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LANG Rapport du Comité

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D. Le développement économique

Dans la Feuille de route 2008-2013, le développement économique comporte deux volets : les initiatives du secteur langagier et le développement économique des CLOSM.

1. Les initiatives du secteur langagier — Investissements de la Feuille de route 2008-2013 : Description des initiatives et des réussites

1.1 La promotion du secteur langagier : le Centre de recherche en technologie langagière (Conseil national de recherches du Canada)

Deux initiatives cadrent dans la promotion et le développement du secteur langagier au Canada. Dans un premier temps, le Centre de recherche en technologies langagières du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a obtenu 10 millions de dollars sur 5 ans de la Feuille de route pour le développement d’une technologie de traduction automatique nommée PORTAGE et la création de WeBiText, un outil d’aide à la traduction.

Le CNRC est un chef de file mondial dans le développement des technologies langagières et une figure de proue pour le développement de l’industrie langagière au Canada :

L'existence d'une vigoureuse industrie langagière au Canada est indispensable au maintien de la dualité linguistique au pays. De toute évidence, les contributions du CNRC aux technologies langagières ont été essentielles à la compétitivité durable de cette industrie au Canada.

Pour conclure, je dirais que le CNRC est fier de ce qu'il a accompli dans le cadre de cette initiative. Avec ses partenaires, il a mis sur pied une équipe de renommée mondiale qui a créé des emplois et a valorisé l'industrie langagière canadienne en lui procurant de nets avantages sur la concurrence internationale[99].

Le Comité a appris que les technologies langagières développées par le CNRC sont déjà en usage, notamment par le Bureau de la traduction. De plus, PORTAGE a remporté des prix lors de compétitions internationales et a permis au CNRC de conclure des partenariats internationaux.

1.2 L’Initiative pour l’industrie de la langue (Bureau de la traduction, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

Il y a, dans un deuxième temps, l’Initiative pour l’industrie de la langue du Bureau de la traduction de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Elle s’inscrit dans le Programme de renforcement du secteur langagier du Bureau. L’Initiative sert à améliorer la capacité du secteur langagier au chapitre de la promotion, du perfectionnement de la main-d’œuvre et de l’intégration des technologies langagières. La Feuille de route attribue 10 millions de dollars sur 5 ans à cette initiative. Selon le ministère, neuf projets ont été mis en œuvre.

Hormis les représentants du CNRC et du Bureau de la traduction, les autres témoins n’ont pas formulé de recommandations en ce qui a trait aux initiatives décrites ci-dessus. Cependant, le Comité croit que le Canada doit briller dans le domaine des technologies langagières sur la scène internationale. Pour ce faire, le gouvernement du Canada doit financer la recherche qui favorise la promotion et le développement de l’industrie langagière. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 13

Que, dans le cadre d’une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles, le gouvernement du Canada appuie les initiatives qui visent le développement des technologies et de l’industrie langagière de sorte à promouvoir les langues officielles et bénéficier pleinement des retombées économiques associées à la dualité linguistique canadienne.

2. L’appui au développement économique des CLOSM : description des initiatives et des réussites

Dans son rapport annuel 2008-2009, le commissaire aux langues officielles du Canada a partagé sa vision du développement économique communautaire :

Les communautés de langue officielle en situation minoritaire disposent des infrastructures, des ressources et des outils nécessaires à la mise en œuvre d’initiatives durables de développement économique communautaire et de développement des ressources humaines, qui leur permettent d’accroître leur vitalité et de contribuer à l’essor économique de leur région et de leur province[100].

La Feuille de route contribue à la concrétisation de cette vision par l’entremise de deux initiatives principales : l’Initiative de développement économique (IDE) et le Fonds d’habilitation.

2.1 L’Initiative de développement économique
2.1.1 Industrie Canada

L’Initiative de développement économique (IDE) est menée par Industrie Canada et les agences de développement régional. Elle a pour objectif la mise en valeur des avantages économiques de la dualité linguistique et l’épanouissement des CLOSM. L’IDE favorise la conception de projets qui visent l’entrepreneuriat, l’innovation, la diversification et l’établissement de partenariats. Le gouvernement du Canada a accordé 30,5 millions de dollars de la Feuille de route pour sa mise en œuvre.

