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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 035 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 30 novembre 2010, nous en sommes à notre 35e séance.

[Traduction]

    La séance est télévisée.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous effectuons une étude des droits de la personne en Afghanistan.
    Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin le révérend Majed El Shafie, fondateur et président de One Free World International.
    Bienvenue, révérend El Shafie
    Monsieur Sweet.
    Je ne voulais pas interrompre notre témoin; je veux simplement régler une petite chose par rapport à nos travaux. Je crois que nous sommes unanimement en faveur d'une motion concernant les séances à huis clos. Mme Deschamps souhaite présenter un petit amendement favorable concernant la traduction. Je pense que tout le monde est d'accord, alors nous pouvons régler ça.
    Il n'y a qu'à le confirmer.
    Tout le monde sait de quoi M. Sweet parle? Je vais présumer qu'il y a eu des discussions. Est-ce qu'il y a bel et bien consentement unanime?

[Français]

    Madame Deschamps, vous avez la parole.
    Monsieur le président, il faudrait vérifier le libellé en français, qui est un copier-coller des règles qu'on a déjà établies au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    En français, après: « à être accompagné d’un membre de son personnel aux séances à huis clos », il faudrait plutôt lire: « et d'une autre personne de chaque parti. »
    Alors, vous souhaitez modifier le texte français à partir de la fin de la deuxième ligne, où l'on dit: « aux séances à huis clos et qu'une autre personne par parti soit autorisée à être présente. » Est-ce exact?
    Oui.

[Traduction]

    Très bien, alors, dans cette forme...

[Français]

    Il faudrait ajouter « chaque » en français et « each » en anglais.

[Traduction]

    Très bien. Maintenant que cette correction a été apportée, êtes-vous d'accord pour adopter la motion?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Nous sommes d'accord.
    Monsieur Sweet.
    Il y avait une autre chose, puisque nous nous sommes mis d'accord là-dessus. Je ne veux vraiment pas prendre le temps qui devait être consacré à notre témoin, puisqu'il s'agit d'un excellent témoin, mais ce que je veux aborder est directement lié à nos préoccupations actuelles.
    Youcef Naderkhani a été condamné à mort en Iran le 21 septembre. Il a reçu une sentence de vive voix ce jour-là. Par la suite, le 13 novembre, il a reçu le verdict par écrit. En ce moment, il ne reste que 20 jours à la période d'appel, et, une fois qu'ils seront écoulés, il sera mis à mort. Je voulais porter cette question urgente à votre attention.
    Le député Sorenson et moi avons reçu des courriels concernant la situation de M. Naderkhani. Je veux faire inscrire ce sujet à l'ordre du jour le plus rapidement possible après la séance d'aujourd'hui.
    Je présume qu'une motion quelconque va être présentée au comité pour notre réunion de jeudi ou quelque chose du genre? D'accord, très bien. Par ailleurs, si vous voulez, vous pourriez proposer des témoins aussi.
    Je vais revenir au révérend El Shafie. Comme nous avons pris un peu du temps alloué au révérend El Shafie au début, je ne vais pas surveiller l'horloge de trop près à la fin de l'heure. Le révérend El Shafie a demandé que nous lui accordions une minute à la fin de la période de questions pour qu'il puisse faire une déclaration finale. Je lui ai dit que ça ne pose pas problème pour moi, et je suis sûr que vous êtes tous d'accord aussi.
    Une fois que tout ça sera fait, nous aurons encore une autre question à régler. M. Cotler a présenté une motion concernant un sujet différent. Il m'a dit que l'appui à sa motion est généralisé, alors j'aimerais que nous nous en occupions à la fin, avant de partir.
    Nous pourrions nous en occuper dès maintenant.
    Faisons ça, en fait. Après, tout sera réglé.
    Tout le monde connaît votre motion, monsieur Cotler?
    Oui.
    L'avis de motion concerne Sergei Magnitsky. J'ai accepté l'amendement proposé par M. Sweet et aussi la suggestion faite à cet égard par Mme Deschamps. Je pense donc que tout le monde est d'accord pour adopter la motion.
    Pour faire les choses en bonne et due forme, je dois demander le consentement des membres du comité à l'égard de l'amendement, puis de la motion. Commençons par l'amendement.
    Madame Deschamps.

[Français]

    Monsieur Cotler, est-ce une nouvelle motion ou est-ce une motion modifiée?
    C'est la même motion, mais modifiée en fonction des quelques mots proposés par David Sweet et de ce que vous m'avez dit. Aussi, j'ai ajouté ce qui suit:
    ATTENDU QUE le Sous-comité prend note et se déclare solidaire des initiatives qui visent à obtenir justice pour Sergei émanant de la Chambre des représentants des États-Unis, du Parlement Européen, et d’ONG militant pour les droits de la personne à Moscou.
    La partie qui commence par « ET QU’IL EXHORTE la Fédération de Russie » s'y trouve-t-elle toujours?
    Oui, c'est là aussi.

[Traduction]

