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PACP Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Tous les ans, le gouvernement fédéral transfère des sommes d’argent considérables aux provinces et aux territoires qui utilisent cet argent pour fournir des programmes et des services aux Canadiens. Certains de ces transferts sont conditionnels en ce sens que le gouvernement fédéral oblige les provinces et les territoires à remplir certains engagements. D’autres sont inconditionnels, car les provinces et les territoires peuvent dépenser les fonds en fonction de leurs propres priorités. En 2006-2007, les transferts fédéraux aux provinces et aux territoires se sont élevés à quelque 50 milliards de dollars, soit tout juste un peu moins de 23 p. 100 de l’ensemble des dépenses fédérales.

  Le Bureau du vérificateur général (BVG) a réalisé une étude des transferts du gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires afin de faire connaître aux parlementaires les principaux mécanismes dont se sert le gouvernement fédéral pour effectuer ces transferts[1]. Le BVG voulait également décrire le mandat du Bureau relativement à la vérification de ces transferts.

Étant donné que le recours à certains types de transferts assortis de conditions limitées, comme ceux à des fiducies, soulève des préoccupations en ce qui concerne la reddition de comptes, le Comité des comptes publics a tenu une réunion sur cette étude le 3 mars 2009[2]. Il a alors entendu un certain nombre de témoins du Bureau du vérificateur général du Canada (Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, et Neil Maxwell, vérificateur général adjoint), du ministère des Finances (Rob Wright, sous-ministre, et Barbara Anderson, sous-ministre adjointe, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale), du Secrétariat du Conseil du Trésor (Rod Monette, contrôleur général du Canada, et John M. Morgan, contrôleur général adjoint, Secteur de la gestion financière et de l’analyse), du Bureau du Conseil privé (Alfred A. MacLeod, sous-ministre adjoint, Politique intergouvernementale, et Krista Campbell, directrice générale adjointe, Analyse sectorielle) et enfin du Conseil sur la comptabilité dans le secteur public (Nola Buhr, présidente, et Tim Beauchamp, directeur).

CONTEXTE

  Le gouvernement fédéral se sert de trois mécanismes principaux pour transférer des fonds aux provinces et aux territoires. Ce sont :

  1. les quatre grands transferts d’origine législative gérés par Finances Canada;
  2. les transferts liés à des programmes en particulier gérés par des ministères et organismes individuellement;
  3. les fiducies, qui sont également gérées par Finances Canada.

  Finances Canada gère quatre grands transferts récurrents qui sont autorisés par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ces transferts sont : le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le programme de péréquation et la formule de financement des territoires. Durant l’exercice 2006-2007, le gouvernement fédéral a versé 42,3 milliards de dollars, soit 19 p. 100 de ses dépenses totales, aux provinces et aux territoires au moyen de ces quatre transferts. Le Transfert canadien en matière de santé a pour condition que les provinces et les territoires doivent se conformer aux dispositions de la Loi canadienne sur la santé. La seule condition du Transfert canadien en matière de programmes sociaux est qu’il ne doit y avoir aucune exigence de séjour d’une durée minimale dans une province ou un territoire pour être admissible à l’aide sociale. Le programme de péréquation et la formule de financement des territoires ne sont assortis d’aucune condition.