Bien qu’Industrie Canada assume un rôle de coordination dans le cadre de l’IDE, chaque agence de développement économique agit de manière indépendante sur le plan des investissements. Selon Industrie Canada, il s’agit d’une formule gagnante qui valorise le savoir-faire et l’expérience des agences :

Je crois qu'il s'agit, en partie, d'un élément clé des résultats de l'Initiative de développement économique. Chacune des agences dispose d'un réseau d'employés sur place et d'une infrastructure pour exécuter les programmes de développement économique. Elles sont donc en contact bien plus étroit avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans leurs régions[101].

Industrie Canada a obtenu 10,6 millions de dollars sur 5 ans pour l’IDE. Ses efforts se concentrent dans quatre domaines principaux : la mise en place d’un processus de consultations avec les CLOSM, un programme de recherche national axé sur l’évaluation des conditions socioéconomiques des CLOSM, la livraison du programme de l’Agence de développement économique régional du Nord de l'Ontario (FedNor) et la réalisation de l’évaluation sommative. À ce sujet, FedNor met en œuvre la composante du Nord de l’Ontario de l’IDE. Elle a obtenu 4 450 000 $ de la Feuille de route. Son travail est axé sur la diversification et la création d'emplois et encourage la présence de collectivités durables et autonomes dans le Nord de l'Ontario. Il est à noter que FedNor joue un rôle semblable à celui des autres agences de développement régional, mais elle fait partie du portefeuille d'Industrie Canada[102].

2.1.2 L’Agence canadienne de développement économique pour le Nord (CanNor)

L’Agence canadienne de développement économique pour le Nord (CanNor), créée en août 2009, est la seule institution fédérale qui a un mandat exclusif pour le Nord et dont l’administration centrale est située dans les territoires. Dans le cadre de la Feuille de route, CanNor a obtenu 400 000 $ pour la mise en œuvre de l’IDE. CanNor utilise les fonds de la Feuille de route comme levier et, à ce jour, a contribué à 9 projets totalisant 1 850 000 $ : le Carrefour Nunavut a bénéficié d’un appui de 175 000 $ pour la planification et la conception d'un incubateur d'entreprises; le Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest a reçu 453 000 $ pour le développement d'une stratégie panterritoriale pour le tourisme francophone et l'Association franco-yukonnaise a obtenu un financement de 122 550 $ pour le développement d'une capacité en tourisme francophone au Yukon[103].

CanNor travaille avec les communautés francophones nordiques par l’entremise de la Table 867. Cette table de concertation a permis, entre autres l’élaboration d’une stratégie panterritoriale de développement économique pour les communautés francophones. Le tourisme a été retenu comme un domaine d’intervention privilégié.

2.1.3 L’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA)

L’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) participe à la mise en œuvre de l’IDE. Dans le cadre de la Feuille de route, l’APECA a obtenu un financement de 6,2 millions de dollars dont 500 000 $ ont été retenus pour les coûts administratifs liés à la mise en œuvre de l’IDE. Ce financement renforce le Programme de développement des entreprises et du Fonds des collectivités innovatrices qui est intégré aux programmes réguliers de l’APECA. Le Programme est axé sur trois secteurs principaux : le développement des entreprises, le développement des collectivités, ainsi que les politiques, la défense des intérêts et la coordination.

Selon les représentants de l’APECA, les 5,7 millions de dollars de la Feuille de route ont été affectés à des activités non commerciales afin d’appuyer les petites et moyennes entreprises (PME). Concrètement cela se traduit par le financement de 34 projets, dont Traduction Nouveau-Brunswick Translation, un projet pour aider les PME à défrayer les coûts de traduction de leurs produits publicitaires; la traduction vers l’anglais de la programmation du Pays de la Sagouine et le financement de deux projets de la Commission du tourisme acadien du Canada atlantique qui visent à développer le concept d’une expérience acadienne dans cinq pôles touristiques acadiens du Canada atlantique.

