Passer au contenu
;

AANO Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

PARTIE I – LA GESTION DES TERRES DE RÉSERVE :
UN APERÇU

En quoi les terres de réserve se distinguent-elles des autres terres?
Les titres de propriété officiels relatifs aux réserves sont détenus par la Couronne plutôt que par des particuliers ou des organisations.
On reconnaît aux Premières nations un droit sur les terres de réserve qui comprend l'utilisation et l'occupation exclusives, l'inaliénabilité et la nature commune de cet intérêt.
Les terres ne peuvent être saisies par voie judiciaire ou être hypothéquées ou mises en gage à des non-membres des Premières nations.
Le ministre doit approuver ou accorder la plupart des transactions foncières en vertu de la Loi sur les Indiens.
Source : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Gestion foncière. 
On dénombre au Canada 3 003 réserves qui occupent un territoire combiné de 3,8 millions d’hectares[9]. La nature et le statut juridique distincts des terres de réserve des Premières nations créent des défis particuliers qui ne se posent pas hors des réserves. Ce statut a une incidence sur la façon dont les terres de réserve peuvent être exploitées, transférées, aliénées et inscrites. Pour mieux comprendre certaines des complexités de la gestion des terres de réserve et les défis qu’elles présentent pour le développement économique durable, il peut être utile de passer en revue quelques-unes de leurs particularités les plus distinctives, dont leur statut juridique, la façon dont elles peuvent être transférées et à qui, les modes d’attribution et d’enregistrement des intérêts, et les régimes de gestion en vigueur.

A. Nature des terres de réserve des Premières nations

Dans le passé, le gouvernement fédéral avait mis de côté des terres de réserve pour protéger une partie du territoire destiné à l’utilisation et à l’occupation exclusives des Premières nations. Aujourd’hui, l’État détient toujours des terres de réserve, et ce, pour les mêmes fins[10].

La responsabilité fédérale au regard des « Indiens et des terres réservées pour les Indiens » est établie par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867[11]. La Loi sur les Indiens est le principal instrument législatif par lequel s’exerce la compétence fédérale sur les « terres des Indiens ».

L’article 18 de la Loi sur les Indiens définit les terres de réserve ainsi :

[...] Sa Majesté détient des réserves à l’usage et au profit des bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté; sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des stipulations de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si tout objet, pour lequel des terres dans une réserve sont ou doivent être utilisées, se trouve à l’usage et au profit de la bande.

Il ressort de cette définition que les terres de réserve n’« appartiennent » pas, à proprement parler, aux Premières nations. La propriété en fief simple — titre de propriété absolu, quitte de toute créance, qui peut être vendu ou transféré à un tiers par voie de succession ou de testament — n’est habituellement pas exerçable dans les réserves[12]. C’est l’État qui conserve le titre de propriété. Le ministre des Affaires autochtones exerce par ailleurs un pouvoir et un contrôle importants sur les transactions foncières dans les réserves. De nos jours, l’approbation du ministre est encore requise pour la plupart des transactions foncières des Premières nations assujetties à la Loi sur les Indiens.

La préoccupation de jadis de l’État, qui voulait éviter l’érosion de l’assise territoriale des Autochtones, se traduit dans diverses dispositions de la Loi sur les Indiens. En particulier, l’article 89 dispose que les terres de réserve ne peuvent pas faire l’objet d’une hypothèque, d’un nantissement ou d’un privilège en faveur d’une personne autre qu’un membre ou une bande des Premières nations. Le seul intérêt dans une terre de réserve pouvant faire l’objet d’une saisie judiciaire est l’intérêt à bail. Néanmoins, sous réserve des restrictions concernant l’aliénation (les terres de réserve ne peuvent être cédées aux fins de la vente, sauf à l’État), les droits fonciers des Indiens « englobent la possession, l’utilisation et la jouissance absolues et exclusives de la terre et de ses ressources économiques[13] ».

B. Cadres de gestion des terres

Aucun régime unique de gestion des terres ne s’applique à l’ensemble des réserves du Canada. En fait, les Premières nations gèrent leurs terres selon l’un des trois grands types de régimes, hiérarchisés par niveau d’autorité :

  • Le cadre de gestion des terres de la Loi sur les Indiens;
  • La Loi sur la gestion des terres des premières nations (LGTPN);
  • Les ententes en matière d’autonomie gouvernementale (ententes distinctes ou éléments de traités contemporains).

