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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 044 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bonjour. Bienvenue à cette 44e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend son examen des frais d'interchange des cartes de crédit et le système de paiement par carte de débit au Canada.
    Nous accueillons aujourd'hui comme témoins deux responsables du Bureau de la concurrence, Richard Taylor, sous-commissaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles et Martine Dagenais, sous-commissaire adjointe de la concurrence, Direction générale des affaires civiles.
    Vous disposez chacun de 10 minutes pour présenter votre exposé. Nous passerons après cela aux questions. Qui veut prendre la parole en premier?
    Monsieur Taylor, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité d'avoir invité le Bureau de la concurrence à participer à ses audiences sur les questions relatives aux cartes de crédit et de débit.
    Je m'appelle Richard Taylor et je suis sous-commissaire à la Direction générale des affaires civiles du Bureau de la concurrence. Je suis accompagné de Martine Dagenais, sous-commissaire adjointe à la même direction générale.

[Français]

    J'aimerais commencer par vous parler brièvement de la Loi sur la concurrence et du rôle du Bureau de la concurrence.
    La concurrence est une force créatrice et utile à notre économie. Elle peut susciter l'innovation et favoriser la réduction des prix. Elle permet d'augmenter l'efficacité et d'offrir un plus grand choix au consommateur. Dans la Loi sur la concurrence, le Parlement a cerné et interdit un certain nombre d'activités qui minent la concurrence au sein du marché. Le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant d'application de la loi qui est chargé d'appliquer la Loi sur la concurrence.

[Traduction]

    La loi interdit les agissements anti-concurrentiels tels que la fixation des prix, l'abus de position dominante et les pratiques commerciales trompeuses, susceptibles de nuire considérablement à la concurrence. La loi confère également au bureau le mandat d'examiner les fusions afin de déterminer si celles-ci sont susceptibles d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence et le pouvoir de prendre des mesures si nous estimons que c'est effectivement le cas.
    La Loi sur la concurrence étant une loi d'application générale, elle ne réglemente pas les transactions particulières entre les acheteurs et les vendeurs. Le but est plutôt de créer et de préserver les conditions nécessaires à un marché concurrentiel. Il importe de noter que, selon la loi, les entreprises sont habituellement libres de fixer leurs propres prix au niveau que le marché peut soutenir. Les prix ou frais élevés deviennent une préoccupation pour le bureau seulement lorsqu'ils sont attribuables à une violation de la loi, du fait notamment de la fixation des prix ou de l'abus de position dominante. Dans le cas de position dominante, les tribunaux ont réduit la portée de la loi de manière à seulement interdire les agissements anti-concurrentiels d'un ou de plusieurs acteurs dominants, qui visent à exclure des concurrents et à diminuer sensiblement la concurrence sur un marché donné.

[Français]

    Je tiens à souligner que le Bureau de la concurrence prend très au sérieux les cas d'infractions possibles à la Loi sur la concurrence. Nous n'hésitons pas à intervenir lorsque cela est justifié. Dernièrement, nous avons négocié le dessaisissement de 54 stations-service dans le sud de l'Ontario afin de dissiper notre crainte que, sans cela, la fusion de Suncor et de Petro Canada aurait donné lieu à une réduction substantielle de la concurrence, ce qui aurait entraîné une hausse du prix à la pompe pour les consommateurs.
(1535)

[Traduction]

    Dans une autre affaire, un certain nombre de plaidoyers de culpabilité ont été enregistrés, et des amendes s'élevant à près de trois millions de dollars ont été imposées à ce jour relativement à une importante affaire de fixation des prix de l'essence au Québec, affaire sur laquelle nous avons enquêté et que nous avons renvoyée au directeur des poursuites pénales. Dans un autre champ de notre compétence, en octobre, un homme a été condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans et demi pour avoir dirigé une arnaque de possibilités d'emploi avec des chèques contrefaits. Ce résultat est attribuable à une vaste enquête menée par le bureau en collaboration avec des partenaires du domaine de l'application de la loi au pays et à l'étranger. Voilà quelques exemples qui montrent à quel point nous prenons au sérieux notre rôle pour ce qui est du respect de la loi.

[Français]

    Le Bureau de la concurrence reçoit et examine plus de 15 000 plaintes par an. Depuis le début de l'année, les tribunaux ont imposé des amendes totalisant plus de 19 millions de dollars à la suite des enquêtes criminelles menées par le Bureau de la concurrence. Il s'agit là de quelques résultats mesurables du travail effectué par le Bureau de la concurrence.

[Traduction]

    Cela étant dit, j'aimerais aborder la question qui nous occupe aujourd'hui.
    Au printemps dernier, le comité a entendu un certain nombre de témoins concernant l'état actuel et l'avenir du marché des cartes de crédit et de débit au Canada. C'est un marché complexe, où les participants se comptent en grand nombre et les réponses faciles sont rares.
    Je vais commencer par les cartes de crédit. Le bureau poursuit actuellement son enquête sur les commissions d'interchange dans le but de déterminer s'il y a violation de la loi. Lors de ma comparution devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce au printemps dernier, j'ai confirmé que le bureau examinait des cas de contravention possibles à la loi relativement aux frais des cartes de crédit. Nous examinons plus particulièrement les commissions d'interchange et les règles applicables aux commerçants qui acceptent les cartes de crédit, ainsi que la question de savoir si les dispositions de la Loi sur la concurrence concernant le maintien des prix et l'abus de position dominante ont été violées. Comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit d'enquêtes complexes qui font appel à d'énormes quantités de données et qui exigent une analyse détaillée de la part du personnel du bureau et de spécialistes de l'économie et de l'industrie extérieur au bureau.

