus gros ménages, les revenus des ménages sont exprimés en « équivalents par adulte ».

Les zones ombrées dans la figure représentent la durée des grandes récessions au Canada, en se fondant sur des renseignements tirés de l’Institut C.D. Howe, C.D. Howe Institute Business Cycle Council Issues Authoritative Dates for the 2008/2009 Recession.

Source :     Figure préparée à partir de données tirées de Statistique Canada, tableau CANSIM 202-0709, « Coefficients de Gini du revenu du marché, total et après impôt des individus », consultée en avril 2013.

Quelques études affirment que c’est pour moins inciter les Canadiens ayant un revenu élevé à s’installer dans une province où l’impôt sur le revenu des particuliers est moins élevé ou à chercher des moyens de réduire leur revenu imposable dans la province où ils résident que les taux marginaux d’imposition applicables sur les revenus les plus élevés n’ont pas augmenté au Canada. Selon Alexandre Laurin de l’Institut C.D. Howe, pour l’année d’imposition 2010, une hausse de 1 % du taux marginal « après impôt » sur les revenus les plus élevés a entraîné une baisse de 0,7 % du revenu imposable déclaré par les contribuables visés. D’autres études, comme celle de MM. Saez et. Veall mentionnée plus haut, indiquent que le recul des taux marginaux d’imposition les plus élevés peut aussi expliquer la hausse observée de la part du revenu total des hauts revenus par rapport aux faibles revenus.

À l’opposé de ces points de vue, selon lesquels les modifications du régime fiscal expliquent en grande partie la plus grande inégalité des revenus, d’autres études — notamment celle de John Kesselman, de l’Université Simon Fraser, et de Ron Cheung, alors étudiant des cycles supérieurs à l’Université de la Colombie-Britannique, publiée dans Dimensions of Inequality in Canada — suggèrent que l’incidence des transferts gouvernementaux sur la hausse des revenus des deux quintiles de revenu inférieurs est proportionnellement plus forte que celle de l’impôt sur le revenu des particuliers sur la réduction des revenus nets des deux quintiles de revenu supérieurs. D’après l’étude du Centre d'étude des niveaux de vie, les transferts des gouvernements fédéral et provinciaux comptent depuis 30 ans pour environ 70 % de la réduction de l’inégalité des revenus mesurée par le coefficient de Gini du revenu du marché, contre environ 30 % pour le régime fiscal.

B. Points de vue des témoins

En ce qui concerne les facteurs démographiques qui expliqueraient l’inégalité des revenus au Canada, un certain nombre de témoins ont indiqué que le vieillissement, la question de l’égalité entre les sexes et les difficultés d’intégration de groupes désavantagés sur le marché du travail pourraient accroître l’inégalité des revenus dans les années à venir. Selon le Frontier Centre for Public Policy et Mme Fortin, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique qui a présenté ses vues à titre personnel, les jeunes et les personnes peu instruites — qui sont généralement à l’extrémité inférieure de l’échelle des revenus — risquent le plus d’être exclues des emplois à temps plein assortis d’une sécurité et d’avantages sociaux, et les problèmes de participation au marché du travail se posent pour bon nombre des personnes au milieu de la courbe de distribution des compétences professionnelles et des salaires.

Selon le Frontier Centre for Public Policy, l’inégalité des revenus au Canada devrait augmenter avec le temps, et le fossé se creuser entre travailleurs âgés et jeunes travailleurs. L’organisme s’attend à ce que l’inégalité des revenus augmente à mesure que les travailleurs avancent en âge et gravissent l’échelle de revenus, car les travailleurs âgés ont généralement plus d’expérience et de compétences et, partant, un salaire relativement plus élevé. Les jeunes travailleurs occupent généralement des « emplois précaires » qui sont, comme l’indique Poverty and Employment Precarity in Southern Ontario, des emplois dépourvus de la sécurité ou des avantages qu’offrent habituellement les emplois plus traditionnels. Comme l’a fait remarquer l’Institut Broadbent, plus du tiers des travailleurs canadiens n’occupent pas un emploi permanent à temps plein.

Selon certains témoins, dont le Conseil des Canadiens avec déficiences, Womens Centres Connect, M. Walks et l’Assemblée des Premières Nations, la hausse des « emplois précaires » risque de se répercuter lourdement sur les groupes démographiques désavantagés, comme les femmes, les immigrants, les Autochtones et les personnes handicapées. Le Conseil des Canadiens avec déficiences et Womens Centres Connect ont indiqué que les femmes risquent plus que les hommes de se retrouver dans une situation de faible revenu pour différentes raisons : soins à prodiguer à la famille, monoparentalité et possibilités moindres d’occuper un emploi stable et bien rémunéré. En ce qui concerne les immigrants, M. Walks a expliqué que le revenu moyen des nouveaux immigrants diminue avec le temps; les immigrants sont généralement moins bien rémunérés et travaillent moins d’heures. Quant aux Autochtones, l’Assemblée des Premières Nations a dit au Comité que les Autochtones ont généralement un revenu de 30 % inférieur à celui des autres Canadiens. L’organisme a cité une étude réalisée en 2010 par le Centre canadien de politiques alternatives selon laquelle, au rythme où évoluent les choses, il faudrait 63 ans pour combler le fossé des revenus entre Autochtones et non-Autochtones.

Mme Fortin a parlé de la « polarisation » des gains des hommes aux États-Unis dans les années 1990, phénomène selon lequel le gain médian des hommes n’a pas augmenté autant que le gain des hommes aux extrémités de l’échelle des revenus; ce phénomène se produit au Canada depuis quelques années. Depuis la fin des années 1990, le salaire horaire réel médian des hommes canadiens s’est accru d’environ 5 % tandis que le salaire des hommes à l’extrémité supérieure de l’échelle s’est accru de 12 % et le salaire de ceux qui se trouvent à l’extrémité inférieure a augmenté de 9 %. Mme Fortin a fait savoir au Comité que, contrairement au salaire des hommes qui s’est polarisé depuis la fin des années 1990, le salaire des femmes à tous les niveaux de rémunération n’a cessé de se rapprocher de celui des hommes bien qu’il y soit toujours inférieur.D’autres témoins ont parlé du rôle des forces du marché dans l’accroissement de l’inégalité des revenus au Canada et ailleurs dans le monde. Selon certains d’entre eux, dont M. Corak, le Groupe financier Banque TD, le Frontier Centre for Public Policy, Mme Fortin et Edward J. Farkas qui a exprimé ses opinions à titre personnel, la mondialisation et l’évolution technologique ont pour effet de creuser l’écart des gains d’emploi entre ceux ayant des revenus très élevés et ceux ayant des revenus très faibles. Selon eux, avec la mondialisation de la production, les emplois dans le secteur manufacturier ont été confiés à des pays où les taux de salaire sont relativement moins élevés. Ces témoins ont fait observer que, du même coup, les travailleurs occupant des emplois hautement spécialisés au Canada, surtout dans le secteur de la technologie de l’information, ont vu leurs taux de salaire et leurs niveaux d’emploi augmenter.

En ce qui concerne les répercussions de la mondialisation et de l’évolution technologique sur la main‑d’œuvre canadienne, M. Corak a expliqué au Comité que la valeur accordée aux compétences des gens accomplissant un travail répétitif, qu’il s’agisse d’un travail physique ou intellectuel, a énormément diminué, alors que l’inverse vaut pour ceux qui effectuaient un travail non répétitif. De même, Mme Fortin a signalé que la mondialisation et l’évolution technologique entraînent l’élimination d’emplois à prédominance masculine au milieu de l’échelle des salaires, étant donné que de petits salariés dans d’autres pays remplacent ces travailleurs. Parallèlement, les femmes sont touchées par la disparition de nombreux emplois de bureau peu spécialisés.

Selon le Groupe financier Banque TD, la combinaison de l’augmentation du nombre de diplômés universitaires et d’emplois hautement spécialisés, et de la diminution du nombre d’emplois peu spécialisés au Canada risque probablement d’augmenter l’inégalité des revenus. Le Frontier Centre for Public Policy a indiqué que la hausse de la demande de main-d’œuvre hautement spécialisée, attribuable aux forces du marché mondial, devrait se poursuivre et représenter des gains importants pour les personnes ayant un revenu élevé.

Des témoins, dont le Syndicat canadien de la fonction publique, Mme Fortin, l’Institut du Nouveau Monde et M. Walks, ont fait état des forces institutionnelles, comme la baisse des taux de syndicalisation, la stagnation du salaire minimum et la déréglementation du milieu de travail, autant de facteurs qui concourent à l’inégalité des revenus. Selon le Syndicat canadien de la fonction publique et l’Institut Broadbent, l’égalité et les taux de syndicalisation sont positivement reliés; quand les taux de syndicalisation baissent, l’inégalité des revenus augmente de même que la part du revenu attribuée à la tranche supérieure de 1 % des salariés.

Mme Fortin a souligné que le taux de syndicalisation des hommes est passé de 47 % en 1980 à 25 % en 2012. Elle a expliqué que cette baisse contribue à la polarisation des gains des hommes, car la prime syndicale pour les hommes est le plus élevée dans le bas de l’échelle des revenus. Elle a également expliqué que le salaire minimum atténue l’inégalité croissante des salaires au bas de la distribution des revenus, notamment pour les femmes et pour les jeunes travailleurs.

L’Institut du Nouveau Monde a indiqué que la polarisation des salaires s’est produite en même temps que la baisse du taux de syndicalisation et de la hausse de la concurrence par suite de la libéralisation des échanges. Du point de vue des secteurs industriels, M. Walks a expliqué au Comité que la polarisation est due au transfert des emplois manufacturiers attribuable à la mondialisation et à la baisse du taux de syndicalisation qui entraîne une baisse des salaires des travailleurs à revenu moyen. Il a mentionné que les emplois à revenu moyen rémunérés adéquatement disparaissent peu à peu pour faire place à des emplois à revenu élevé dans le secteur des services opérationnels, des finances, des ventes et de la gestion, ou encore à des emplois à faible revenu dans le secteur des services offrant peu de protection et d’avantages.