  Les ministères et organismes fédéraux transfèrent aussi individuellement des fonds aux provinces et aux territoires pour soutenir des programmes en particulier. Ces transferts sont régis par la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor, mise à jour en octobre 2008. Pendant l’exercice 2006-2007, les transferts visant des programmes précis se sont élevés à plus de 5 milliards de dollars, soit un peu plus de 2 p. 100 des dépenses du gouvernement fédéral. Ces transferts visant des programmes précis sont assortis de nombreuses conditions, notamment la prestation de services déterminés, des vérifications financières et de conformité, des mesures du rendement, des rapports d’étape et une évaluation de programme. On peut mentionner à ce titre, entre autres, le programme visant à faciliter l’élimination des matières à risque spécifiées, qui est géré par Agriculture et Agroalimentaire Canada, et le financement à l’appui des programmes de développement du marché du travail qui sont gérés par Ressources humaines et Développement des compétences Canada.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral a parfois recours à des fiducies pour faire face à des difficultés à court terme particulières dans des secteurs qui relèvent clairement de la compétence des provinces. Ainsi, quand il enregistre un excédent budgétaire, il affecte une partie des fonds disponibles à des fiducies. Dans cette formule, le gouvernement fédéral transfère des fonds à un fiduciaire (une institution financière indépendante), qui les redirige ensuite vers les bénéficiaires de la fiducie, c’est‑à‑dire les provinces et les territoires, conformément aux ententes de fiducie. Pour pouvoir profiter des fonds de la fiducie, les provinces et les territoires doivent confirmer par écrit qu’ils comprennent l’objet de la fiducie et désigner un agent autorisé. Une fois que les fonds ont été transférés au fiduciaire, la fiducie ne comporte aucune autre obligation juridique contraignant les provinces et les territoires à consacrer les fonds à des objets donnés, mais ceux-ci doivent néanmoins rendre compte de l’emploi des fonds à leur assemblée législative et à leur population. Entre 1999 et 2008, le gouvernement fédéral a transféré près de 27 milliards de dollars aux provinces et territoires par la voie de fiducies.

Le rapport du Bureau du vérificateur général sur les transferts fédéraux ne renferme pas de recommandations, car il s’agissait d’une étude plutôt que d’une vérification. Autrement dit, il décrit la situation plutôt que l’évaluer en fonction de critères établis. Le Comité ne considère pas moins que l’étude est fort utile, car elle met en évidence une très importante question : la reddition de comptes.

REDDITION DE COMPTES EN CE QUI CONCERNE LES TRANSFERTS FÉDÉRAUX

Le gouvernement fédéral est comptable au Parlement et, par l’entremise des députés, aux Canadiens de la façon dont il dépense les deniers publics. Il donne de l’information au Parlement et aux Canadiens sur ses dépenses et les résultats qu’il en a obtenus. De même, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont comptables à leur assemblée législative – avec l’aide de leur vérificateur général – et à leurs électeurs de la façon dont ils ont dépensé les derniers publics dans leurs domaines de compétence. Cependant, l’obligation de rendre compte relativement aux transferts fédéraux aux provinces et aux territoires est moins claire, vu que les fonds viennent du gouvernement fédéral, mais que la prestation des programmes est assurée par les provinces et les territoires.

Dans le cas du programme de péréquation et de la formule de financement des territoires, il est clair qu’aucune condition n’est rattachée à ces transferts, lesquels visent à permettre aux provinces et territoires moins prospères de fournir des services publics sensiblement comparables à ceux des provinces et territoires mieux nantis. L’objectif de ces transferts est de soutenir la prestation de services en général.

Avec les transferts visant des programmes précis gérés par des ministères particuliers, le gouvernement fédéral cherche à soutenir des secteurs de programmes donnés. Les buts visés par ces transferts sont propres à chacun des secteurs de programme, et le gouvernement fédéral devrait avoir de l’information sur les résultats de ces transferts. Dans un cas particulier, le gouvernement fédéral exige que les bénéficiaires du financement fassent la preuve que ce dernier est utilisé pour financer des activités qui s’ajoutent à celles normalement exécutées.

