Passer au contenu

PACP Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

LE POUVOIR D’ORDONNER LA PRODUCTION DE DOCUMENTS

« Au cours du dernier siècle, le système politique britannique s’est appuyé sur un groupe de concepts traditionnels représentés, en gros, par la souveraineté du Parlement, la prérogative de la Couronne, le privilège du législateur et le pouvoir discrétionnaire de l’administration. Mais nous sommes maintenant dans une situation où toutes ces idées de privilège et de pouvoir discrétionnaire sont constamment remises en question, sur la base de la conviction selon laquelle aucun pouvoir ne peut être absolu, ni soustrait à tout examen, ni à l’abri des contestations à la lumière de notions fondées sur des droits, comme l’équité, la justice naturelle, la rationalité et l’attente légitime, qui sont toutes inscrites désormais dans les instruments juridiques nationaux et internationaux[1]. »


INTRODUCTION

Le gouvernement du Canada n’a jamais partagé l’opinion voulant que le pouvoir d’ordonner la production de documents soit un pouvoir absolu. D’ailleurs, divers gouvernements ont avancé que la divulgation de certaines catégories de renseignements n’est pas toujours dans l’intérêt public. Les pratiques et les conventions qui se sont établies au fil des ans dans les régimes de gouvernement fondés sur le modèle de Westminster, y compris celui du Canada, font en sorte que le gouvernement fournit l’information dont ont besoin les parlementaires pour mener des enquêtes, tout en respectant le besoin légitime du gouvernement d’empêcher la divulgation de l’information lorsque cela va à l’encontre de l’intérêt public.

D’abord, il faut reconnaître que le gouvernement du Canada ne remet pas en question le fait que les chambres du Parlement et leurs comités ont le pouvoir d’ordonner la production de documents et de dossiers. Au contraire, la question qui se pose est de savoir si le pouvoir d’ordonner la production de documents et de dossiers est ou non absolu et si la portée de ce pouvoir doit ou non être équilibrée et être limitée par les principes constitutionnels du gouvernement responsable, de la séparation des pouvoirs, de la souveraineté parlementaire et de la primauté du droit. Il faut également souligner le fait qu’il ne s’agit pas de n’importe quel renseignement en possession de l’organe exécutif, mais plutôt de catégories limitées de renseignements dont la Couronne empêche habituellement la divulgation en vertu de la prérogative royale, du droit commun et des lois du Parlement. La perspective traditionnelle de la Chambre des communes est que la portée du privilège parlementaire englobe le droit absolu de recevoir des renseignements et qu’elle ne peut être restreinte que par la discrétion de la Chambre même. Le gouvernement croit au contraire que ni les chambres du Parlement ni les comités ne jouissent d’un tel droit absolu.

En outre, il ne faut pas oublier que, même si la Chambre des communes a conféré aux comités le pouvoir d’ordonner la production de documents et de dossiers, elle ne leur a pas délégué le pouvoir d’imposer la production de documents. Par conséquent, même si les comités de la Chambre des communes ont le pouvoir d’ordonner la production de documents, ils n’ont pas celui d’en contraindre la production. Lorsqu’un comité se heurte à un refus, il peut accepter le refus, proposer un compromis ou signaler ce fait à la Chambre.

Il est rare qu’un conflit entourant une demande de documents soumise par un comité fasse l’objet d’un rapport à la Chambre. Dans la très grande majorité des cas, les relations entre le gouvernement et les comités sont caractérisées par la collaboration et la franchise. Les fonctionnaires, pour leur part, comparaissent de plein gré devant les comités parlementaires et s’efforcent de fournir le plus d’information factuelle possible aux parlementaires, tout en respectant leurs obligations professionnelles et juridiques. De leur côté, les membres des comités respectent habituellement la neutralité professionnelle des fonctionnaires qui comparaissent pour le compte de leurs ministres. Les désaccords qui ont pu se produire ont généralement été réglés par les membres des comités en cause, qui ont décidé de ne pas insister, ou grâce à un accord politique intervenu directement entre les ministres et les membres des comités.

Tout comme les chambres du Parlement et leurs comités ne peuvent pas unilatéralement faire valoir leur privilège parlementaire à l’encontre des tribunaux, le gouvernement croit qu’ils ne peuvent pas non plus revendiquer l’application de leur privilège parlementaire à l’encontre de la Couronne.


LE POUVOIR DES PARLEMENTAIRES D’ORDONNER LA PRODUCTION DE DOCUMENTS

« Non seulement les ministres de la Reine sont-ils les gardiens légitimes des prérogatives de la Couronne au Parlement, mais il leur incombe également de protéger la liberté de l’intéressé, ainsi que les intérêts des particuliers et des associations privées, qui n’ont pas de représentation directe au Parlement, contre l’exercice par le Parlement d’un pouvoir arbitraire et injustifié. Partant de ce principe, le gouvernement a systématiquement résisté à toutes les tentatives, de la part des deux chambres, pour obtenir, en émettant une ordonnance ou en s’adressant à la Couronne, des documents ou de l’information concernant les affaires de particuliers, ou pour sanctionner la nomination de comités chargés de faire enquête sur des questions privées et personnelles...[2] » [Traduction]

La Chambre, dont l’un des rôles consiste à obliger le gouvernement à rendre des comptes, est habilitée à mener des enquêtes et celles-ci sont habituellement couvertes par le privilège parlementaire. Accessoirement, la Chambre a le pouvoir général « de convoquer des témoins et d’exiger la production de documents et de dossiers », pouvoir qu’elle a délégué à ses comités, même si seule la Chambre peut exiger la production de documents. Il y a trois questions importantes concernant le pouvoir des comités d’ordonner la production des documents du gouvernement : d’abord, la nature et la portée du privilège parlementaire à ce chapitre; ensuite, l’incidence des lois actuellement en vigueur sur le pouvoir d’ordonner la production de documents et de dossiers; enfin, le statut et le rôle des fonctionnaires qui comparaissent comme témoins devant les comités. Chacune de ces questions doit être examinée à la lumière des principes fondamentaux sur lesquels repose notre démocratie constitutionnelle.

Tout d’abord, le caractère et la portée du privilège parlementaire doivent être envisagées à la lumière de la séparation des pouvoirs dont jouissent les branches du gouvernement. La création de privilèges et les conventions entourant la pratique parlementaire montrent que la Chambre ne peut pas revendiquer ses pouvoirs généraux et ordonner la production de documents à l’encontre de la Couronne, comme elle pourrait le faire à l’encontre d’une personne étrangère au Parlement. La Couronne, en sa qualité de partie constitutive du Parlement et de partenaire d’un gouvernement parlementaire, remplit une fonction constitutionnelle distincte que les parlementaires doivent respecter.

Ensuite, les deux chambres du Parlement et l’organe exécutif doivent respecter le principe de la souveraineté parlementaire. Même si les chambres et l’organe exécutif ont des responsabilités et des pouvoirs constitutionnels, dans une démocratie reposant sur la primauté du droit, ces pouvoirs, privilèges et prérogatives doivent être exercés dans le respect de la loi, y compris les lois édictées par le Parlement.

Enfin, le régime de gouvernement responsable qui prévaut au Canada englobe un cadre de conventions constitutionnelles qui régissent une grande partie des relations entre les pouvoirs exécutif et législatif de notre régime parlementaire, y compris le rôle des fonctionnaires et les divers moyens employés pour demander au gouvernement de rendre des comptes. La portée du privilège parlementaire doit être envisagée à la lumière de ce cadre.

Dans ce contexte constitutionnel, les principes de la démocratie moderne influent nécessairement sur l’exercice des pouvoirs constitutionnels du gouvernement et des parlementaires. Même si le gouvernement est d’avis que la portée du privilège parlementaire n’englobe tout simplement pas un « droit absolu et sans entraves » de recevoir des documents du gouvernement, il s’est engagé à fournir le plus possible de renseignements documentés aux parlementaires et au public, de manière à se conformer aux valeurs que sont la franchise, la transparence et la responsabilité, sauf lorsqu’une telle divulgation va à l’encontre d’un intérêt public particulier. Dans la même veine, le gouvernement estime que les parlementaires devraient exercer les pouvoirs et les privilèges extraordinaires qui leur ont été conférés par l’électorat en s’appuyant sur le principe de la retenue.