2.1.4 L’Agence de développement économique Canada pour les régions du Québec

L’Agence de développement économique Canada pour les régions du Québec a obtenu de la Feuille de route la somme de 10,2 millions de dollars sur 5 ans. Cette agence a pour mission de promouvoir le développement économique à long terme des régions du Québec en accordant une attention particulière aux régions à faible croissance économique et à celles qui n’ont pas suffisamment d’emplois productifs.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Feuille de route et de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, l’Agence de développement économique Canada pour les régions du Québec travaille avec les communautés anglophones du Québec pour promouvoir leur intégration dans l’économie québécoise. Pour ce faire, l’Agence a élaboré un Plan d’action axé sur les résultats qui comporte les catégories d’intervention suivantes : la sensibilisation, la consultation, la communication, la coordination et la liaison, le financement et la prestation de programmes ainsi que la reddition de comptes. Les fonds de la Feuille de route consentis à Développement économique Canada pour les régions du Québec ont servi à bonifier les investissements des activités déjà en vigueur dans les programmes réguliers de l’Agence. La Feuille de route a permis de financer des projets présentés par des organismes à but non lucratif ou par des entreprises dans les 24 municipalités régionales de comté où la population anglophone représente au moins 5 % de la population totale. L’Agence a approuvé 9 nouveaux projets dans le cadre de l’IDE ce qui totalise 2,6 millions de dollars en aide financière et une valeur d’investissement de 9,3 millions de dollars.

2.1.5 L’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario (FedDev Ontario)

Créée en août 2009, l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario (FedDev Ontario) a pour objectif de stimuler le développement économique en répondant expressément aux besoins et aux priorités des travailleurs, entreprises et collectivités. FedDev Ontario a obtenu 4 450 000 $ sur 5 ans de la Feuille de route, dont 500 000 $ sont réservés à l’administration du programme. Selon l’Agence :

À ce jour, 30 projets répartis dans l'ensemble du Sud de l'Ontario et dont le coût estimé est d'environ 2,6 millions de dollars ont été approuvés et ont été réalisés ou sont sur le point de l'être. Cela représente environ 64 p. 100 du budget total annoncé pour l'IDE.

Les projets comprennent entre autres le développement de plans stratégiques, des initiatives de marketing, des stages pour les jeunes et un nouveau fonds d'investissement en microcrédit récemment annoncé.

Tous ces projets permettent de répondre aux besoins des communautés francophones du Sud de l'Ontario[104].

L’année dernière, FedDev Ontario a tenu des consultations avec des organismes de développement économique franco-ontariens afin de relancer son programme qui avait suscité peu d’intérêt. Des crédits d’un montant de 1,4 million de dollars sur un budget total de 4 millions de dollars étaient restés non utilisés. Depuis, FedDev Ontario a été en mesure de créer des partenariats avec la Fondation franco-ontarienne, le Réseau de développement économique et d’employabilité de l’Ontario (RDÉE Ontario) ainsi que l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario[105].

L’accord de contribution avec la Fondation franco-ontarienne, en partenariat avec les caisses populaires, sert à la création d’un fonds d’investissement pour le développement de microcrédit à l’intention des entrepreneurs francophones dans le Sud de l’Ontario. Le fonds est destiné à aider quelque 300 nouvelles entreprises au cours des 7 prochaines années. L’accord de contribution avec le RDÉE Ontario servira à embaucher quatre employés qui dispenseront des conseils professionnels et de la formation aux PME dans les collectivités francophones du Sud de l’Ontario. L’Agence estime que 1 500 entrepreneurs seront interpellés à travers cette initiative. Pour ce qui est de l’accord de contribution avec l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, il sert à appuyer un programme de stages pour les jeunes dans le Sud de l’Ontario, ce qui permettra à 10 organismes à but non lucratif et à 6 entreprises d’embaucher un stagiaire.

2.1.6 Diversification de l’économie de l’Ouest Canada

Diversification de l’économie de l’Ouest (DEO) est l’agence de développement économique régional qui opère au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique. Dans le cadre de la Feuille de route, DEO a obtenu 3,2 millions de dollars pour la mise en œuvre de l’IDE.

DEO a mis sur pied un plan d’action pour la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles 2011-2016 afin d’intégrer la Loi et la Feuille de route dans les activités quotidiennes. Quant à l’IDE, elle est mise en œuvre en partenariat avec les quatre organisations francophones à vocation économique (OFVE) qui sont membres du Réseau de services aux entreprises de l’Ouest canadien de DEO depuis 2001. Le commissaire aux langues officielles du Canada a déclaré que les OFVE constituent une pratique exemplaire et a recommandé aux autres organismes fédéraux d’en examiner le modèle[106].