Le programme de péréquation et les transferts visant des programmes précis représentent l’éventail possible des conditions rattachées aux transferts fédéraux. Il serait raisonnable de s’attendre à ce que le niveau des conditions rattachées aux fonds transférés soit en rapport avec le besoin de reddition de comptes et le caractère particulier des objectifs du programme et que le gouvernement fédéral choisisse le mécanisme de transfert qui convient en fonction des conditions requises. Si le gouvernement fédéral affirme que ses fonds servent à atteindre des résultats précis, il devrait pouvoir alors rendre compte de l’atteinte desdits résultats. D’ailleurs, aux termes de la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor, les gestionnaires ministériels sont censés indiquer les résultats attendus des programmes de paiements de transfert, de même que les mesures et indicateurs de rendement qui serviront à contrôler les résultats et à en fait rapport. Ainsi, en mars 2008, le gouvernement fédéral a annoncé l’établissement d’un nouveau fonds appelé Fonds de recrutement de policiers, dans le cadre duquel il a transféré 400 millions de dollars aux provinces et aux territoires pour permettre le recrutement de 2 500 policiers d’un bout à l’autre du pays. Compte tenu du caractère spécifique de cette annonce, le gouvernement devrait être en mesure d’attester par la suite que des policiers ont effectivement été recrutés.

Comme on l’a vu, l’objectif du programme de péréquation consiste à soutenir la prestation de services en général, et ces transferts sont inconditionnels. Les transferts qui visent des programmes donnés ont des objectifs plus concrets et sont souvent subordonnés à des conditions très précises. Cependant, l’utilisation de la formule des fiducies pour transférer des fonds comporte des ambiguïtés. Le gouvernement fédéral vise certains objectifs en accordant un transfert (par ex., le recrutement de 2 500 policiers), mais il n’exige guère d’engagements de la part des provinces et des territoires bénéficiaires pour vérifier si l’objectif visé est atteint. Dans des annonces faites récemment sur les fiducies, il est question de « principes directeurs », mais ceux-ci ne font pas partie intégrante des ententes de fiducie et ne sont donc pas contraignants. Certaines ententes de fiducie prévoient que les provinces et les territoires doivent annoncer publiquement comment ils utiliseront les fonds afin d’y avoir accès, mais une annonce publique n’est pas non plus contraignante. Les annonces publiques « encouragent » également les provinces et les territoires à rendre compte directement à leurs habitants de leurs dépenses et des résultats obtenus, mais rien ne les force à le faire. Les annonces de la fiducie donnent une impression de reddition de comptes parce qu’elles énoncent des « principes directeurs » et que le bénéficiaire y indique l’usage qu’il entend faire des fonds, mais vu l’absence de conditions permanentes, il n’y a guère de reddition de comptes par la suite.

Les représentants fédéraux font valoir que la reddition de comptes à l’égard de ces transferts se fait largement du gouvernement aux citoyens plutôt que d’un gouvernement à l’autre. Autrement dit, le gouvernement fédéral rend compte au Parlement et aux Canadiens des sommes qu’il a transférées aux provinces et aux territoires, et les provinces et les territoires, à leur tour, rendent compte à leur assemblée législative et à leurs habitants de la façon dont ils ont utilisé les deniers publics, y compris les transferts. Cependant, le problème de reddition de comptes n’est pas là.

L’essentiel, ce n’est pas que les provinces et les territoires rendent compte au gouvernement fédéral de l’atteinte de certains objectifs, mais que le gouvernement fédéral même rende compte au Parlement de la façon dont il dépense les fonds fédéraux, que ce soit sous forme de transfert ou autrement, et des résultats obtenus. Quand il a recours à des fiducies, lesquelles sont le plus souvent assujetties à peu de conditions, le gouvernement fédéral n’a guère l’assurance que les fonds sont utilisés aux fins annoncées, que les objectifs énoncés ont été atteints et que les fonds ne servent pas simplement à financer des programmes et des services qui auraient été fournis de toute façon.

Les récents rapports de vérification du Bureau du vérificateur général et du commissaire à l’environnement et au développement durable font état de problèmes de reddition de comptes qui peuvent survenir lorsque les transferts fédéraux ne sont pas assortis de conditions suffisantes.