Des témoins ont parlé du rôle de la déréglementation du milieu du travail dans la hausse de l’inégalité des revenus. Comme l’a expliqué M. Walks, la déréglementation et le recul des régimes d’aide sociale ont fait disparaître nombre de mesures de protection pour les chômeurs et contraint les ménages à faible revenu à travailler davantage moyennant des salaires plus bas; parallèlement, les revenus des cadres supérieurs ont augmenté. À propos de la déréglementation du secteur non financier et de la rémunération des cadres, Richard Wilkinson, professeur émérite à l’Université de Nottingham qui a comparu à titre personnel, a indiqué que les cadres des 300 plus grandes sociétés des États-Unis gagnaient de 25 à 30 fois plus que l’employé de la production moyen en 1980; au début des années 2000, ils gagnaient de 300 à 400 fois plus. L’Institut du Nouveau Monde a formulé des observations semblables.

CHAPITRE QUATRE : RÉPERCUSSIONS POSSIBLES DE L’INÉGALITÉ DES REVENUS AU CANADA

L’inégalité des revenus au sein d’un pays peut avoir des effets divers, notamment sur la croissance économique, l’intégration sociale, la santé, et les villes,
les collectivités et les quartiers. Les témoins du Comité ont discuté de certains de ces impacts.

A. Notions générales

Selon le Conference Board du Canada « une grande inégalité peut réduire la croissance économique si elle signifie que le pays n’exploite pas pleinement les compétences et les capacités de tous ses citoyens ou si elle sape la cohésion sociale et accentue ainsi les tensions. Deuxièmement, une grande inégalité soulève une question morale concernant l’équité et la justice sociale ». Mark Cameron, dans son document destiné à Canada 2020, a expliqué qu’une inégalité extrême des revenus, même lorsque les revenus des moins bien nantis augmentent, peut miner le sentiment de cohésion sociale nécessaire dans une société démocratique. Action Canada a formulé des commentaires dans le même esprit.

Comme le montre le tableau 1 et comme en concluent Action Canada, l’Institut Broadbent, les Services économiques TD, et Mme Fortin et MM Green, Lemieux, Milligan et Riddell dans leur étude mentionnée plus haut, il y a eu une polarisation, ou une érosion, des contribuables à revenu moyen au Canada; ce phénomène a aussi été constaté aux États-Unis, et pourrait compromettre une reprise économique durable.

D’après le Fonds monétaire international (FMI) et l’OCDE, la relation entre l’inégalité des revenus et la croissance économique est complexe : même si l’inégalité peut limiter la croissance, il faut une certaine inégalité pour favoriser l’investissement et la croissance.

Le FMI, l’OCDE et le Centre canadien de politiques alternatives font observer que la hausse de l’inégalité des revenus peut réduire les possibilités d’emprunt des particuliers et les investissements dans le capital humain, deux facteurs qui appuient l’acquisition de compétences productives et l’activité entrepreneuriale; le résultat de l’accroissement de l’inégalité des revenus est de réduire la croissance et le potentiel économiques ainsi que le niveau de vie à long terme.

D’après certaines études, la croissance continue de l’inégalité des revenus pourrait nuire à l’intégration sociale, ce qui se ferait sentir dans toute la société. Dans le scénario le plus pessimiste envisagé dans l’étude de Deloitte et de l’Association des professionnels en ressources humaines, si les tendances actuelles de l’inégalité des revenus se poursuivent, en 2025, l’inégalité des revenus se sera creusée davantage entre les quintiles de revenus inférieurs et supérieurs, et les personnes désenchantées — au chômage ou dans des emplois précaires et mal rémunérés — seront plus nombreuses que celles ayant un emploi sûr et bien rémunéré. L’étude indique également que le chômage, le sous-emploi et une moindre participation à la vie active donneraient lieu à une attitude « nous contre eux », que les groupes marginalisés s’organiseraient et seraient plus actifs et que les Canadiens pourraient être de plus en plus nombreux à descendre dans la rue et à déclencher des grèves générales.

De même, dans The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone, Richard Wilkinson et Kate Pickett — co-fondateurs du Equality Trust britannique — soulignent que l’inégalité des revenus devrait préoccuper tous les citoyens et tous les gouvernements. Ils y soutiennent que la qualité de vie diminue pour tous dans les sociétés où il existe de profondes disparités entre ceux qui se trouvent au sommet et ceux qui se trouvent au pied de l’échelle des revenus. D’après eux, l’observation des faits démontre que réduire l’inégalité, mesurée par les écarts de revenus, est la meilleure manière d’améliorer la qualité de l’environnement social et, par conséquent, la qualité de vie réelle, pour tous.

Enfin, d’après M. Wilkinson et Mme Pickett, l’inégalité des revenus est un indicateur du degré de la « hiérarchie sociale », ou du degré des connexions entre les individus dans une société. Ils affirment que les problèmes sociaux et de santé sont plus fréquents au bas de la « hiérarchie sociale » qu’au sommet, et plus fréquents dans les sociétés plus inégales.

B. Points de vue des témoins

Certains des témoins qu’a entendus le Comité, notamment le Conference Board du Canada, le Centre canadien de politiques alternatives et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, étaient d’avis qu’une forte inégalité de revenus pouvait entraver la croissance économique. Le Centre canadien de politiques alternatives et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada ont fait mention d’un rapport produit en 2011 par le FMI qui a pour titre Inequalityand Unsustainable Growth: Two Sides of the Same Coin? et qui révèle que l’augmentation de l’inégalité des revenus peut réduire les possibilités d’emprunt des gens et les investissements dans le capital humain, deux facteurs qui soutiennent l’acquisition de compétences productives et les activités d’entrepreneuriat; il en résulte une baisse de la croissance économique, du potentiel économique et des niveaux de vie à long terme.

Dans le même ordre d’idées, M. Wilkinson a affirmé que la plupart des recherches qui ont porté sur la relation entre l’égalité des revenus et la croissance économique donnent à penser qu’une plus grande égalité favorise la croissance, notamment parce que les sociétés moins égalitaires présentent une plus faible cohésion sociale. L’Institut du Nouveau Monde a soutenu que, lorsqu’il existe un écart trop grand entre les revenus, les riches ne voient pas l’utilité d’augmenter leur productivité, de créer des emplois et d’investir parce que l’avantage d’une augmentation marginale est insuffisant pour encourager un investissement additionnel.

En revanche, d’autres témoins, dont le Conference Board du Canada, le Groupe financier Banque TD et Canada 2020, soutenaient qu’une inégalité des revenus modérée peut avoir une incidence positive sur la croissance économique, car elle favorise l’efficience, l’innovation et l’entrepreneuriat.

M. Veall a fait mention de recherches mettant en lumière le faible rendement du secteur canadien des entreprises par rapport à celui d’autres pays, qui résulte selon lui du peu d’engagement à l’égard de la reddition de comptes envers les actionnaires et du taux élevé de délits d’initiés. Il estime que ces facteurs pourraient expliquer les salaires élevés que touchent les dirigeants et pourraient compliquer la tâche aux entreprises qui veulent obtenir des capitaux ou remplacer des administrateurs incompétents.

L’Association médicale canadienne, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et Centraide Toronto ont fait savoir au Comité que les pays qui déclarent le meilleur état de santé de leur population sont ceux où l’égalité des revenus est la plus grande et non ceux dont la richesse est la plus grande. De façon analogue, l’Association médicale canadienne a indiqué que l’inégalité des revenus peut entraîner des inégalités dans le domaine de la santé : les personnes ayant un revenu inférieur au « seuil de la pauvreté » ont des taux plus élevés de suicide, de maladies mentales, d’invalidité, de cancer, de maladies du cœur et de maladies chroniques comme le diabète. Ces personnes risquent 1,9 fois plus d’être hospitalisées; elles ont 60 % moins de chances de subir des examens visant à déceler des troubles de santé et elles sont 3 fois moins enclines à présenter leurs ordonnances en raison des coûts.

En ce qui a trait au financement du régime de santé, l’Association médicale canadienne a indiqué que, selon une estimation, environ 20 % des dépenses en santé au Canada peuvent être attribuées aux seules disparités de revenus. L’Association a également fait mention d’une étude réalisée en 2011 par le Saskatoon Poverty Reduction Partnership, qui a révélé que, au cours d’une année, les soins de santé des personnes à faible revenu dépassaient de 179 millions de dollars ceux des personnes ayant un revenu moyen.

Le Conseil canadien de développement social est d’avis que si on laisse l’inégalité couver, on mettra en péril le tissu même de la société canadienne. Selon Patricia Rogerson, qui a exposé ses vues à titre personnel, l’égalité profite au gouvernement et aux citoyens. Centraide Toronto a mentionné que des données provenant de pays développés montrent qu’un taux d’inégalité élevé fait grimper la dysfonction sociale, un phénomène qui touche non seulement les pauvres, mais aussi les gens de tous les paliers de revenus. Au dire de Robin Boadway, professeur à l’Université Queen’s qui a comparu à titre personnel, à mesure que le Canada se décentralise, les groupes de personnes qui relèvent des provinces ont perdu du terrain et reçoivent peu de soutien du gouvernement fédéral. M. Boadway estime que ces déséquilibres mettent en péril le tissu social canadien.

M. Walks a indiqué que les villes canadiennes sont de plus en plus inégales et divisées : les résidents ont soit un revenu élevé, soit un faible revenu. Il a ajouté qu’avec le temps, les revenus dans chacun de ces deux groupes finiront par se ressembler, tandis que les différences entre ces groupes seront plus marquées. MM. Hulchanski et Murdie ont décrit un phénomène semblable : selon eux, la polarisation des revenus dans les grandes régions métropolitaines du Canada au cours de la période allant de 1970 à 2010 était attribuable au déclin des emplois bien rémunérés dans le secteur manufacturier, à l’augmentation des postes de gestion et de professions libérales très bien rémunérés ainsi qu’à l’augmentation des emplois peu rémunérés dans le secteur des services. Selon eux, par suite de ces changements, les nouveaux immigrants, en particulier ceux qui occupent des « emplois précaires » à l’extrémité inférieure de l’échelle, ont du mal à s’établir au Canada. Le Centre canadien de politiques alternatives a fait mention d’une recherche effectuée par le Centre for Urban and Community Studies de l’Université de Toronto qui montre que l’inégalité des revenus conduit à la création de quartiers « riches » et de quartiers « pauvres » et à moins de quartiers de la classe moyenne. Il a ajouté que ces quartiers engendrent des problèmes sur le plan du développement des enfants et de leurs possibilités futures. Selon Centraide Toronto, quand les strates inférieure et moyenne de la société ont de faibles revenus, les dépenses de ces groupes sont limitées, ce qui gêne la croissance économique des collectivités locales.

