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CIMM Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du NPD au sujet de l’étude du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM) : RENFORCER LA PROTECTION DES FEMMES DANS NOTRE SYSTÈME D’IMMIGRATION

Lysane Blanchette-Lamothe, députée de Pierrefonds-Dollard

Rathika Sitsabaiesan, députée de Scarborough—Rouge River

Jasbir Sandhu, député de Surrey-North

Irene Mathyssen, députée de London-Fanshawe

Le NPD se réjouit que le Comité permanent de la Citoyenneté et de l’Immigration ait choisi de mener une étude sur les façons  de mieux protéger les femmes dans notre système d'immigration. Alors que de nombreuses femmes viennent au Canada à titre individuel ou avec leurs familles et  s’épanouissent dans leur milieu, s’intégrant à cette superbe tapisserie de cultures diverses propres au Canada,  certaines de ces  femmes sont malheureusement mises dans une situation de vulnérabilité lorsqu’elles immigrent, les laissant ouvertes à l'exploitation et aux abus. En tant Canadiens, il nous revient de faire tout ce qui est possible pour s’assurer que notre système d’immigration offre protection et soutien aux femmes. À cet égard, nous sommes heureux de voir plusieurs des recommandations du comité renforcer la protection des femmes, mais nous ne croyons pas que ces recommandations aillent assez loin. Plus doit être fait, en particulier en ce qui concerne la résidence permanente conditionnelle, de meilleurs services de soutien et d'information pour les femmes immigrées ainsi que les longs délais de traitement des demandes.

Statut de résident permanent conditionnel (RPC)

Le statut de RPC a été instauré en octobre 2012.  Il s’applique aux époux, conjoints de fait ou partenaires conjugaux entretenant une relation avec leur répondant depuis deux ans ou moins et n’ayant pas d’enfant en commun avec leur répondant au moment du dépôt de la demande de parrainage. Ces conjoints ou partenaires parrainés sont soumis à une résidence permanente « conditionnelle » pendant une période de deux ans suivant l’obtention de leur statut de résident permanent au Canada. Durant cette période, ils doivent cohabiter et avoir une relation conjugale avec leur répondant. Si la personne parrainée ne se conforme pas à ces conditions, sa résidence permanente pourrait être révoquée et elle pourrait être déportée. Les conditions cesseraient de s’appliquer dans les cas où il y aurait preuve de violence ou de négligence de la part du répondant, ou preuve de l’absence de protection, durant la période conditionnelle, de la part de ce dernier, dans les situations où la violence ou la négligence serait commise par une personne qui lui est apparentée[1].

Les uns après les autres, les témoins ont souligné combien le statut de RPC accroît la vulnérabilité des femmes dans notre système d’immigration.  Par exemple, certains ont fait remarquer que l’obligation de cohabiter avec leur répondant pour ne pas perdre leur parrainage expose les femmes à de mauvais traitements, à l’isolement, à la manipulation et aux menaces : « Les défis des épouses parrainées, surtout celles qui sont victimes de mauvais traitements, sont complexes et nous remarquons qu’ils deviennent encore plus complexes maintenant à cause de l’imposition d’une période de résidence conditionnelle de deux ans. Une grande partie de ces difficultés découle du fait d’être isolée dans un nouveau pays, avec peu ou pas d’appui communautaire local. Il y a aussi une inégalité de statut fondée sur la durée de séjour au pays, et l’époux qui est au Canada depuis plus longtemps a une meilleure connaissance du contexte et plus d’appuis dans la communauté locale. Cet avantage est propice à la manipulation et aux menaces, ce qui cause de la peur, de l'ostracisme et de la honte […] Nous constatons que les répondants utilisent la nouvelle loi pour contrôler et maltraiter leurs victimes en les menaçant de la perte de leur statut et d'expulsion si elles se plaignent. Nous voyons que les femmes piégées dans de telles relations ne peuvent obtenir de l’appui que de l’auteur des mauvais traitements ou de sa famille. De tels répondants limitent normalement les rapports des immigrantes nouvellement mariées avec leur famille et leurs amis et les isolent totalement de leur réseau d'appuis[2]. »

Quant aux situations dans lesquelles les conditions cesseraient de s’appliquer, plusieurs témoins ont déclaré qu’étant donné que le fardeau de la preuve incombe à la personne parrainée, l’exception est largement inapplicable : « Si elle parvient à prouver cela, elle aura le droit à la protection accordée par la clause sur la maltraitance de l’amendement de la résidence permanente conditionnelle. Elle sera protégée de l'expulsion. C'est ce dernier type de vulnérabilité qui m’inquiète. Jusqu’ici, beaucoup de vos témoins ont souligné la difficulté qu’il y avait à fournir les preuves de violences, en particulier, bien sûr, s’il s’agit de violences psychologiques ou financières. De plus, vos témoins du CIC et de l’ASFC ont dit qu’une grande responsabilité incombe aux agents de l’immigration qui doivent déterminer si oui ou non il y a des violences. Je crois volontiers que les agents en question sont compatissants envers les femmes qui signalent des violences, cependant, il n’en demeure pas moins que la charge de la preuve pèse sur une femme seule. Comparez cela aux principes qui ont été adoptés par le British forced marriage unit, le FMU. Cette unité a été mise en place en 2005 pour fournir  une aide pratique, des informations et des conseils à toute personne ayant subi ou risquant de subir un mariage forcé[3]. »

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral élimine l’exigence relative à la résidence permanente conditionnelle, qui a pour effet d’accroître la vulnérabilité des femmes victimes de violence conjugale, et que le gouvernement mène de vastes consultations au sujet d’autres mesures permettant de protéger l’intégrité du programme de parrainage du Canada.