    Je vais simplement confirmer que nous sommes d'accord en ce qui concerne l'amendement.
    Des voix: D'accord.
    (La motion modifiée est adoptée.) [Voir le Procès-verbal]
    Très bien. C'est fait.
    Revenons au révérend El Shafie.
    Merci de votre patience. Comme je l'ai dit, je vais nous permettre de continuer un peu plus longtemps pour rattraper le temps perdu au début.
    En vous remerciant infiniment de votre patience, je vais vous demander, révérend, de bien vouloir commencer.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, respectés députés, de m'avoir invité à témoigner ce matin au sujet des violations des droits de la personne en Afghanistan.
    Je suis le révérend Majed El Shafie. Je suis fondateur et président de One Free World International, organisme de défense des droits de la personne. Nous effectuons un travail à l'égard de violations des droits de la personne qui ont lieu à différents endroits dans le monde, dans 28 pays. Nous avons des bureaux dans 28 pays, dont l'Afghanistan.
    Je me suis rendu en Afghanistan il y a quatre ans. Là-bas, nous avons été en mesure d'établir des liens avec les organismes locaux de défense des droits de la personne, nous avons été en mesure d'établir des liens avec différentes personnes, nous avons pu bâtir un système et nous avons pu établir un groupe sur le terrain, essentiellement pour surveiller la situation relative aux droits de la personne en Afghanistan au cours des quatre dernières années. Cependant, au cours de ces quatre années, et surtout des deux dernières, l'information et les rapports au sujet des violations des droits de la personne en Afghanistan ont commencé à empirer. Nous avons donc fait savoir que nous devons aller en Afghanistan pour rendre visite aux victimes et pour rencontrer certains fonctionnaires du gouvernement afin de les obliger à prendre conscience de l'ampleur des violations des droits de la personne dont ils sont à l'origine.
    Du 25 au 30 juin 2010, One Free World International s'est rendue en Afghanistan avec une délégation dont faisaient partie des militants dans le domaine des droits de la personne, du personnel des médias et même l'un des membres du comité, M. Mario Silva, qui nous a accompagnés en Afghanistan. Nous avons rencontré le sous-ministre des affaires étrangères de l'Afghanistan, le sous-ministre de l'éducation et différentes organisations de défense des droits de la personne, par exemple la fondation de la Dre Jalal. Nous avons rencontré la Dre Sima Samar, de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan. Nous avons même rencontré le conseiller du président en matière de sécurité au palais présidentiel. Ce qui est encore plus important, cependant, c'est que nous avons rencontré les victimes.
    Au cours de ce voyage, nous avons été en mesure de cerner trois aspects principaux des violations des droits de la personne qui ont lieu en ce moment même en Afghanistan et qui empirent.
    Le problème le plus important, c'est la violence qui est faite aux femmes en Afghanistan. Tout d'abord, l'Afghanistan est aux prises avec des problèmes de violence envers les femmes, puisqu'il y a des mariages forcés, des mariages d'échange et des mariages avec des mineures. Toutefois, le problème qui se pose, c'est que, comme c'est devenu une partie de la culture de la société, le gouvernement afghan a fait empirer les choses en adoptant une loi l'an dernier, le 27 juillet 2009. Il s'agit de la Loi sur le statut personnel shiite. Selon cette loi, si une femme refuse de coucher avec son mari tous les quatre jours, il aurait le droit de l'affamer à mort, de l'empêcher d'avoir accès aux éléments essentiels à la vie. C'est ce que prévoit la loi afghane.
    Je ne suis pas en train de parler des talibans; je parle du gouvernement d'Hamid Karzaï. Toujours d'après cette loi, une femme ne peut pas travailler ni ne peut quitter sa maison ou son appartement sans la permission de son mari, et un violeur peut éviter les poursuites judiciaires en payant le prix du sang à sa victime. Ainsi, en gros, si un homme viole une femme, il n'est pas forcé d'aller en prison s'il lui donne de l'argent. Il n'est pas forcé de subir un procès. C'est ce que prévoit la loi adoptée l'an dernier par le gouvernement afghan. C'est contraire à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, que le gouvernement de l'Afghanistan a ratifiée en mars 2003.
    Nous avons rencontré des femmes, comme Fatima, Zahira ou Ahmadia, qui nous ont dit qu'elles ont été violées par leur mari et que, lorsqu'elles ont refusé de faire ce qu'il voulait, elles ont été battues et l'accès aux éléments essentiels à la vie, comme la nourriture et l'eau potable, leur a été interdit jusqu'à ce qu'elles donnent à leur mari ce qu'il voulait. L'une des victimes a dit devant moi que la punition dans certaines régions de l'Afghanistan était de suspendre une femme la tête en bas et de la battre avec des bâtons jusqu'à ce qu'elle fasse ses besoins sur elle. L'une des victimes a dit ça.

(1315)

     Le deuxième sujet, c'est le jeu du garçon, le bacha bazi. Il s'agit du jeu de l'élite riche afghane qui consiste à faire venir de jeunes garçons, à les habiller en filles, à les faire danser pendant une fête et, à la fin de la fête, à permettre à la personne qui paie le plus de violer le petit garçon. Ça se passe en Afghanistan en ce moment. Certains membres du gouvernement prennent part à ce genre de célébration.
    Les Nations Unies ont déclaré que cette pratique était une forme d'esclavage sexuel. Elle est contraire à l'article 4 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et à l'article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il y a une loi qui interdit le jeu du garçon au gouvernement afghan, mais l'application de cette loi, c'est autre chose.
    Nous avons rencontré des victimes, comme Farho, qui a 16 ans, qui est victime de ces actes depuis l'âge de 14 ans et qui nous a dit qu'il se faisait violer par 8 ou 10 hommes chaque soir. Lorsqu'il s'est adressé à la police — il s'agissait de Farho, qui avait 16 ans... Muqtar était une autre victime de 16 ans, et lorsque je lui ai demandé pourquoi il n'avait pas informé les agents de police du fait que quelqu'un avait commis ce crime, que quelqu'un le violait, il m'a dit que lorsqu'il s'est adressé aux agents de police, ils lui ont fait la même chose au poste.
    Le dernier sujet dont nous avons pris connaissance au cours de notre voyage en Afghanistan a trait à ce qui s'est passé les 27 et  28 mai 2010. Il y avait un reportage d'actualités télévisées, et on montrait des musulmans afghans en train de se faire baptiser et de se convertir au christianisme, 25 personnes. Ce n'était pas la première fois. Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais, en mars 2006, un homme du nom de Abdul Rahman s'est converti de l'islam au christianisme. Il a été emprisonné, et, vu la pression internationale, on a dit qu'il était fou et on l'a envoyé en Italie. Je ne sais pas si vous vous rappelez cette affaire. Toutefois, la raison, c'est peut-être que le 27 et le 28 mai, la télévision afghane a montré la conversion de 25 musulmans au christianisme et leur baptême.
    Ce qui s'est passé, c'est que M. Abdul Attar Khawasi, membre respecté du parlement afghan et secrétaire adjoint de la chambre basse a déclaré que les Afghans apparaissant sur cette vidéo devraient être exécutés en public et que la chambre devrait ordonner leur arrestation et leur exécution au procureur général et aux services secrets afghans. Il a dit ça devant le parlement afghan et devant les caméras de la télévision nationale afghane sans aucune honte.
    Le porte-parole du président Hamid Karzaï a affirmé que le président lui-même s'était personnellement chargé de cette question et qu'il avait enjoint à son ministre de l'intérieur et à son dirigeant des services secrets d'enquêter. M. Hamid Karzaï, président de l'Afghanistan, a dit qu'ils devaient prendre immédiatement les mesures qui s'imposent pour contrer ce phénomène.
    Je ne suis pas en train de parler d'un débat concernant la religion. Je ne parle pas de la supériorité d'une religion par rapport à une autre. Il ne s'agit pas d'un débat sur la religion. Il s'agit de la liberté de religion et de la liberté de se convertir à la religion de son choix.
    Par la suite, on a fermé deux églises, le Service chrétien mondial et la Norwegian Church Aid, qui n'avaient rien à voir avec la conversion de ces 25 personnes, et on a mis fin aux activités de 13 ONG chrétiennes.

(1320)

    La semaine prochaine, dimanche prochain, l'une de ces 25 personnes — et les 25 sont soumises à la torture et victimes de viol en prison — l'une d'elles, M. Said Musa, subira son 10e procès devant le tribunal de Kaboul.
    Notre organisation a réussi, grâce à notre travail souterrain en Afghanistan, à essentiellement infiltrer le système de sécurité du renseignement afghan. J'ai en main un document signé par le ministre lui-même et par ses collègues ainsi que la police afghane visant l'arrestation d'Ali Walid Rida, de Salim Walid Mohammed Nasim, de Shukrullah Walid Nedra Ali, de Rahmatullah Walid Kareem Bakhesh et d'Ali Mizrai Walid Hasan Shah. Ce sont certaines des personnes qui se sont converties de l'islam au christianisme. On ordonne leur arrestation et on les lapide à mort.
    M. David Sweet: Monsieur le président.