Le travail accompli par DEO touche, entre autres à l’employabilité des jeunes dans les CLOSM en milieu rural et au développement économique des municipalités bilingues. Il vise aussi à outiller les entrepreneurs francophones pour qu’ils aient accès aux capitaux, à la formation et aux renseignements pour lancer ou développer leurs entreprises. Ces derniers ont des occasions de visibilité et de réseautage lors de forums internationaux pour les entrepreneurs. Les communautés francophones de l’Ouest, à l’instar de celles des territoires, travaillent à des projets touristiques.

2.2 Le Fonds d’habilitation pour les CLOSM (Ressources humaines et Développement des compétences Canada)

Toujours dans le domaine du développement économique, la Feuille de route contribue au Fonds d’habilitation pour les CLOSM. Doté d’un budget de 69 millions de dollars sur 5 ans, ce fonds tombe sous le portefeuille de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC).

Selon les représentants de RHDCC, le Fonds a permis de financer le fonctionnement et les activités de 14 organismes sans but lucratif à l’échelle nationale, provinciale ou territoriale, notamment le Réseau de développement économique et d’employabilité Canada (RDÉE Canada), 12 RDÉE provinciaux et territoriaux ainsi que la Corporation d’employabilité et de développement économique communautaire (CEDEC) qui représente les intérêts des communautés anglophones du Québec.

RHDCC mise sur la capacité de ces réseaux de développement économique et d’employabilité pour établir des partenariats avec les secteurs privé, public et sans but lucratif :

Le Réseau de développement économique et d'employabilité et la CEDEC créent des pôles pour l'établissement de partenariats communautaires. Favorisant une approche intégrée de développement économique et de mise en valeur des ressources humaines à l'échelle locale, ces organismes ont lancé des projets novateurs qui répondent aux besoins locaux[107].

La CEDEC a fait valoir au Comité que les fonds de la Feuille de route agissent comme levier :

Depuis 2008, la CEDEC a fait des investissements directs de plus de 7 millions de dollars dans des initiatives de développement économique axées sur la collectivité. Ces fonds proviennent de partenaires qui bénéficient des 2,7 millions de dollars que RHDCC investit chaque année dans le fonds d'habilitation, un volet important de la feuille de route. Pendant le dernier exercice seulement, la CEDEC a investi directement 2,9 millions de dollars, soit 1,07 $ pour chaque dollar provenant du fonds d'habilitation[108].

3. Témoignages et recommandations

De manière générale, les investissements de la Feuille de route pour la mise en œuvre de l’Initiative de développement économique (IDE) et le Fonds d’établissement ont été grandement appréciés par les CLOSM. À ce sujet, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario a témoigné du progrès accompli dans le domaine du développement économique grâce au Fonds d’habilitation :

Le développement économique était l'un des axes de la Feuille de route. En Ontario, on note les contributions du RDÉE, qui a eu accès au Fonds d’habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. Ce financement permet le développement économique durable et la participation à part entière de nos concitoyens francophones[109].

La Corporation d’employabilité et de développement économique communautaire (CEDEC) a aussi témoigné des bienfaits de la Feuille de route dans les communautés anglophones du Québec :

La Feuille de route a grandement contribué à la vitalité de notre collectivité et a permis à la CEDEC de jouer un rôle primordial dans l'optimisation du potentiel économique des collectivités anglophones du Québec et de les aider à saisir des occasions de création d'emplois et de croissance économique[110].

3.1 Pour un appui continu

Comme dans tous les domaines d’intervention gouvernementale, les témoins ont rappelé au Comité l’importance d’obtenir un soutien financier continu de la part du gouvernement fédéral pour stimuler le développement économique des CLOSM. Selon le RDÉE Canada :

Les fonds versés par notre principal bailleur de fonds ne permettent malheureusement pas à l'ensemble de nos RDÉE provinciaux et territoriaux d'offrir des services et de l'appui aux entreprises qui démarrent ou même qui existent déjà, en l'occurrence pour le développement des capacités économiques, ainsi qu'aux industries et aux secteurs économiques. Son objectif est de renforcer les capacités des communautés dans le secteur du développement des ressources humaines, donc de l'employabilité, ce qui couvre une partie seulement des secteurs que nous devons appuyer[111].

La CEDEC a aussi rappelé l’importance d’un appui soutenu qui permet d’établir des partenariats et de développer des projets durables :

Le développement économique des collectivités est un processus à long terme qui nécessite une planification efficace, appuyée par des engagements financiers soutenus de la part du gouvernement fédéral. Cela est essentiel si nous voulons établir des partenariats importants qui généreront des résultats tangibles pour nos collectivités[112].