[Français]

    La disposition relative au maintien des prix est stipulée à l'article 76, lequel a récemment été modifié à la suite de l'adoption du projet de loi C-10. Il peut y avoir maintien des prix si un fournisseur, par entente, menace ou promesse, influence un prix à la hausse ou décourage une réduction de prix d'un produit ou d'un service. Il peut aussi s'agir d'un fournisseur qui refuse de fournir un client ou qui prend quelque autre mesure discriminatoire à son endroit en raison de son régime de bas prix.

[Traduction]

    L'article 79 de la loi est celui qui traite de l'abus de position dominante. On y interdit aux entreprises dominantes de se livrer à une pratique d'agissements anti-concurrentiels qui a, a eu ou aura pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence sur un marché. Par ailleurs, même si une entreprise domine un marché en particulier, sa taille ne constitue pas en elle-même un motif de préoccupation aux termes de la Loi sur la concurrence. Comme je l'ai déjà mentionné, les tribunaux ont limité la définition d'abus de position dominante aux gestes qui visent à exclure les concurrents et à nuire à la concurrence.
    Je tiens à faire remarquer que nous ne sommes pas les seuls à examiner les commissions d'interchange pour déterminer s'il y a violation de la loi. Évidemment, nous nous tenons au courant de ce qui se passe dans l'industrie des cartes de crédit au Canada. Nous suivons également les actions privées intentées aux États-Unis et les enquêtes menées par les autorités compétentes en matière de concurrence et de réglementation d'autres pays. Nous avons suivi les délibérations et les audiences à la Chambre des communes et au Sénat sur cette question. Manifestement, les questions qu'étudie le comité intéressent et préoccupent beaucoup de gens au Canada et dans le monde. Nous avons fermement l'intention de prendre dans les prochaines semaines des mesures relativement à l'enquête actuellement en cours.
(1540)

[Français]

    La deuxième question que l'on nous a demandé de traiter aujourd'hui, le marché des cartes de débit, suscite certes un vif intérêt, surtout depuis l'entrée de Visa et MasterCard sur ce marché.

[Traduction]

    Ces questions interpellent le bureau parce qu'Interac veut obtenir son approbation avant de déposer auprès du Tribunal de la concurrence une demande de restructuration, lui permettant de changer son statut d'association sans but lucratif pour celui d'entité à but lucratif. En 1996, le tribunal a rendu une ordonnance sur consentement visant à régler les préoccupations que le bureau avait à ce moment-là au sujet des activités des membres d'Interac, les grandes banques pour la plupart, qui contrôlaient le réseau des cartes de débit à cette époque. L'ordonnance prévoyait plusieurs mesures destinées à accroître la concurrence sur le marché des produits de débit, y compris un accès plus facile au réseau. L'ordonnance interdisait à Interac d'exploiter son réseau dans un « but lucratif ».

[Français]

    Cette ordonnance n'a pas été rendue à la légère. Or, la modification d'une ordonnance n'est pas une mince affaire et ne devrait avoir lieu qu'après un examen minutieux de tous les faits disponibles. Je tiens à préciser qu'il est erroné de dire que le bureau tranchera cette question. Nous devons décider si, après avoir examiné tous les éléments de la preuve, nous contesterons une demande d'Interac déposée au Tribunal de la concurrence et qui viserait à modifier les modalités de l'ordonnance. Quoi qu'il en soit, que le Bureau conteste ou non une telle demande, il revient au Tribunal de la concurrence de décider, en dernier ressort, si Interac peut procéder à sa restructuration.

[Traduction]

    Le bureau entend, dans les semaines qui viennent, décider s'il y a lieu pour lui de contester en justice la demande d'Interac. Nous ferons alors connaître notre décision. Le bureau est conscient de l'importance que cette industrie très complexe revêt pour tous les Canadiens. Nous procédons avec prudence à l'aide des outils à notre disposition pour nous assurer d'un résultat favorable à la concurrence.

[Français]

    Sur ces propos, monsieur le président, je vous remercie, ainsi que les membres du comité, de votre temps. Je répondrai volontiers à toutes vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Taylor.
    Madame Dagenais, avez-vous aussi une présentation à faire?
    D'accord. Alors, on va passer à la période de questions. On entendra d'abord M. McTeague, du Parti libéral.
    Merci, monsieur le président et tous les collègues. Je vais partager le temps qui m'est alloué avec M. Garneau.