(1325)

    Monsieur Sweet.
    Je voudrais demander que nous obtenions copie de ce document et que nous en vérifiions l'authenticité et le fassions traduire, s'il vous plaît, pour nous assurer de l'authenticité du témoignage.
    Nous vous serions reconnaissants, révérend El Shafie, de bien vouloir nous remettre une copie du document que nous puissions conserver à la fin de la séance.
    Certainement.
    Une copie a aussi été remise au cabinet du premier ministre, au ministère des Affaires étrangères, au Trésor, à M. Stockwell Day et au ministre de l'Immigration, M. Jason Kenney.
    Voilà les trois sujets, monsieur le président. J'aimerais beaucoup répondre aux questions maintenant, si vous êtes d'accord.
    D'après ma montre, nous disposons de 35 minutes. Ça nous donne le temps de faire un tour au cours duquel chacun des partis disposera de huit minutes.
    Nous allons commencer par les libéraux. D'après ce que je comprends, M. Silva et M. Cotler vont partager leur temps.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je veux remercier le révérend El Shafie d'être ici. Je dois dire, révérend El Shafie, que c'est probablement le rassemblement le plus important que j'ai vu depuis que je siège au comité, c'est-à-dire depuis de nombreuses années. Cela signifie qu'on s'intéresse beaucoup à la question et aussi beaucoup à vos conclusions. J'ai également fait partie de la délégation qui vous a accompagné à Kaboul.
    Le fait que la séance soit télévisée va aussi, espérons-le, éclairer le public canadien. Je pense que ce que vous venez de dire et ce dont nous avons été témoins était très choquant et effroyable. Également, ce que vous avez écrit dans votre rapport, qui est très détaillé aussi, est en quelque sorte une nouvelle perspective dont nous n'entendons pas beaucoup parler dans les médias au sujet de ce qui se passe sur le terrain en Afghanistan. C'était bien que l'initiative vienne de différentes voies bureaucratiques, mais que nous ayons pu parler avec des victimes, des groupes des victimes, des organisations et des groupes de défense des droits de la personne.
    Dans votre rapport, vous parlez du fait que l'Afghanistan se trouve à un carrefour, et je pense que c'est une mise en contexte très importante, parce que nous sacrifions la vie de Canadiens. Nous consacrons beaucoup d'argent à l'Afghanistan. Je pense que vous êtes venu le bon jour, parce qu'il y a aussi aujourd'hui un vote concernant l'Afghanistan qui a été proposé par le Bloc à la Chambre des communes.
    Au-delà de ça, je pense que la chose la plus importante, c'est que, si nous continuons d'envoyer des soldats en Afghanistan aux fins de formation et à des fins humanitaires — ce qui est très bien, et je suis d'accord — qu'allons-nous demander au gouvernement afghan en retour?
    Je pense que l'une des choses qui portent dans votre déclaration, c'est que nous devons demander à ce gouvernement de prendre des mesures concrètes. Nous ne pouvons pas sacrifier des vies et dépenser de l'argent là-bas sans lui demander quel est son point de vue à l'égard des droits de la personne. Le gouvernement canadien, à ce titre et à titre de membre de l'OTAN et de membre de l'ONU, est tout à fait fondé à demander à ce pays et à ce gouvernement de rendre des comptes au sujet des mesures qu'il prend.
    Ça m'a fâché lorsque j'ai vu la violence sexuelle dont sont victimes les femmes, les viols d'enfants commis par plusieurs personnes ensemble. Nous avons aussi rencontré les victimes. C'était très troublant aussi de voir qu'il y a des lois en vigueur, des lois proposées par le gouvernement, qui enlèvent des droits aux femmes. Chacun des groupes de femmes auxquels nous avons parlé a parlé du fait que les choses empirent parce que le gouvernement leur enlève ces droits et que les lois rendent la situation des femmes plus difficile. C'est un message qu'il est important de transmettre. Le gouvernement Karzaï doit nous rendre des comptes au sujet des mesures qu'il prend, et nous devons nous assurer de connaître sa position sur les questions relatives aux droits de la personne.
    Nous avons réussi à aborder toutes les questions de façon franche avec le gouvernement. La seule question qu'il a été difficile d'aborder avec le gouvernement, c'est celle des conversions au christianisme. C'est un sujet tabou dont les représentants du gouvernement ont refusé de parler avec nous, et ils se sont montrés très peu disposés à collaborer. Je trouve choquant que nous fassions autant de sacrifices, mais que nous ne puissions même pas parler de liberté de religion dans ce pays parce qu'ils refusent d'en parler. Ils savent qu'il y a des chrétiens en prison qui sont persécutés, et pourtant, ils refusent de faire quoi que ce soit.
    Je vous pose donc de nouveau la question — et ça fait partie de vos recommandations qui figurent dans le rapport détaillé —: quelles sont les mesures concrètes que nous voulons que le gouvernement Karzaï prenne pour que nous continuions de le soutenir dans le cadre de nos missions humanitaires, si nous devons continuer de le faire après 2011?

(1330)