En matière de développement économique, deux grands volets ont retenu l’attention du Comité : l’accès aux services d’aide à l’emploi dans la langue de la minorité et la formule coopérative comme modèle par excellence pour le développement économique des CLOSM.

3.2 L’employabilité et l’accès aux services d’aide à l’emploi dans la langue de son choix

L’employabilité, la capacité d’une personne à être affectée à un travail, est une dimension importante du développement économique des CLOSM, car elle touche directement à la vitalité des communautés. L’incapacité des jeunes diplômés de se trouver un emploi dans leur communauté ou dans leur région mine l’épanouissement des CLOSM. Il s’agit d’un enjeu préoccupant, notamment pour les CLOSM qui sont situées à l’extérieur des grands centres urbains.

La section qui suit traite des problèmes d’employabilité auxquels font face les Québécois d’expression anglaise ainsi que les problèmes d’accès à des services d’emplois dans la langue de la minorité dans les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.

Dans son rapport intitulé L’épanouissement des communautés anglophones du Québec : du mythe à la réalité, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a reconnu que la vitalité économique des communautés anglophones du Québec dépend de plusieurs facteurs dont l’offre d’emplois bien rémunérés, la disponibilité de services pour démarrer sa propre entreprise ou encore les occasions de perfectionnement des compétences linguistiques et professionnelles.

Les analyses de Statistique Canada confirment qu’il existe un problème d’employabilité chez les anglophones du Québec. Ils sont sous-représentés dans les fonctions publiques provinciales et fédérales, deux employeurs de choix pour les jeunes diplômés. Ils sont donc contraints de migrer vers d’autres provinces. Cet exode de la jeunesse a, sans contredit, une incidence importante sur la vitalité des communautés dont ils sont issus[113]. Sur ce point, l’Agence de développement économique Canada pour les régions du Québec a déclaré au Comité s’être engagée à prendre les mesures nécessaires pour augmenter la représentation des anglophones et améliorer son rendement en vertu de la partie VI de la Loi sur les langues officielles. Le Comité se réjouit de cet engagement.

Les Services d’emploi pour les jeunes (YES Montréal) ont résumé en trois points le problème qui existe relativement à l’accès à des services d’emplois en anglais au Québec. En 1997, le gouvernement fédéral a signé une entente[114] avec le gouvernement du Québec en vertu de laquelle il transfère à la province ses responsabilités en matière d’emploi. La Stratégie emploi jeunesse est le seul programme qui relève toujours du gouvernement fédéral. Or, le gouvernement fédéral n’a pas évalué l’impact d’un tel transfert sur les communautés anglophones. Par conséquent, l’entente n’a pas été assortie de clauses linguistiques garantissant la prestation de services dans la langue de la minorité.

La situation est similaire du côté francophone. La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) explique la situation comme suit :

Il est impératif de signaler aux membres du comité permanent que le gouvernement fédéral doit rectifier le tir en matière de transferts de fonds au gouvernement provincial. La situation qui prévaut en Colombie-Britannique, à la suite des transferts des programmes d'emploi, n'a pas permis aux organismes francophones prestataires de services de continuer l'offre de services qui existait depuis plus de dix ans grâce au gouvernement fédéral.

Les clauses linguistiques incluses dans les ententes conclues entre les gouvernements fédéral et provincial doivent s'accompagner de mécanismes de reddition de comptes qui lient les deux ordres de gouvernement et qui sont formulés en collaboration avec la communauté. Nous souhaitons que le gouvernement fédéral renouvelle la Feuille de route tout en mettant en vigueur des mécanismes qui permettent aux communautés d'avoir accès aux programmes qui sont gérés au niveau national[115].

Au Québec, ce manque de planification se traduit par une insuffisance sur le plan de l’offre de services en anglais et le financement de ces derniers. Les ressources actuelles ne suffisent pas pour répondre à la demande croissante pour des services d’emplois chez la communauté anglophone du Québec. Selon YES Montréal, le nombre de clients est passé de 500 en 1995 à 4 400 en 2011[116]. En outre, l’organisme sert plus de 1 000 clients dans son centre, mais Emploi-Québec ne fournit du financement que pour 380 usagers[117].