1)  La séparation des pouvoirs et le caractère et la portée du privilège parlementaire

« Notre gouvernement démocratique comporte plusieurs branches : la Couronne représentée par le gouverneur général et ses homologues provinciaux, l’organe législatif, l’exécutif et les tribunaux. Pour assurer le fonctionnement de l’ensemble du gouvernement, il est essentiel que toutes les composantes jouent le rôle qui leur est propre. Il est également essentiel qu’aucune branche n’outrepasse ses limites et que chacune respecte de façon appropriée le domaine légitime de compétence de l’autre[3]. »

Comme l’a mentionné la Cour suprême du Canada, « Peu de questions revêtent autant d’importance pour notre équilibre constitutionnel que le rapport entre la législature et les autres organes de l’État auxquels la Constitution a conféré des pouvoirs, soit l’exécutif et les tribunaux judiciaires[4]. » Le fait de prétendre à des pouvoirs absolus en s’appuyant sur le privilège parlementaire risque de bouleverser cet équilibre.

Notre Constitution comporte trois branches de gouvernement :

  • l’organe législatif, lequel se compose, à l’échelle fédérale, de la Reine, du Sénat et de la Chambre des communes;

  • l’organe exécutif, la Reine étant investie du pouvoir de cet organe;

  • l’organe judiciaire, composé des tribunaux.

La « séparation constitutionnelle des pouvoirs » entre l’organe législatif, l’organe exécutif et l’organe judiciaire du gouvernement garantit que « chacun des pouvoirs de l’État se voit garantir une certaine autonomie par rapport aux autres[5] » dans l’exercice des fonctions constitutionnelles qui lui ont été conférées. La séparation des pouvoirs est enchâssée dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel prévoit une « constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni »; au Canada, le préambule est également cité souvent comme source de référence sur les privilèges des parlementaires, sur les prérogatives et les immunités de la Couronne et sur l’indépendance des tribunaux. Ces doctrines se complètent l’une et l’autre, prévoyant pour chaque branche une sphère de compétence unique qui lui permet d’administrer ses propres affaires internes pendant qu’elle s’acquitte de sa propre fonction constitutionnelle sans ingérance de la part des autres branches. Dans ce contexte, la doctrine du privilège parlementaire s’inscrit dans un vaste régime qui facilite la gouvernance efficace du Canada en garantissant que chaque branche du gouvernement conserve une certaine autonomie par rapport aux autres branches.

Par exemple, tout comme les tribunaux ont reconnu les limites au contrôle judiciaire, en ce qui concerne le privilège parlementaire, ils ont également montré une certaine déférence à l’endroit des décisions de la Couronne dans l’exercice de ses prérogatives et ils ont reconnu les privilèges et les immunités dont elle jouit en vertu du droit[6]. Tout comme le privilège parlementaire a exclu l’utilisation devant les tribunaux des délibérations du Parlement, et ce, malgré le très vaste pouvoir judiciaire d’ordonner la production de ces délibérations, le privilège de la Couronne a également été utilisé pour contester la production des documents du gouvernement devant les tribunaux[7]. Il s’ensuit que la Couronne jouit également d’une sphère d’activité à l’abri de l’ingérance des chambres du Parlement.

Il convient de noter que les gouvernements d’autres pays membres du Commonwealth ont également déclaré que le pouvoir de leurs chambres du Parlement de convoquer des témoins et d’exiger la production de documents et de dossiers n’est pas absolu. Ainsi au Royaume-Uni, en 1997, la Chambre des communes a reconnu aux termes d’une résolution unanime que « les ministères doivent être aussi ouverts que possible face au Parlement et refuser de divulguer de l’information uniquement lorsque la divulgation n’est pas dans l’intérêt public, décision qui devrait reposer sur les lois pertinentes et sur le code de pratique du gouvernement relativement à l’accès à l’information ». [Traduction][8]Tout comme au Canada, cette position reflète les conventions établies depuis longtemps relativement à la divulgation de l’information et qui ont été appliquées dans la pratique par les gouvernements successifs pour des raisons de politique gouvernementale. De même, en Australie, le gouvernement du Commonwealth est d’avis qu’aucune raison ne peut justifier que le Parlement oblige l’organe exécutif à divulguer la totalité de l’information. D’ailleurs, le gouvernement de l’Australie fait souvent valoir l’immunité d’intérêt public lorsqu’il refuse de divulguer de l’information demandée par une chambre du Parlement[9]. En Nouvelle-Zélande, tous les comités particuliers, sauf le Comité des privilèges, ont perdu le pouvoir de convoquer des témoins ou d’exiger la production de documents et de dossiers en 1999, parce qu’un tel pouvoir risquait de porter atteinte aux libertés civiles[10].


Origines historiques du privilège parlementaire

Les origines historiques de la doctrine entourant le privilège parlementaire justifient le fait de limiter ou de restreindre l’exercice de ce privilège par rapport à celui des autres branches du gouvernement. Le privilège parlementaire a été créé en Angleterre, en tant que droit négatif, qui a été revendiqué par la Chambre des communes à l’encontre de l’organe exécutif et de l’organe judiciaire du gouvernement. En d’autres termes, il s’agissait du droit de la Chambre des communes d’exercer son autonomie sur ses propres affaires et d’être libre de toute ingérence de la part de la Couronne ou de contestations devant les tribunaux.

Comme le mentionne Dicey, « En fait, la Couronne a obtenu son pouvoir avant la Chambre des communes[11] » et, en Angleterre, la Chambre des communes a dû lutter contre les pleins pouvoirs du roi pour obtenir son indépendance aux XVIe et XVIIe siècles. La Couronne a consenti à l’adoption par les chambres du Parlement de l’article 9 du Bill of Rights (1689), lequel établit le privilège parlementaire fondamental de la liberté de parole[12]. Dans les faits, cette liberté prévoit « l’immunité » contre la contestation par la Couronne et la défense du « privilège » devant les tribunaux. En 1704, la Chambre des communes a décidé de ne pas revendiquer de nouveaux privilèges qui n’étaient pas déjà établis par les us et coutumes. Par le biais de lois, certains privilèges ont été définis et limités[13]. Enfin, en 1867, les chambres du Parlement du Canada ont hérité des privilèges parlementaires de la Chambre des communes du Royaume-Uni tel que ces privilèges existaient au moment de la Confédération[14].

Conséquence de l’histoire, les rôles constitutionnels respectifs et exclusifs de la Couronne, de la Chambre des communes et des tribunaux ont été définis par la confrontation et le compromis. Au fait, à l’extrême, la détention par la Chambre des communes d’un privilège absolu par rapport aux autres branches du gouvernement lui permettrait d’ordonner la production des documents privés de la Reine ou les notes personnelles des juges, ce qui irait à l’encontre de la séparation des pouvoirs et du rôle historique de la Chambre par rapport à celui de la Couronne.


Procédure et pratique parlementaires

Même si au Canada le privilège parlementaire s’inspire de l’expérience britannique, notre histoire a connu beaucoup moins de confrontations et chaque branche du gouvernement reconnaît et respecte généralement la sphère d’activité traditionnelle des autres, ce qui est conforme à la doctrine de la séparation des pouvoirs. Par exemple, en 1873, le gouverneur général écrivait au secrétaire du Foreign Office de la Grande-Bretagne concernant une loi du Parlement du Canada qui autorisait l’interrogation sous serment des témoins des comités. Le gouverneur général souhaitait permettre au Parlement de définir les pouvoirs des chambres « à condition que ces pouvoirs soient eux-mêmes constitutionnels et qu’ils n’empiètent pas sur les prérogatives de la Couronne[15]. » [Traduction]

Au début de la Confédération, les limites concernant les demandes de production de documents par les comités parlementaires étaient bien établies dans la pratique parlementaire et celles-ci peuvent orienter les règles parlementaires même de nos jours. Le pouvoir des comités conféré avec le « pouvoir général d’inviter des personnes à comparaître et d’ordonner la production de documents et de dossiers » a toujours fait l’objet de limites inhérentes en raison, d’une part, du statut des comités par rapport à la Chambre et, d’autre part, de la relation entre la Chambre et la Couronne à l’intérieur de la structure constitutionnelle. Par exemple, les documents et les dossiers doivent être pertinents, compte tenu du mandat du comité, et relever de la compétence législative du Parlement. En outre, un comité ne peut pas de son propre chef imposer la production de documents; il doit au contraire demander à la Chambre de l’exiger. Enfin, comme l’a observé Beauchesne : « Un comité ne peut exiger des fonctionnaires d’un ministère qu’ils produisent certains documents, alors que, suivant l’usage parlementaire et le Règlement, la Chambre n’insisterait normalement pas sur leur dépôt auprès d’elle[16]. »