Diffusion de l’information et financement des services

Beaucoup de témoins ont fait observer que le manque d’information et d’éducation, dès le départ, des femmes qui immigrent au Canada rend ces personnes plus vulnérables à la violence sexiste et que, de ce fait, il est nécessaire d’organiser des séances d’information, à la fois pour les répondants et pour les conjoints parrainés, dès leur arrivée au Canada, afin de leur faire prendre conscience de leurs droits et de leurs responsabilités en vertu des lois canadiennes.

« De notre point de vue en tant qu’organisme qui fournit des services, il est maintenant encore plus important et essentiel de donner l’information nécessaire aux immigrantes vulnérables pour qu’elles sachent à qui parler et ne soient pas laissées à elles-mêmes dans des situations désespérées et en cas de crise. Il importe de mieux les préparer à ce qui pourrait survenir. Les organismes doivent leur fournir ces services. Nous devons investir dans ces services pour que les femmes battues ne soient pas prises dans un cercle vicieux[4]. »

Parallèlement à cela, il est essentiel de financer adéquatement les services qui s’occupent d’informer les femmes : « Je crois aussi que les organisations communautaires devraient recevoir davantage de financement. Je suis d'accord pour dire que l’éducation est importante. Que les ressources financières sont importantes. Les femmes doivent savoir où elles peuvent trouver de l’aide, et si ces services sont disponibles dans leur langue maternelle, cela aidera aussi ces femmes, par conséquent les services d’aide et d’installation pour les femmes immigrantes doivent être maintenus et renforcés[5]. »

Enfin, nous avons appris, durant cette étude, que l’accès au marché du travail est ce qu’il y a de plus important pour briser l’isolement des femmes dans notre système d’immigration et que, là aussi, le gouvernement doit investir dans des initiatives destinées à soutenir et à orienter les femmes.

« Parlons des obstacles économiques. Les nouvelles arrivantes peuvent avoir du mal à trouver un emploi en raison de leur manque d’accréditation, de l’absence d’une instruction canadienne et d’un manque d’expérience professionnelle. Leurs compétences sont soit insuffisantes, soit inutiles par rapport aux besoins du marché du travail. Sans emploi, elles sont financièrement dépendantes de leur parrain. Les femmes qui ont parrainé leur mari risquent d’être d’autant plus vulnérables si ce dernier les quitte et a recours à l’aide sociale. Nous recommandons qu’avant leur arrivée, elles reçoivent de l’information sur les compétences et les emplois qui sont en demande. Nous recommandons également qu’à leur arrivée, on les renseigne sur les programmes de perfectionnement qui existent et qui correspondent aux besoins du marché du travail[6]. »

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral rende obligatoire la tenue de rencontres entre les travailleurs d’établissement et les femmes parrainées, dès leur arrivée au Canada, afin de donner à ces femmes de l’information sur les cours de langue, les ressources sur le marché du travail et tout autre renseignement pertinent pour leur intégration réussie dans la société canadienne.

Vulnérabilité découlant de la longueur des délais de traitement

Le Comité a appris que l’isolement des conjoints vulnérables expose ces personnes aux mauvais traitements et aux cas de violences les plus graves[7]. Les longs délais de traitement des demandes pour immigrer au Canada et réunir les membres d’une famille, notamment avec les enfants, contribuent à l’isolement des conjoints parrainés[8]. De plus, des témoins ont dit également au Comité que les délais dans le regroupement des familles ont non seulement des effets néfastes sur les conjoints qui risquent d’être victimes de violences, mais aussi sur « les systèmes provinciaux d’aide sociale » et sur « le système de justice pénale[9] ».

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral fasse un examen de son programme de regroupement familial et qu’il comble rapidement les retards dans le traitement des demandes.



[1] Conseil canadien pour les réfugiés, http://ccrweb.ca/fr/residence-permanente-conditionnelle.

[2] CIMM, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 avril 2014, 1710 (Mme Kripa Sekhar (directrice exécutive, South Asian Women’s Centre).

[3] CIMM, Témoignages, 2e session, 41e législature, 1er avril 2014, 1545 (Mme Christine Straehle, professeure, Faculté des sciences sociales, Université d’Ottawa).

[4] CIMM, Témoignages, 2e session, 41e législature, 25 mars 2014, 1625 (Mme Queenie Choo, présidente-directrice générale, S.U.C.C.E.S.S.).

[5] CIMM, Témoignages, 2e session, 41e législature, 1er avril 2014, 1540 (Mme Avvy Yao-Yao Go, directrice de clinique, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic).

[6] CIMM, Témoignages, 2e session, 41e législature, 1er avril 2014, 1640 (Mme Khadija Darid (directrice générale, Espace féminin arabe).

[7] CIMM, Témoignages, 2e session, 41e législature, 1er avril 2014 (Mme Katie Rosenberger, gestionnaire, DIVERSEcity).

[8] CIMM, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 mars 2014, 1640 (M. Richard Kurland, avocat spécialisé en immigration).

[9] Ibid.