Dans leur Communiqué de septembre 2000 sur la santé et, de nouveau, dans l’Accord de 2003 sur la santé, les premiers ministres canadiens ont convenu que chacun des gouvernements devrait produire des indicateurs de la santé comparables et en faire rapport publiquement. Selon le Conseil canadien de la santé, Santé Canada ainsi que les provinces et les territoires ont publié des rapports sur des indicateurs de la santé comparables en 2002 et 2004[3]. Toutefois, le Bureau du vérificateur général a constaté que seul le gouvernement fédéral avait continué de produire des rapports sur des indicateurs de la santé comparables en 2006[4]. En effet, la vérificatrice générale a souligné que « le gouvernement fédéral a continué d’établir des rapports [...] mais aucune province ni aucun territoire ne l’a fait. Ainsi, bien qu’il existe des protocoles d’entente de principe, ils ne sont pas contraignants, et le fait de ne pas les suivre n’entraîne absolument aucune conséquence[5]. »

Dans le budget de mars 2007 a été annoncé un transfert de 1,519 milliard de dollars aux gouvernements provinciaux et territoriaux par le truchement de l’écoFiducie Canada pour la qualité de l’air et les changements climatiques. Le fonds soutient les efforts provinciaux et territoriaux visant à concevoir des technologies, à accroître l’efficacité énergétique et à entreprendre d’autres projets qui se traduiront par d’importants avantages environnementaux. Dans le Plan sur les changements climatiques d’Environnement Canada, on lit que, selon les prévisions, le fonds devrait entraîner des réductions d’émissions de gaz à effet de serre de 16 mégatonnes par année de 2008 à 2012, soit 80 mégatonnes en tout[6].

Cependant, selon une vérification faite par le commissaire à l’environnement et au développement durable, le manque d’informations provenant des provinces et des territoires a pour effet qu’Environnement Canada n’est pas en mesure de surveiller ou de vérifier les résultats attendus. On lit dans le rapport que « [l]e Ministère n’a pas élaboré ni mis en œuvre de système, même facultatif, de surveillance des réductions des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Fonds de fiducie. Néanmoins, Environnement Canada a fait des allégations quant aux résultats attendus en 2007, et les a réitérées en 2008, sachant que le Fonds de fiducie est conçu de sorte qu’il est peu probable que le Ministère puisse présenter des résultats réels, mesurables et vérifiables[7]. »

  Le Comité des comptes publics sait bien que le recours à des fiducies pour transférer des fonds aux provinces et aux territoires est une solution de compromis. Le sous-ministre de Finances Canada l’a expliqué en ces termes : « Mais, en politique, il faut parfois faire des compromis. Il arrive parfois que le gouvernement fédéral dispose d’un excédent non prévu qui lui permet de débloquer du financement pour répondre à une priorité, avec un partenaire, sans que des conditions à long terme s’appliquent. Par contre, si des conditions s’appliquent, il se peut que vous ne disposiez pas de la marge de manœuvre financière nécessaire pour dépenser l’argent dans les années qui suivent. C’est le genre de compromis qu’il faut faire parfois[8]. » Autrement dit, il faut choisir entre des conditions plus contraignantes et une souplesse qui permet d’exploiter les excédents budgétaires imprévus.

Le Comité reconnaît que les provinces et les territoires sont les mieux placés pour définir leurs propres besoins. C’est pourquoi on doit leur accorder la latitude voulue pour qu’ils puissent innover et concevoir des programmes et des services répondant à leurs besoins. Il ne convient pas que le gouvernement fédéral impose une même formule à tous en matière de prestation de services.

Toutefois, le Comité pense que les annonces publiques accompagnant l’établissement des fiducies peuvent être trompeuses. Comme l’a dit la vérificatrice générale, « [l]e moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a un problème de communication quant à ces fiducies et à leur rôle, et je crois que c’est aux assemblées législatives provinciales et au Parlement du Canada qu’il revient de déterminer la nature des comptes à rendre à l’égard de ces sommes d’argent[9] ».