    Merci, monsieur Silva.
    Dans notre rapport, nous présentons une recommandation. Dans tous nos rapports, nous ne faisons pas que mentionner le problème; nous présentons aussi ce qui pourrait être la solution. Notre recommandation ne va pas régler le problème de l'Afghanistan du jour au lendemain, mais c'est ce que j'appelle un début.
    Premièrement, le gouvernement canadien doit confronter le gouvernement afghan directement et dans les tribunes internationales. Je dis vraiment que le problème n'est pas seulement celui du Canada. Nous devrions également promouvoir le dossier des droits de la personne par l'intermédiaire de l'OTAN, des États-Unis et des Nations Unies.
    Malheureusement, le gouvernement canadien n'a pas suffisamment insisté sur le dossier des droits de la personne en Afghanistan, et la faute en incombe non seulement au gouvernement du Canada, mais également à l'opposition. Toutefois, lorsqu'on forme l'opposition, le rôle qu'on doit jouer, c'est de demander des comptes au gouvernement.
    Le seul sujet dont j'ai entendu parler dans les médias, c'est celui des prisonniers afghans. C'est la seule chose que j'ai entendue dans les médias. C'est un sujet extrêmement important, mais qu'en est-il des droits des femmes, qu'en est-il des droits des enfants et qu'en est-il de la liberté de religion?
    Deuxièmement, pour faire avancer le dossier des droits de la personne, le gouvernement canadien doit établir un lien entre l'aide qu'il fournit, son soutien et sa mission militaire, d'une part, et un plus grand respect des droits de la personne en Afghanistan, d'autre part. Ne nous contentons donc pas de dire que nous allons rester après 2014, que nous allons réduire la taille de la mission de moitié pour que tout le monde soit content et qu'ils vont être derrière les barbelés. Derrière les barbelés ou devant, peu importe, ça demeure des barbelés, non?
    Ce que je dis, c'est que, si nous devons demeurer plus longtemps en Afghanistan, il devrait y avoir des conditions préalables à l'égard de la diminution du nombre de violations des droits de la personne en Afghanistan, y compris la révocation de la loi qui permet les actes de violence envers les femmes, la libération immédiate des 25 chrétiens emprisonnés et leur protection et l'ouverture du processus d'immigration aux victimes afghanes, parce que les personnes qui ont été victimes de violence ou de viol sont rejetées par la société afghane. Elles ne peuvent plus faire partie de cette société. Il faut donc permettre à certaines de ces victimes de s'installer au Canada.
    Voilà ma réponse, monsieur.
    Nous avons eu l'occasion de discuter avec la Dre Jalal, qui a été candidate à la présidence de l'Afghanistan, et avec la Dre Sima Samar, de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan. Nous avons pris connaissance d'un point de vue intéressant.
    Nous parlons toujours des progrès réalisés en Afghanistan par rapport à ce qui s'est passé pendant le règne des Talibans, et nous mettons toujours ces progrès dans le contexte de la sensibilisation à la différence culturelle pour dire qu'il faudra du temps, par exemple, pour que les droits des femmes soient davantage respectés et ainsi de suite. Pourtant, beaucoup d'entre elles nous ont dit que, lorsqu'elles étaient jeunes, elles étaient tout à fait libres sur le plan de l'éducation. Elles n'avaient pas à porter de foulard sur la tête. Elles pouvaient sortir en public sans problème. Les talibans ont établi des restrictions beaucoup plus importantes, mais ils ont déjà eu une attitude plus progressiste à l'égard des femmes.
    Je crois donc que, nous, les Occidentaux, commettons souvent l'erreur de dire que nous devons faire preuve de sensibilité culturelle à leur égard et que le processus prend du temps. Je crois que c'est un argument fallacieux qui circule et qui est constamment repris par une société dominée par les hommes et au sein duquel les hommes veulent exercer une emprise sur les femmes. Ils laissent donc croire à l'Occident et aux dirigeants occidentaux qu'il faut du temps pour apporter des changements, ce qui n'est pas le cas.
    Je pense que tout le monde dit que si nous voulons apporter des changements, il faut que davantage de femmes participent au processus. Toutefois, les talibans étaient également une source de préoccupation. Nous savons qu'il y a collaboration avec les talibans dans certaines régions du Pakistan ainsi que dans les régions frontalières. On fait beaucoup de concessions aux talibans qui sont réellement préoccupantes à l'égard des droits de la femme, parce qu'on sait que chaque concession que le gouvernement Karzaï fait au profit des talibans est essentiellement faite au détriment des droits de la femme. Il s'agit toujours d'enlever des droits aux femmes. Il ne s'agit jamais de faire quoi que ce soit pour les femmes. Voilà donc le plaidoyer que nous avons entendu.
    J'affirmerais aussi — et je pense que vous serez d'accord avec moi, et je voulais le confirmer — que les groupes de femmes que nous avons rencontrées aimeraient également que le Canada assure une présence là-bas. Ces groupes étaient en fait d'avis que la présence du Canada serait bénéfique. Ils ont exprimé des préoccupations à l'égard de certains autres pays de l'OTAN. Ils ont exprimé des préoccupations au sujet de certaines opérations militaires. Ils ont exprimé des préoccupations très importantes au sujet du gouvernement Karzaï.
    Les groupes de femmes ont également mentionné le fait — même si ça fait les manchettes à l'heure actuelle, la Dre Jalal l'a mentionné il y a longtemps — que M. Karzaï reçoit de l'argent de l'Iran. La Dre Jalal a également mentionné dans son témoignage devant le comité que, même si ce n'est que récemment qu'on en a parlé dans les journaux, nous savions qu'il y avait des preuves de ça il y a longtemps.
    Il y a donc de la corruption au gouvernement, mais je pense que tout le monde, je dirais, que...

(1335)

    Monsieur Silva, vous êtes rendu à neuf minutes.
    Je m'excuse, et je vais terminer. Je voulais poser une question, mais je vais conclure en disant que tout le monde mentionne que le Canada contribue à l'amélioration de la situation en Afghanistan. Il suffit simplement que nous soyons plus exigeant envers eux.
    Assurément, et je suis d'accord avec vous. Les soldats canadiens font de l'excellent travail.
    Je pense que c'était davantage une déclaration qu'une question.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à Mme Deschamps.
    Merci, monsieur le président.
    Révérend El Shafie, je vais m'adresser à vous en français.
    Je reconnais chez mon collègue M. Silva une très grande passion et une grande préoccupation.
    Je vous connais peu. Pouvez-vous nous parler de votre organisation? Vous êtes établi ici, au Canada. De quelle façon fonctionnez-vous?
    Vous avez des liens avec d'autres organisations sur le terrain, qui travaillent auprès de la population affectée en Afghanistan. La guerre qui a présentement cours là-bas marque profondément la population et crée davantage de corruption et de pauvreté. Ayant à l'esprit la présence accrue des militaires en Afghanistan, j'imagine que le problème devient endémique sur le plan des violences à l'égard des femmes et des jeunes enfants, dont on se sert au nom de cette guerre.
    Je pose beaucoup de questions parce que j'aimerais vous connaître davantage et savoir de quelle façon vous travaillez. Comment êtes-vous soutenu? D'où provient votre financement pour poursuivre vos activités?

[Traduction]

    Certainement. One Free World International est une organisation de défense des droits de la personne. Notre siège social est à Toronto, au Canada. Ça fait sept ans que nous sommes ici.
    Je suis d'origine égyptienne. Je suis né en Égypte. Je me suis converti de l'islam au christianisme en Égypte lorsque j'avais 18 ans. J'ai été torturé et emprisonné à cause de ma religion en Égypte. Grâce aux Nations Unies et à Amnistie Internationale, je me suis installé au Canada il y a huit ans à titre de réfugié politique. C'est pour ça que je parle avec passion de ce que je fais, parce que je suis déjà passé par là.
    Notre organisation a des bureaux dans 28 pays. La plupart se trouvent dans des pays du Moyen-Orient, en Afrique et dans certains pays communistes. Nos activités ne sont pas publiques. Souvent, elles sont souterraines, et elles font intervenir ce que nous appelons des ressources intelligentes, ce qui signifie que nous passons par une autre organisation ou par d'autres personnes. Ce sont des personnes qui font partie de la société; elles surveillent la situation en ce qui a trait aux droits de la personne et elles nous informent. Une fois que nous avons obtenu l'information, nous envoyons un appel à l'action. Nos membres envoient des lettres à leur ambassade ou à leur gouvernement pour promouvoir les droits de la personne et pour faire libérer des gens qui ont été arrêtés. Nous avons défendu 300 causes et n'avons jamais perdu. Nous avons aidé beaucoup de gens qui avaient été arrêtés ou torturés.
    Nous travaillons aussi un peu dans le domaine de l'immigration pour les gens qui viennent ici. Nous rédigeons un avis d'expert pour eux au sujet de la situation dans leur pays et de leur culture. Nous sommes financés par des donateurs du secteur privé. Nous ne sommes pas financés par le gouvernement, et nous ne voulons pas l'être. Le gouvernement peut garder son argent.