Des 617 bandes des Premières nations reconnues du Canada, la grande majorité (550) régissent leurs terres selon la Loi sur les Indiens. Les dispositions sur les terres, qui composent près du tiers de la Loi, établissent le mode officiel de gouvernance des terres ainsi que les formes de propriété foncière, précisant comment les gouvernements, les bandes, les organisations et les particuliers peuvent contrôler, utiliser et transférer les terres de réserve. De nombreux observateurs et intervenants du développement économique des Premières nations avancent que le régime actuel de gestion des terres de la Loi sur les Indiens est trop lourd, compliqué et incertain[14]. Conséquence des lacunes, les Premières nations ont du mal à suivre « le rythme des affaires » et ratent ainsi des occasions économiques.

La LGTPN est la seule alternative à la Loi sur les Indiens en ce qui concerne la gestion des terres, mis à part les traités récents et les ententes d’autonLe régime de gestion des terres des Premières nations
Le régime de gestion des terres des Premières nations, une alternative au cadre de gestion des terres de la Loi sur les Indiens, accorde aux Premières nations participantes un plus grand contrôle sur leurs terres et leurs ressources. 
À ce jour, 77 Premières nations ont adopté le régime de la LGTPN; 36 ont promulgué leur code foncier, 30 sont en voie d’élaborer un code foncier qu’elles soumettront au vote de la communauté, et 48 autres sont sur une liste d’attente.
Les Premières nations désireuses de souscrire au régime de la LGTPN sont de plus en plus nombreuses. Dans le budget de 2011, le gouvernement s’est engagé à accorder jusqu’à 20 millions de dollars sur deux ans afin de permettre à un plus grand nombre de Premières nations de participer au régime. Un investissement supplémentaire de 9 millions de dollars en deux ans était prévu dans le budget de 2013.
omie gouvernementale[15]. Elle établit un mécanisme de gouvernance sectorielle en vertu duquel les Premières nations participantes ne sont plus assujetties aux dispositions sur les terres de la Loi sur les Indiens. En particulier, sous le régime de la LGTPN, les Premières nations ont compétence, au niveau de la communauté, sur la gestion et l’administration des terres et des ressources de réserve, à défaut d’une pleine autonomie gouvernementale. Les Premières nations participantes peuvent adopter des lois régissant l’exploitation, la protection, l’utilisation et la possession de leurs terres, accorder des baux et des permis, et réglementer d’autres intérêts à l’égard de leurs terres. Ces lois sont intégrées à un code foncier qui doit être ratifié par la communauté avant d’entrer en vigueur. Même si l’État continue de détenir les droits fonciers sous le régime de la LGTPN, l’intervention du ministre dans les décisions sur la gestion des terres de réserve est considérablement amoindrie. En conséquence, si elles ne peuvent vendre leurs terres à des tiers, les Premières nations peuvent louer et exploiter leurs terres et leurs ressources conformément au code foncier ratifié[16].

Les Premières nations ayant conclu des accords d’autonomie gouvernementale distincts ou qui sont parties à des traités récents protégés par la Constitution jouissent de vastes pouvoirs en matière de législation et de gestion des terres, indépendamment de la façon dont les terres sont détenues. Ces accords reconnaissent la compétence des Premières nations pour ce qui est d’aborder, conformément au cadre politique qui leur est propre, les aspects essentiels de la gestion des terres, dont la création et l’enregistrement des intérêts sur des terres, le zonage, et la gestion des transactions foncières[17] privées. En vertu des traités modernes, les nations signataires détiennent collectivement la propriété en fief simple de leurs terres. Des intérêts privés individuels ont toutefois été accordés, par exemple, en vertu des accords définitifs Nisga’a et Tsawwassen, ce dernier établissant des restrictions sur le transfert de terres à des non-membres[18]. Depuis 1973, 24 ententes de revendications territoriales exhaustives (traités modernes) ont été signées et ratifiées, et 18 accords d’autonomie gouvernementale ont été conclus dans presque toutes les provinces et les territoires du pays[19]. Ces derniers englobent 16 accords d’autonomie gouvernementale conclus dans le cadre de revendications territoriales globales, ainsi que 2 accords d’autonomie gouvernementale distincts avec les Premières nations Sechelt et Westbank en Colombie-Britannique.