[Traduction]

    Monsieur Taylor, je vais faire ce que je peux malgré une légère extinction de voix.
    La plupart d'entre nous sont, je pense, fortement préoccupés par l'idée que nous allons arriver au point où nous ne pourrons plus remettre un peu d'ordre dans tout cela et rétablir la situation. On a, naturellement, évoqué, dans le domaine des cartes de crédit, les positions dominantes de Visa et de MasterCard sur lesquelles vous enquêtez dans une double optique, celle du régime de prix imposé et celle de l'abus de position dominante. Ce qui m'inquiète cependant, c'est qu'alors que nous examinons la question ici au sein du comité, et que le bureau étudie la décision qu'il va devoir rendre à l'égard de Visa, le marché des cartes de débit continue d'évoluer.
    Les terminaux installés dans les points de vente sont en cours de transfert, la priorité d'acheminement faisant que les transactions aboutissent soit chez Visa soit chez MasterCard. Si Interac ne peut pas obtenir une modification de l'ordonnance sur consentement, elle ne pourra pas faire face à leur concurrence, étant donné les termes de son mandat et la manière dont cette association est structurée.
    Je me demande, monsieur Taylor, si de votre point de vue, il n'y aurait pas lieu d'accorder la priorité à la rapidité de votre intervention dans ce dossier. Comment entendez-vous procéder? Comment allez-vous pouvoir maintenir un degré suffisant de concurrence si les changements éventuels que nous étudions actuellement sont devenus effectifs? En l'absence d'une réglementation les en empêchant, les commerçants auront naturellement déjà signé les contrats.
    Monsieur le président, la question se pose effectivement sur plusieurs plans.
    Je vous assure que nous faisons diligence et que nous espérons être en mesure de répondre à Interac dans les semaines qui viennent. Précisons tout de même qu'Interac possède encore 99,99 p. 100 du marché des paiements par carte de débit aux points de vente.
    S'il est vrai que MasterCard vient de sortir son système Maestro, qu'elle propose aux commerçants, et que Visa va, elle aussi, bientôt offrir sa propre carte de débit, il n'est pas du tout certain que ces deux entreprises parviendront à une position dominante. Cette question, bien sûr, nous préoccupe beaucoup et nous ne voulons tout de même pas donner sans besoin à Interac toute latitude . Cela dit, nous souhaitons également, dans l'hypothèse où l'ordonnance signée en 1996, qui a fait la preuve de son efficacité, est modifiée, que les modifications apportées se justifient pleinement par rapport aux faits.
(1545)
    Monsieur Taylor, nous sommes moins préoccupés par ce qui s'est passé en 1996, car la situation actuelle est très différente de ce qu'elle était à l'époque et il conviendrait, me semble-t-il, de réagir sans attendre.
    Je ne songeais pas seulement à l'ordonnance par consentement, mais au fait que nous souhaitons qu'une décision vienne dire si, effectivement, compte tenu des dispositions de la Loi sur la concurrence, Visa et MasterCard occupent actuellement une position dominante qui pourrait s'étendre au marché des paiements par carte de débit et y apporter des changements irrévocables.
    Le bureau se penche-t-il actuellement — a-t-il été saisi à cet égard de plaintes — sur la question de savoir si l'un des acteurs de ce secteur envisage ou a étudié l'éventuelle adoption d'une stratégie de prix inférieurs au prix coûtant afin, justement, de rogner cette part de marché de 99,99 p. 100 dont vous venez de parler. Dans combien de temps pouvons-nous espérer vous voir intervenir?
    Je ne peux que répéter que nous suivons de très près la situation et que nous étudions tous les aspects de la question.
    Vous parliez tout à l'heure de la priorité d'acheminement. Vous avez évoqué divers aspects du marché. Je peux simplement vous dire que nous sommes saisis du dossier et nous y consacrons d'importants moyens. Nous sommes tout à fait au courant de la situation et nous la prenons très au sérieux. Monsieur le président, vous savez que je ne suis guère en mesure de fournir de détails au sujet de notre action, car aucun organisme de mise en application de la loi ne peut espérer obtenir des résultats satisfaisants en révélant prématurément la teneur de ses investigations.
    M. Taylor, la situation actuelle en ce qui concerne des cartes de débit et l'ordonnance par consentement applicable à Interac me semble plutôt bonne au niveau des coûts tant pour les utilisateurs de cartes de débit que pour les commerçants. Selon vous, quels seraient les avantages d'une concurrence renforcée? D'après moi, il y a deux résultats possibles. Soit les coûts vont augmenter pour le consommateur et/ou le commerçant, soit ils vont baisser. Dans l'hypothèse où on s'expose à une augmentation, le Bureau de la concurrence cherchera-t-il à intervenir ou est-ce que cet aspect du problème ne relève pas de vos attributions?
    Monsieur le président, comme je l'ai dit tout à l'heure dans le cadre de mon exposé, dans l'hypothèse où les coûts et les prix augmentent suite à une violation des dispositions de la Loi sur la concurrence, nous aurions effectivement à intervenir. Dans l'hypothèse où l'augmentation en question découle d'agissements anti-concurrentiels interdits par la Loi sur la concurrence, il nous faudrait effectivement intervenir étant donné l'ampleur et l'importance du marché en question.
    La concurrence au niveau des prix est un élément essentiel. Cela dit, il nous faut nous baser sur des faits et ne pas simplement tenir compte des déclarations qui peuvent être faites de part et d'autre. Nous ne nous contentons pas en effet des informations diffusées publiquement. Au moyen de citations à comparaître et de mandats de perquisition, nous cherchons à prendre connaissance des plans stratégiques des entreprises. Nous sommes donc à même de faire le point sur leur situation financière et nous procédons à des analyses extrêmement détaillées de tous les aspects qui nous paraissent importants. Je vous assure que la question des cartes de crédit et de débit occupe chez nous une place prioritaire. Le commissaire m'a très nettement fait savoir que nous allons devoir élucider sans tarder la question.
    Si je comprends bien, si les coûts augmentent soit pour les utilisateurs de cartes de débit, soit pour les commerçants, soit pour les deux, votre organisation n'a pas à intervenir dans la mesure où l'augmentation ne résulte d'aucune violation des dispositions de la Loi sur la concurrence.
    Monsieur le président, nous ne pouvons qu'appliquer les dispositions adoptées par le Parlement. Le législateur, il est vrai, a apporté au projet de loi C-10 des amendements qui renforcent très considérablement nos capacités d'intervention. Il y a, théoriquement, de nombreux facteurs susceptibles d'entraîner une augmentation des coûts. Je ne saurais dire actuellement quelle pourrait être la disposition applicable en pareille hypothèse, car cela dépend entièrement des pratiques à l'origine de l'augmentation en question, c'est-à-dire une augmentation du prix au consommateur.
    Si cette augmentation est due à des pratiques anti-concurrentielles, nous sommes en mesure d'intervenir. La loi prévoit plus de 30 pratiques de ce genre, et nous nous pencherions sur la situation afin de voir dans quelle mesure certains agissements relèvent d'une des dispositions de la loi. Cela dit, nous ne sommes, en quelque sorte, que des veilleurs et c'est en définitive aux tribunaux qu'il appartient de trancher.
(1550)
    Je vous remercie de votre explication sur ce point.
    Ma question suivante est tout à fait précise. En ce qui concerne les transactions sur cartes de débit, les dispositions de la Loi sur la concurrence interdisent-elles aux commerçants de négocier collectivement, des services financiers meilleur marché? De tels efforts seraient-ils vus comme des agissements anti-concurrentiels?
    Cela dépend. Selon les circonstances, les centrales d'achat peuvent effectivement poser problème dans la mesure où, sur un marché donné, elles regroupent une forte proportion des acheteurs.