En ce qui concerne certaines villes, la Table ronde d’Hamilton sur la réduction de la pauvreté a mentionné un rapport dans lequel il est indiqué que, parmi les habitants de Hamilton, la tranche des 20 % les plus pauvres avait 5 % des revenus totaux et les 20 % plus riches, 41 % des revenus. Dans ce rapport, il est également indiqué que la tranche des 20 % les plus riches parmi les résidents de Hamilton dispose de revenus environ 8 fois plus élevés que la tranche des 20 % les plus pauvres.

De l’avis de divers témoins, dont l’Atira Women’s Resource Society, l’Association canadienne pour l’intégration communautaire, Face of Poverty Consultation et Canada sans pauvreté, une inégalité profonde des revenus peut avoir des conséquences négatives pour l’ensemble de la société, quoique certains groupes — tels que les femmes, les jeunes, les aînés, les Autochtones, les immigrants et les personnes handicapées — sont davantage affectés par l’exclusion sociale. Selon l’Institut C.D. Howe, l’inégalité excessive des revenus, des avoirs ou de la richesse se solde par des bouleversements sociaux et par un manque de confiance dans la société.

Comme l’a fait observer l’Institut Broadbent, les sociétés touchées par des inégalités marquées s’en tirent beaucoup moins bien sur le plan socioéconomique. De même, M. Wilkinson a indiqué qu’à mesure que l’écart de revenus s’élargit dans une société, les résultats sociaux se détériorent plus rapidement que ceux des sociétés où l’inégalité des revenus est moins prononcée.

Poverty and Employment Precarity in Southern Ontario a fait savoir au Comité que lorsqu’il existe un large fossé entre les personnes ayant un revenu élevé et celles qui ont un faible revenu, les personnes qui occupent un emploi « précaire » peuvent perdre leur sentiment d’appartenance à la communauté. Selon l’organisme, l’« emploi précaire » devient de plus en plus la « norme » dans la société. Il a fait mention d’une étude qu’il a réalisée récemment et qui révèle qu’au moins 20 % des travailleurs exercent une forme d’emploi « précaire » et que ce type d’emplois a presque doublé au cours des 20 dernières années.

Mme Rogerson a fait observer que les familles à faible revenu vivent dans des quartiers où les taux de réussite scolaire sont faibles, ce qui donne lieu à un accès limité aux études postsecondaires, de même qu’à une mobilité et à une égalité économique réduites, ainsi qu’à une participation restreinte à la croissance et au développement communautaires.

CHAPITRE CINQ : POINTS DE VUE DES TÉMOINS SUR LA RÉDUCTION DE L’INÉGALITÉ DES REVENUS ET SES RÉPERCUSSIONS AU CANADA

Les témoins ont présenté au Comité diverses propositions visant à réduire l’inégalité des revenus et ses répercussions au Canada. Leurs suggestions portaient sur les régimes d’imposition et de transferts fédéraux, sur différents aspects qui touchent l’emploi, de même que sur l’éducation, la santé et certains groupes, dont les Autochtones, les femmes, les personnes handicapées, les aînés et les personnes aux prises avec des difficultés liées au logement.

A. Régime d’imposition fédéral

Au sujet du régime d’imposition fédéral du Canada et de l’inégalité des revenus, des témoins ont formulé des propositions concernant les taux et les fourchettes d’imposition, les crédits et les déductions, l’imposition de différents types de revenu, l’impôt et les personnes à faible revenu, les familles, les enfants et les personnes handicapées, ainsi que l’évitement fiscal.

Concernant les taux d’imposition, les fourchettes, les crédits et les déductions, le Wellesley Institute, l’Institut du Nouveau Monde, l’Institut Broadbent, Campagne 2000, la Canadian Association of Neighbourhood Services, Canadiens pour une fiscalité équitable, Economicinequality.ca, Face of Poverty Consultation et M. Corak ont préconisé des taux d’imposition marginaux plus élevés pour les personnes ayant des revenus élevés, afin d’augmenter les effets de redistribution du régime fiscal canadien. De plus, pour augmenter les recettes fiscales fédérales, MM. Labonté, Ruckert et Caldbick ont proposé l’adoption de fourchettes d’imposition supplémentaires pour les salariés des tranches supérieures de 1 %, de 0,1 % et de 0,01 %. Canada sans pauvreté et le Centre canadien de politiques alternatives demandent la création d’un nouveau taux d’imposition marginal de 35 % pour les personnes gagnant 250 000 $ et plus.

Des témoins s’opposaient à l’augmentation des taux d’imposition marginaux pour les particuliers. Ainsi, le Frontier Centre for Public Policy estimait qu’une hausse des taux d’imposition des particuliers pourrait avoir des effets négatifs sur la croissance économique, tandis que la Canada West Foundation a fait observer que, au lieu d’augmenter le taux d’imposition des plus riches, il serait préférable de créer des mesures visant à aider ceux ayant des revenus plus faibles.

M. Veall préconise la suppression des dépenses fiscales qui servent principalement aux gens aisés et qui ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés tandis que l’Institut du Nouveau Monde est en faveur de l’élimination des crédits d’impôt qui profitent aux personnes ayant un revenu élevé. Dans la même veine, la Canadian Association of Neighbourhood Services et Economicinequality.ca demandent de supprimer ou de limiter les dépenses fiscales qui avantagent démesurément les mieux nantis, et M. Boadway juge que tous les crédits d’impôt devraient être remboursables pour les personnes à faible revenu.

Des témoins ont parlé de crédits et de déductions en particulier. M. Veall a vivement conseillé d’éliminer les crédits d’impôt pour les activités artistiques et la condition physique des enfants, ce qui représenterait des recettes fiscales fédérales de 220 millions de dollars. Canadiens pour une fiscalité équitable demande une réduction des déductions fiscales qui profitent aux riches, telles que le plafond des cotisations à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et la déduction pour options d’achat d’actions dont se prévalent moins de 1 % des contribuables. Face of Poverty Consultation demande que soient transformées en crédits d’impôt certaines déductions, par exemple les déductions pour cotisations à un régime de retraite et à un REER.

Des témoins souhaitent que des changements soient apportés à l’imposition de divers types de revenus. En ce qui concerne le revenu de placement, M. Boadway estime que le crédit d’impôt pour dividendes est une subvention sur le revenu d’actif des actionnaires et en propose l’élimination au profit de l’imposition des dividendes, des gains en capital et des intérêts à des taux semblables. M. Corak préconise l’examen de l’élimination du traitement fiscal favorable des gains en capital; il appuie également l’imposition des revenus à un même taux sans égard à leurs sources. L’Institut du Nouveau Monde demande aussi l’élimination du traitement fiscal favorable des gains en capital; la Canadian Association of Neighbourhood Services et Economicinequality.ca sont en faveur de l’imposition du capital, y compris des gains en capital, au même taux que le revenu d’emploi.

Au sujet de l’imposition du revenu des sociétés, M. Boadway pense que des changements devraient être apportés à l’imposition du revenu des entreprises et il propose une taxe sur les « super » bénéfices. Il cite plusieurs études réalisées à l’étranger qui recommandent l’imposition des « superprofits » de même qu’une déduction pour le financement par action et pour le financement par emprunt. M. Corak a fait observer que l’impôt prélevé sur les recettes des sociétés provenant de l’exploitation des ressources naturelles pourrait servir à redistribuer la richesse de ceux ayant des revenus plus élevés vers ceux ayant des revenus plus faibles.

Au chapitre de l’imposition de l’épargne, le Centre canadien de politiques alternatives a demandé de ne pas élargir le programme de comptes d’épargne libre d’impôt; la Canadian Association of Neighbourhood Services et Economicinequality.ca a proposé d’éliminer ou de limiter le programme. Selon Mme Robson, il conviendrait de rendre les instruments d’épargne plus progressifs en instaurant des crédits d’impôt remboursables pour les épargnants et en améliorant l’accessibilité de la Subvention canadienne pour l’épargne-études et du régime enregistré d’épargne-invalidité.

Canadiens pour une fiscalité équitable a demandé la création d’un impôt sur les successions qui s’appliquerait aux montants supérieurs à 5 millions de dollars. L’organisme a fait valoir que cette mesure, qui ne devrait pas s’appliquer aux fermes familiales, pourrait rapporter au gouvernement fédéral 1,5 milliard de dollars par année. De façon analogue, M. Corak a proposé la création d’une taxe successorale applicable aux montants dépassant un certain seuil. Il a cependant indiqué que, à défaut d’une taxe successorale, il conviendrait de créer un impôt sur les gains en capital résultant de la vente d’une résidence principale qui dépasse un certain seuil. D’autres témoins ont proposé la création d’un impôt sur les successions ou la fortune, dont Economicinequality.ca, Face of Poverty Consultation, la Canadian Association of Neighbourhood Services, le Centre canadien de politiques alternatives et M. Boadway.

Des témoins ont formulé nombre d’observations concernant certains groupes, dont les personnes à faible revenu, les familles et les enfants. Certains d’entre eux estiment qu’il faudrait modifier la PFRT. Par exemple, la Canadian Association of Neighbourhood Services préconise une augmentation de cette prestation, et M. Corak considère que le niveau de prestation devrait être relevé de façon que la plupart des travailleurs canadiens admissibles puissent toucher à peu près la moitié du revenu médian du pays. Il suggère également de relever le plafond de revenu pour que les familles aux échelons inférieurs de l’échelle des revenus moyens puissent avoir droit à la PFRT. En outre, il propose une augmentation annuelle de la PFRT fondée sur la croissance du produit intérieur brut par habitant ou d’un autre indice.

Dans le même ordre d’idées, le Frontier Centre for Public Policy demande une hausse de la PFRT financée par la suppression des déductions fiscales qui profitent aux riches.

Citizens for Public Justice préconise une hausse de la PFRT pour les personnes seules en âge de travailler et propose d’en étendre l’admissibilité aux ménages dont le revenu gagné est inférieur au seuil de faible revenu après impôt.