C. Accords de propriété foncière en vertu de la Loi sur les Indiens

La Loi sur les Indiens dispose que les membres et les bandes des Premières nations, individuellement, ne détiennent pas le titre en fief simple[20] de leurs terres. Toutefois, il ne faut pas présumer que les réserves fonctionnent exclusivement comme des enclaves de la propriété collective[21]. Au contraire, divers titres fonciers ou « attributions » de terre sont proposés aux membres des bandes dans les réserves. Abstraction faite du titre en fief simple, on retrouve dans les réserves trois grands types de propriété individuelle : le titre foncier traditionnel, le certificat de possession (CP) et l’intérêt à bail.

  • Titre foncier traditionnel : Il s’agit de la forme de propriété foncière la plus courante dans les réserves. Des particuliers ou des familles se portent acquéreurs de lots de terre dans la réserve alloués par le conseil de bande. Les titres fonciers traditionnels ne font l’objet d’aucune protection juridique et ne sont pas reconnus par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les Indiens ou d’autres instruments juridiques; ils ne sont donc généralement pas exécutoires devant les tribunaux. Ainsi, les litiges fonciers sont habituellement traités par le conseil de bande. Sauf quelques exceptions, ces titres ne sont pas officiellement consignés ou enregistrés dans une base de données centralisée[22]. Aussi, s’ils peuvent être transférés à des membres de la famille, ils ne peuvent généralement pas être vendus dans le cadre d’un processus officiellement documenté.

  • Certificat de possession : Le CP est un titre foncier individuel plus officiel qui se rapproche étroitement de la propriété en fief simple. Parce qu’il est reconnu par la Loi sur les Indiens, le CP fournit une sécurité foncière que les titres traditionnels n’offrent pas. Émis avec l’autorisation du ministre des Affaires autochtones, après avoir été approuvé par le conseil de bande, le CP prouve la propriété foncière légitime du propriétaire. Reconnu par les tribunaux, il peut être transféré à des membres ou à l’ensemble de la bande (en tout ou en partie), loué à des tiers, y compris à des non‑membres de la bande, et utilisé comme garantie dans des transactions hypothécaires spécialisées endossées par la bande[23]. Il ne peut toutefois faire l’objet d’une saisie, d’un nantissement ou d’une hypothèque.

  • Intérêt à bail : Sous réserve des dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens, les terres de réserve peuvent être louées à des tiers. S’il s’agit de non-membres d’une bande, la location de terres de réserve à des fins de développement compte deux catégories : baux de titulaires d’un CP et baux visant des terres désignées[24]. Le processus de location de terres de réserve diffère selon qu’il s’agit d’une terre détenue par la bande (terre désignée) ou par un membre de la bande (CP). Sauf si la Première nation fonctionne selon le régime de la LGTPN ou en vertu d’un accord d’autonomie gouvernementale, les terres sont louées par le ministre au nom de la bande ou du détenteurdu CP. Toutefois, tous les loyers sont versés à la Première nation ou au titulaire du CP, selon le cas. Contrairement aux CP, les intérêts à bail peuvent être hypothéqués ou saisis.

D. Enregistrement des intérêts liés aux terres de réserve

Actuellement, la plupart des intérêts dans les terres de réserve sont consignés dans le Système d’enregistrement des terres indiennes (SETI) et non dans les systèmes provinciaux des titres fonciers. Parce que le SETI suit le modèle des registres des actes, le registraire n’est pas tenu de vérifier la validité juridique des documents qui y sont consignés[25]. En revanche, les systèmes provinciaux des titres fonciers utilisés hors des réserves, comme le registre des titres Torrens, offrent une certitude quant aux titres inscrits, établissent la priorité des intérêts divergents et garantissent que le titulaire inscrit est le véritable propriétaire du titre. Parce que les registres des actes obligent les parties à faire l’historique de toutes les transactions foncières pour établir la chaîne des titres, ils sont souvent plus coûteux et complexes que les systèmes des titres. Aussi, les registres des terres hors réserve sont souvent considérés comme plus efficaces pour ce qui est d’offrir aux investisseurs une sécurité foncière et un niveau de confiance qui faciliteront le développement économique.