À la fin du XIXe siècle, peu après que le Canada eut hérité du privilège parlementaire du Royaume-Uni, Erskine May apportait des précisions sur cette limitation :

Les comités dotés du « pouvoir de convoquer des témoins et d’exiger la production de documents et de dossiers » n’ont pas le pouvoir d’exiger des documents qui, s’ils devaient être exigés par la Chambre même, feraient l’objet d’une résolution. Dans de tels cas, le président peut soit présenter une résolution à la Chambre ou communiquer avec le secrétaire d’État du ministère visé par les documents en cause. Celui-ci les soumettra au Parlement s’il le juge approprié, par ordre de Sa Majesté. Dès réception, les documents seront ensuite remis au comité par la Chambre. Un comité n’a pas non plus le pouvoir d’ordonner la production de documents lorsque, selon les règles et pratiques de la Chambre, la Chambre elle-même ne le ferait pas[17]. [Traduction]

Selon l’ancien greffier de la Chambre des communes au Royaume-Uni, « cette disposition limite énormément les pouvoirs officiels d’un comité[18]». Elle reconnaît en outre qu’il y a lieu d’établir « une distinction… entre les particuliers, d’une part, et les institutions d’État, y compris leurs représentants, à savoir les ministres, les fonctionnaires et les représentants officiels de l’institution, d’autre part, au moment de déterminer la portée des pouvoirs et des privilèges d’un comité[19].

Bourinot souligne que, lorsqu’il s’agit des ordres de dépôt ainsi que des résolutions, le droit de la Chambre d’obtenir l’information du gouvernement sur des questions d’intérêt public est toujours limité[20] : « Même si les membres peuvent facilement obtenir toute l’information nécessaire, en ce qui concerne des questions d’intérêt public, il arrive que le gouvernement se sente tenu de refuser de remettre certains documents parce que leur production serait inopportune ou préjudiciable pour l’intérêt public. » [Traduction] Comme l’expliquait Alpheus Todd, ancien bibliothécaire du Parlement, ce droit est enchâssé dans la reconnaissance d’une « prérogative royale d’administration » et est soumis aux conventions d’un gouvernement responsable :

Afin de tenir compte de l’intérêt public et des intérêts de l’État, les ministres doivent parfois, à leur discrétion, empêcher la divulgation de l’information demandée par les membres de la législature. Ce principe est reconnu d’emblée dans toutes les opérations parlementaires. S’il en était autrement, le gouvernement ne pourrait tout simplement pas fonctionner de manière sûre et avec honneur...

À moins d’être prête à affirmer son manque de confiance dans le ministre responsable du ministère en cause ou dans le gouvernement en général, la Chambre ne devrait pas embarrasser le ministère en insistant sur la production de documents que le ministère en question se sent tenu de refuser[21]. [Traduction]

Le président de la Chambre, M. Beaudoin, a insisté sur ce point en 1957 lorsqu’il a mentionné que : « si amples que soient les pouvoirs de la Chambre, il y a certains documents auxquels la Chambre n’a pas droit et ce sont ceux que de son propre chef un ministre refuse de déposer[22]. »  Bourinot donne les exemples suivants de documents dont la divulgation a été interdite[23] :

  • [un] document, dont on envisage de demander copie, doit être un document à caractère officiel et non pas une simple lettre ou un document personnel »;

  • Les documents dont « la divulgation constituerait un précédent »;

  • Habituellement, les opinions des avocats de la Couronne sont considérées comme des « communications personnelles » lorsqu’elles sont données à titre d’avis à des ministres, et le gouvernement peut à juste titre en refuser la divulgation »;

  • Les demandes de rapports adressées par des agents à des ministères particuliers de l’organe exécutif du gouvernement ont également été considérées comme non admissibles »;

  • [C]ertains documents ont été refusés à la Chambre des communes du Canada parce que le gouverneur général, agissant en tant que représentant officiel du gouvernement impérial, se réserve le droit de ne pas déposer au Parlement tout document dont la publication, à son avis, pourrait porter préjudice à la fonction publique. » [Traduction]

Sous réserve de considérations d’intérêt public, l’existence de différentes procédures parlementaires visant la divulgation de l’information reflète la nature particulière de la relation entre l’organe exécutif et l’organe législatif et reconnaît le statut privilégié des chambres lorsqu’il s’agit de demander et de recevoir de l’information de l’organe exécutif sur des questions d’intérêt public. Par exemple, la procédure visant les avis de motion portant production de documents est devenue plus accessible aux députés à la longue. La divulgation de certains renseignements de l’organe exécutif aux chambres du Parlement, qui depuis toujours ne pouvaient être demandés que par voie de résolution portant l’adresse à la Couronne, a également été assortie d’obligations d’origine législative, par exemple le dépôt de rapports annuels ou autres renvois au Parlement ou de procédures visant les décrets en conseil. Depuis la Confédération, la Couronne a également le droit de déposer par ordre des documents au Parlement et, à la longue, le gouvernement s’est montré plus ouvert à la divulgation de l’information. Toutefois, peu d’exemples montrent que le principe général de la discrétion de la Couronne, visant à protéger certains renseignements dans l’intérêt public, ait évolué à la longue ou que la question du privilège parlementaire n’ait été élargie afin d’annuler ce privilège. Au fait, la pratique et les conventions de la Chambre mènent à la conclusion contraire.


Précédents parlementaires

Même ceux qui invoquent théoriquement le pouvoir illimité de la Chambre d’ordonner la production de documents ou de demander la comparution de personnes ont tendance à observer que, dans la pratique, ce pouvoir n’est pas exercé à l’encontre de l’organe exécutif lorsque l’information est protégée dans l’intérêt public. Comme le mentionne Joseph Maingot : « Par convention, les comités parlementaires respectent le privilège de la Couronne lorsqu’il est invoqué, au moins lorsqu’il s’agit de questions de sécurité nationale et publique[24]. » Il est arrivé que le gouvernement accepte de dévoiler des renseignements de nature délicate aux parlementaires, généralement sous le couvert de la confidentialité, en exerçant son droit de renoncer à son privilège dans l’intérêt de la collaboration, plutôt que comme une reconnaissance du privilège parlementaire. Par conséquent, il existe peu, s’il y en a, de précédents définitifs qui confirment les pouvoirs absolus dont jouiraient les chambres du Parlement ou leurs comités, pouvoirs qui leur permettraient d’ordonner la production de documents du gouvernement.

L’un des rares exemples au Canada de différend entre un comité parlementaire et le gouvernement que l’on trouve dans les archives parlementaires, en ce qui concerne la production de documents, remonte à 1991. Le Comité de la justice et du solliciteur général de la Chambre des communes demandait la divulgation de deux rapports du solliciteur général. Le Comité était d’avis que son privilège absolu lui permettait d’ordonner la production des rapports, tandis que le solliciteur général et le gouvernement étaient d’avis contraire. Le gouvernement était également d’avis que la Loi sur la protection des renseignements personnels imposait aux fonctionnaires l’obligation de ne pas divulguer de l’information au Comité sans ordre de la Chambre. En fin de compte, l’ordre de la Chambre visant la divulgation de l’information au Comité reflétait la perspective du gouvernement en citant la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Comparaissant devant le Comité des privilèges et des élections, auquel la question avait été renvoyée, l’honorable Pierre Cadieux, alors solliciteur général, avait déclaré :

Quiconque connaît le Parlement ne saurait prétendre qu’avant l’existence de ces deux lois, les gouvernements distribuaient librement l’information. En fait, le contraire était vrai. Personne ne pourrait non plus affirmer que les comités obtenaient toute l’information qu’ils demandaient. Bien au contraire, et l’ampleur du pouvoir discrétionnaire des ministres et la parcimonie des gouvernements en matière d’information ont fréquemment été la source de plaintes… La Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels imposaient donc des restrictions au droit de refuser la communication d’informations qu’exerçait presque sans entraves le gouvernement. Mais ces lois ont imposé des restrictions à ce droit, elles ne l’ont pas supprimé. Contrairement à ce que certains semblent laisser croire, si des renseignements ne sont pas demandés conformément aux dispositions prévues dans la Loi sur l’accès à l’information et dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, le gouvernement ne se trouve pas tout à fait démuni ni obligé de communiquer des renseignements à un comité ou à un autre organisme qui lui en fait la demande. Il se retrouve simplement dans la situation qui existait avant que la Chambre adopte ces deux lois[25].