L’Institut Broadbent propose une augmentation marquée de la PFRT pour soutenir les travailleurs pauvres et les personnes occupant un « emploi précaire », tandis que Canadiens pour une fiscalité équitable prône une hausse de la PFRT pour aider les familles à faible revenu qui n’ont jamais bénéficié de l’aide sociale.

Mme Rogerson estime que les personnes sous le seuil de la pauvreté devraient être exonérées d’impôt.

Kathleen A. Lahey demande qu’on soumette à une analyse de l’impact différencié selon les sexes les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu aux termes desquelles les époux et les conjoints de fait sont imposés comme s’ils étaient des unités interdépendantes et intégrées, dispositions qui influent sur l’admissibilité aux programmes de soutien fédéral et provinciaux/territoriaux. En ce qui a trait au fractionnement du revenu aux fins de l’impôt, le Centre canadien de politiques alternatives estime que le fractionnement du revenu pour les familles avec de jeunes enfants ne devrait pas être autorisé, car il pourrait accroître les disparités entre familles.

L’Institut Broadbent propose une augmentation du niveau maximum de soutien offert au titre de la PFCE et du SPNE afin que leur montant combiné couvre les coûts relatifs à l’éducation des enfants; selon l’Institut, la Prestation pourrait être financée par l’élimination de la Prestation universelle pour la garde d’enfant (PUGE). Campagne 2000 et Citizens for Public Justice suggèrent de porter à 5 400 $ par enfant le montant maximum combiné de la PFCE et du SPNE; pour ce faire, la PUGE et le crédit d’impôt pour la condition physique des enfants pourraient être éliminés et les fonds ainsi récupérés seraient affectés au paiement des prestations majorées. La Women’s Action Alliance for Change Nova Scotia et Canadiens pour une fiscalité équitable ont également demandé de porter à 5 400 $ le montant maximal annuel accordé au titre de la PFCE; selon Canadiens pour une fiscalité équitable, la suppression de la PUGE permettrait de financer cette mesure. Le Frontier Centre for Public Policy propose que l’admissibilité à la PUGE soit établie en fonction du revenu et que les économies ainsi réalisées soient versées aux parents à faible revenu.

B. Transferts fédéraux aux provinces et aux territoires

Au sujet des transferts aux provinces et aux territoires, des témoins ont abordé différentes questions telles l’exécution, la responsabilité et les normes applicables au Transfert canadien en matière de santé (TCS) ainsi qu’au Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS). L’Institut Broadbent propose que le financement fédéral additionnel soit assorti de conditions relatives à l’utilisation des fonds, tandis que l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux a déploré l’absence de reddition de comptes des provinces dans la prestation des services et a présenté maintes demandes : création d’un cadre de reddition de comptes assorti d’un processus permettant de garantir le respect des conditions; établissement d’objectifs et de normes concernant la prestation souple des services; et adoption d’une vision globale ou de stratégies nationales pour que les programmes sociaux répondent aux besoins des Canadiens. La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et YWCA Canada préconise le rétablissement de normes ayant force exécutoire en matière d’aide sociale, comme celles qui existaient sous le Régime d’assistance publique du Canada.

Au sujet du calcul des paiements de transferts fédéraux, M. Boadway propose que le système de péréquation repose à nouveau sur une formule, que le TCPS augmente en fonction du taux de croissance moyen des dépenses de programme des provinces, que les contributions en espèces au TCS et au TCPS soient rajustées en fonction de la capacité des provinces de percevoir des recettes. L’Atira Women’s Resource Society, la Women’s Action Alliance for Change Nova Scotia, de même que MM. Labonté, Ruckert et Caldbick, préconisent une hausse du TCPS pour pallier aux inégalités de revenus par l’entremise de l’aide sociale.

Selon M. Veall, des chances égales d’accès à une éducation d’excellente qualité et à des soins de santé prénatale ont entraîné une hausse de la mobilité intergénérationnelle au Canada. Il a dit craindre toutefois que les compressions budgétaires provinciales ne compromettent cette mobilité et a exhorté le gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces, peut-être au moyen de la nouvelle formule de péréquation, pour qu’elles continuent d’offrir des services d’éducation de qualité à tous, peu importe le statut socioéconomique.

Au sujet du nouveau transfert dédié à l’éducation, M. Boadway suggère l’instauration d’un transfert pour l’éducation postsecondaire semblable au TCS et au TCPS. Campagne 2000 demande 1,3 milliard de dollars pour un nouveau transfert visant à aider les provinces à mettre en place un système public de services éducatifs et de garde à l’enfance, gérés et financés par l’État.

L’Institut Broadbent demande le remplacement des programmes d’aide sociale provinciaux et territoriaux par un programme fédéral de soutien du revenu conçu comme un impôt négatif.

C. Emploi

Au chapitre des mesures en matière d’emploi qui pourraient selon eux contribuer à réduire les inégalités de revenu et leurs conséquences au Canada, les témoins ont mis l’accent sur le développement de la petite enfance et la garde d’enfants, les prestations d’AE, les mesures d’intervention directe sur le marché du travail, la mobilité des travailleurs et les normes du travail.

De nombreux témoins, notamment la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia, la campagne Generation Squeeze, le Conseil de planification sociale de Winnipeg, la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et YWCA Canada, l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance et MM. Labonté, Ruckert et Caldbick, ont dit souscrire à l’établissement d’un programme national de garderies publiques, car ils y voient un moyen de faciliter la participation au marché du travail.

M. Boadway a dit souhaiter des améliorations du régime d’AE et a insisté sur l’importance de coordonner celui-ci et les programmes provinciaux d’aide sociale de manière à éliminer les défauts de couverture et à faciliter le passage de l’un à l’autre. En particulier, il a demandé la création d’un système à deux niveaux pour contrer la tendance à passer de l’AE à l’aide sociale, car l’admissibilité à l’AE varie suivant certains facteurs comme les seuils d’heures travaillées, le paiement des cotisations d’AE, l’invalidité et la transition vers la retraite. Dans la proposition de M. Boadway, le premier niveau reposerait sur le régime actuel pour les personnes en chômage de courte durée, mais au second niveau, pour les personnes en chômage de longue durée, les prestations seraient fondées sur les besoins. Selon M. Boadway, pour financer ces mesures d’une manière juste et efficace, il vaudrait mieux prélever les fonds nécessaires à même le Trésor au lieu d’imposer des cotisations sociales, car celles-ci constituent une taxe très régressive.

Au sujet des effets de la mondialisation, de l’automatisation et de l’accroissement de la part des emplois hautement spécialisés dans l’économie au détriment des emplois peu spécialisés, M. Corak a proposé que le régime d’AE soit transformé en une sorte d’assurance-salaire pour répondre aux besoins des travailleurs aux longs états de service qui se retrouvent au chômage en raison de licenciements permanents dans leur branche d’activité. M. Corak a par ailleurs réclamé des réformes fiscales qui permettraient aux travailleurs de bénéficier d’un mécanisme d’étalement de leur revenu sur plusieurs années de telle sorte que leurs gains et leurs impôts fluctueraient moins. Il a en outre proposé une révision du régime d’AE pour créer une sorte de « réserve » de crédits de congé dont les parents pourraient se prévaloir pour des raisons familiales.

Au chapitre des interventions directes sur le marché du travail, Mme Rogerson, l’Institut du Nouveau Monde et MM. Labonté, Ruckert et Caldbick ont demandé une meilleure coordination de la formation des travailleurs et du régime d’AE par l’augmentation des crédits fédéraux alloués aux ententes sur le développement du marché du travail conclues avec les provinces dans le cadre du régime d’AE et aux programmes de formation et d’acquisition de compétences non liés à l’AE.

La Canada West Foundation a abordé la question de la mobilité des travailleurs et a proposé que les mesures prises par le gouvernement fédéral pour remédier aux inégalités de revenu ne nuisent pas à la mobilité interprovinciale des travailleurs. Elle a précisé que, en plus de supprimer les obstacles qui gênent la mobilité des travailleurs, le gouvernement fédéral devrait chercher à répondre aux besoins des employeurs là où les pénuries de travailleurs spécialisés sont le plus grandes, en particulier dans le secteur des industries extractives dans les provinces de l’Ouest. Par ailleurs, la Fondation est pour le maintien de la déduction pour frais de déménagement à l’intention des travailleurs qui déménagent loin de chez eux pour des raisons professionnelles.

Certains témoins, dont Mme Fortin, l’Institut Broadbent, le Syndicat canadien de la fonction publique, la campagne Generation Squeeze et MM. Hulchanski et Murdie, ont insisté sur les normes du travail et demandé que, pour réduire l’écart entre les salaires des personnes les mieux rémunérées et ceux des personnes les moins rémunérées, le gouvernement se dote de politiques améliorant ces normes et favorisant la négociation collective et l’accréditation des syndicats.

Mme Fortin, la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia, la Canadian Association of Neighbourhood Services, l’Institut Broadbent, Canada Without Poverty, et MM. Labonté, Ruckert et Caldbick, notamment ont souligné l’importance d’une rémunération suffisante pour les personnes à faible revenu et demandé que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et les territoires pour rétablir un salaire minimum adéquat reflétant le coût de la vie par région et augmentant avec l’inflation.

Pour ce qui est de l’amélioration des normes de travail non salariales, la campagne Generation Squeeze a proposé de porter de 12 à 18 mois le congé parental de l’AE et de ramener de 80 à 70 heures le nombre d’heures travaillées des ménages à deux soutiens en adaptant les heures supplémentaires et les cotisations des employeurs à l’AE et au Régime de pensions du Canada (RPC), de manière qu’il soit moins coûteux pour les entreprises d’employer leurs salariés pendant un maximum de 35 heures par semaine et plus coûteux pour elles de les faire travailler au-delà de ce seuil. Mme Robson a demandé que le gouvernement fédéral cherche, avec les provinces, des moyens de rendre les avantages non salariaux — comme les pensions, l’assurance-invalidité, l’assurance pour frais médicaux et l’assurance-soins dentaires — transférables pour les personnes qui passent d’un emploi sûr comportant de tels avantages à un emploi moins sûr qui n’en comporte pas.

