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CIIT Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du Nouveau Parti démocratique du Canada sur l’accord de partenariat économique global (APEG) avec l’Inde

Le Nouveau Parti démocratique du Canada est en faveur de l’approfondissement et de l'élargissement des relations économiques entre le Canada et l’Inde. Nous croyons qu’un APEG bien conçu entre le Canada et l’Inde pourrait donner lieu à des occasions d’affaires intéressantes pour les deux pays.

Le NPD reconnait l’influence grandissante de l’Inde sur les plans culturel, économique, politique et technologique, ainsi que l’engagement essentiel de l’Inde à collaborer avec le Canada pour promouvoir la démocratie et la primauté du droit.

Les témoignages recueillis par le Comité ont mis en lumière la complexité inhérente au renforcement de nos relations commerciales avec un pays comme l’Inde. Bien que nous reconnaissions que l’Inde a récemment connu des changements positifs qui faciliteront ses relations commerciales avec le Canada, des questions préoccupantes soulevées par des témoins méritent toute notre attention.

Bien que nous appuyions, de façon générale et spécifique, les conclusions et recommandations du Rapport, nous pensons que celles-ci demeurent incomplètes.

Le NPD considère que les conclusions et les recommandations additionnelles proposées ci‑dessous permettront de consolider des relations commerciales solides et durables avec l’Inde, en plus de favoriser l’épanouissement de notre économie, de notre environnement et de notre société. 

Situation politique

Ces dernières années, l’Inde a connu des changements économiques et politiques propices à favoriser le commerce avec le Canada. Certains témoins, dont le Dr Zhan Su, professeur et titulaire de la chaire Stephen A. Jarislowsky en gestion des affaires internationales à l’Université Laval, ont toutefois tenu à rappeler au Comité que l’Inde demeure un pays émergent ayant d’importants défis à surmonter, notamment l’inégalité sociale et l’insécurité alimentaire[1]. La Banque mondiale a classé l’Inde au 132  rang, sur 182 pays, en ce qui a trait à la facilité de la pratique des affaires et au 184e rang pour l’exécution des contrats. Le gouvernement canadien doit tenir compte de ces éléments lors des négociations.

Domaine du travail et droits des travailleurs

Les Canadiens souhaitent avoir accès à des biens abordables, mais pas au détriment des droits des travailleurs, des droits des enfants ou des droits de la personne. L’effondrement d’une usine de vêtements au Bangladesh le 24 avril dernier nous rappelle que le respect des droits fondamentaux des travailleurs est essentiel dans une économie mondialisée. Sur le plan juridique, il est préoccupant de constater que l’Inde n’a toujours pas ratifié certaines des conventions fondamentales de l’OIT, comme la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et la Convention n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective. De plus, certains témoins ont mis en lumière les nombreux défis qui attendent le gouvernement indien en ce qui a trait au domaine du travail. Selon le Dr John Harriss, professeur et directeur de l’École d’études internationales de l’Université Simon Fraser, l’Inde a connu une phase de « croissance non créatrice d’emplois », ce qui a fait que « le nombre de bons emplois à très peu augmenté dans ce pays ». Selon lui, un des plus importants changements qu’a connu l’Inde depuis dix ans est « l’augmentation phénoménale » du travail contractuel. Cela a freiné l’évolution des droits du travail, puisque « 93 % de la main-d’œuvre indienne est employée par le secteur informel, où la protection des travailleurs et la sécurité d’emploi sont quasi inexistantes »[2]. En ce qui a trait au travail des enfants, l’Inde n’a toujours pas ratifié certaines conventions de l’OIT, dont la Convention n° 182 sur les pires formes de travail des enfants, la Recommandation n° 190, ainsi que la Convention n° 138 sur l'âge minimum. Bien qu’un certain progrès peut être noté, un bon nombre de témoins ont souligné qu'il était bien difficile de mettre fin au travail des enfants en Inde. Suresh Madan, directeur d’Indus Entrepreneurs Toronto, a souligné que le Canada devrait envisager d’insérer dans l’APEG des clauses interdisant l’exploitation de la main-d’œuvre[3]. Le gouvernement du Canada devrait consulter de façon continue les syndicats canadiens et indiens afin de trouver des moyens de faire en sorte que l’accord garantisse une meilleure protection des droits des travailleurs.