Les députés ont accepté plus facilement que certaines catégories de renseignements soient exemptes de l’obligation de divulgation. Entre autres, ils ont souvent reconnu que les renseignements se rapportant à la défense ou à la sécurité nationale ne pouvaient faire l’objet de contraintes en raison non seulement de l’intérêt et du privilège de la Couronne, mais également du fait de la responsabilité fondamentale de défendre le pays dont la Couronne est investie. Ainsi, en 1969, le Premier ministre Trudeau a fait les remarques suivantes à la Chambre dans sa Déclaration sur la sécurité :

Même dans la plus libre et la plus ouverte des sociétés, il existera toujours des sujets que les gouvernements devront garder confidentiels, afin de mieux servir les intérêts du public. Comme l’ont déclaré les commissaires [de la Commission royale d’enquête sur la sécurité]… : « l’État a incontestablement le devoir de protéger ses secrets, ses renseignements, ses institutions et sa politique contre l’espionnage, l’indiscrétion, la subversion et l’ingérence clandestine[26]. »

Dans sa réplique, l’honorable Robert Stanfield, alors chef de l’Opposition, avait déclaré : « Chose certaine, lorsqu’il s’agit de notre sécurité nationale, le Parlement a toujours admis des limites considérables à son droit d’exiger du gouvernement des renseignements et des révélations complètes… [L]e Parlement insistera pour avoir l’assurance que l’on dirigera les opérations de sécurité, lesquelles échappent en grande partie à sa compétence[27]. »

De même, en 1990, un comité spécial de la Chambre des communes a fait les observations suivantes :

Le Parlement a tenu un rôle mineur dans la surveillance et l’examen des activités de la collectivité de la sécurité et du renseignement au Canada... Diverses raisons sont à l’origine de ce manque de participation. Sans doute la plus importante réside dans la perception voulant que les questions de sécurité nationale soient, par convention, la prérogative de la Couronne et non celle du Parlement. Cette opinion est confortée par le fait que les organismes spécialisés dans le renseignement doivent œuvrer dans le secret absolu pour être efficaces et que tenir le Parlement au courant de leurs activités pourrait non seulement leur conférer un caractère politique, mais en fait mettre l’État en danger en affaiblissant l’efficacité de ses moyens de défense[28]. [Traduction]

Plus récemment, en 2004, le gouvernement du Canada a déclaré : « Il fut établi que l’information sensible relative à la sécurité ne devait pas être divulguée au Parlement et que les questions en la matière étaient restreintes. Cette approche générale fut quelque peu atténuée par la pratique occasionnelle consistant à offrir aux leaders de l’opposition, dans des circonstances exceptionnelles, des séances d’information sur la sécurité[29]. » [Traduction]

Les gouvernements ont communiqué l’information lorsqu’il s’agissait de l’intérêt public, par exemple en donnant des séances d’information sur la sécurité. Toutefois, de telles décisions ont été prises à la discrétion de la Couronne en vertu de sa prérogative, plutôt qu’en reconnaissance du privilège de la Chambre de recevoir cette information. C.E.S. Franks a décrit cette distinction en ces termes :

Dans le cas d’affaires qui doivent légitimement demeurer secrètes pour des raisons d’État, l’établissement d’un système de contrôle pose un dilemme. Le secret doit éventuellement faire place à la publicité et, à ce moment-là, un décalage existe inévitablement entre ce que les personnes qui exercent le contrôle et les personnes contrôlées connaissent et le pouvoir qu’elles ont de convoquer des témoins ou d’exiger la production de documents et de dossiers. Si le Parlement est dans le secret, la presse et le public doivent lui faire confiance; s’il ne l’est pas, il doit alors lui-même faire confiance aux conclusions d’une autre personne. Au Canada, rien ne prouve que le Parlement ou le public accepteraient que le Parlement fasse partie du cercle restreint auquel sont communiqués les secrets d’État[30].

Certes, la Couronne a toujours pu exercer son privilège discrétionnaire très librement, mais, au fil des ans, ce privilège a été atténué par les gouvernements dans l’intérêt d’une plus grande transparence. En 1973, avant l’adoption de la Loi sur l’accès à l’information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le gouvernement a tenté de préciser davantage les motifs pouvant être invoqués pour refuser l’information au moment de répondre aux avis de motions pour la production de documents, en déposant des lignes directrices à la Chambre des communes (« les lignes directrices de 1973 »). L’honorable Allan MacEachen, alors président du Conseil privé, a exposé le principal problème concernant la divulgation des documents du gouvernement :

Nous croyons que les députés, pour pouvoir s’acquitter de leurs fonctions parlementaires, ont besoin de données exactes sur les activités du gouvernement… Nous savons aussi que la volonté de donner autant de renseignements que possible doit avoir comme contrepoids une administration publique efficace, la protection de la sécurité de l’État et les droits à l’intimité[31].

L’honorable John Reid, alors secrétaire parlementaire du président du Conseil privé, a apporté des précisions sur l’incidence de ces lignes directrices :

C’est dans ce sens que les modifications et les lignes directrices que le président du Conseil privé (M. MacEachen) a présentées à la Chambre des communes sont très importantes. Elles détruisent l’image d’un gouvernement canadien secret, ne publiant des documents que selon son bon vouloir pour la remplacer par celle d’un gouvernement qui accepte le principe selon lequel les documents doivent être publiés, sauf ceux qui font l’objet d’une exception[32].

Tout en signalant un virage dans l’approche, à savoir l’abandon d’une divulgation discrétionnaire en faveur d’une divulgation fondée sur des principes, les lignes directrices de 1973 reconnaissaient la politique et la pratique généralisées voulant que la divulgation de certaines catégories de renseignements fasse l’objet d’exemptions et que ces renseignements ne doivent pas être transmis à la Chambre ou à ses comités. Parmi ces catégories figurent, entre autres, les documents du Cabinet, les avis juridiques, les mémoires ministériels internes, les documents préjudiciables pour la sécurité ou les relations avec d’autres gouvernements, les documents concernant des négociations en cours, ainsi que l’information exclue en vertu de lois. 

Ce n’est pas une coïncidence si les catégories de renseignements protégés en vertu des lignes directrices de 1973 correspondent aux exemples donnés par Bourinot en 1884, aux limites du privilège de la Couronne en tant que règle de la preuve devant les tribunaux, aux catégories de renseignements protégés en vertu de lois adoptées par le Parlement, par exemple la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la preuve au Canada, ainsi qu’aux approches d’autres gouvernements du Commonwealth. Comme l’a observé Todd, les prérogatives royales « sont détenues en fiducie pour le bénéfice de la nation entière[33] » et les gouvernements ont toujours reconnu que c’est leur devoir autant que leur privilège de protéger le caractère confidentiel de certains renseignements pour des raisons d’État, même lorsque le respect de cette obligation ne sert pas nécessairement les intérêts tactiques ou politiques du parti au pouvoir.


2)  Souveraineté parlementaire et primauté du droit

« À mon avis, la suprématie du Parlement, la fondation même sur laquelle repose cette affirmation, semble l’invalider complètement, parce que la Chambre des communes n’est pas le Parlement, mais uniquement une partie coordonnée et constituante du Parlement. Ce pouvoir souverain peut instaurer et annuler des lois; mais les trois organes législatifs doivent être d’accord; une résolution de l’un d’entre eux ne peut pas modifier une loi ou soustraire quelqu’un à son application[34]. » [Traduction]

« Je crois que le privilège a une application limitée et qu’il n’a jamais été interprété comme donnant aux députés un droit absolu de recevoir des documents… Avant l’adoption de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le gouvernement ne divulguait pas normalement certains types de renseignements. En votant ces deux lois, le Parlement a imposé des restrictions importantes sur le pouvoir de révéler des renseignements ou de refuser de le faire, mais de toute évidence, il n’avait pas l’intention de supprimer totalement la faculté des membres du gouvernement d’exercer leur jugement avec sérieux pour protéger la vie privée des individus ou préserver la sécurité des personnes ou des institutions[35]. »

Toutefois, la discussion précitée sur les prérogatives et les pouvoirs de la Couronne par rapport au privilège parlementaire ne permet pas de conclure que, de nos jours, la Couronne peut refuser de divulguer de l’information à qui que ce soit à son entière discrétion. L’exercice des pouvoirs de chacun des organes du gouvernement, y compris la Couronne, peut être limité en vertu des principes constitutionnels de la souveraineté parlementaire et de la primauté du droit. 