Pour leur part, MM. Labonté, Ruckert et Caldbick ont proposé que le gouvernement fédéral revoie les mesures d’austérité qu’il a prises, arguant qu’une expansion de la fonction publique en période de récession stimulerait davantage la croissance que des mesures fiscales.

D. Éducation

Les témoins ont proposé toutes sortes de mesures dans le domaine de l’éducation qui réduiraient l’inégalité des revenus et ses conséquences. Ils ont abordé en particulier l’éducation postsecondaire, la littératie financière et l’éducation de la petite enfance.

D’après Ian Lee, professeur à l’Université Carleton qui a comparu à titre personnel, le gouvernement devrait surtout à inciter les 45 % de Canadiens qui n’ont pas fait d’études postsecondaires à retourner aux études. Le témoin a fourni au Comité un graphique illustrant pour la période 1990–2012 le plus haut niveau d’instruction des personnes de 15 ans et plus; une version mise à jour de ce tableau constitue la figure 13 ci-après.

La Women's Action Alliance for Change Nova Scotia réclame la création d’un nouveau transfert fédéral qui permettrait de réduire les droits de scolarité et le Frontier Centre for Public Policy a dit souhaiter une augmentation du financement des programmes de prêts et de subventions aux étudiants en mettant l’accent cependant sur les personnes à faible revenu. Dans le même ordre d’idées, M. Boadway a proposé que l’on augmente le Bon d’études canadien et que les crédits d’impôt en matière d’éducation soient réservés aux étudiants de familles à faible revenu. L’Hamilton Roundtable for Poverty Reduction a elle aussi traité du Bon d’études canadien et proposé qu’il soit octroyé automatiquement aux familles admissibles au moment du traitement de leur déclaration de revenus.

Figure 13 — Plus haut niveau d’instruction des personnes de 15 ans et plus, Canada, 1990–2012 (en %)

Figure 13 — Plus haut niveau d’instruction des personnes de 15 ans
          et plus, Canada, 1990–2012 (en %)

Source : version mise à jour d’une figure fournie par Ian Lee de l’Université Carleton au Comité permanent des Finances de la Chambre des communes le 25 avril 2013.

Plusieurs groupes ont fait valoir que l’amélioration de la littératie financière pourrait contribuer à réduire l’inégalité des revenus. L’organisation Social and Enterprise Development Innovations a proposé la création d’outils en ligne afin de mieux faire connaître les programmes fédéraux d’épargne et de subventions et d’offrir aux Canadiens à faible revenu suffisamment d’informations pour qu’ils puissent choisir les programmes d’épargne ou les mécanismes d’investissement qui répondent le mieux à leurs besoins. Elle a dit aussi que le gouvernement devrait collaborer avec les parties concernées pour améliorer la promotion, la prestation et la conception des programmes d’épargne fédéraux et trouver des moyens d’assurer la prestation de services financiers de base dans les collectivités éloignées. D’après cette organisation, le gouvernement devrait également s’entendre avec les institutions financières pour que celles-ci voient à ce que leur personnel ait la formation voulue pour fournir aux Canadiens à faible revenu des renseignements et des conseils justes et utiles.

Mme Robson a demandé que le gouvernement investisse davantage dans la promotion de la littératie financière et qu’il offre des renseignements et des conseils plus personnalisés lors de la prestation de programmes fédéraux comme le programme de prêts d’études canadiens ou le régime d’AE. Elle a également proposé l’établissement, en partenariat avec le secteur privé et le secteur bénévole, d’un réseau pancanadien de centres de services à but non lucratif qui offriraient des renseignements et des conseils à caractère financier de manière accessible, impartiale et adaptée aux besoins locaux.

Le Groupe financier Banque TD et Canada 2020 ont souligné qu’une éducation de qualité pour la petite enfance peut être très bénéfique pour le développement des enfants ainsi que pour la société et l’économie en général; ils ont indiqué qu’il y avait un besoin pour plus d’investissements dans ce secteur.

E. Santé

Parlant de la santé dans le contexte de l’inégalité des revenus, les témoins ont abordé plusieurs questions, dont l’évaluation des impacts sur la santé, l’accès aux médicaments et aux soins médicaux et le soutien des aidants naturels.

L’Association médicale canadienne et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada ont proposé que le Cabinet fédéral intègre à son processus de prise de décisions une évaluation des impacts sur la santé de manière qu’on tienne dûment compte des impacts financiers et sociaux potentiels des nouvelles politiques et des nouveaux programmes fédéraux sur la santé. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada a signalé pour sa part que ce type d’évaluation avait été recommandé par le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans son rapport de juin 2009 intitulé Un Canada en santé et productif : Une approche axée sur les déterminants de la santé.

En ce qui concerne l’accès aux médicaments et aux soins médicaux, l’Association médicale canadienne, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia souscrivent à la création d’un programme national complet d’assurance des médicaments sur ordonnance pour garantir à tous les Canadiens l’accès aux pharmacothérapies médicalement nécessaires, tandis que l’Association médicale canadienne et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada ont pressé les gouvernements de chercher des moyens d’améliorer l’accès des personnes à faible revenu aux services de réadaptation, aux services de santé mentale, aux services à domicile, aux soins de longue durée et aux soins en fin de vie.

Enfin, l’Association médicale canadienne a proposé que le gouvernement élargisse les programmes visant les aidants naturels ayant à composer avec des situations d’urgence et qu’il augmente le crédit d’impôt pour aidants familiaux de manière que celui-ci reflète mieux le coût annuel du temps d’un aidant naturel aux tarifs du marché.

F. Groupes particuliers

Les témoins entendus par le Comité ont parlé de la manière dont l’inégalité des revenus touche certains groupes en particulier comme les Autochtones, les femmes, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes qui ont du mal à se loger convenablement.

À l’égard des Autochtones, les témoins ont formulé des propositions visant à améliorer l’indépendance financière des peuples des Premières Nations, à instituer un meilleur système d’éducation dans les réserves des Premières Nations et à réduire la violence envers les femmes dans les collectivités des Premières Nations et d’autres collectivités.

En ce qui concerne l’indépendance financière des peuples des Premières Nations, la Commission de la fiscalité des Premières Nations a proposé l’adoption d’une loi sur la propriété immobilière des Premières Nations qui établirait le droit de propriété et la compétence des Premières Nations à l’égard des terres des réserves et contribuerait à accroître les revenus des personnes des Premières Nations en facilitant le développement d’activités économiques sur ces terres. La Commission de la fiscalité des Premières Nations et l’Assemblée des Premières Nations ont proposé des mesures visant à conférer une plus grande indépendance financière aux Premières Nations telles qu’un régime fiscal des Premières Nations plus structuré, le développement des infrastructures, des investissements et d’opportunités d’affaire — en particulier dans le secteur des ressources naturelles — et une plus grande implication dans la négociation d’ententes financières et d’accords de partage des revenus avec le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires.

Pour ce qui est de l’amélioration du système d’éducation dans les réserves des Premières Nations, l’Assemblée des Premières Nations et Mme Fortin ont fait valoir que le gouvernement devrait voir plus activement à l’établissement, dans les réserves, d’un système d’éducation des Premières Nations similaire en qualité et en efficacité aux systèmes d’éducation établis ailleurs au Canada.

La Women's Action Alliance for Change Nova Scotia a réclamé la mise en œuvre de stratégies nationales de lutte contre la violence faite aux femmes dans les collectivités des Premières Nations et dans l’ensemble du Canada. Elle a aussi proposé la réalisation d’une enquête nationale publique sur les disparitions et les assassinats de femmes autochtones.

Au sujet des aspects de l’inégalité des revenus qui touchent les sexes, les témoins ont commenté les expériences des femmes et formulé des propositions concernant l’analyse différenciée selon les sexes dans l’élaboration des politiques, l’équité salariale et l’équité en matière d’emploi.

La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et YWCA Canada ont réclamé que l’on tienne davantage compte de l’égalité entre les sexes dans l’élaboration de la politique fédérale par la mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport de février 2009 du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes intitulé Vers une budgétisation sensible à la sexospécificité : Relever le défi de l'égalité entre les sexes. Dans le même ordre d’idées, pour mieux cerner les répercussions des nouvelles politiques et des nouveaux programmes du gouvernement fédéral sur les femmes, la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia a demandé la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport de 2009 du vérificateur général du Canada sur l’analyse différenciée selon les sexes, notamment une augmentation des ressources consacrées à la réalisation d’analyses différenciées selon les sexes dans tous les ministères et organismes publics fédéraux.

Au sujet des écarts de rémunération entre les sexes, la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia, et la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et YWCA Canada ont réclamé la mise en œuvre des recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale, notamment l’adoption d’une loi proactive sur l’équité salariale et l’instauration d’un système permettant d’instituer et de pérenniser l’égalité salariale pour un travail d’égale valeur. La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et YWCA Canada ont demandé l’adoption d’une politique nationale d’équité salariale afin de promouvoir l’emploi et l’avancement des femmes dans les secteurs dominés par les hommes comme les sciences et le génie.

Les témoins ont formulé diverses propositions visant à augmenter l’aide fédérale aux personnes handicapées, dont certaines relatives au rôle fédéral sur le plan de l’aide, de l’emploi, des mesures fiscales et des prestations d’invalidité du RPC.

L’Association canadienne pour l'intégration communautaire a proposé la création d’un plan national de promotion de l’intégration des personnes handicapées et des mesures d’accessibilité comportant une amélioration des mesures d’aide à l’autonomie. Elle a proposé en outre la tenue d’une conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres concernés en vue de faire assumer un plus grand rôle au gouvernement fédéral dans le soutien économique des personnes handicapées.

Au chapitre de l’emploi des personnes handicapées, le Conseil des Canadiens avec déficiences a demandé l’adoption d’un plan stratégique quinquennal pour répondre aux besoins des personnes handicapées en matière d’emploi, et il a mentionné en particulier la création d’un comité consultatif technique chargé de sonder la collectivité à ce sujet. Le Conseil a par ailleurs suggéré d’intégrer aux ententes fédérales-provinciales/territoriales sur le marché du travail des indicateurs de rendement mettant en relief les mesures d’emploi visant les personnes handicapées.