[Français]

    Dans mon préambule, je vous demandais si le fait d'avoir une forte présence de troupes militaires de différents pays n'exacerbait pas la violence à l'égard des femmes et des enfants. Dans le contexte actuel, il est très difficile d'imposer au gouvernement en place une bonne gouvernance. On s'entend pour dire qu'il y a de graves problèmes là-bas.
    Des témoins nous ont dit que la société civile n'était pas mise à contribution afin d'enrayer cette endémie. On ne consulte pas la société civile et on coordonne mal les efforts investis en Afghanistan dans la reconstruction et l'aide humanitaire.
    Beaucoup d'efforts sont encore fournis par les troupes militaires. D'ailleurs, l'aspect militaire est très présent. Mais pour passer de l'aspect militaire à la reconstruction puis à l'aide humanitaire, très peu d'efforts sont faits par la communauté internationale.

(1340)

[Traduction]

    Je ne pense pas que notre présence militaire en Afghanistan soit la principale raison pour laquelle nous voyons ces problèmes survenir en ce moment en Afghanistan. Ces problèmes existaient bien avant notre présence militaire en Afghanistan. Voilà la première chose.
    La deuxième, c'est que, lorsque je rencontre des gens —et je ne parle pas de politiciens, je parle de gens dans la rue, de gens avec qui on prend un repas et à qui on pose des questions, à coeur ouvert — en fait, au début, ils fondaient de l'espoir en nous. En fait, au début, ils pensaient que nous serions en mesure d'apporter des changements réels.
    Le problème, c'est qu'année après année — pendant neuf ans — il n'y a pas de changement. Ce qu'ils ont constaté, c'est que, plutôt que de mettre en place un gouvernement vertueux, un gouvernement libre, un gouvernement qui souhaite vraiment faire du travail dans le domaine des droits de la personne et travailler à la lutte contre la corruption et à la lutte contre le trafic de drogues et ainsi de suite, ils constatent que nous avons mis en place un gouvernement corrompu. Ils commencent donc à perdre espoir en nous, parce que, maintenant, nous semblons avoir les pieds dans la fange comme le gouvernement d'Hamid Karzaï et être corrompus comme lui.
    Alors aujourd'hui, en fait, c'est notre soutien au gouvernement d'Hamid Karzaï qui nuit à nos soldats et à notre image en Afghanistan. Pourtant, au début de la guerre, les gens espéraient vraiment que nous serions en mesure de faire régner la paix, parce qu'ils veulent vivre en paix, et ils savaient que c'était différent, que nous n'allions pas agir comme l'Union soviétique. Ils savaient que nous serions là pendant une certaine période et que nous repartirions ensuite. Ils le savaient. Ce sont des gens extrêmement intelligents. Ils savaient tout ça, mais je pense que le principal problème, c'est la corruption qui touche M. Hamid Karzaï et sa famille, et pas la présence de soldats étrangers en Afghanistan.

[Français]

    Le problème, vous l'avez bien dit, ne vient pas de la présence des troupes là-bas, mais plutôt de la culture, et c'est implanté depuis des centaines d'années. Je pense notamment à ce qu'on impose aux femmes. D'ailleurs, on voit revenir ces vieilles traditions. J'essaie de trouver une explication logique à tout ça, sur les plans tant anthropologique que sociologique, et de tous les points de vue.
    Que pourrait faire la communauté internationale à part envoyer des soldats? De quelle façon tout ça pourrait-il être coordonné par la communauté internationale, et avec la participation de qui, en Afghanistan? Est-ce la société civile, les ONG, les groupes de femmes? Je vous le demande.

[Traduction]

    Tout ça. Tout ça. En fait, j'ai parlé hier avec une avocate spécialiste de l'immigration qui s'appelle Chantal Desloges et qui parlait du fait que ça s'est produit année après année après année. Et j'étais dans une église, ou dans le portique d'une école, dimanche dernier, et un homme s'est levé et a dit: « Eh bien, vous savez, personne ne pensait que le Rideau de fer allait tomber. Personne ne pensait que le Mur de Berlin allait tomber, mais il a bel et bien tombé. »
    Rien n'est impossible. Même si ça se passe année après année, ça ne veut pas dire que c'est bien. Nous devons commencer quelque part. Et on penserait qu'après neuf ans, nous avons au moins fait germer quelque chose et nous ne sommes pas en train de faire en sorte que les choses empirent.
    Voici comment nous allons apporter beaucoup de changements, selon moi. Lorsque la société internationale, la communauté internationale, le gouvernement et les ONG commenceront réellement à travailler à un plus grand respect des droits de la personne et demanderont à Hamid Karzaï de rendre des comptes à l'égard de ses agissements et de ceux de son gouvernement, c'est là qu'on mettra un terme à la corruption.
    À la dernière élection, Hamid Karzaï avait... Les résultats de l'élection n'étaient pas clairs. L'OTAN et les Nations Unies ont parlé d'un million de votes. Cependant, nous avons discuté avec le Dr Abdullah Abdullah, qui est à la tête de l'opposition en Afghanistan, et il affirme que M. Karzaï a triché pendant les élections. Toutefois, l'OTAN et les Nations Unies ont baissé les bras. Ils ont dit qu'ils ne s'occuperaient plus des élections, qu'ils ne... On encourage la corruption. C'est un encouragement à la corruption. Si M. Karzaï a perdu l'élection, il faut qu'il parte.
    Je pense donc qu'il est très important que nous demandions au gouvernement afghan de nous rendre des comptes et que nous collaborions avec les ONG à l'accroissement du respect des droits de la personne. Je pense que ce serait un bon début.