Les privilèges des chambres du Parlement et de la Couronne sont semblables en ce sens que, même si les trois organes exercent leurs fonctions constitutionnelles et détiennent certains pouvoirs, la définition de ces pouvoirs débouche généralement sur des lois du Parlement – c’est-à-dire qu’une loi est adoptée par consentement concerté des deux chambres et de la Couronne. En d’autres termes, même si le privilège parlementaire bénéficie d’un « statut constitutionnel », sa portée et ses limites peuvent être soumises aux lois édictées par le Parlement, ainsi qu’aux conventions concernant son exercice. Inversement, aucun de ces organes n’est habilité à élargir unilatéralement ses pouvoirs au-delà des limites de sa compétence originale, puisque ni la Couronne ni une chambre du Parlement ne peuvent unilatéralement promulguer une loi. Enfin, ni l’un ni l’autre ne peut être son propre juge, lorsqu’il s’agit de déterminer l’existence et la portée de ses pouvoirs. Comme l’a souligné un ancien greffier de la Chambre des communes, les tribunaux jouent un rôle dans l’examen juridictionnel du privilège parlementaire :

[I]l est manifeste que depuis quelques années les tribunaux du Royaume-Uni hésitent de plus en plus à reconnaître à n’importe quel organisme le pouvoir sans limite de déterminer les frontières de sa propre compétence. Ni l’une ni l’autre Chambre du Parlement ne peut se réclamer du principe de la souveraineté parlementaire, puisque ni la Chambre des communes ni celle des Lords n’est à elle seule un organisme législatif souverain. Même si la Chambre des communes a tenté par voie de résolution d’affirmer qu’elle est seule compétente en matière de privilège, cette affirmation ne saurait se défendre en dernière analyse[36].

Les principes de la souveraineté parlementaire et la primauté du droit ont deux conséquences importantes, en ce qui concerne le pouvoir des comités d’ordonner la production de documents du gouvernement : la première vise les règles juridiques fondamentales imposées au gouvernement, en ce qui concerne la collecte, l’utilisation et la divulgation de l’information, tandis que la seconde porte sur l’obligation juridique de l’organe exécutif de respecter, de mettre à exécution et de veiller à la mise en œuvre des lois, en vertu de la Constitution.


Lois sur l’information

Le contexte juridique, social et politique a considérablement changé depuis l’élaboration de la doctrine du privilège parlementaire. En particulier, en ce qui concerne la divulgation de l’information, les attentes du public et les normes démocratiques exigent désormais une ouverture beaucoup plus grande de la part du gouvernement, comme on en témoigne le dépôt en 1973 de directives du gouvernement sur la divulgation. Des exigences accrues en matière d’ouverture et de responsabilisation des acteurs de l’État ont également conduit à une évolution juridique importante.

Le gouvernement a désormais les mains en grande partie liées dans ce domaine par les devoirs et les obligations que lui imposent les lois du Parlement. Par exemple, la Loi sur l’accès à l’information a établi le principe selon lequel les exceptions nécessaires au droit général d’accès du public à l’information gouvernementale doivent être précises et limitées. En outre, la Loi sur la protection des renseignements personnels a établi légalement le droit d’accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent et a imposé au gouvernement le devoir de protéger ces renseignements contre la collecte, l’utilisation ou la communication non autorisées. De même, la Loi sur la preuve au Canada a structuré les motifs et les procédures pour la revendication de certains privilèges de la Couronne devant les tribunaux et d’autres instances.

Ainsi, le Parlement a imposé de nouvelles règles au gouvernement concernant la gestion et la communication de renseignements afin de limiter une discrétion préexistante. Les conséquences de ces modifications législatives ont été bien expliquées par l’honorable Pierre Cadieux, quand il a comparu devant le Comité des privilèges et des élections en 1991 pour s’opposer à la communication à un comité parlementaire de certains documents qui renfermaient des renseignements personnels protégés par la Loi sur la protection des renseignements personnels :

Ces deux lois [la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels] n’ont pas créé le pouvoir que détient le gouvernement en matière de contrôle de l’information. Plutôt, elles ont imposé des restrictions à un pouvoir qui existait déjà et qui était jugé beaucoup trop vaste… La Loi sur l’accès à l’information codifie les principes devant être appliqués par les gouvernements dans les cas où ils doivent refuser de communiquer des renseignements. Ces principes ont traditionnellement été acceptés par la Chambre comme appropriés… De façon générale, la Loi sur la protection des renseignements personnels impose deux obligations. Elle a supprimé le droit du gouvernement de déterminer quels documents, parmi un large éventail portant sur la vie privée d’individus, pouvaient être divulgués, et l’a remplacé par l’obligation de protéger les renseignements personnels. Elle a aussi élargi le droit de l’individu de demander à avoir accès aux dossiers l’intéressant que détenait le gouvernement[37].

En 1991, le commissaire à la protection de la vie privée estimait que le but et l’esprit de la Loi sur la protection des renseignements personnels étaient d’exclure les parlementaires afin qu’ils n’aient pas de droit d’accès plus général que ce qui est prévu dans la Loi[38].

La Loi définit certains cas où la communication de renseignements personnels est autorisée, y compris si elle est « exigée par ordonnance… d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements ». On croit généralement que la Chambre des communes, plutôt que ses comités, est un tel organisme et peut donc recevoir des renseignements personnels protégés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels aux termes de cette loi. Notamment, le différend de 1991 sur les rapports protégés a été réglé par une résolution de la Chambre qui a ordonné la production des rapports à huis clos « relativement à l’alinéa 8(2)c) de la Loi sur la protection des renseignements personnels » et qui prévoyait l’interdiction de divulguer « tout renseignement contenu dans lesdits rapports qui peut être protégé en vertu de la Loi sur l’accès à l’information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels[39] ». Dans d’autres circonstances, le gouvernement a divulgué des renseignements directement aux comités parlementaires lorsque cela se justifiait dans les limites de l’exception d’intérêt public de la Loi[40].


Devoir de respecter la loi

Comme corollaire au devoir de respecter la primauté du droit, qui incombe à tous les acteurs constitutionnels, le pouvoir exécutif est lié par le devoir particulier de respecter les obligations juridiques qui lui sont imposées en vertu de sa fonction constitutionnelle d’exécution et d’application des lois du Parlement. Le privilège parlementaire a parfois été décrit comme une dérogation au droit commun, ce qui signifie, par exemple, que les propos exprimés dans le cadre des délibérations parlementaires sont protégés contre les conséquences juridiques et que les lois d’application générale, comme les lois sur les permis d’alcool, ne peuvent être exécutées au sein du Parlement. Toutefois, le gouvernement estime qu’il faut établir une distinction entre le recours au privilège de protéger la divulgation volontaire d’une part (p. ex., pour protéger le témoignage d’un dénonciateur) et la revendication du privilège de contraindre la divulgation au mépris des obligations imposées par la loi.

Fait à noter, en 1784, un différend a surgi entre la Chambre des lords et la Chambre des communes en Angleterre, quand cette dernière a délivré un mandat ordonnant au Trésor de suspendre le paiement de certaines factures jusqu’à nouvel ordre. En réponse, la Chambre des lords a adopté la résolution suivante : « Une tentative, dans une branche quelconque de la législature, de suspendre l’exécution de la loi, en prenant séparément sur soi-même la direction d’un pouvoir discrétionnaire, qui, par une loi du Parlement, est dévolu à un groupe d’hommes afin d’être exercé comme il le jugera opportun, est inconstitutionnelle. » [Traduction] Ce principe a ensuite été cité avec approbation par les tribunaux[41].