Le Comité estime qu’il est très important de présenter une image claire et précise du niveau de reddition de comptes qui s’applique aux transferts aux provinces et aux territoires, spécialement en ce qui concerne le recours à des fiducies. Si aucune condition n’est rattachée au transfert de fonds aux provinces et aux territoires, il faut alors le dire clairement et le justifier, autrement dit, expliquer le compromis entre la reddition de comptes et la souplesse financière. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 1

Que, lorsqu’il annonce des transferts aux provinces et aux territoires, le gouvernement du Canada explique clairement si l’utilisation des fonds est assortie de conditions permanentes et, si ce n’est pas le cas, qu’il explique pourquoi.

CONTRÔLE DES RÉSULTATS

Quand il transfère des fonds par la voie de fiducies, le gouvernement fédéral s’attend à ce que les provinces et les territoires bénéficiaires se servent des fonds comme prévu et obtiennent les résultats souhaités. Cependant, comme aucune condition permanente n’est rattachée à l’emploi des fonds transférés par l’intermédiaire d’une fiducie, il est bien difficile pour le gouvernement fédéral de surveiller l’emploi des fonds et les résultats obtenus. Des fonctionnaires ont soutenu durant l’audience que les intervenants savaient comment les fonds ont été dépensés. Barbara Anderson, de Finances Canada, a dit au Comité :

Une des premières que nous avons créées était pour de l’équipement médical, et il n’y avait pas un seul radiologiste au Canada qui ne sache très précisément combien d’appareils d’IRM sa province avait achetés. Il en va de même pour les services à l’enfance. Les groupes de services à l’enfance savaient exactement combien d’argent avait transité par ces fiducies dans leurs provinces respectives, et ils ont exigé et obtenu que cet argent soit dépensé[10].

En ce qui a trait à la reddition de comptes, Rob Wright a déclaré : « … je sais que les provinces ont redoublé d’efforts dans le but de pouvoir rendre compte de leurs actions à leur gouvernement respectif, y compris en ce qui concerne l’écoFiducie. J’ajouterai que la population suit de près ces questions, et que certaines personnes très actives veilleront à ce que les provinces rendent des comptes à cet égard[11]. »

Cependant, on ignore dans quelle mesure le gouvernement fédéral sait comment les fonds qu’il a transférés sont dépensés. Cela est important car, pour pouvoir continuer de recourir au mécanisme des fonds de fiducie, le gouvernement fédéral doit avoir l’assurance que ses transferts précédents par l’entremise de fiducies ont été utilisés de manière appropriée. Si le gouvernement fédéral n’est plus responsable des fonds une fois qu’ils ont été placés dans une fiducie, il lui incombe d’asseoir sa décision de recourir au mécanisme des fiducies sur une analyse sérieuse de la fiabilité du mécanisme quant à l’atteinte des objectifs fédéraux, attestée concrètement. Autrement dit, pour pouvoir donner de sages conseils aux ministres relativement au recours au mécanisme des fiducies, les responsables gouvernementaux doivent savoir si ce mécanisme a bien fonctionné dans le passé.

  Comme le montrent les observations faites plus haut, il semble que le gouvernement fédéral compte sur les intéressés pour qu’ils fassent un suivi des dépenses plutôt que de faire sa propre analyse. Le gouvernement fédéral suppose que les provinces et les territoires bénéficiaires se conforment aux principes et aux objectifs du mécanisme, mais il n’a aucune assurance qu’ils le font. Le gouvernement fédéral devrait, toutefois, savoir s’il peut vraiment faire confiance aux provinces et aux territoires quant à l’utilisation des fonds.

En outre, si le gouvernement fédéral veut pouvoir associer des résultats attendus précis aux fonds qu’il accorde, il doit se donner les moyens de contrôler et de vérifier ces résultats, par exemple par des déclarations volontaires ou le recours à des mécanismes de vérification indépendante. Il incombe aux parties concernées de s’entendre sur la meilleure façon de procéder, mais le Comité estime que le Parlement du Canada et les Canadiens doivent avoir l’assurance que les fonds sont affectés aux fins prévues et donnent les résultats escomptés. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 2

Que le gouvernement du Canada veille à établir des mécanismes de vérification des résultats lorsqu’il conclura de nouvelles ententes de fiducie.