(1345)

    Nous allons maintenant écouter M. Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Ça fait plaisir de vous revoir, monsieur El Shafie. Nous nous sommes déjà rencontrés deux ou trois fois, et j'aime toujours que ça figure au compte rendu lorsque nous nous parlons
    Le tableau que vous brossez est complet. Il y a plusieurs choses qui m'amènent à vouloir vous poser une question précise, mais, juste au moment où je suis prêt à la formuler, vous commencez à parler de quelque chose d'autre. Dans la dernière partie de votre exposé, ce que vous dites, en fait, c'est que l'OTAN — et je ne vais pas dire le Canada — a échoué en Afghanistan. C'est clair. L'OTAN a mis M. Karzaï en place et le maintient en place. C'est très troublant. Tout le monde ici, peu importe le point de vue, peu importe si nous pensons que nous devrions être présents en Afghanistan ou non, ont cru dans une certaine mesure au fait qu'il y avait des résultats positifs là-bas. C'est déprimant lorsqu'on entend parler du jeu du garçon. Vous dites — et je veux être prudent ici — que des fonctionnaires du gouvernement prennent part à cette pratique. Avez-vous des preuves directes de la participation de membres du gouvernement Karzaï au jeu du garçon?
    Nous travaillons là-dessus en ce moment. Nous avons réussi à identifier quelques députés.
    D'accord. Je vais être précis, parce que je ne veux pas porter d'accusations sans fondement. À ce moment-ci, vous n'avez pas de preuve directe, mais vous avez certains indices à cet égard?
    C'est exact, et nous avons aussi des témoins.
    Il faudrait que nous soyons prudents lorsque nous tenons une audience et que nous parlons de participation. C'est peut-être vrai; il s'agit peut-être de fonctionnaires moins haut placés. Je veux cependant être prudent en parlant de ça. Peu importe la place occupée au sein du gouvernement, personne ne devrait se livrer à une pratique aussi dégradante.
    Je suis sûr que les membres du comité sont fatigués de m'entendre parler de ça, mais j'ai déjà passé six mois en Arabie saoudite. C'était une société assez restrictive. J'étais là-bas en 1979, et on parlait du fait que ce genre de choses se produisaient là-bas à l'époque. La situation de la femme est très semblable en Arabie saoudite et en Afghanistan, et la façon dont vous avez décrit cette situation est préoccupante. Vous avez parlé des 25 convertis qui ont été arrêtés. Le comité a entendu des témoignages selon lesquels les réfugiés doivent réellement sortir du pays avant que leur dossier ne soit traité. En réalité, le seul espoir, pour ces 25 personnes, c'est une forme quelconque de mise en liberté. D'après ce que vous savez, est-ce que l'OTAN est intervenue d'une façon ou d'une autre au nom des personnes concernées, et en particulier de ces 25 convertis?
    Il n'y a eu aucune intervention.
    J'espérais que vous me donneriez de meilleures nouvelles. Je pense que vous avez bien résumé la situation lorsque vous avez dit que l'OTAN a baissé les bras face au gouvernement Karzaï. C'est troublant, parce que c'est l'OTAN qui a mis ce gouvernement en place. En abdiquant, l'OTAN a permis au gouvernement Karzaï de demeurer en place, alors qu'Abdullah Abdullah croit avoir gagné l'élection. J'aimerais vous entendre parler encore de vos conditions préalables. Pour ma part, je crois que le Canada devrait sortir d'Afghanistan; nos forces militaires devraient sortir du pays. Mais si nous devons exiger le respect de conditions préalables, comment diable allons-nous nous y prendre pour garantir leur respect? Quel sera l'étalon utilisé? À quel moment déterminons-nous que les conditions préalables ont été respectées? Nous sommes déjà présents là-bas, et nous sommes censés quitter le pays l'année prochaine. Vous dites que nous devrions établir des conditions préalables: si nous constatons que rien ne s'est produit dans dix mois, nous devrions partir.

(1350)

    Tout ce que je dis, c'est qu'il faut établir des liens.
    Au cours des neuf dernières années, nous avons consacré 1,5 milliard de dollars à la mission en Afghanistan. Oubliez l'argent. L'argent n'est pas aussi important que 150 soldats canadiens. Si nous n'arrivons pas à établir des conditions, et nous avons vu quelle est la réalité et ce que ça donne sur le terrain... C'est facile à voir; ce n'est pas si difficile. Vous allez à Kaboul, et vous savez où se trouve le poste de police. J'ai passé quelques jours là-bas, et j'ai réussi, sans renseignement, à cerner différents lieux, à Kaboul seulement, dans la capitale, la région la plus sécurisée, où on pratique le jeu du garçon.
    Nous sommes entrés et nous avons filmé ce qui se passait. Il s'agit d'un vidéo que je voulais présenter au comité, mais nous n'avons pas réussi à organiser la projection. Je crois que tout le monde a reçu le vidéo du témoignage. Nous avons réussi à entrer et à surveiller ce qui se passait. Nous savions où ça se passait. Nous savions dans quel poste de police ça avait eu lieu. Lorsque nous parlons de « corruption », nous en entendons parler dans les journaux — et c'est une preuve — de gens qui sont essentiellement arrêtés par le gouvernement afghan. C'est une preuve indéniable que vous avez devant les yeux. Il est facile de voir lorsque des changements se produisent.
    L'accroissement du respect des droits de la personne en Afghanistan devrait être lié à notre présence là-bas. Combien d'argent consacrons-nous à la mission et combien de soldats mettent leur vie en jeu, s'il n'y a pas en retour un plus grand respect des droits de la personne?
    Votre idée est très bonne. Établissez un lien avec une échéance. D'ici une certaine date, s'il n'y a pas d'améliorations, s'il n'y a pas d'élections libres, si le peuple n'est pas libre et si la loi dont j'ai parlé n'est pas rayée de la constitution afghane, je pense que nous devrions épargner notre argent et la vie de nos soldats et sortir d'Afghanistan.
    Par rapport à ce que vous venez juste de dire, depuis combien de temps sommes-nous là-bas?
    Depuis neuf ans.
    Neuf ans, et il n'y a pas eu d'élections en bonne et due forme. Nous n'avons pu contrer aucune de ces choses. Nous n'avons pas transformé la culture. Mme Deschamps a raison. Ce sont des problème systémiques, intrinsèques et culturels. Ce ne sont pas des problèmes politiques. La violence faite aux enfants et aux femmes est culturelle. Il faudrait que le gouvernement modifie considérablement sa façon de penser dans ce pays. Je ne suis pas sûr que ce soit possible.
    Notre intervention s'est inscrite dans un combat contre les talibans, et je crois sincèrement que nos soldats se sont conduits de façon exemplaire. Mais tout ça se produit quand même. Nos soldats sont à l'intérieur de la zone sécurisée. Ils en sortent pour effectuer les patrouilles et ainsi de suite, mais ils sont isolés de la société. Vous l'aurez constaté lorsque vous étiez là-bas. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un moyen, surtout à court terme, de dire que nous pouvons accomplir cela.
    Je pense que la communauté internationale a la responsabilité de trouver un moyen de faire ça, mais je ne suis pas sûr que d'établir un lien avec nos soldats soit la bonne façon de procéder. Il se pourrait très bien que l'incidence soit plus importante si le lien est établi avec l'aide et l'argent.
    Je pense que l'incidence sera grande dans les deux cas.
    Il y a une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord avec vous, et c'est l'idée de simplement quitter le pays sans même essayer. Je comprends que nous sommes là-bas depuis neuf ans. Le seul problème, c'est que, si nous partons tout de suite sans essayer jusqu'à la dernière minute, alors le sang de ces 152 soldats canadiens aura été versé en vain. C'est comme ça que je vois les choses.
    Je vais simplement finir ma déclaration, cependant.
    Ce que je dis, en fait, c'est que, si nous abandonnons le peuple afghan, comment est-ce que ça va aider les gens là-bas? Si nous décidons de partir et de ne pas essayer, comment est-ce que ça va venir en aide aux femmes qui se font violer là-bas, comment est-ce que cela va venir en aide aux enfants qui se font violer là-bas, comment est-ce que cela va venir en aide aux gens qui veulent avoir la liberté de religion là-bas? Ce que je dis, en fait, c'est que nous devrions orienter la mission en Afghanistan en fonction de différentes stratégies. Cette stratégie ne découle pas du fait de fermer les yeux sur ce que Hamid Karzaï fait.