Le même principe a été reconnu dans le rapport de 1939 d’un comité spécial du Royaume-Uni concernant la Loi sur les secrets officiels. Le comité a été chargé d’étudier l’application aux parlementaires et aux travaux parlementaires de la loi – qui définissait très largement les types de renseignements considérés comme des secrets officiels. Le comité a recommandé dans son rapport que les députés ne puissent pas être poursuivis pour violation de la loi dans le cadre de leurs fonctions parlementaires, conformément à la liberté d’expression des membres, mais il a rejeté l’idée qu’une personne exerçant une charge de la Couronne puisse recevoir de tels renseignements protégés à titre de droit ou de privilège.  Au paragraphe 17 du rapport, il est mentionné que :

Il serait très dangereux de prêter foi à l’opinion que le simple fait de l’élection à la Chambre des communes crée une obligation générale envers l’élu de la part des dépositaires de secrets d’État de divulguer ces secrets sans autorisation. Et dans le cas des questions telles que, par exemple, les travaux du Cabinet, les dispositions du prochain budget, l’état de préparation de la flotte à la mobilisation, la formule d’un nouveau gaz, ou les spécifications d’un nouveau sous-marin, les circonstances qui justifieraient une divulgation [fondée sur l’exception d’intérêt public dans la loi] doivent être tellement exceptionnelles que cela est presque impensable. [Traduction]

Par conséquent, alors qu’un comité parlementaire peut être d’avis qu’une loi, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la Loi sur la protection de l’information, ne lui est pas applicable, les fonctionnaires comparaissant devant le comité continuent d’être liés par leurs obligations juridiques, même si le privilège parlementaire les mettrait à l’abri des conséquences juridiques d’une violation de cette obligation. Le devoir légal ressort clairement de la Loi sur la protection des renseignements personnels et est réitéré à l’article 76 de la Loi, qui pose que : « La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada. » Le devoir des fonctionnaires de respecter la loi forme également une partie des obligations importantes des cadres de direction envers la primauté du droit et la souveraineté du Parlement, ainsi que de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et le peuple à l’égard de l’exercice légitime de ses pouvoirs. Ce n’est pas un devoir que la Chambre seule, et encore moins un comité, peut outrepasser.


3)  Le gouvernement responsable et la responsabilité ministérielle

« Des documents sont souvent remis aux comités spéciaux par des fonctionnaires de manière informelle à la demande du comité. Il y a cependant lieu, à mon avis, de se demander si un comité a le pouvoir d’ordonner à un fonctionnaire de produire des documents, puisqu’ils ne sont pas sous la garde des fonctionnaires. Tous les documents de l’État sont gardés et toute correspondance qui émane des ministères est constitutionnellement rédigée au nom de la Couronne et, à mon avis, tous ces documents et la correspondance doivent êtres considérés comme étant sous la garde des ministres, sans l’autorité desquels ils ne peuvent être divulgués. Il semble donc probable que la solution au défaut de production des documents puisse appartenir aux ministres, plutôt qu’aux fonctionnaires qui travaillent sous leurs ordres. Là encore, cette position semble conforme à la responsabilité constitutionnelle des ministres à la Chambre[42]. » [Traduction]

Le troisième principe constitutionnel soulevé par une affirmation du pouvoir absolu de demander des documents est le principe du gouvernement responsable, qui exige que le gouvernement soit responsable devant la Chambre des communes pour l’exercice du pouvoir exécutif. Le cadre d’un gouvernement responsable établit certaines lignes de responsabilité, en grande partie par les conventions, qui régissent l’interaction entre l’exécutif et la Chambre des communes. Cela inclut l’exigence voulant que le gouvernement démissionne ou demande la dissolution s’il perd la confiance de la Chambre des communes, ainsi que les conventions de la responsabilité ministérielle collective et individuelle.


Les conventions du gouvernement responsable

La responsabilité ministérielle collective, ou la solidarité du Cabinet, permet aux ministres d’être francs en privé, mais les oblige à soutenir le gouvernement en public. En tant que groupe, les ministres sont responsables devant le Parlement des actes du gouvernement. La responsabilité personnelle de chaque membre du Cabinet est appelée responsabilité ministérielle individuelle. Elle comprend généralement la responsabilité d’un ministère. Dans ce contexte, les ministres reçoivent des conseils confidentiels de la fonction publique, prennent des décisions importantes et sont tenus responsables de ces décisions devant le Parlement.

La responsabilité constitutionnelle des ministres fait en sorte que la Chambre des communes peut centrer la responsabilité de la conduite du gouvernement sur ceux de ses membres qui sont nommés ministres et qui doivent répondre personnellement devant le Parlement de leurs actes et de ceux de leurs fonctionnaires. En d’autres termes, ce sont les ministres et non les fonctionnaires qui sont chargés de répondre et de rendre compte à la Chambre. L’obligation de s’expliquer se traduit non pas par la production de chaque élément d’information que la Chambre peut souhaiter, mais par des explications suffisantes, la justification et la supervision responsable du ministère, afin de maintenir la confiance de la Chambre.

Faisant partie de l’organe exécutif, les fonctionnaires sont responsables envers leur ministre et non directement au Parlement et, par convention, les fonctionnaires sont des acteurs anonymes qui n’ont pas d’identité au Parlement, sauf par le biais de leurs ministres. En effet, l’impartialité et la loyauté de la fonction publique envers le gouvernement en place ont été reconnues comme un préalable essentiel à un gouvernement responsable.

Les principes de gouvernement responsable ont quatre conséquences importantes pour les comités du Parlement souhaitant obtenir des documents auprès de fonctionnaires.

Premièrement, il s’ensuit que les comités parlementaires ne peuvent pas avoir plus de pouvoir sur les fonctionnaires qu’ils n’en auraient sur leurs ministres pour ce qui est d’ordonner la divulgation de renseignements. Comme C.E.S. Franks l’a expliqué :

Les ministres ne sont pas plus tenus de répondre de façon détaillée aux questions d’un comité qu’ils ne le sont à la Chambre au cours de la période des questions. Ils peuvent très bien décider de ne pas répondre aux questions. Lorsque des fonctionnaires témoignent, ils parlent au nom du ministre et se bornent, dans leurs réponses, à ce que le ministre leur permet de dire[43].

Deuxièmement, conformément à la séparation des pouvoirs et à la convention de la responsabilité ministérielle collective, il ne conviendrait jamais de demander des documents relatifs aux délibérations ou à des décisions du Cabinet. Ce principe peut s’étendre avec une force égale aux conseils confidentiels de fonctionnaires à l’appui de la responsabilité générale des ministres. Même si les gouvernements communiquent ouvertement aujourd’hui des renseignements précis et de base que contiennent les conseils aux ministres, une décision du 30 juin 1943 du président de la Chambre Glen précise :

On a tort de croire que, du moment qu‘un document traite d’une question publique, le Parlement a le droit de le voir. Alors même qu’ils traitent de questions publiques, les mémorandums, lettres ou brouillons soumis à un ministre par son fonctionnaire dans la préparation d’une mesure du gouvernement ou de déclarations ministérielles, ne se rangent pas dans la catégorie des documents officiels que les ministres sont tenus de déposer à la Chambre.[44]

Troisièmement, conformément aux conventions de la responsabilité ministérielle et de la loyauté de la fonction publique, les fonctionnaires ne devraient pas être obligés de produire des renseignements ou des documents sans autorisation ministérielle ou législative, et les différends sur la divulgation de renseignements devraient être adressés aux ministres, plutôt qu’à des fonctionnaires.

Quatrièmement, tandis que l’une des fonctions de la Chambre est de tenir le gouvernement responsable, le principe du gouvernement responsable ne donne pas à la Chambre des communes des prérogatives absolues qu’elle peut exercer sur l’exécutif. En revanche, il existe des mécanismes fondamentaux et de longue date dans le système parlementaire britannique par lesquels la Chambre des communes exige du gouvernement et de ses ministres qu’ils s’expliquent, qu’ils lui rendent des comptes et qu’ils soient responsables devant elle. Ces mécanismes incluent la nécessité pour le gouvernement de maintenir la confiance continue de la Chambre, la nécessité d’obtenir le consentement de la Chambre pour faire adopter le programme législatif du gouvernement, et la nécessité de faire autoriser les crédits par la Chambre. En d’autres termes, la Chambre dispose de pouvoirs considérables liés à sa fonction constitutionnelle de demander des comptes au gouvernement, mais cette fonction doit être exercée dans le cadre du gouvernement responsable, qui ne va pas jusqu’à attribuer aux comités parlementaires ou la Chambre elle-même un pouvoir absolu d’exiger la production de documents.