[Français]

    Monsieur Bouchard, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci également à vous, monsieur Taylor et madame Dagenais, d'être parmi nous cet après-midi pour répondre à nos questions.
    Ma première question fait référence à un commentaire que vous venez de présenter. Vous dites que le bureau reçoit et examine plus de 15 000 plaintes par an. D'abord, combien de ces plaintes font l'objet d'une enquête? Est-ce 1 p. 100, 5 p. 100?
    J'ai une autre question dans la même veine. Ces plaintes sont-elles catégorisées? Par exemple, y a-t-il un pourcentage de plaintes qui provient des particuliers et un autre des entreprises? Ces plaintes sont-elles classées par catégories, selon qu'elles sont liées à des vols ou à d'autres infractions? Enfin, j'aimerais obtenir de l'information à ce sujet.
    Premièrement, nous avons reçu 15 000 plaintes cette année. C'est une estimation, mais j'imagine que 1 p. 100 d'entre elles feront l'objet d'une enquête. Cependant, pour vous donner plus de précisions, j'aimerais demander à ma collègue Mme Dagenais de répondre à votre question.
    Comme mon collègue Richard l'a mentionné, il y a en effet un pourcentage plutôt bas de plaintes qui donnent lieu à des enquêtes officielles. Par contre, ça ne veut pas dire nécessairement que nous n'examinons pas toutes les plaintes en détail. Vous nous avez demandé comment nous classions les plaintes quand nous les recevions. La distribution se fait selon la nature de la plainte, donc en fonction de l'article de la loi dont il est question.
     Par exemple, s'il s'agit d'un abus de position dominante, la plainte est acheminée chez nous. Si c'est un cas de télémarketing trompeur ou de publicité trompeuse, la plainte est confiée à la Direction générale des pratiques loyales des affaires. S'il est question de l'acquisition d'un joueur, la plainte est naturellement acheminée à la Direction générale des fusions. Dans cette dernière, les normes de service sont très claires. Quand une fusion est en cause, nous déterminons si c'est non complexe, complexe ou très complexe. Nous sommes en mesure de préciser s'il y a un problème ou une inquiétude en termes de concurrence. Par la suite, nous appliquons des normes de service en matière de fusion. Ces dernières sont publiques et font en sorte que nous puissions appliquer des critères de temps.
    C'est très bien. Vous semblez appliquer un traitement rigoureux.
    Monsieur le président, j'aimerais simplement ajouter que les 15 000 plaintes touchent un sujet, un secteur. Il ne s'agit pas de 15 000 plaintes individuelles.
    Est-ce que toutes les plaintes proviennent d'individus ou est-ce que des entreprises portent plainte également? Est-ce que ces plaintes sont réparties?
(1555)
    Tout le monde peut déposer une plainte auprès du bureau: un consommateur...
    Mais êtes-vous en mesure de déterminer, par exemple, que 60 p. 100 des plaintes proviennent d'individus et que 40 p. 100 proviennent d'entreprises.
    Je ne crois pas que nous fassions ce genre de catégorisation. L'objectif est de déterminer s'il y a contravention à la loi. C'est vraiment de cette façon que nous classons nos plaintes au sein du bureau.
    C'est bien.
    Monsieur le président, si vous le désirez, nous pouvons obtenir le nombre de plaintes par article de la Loi sur la concurrence.
    Merci, monsieur Taylor.
     Monsieur Bouchard.
    Dans votre exposé, vous avez dit également que l'association Interac pourrait changer de statut. Elle a présentement celui d'organisme sans but lucratif et fait des démarches pour obtenir celui d'organisme à but lucratif.
    Avez-vous évalué l'impact de ce changement éventuel sur le consommateur? Êtes-vous en mesure de dire si ce changement serait désavantageux ou profitable pour le consommateur?
    Nous étudions cette question présentement. Nous n'avons pas terminé notre examen, mais nous allons pouvoir rendre notre décision publique au cours de la prochaine semaine.
    Vous dites ne pas être les seuls à tenter de déterminer si les commissions d'interchange constituent une violation de la loi. Échangez-vous de l'information avec ceux qui font le même travail que vous?
    J'aimerais demander à ma collègue de répondre à cette question.
    Quand nous savons que des organismes internationaux font une enquête sur un aspect ou un dossier particulier que nous étudions également, nous entrons en contact avec eux. Par contre, comme Richard l'a déjà mentionné, il y a des clauses de confidentialité que nous devons respecter et il en va de même pour nos collègues à l'étranger. L'information confidentielle doit demeurer confidentielle, évidemment, mais de façon générale, nous sommes au courant de leurs démarches.
    Merci, madame Dagenais.