(1355)

    Je ne dis pas que l'OTAN devrait se retirer. Ce que je dis, c'est que l'engagement du Canada pendant neuf ans et qui a coûté la vie de 150 de nos soldats est une contribution plus que raisonnable à ce qui s'est passé là-bas. Il y a une augmentation importante, une pointe du nombre de soldats américains qui sont là-bas. Si nous nous retirions et que nous partions du volet d'aide — pour exercer une pression de cette façon —, je pense que ce serait un moyen raisonnable, après avoir été là-bas pendant neuf ans.
    Je vais devoir vous interrompre ici. Nous somme rendus à neuf minutes et demie, et c'était un tour de huit minutes.
    Je m'adresse maintenant aux conservateurs. Est-ce que c'est M. Hiebert ou M. Sweet qui va prendre la parole?
    Je vais commencer, puis je vais partager mon temps, monsieur le président.
    Vu que le sang de nos fils et de nos filles a été versé là-bas, vu les millions de dollars qui sont dépensés pour les écoles, vu les millions d'enfants qui fréquentent l'école là-bas — dont une importante proportion de filles — vu la forte proportion de femmes au Parlement du pays et vu les millions de dollars consacrés à l'infrastructure, il est difficile pour moi de contenir ma frustration lorsque j'entends votre témoignage.
    N'interprétez pas mal ce que je dis, révérend El Shafie. Ma frustration vient du contenu de votre témoignage. Ce n'est pas vous qui en êtes responsable. Je suis très reconnaissant de ce que vous avez fait ici, mais c'est frustrant. Je suis d'accord avec mon collègue, M. Silva, lorsqu'il dit qu'il faut que des progrès mesurables soient réalisés dans un délai raisonnable.
    C'est répréhensible en ce qui concerne les femmes, cette abdication de la responsabilité de protéger les femmes. C'est répréhensible que ce jeu du garçon... C'est abominable, à nos yeux. Et toute cette idée que les chrétiens doivent être persécutés au point où ils sont mis à mort...
    Vous savez, monsieur le président, Hamid Karzaï lui-même est venu ici et il est passé sous les portes sur lesquelles il est écrit « Ô Dieu, donne tes jugements au roi, et ta justice au fils du roi », «Quand il n'y a pas de révélation, le peuple est sans frein » et « Il dominera d'une mer à l'autre. » Il a dû passer sous ces portes. C'est ce que nous avons écrit sur la Tour de la Paix. C'est juste que je... Comme je l'ai dit, j'ai de la difficulté à contenir ma frustration. Permettez-moi cependant de poser une question et de céder la parole à mon collègue.
    Vous avez rencontré les représentants de la Commission indépendante des droits de la personne que le gouvernement du Canada finance. Ont-ils fait part au gouvernement afghan de ces préoccupations que vous aviez? Que vous ont-ils répondu au sujet du genre d'accueil et de rétroaction que leur a offert le gouvernement là-bas?
    Je crois qu'ils ont confronté le gouvernement afghan par rapport à ces questions. Je ne sais pas s'ils l'ont confronté au sujet de la liberté de religion. Je n'en ai pas entendu parler pendant la rencontre. Je pense qu'ils ont parlé davantage du jeu du garçon et de la loi chiite — la loi sur le statut de la femme — en Afghanistan.
    Ce que j'ai entendu dire, c'est que le président afghan a écarté tout ça du revers de la main. L'élément le plus important de ma rencontre avec la Dre Samar, c'est qu'elle m'a demandé où le Canada se situait par rapport à tout ça. Elle m'a demandé où le Canada et où l'Occident se situaient par rapport à tout ça. Et c'était une question légitime.
    Ils ont donc confronté les représentants du gouvernement, qui ont rejeté tout ce qu'ils ont dit.
    Tout. Je pense qu'il y a eu une rencontre, en fait. La Dre Samar m'a dit qu'elle a rencontré M. Hamid Karzaï en personne, qu'il lui a dit qu'il jetterait un coup d'oeil sur les choses dont elle lui parlait, et ainsi de suite. Après, il a adopté une loi. Il n'a pas du tout tenu compte de son point de vue.
    Cette loi a donc été adoptée; cette loi qui force une femme à avoir des relations sexuelles avec son mari, lorsqu'il le désire, a été adoptée après la dernière audience avec M. Karzaï et les représentants de son gouvernement?
    Je présume que oui. Je ne sais pas exactement quand ont eu lieu les rencontres avec lui. Cependant, la loi en question a en fait été adoptée avant les dernières élections en Afghanistan.
    Merci.
    Monsieur le président, je veux simplement céder le temps qui me reste à mon collègue, M. Hiebert.
    Merci, monsieur le président, et merci, M. El Shafie, d'être ici.
    Je dois dire que j'ai trouvé votre témoignage convaincant et détaillé. J'ai consulté votre mémoire, et c'est un excellent document beaucoup plus détaillé que ce à quoi je me serais attendu normalement. À la lecture de ce document, je suis extrêmement préoccupé au sujet de la situation en Afghanistan, au sujet de la violence et de la persécution dont font l'objet les chrétiens et les membres de minorités religieuses et au sujet de la violence que subissent les femmes et de l'esclavage sexuel des garçons. C'est abominable. Le comité aborde beaucoup de questions difficiles, mais celle-ci me touche vraiment.
    Vous nous avez donné d'excellentes suggestions quant à ce que notre gouvernement pourrait faire. Vous avez signalé dans votre témoignage et dans ce document le fait qu'il existe de bonnes lois en Afghanistan, mais que les bonnes lois ne sont pas appliquées et que les mauvaises lois ne sont pas révoquées.
    Vous montrez également qu'il y a un manque de volonté de faire valoir certains des droits constitutionnels que les femmes, les enfants et les membres de minorités religieuses sont censés avoir. Vous documentez aussi le besoin d'informer la population. Je vous ai entendu dire dans votre témoignage que vous avez encore de l'espoir, que vous n'avez pas tout à fait abandonné. Vous ne dites pas que nous devrions quitter le pays dès maintenant, parce que le faire, ce serait livrer ces gens à cet État, ce qui serait tout simplement inadmissible.
    Notre gouvernement va persévérer dans les efforts qu'il déploie pour réformer le pays au cours des deux ou trois prochaines années, et j'espère que nous aurons la possibilité d'apporter certains des changements que vous avez proposés. Je peux vous assurer que je vais faire part de ces préoccupations à mes collègues du gouvernement, et je vous remercie de leur avoir fait parvenir ce document.
    Vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire que vous avez eu gain de cause dans 300 cas au fil des ans. Pouvez-vous préciser à quel égard vous avez connu du succès? Quelles sont les choses les plus efficaces que vous avez réussi à faire lorsque vous vous êtes occupé de ces cas? Est-ce que c'est d'embaucher des avocats dans le pays même? Est-ce que c'est de soulever la question dans la sphère politique ou dans les médias? Aidez-nous à comprendre comment vous êtes arrivé à connaître tant de succès.