Enjeux environnementaux

Les Canadiens croient que nos politiques commerciales doivent aller de pair avec le développement durable et la protection de l’environnement. Ainsi, tout accord commercial doit comprendre des dispositions qui engagent les parties prenantes à respecter des normes environnementales élevées et à mettre en place des mécanismes de contrôle et de mise en œuvre. Cette question est particulièrement importante, compte tenu de l’affaiblissement actuel des normes environnementales, tant au Canada qu’en Inde. Comme l’ont souligné plusieurs témoins, il ne s’agit pas seulement de légiférer, mais bien de mettre en œuvre des règlementations environnementales et d’effectuer un suivi adéquat. Lors de son témoignage, le Dr John Harriss a indiqué que de plus en plus d’Indiens reconnaissent l’importance des questions environnementales, ce qui pourrait ouvrir des portes aux entreprises canadiennes qui se spécialisent dans le développement de technologies vertes[4]

Soutien aux échanges culturels, éducatifs, politiques et sociaux

La communauté indo-canadienne offre à nos deux pays un lien vital qui permet de faciliter nos relations commerciales. Bon nombre de témoins ont insisté sur l’importance de tisser des liens culturels, éducatifs, politiques et sociaux afin d’établir des relations durables. Ils ont également souligné les efforts déployés par la diaspora indienne pour créer de nouvelles débouchées commerciales avec l’Inde et l’apport significatif des étudiants indiens séjournant au Canada. Nous croyons qu’il est essentiel de renforcer ces relations dans la perspective d’un APEG avec l’Inde, puisqu’elles permettent d’établir des rapports sincères et profonds, qui ouvrent la voie à d’importantes occasions d’affaires. Par conséquent, nous croyons que le gouvernement canadien doit soutenir les échanges culturels, éducatifs et sociaux entre les citoyens et la société civile de nos deux pays, et participer plus activement aux forums régionaux de l’Asie du Sud-Est et de l’Inde.

Travailleurs étrangers temporaires

Les allégations récentes concernant les mutations visant à déplacer des travailleurs canadiens et le recours abusif au Programme des travailleurs étrangers temporaires préoccupent les Canadiens. Bien que nous encouragions le Canada et l’Inde à tirer parti des avantages découlant de la mobilité du savoir et de la main-d’œuvre entre nos deux pays, nous croyons que cela doit se faire de manière mutuellement avantageuse. Certains témoins ont fait allusion à la croissance qui pourrait découler de la mutation temporaire de gens d’affaires entre le Canada et l’Inde et du rôle que pourrait jouer l’APEG pour faciliter tout cela. Malheureusement, le gouvernement conservateur a très mal géré les dossiers du Programme des travailleurs étrangers temporaires et des mutations internes, et certaines entreprises se sont servies de ce programme pour remplacer des travailleurs canadiens par des travailleurs étrangers. Un programme des travailleurs étrangers temporaires peut jouer un rôle positif pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre. Toutefois, dans le cadre des présentes négociations concernant l’APEG entre le Canada et l’Inde, il convient de veiller à prévenir tout usage abusif des clauses relatives à la mobilité de la main-d’œuvre.

Règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE)

Comme il a été mentionné en comité, l’APEG entre le Canada et l’Inde ne comprendra pas de mécanisme de RDIE. L’Inde, tout comme d’autres pays tels que l’Australie, a exprimé de fortes réserves quant à l’adoption d’un tel mécanisme, jugé extrême et doctrinal. Les néodémocrates appuient cette réserve. Ces mécanismes soulèvent de plus en plus d’inquiétudes chez nos concitoyens alors qu’ils permettent à une entreprise étrangère de poursuivre toute entité fédérale, provinciale ou municipale ayant adopté une loi que l’entreprise juge comme étant discriminatoire à son égard. Cela met les contribuables à risque de réclamations de dommages pouvant potentiellement totaliser des milliards de dollars et limite la capacité démocratique des gouvernements à tous les niveaux de légiférer dans l'intérêt des Canadiens. Bon nombre d’experts estiment que le RDIE viole certains principes de primauté du droit, notamment à cause de possibilité de conflits d’intérêts, de l’absence d’une procédure d’appel efficace et de l’incertitude entourant le maintien du mandat des juges. Par conséquent, nous nous opposons à ce qu’un tel mécanisme soit intégré à l’APEG, ou un Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE), entre le Canada et l’Inde. Nous sommes toutefois conscients des défis qui guettent le système judiciaire indien. C’est pourquoi nous croyons qu’il est essentiel d’adopter une position de négociation ferme qui insiste sur l’importance de compter sur des systèmes juridiques ouverts et efficaces, qui permettent de régler les différends en temps opportun et conformément à la primauté du droit. L'essence des échanges est le commerce, et l'essence du commerce repose dans les relations contractuelles. Veiller à ce que les deux pays aient des mécanismes de contrôle juste et efficace afin de faire respecter la primauté du droit est essentiel pour une relation commerciale solide et profonde.