COMPTABILISATION DES FONDS EN FIDUCIE

  La création de fiducies est habituellement annoncée dans le budget en février et les fonds sont engagés durant le même exercice, qui prend fin le 31 mars – à condition qu’un engagement public ait été pris, qu’une loi habilitante ait été adoptée ou qu’une autorisation parlementaire ait été accordée avant l’établissement des états financiers et que les conditions, s’il y en a, aient été remplies avant le 31 mars. Si le gouvernement a rattaché des conditions permanentes à l’utilisation des fonds placés en fiducie, il ne peut pas passer en charges les fonds transférés avant le 31 mars, selon les normes comptables établies par le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public (CCSP) et les politiques comptables déclarées du gouvernement fédéral. La vérificatrice générale a soutenu dans les Comptes publics 2006-2007 que le traitement comptable des fiducies par le gouvernement fédéral était acceptable parce que le gouvernement avait conclu des accords conformément aux pouvoirs qui lui avaient été conférés, qu’il avait reçu du Parlement l’autorisation d’effectuer les paiements, qu’il n’avait pas inclus de conditions à respecter après le 31 mars et qu’il connaissait le montant du paiement de transfert[12].

  Ainsi, une des principales raisons du recours au mécanisme des fiducies, c’est la volonté d’engager les fonds transférés avant la fin de l’exercice. Le transfert de fonds dans une fiducie sans qu’il y ait de conditions permanentes permet au gouvernement fédéral de réduire son excédent budgétaire de l’exercice en cause à hauteur du montant transféré dans la fiducie. Cela signifie aussi qu’il y a peu de chances qu’on ait de nouveau recours à ce mécanisme tant que le budget fédéral demeurera déficitaire.

Le CCSP établit les normes comptables pour tous les ordres de gouvernement au Canada, et cela comprend les normes régissant les transferts gouvernementaux. L’adoption de la comptabilité d’exercice a amené le CCSP à expliquer et à clarifier davantage ses normes comptables. C’est en 2002 que le CCSP a amorcé le processus de clarification de la norme applicable aux transferts gouvernementaux. Normalement, il faut entre 18 et 24 mois environ pour concevoir une norme comptable, mais cette question n’a pas encore été réglée, car elle est, en définitive, une des plus controversées auxquelles se soit attaqué le CCSP. Les parties ne s’entendent pas, certains gouvernements estimant que les transferts publics créent l’obligation pour les bénéficiaires de fournir les services durant des périodes à venir, c’est-à-dire qu’ils représentent une créance, et, partant, que les transferts doivent être comptabilisés dans l’année où les services sont rendus. D’autres soutiennent que les transferts sont des revenus et qu’ils doivent être comptabilisés l’année où ils sont reçus. La question est de savoir quand une condition devient un élément de passif afférent à une période future.

Le CCSP n’ayant toujours pas entériné une nouvelle norme, il y a actuellement un manque d’uniformité dans la comptabilisation des transferts fédéraux par les provinces et les territoires. Mme Nola Buhr, la présidente du CCSP, a dit au Comité que le retard dans l’approbation de la nouvelle norme était attribuable à l’absence de consensus au sein du CCSP. Le Comité espère toutefois que le CCSP parviendra, grâce à son caractère indépendant, à surmonter les objections de certains gouvernements et à adopter une nouvelle norme prochainement.

S’il se préoccupe de ce retard, le Comité est encore plus troublé par le fait que le choix de recourir au mécanisme des fiducies semble être largement motivé par les normes comptables plutôt que par un examen sérieux de la meilleure façon d’atteindre les objectifs du gouvernement fédéral et d’assurer la reddition de comptes. Mme Buhr a indiqué au Comité que les normes comptables et la reddition de comptes sont deux choses différentes. Elle a dit :

Je vais commencer par distinguer la notion de reddition de comptes et la notion de comptabilité. Ce sont deux choses différentes. La reddition de comptes est une relation qui est établie dans ce cas, par quelqu’un qui fournit des fonds et quelqu’un qui utilise des fonds. La façon dont cette relation est comprise, que ce soit de manière officielle au moyen de conditions ou de manière non officielle par la pratique, l’histoire et l’entente, déterminera la perception que le bénéficiaire aura de l’opération et la façon dont il traitera cette opération. Puis, la comptabilité entre en jeu pour déterminer comment on peut rendre compte de cette relation. D’abord et avant tout, il faut définir cette relation. Qu’espérait-on accomplir avec cet argent? Comment est géré cet argent[13]?