Selon YES Montréal, ce manque de ressources a des conséquences sur l’avenir des communautés :

Le marché de l’emploi, en particulier pour la clientèle de nos organismes, ne va pas en s’améliorant et les cas qui nous sont présentés deviennent plus complexes. Qui plus est, nous voyons davantage des gens qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale à cause du stress lié au chômage[118].

Comme mentionné précédemment, le manque de ressources est exacerbé en région. Lors de sa comparution, l’Agence de développement économique Canada pour les régions du Québec a souligné qu’elle appuie une stratégie à long terme des services d’emploi pour les jeunes qui vise à fournir des services adéquats en anglais dans les régions du Québec[119].

Le deuxième problème soulevé par les YES Montréal concerne la prolifération des organismes de services gouvernementaux et paragouvernementaux centralisés. Ces derniers n’offrent presque pas de services en anglais à moins qu’ils soient situés dans une région dotée d’une masse critique d’anglophones. De plus, leur prolifération change l’attribution du financement :

Une bonne part du financement jadis accordé aux organismes communautaires est maintenant acheminée par l’entremise de ces organismes paragouvernementaux même si bon nombre d’entre eux, y compris Emploi-Québec, orientent les clients vers son service déjà surchargé[120]

Cette situation risque de provoquer la disparition d’organismes communautaires fournissant des services d’emplois. Selon YES Montréal, il s’agit d’un des pires scénarios, car les organismes communautaires adoptent une approche holistique à l’employabilité :

[I]ls établissent des liens avec la collectivité; ils facilitent l’intégration des nouveaux immigrants; ils favorisent le maintien des jeunes dans le milieu et ils offrent un soutien aux familles ayant des enfants handicapés afin qu’elles puissent rester au Québec[121]

Le Comité regrette que le gouvernement du Canada n’ait pas veillé à insérer des clauses pour protéger les droits linguistiques des CLOSM au moment du transfert de ses responsabilités en matière d’emploi aux provinces et territoires. Le gouvernement doit développer des mécanismes qui lui permettront d’évaluer les conséquences de telles décisions sur les droits et la vitalité des CLOSM. Le Comité est heureux d’apprendre que certaines institutions fédérales comme FedDev Ontario utilisent un filtre, c’est-à-dire un outil qui permet d’évaluer l’incidence de ses projets (tant la création que l’annulation) sur les CLOSM. L’appareil fédéral se doit de développer de tels mécanismes et de faire en sorte que leur utilisation devienne un automatisme.

YES Montréal a reconnu la contribution de la Feuille de route et le travail qui a été entrepris par l’Agence de développement économique Canada pour les régions du Québec ainsi que Patrimoine canadien et Ressources humaines et Développement des compétences Canada dans le dossier de l’accroissement des services d’aide à l’emploi en anglais au Québec. Du côté francophone, Industrie Canada et les agences de développement économique ont mis sur pied des programmes de stages qui favorisent l’employabilité chez les jeunes[122].

L’accès à des services d’aide à l’emploi dans la langue de son choix est un élément important du développement économique et communautaire des CLOSM. Une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles pourrait contribuer au renforcement des capacités et à l’offre de service d’emploi dans la langue de la minorité. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 14

Que, dans le cadre d’une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles, le gouvernement du Canada assure le soutien nécessaire aux réseaux et organismes des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui offrent des services d’aide à l’emploi et qu’une attention soit portée aux besoins des communautés en régions, des jeunes et des aînés.

3.3 Les aînés, l’employabilité et le développement économique

Dans la Feuille de route 2008-2013, seul le domaine de la santé a obtenu du financement axé spécifiquement sur les aînés. Bien que la santé soit prioritaire, les aînés ont aussi d’autres préoccupations. Comme l’explique le Quebec Community Groups Network (QCGN) : « Pour notre génération, nous n'avons pas seulement besoin de services de santé; nous voulons avoir accès à de seconds emplois […] [123]. »

Le retour au travail des jeunes retraités et des aînés sur le marché du travail est une preuve manifeste des changements qui s’opèrent dans le marché du travail canadien :

À cause du vieillissement de la population, on va commencer à voir des pénuries de main-d’œuvre à partir de 2013. L'immigration est une solution, mais pour nous, il s'agit de mettre en place des mesures qui permettront aux aînés, aux retraités et aux travailleurs âgés de demeurer en emploi ou de retourner sur le marché de l'emploi[124].