    Mr. Lake.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'avoir répondu à l'invitation du comité. Je comprends fort bien la complexité de ce dossier et je sais qu'il ne vous est pas possible de répondre à la plupart des questions que nous souhaiterions vous poser. Cela étant, je vais m'en tenir aux situations que nous avons pu constater dans le passé et aux procédures qui peuvent être mises en oeuvre.
    Tout à l'heure, dans le cadre de votre exposé, vous avez rappelé qu'en 1996, le Tribunal de la concurrence avait, en réponse aux arguments avancés par le bureau, rendu une ordonnance par consentement. Pourriez-vous nous dire quels étaient, à l'époque, les objets de préoccupation dont le bureau a fait état?
    En 1996, le bureau et Interac se sont entendus sur une ordonnance par consentement répondant aux préoccupations que le bureau éprouvait au sujet des activités de certains membres d'Interac, essentiellement les grandes banques qui, à l'époque, contrôlaient effectivement le réseau. Cette ordonnance prévoyait diverses mesures destinées à accroître la concurrence sur le marché des transactions par carte de débit, y compris par un meilleur accès au réseau. L'ordonnance reprend les termes de l'accord négocié entre le bureau et Interac afin de répondre à nos préoccupations sur le plan de la concurrence.
    Les intimés se voyaient reprocher des comportements anti-concurrentiels contraires aux dispositions de la loi réprimant l'abus de position dominante. Ils avaient notamment limité l'adhésion à Interac à des établissements de dépôt canadiens membres de l'Association canadienne des paiements, portant ainsi atteinte aux intérêts des détaillants, des entreprises de traitement indépendantes et à ceux d'autres banques. Dans le contexte du réseau, cela avait pour effet d'accorder certains privilèges aux membres fondateurs de l'association, qui étaient également les garants d'Interac, et d'en exclure les autres membres. Les droits d'adhésion étaient hors de proportion, comme l'étaient également les droits que les membres de l'association devaient acquitter en contrepartie des services qui leur étaient offerts. Cela étant, ceux qui n'appartenaient pas au cercle initial étaient dissuadés d'entrer dans le réseau de débit. Les membres de l'association se voyaient interdire de faire payer aux titulaires de cartes et autres membres de l'association des frais d'accès aux guichets automatiques et l'association imposait en outre aux comptes des critères et des limites très stricts.
    Cela voulait dire que seules les grandes banques et quelques autres membres du cercle des initiés pouvaient adhérer à l'association. Depuis l'ordonnance, le cercle s'est élargi et l'association compte maintenant 62 membres, le marché étant devenu tout à fait concurrentiel.
(1600)
    Que pouvons-nous attendre de vos rapports? Je sais que vous n'êtes pas en mesure d'évoquer ici leur teneur, mais pourriez-vous nous en tracer les grandes lignes? Je crois savoir que, dans quelques semaines, deux rapports vont être diffusés. En gros, de quoi va-t-il s'agir?
    Le rapport sur Interac exposera les raisons pour lesquelles nous allons ou n'allons pas contester l'ordonnance. La question est de savoir dans quelle mesure cette ordonnance des tribunaux, qui a tant contribué au développement du réseau de transactions sur cartes de débit de manière concurrentielle et non monopolistique, continue de répondre aux besoins de la situation. Nous nous penchons actuellement de très près sur la situation et nous allons aboutir très prochainement à une décision.
    En ce qui concerne les cartes de crédit, nous allons, au cours des semaines qui viennent, décider de ce que nous entendons faire. Nous allons notamment étudier la question de la position dominante au sens de l'article 79, la question du maintien des prix au sens de l'article 76, de la manière dont sont fixés les frais d'interchange, et les restrictions imposées aux commerçants par les réseaux de carte de crédit.
    En ce qui concerne la procédure applicable, Interac n'a-t-elle pas contacté le bureau pour demander son consentement avant de déposer sa demande? Pourquoi Interac a-t-elle procédé ainsi?
    Je ne saurais répondre au nom d'Interac, mais j'imagine que c'est parce qu'elle aurait préféré que nous n'intervenions pas. Si nous décidons d'intervenir, c'est parce que nous avons étudié tous les aspects de la question et que les arguments que nous avons à faire valoir pourraient être retenus par le tribunal. Ils cherchent donc à nous convaincre que les changements en question n'auront aucune des conséquences que nous souhaitons éviter. Si nous décidons de ne pas intervenir en contestant la demande, le tribunal tranchera probablement en faveur d'Interac.
    Que pouvez-vous nous dire au sujet de la procédure de modification de l'ordonnance par consentement? À l'heure actuelle, Interac se contente de vous demander ce que vous pensez des changements qu'elle sollicite, mais en quoi consiste la procédure devant le Tribunal de la concurrence?