Outre le SETI, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) exploite deux autres registres[26] :

  • Le Registre des terres des Premières nations, qui suit les codes fonciers établis en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations;
  • Le Registre des terres des Premières nations autonomes, établi conformément aux accords sur l’autonomie gouvernementale des Premières nations pour enregistrer les documents octroyant un intérêt sur les terres des Premières nations autonomes.

Type de registre

Total de l’assise territoriale des Premières nations

Système d’enregistrement des terres indiennes (assise territoriale en vertu de la Loi sur les Indiens)

3 385 950[27]

Registre des terres des Premières nations (contrôle des terres en vertu de la LGTPN)

148 155

Premières nations autonomes

17 499

Assise territoriale totale

3 551 430

Source : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Statistiques relatives à l'assise territoriale.

Il est important de noter que les transferts de titres fonciers traditionnels et les transferts non enregistrés et non approuvés de titres légitimes n’apparaîtraient pas dans les résultats d’une recherche dans le SETI.

E. Rôle du fédéral

La Loi sur les Indiens confère au ministre et à AADNC les pouvoirs les plus importants en ce qui concerne la gestion des terres des Premières nations. Mais à mesure que les Premières nations délaissent la Loi sur les Indiens au profit de régimes leur conférant une plus grande autonomie, comme la LGTPN, le rôle du Ministère s’atténue.

AADNC assume un vaste éventail de fonctions administratives et traite de nombreuses transactions foncières pour les Premières nations assujetties à la Loi sur les Indiens, dont[28] :

  • Approuver l’attribution des terres (CP) et les transactions connexes;
  • Émettre des permis et des baux pour des activités dans les réserves, y compris des activités commerciales, industrielles et résidentielles;
  • Désigner les terres destinées à la location;
  • Enregistrer les intérêts dans le SETI ;
  • Étudier et recommander des propositions au titre de la politique d’ajout aux réserves (AR);
  • Établir les limites des réserves et des parcelles de terrain particulières;
  • Veiller au respect des modalités des baux et permis, et percevoir les recettes;
  • Gérer des questions environnementales, y compris l’évaluation environnementale, la réhabilitation des sites contaminés et la gestion des déchets solides.
  • Le Ministère aide par ailleurs les Premières nations à développer leur propre capacité en matière de gestion des terres dans le cadre de son Programme de gestion des terres et de l’environnement dans les réserves (PGTER)[29]. Lancé en 2005 en tant que programme pilote, le PGTER remplace les anciens programmes de gestion des terres du Ministère (Programme de délégation de pouvoirs 53/60 et Programme régional d’administration des terres) et élargit les responsabilités transférées aux Premières nations en vertu de ces programmes.

Programme exhaustif et intégré de gestion des terres et de l’environnement, le PGTER vise à créer les conditions favorables pour accroître les responsabilités des Premières nations concernant leurs terres de réserves, dont la gestion de l’environnement, au lieu de laisser le Ministère assumer l’essentiel de ces fonctions. La Loi sur les Indiens accorde certaines responsabilités aux Premières nations, dont l’aménagement des terres communautaires, la gestion environnementale, la gestion des ressources naturelles, la surveillance de la conformité ainsi que l’administration des transactions foncières[30].

En vertu du Programme, les Premières nations reçoivent une aide financière pour la gestion des terres et peuvent participer à un programme de certification professionnelle en gestion des terres, d’une durée de deux ans, donné par l’Université de la Saskatchewan et l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones. Pour être admissible au PGTER, une Première nation doit compter un gestionnaire des terres, elle doit avoir des transactions foncières inscrites à son actif et avoir fait preuve d’une saine gestion financière[31].