La Fédération des aînées et des aînés francophones du Canada (FAAFC) a dressé un profil intéressant des jeunes retraités et des aînés qui souhaitent réintégrer le marché du travail. Certains jeunes retraités, après deux ou trois ans d’absence du marché du travail, souhaitent réintégrer le marché de l’emploi à temps partiel. Plusieurs ont eu un même emploi pendant de nombreuses années. Par conséquent, ils connaissent moins bien les rouages de la recherche d’emploi. Ils ont donc besoin des services d’accompagnement, possiblement sous forme de mentorat. Il est intéressant de noter que plusieurs souhaitent trouver un emploi différent de ceux qu’ils ont occupés par le passé. Le succès de leur réinsertion dans le marché du travail dépend donc en grande partie de la « transférabilité des compétences[125]. » Quant aux employeurs, ils doivent être sensibilisés afin d’éliminer les préjugés véhiculés à l’égard des aînés en milieu de travail.

Outre l’accès à l’emploi, les aînés veulent aussi prendre une part active au développement de leurs communautés. On note, entre autres la mise en chantier de réseaux touristiques pour les aînés. Ces réseaux permettent aux aînés de différentes régions de se déplacer plus aisément et de tisser des liens dans le cadre de voyages-échanges. Ce type de projet favorise la création de partenariats avec les entreprises privées.

Les citoyens du troisième âge s’attendent à pouvoir accéder à une gamme complète de service dans la langue officielle de leur choix. Il est donc important d’adopter une approche horizontale dans l’organisation et la prestation des services aux aînés. D’ailleurs, l’accès à de l’information sur les services offerts aux aînés est une question qui a été retenue par le Quebec Community Groups Network (QCGN) :

Ils [les aînés] veulent savoir comment obtenir de l'information au sujet des services dans leur langue. Les gens du gouvernement offrent des programmes et des services, mais les aînés veulent savoir à qui ils doivent s'adresser — et pas seulement les aînés, mais aussi les soignants. Ils s'inquiètent beaucoup de ne pas pouvoir comprendre suffisamment la langue ou de ne pas pouvoir se procurer des services parce qu'ils ne savent pas où les trouver[126].

Le QCGN et ses partenaires travaillent à l’édification d’un réseau pour les aînés[127] qui permettra aux intervenants de divers domaines d’identifier les priorités et les besoins des aînés anglophones et de développer une stratégie pour coordonner la prestation de services[128].

Le Comité croit que les aînés et les retraités peuvent jouer un rôle déterminant dans le développement socio-économique des CLOSM. Le Comité souligne l’existence du programme Nouveaux Horizons pour les aînés de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qui permet à une vaste gamme d’organismes d’élaborer divers projets visant à répondre aux besoins en évolution des collectivités. Une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada pourrait contribuer au travail qui a été entrepris dans ce domaine.

3.4 Le modèle coopératif et le développement économique des communautés de langue officielle en situation minoritaire

Selon le Conseil canadien de la coopération et de la mutualité (CCCM), le modèle coopératif a joué un rôle essentiel pour l’intégration des CLOSM dans l’activité économique canadienne :

Le développement coopératif est un modèle d'affaires sérieux, efficace, transparent et démocratique. [...] La solidité de son modèle n'est plus à prouver. Une analyse du taux de survie des coopératives, réalisée par le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation du Québec en 2008, démontre que le taux de survie des coopératives dépasse largement celui des entreprises privées québécoises. En effet, quatre coopératives sur dix franchissent le cap des dix ans, alors que seulement deux entreprises du Québec sur dix atteignent cet âge. […] Ce modèle peut s'adapter à tous les secteurs d'activité et à des entreprises de toutes les tailles[129].

Selon le CCCM, il s’agit d’un modèle intéressant puisqu’il favorise la création de nouvelles entreprises et propose des solutions novatrices :

De plus, le gouvernement canadien déploie actuellement des efforts importants pour renforcer l'économie canadienne et permettre la naissance de nouvelles entreprises. Dans ce cadre, il pourrait choisir de collaborer étroitement avec le mouvement coopératif pour l'élaboration de solutions novatrices et durables[130].