    Interac peut déposer sa demande auprès du tribunal à toute époque, sans solliciter notre autorisation. C'est au tribunal qu'il appartient de trancher.
    Vous êtes-vous penché sur la situation depuis 1996?
    Uniquement dans le cadre de l'enquête actuelle.
    Je ne pense pas avoir d'autres questions à poser, merci.
    Merci, M. Taylor. Vos précisions concernant les décisions qui doivent bientôt intervenir au sujet des cartes de débit et de crédit nous sont des plus utiles.
    La parole passe maintenant à M. Thibeault.
    C'est un peu comme les décisions anticipées que l'Agence du revenu du Canada rend en matière d'impôt lorsqu'une entreprise lui demande, avant de prendre telle ou telle mesure, un avis ou une décision sur une question de droit fiscal. N'est-ce pas un peu la même chose?
    Ce l'est effectivement, monsieur le président, mais c'est en même temps un peu différent. Nous avons mis en place un programme très utile qui s'appelle programme d'avis consultatif. Dans le cadre de nos activités de mise en application de la loi, une entreprise peut venir nous entretenir, de manière hypothétique, de ce qu'elle souhaite faire à l'avenir afin que nous lui disions si les mesures envisagées sont oui ou non susceptibles de porter atteintes aux dispositions applicables. C'est un peu cela.
    Mais, vous avez raison, les deux sont analogues.
    Je vous remercie.
    Monsieur Thibeault.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier de l'exposé que vous nous avez présenté.
    Vous avez parfaitement raison de dire que le marché des cartes de débit est un marché d'une grande complexité puisque je crois savoir qu'Interac gère un flux de quelque 168 milliards de dollars. Vous nous avez dit, je crois, que cela correspond à 99,9 p. 100 du marché. C'est dire l'importance des sommes en jeu.
    Je sais qu'il vous est difficile de répondre à certaines de nos questions et je vais donc tenter de les formuler sous forme d'une demande d'avis.
    Serait-il exact de dire que si Interac n'obtient pas le consentement qu'elle sollicite, elle va être injustement désavantagée au niveau de la concurrence par rapport à Visa et à MasterCard puisque ces deux entreprises poursuivent un but lucratif, ce qui n'est pas le cas d'Interac.
    Peut-on, dans ces conditions-là, parler d'une juste concurrence? Je vous demande simplement votre avis sur ce point.
(1605)
    Je ne sais pas si cela leur conférerait un avantage indu. Je ne saurais me prononcer sur les raisons qui portent Interac à demander un tel changement. Il ne me semble pas exact de dire que cela conférerait aux deux entreprises un avantage indu. Je crois en fait qu'Interac pense exactement le contraire.
    Nous nous penchons justement sur la question de savoir si sa qualité d'association sans but lucratif, qui a tellement contribué, depuis 1996, à assurer le caractère concurrentiel du réseau de débit, empêcherait actuellement Interac d'affronter la concurrence en raison des diverses restrictions imposées aux entreprises sans but lucratif. C'est effectivement la question que nous sommes en train d'examiner.
    Nous souhaitons en effet maintenir le caractère concurrentiel de ce marché et prévenir l'abus de position dominante ou l'emprise sur le marché, et faire en sorte que ceux qui prennent pied sur ce marché, ne puissent pas profiter de leur position de force sur d'autres marchés pour dominer celui-ci. Nous nous penchons actuellement sur toutes ces questions que les membres du comité ont, à juste titre, soulevées aujourd'hui. Ce sont précisément ces choses-là qui nous préoccupent.
    Mais, comme je l'ai dit, ce n'est pas la question d'un avantage indu qui retient notre attention, mais la question de savoir si Interac sera effectivement désavantagée.
    Bon, je vous remercie.
    En ce qui concerne la priorité d'acheminement, certains affirment que l'une des deux compagnies de cartes de crédit aura justement recours, lorsqu'elle prendra pied sur le marché des cartes de débit, à la priorité d'acheminement pour, si vous voulez, orienter le choix des clients ou des consommateurs sans que ceux-ci n'en soient nécessairement conscients.
    Estimez-vous que la priorité d'acheminement conférerait un avantage indu dans la mesure où le consommateur n'est pas nécessairement conscient du fait qu'on l'amène à participer à ce type de système?
    La question de l'acheminement en matière de cartes de débit est justement une des questions à l'égard desquelles, dans son rapport, le Comité des banques et du commerce du Sénat a formulé un certain nombre de recommandations. Vous n'ignorez pas qu'il a été demandé au gouvernement de réagir officiellement au rapport du comité et cette réponse est en cours. Cela étant, nous ne sommes pas actuellement en mesure de vous fournir de précisions concernant les suites que le gouvernement entend donner à cette demande.