Mécanismes modernes de responsabilisation

Outre les mécanismes traditionnels de responsabilisation dans un gouvernement responsable, les normes de la démocratie moderne ont accru la capacité des parlementaires et du public de demander des comptes au gouvernement. Ces changements, toutefois, résultent de l’adoption de politiques ou de mesures législatives et non d’une prolongation du privilège parlementaire.

Ainsi, l’évolution du monde parlementaire a eu des effets positifs sur l’ouverture, la transparence et la responsabilisation du gouvernement. Comme on l’a vu plus haut, la procédure des motions portant production de documents est devenue moins lourde et plus accessible, en conformité avec une plus grande ouverture et la reconnaissance accrue des affaires émanant des députés de manière générale. En outre, comme l’a fait observer Joseph Maingot, « Alors que, il y a une vingtaine d’années, la Chambre ne renvoyait rien à un comité sans fixer de délai pour le dépôt de son rapport, les comités ont aujourd’hui plus ou moins carte blanche en ce qui a trait aux questions sur lesquelles ils peuvent se pencher dans leur sphère de compétence[45]. »  En outre, les comités (ainsi que leurs membres) sont mieux financés et ont plus de capacités de recherche et de ressources à leur disposition.

On notera en particulier l’avènement d’agents du Parlement, comme le vérificateur général, le commissaire à l’information, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire aux langues officielles et le commissaire aux conflits d’intérêts, qui mènent leurs activités de façon indépendante et aident les parlementaires à demander des comptes au gouvernement pour la gestion des affaires publiques. La loi confère souvent à ces agents des pouvoirs importants et un large accès aux renseignements gouvernementaux[46]. Le différend de 1991 entre le solliciteur général et le Comité de la justice offre un exemple intéressant; le commissaire à la protection de la vie privée dans ce cas avait passé en revue les rapports en question et il était en mesure de confirmer aux membres du Comité que la communication des renseignements avait été refusée à bon escient. Le commissaire a noté ce qui suit :

En fait, lorsqu’il a adopté la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Parlement a décidé de nommer un responsable et l’a chargé de s’assurer que les ministres du gouvernement respectent cette loi. Un comité parlementaire qui a des inquiétudes peut toujours s’adresser à moi. C’est la raison pour laquelle je suis là[47].

De plus, les ministères et les organismes ont des obligations de rapport importantes, aux termes des lois et de la politique gouvernementale, qui favorisent les intérêts de l’ouverture, de la transparence et de la responsabilité complète devant le Parlement. De même, les lois d’accès à l’information ont établi des repères importants pour définir les renseignements protégés, apportant une plus grande prévisibilité et une certitude accrue dans un domaine auparavant régi par un large pouvoir discrétionnaire. Au Canada, bien que ne s’appliquant pas directement aux demandes de renseignements des parlementaires, la Loi sur l’accès à l’information est très utile pour évaluer les normes en matière de communication, à l’instar des lois sur la liberté d’accès à l’information dans d’autres pays.

D’autres gouvernements ont circonscrit l’obligation qui incombe à l’État d’être ouvert avec la Chambre. Au Royaume-Uni, la Résolution sur la responsabilité ministérielle a été adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes en mars 1997. Cette résolution précise que « Les ministres doivent être aussi ouverts que possible avec le Parlement, ne refusant de communiquer des renseignements que si la divulgation ne serait pas dans l’intérêt public » [traduction], lequel est maintenant déterminé en fonction des exemptions prévues par la Freedom of Information Act 2000. Le Royaume-Uni s’est également doté de Guidelines on Departmental Evidence and Response to Select Committees qui reprennent ces mêmes principes et ont été déposées au Parlement la première fois en 1978. Dans le même esprit, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont adopté des directives[48] à l’intention des témoins du gouvernement qui comparaissent devant les comités parlementaires qui sont principalement inspirées de la Freedom of Information Act 1982 (Australie) et de l’Official Information Act 1982 (Nouvelle-Zélande). Les lois ne sont directement applicables dans aucun de ces cas, mais elles orientent l’établissement des motifs du refus de divulguer des renseignements dans l’intérêt public.

II est intéressant de noter que les chambres du Parlement ont également connu une évolution semblable vers la transparence et l’ouverture au public. Tandis que les privilèges de la Chambre lui ont traditionnellement donné le droit au plus grand secret et au contrôle strict de la publication de ses délibérations, l’ouverture est désormais la norme qui prévaut, de sorte que les électeurs peuvent être informés des travaux de leurs représentants. Néanmoins, il est également reconnu dans les délibérations parlementaires que, parfois, la confidentialité est nécessaire dans l’intérêt public et doit être respectée. Bien que les normes et les attentes plus élevées en matière de transparence n’étendent pas la portée des pouvoirs de la Chambre des communes d’exiger des documents du gouvernement en vertu du privilège parlementaire, elles ont fourni d’importants outils supplémentaires aux parlementaires pour encadrer l’exercice du pouvoir gouvernemental et demander des comptes au gouvernement.


CONCLUSION

L’analyse qui précède sur les principes constitutionnels et la pratique parlementaire présente un contexte plus approfondi pour comprendre la portée et l’application du privilège parlementaire. Selon les principes constitutionnels, les revendications de privilège parlementaire ne devraient pas servir à perturber l’équilibre des pouvoirs et des responsabilités entre les branches du gouvernement, à passer outre à la volonté du Parlement ni à bouleverser les conventions ou pratiques établies par lesquelles le gouvernement est tenu de rendre des comptes. Bien que le gouvernement estime que le privilège parlementaire ne comprend pas un pouvoir absolu d’exiger la production des renseignements protégés, il croit également que ces questions sont mieux réglées dans l’enceinte du Parlement, conformément à notre tradition parlementaire et politique. En dépit de nos perspectives divergentes sur les usages parlementaires historiques, le gouvernement est convaincu que tous les parlementaires peuvent et doivent travailler ensemble en vue d’assurer le fonctionnement optimal du processus parlementaire au service de la population.



[1] G. Marshall, Refaire la Constitution britannique (Conférence commémorative John-Tait, le 5 octobre 2000), p. 31.

[2] Alpheus Todd, On Parliamentary Government in England: Its origin, development and practical operation, 2e éd., vol. 1 (Londres : Longmans, Green and Co., 1887), p. 451.

[3] New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de la Chambre de l’Assemblée législative), [1993] 1 S.C.R. 319 [ci-après appelé « New Brunswick Broadcasting »].

[4] Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 S.C.R. 667, par. 4, par Binnie J. (qui rédige les motifs unanimes de la Cour) [ci-après appelé « Vaid »].

[5] Vaid, par. 21

[6] Voir T.G. Cooper, Crown Privilege (Canada : Canada Law Book, 1990), p. 5 à 7, où l’on décrit le privilège de la Couronne comme étant « du droit de fond d’importance constitutionnelle » [Traduction] et, en citant Halsbury, à l’appui de la proposition voulant que le privilège de la Couronne soit « une règle de droit fondamental [qui] peut être considérée comme un principe du droit constitutionnel; il ne s’agit pas d’une simple pratique ou procédure ». [Traduction] 

[7] Une grande partie du privilège de la Couronne a été codifiée dans des lois, même si celui-ci a toujours été une affaire de droit commun et qu’il puise sa source dans la prérogative (voir par exemple Hogg and Monahan, Liability of the Crown, 3e éd. (Toronto : Carswell, 2000), p. 19).

[8] Le 19 mars 1997 Résolution sur l’imputabilité ministérielle, Débats de la Chambre des communes (1996-1997), Col. 1046-1047. Le Code de pratique a depuis été remplacé par la Loi sur l’accès à l’information (2000). La Chambre des lords a adopté la même résolution, en ajoutant le paragraphe suivant : « L’interprétation donnée au terme ‘intérêt public’…sera déterminée conformément aux lois et au code de pratique du gouvernement relativement à l’accès à l’information ». [Traduction] Débats de la Chambre des communes (1997-1998) 315, c 874; et Departmental Evidence and Response to Select Committees (Osmotherly Rules), (2005), Cabinet Office au Royaume-Uni, par. 67

[9] I.C. Harris, House of Representatives Practice, 5e éd. (2005), p. 660.

[10] McGee, David, Parliamentary Practice in New Zealand, 3e éd. (Dunmore Publishing Ltd., 2005), p. 429.