Pour ce qui est des mesures fiscales de soutien des personnes handicapées, M. Boadway a proposé d’élargir l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées aux personnes qui touchent des prestations d’invalidité provinciales, tandis que l’Association canadienne pour l'intégration communautaire a suggéré de rendre le crédit d’impôt pour personnes handicapées remboursable. Le groupe Citizens for Public Justice a pour sa part demandé l’établissement d’un programme visant à assurer aux personnes handicapées un revenu de base égal ou supérieur au SFR qui serait administré par la voie du régime fiscal fédéral.

La Parent Support Services Society of British Columbia a demandé que l’on revoie la suppression de la prestation pour enfants des bénéficiaires des prestations d’invalidité du RPC sur réévaluation ou lorsque le bénéficiaire atteint 65 ans; selon cette organisation, il serait souhaitable de tenir compte des effets de cette suppression sur les personnes qui élèvent de jeunes enfants. L’organisme Women’s Centres Connect a demandé que le montant des prestations d’invalidité du RPC soit porté au moins au SFR avant impôt pertinent, déterminé selon la taille de la famille du prestataire et son lieu de résidence.

Les témoins entendus par le Comité ont parlé aussi de la situation des personnes âgées dans le contexte de l’inégalité des revenus; ils ont formulé des propositions concernant la pension de Sécurité de la vieillesse (SV), le SRG et les prestations du RPC et fait des commentaires d’ordre plus général sur la question des pensions.

Au sujet du programme de SV, Women’s Centres Connect et Canadiens pour une fiscalité équitable ont réclamé une augmentation du montant des prestations de la SV et/ou du montant de l’Allocation. D’après Canadiens pour une fiscalité équitable, l’augmentation des prestations de SV et du SRG pourrait être financée par une redistribution des dépenses fiscales associées aux REER et aux régimes complémentaires de retraite, et les prestations devraient être offertes à l’âge de 65 ans. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada a, elle aussi, abordé la question de l’âge de l’admissibilité aux prestations et proposé que le gouvernement revienne sur les modifications annoncées à cet égard dans le budget fédéral de 2012. Women’s Centres Connect a réclamé l’élimination des exigences de résidence du programme de SV et M. Richardson a demandé pour sa part que le gouvernement envisage d’abaisser le seuil de diminution progressive de la pension de SV; les économies résultant de ces mesures pourraient permettre d’aider les personnes à faible revenu.

Plusieurs témoins ont proposé que le gouvernement augmente le montant du SRG, notamment l’Institut Broadbent, Canadiens pour une fiscalité équitable et la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia. et Women’s Centres Connect ont formulé diverses propositions au sujet du SRG : améliorer les interventions pour favoriser le renouvellement rapide des prestations; cesser de suspendre le versement des prestations des bénéficiaires qui produisent leur déclaration de revenus en retard; rendre le versement des prestations automatique dès l’admissibilité aux prestations de SV; relever le montant des gains admissibles avant de commencer à réduire les prestations; éliminer les exigences de résidence; et réviser la définition de « revenu ».

Au sujet du RPC, la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia, Canadiens pour une fiscalité équitable et Women’s Centres Connect ont dit souhaiter une augmentation du taux de remplacement, mesure que Canadiens pour une fiscalité équitable propose de financer au moyen d’une hausse des cotisations des employeurs et des salariés.

Women’s Centres Connect a proposé pour sa part que l’on révise l’exemption de base pour l’année, que l’on crée un crédit d’impôt qui compenserait le relèvement des cotisations, que l’on diffuse de l’information sur le partage des crédits et sur les dispositions permettant aux parents de quitter temporairement la population active pour élever des enfants, que l’on adopte des dispositions permettant une cessation d’activité pour prendre soin d’une autre personne et reconnaissant la valeur du travail non rémunéré, et que l’on prenne d’autres mesures relatives au partage des crédits, notamment à la suite de l’échec du mariage.

Par ailleurs, Women’s Centres Connect était contre la privatisation du régime de pensions public et prône plutôt le renforcement de ces pensions, notamment par leur pleine indexation en fonction de l’évolution des salaires plutôt qu’en fonction de l’évolution des prix. L’organisation a proposé aussi la réalisation d’une analyse des avantages d’autres formes d’épargne en vue de la retraite, notamment des régimes d’épargne à impôt prépayé, et l’adoption de mesures propres à encourager le recours aux méthodes d’épargne les plus efficaces et les plus équitables.

Les témoins ont formulé plusieurs propositions sur la question du logement dans le contexte de l’inégalité des revenus, notamment sur les problèmes de logement de groupes particuliers et sur les coopératives d’habitation.

L’Atira Women’s Resource Society, le YWCA Hamilton et la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia ont réclamé une stratégie nationale de l’habitation comportant un volet tenant compte des sexes. La Women's Action Alliance for Change Nova Scotia a demandé que cette stratégie prévoie une analyse différenciée selon les sexes en vue de répondre aux besoins des femmes qui risquent le plus de se retrouver sans abri, de même qu’une augmentation des fonds destinés à répondre aux besoins en logement abordable des femmes dont la situation financière est précaire — entre autres les mères seules, les femmes qui fuient une relation de violence, les femmes qui risquent de se retrouver sans abri, les femmes autochtones et les femmes immigrantes.

L’Association des infirmières et infirmiers du Canada a privilégié l’offre de logements abordables aux personnes qui éprouvent des difficultés d’ordre physique, cognitif ou mental, tandis que la Women's Action Alliance for Change Nova Scotia a demandé que le gouvernement fédéral débloque 2 milliards de dollars pour financer des logements abordables. Elle a également demandé un investissement important dans le logement des Premières Nations, dans les réserves et en dehors.

La Canadian Association of Neighbourhood Services et Economicinequality.ca ont prôné la création d’une prestation nationale pour le logement.

Enfin, l’Association des coopératives du Canada a proposé que le gouvernement fédéral soutienne le recours à des coopératives pour offrir des logements aux personnes à faible revenu sans que l’objectif soit le profit et d’une manière leur conférant une voix plus « forte » et plus de contrôle.

CHAPITRE SIX : RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

Le Comité recommande :

Jeunesse et égalité des chances

1)    Que le gouvernement fédéral continue de mettre en place des conditions favorables à la croissance économique et à la création d’emplois afin de réduire la pauvreté chez les jeunes et les jeunes adultes, et qu’il continue d’adopter des mesures pour soutenir les familles canadiennes.

2)    Que le gouvernement fédéral continue d’assurer l’égalité des chances pour tous les Canadiens, surtout les jeunes diplômés des écoles secondaires.

3)    Que le gouvernement fédéral continue de chercher des façons d’éliminer les obstacles aux possibilités d’avenir et à l’emploi pour les Canadiens à faible revenu.

Premières Nations

4)    Que le gouvernement fédéral fasse adopter une loi sur la propriété immobilière des Premières Nations afin de donner aux Autochtones canadiens les mêmes droits que les autres Canadiens en matière de propriété immobilière.

5)    Que le gouvernement fédéral continue d’aider les
Premières Nations à bâtir leurs infrastructures, à faciliter les investissements locaux et à encourager l'esprit d'entreprise.

6)    Que le gouvernement fédéral continue d’aider les Premières Nations à participer au succès économique des projets de mise en valeur des ressources partout au Canada, et à profiter de leurs retombées.

7)    Que le gouvernement fédéral continue de collaborer avec les Premières Nations pour donner suite à notre priorité commune d’améliorer les résultats scolaires des Premières Nations et pour respecter ses engagements visant à mettre en place, d’ici septembre 2014, une loi sur l’éducation des Premières Nations tout en évaluant des mécanismes pouvant garantir un financement stable, prévisible et durable pour le réseau scolaire des Premières Nations.

Éducation

8)    Que le gouvernement fédéral continue de faire connaître l’aide disponible aux Canadiens en matière d’éducation postsecondaire, notamment la formation spécialisée dans les collèges, les écoles de métiers, les polytechniques et les instituts de technologie.

9)    Que le gouvernement fédéral continue de promouvoir les avantages des métiers spécialisés, notamment en faisant valoir les salaires élevés et l’importance économique de ces professions.

10) Que le gouvernement fédéral continue d’encourager les jeunes à terminer leurs études secondaires et qu’il maintienne son appui aux programmes et aux organismes qui aident les jeunes à terminer leurs études et à acquérir des compétences essentielles, comme Passeport pour ma réussite et la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs.

11) Que le gouvernement fédéral examine en consultation avec les gouvernements provinciaux et territoriaux les façons de rendre l’éducation de la petite enfance et les services de garde plus accessibles et abordables dans toutes les régions du pays, notamment par un appui accru aux programmes abordables d’éducation et de garde des jeunes enfants.

Nouveaux arrivants

12) Que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, continue d’améliorer l’intégration économique des immigrants et d’accroître la reconnaissance des titres étrangers afin d’éliminer les obstacles à l’entrée des nouveaux immigrants sur le marché du travail.

Régime fiscal

13) Que le gouvernement fédéral réitère son engagement ferme à garder les impôts bas et à ne pas instituer de taux d’imposition élevés et nuisibles aux particuliers et aux sociétés, taux qui ne pourraient que ralentir la croissance économique de tous les Canadiens.

14) Que le gouvernement fédéral continue activement de colmater les échappatoires fiscales et qu’il adopte des lois afin de réduire l’évasion fiscale délibérée.

15) Que le gouvernement fédéral procède à l’examen de la Prestation fiscale pour le revenu de travail pour déterminer comment il pourrait la bonifier ou la modifier afin qu’elle soit encore plus profitable aux Canadiens et qu’elle récompense davantage le maintien dans la population active, sous réserve de l’intention avouée du gouvernement d’équilibrer son budget à moyen terme.

Réglementation des régimes financiers

16) Que le gouvernement fédéral, dans les limites définies par la Cour suprême du Canada, continue de collaborer avec les provinces et les territoires en vue de créer un régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux afin de promouvoir la croissance économique et de mieux protéger les petits investisseurs.

Commerce, secteur manufacturier et marchés du travail

17) Que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces et les territoires en vue d’éliminer les obstacles au commerce interprovincial et interterritorial et d’encourager la mobilité de la main-d’œuvre.