    Il convient tout de même de rappeler que la question de l'acheminement n'est pas du tout simple. Il s'agit, au contraire, d'une question particulièrement complexe, dans laquelle interviennent les divers acteurs du marché et tout un ensemble de questions étroitement imbriquées. En matière de paiement par carte de débit, l'acheminement est le moyen par lequel un réseau — que ce soit le réseau Interac, le réseau Visa, ou le réseau Maestro de MasterCard — est choisi pour acheminer le message électronique autorisant la transaction.
    Cela étant, on peut se demander de qui devrait relever cette décision — du réseau, de la carte, du titulaire de la carte, du commerçant ou du consommateur. Selon le réseau servant à acheminer la transaction, les coûts facturés au commerçant peuvent varier. En ce qui nous concerne, nous ne privilégions à cet égard aucun des acteurs en présence. C'est, je pense, le gouvernement qui tranchera.
    Martine, voudriez-vous ajouter quelque chose à cela?
    Mme Martine Dagenais: Non.
    Non, je n'ai pas de question à poser. Merci.
    Merci, M. Thibeault.
    M. Rota.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question est toute simple. J'ai ici une liste de plusieurs questions, mais je ne suis pas certain de pouvoir les poser.
    Monsieur Taylor, peut-être votre comparution devant le comité aurait-elle dû avoir lieu dans quelques semaines. Qu'en pensez-vous?
    J'ai comparu lorsqu'on m'a invité à comparaître.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Anthony Rota: Je comprends fort bien.
    M. Richard Taylor: Cela dit, c'est très volontiers que je comparaîtrai à nouveau si vous renouvelez votre invitation.
    Très bien.
    Je vais donc m'en tenir à la procédure applicable plutôt qu'à des points précis concernant ce dossier.
    La question de l'abus de position dominante se pose assez souvent. Appartient-il au Bureau de la concurrence de réagir à des situations existantes ou lui appartient-il plutôt de faire la police et d'enquêter sur ce qui se passe sur les marchés? Comment cela se passe-t-il? Comment décidez-vous si, sur un marché donné, il y a abus de position dominante?
(1610)
    Il convient de préciser que nous n'agissons pas uniquement sur plainte. Je dirais même que certaines de nos affaires les plus importantes ont eu leur origine dans des articles de presse. Si, par exemple, nous apprenons par la presse que telle ou telle compagnie détient une grande part du marché, nous serons peut-être portés à entreprendre des recherches sur cela. Parfois, un plaignant, une petite entreprise, par exemple, vient se plaindre du fait qu'une grande entreprise lui fait du tort. C'est dire que les choses ne se passent pas toujours de la même manière. Parfois, ce sont des parlementaires qui soulèvent le problème au nom d'un de leurs électeurs et nous prenons alors la chose au sérieux même si toutes les plaintes ne sont malheureusement pas fondées sur des agissements contraires à la loi.
    Voilà un peu les diverses manières dont nous pouvons être saisis d'une plainte. Nous avons en cela toute latitude.
    En ce qui concerne l'abus de position dominante, c'est-à-dire l'objet de votre deuxième question, il nous est possible d'intervenir avant que l'entreprise acquière une position dominante, au moment où elle l'acquiert ou après qu'elle l'ait acquise. C'est ce que prévoit la loi.
    En ce qui concerne la troisième partie de votre question, concernant l'abus de position dominante, je dois dire que ce terme recouvre en fait trois choses. Le texte même de la disposition applicable ne contribue guère à une meilleure compréhension de ce qu'il faut entendre par abus. Il s'agit de l'ancienne disposition réprimant les monopoles, modifiée par le Parlement en 1986 pour la rendre plus efficace. Elle exige la réunion de trois éléments. D'abord, il faut que l'entreprise ait effectivement une position dominante, c'est-à-dire une emprise sur le marché. On entend par cela que l'entreprise en question occupe sur le marché une position de force, c'est-à-dire que sa part de marché est importante et que ce fait même entrave l'accès au marché. Il faut, en outre, qu'elle se livre à des agissements anticoncurrentiels, c'est-à-dire à des agissements qui tendent à exclure du marché ses concurrents, ou à leur faire du tort. Et, enfin, il faut que cela entraîne, sur un marché donné, un affaiblissement sensible de la concurrence. Comme vous le voyez, en ce qui concerne l'abus de position dominante, le critère applicable comporte trois volets.
    Très bien. Je vous remercie.
    Je souhaiterais poursuivre dans cette voie et évoquer l'enquête à laquelle vous procédez actuellement et qui concerne le fait qu'Interac souhaite changer de statut, en renonçant au statut d'association sans but lucratif pour devenir une entreprise à but lucratif. Voilà la situation sur laquelle vous enquêtez. Et puis, tout d'un coup, deux autres acteurs surgissent, Visa et MasterCard.