Cependant, le Comité estime qu’une information comptable transparente et uniforme constitue un important outil de reddition de comptes et que la norme comptable s’appliquant maintenant aux transferts gouvernementaux incite le gouvernement fédéral à maintenir à un minimum les conditions afférentes aux transferts effectués par l’intermédiaire d’une fiducie, limitant ainsi la reddition de comptes.

  Le Comité est d’avis que le CCSP ne devrait pas attendre à ce qu’il y ait unanimité et qu’il devrait plutôt agir le plus rapidement possible pour résoudre enfin la question de la clarification de sa norme applicable aux transferts gouvernementaux. Il estime de plus que le CCSP devrait le faire d’une manière qui améliore le plus possible la fonction de reddition de comptes.

CONCLUSION

  Les transferts de fonds du gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires constituent un important mécanisme pour le gouvernement fédéral, car ils représentent près du quart de ses dépenses. On comprend que certains transferts, comme le programme de péréquation, ne sont assujettis qu’à des conditions minimales parce qu’ils suffisent, en soi, à remplir les objectifs gouvernementaux. Toutefois, le recours, par le gouvernement fédéral, au mécanisme des fiducies pour transférer des fonds est beaucoup plus problématique, car aucune condition permanente n’est rattachée à ces transferts. Le gouvernement ne devrait pas annoncer des résultats attendus qu’il n’a aucun moyen de vérifier.

Le Comité estime que les conditions rattachées à un transfert devraient être conformes à une norme de reddition de comptes assurant que les résultats escomptés ont été atteints. Le Comité estime aussi que l’annonce des transferts devrait être claire et uniforme. Si aucune condition permanente n’est rattachée à un transfert donné, le gouvernement devrait expliquer pourquoi et éviter les principes directeurs non contraignants et les déclarations publiques. Enfin, le Comité craint que l’utilisation des fiducies ne soit compliquée par des normes comptables qui ne sont pas claires.

Le gouvernement fédéral rend compte au Parlement de la façon dont il dépense les deniers publics et des résultats qu’il obtient. Le Comité estime que les transferts aux provinces et aux territoires peuvent être un moyen légitime d’atteindre des objectifs fédéraux, mais qu’ils devraient être utilisés d’une manière qui améliore la reddition de comptes au lieu de la limiter.



[1] Vérificatrice générale du Canada, rapport de décembre 2008, Chapitre 1 – Une étude sur les paiements de transfert fédéraux aux provinces et aux territoires.

[2] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 40e législature, 2e session, réunion 7.

[3] Conseil canadien de la santé, Relancer la réforme : Renouvellement des soins de santé au Canada, 2003-2008, juin 2008, page 25.

[4] Vérificatrice générale du Canada, Rapport de décembre 2008, Chapitre 8 – Le rapport sur les indicateurs de la santé – Santé Canada, paragraphe 8.19.

[5] Réunion 7, 17 h 55.

[6] Environnement Canada, Plan sur les changements climatiques pour la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto – 2007, page 19.

[7] Commissaire à l’environnement et au développement durable, Rapport de décembre 2008, Chapitre 1 — La gestion des émissions atmosphériques, paragraphe 1.40.

[8] Réunion 7, 17 h.

[9] Réunion 7, 17 h 35.

[10] Réunion 7, 17 h 40.

[11] Réunion 7, 17 h 20.

[12] Receveur général du Canada, Comptes publics du Canada, 2006-2007, volume I, page 2.33.

[13] Réunion 7, 17 h 15.