18) Que le gouvernement fédéral continue de collaborer avec les provinces, les territoires et les employeurs pour établir la subvention canadienne à l’emploi.

19) Que le gouvernement fédéral continue d’encourager les mesures visant à créer un secteur des ressources robuste et durable et à appuyer le secteur manufacturier, et de mettre en œuvre des politiques favorables à la croissance afin de rehausser le niveau d’emploi et de créer des emplois bien rémunérés.

20) Que le gouvernement fédéral aide le Canada à conserver sa réputation en tant que milieu d’investissement intéressant, et qu’il poursuive son travail en vue d’éliminer les obstacles au commerce international en signant des accords commerciaux.

21) Que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour bâtir un secteur des ressources durables, appuyer le secteur manufacturier, faire croître l’emploi et créer des emplois de qualité bien rémunérés à l’échelle du pays.

Appuis du gouvernement

22) Que le gouvernement fédéral réitère son engagement, alors qu’il cherche à équilibrer son budget, de ne pas réduire les transferts aux particuliers, notamment les personnes âgées et les enfants, ou les transferts aux autres ordres de gouvernement à l’appui des soins de santé et des services sociaux, du programme de péréquation et du transfert de la taxe sur l’essence aux municipalités.

23) Que le gouvernement fédéral continue à éliminer les facteurs de dissuasion au retour au travail pour tous les Canadiens.

24) Que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, s’assure de continuer à offrir un soutien aux personnes que la toxicomanie empêche de revenir au travail.

Revenu imposable et taux d’imposition

L’impôt sur le revenu des particuliers est perçu par le gouvernement fédéral et par les gouvernements provinciaux et territoriaux. Le gouvernement fédéral définit le revenu imposable dans la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et les taux d’imposition prévus dans la LIR sont appliqués sur le revenu des particuliers. Les provinces et les territoires calculent leur impôt en pourcentage du revenu imposable qui est défini à l’échelle fédérale.

En vertu de l’article 3 de la LIR, les particuliers qui résident au Canada paient de l’impôt sur tous les revenus dont la source se trouve au Canada ou à l’étranger. Par exemple, les revenus tirés d’un emploi, d’une entreprise et de biens immobiliers sont imposables, y compris les intérêts et les dividendes. Certaines prestations sont exonérées d’impôt mais déclarées aux fins de l’impôt sur le revenu, telles que la prestation fiscale canadienne pour enfants, le crédit d’impôt pour la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée, et les paiements d’aide sociale des provinces et des territoires.

Les taux d’imposition fédéraux, provinciaux et territoriaux[1] sont progressifs : ils augmentent à mesure que le revenu augmente, et le revenu est imposé à différents taux selon divers seuils de revenu, ou tranches d’imposition; les tranches d’imposition varient au niveau fédéral, provincial et territorial. L’impôt total à payer est calculé en multipliant les taux d’imposition par le revenu gagné dans la tranche d’imposition correspondante.

À titre d’exemple, le tableau A.1 indique les taux d’imposition et le montant de l’impôt à payer qui s’appliqueraient au revenu d’emploi de 130 000 $ d’un contribuable vivant au Nunavut en 2011 (Les déductions et les crédits ne sont pas pris en considération dans les calculs).

Tableau A.1 — Taux d’imposition applicables et impôt à payer sur un revenu d’emploi de 130 000 $ gagné par un résident du Nunavut, année d’imposition 2011

Fédéral

Tranche de revenu ($)

Taux d’imposition (%)

Impôt à payer ($)

0 — 41,544

15,00

6 231,60

41 545 — 83 088

22,00

9 139,46

83 089 — 128 800

26,00

11 884,86

128 801 et plus

29,00

347,71

Territorial

Tranche de revenu ($)

Taux d’imposition (%)

Impôt à payer ($)

0 — 39 612

4,00

1 584,48

39 613 — 79 224

7,00

2 772,77

79 225 — 128 800

9,00

4 461,75

128 801 et plus

11,50

137,89

   

Impôt total à payer 36 560,52 $

Source : Tableau préparé à partir de données tirées de Richard Pound, Stikeman Income Tax Act Annotated 2011, 50e édition, Carswell, Toronto, 2011.

Pour comparer les taux d’imposition et le revenu, on utilise parfois le niveau d’imposition sur chaque montant de revenu supplémentaire — ou le taux marginal d’imposition. Dans l’exemple du Nunavut au tableau A.1 ci-dessus, si le contribuable gagnait plutôt 128 800 $ et recevait un revenu supplémentaire de 1 200 $, l’impôt fédéral et territorial supplémentaire à payer sur ce revenu supplémentaire serait de 485,60 $, ce qui correspond à un taux marginal d’imposition de 40,5 % (485,60 $ divisé par 1 200 $).

Soutien du revenu

A. Prestations versées par le gouvernement fédéral au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu

Un soutien du revenu peut être fourni indirectement aux particuliers par l’entremise du régime fiscal, et plus précisément par des déductions et deux types de crédits : remboursables et non remboursables. La plupart des crédits d’impôt fédéraux sont non remboursables et ils réduisent l’impôt à payer par le contribuable pour l’année d’imposition en question[2]. Par exemple, la LIR prévoit des crédits d’impôt personnels non remboursables qui offrent un allégement fiscal aux familles et dans certaines situations personnelles[3].

Pour la période allant de juillet 2013 à juin 2014, le crédit d’impôt remboursable pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée[4] est de 265 $ par adulte et 139 $ par personne à charge âgée de moins de 19 ans, et un supplément pour adultes célibataires s’ajoute à un taux de 2 % de l’excédent du revenu net sur 8 608 $, jusqu’à un maximum de 139 $. Pour l’année d’imposition 2012, le crédit total est amputé de 5 % de l’excédent du revenu familial net sur 34 561 $[5].

Pour la période allant de juillet 2013 à juin 2014, la prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) remboursable[6] offre une prestation de base de 1 433 $ pour chaque enfant âgé de moins de 18 ans et un supplément de 100 $ par enfant à partir du troisième enfant. La PFCE totale à payer est amputée à un taux fixe de l’excédent du revenu familial net sur 43 561 $. Pour les familles ayant un enfant, la réduction est de 2 % du revenu; pour les familles ayant deux enfants ou plus, la réduction est de 4 % de l’excédent du revenu sur ce seuil[7].

Le supplément de la prestation nationale pour enfant (SPNE) remboursable est offert aux bénéficiaires de la PFCE à faible revenu. Pour la période allant de juillet 2012 à juin 2013, le SPNE mensuel est de 181,41 $ pour le premier enfant, 160,50 $ pour le deuxième enfant et 152,66 $ pour chaque enfant supplémentaire. La SPNE est réduite d’un pourcentage déterminé[8] du montant du revenu familial net qui dépasse 24 863 $[9].

La prestation fiscale pour le revenu de travail (PFRT)[10] remboursable, qui vise à aider les familles et les célibataires lorsqu’ils quittent l’aide sociale en remplaçant la réduction des prestations d’aide sociale à cause du revenu d’emploi, est offerte lorsque le « revenu de travail[11] » dépasse 3 000 $[12]. Pour l’année d’imposition 2011, la prestation maximale pour un célibataire était de 944 $[13]; la prestation maximale pour une famille était de 1 714 $[14].

B. Prestations fédérales hors régime fiscal

La Sécurité de la vieillesse (SV) de base est une prestation mensuelle fixe et imposable[15] versée aux Canadiens âgés de 65 ans ou plus qui satisfont aux exigences relatives à la résidence[16]. En 1989, l'impôt de récupération de la SV a été intégré à la LIR afin d'obliger les pensionnés de la SV touchant un revenu élevé à rembourser 15 cents de leur prestation de SV pour chaque dollar de leur revenu qui excédait un seuil établi[17].

Le Supplément de revenu garanti (SRG) est une prestation mensuelle non imposable[18] versée aux résidents du Canada qui reçoivent une prestation de base de la SV et dont le revenu est faible ou nul; le revenu de SV du prestataire ou le revenu combiné du prestataire et de son époux ou conjoint de fait doit être inférieur au seuil de revenu net permis[19]; la prestation de SRG versée à un prestataire qui touche la SV, qui est amputée de 50 %[20] lorsque le seuil de gains annuels permis est dépassé[21], peut fluctuer au gré des variations du revenu net annuel que le prestataire déclare à l’impôt et de celui de son époux ou conjoint de fait.

À quelques exceptions près, le revenu est défini de manière identique aux fins du SRG et de l’impôt sur le revenu fédéral. Les prestataires bénéficient d’une exemption annuelle de 3 500 $[22] et la prestation de SV n’est pas comprise dans le revenu; toutefois aux fins du SRG, le revenu comprend toute autre somme que reçoivent le prestataire et son époux ou conjoint de fait. Il peut, notamment comprendre des prestations de retraite provenant d’un régime de pension lié aux gains, des rentes, des prestations de retraite d’un régime étranger, des intérêts, des dividendes, des loyers, des salaires et des indemnités d'accident du travail[23].

C. Transferts fédéraux aux provinces et territoires[24]

Le gouvernement fédéral fournit un soutien financier aux provinces et aux territoires par la voie du Transfert canadien en matière de santé (TCS) et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS); le premier porte sur les soins de santé, et le second appuie l’éducation postsecondaire, l’aide sociale et les services sociaux, ainsi que le développement de la petite enfance et l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Les paiements de transfert du TCS sont alloués selon un montant égal par habitant et comprennent les transferts en espèces et de points d’impôts, tandis que le TCPS est calculé selon un montant égal par habitant et est constitué de transferts en espèces. Ces transferts sont indiqués par province/territoire pour 2013–2014 au Tableau A.2.

Tableau A.2 —Transferts fédéraux au titre du Transfert canadien en matière de santé et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, par province/territoire, 2013–2014 (en millions de $)

Province/Territoire

Transfert canadien en matière de santé

Transfert canadien en matière de programmes sociaux

Terre-Neuve-et-Labrador

476

177

Île-du-Prince-Édouard

129

51

Nouvelle-Écosse

833

329

Nouveau-Brunswick

664

282

Québec

7 114

2 810

Ontario

11 981

4 733

Manitoba

1 121

443

Saskatchewan

978

378

Alberta

2 633

1 365

Colombie-Britannique

4 261

1 627

Yukon

32

13

Territoires du Nord-Ouest

30

15

Nunavut

30

12

Source : Tableau préparé à partir de données tirées de Finance Canada, Tableaux des transferts, consultée le 18 octobre 2013.