F. Modernisation des terres

Outre la réforme et l’intégration de ses programmes de gestion des terres, depuis le lancement en 2009 du Cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones[32], le gouvernement fédéral cherche à établir une série d’options permettant aux Premières nations d’exercer un plus grand contrôle sur leurs terres et leurs ressources. L’un des éléments clés de cette initiative de « modernisation des terres » réside dans la mise en place d’outils pertinents de gestion des terres, dont des mesures législatives et de réglementation, pour faciliter le développement économique des réserves[33]. Parmi les plus récentes réformes fédérales dans ce domaine, mentionnons celles-ci :

  • Le projet de loi C-45 – Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance, qui simplifie le processus de location de terres désignées par les Premières nations en abaissant le seuil du vote communautaire prescrit par la Loi sur les Indiens de la double majorité à la majorité simple, et permettant au ministre des Affaires autochtones, plutôt qu’au gouverneur en conseil, d’approuver la désignation des terres[34].
  • La création d’un groupe de travail conjoint entre AADNC et l’Assemblée des Premières nations sur les AR afin d’étudier des possibilités d’accélérer le fastidieux processus d’AR pour permettre aux Premières nations de réaliser leur potentiel économique[35].
  • L’engagement, dans le budget de 2011, de réaffecter jusqu’à 20 millions de dollars de financement sur deux ans pour permettre à de nouvelles Premières nations d’adhérer au régime de la LGTPN. De même, en 2011, le Canada et le Conseil consultatif des Premières nations ont signé un protocole d’entente sur une nouvelle formule de financement, pavant la voie à l’adhésion de 18 autres Premières nations au régime de la LGTPN en janvier 2012. Une enveloppe supplémentaire de 9 millions de dollars est prévue dans le budget de 2013 pour élargir le régime de gestion des terres des Premières nations et permettre l’adhésion de huit autres Premières nations[36].
  • La modification de la LGTPN pour éliminer l’obligation de conclure des ententes de gestion de l’environnement avec le gouvernement fédéral avant l’élaboration de régimes locaux de protection environnementale[37].
  • Le budget de 2012 a présenté une proposition de taille pour la réforme du régime foncier des réserves. Avalisant une recommandation du Comité permanent des finances de la Chambre des communes[38], le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’étudier avec les Premières nations intéressées la possibilité d’adopter des mesures législatives qui autoriseraient la propriété privée à l’intérieur des limites actuelles des réserves[39]. Cette proposition, présentée par la Commission de la fiscalité des Premières nations, est abordée de manière plus approfondie un peu plus loin dans le rapport.

G. Ce que le contexte nous révèle

Cet examen sommaire du cadre de gestion des terres de réserve souligne les défis particuliers que posent les réformes envisagées. Même si la Loi sur les Indiens peut contrecarrer et retarder le développement économique des réserves, elle offre néanmoins certaines protections aux Premières nations, notamment pour ce qui est de préserver l’intégrité de l’assise territoriale des réserves. Cette contradiction apparente a été mentionnée par Andrew Beynon, directeur général, Direction générale des opportunités pour les communautés, AADNC, qui a expliqué que même si nombre de Premières nations aspirent à une pleine autonomie pour la gestion de leurs terres, d’autres préfèrent que le gouvernement continue de jouer son rôle d’administrateur des terres, estimant que le Canada « doit s’acquitter d’obligations fiduciaires précises à l’égard des terres de réserve[40] ».

Ces rôles conflictuels, combinés à la divergence des conceptions en ce qui a trait à la terre, aux modes de propriété foncière et à la capacité des communautés, peuvent contribuer à rendre encore plus complexes les réformes. Malgré ces difficultés, les Premières nations sont nombreuses à vouloir élaborer des régimes de gestion des terres modernes et professionnels grâce auxquels leurs communautés pourront tirer profit de l’investissement extérieur, ainsi que de la richesse de leurs terres et de leurs ressources. Les deux parties qui suivent résument les témoignages qui ont été livrés au Comité sur les défis de l’exploitation des terres de réserve des Premières nations et les moyens possibles de les surmonter.


[9]             Marena Brinkhurst et Anka Kessler, p. 2.

[11]           Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c. 3.

[12]           Sous le régime des traités contemporains, cependant, les terres visées sont détenues en fief simple par les groupes autochtones et ne sont plus considérées comme des « terres réservées pour les Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, ou, en ce qui concerne les Premières nations, des réserves au sens de la Loi sur les Indiens.