Renforcement de nos rapports commerciaux

La signature d’un traité et l’adoption d’une approche simpliste ne suffiront pas à établir des relations commerciales solides et durables avec l’Inde. Le gouvernement canadien doit s’engager politiquement et investir dans la promotion du commerce. Bon nombre de témoins ont insisté sur le fait que le gouvernement doit fournir les ressources humaines et pécuniaires nécessaires afin d’aider les entreprises canadiennes de toute taille à percer le marché indien. Selon Ailish Campbell, vice-présidente, Politique internationale et budgétaire du Conseil canadien des chefs d'entreprise, les services fournis par Exportation et Développement Canada, par le Service des délégués commerciaux et par nos agents diplomatiques, ainsi que l’engagement des provinces à tisser des liens avec les entités infranationales indiennes, sont essentiels à l’établissement de rapports commerciaux durables avec l’Inde[5]. Nous croyons donc qu’il est crucial de garantir un large éventail de services commerciaux en Inde afin d’aider les entreprises canadiennes à percer le marché indien. De plus, nous croyons que le gouvernement devrait bonifier les services offerts par les délégués commerciaux au Canada, afin de seconder les entreprises indiennes qui souhaitent s’installer au Canada, ainsi que les entreprises canadiennes qui souhaitent en apprendre davantage sur l’Inde.

Recommandations du Nouveau Parti démocratique du Canada

  1. Que le gouvernement du Canada, dans le cadre d’un APEG avec l’Inde, incorpore des dispositions qui engagent les deux pays à respecter des normes élevées en ce qui concerne la protection de l’environnement, des droits des travailleurs et des droits de la personne, et à mettre en place des mécanismes de contrôle et de mise en œuvre.
  2. Que le gouvernement du Canada, dans le cadre d’un APEG avec l’Inde, propose des mesures pour garantir l’épanouissement et la sécurité alimentaire des populations vulnérables de l’Inde.
  3. Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations menant à un APEG avec l’Inde, adopte une position de négociation ferme qui insiste sur l’importance de compter sur des systèmes juridiques ouverts et efficaces, qui permettent de régler les différends en temps opportun et conformément à la primauté du droit.
  4. Que le gouvernement du Canada, dans le cadre d’un APEG avec l’Inde, refuse de proposer ou d’accepter l’instauration d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
  5. Que le gouvernement du Canada s’assure que l’APEG avec l’Inde comprenne des mesures visant à prévenir tout recours abusif au Programme des travailleurs étrangers temporaires et aux mutations à l’intérieur d’une entreprise, et s’engage à accroître les activités de suivi et de mise en application du Programme des travailleurs étrangers temporaires et des visas relatifs aux mutations afin de mettre fin aux abus.
  6. Que le gouvernement du Canada s’assure que ses bureaux consulaires situés en Inde disposent du personnel nécessaire pour fournir des services commerciaux qui pourront aider les entreprises canadiennes à percer le marché indien.
  7. Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations menant à un APEG avec l’Inde, s’engage à inviter les provinces et territoires à participer aux négociations lorsque leurs intérêts sont en jeu et à obtenir leur consentement pour toute mesure qui risque d’affecter leurs intérêts de façon substantielle.
  8. Que le gouvernement du Canada effectue une évaluation afin de déterminer si les droits des Autochtones risquent d’être affectés par un APEG avec l’Inde, et si tel est le cas, qu’il procède aux consultations nécessaires.
  9. Que le gouvernement du Canada s’assure que notre régime de gestion de l’offre soit pleinement protégé dans le cadre d’un APEG avec l’Inde.
  10. Que le gouvernement du Canada, advenant que la question des marchés publics soit abordée dans le cadre d’un APEG avec l’Inde, s’assure de préserver le droit des entités gouvernementales canadiennes d’adopter des mesures pour promouvoir le développement régional, la protection de l’environnement, la création d’emplois et l’approvisionnement régional.
  11. Que le gouvernement du Canada encourage les échanges culturels, économiques et sociaux entre le Canada et l’Inde.
  12. Que le gouvernement du Canada s’assure que ses négociateurs en chef fournissent au Comité du commerce international et au Parlement canadien des mises à jour et des rapports réguliers sur la progression des négociations.

[1] Zhan Su, séance no 70, 1re session, 41e législature, 27 mars 2013.

[2] John Harriss, séance no 65, 1re session, 41e législature, 27 février 2013.

[3] Suresh Madan, séance no 64, 1re session, 41e législature, 25 février 2013.

[4] John Harriss, séance no 65, 1re session, 41e législature, 27 février 2013.

[5] Ailish Campbell, séance no 70, 1re session, 41e législature, 29 novembre 2012.