Les provinces et territoires sont chargés de fournir de l’aide sociale aux citoyens dans le besoin, et chacun le fait conformément à ses propres règles sur l’admissibilité, les taux de l’aide et les montants des autres revenus que les bénéficiaires peuvent recevoir avant que l’aide sociale soit réduite.

Le tableau A.3 récapitule le soutien au revenu fourni par l’aide sociale provinciale-territoriale, la PFCE fédérale, le crédit d’impôt fédéral pour TPS/TVH, et les crédits d’impôt et prestations pour enfants provinciaux-territoriaux.

Tableau A.3 — Ensemble des soutiens du revenu provinciaux-territoriaux
et fédéraux annuels, par type de ménage, 2011 ($)

Province/Territoire

Personne seule considérée comme apte au travail

Personne seule handicapée

Parent seul avec un enfant

Couple avec deux enfants

Terre-Neuve-et-Labrador

9 821

11 651

19 673

22 822

Île-du-Prince-Édouard

7 152

9 411

17 674

25 892

Nouvelle-Écosse

6 954

9 791

15 588

21 919

Nouveau-Brunswick

6 696

8 685

16 274

20 062

Québec

7 560

11 191

18 041

23 271

Ontario

7 595

13 227

18 069

24 010

Manitoba

6 922

9 528

14 932

21 662

Saskatchewan

8 735

10 904

17 889

24 809

Alberta

7 248

14 624

15 849

22 292

Colombie-Britannique

7 947

11 559

17 402

22 005

Territoires du Nord-Ouest

17 326

21 528

26 502

33 614

Nunavut

41 818

45 534

49 507

55 207

Yukon

15 697

18 697

25 953

36 647

Source :     Tableau préparé à partir de données tirées de Conseil national du bien-être social, Revenus de bien-être social, 2011.

Toutes les provinces et tous les territoires réduisent les prestations d’aide sociale en fonction des autres revenus gagnés par le prestataire. Dans certaines provinces ou certains territoires, cependant, le prestataire d’aide sociale peut gagner un certain revenu avant de voir ses prestations diminuer, ce qu’on appelle « exemption de gains ». Le tableau A.4 résume les exemptions mensuelles de gains des provinces et territoires pour l’année 2012.

Tableau A.4 — Exemptions mensuelles de gains des prestataires de l’aide sociale, 2012

Province/Territoire

Personne seule apte au travail

Terre-Neuve-et-Labrador

100 % du revenu jusqu’à 75 $ plus 20 % du revenu excédant 75 $

Île-du-Prince-Édouard

75 $ du revenu net gagné plus 10 % du revenu excédant 75 $

Nouvelle-Écosse

150 $ plus 30 % du revenu excédant 150 $

Nouveau-Brunswick

150 $

Québec

200 $

Ontario

50 % du revenu net après 3 mois d’aide continue

Manitoba

200 $ du revenu net plus 30 % du revenu net excédant 200 $

Saskatchewan

50 $ plus 25 % des montants excédant 50 $ jusqu’à un maximum de 200 $

Alberta

230 $ de revenu net plus 25 % du revenu net excédant 230 $

Colombie-Britannique

Aucune exemption de gains

Territoires du Nord-Ouest

200 $ plus 15 % du revenu gagné excédant 200 $

Nunavut

200 $

Yukon

50 % du revenu brut pour les 36 premiers mois d’aide et 25 % par après

Sources :    Tableau préparé à partir de données tirées de : Income and Employment Support Regulations, Newfoundland and Labrador Regulations 144/04. General Regulations, Prince Edward Island Regulations EC396/03. Employment Support and Income Assistance Regulations, Nova Scotia Regulations 25/2001. Règlement général, Règlements du Nouveau-Brunswick 95-61. Règlement sur l’aide aux personnes et aux familles, Règlements révisés du Québec, chapitre A-13.1.1, r 1. Dispositions générales, Règlements de l’Ontario 134/98. Règlement sur l’aide à l’emploi et au revenu, Règlements du Manitoba 404/88 R. The Saskatchewan Assistance Regulations, Saskatchewan Regulations 78/66. Income Support, Training and Health Benefits Regulation, Alberta Regulations 122/2011. Employment and Assistance Regulation, British Columbia Regulations 263/2002. Règlement sur l’assistance au revenu, Règlements révisés des Territoires du Nord-Ouest 1990, chapitre S-16. Règlement sur l’assistance sociale, Règlements révisés des Territoires du Nord-Ouest (Nunavut) 1990 chapitre S-16. Règlement sur l’assistance sociale, Décrets du Yukon 2012/83.



[1]                 L’Alberta applique un taux unique de 10 %.

[2]                 Un crédit d’impôt remboursable entraîne un paiement au contribuable, quel que soit le montant de l’impôt à payer pour une année d’imposition donnée.

[3]                 Article 118 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Un crédit est offert pour les personnes à charge et pour les personnes handicapées.

[4]                 Article 122.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[6]                 Article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[8]                 Pour les familles qui comptent un seul enfant, la réduction représente 12,2 % du revenu net familial rajusté qui dépasse 24 863 $; pour les familles de deux enfants, la réduction représente 23 %. Pour les familles de trois enfants ou plus, la réduction représente 33,3 % du revenu net familial rajusté qui dépasse 24 863 $.

[9]                 Agence du revenu du Canada, Prestations canadiennes pour enfants.

[10]               Article 122.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Voir également Agence du revenu du Canada, Prestation fiscale pour le revenu de travail (PFRT).

[11]               Le « revenu de travail » est un revenu d’emploi ou un revenu d’entreprise.

[12]               2 760 $ en Alberta, 4 750 $ Colombie-Britannique et 6 000 $ au Nunavut.

[13]               1 030 $ en Alberta, 1 173 $ en Colombie-Britannique et 592 $ au Nunavut.

[14]               1 545 $ en Alberta, 1 714 $ en Colombie-Britannique et 1 183 $ au Nunavut.

[15]           Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)), sous-alinéa 56(1)a)(i)(A).

[16]           Loi sur la sécurité de la vieillesse, Partie I.

[17]           Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), Partie I.2, sous-section 180.2(1) “« revenu modifié ». Pour 2013, l'impôt de récupération de la SV est perçu à partir d’un revenu imposable net, qui tient compte de la SV, de 70 954 $, et la SV est entièrement récupérée lorsque ce revenu net dépasse 114 640 $. Voir aussi: Service Canada, Pension de la Sécurité de la vieillesse, http://www.servicecanada.gc.ca/fra/services/pensions/sv/pension/index.shtml.

[18]           Bien que les prestations du SRG soient incluses dans le revenu selon les dispositions du sous-alinéa 56(1)(a)(i)(A) de la LIR, une déduction correspondante est permise en vertu de l’alinéa 110(1)(f) de la LIR.

[19]           Loi sur la sécurité de la vieillesse, art. 12. Pour la période juillet–septembre 2013, le seuil de revenu, non compris la pension de la SV et la première tranche de revenu net de 3 500 $ tiré d’une charge ou d’un emploi, s’élève à 16 680 $ pour les célibataires et s’établit entre 22 032 $ et 39 984 $ pour les retraités en union de fait ou mariés. Dans le second cas, le seuil de revenu varie si l’époux ou le conjoint de fait reçoit une pension de vieillesse ou l’Allocation. Voir aussi: Service Canada, Carte de renseignements - Programmes de la sécurité du revenu, http://www.servicecanada.gc.ca/fra/services/pensions/carterens/ juisep13.shtml.

[20]           Loi sur la sécurité de la vieillesse, Partie II.

[21]           Loi sur la sécurité de la vieillesse, art. 2, sous « revenu »” il est précisé que :

               Le revenu d’une personne pour une année civile, calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu, sous réserve de ce qui suit :

                       (a) les montants suivants sont déduits du revenu de la personne tiré d’une charge ou d’un emploi pour l’année

                              (i) un montant unique pour l’ensemble des charges et emplois qu’elle occupe, égal

                                      (A) pour le calcul des prestations à payer à l’égard de tout mois antérieur à juillet 2008, au cinquième de son revenu tiré de charges ou d’emplois pour l’année, jusqu’à concurrence de 500 dollars,

                                      (B) pour le calcul des prestations à payer à l’égard de tout mois postérieur à juin 2008, à son revenu tiré de charges ou d’emplois pour l’année, jusqu’à concurrence de 3500 dollars.

[22]           Loi sur la sécurité de la vieillesse, art. 2, sous « revenu » : l’exemption porte sur le revenu net tiré d’une charge ou d’un emploi. Selon Emploi et Développement social Canada, en 2011, la plupart des personnes touchant un supplément de revenu garanti qui étaient employées tiraient moins de 3 500 $ de leur travail; voir Emploi et Développement social Canada, Évaluation sommative : Programme de la Sécurité de la vieillesse, avril 2012, http://www.rhdcc.gc.ca/fra/publications/evaluations/revenu/2012/avril.shtml; voir : Loi de 1998 modifiant l’impôt sur le revenu, L..C. 1999, ch. 22, sous-section 87(1).

[23]           En général, les autres revenus imposables – tels que définis à l’art. 56 de la LIR – sont compris dans le calcul du revenu aux fins du SRG.

[24]           Outre les transferts fédéraux expressément prévus pour les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et les programmes sociaux, le gouvernement fédéral aide les provinces les moins prospères au moyen des paiements de péréquation. Grâce au Programme de péréquation, tous les Canadiens ont accès à un niveau raisonnablement semblable de services provinciaux à des niveaux raisonnablement semblables d'imposition où qu'ils vivent au pays. Les paiements de péréquation sont calculés d'après une formule qui compare la capacité fiscale des provinces par rapport à une norme représentative. Si la capacité de production de recettes d'une province est inférieure à la norme, le gouvernement fédéral relève la capacité fiscale par habitant de la province au niveau de la norme au moyen de paiements de péréquation. Les territoires reçoivent une aide financière fédérale grâce à la formule de financement des territoires, qui tient compte de la différence entre les dépenses nécessaires et la capacité de production de recettes des administrations territoriales.