[13]           Jack Woodward, Native Law, « Aboriginal Titles and Indian Lands », vol. 1, chap. 8, 1989. [traduction]

[14]           Voir, par exemple, Lang Michener LLP, Best Practices in First Nations’ Land Administration Systems, 2007.

[15]           Gouvernement du Canada, Loi sur la gestion des terres des premières nations, L.C. 1999, ch. 24.

[16]           Des renseignements supplémentaires sur la Loi sur la gestion des terres des premières nations sont fournis dans le site Web du Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières nations.

[17]           Assemblée des Premières nations (Colombie-Britannique), Land Management, partie 1, section 3:19.

[18]           La législation nisga’a permet aux propriétaires d’une résidence située dans une ancienne réserve en territoire nisga’a, au nord-ouest de la Colombie-Britannique, de transférer leur titre foncier en titre de propriété en fief simple. Ainsi, un Nisga’a pourrait hypothéquer ou vendre sa propriété, mais le contrôle demeurerait assuré par le gouvernement de village. La législation ne s’applique qu’aux propriétés résidentielles et exclus, par exemple, les grands projets de développement immobilier commerciaux. Pour plus de renseignements, voir Nisga’a Lisims Government, Nisga'a Landholding Transition Act, octobre 2009.

[20]           L’article 20 de la Loi sur les Indiens dispose que : « Un Indien n’est légalement en possession d’une terre dans une réserve que si, avec l’approbation du ministre, possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande. » L’autorité du Parlement conférée par le paragraphe 91(24) est généralement considérée comme absolue, ou sans limitations. Aussi, le fait qu’il ait promulgué le caractère communal et inaliénable des terres de réserve dans la Loi sur les Indiens n’empêche pas qu’il puisse aussi, parallèlement, autoriser la propriété individuelle en fief simple de ces terres sous certaines conditions prévues par la Loi ou dans d’autres documents.

[21]           Thomas Flanagan et Christopher Alcantara, « Individual Property Rights on Canadian Indian Reserves », Public Policy Sources, Institut Fraser, no 60, juillet 2002, p. 3.

[22]           Les Premières nations Membertou et Lac La Ronge ont entrepris de recenser et de documenter les titres fonciers traditionnels dans les réserves. Voir Thomas Flanagan et Katrine Beauregard, The Wealth of First Nations: An Exploratory Study, Institut Fraser, juin 2013, p. 9.

[23]           Marena Brinkhurst et Anka Kessler, p. 4.

[24]           Pour plus de renseignements sur le processus de location de terres dans les réserves, voir Bob Starkell, Leases on Indian Reserves, octobre 2006.

[25]           Pour plus de renseignements sur le Registre des terres des Premières nations : Lang Michener LLP, Best Practices in First Nations’ Land Administration Systems, 2007.

[26]           AADNC, Enregistrement des terres.

[27]           En février 2013, l’assise territoriale totale des Premières nations totalisait 3,8 millions d’hectares.

[28]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 novembre 2011, (Andrew Beynon, directeur général, Direction générale des opportunités pour les communautés, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).

[30]           Bureau du vérificateur général du Canada, Automne 2009, Rapport de la vérificatrice générale du Canada, Chapitre 6 ‒ La gestion des terres et la protection de l’environnement dans les réserves, 2009.

[31]           Ibid.

[32]           Le Cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones se trouve ici.

[34]           Projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget, en particulier la section 8 de la partie 4.

[35]           AADNC, Plan d'action conjoint Canada Premières nations, communiqué de presse, juin 2011. En juillet 2013, AADNC a publié un projet de révision de la Politique sur les ajouts aux réserves de 2001. Les révisions proposées permettraient de : simplifier la proposition d’ajout aux réserves et éliminer les chevauchements; clarifier les rôles et les responsabilités; faciliter le développement économique. Pour obtenir plus de renseignements, cliquer ici.

[37]           Projet de loi C-38, Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, en particulier la section 46 de la partie 4.

[38]           Comité permanent des finances de la Chambre des communes, Maintenir le cap sur l'emploi et la croissance au Canada, 1re session, 41e législature, décembre 2011.

[40]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 novembre 2011 (Andrew Beynon, directeur général, Direction générale des opportunités pour les communautés, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).