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick atteste du fait que les coopératives connaissent du succès dans les communautés atlantiques :

[…] de nouveaux concepts de coopératives de travailleurs naissent. Nous avons des histoires à succès. Par exemple, la coopérative de pêche de Lamèque est l'une des plus grandes coopératives. Une usine de pêche sous forme coopérative, c'est une histoire à succès. La Fédération des caisses populaires acadiennes compte 200 000 membres pour une population de 240 000 habitants. Cela représente un taux de pénétration d'environ 75 p. 100. Je crois que c'est indéniable[131].

Pour leur part, les Franco-Nunavois ont mis sur pied le Conseil de la coopération du Nunavut en 2009. Le Conseil favorise le développement durable et l’entrepreneuriat social, et ce, en harmonie avec les cultures et populations du Nord, tout en faisant la promotion des intérêts de la communauté francophone du Nunavut[132].

Le modèle coopératif est déjà bien implanté et favorise le développement économique ainsi que la création d’emplois au sein des CLOSM. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 15

Que, dans le cadre d’une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles, le gouvernement du Canada intègre le modèle coopératif dans ses stratégies de développement socioéconomique pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.



[99]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 mars 2012, 0850 [Danial Wayner, vice-président, Recherche aux frontières de la science, Conseil national de recherches du Canada].

[100]            Commissariat aux langues officielles du Canada, Deux langues officielles, un espace commun. Rapport annuel 2008-2009, 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, 2009, p.71.

[101]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 6 mars 2012, 0950 [Mitch Davies, sous-ministre adjoint intérimaire, Opérations régionales, ministère de l’Industrie].

[102]            Ibid., 0900.

[103]            Ibid., 6 mars 2012, 0850 [Michel Robillard, vice-président, Agence canadienne de développement économique du Nord].

[104]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 mars 2012, 0900 [Jeff Moore, vice-président, Politiques, partenariats et gestion de rendement, Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario].

[105]            Ibid.

[106]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 mars 2012, 0905 [Daniel Watson, sous-ministre, Diversification de l’économie de l’Ouest Canada].

[107]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mars 2012, 0845 [David McGovern, sous-ministre adjoint principal, Direction générale de la politique stratégique et de la recherche, ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada].

[108]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012, 0900 [John Buck, directeur général, Corporation d'employabilité et de développement économique communautaire].

[109]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 17 novembre 2011, 0900 [Denis Vaillancourt, président, Assemblée de la francophonie de l'Ontario].

[110]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012, 0900 [John Buck, directeur général, Corporation d'employabilité et de développement économique communautaire].

[111]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 29 novembre 2011, 0850 [Collin Bourgeois, président, Réseau de développement économique et d'employabilité (RDÉE) Canada].

[112]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012, 0905 [John Buck, directeur général, Corporation d'employabilité et de développement économique communautaire].

[113]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 28 février 2012, 0910 [Jean-Pierre Corbeil, spécialiste en chef, Section des statistiques linguistiques, Statistique Canada].

[114]            Entente de mise en œuvre Canada-Québec relative au marché du travail, 21 avril 1997.

[115]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 novembre 2011, 0920 [Réal Roy, président, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique].

[116]            Services d’emploi pour les jeunes (YES Montréal), Mémoire présenté au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, 5 avril 2012, p. 1.

[117]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 5 avril 2012, 0855 [Iris Unger, directrice générale, Services d’emploi pour les jeunes].

[118]            Services d’emploi pour les jeunes (YES Montréal), Mémoire présenté au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, 5 avril 2012, p. 2.

[119]            Ibid., p. 3.

[120]            Ibid., p. 2.

[121]            Ibid., p. 3.

[122]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 6 mars 2012, 0935 [Mitch Davies, sous-ministre adjoint intérimaire, Opérations régionales, ministère de l’Industrie].

[123]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 octobre 2011, 0930 [Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, Quebec Community Groups Network].

[124]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 6 décembre 2011, 0905 [Jean-Luc Racine, directeur général, Fédération des aînées et aînés francophones du Canada].

[125]            Ibid., 0930.

[126]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 octobre 2011, 1010 [Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, Quebec Community Groups Network].

[127]            Ibid., 0910 

[128]            Ibid., 1000 

[129]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 29 novembre 2011, 0845 [Marthe Hamelin, présidente, Conseil canadien de la coopération et de la mutualité].

[130]            Ibid.

[131]            Ibid., 0925 [Jean-Marie Nadeau, président, Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick].

[132]            Association des francophones du Nunavut, Mémoire au Comité permanent des langues officielles de la chambre des communes, 24 avril 2012, p. 3.