(1400)

    Je ne peux pas parler de tous les cas, parce que certains d'entre eux sont confidentiels. Je peux cependant parler de quelques-uns de ceux-ci.
    Une avocate spécialiste de l'immigration du nom de Chantal Desloges a témoigné ici récemment. Nous nous sommes occupés ensemble du cas de M. Magde Youssef. Il s'agit d'un Égyptien qui était menacé de persécution en Égypte et qui était sur le point d'être expulsé du Canada. Il a été expulsé, et il a été torturé. Grâce à l'intervention du ministre de l'Immigration, nous avons été en mesure de le faire revenir ici après avoir présenté des preuves. Nous lui avons donc sauvé la vie.
    Il y a aussi une affaire qui a fait l'objet de l'émission W5 à CTV. Une petite fille du nom de Neha a été violée à l'âge de deux ans parce que son père refusait de se convertir à l'islam. Nous avons réussi à leur faire quitter le Pakistan et à faire en sorte qu'ils puissent s'installer au Canada.
    Il y a des cas où nous sommes intervenus à couvert. L'un de ces cas est celui d'un homme qui venait d'Arabie saoudite. Il s'agit d'un musulman qui parlait de liberté de religion à ses étudiants. Il a été arrêté, et il a reçu une peine de 750 coups de fouet. Nous avons réussi à mettre sur pied une campagne et à empêcher que la peine ne soit appliquée, et il vit maintenant en paix à Dubaï, aux Émirats arabes unis.
    Il y a eu aussi un cas au sein de la communauté musulmane iranienne. Deux filles ont été arrêtées, et nous avons réussi à les faire libérer d'une prison afghane, quoi qu'elles soient toujours assignées à résidence.
    Nous intervenons donc dans de nombreux cas à l'abri des regards, parfois ici, au Canada, et parfois à l'étranger.
    Merci. Le fait que nous expliquiez de quelle façon vous avez réussi à agir efficacement va nous aider à être plus efficaces aussi.
    Encore une fois, je vous remercie de votre témoignage et d'être venu ici aujourd'hui. Je suis reconnaissant de toute l'information que vous avez fournie au comité. Merci.
    Merci, monsieur Hiebert.
    J'ai dit au début de la séance qu'à la fin de la période de questions, nous demanderions au révérend El Shafie de faire une déclaration en guise de conclusion. Je vais maintenant l'inviter à le faire.
    Merci, monsieur le président. Merci beaucoup à vous tous de m'offrir cette occasion.
    Je veux remercier M. Mario Silva d'avoir travaillé avec moi et d'être venu avec moi en Afghanistan. Vous avez été brave de venir jusqu'en Afghanistan avec moi, et je vous en remercie.
    Monsieur le président, je me suis installé au Canada il y a huit ans. Comme je l'ai dit à Mme Deschamps, j'ai été torturé en Égypte. Je sais ce que ces 25 personnes dont nous avons parlé ont subi. J'ai encore des cicatrices sous mes vêtements. Ne soyez pas bernés par le costume que je porte. J'ai encore des cicatrices en dessous. J'ai connu la torture et la persécution que ces gens subissent chaque jour.
    Nous avons la possibilité de faire quelque chose. Ne laissez pas cette séance en être une parmi tant d'autres. Ne laissez pas l'heure qui vient de passer être seulement une heure où vous venez écouter et repartez pour poursuivre vos activités habituelles. Faisons quelque chose pour aider ces gens.
    Je me suis installé au Canada, et j'ai adopté les valeurs canadiennes. Je pense vraiment que le Canada est le temple des droits de la personne et la conscience du monde dans lequel nous vivons. Je le pense vraiment. Lorsque j'ai accepté la citoyenneté canadienne, je savais que je devenais citoyen d'un grand pays.
    Ce dont j'ai vraiment besoin, c'est d'aider ces gens. Ce que je souhaite vraiment, c'est de libérer ces prisonniers et de faire quelque chose pour leur venir en aide. J'ai déjà été l'un d'eux. Et je sais que si nous échouons, c'est que nous aurons laissé tomber le peuple afghan. Je sais que si nous échouons, les 152 soldats canadiens dont le sang a été versé en Afghanistan dans le combat pour la liberté des Afghans seront morts en vain.
    Il y a un moment où le noir devient la seule couleur pour les opprimés. Leur langue devient le silence. Et leurs pleurs et leurs larmes qui viennent de la douleur et de la persécution deviennent leur hymne national. Nous pouvons faire en sorte que cela cesse aujourd'hui. Nous pouvons le faire.
    Je vous remercie de m'avoir écouté et du travail que vous faites avec persévérance.
    Dieu vous bénisse.

(1405)

    Merci, révérend El Shafie.
    Des voix: Bravo!
    Monsieur le président, je veux simplement dire aux membres du comité et aux autres personnes ici présentes que le révérend El Shafie va pouvoir présenter le vidéo dont nous avons parlé demain à 18 h au Centre de conférences du gouvernement. Espérons que tous les députés seront là. C'est à 18 heures demain. Ce sera l'occasion de rencontrer certains membres de la délégation et aussi de voir le vidéo et d'entendre des témoignages.
    Est-ce que le Centre de conférences du gouvernement, c'est l'ancienne gare?
    Exactement.
    Très bien.
    Merci beaucoup, révérend El Shafie.
    Merci aux gens qui sont venus assister à la séance, et, bien sûr, merci aux membres du comité.
    La séance est levée.
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