[11] A.V. Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, p. 282.

[12] La même loi avait pour objet de régler la succession de la Couronne et posait que « All Honours Stiles Titles Regalities Prerogative Powers Jurisdictions et Authorities to the same belonging and appertaining are most fully rightfully and intirely invested and incorporated united and annexed » in the Crown (en substance, tous les honneurs, titres, droits régaliens, prérogatives, compétences et pouvoirs connexes sont entièrement et à juste titre investis dans la Couronne).

[13] Voir par exemple Parliamentary Privilege Act 1770 (R.-U.) 10 Geo. III, c. 50, lequel abolit la liberté d’arrêter les serviteurs des membres du Parlement et le privilège d’empêcher les membres d’être mis en cause.

[14] L’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au Parlement le pouvoir de définir les privilèges du Sénat et de la Chambre des communes. Voir la Loi sur le Parlement du Canada, article 4.

[15] Voir Journaux de la Chambre des communes du Dominion du Canada, le 23 octobre 1873, p. 7, réimpression d’un message de Son Excellence le Gouverneur général, y compris la correspondance entre lord Dufferin et le très honorable comte de Kimberley.

[16] A. Beauchesne, Jurisprudence parlementaire de Beauchesne : règlement annoté et formulaire de la Chambre des communes du Canada, 6e éd., par A. Fraser, W.F. Dawson et J. A. Holtby, Toronto, The Carswell Company Limited, 1991, p. 236.

[17] May 1883 (9e éd), p. 455. Dans une édition plus récente, M. May (23e éd., 2004) affirme le même principe à la page 757. Pour en savoir davantage sur la distinction entre les résolutions et les ordres dans le contexte canadien, voir O’Brien et Bosc, House of Commons Procedure and Practice, 2e éd. (2009), p. 470.

[18] Mémoire du greffier de la Chambre : Powers of Select Committees to send for Persons, Papers and Records in UK, First Report from the Select Committee on Procedure (1978), Annexe C, par. 37, 39 et 40, préparé par sir Richard Barlas [ci-après appelé le mémoire Barlas].

[19] Mémoire Barlas, par. 56, 59, 34, et 40. On trouve une distinction analogue entre les entités privées et le gouvernement dans May (2004), en ce qui concerne le pouvoir des comités de convoquer des témoins et d’ordonner la production de documents. Voir par exemple à la page 758, en ce qui concerne les témoins : « lorsqu’un comité particulier a le pouvoir de convoquer des personnes, ce pouvoir est absolu, sauf si celui-ci porte atteinte aux privilèges de la Couronne et des membres de la Chambre des lords ou aux droits des membres de la Chambre des communes. » [Traduction] À la page 757, à la suite d’une discussion sur les limites imposées aux comités, en ce qui concerne les demandes de documents habituellement soumises au moyen d’une résolution ou que la Chambre même n’avait pas l’habitude de demander, on mentionne « qu’aucune restriction n’est appliquée au pouvoir des comités de demander la production de documents par des organismes privés ou des particuliers ». [Traduction]

[20] Bourinot, 1884, 4e éd., p. 280-81.

[21] Todd aux p. 439-41.

[22] Chambre des communes, Débats (le 3 avril 1957), p. 3147-48, citant la 16e éd. de May, laquelle mentionne : « Les avis des juristes de la Couronne données pour la gouverne des ministres à propos de toute question de diplomatie ou d’orientation politique établie étant comprises dans la catégorie des documents confidentiels, on a généralement refusé de les communiquer au Parlement. »

[23] Voir Bourinot, p. 281-82.

[24] Joseph Maingot, Le privilège parlementaire au Canada (2e éd.) 1997, p. 199.

[25] Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent des privilèges et des élections, fascicule no 40, 34e législature (2e sess.) (le 12 mars 1991), p. 40:6.

[26] Chambre des communes, Débats (le 26 juin 1969) p.10636, à la suite du dépôt du rapport de la Commission royale d’enquête sur la sécurité.

[27] Chambre des communes, Débats (le 26 juin 1969) p.10639. 

[28] Comité spécial d’examen de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité de la Chambre des communes, Une période de transition mais non de crise (septembre 1990), p. 191.

[29] Voir Gouvernement du Canada, Sécurité publique, Un comité parlementaire chargé de la sécurité nationale : Document de consultation préalable pour aider à la mise sur pied d’un comité parlementaire mandaté pour examiner la sécurité nationale (Ottawa, 2004), p. 12. 

[30] C.E.S. Franks, Le Parlement et la sécurité : Une étude préparée pour la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada (janvier 1979), p. 22. 

[31] Débats (le 15 mars 1973), p. 2262.

[32] Débats (le 29 mars 1973), p. 2747 (L’honorable J.M. Reid, secrétaire parlementaire du président du Conseil privé).

[33] Todd, p. 384.

[34] Stockdale c. Hansard (1839), 9 Ad. & E. 1, 112 E.R. 1112 (K.B.) par lord Denman CJ.

[35] Témoignage de l’honorable Pierre Cadieux, solliciteur général, Procès‑verbaux et témoignages du Comité permanent des privilèges et des élections, fascicule no 40, 34e législature (2e sess.) (le 12 mars 1991), p. 40:8

[36] Chambre des communes (Direction des recherches pour le Bureau), Le Privilège dans un contexte moderne (Ottawa : Greffier de la Chambre des communes, juin 1990), p. 16.

[37] Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent des privilèges et des élections, fascicule no 40, 34e législature, (2e sess.) (le 12 mars 1991), p. 40:6-7.

[38] Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent des privilèges et des élections, fascicule no 44, 34e législature, (2e sess.) (le 12 mars 1991), p. 44:10, où le commissaire déclare :

« Dans la mesure où la Loi sur la protection des renseignements personnels permet aux particuliers d’obtenir leurs propres documents, la loi ne s’applique pas au Parlement. Toutefois, si les parlementaires sont rangés dans la même catégorie que n’importe quel citoyen lorsqu’ils essaient de tirer des documents du gouvernement, le gouvernement doit se conformer à la loi, qui, d’ailleurs, mentionne spécifiquement les droits des parlementaires [au par. 8(2)]. »

« Les parlementaires ont le droit de consulter sans autorisation des renseignements relatifs à des particuliers s’il s’agit de les aider lorsqu’ils ont un problème. En prenant ces dispositions, il me semble que le Parlement a également voulu exclure un droit d’accès qui irait plus loin que le droit prévu d’une façon générale par la loi. »

[39] Chambre des communes, Débats (le 18 juin, 1991), p. 2027.

[40] Voir la Loi sur la protection des renseignements personnels, sous-alinéa 8(2)m)i. Voir par exemple le Commissaire à la protection de la vie privée, Rapport annuel 2004-2005, p. 67 : accepté 11 avis en vertu du par. 8 (5) traitant de «communication de renseignements à des comités parlementaires, des commissions d’enquête ou d’autres entités publiques...»

[41] Stockdale c. Hansard, 112 Eng. Rep 1165.

[42] Mémoire Barlas, par. 20.

[43] C.E.S. Franks, Le Parlement et les questions de sécurité : une étude préparée pour la Commission d’enquête concernant certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada (janvier 1979), p. 35. Il convient de noter que plus récemment, par une loi, quelques hauts fonctionnaires ont eu à s’expliquer directement devant des comités parlementaires dans certains domaines, mais dans le cadre de la responsabilité ministérielle; voir par exemple la Loi sur la gestion des finances publiques, art. 16.4.

[44] Débats (30 juin 1943), 4197.

[45] Maingot, Comité des privilèges et des élections, 1A: 20 (27 mai 1991).

[46] Voir par exemple la Loi sur la protection des renseignements personnels, par. 36(2) qui confère au commissaire le pouvoir de consulter tous les documents « nonobstant toute autre loi fédérale ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve» et « aucun des renseignements auxquels il a accès en vertu du présent paragraphe ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé. »

[47] Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent des privilèges et des élections, fascicule no 44, 34e législature, (2e sess.) (le 12 mars 1991), 44:13.

[48] Government Guidelines for Official Witnesses Appearing Before Parliamentary Committees, (1978), révisé en 1984 et 1989 (Australie), et Public Servants and Select Committees Guidelines, State Service Commission, février 2002, mis à jour en février 2004 (Nouvelle-Zélande).