    Vous parliez tout à l'heure de la possibilité de profiter d'une position de force qui peut avoir sa source dans un autre pays ou sur un autre marché. Comment mesurer cela? Pourriez-vous nous expliquer un peu comment vous parvenez à conclure que telle ou telle entreprise va chercher à profiter d'une position de force, de son emprise sur un marché étranger, par exemple? Décidez-vous de cela avant le fait, ou attendez-vous que la situation se concrétise?
    Monsieur le président, ce qui nous inquiétait, c'était l'idée que ces entreprises profiteraient de leur position sur le marché canadien des cartes de crédit pour obliger les commerçants à accepter leurs cartes de débit. Il s'agissait, par conséquent, de contacter les commerçants afin de voir si c'était effectivement ce qui arrivait. Notre enquête porterait également sur les mesures décrétées à l'interne afin de voir si cela faisait effectivement partie de leur stratégie.
    Je n'ai pas de question à poser.
    Je vous remercie.
    M. Bains.
    Ma question est tout à fait brève.
    En ce qui concerne ce qui s'est fait dans d'autres ressorts lorsque des entreprises de cartes de crédit ont pris pied sur le marché des cartes de débit, en termes de parts de marché ou de position dominante, pouvez-vous nous citer des exemples de la manière dont une entreprise a pu profiter de sa position de force pour s'imposer et, en raison de la position qu'elle occupe sur le marché des cartes de crédit, favoriser le recours à sa carte de débit et puis, petit à petit, en augmenter les frais? Pouvez-vous nous citer des exemples qui se seraient produits dans d'autres ressorts?
    Je vais demander à ma collègue de vous répondre sur ce point. Elle est justement chargée de suivre ce qui se passe dans d'autres pays.
    Je ne suis pas en mesure de vous citer à cet égard un exemple précis de cela, et je vais devoir, sur ce point, vous répondre ultérieurement.
    Dans d'autres pays où ce genre d'entreprise a pris pied sur le marché des cartes de débit, quels ont été les effets au niveau des parts de marché et dans quelle mesure cela a-t-il entraîné une augmentation des frais d'interchange?
    Prenons l'exemple des États-Unis. C'est l'exemple le plus proche. Star Alliance occupait, sur le marché des cartes de débit, une position dominante. Puis, Visa a pris pied sur ce marché et, entre 2002 et 2006, a réussi, non pas de tailler sur ce marché une position dominante, mais à rattraper Star Alliance. Certains ont affirmé à l'époque que cette réussite était due au fait que Visa avait pu jouer de son emprise sur le marché des cartes de crédit.
    Nous ne sommes cependant, pas actuellement, en mesure de nous prononcer de manière définitive sur ces faits, mais nous tenterons de vous obtenir des précisions à cet égard.
(1615)
    Je pense avoir trouvé, dans les notes qui nous ont été remises, un cas où les frais ont effectivement augmenté. Aux États-Unis, en effet, entre 1998 et 2003, Visa a porté de 0,08 ¢ à 0,19 ¢ les frais d'interchange pour les transactions sur carte de débit avec numéro d'identité personnelle. Il y a donc cet exemple, mais pensez-vous que ce soit un bon exemple de ce qui pourrait se passer?
    Cela ne résultait pas nécessairement de l'emprise que la société aurait eue sur le marché. Il me faut en effet préciser qu'aux États-Unis, les utilisateurs de cartes de débit ont droit à des points de récompense, système qui n'existait pas au Canada, mais qui commence à s'instaurer ici.
    Lorsque vous accordez une récompense aux utilisateurs de cartes de débit — qu'il s'agisse de bonus kilométriques, de dépannage automobile gratuit, voire de remises d'un pour cent — les frais ont naturellement tendance à augmenter puisque ces récompenses coûtent quelque chose. Cela fait partie du système et non seulement cela fait-il partie du système, mais c'est une des choses qui compliquent tellement l'étude de ces marchés.
    Les compagnies des cartes de crédit souhaitent vous voir adopter leur carte et vous offrent une récompense pour ce faire, mais une partie des coûts de ces récompenses est répercutée sur les commerçants.
    M. Bains et M. Taylor, je vous remercie.
    M. Wallace.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos invités. L'enquête que vous menez n'en est qu'à ses débuts, mais il est important que nous comprenions comment tout cela se passe et je vous remercie par conséquent d'avoir répondu à notre invitation.
    J'aurais maintenant quelques questions à vous poser au sujet du déroulement de ce genre d'affaires.
    Vous évoquez, à la page 10 de votre exposé, la décision que vous allez devoir prendre de contester ou non la demande présentée par Interac au Tribunal de la concurrence afin d'obtenir une modification de l'ordonnance par consentement rendue par celui-ci. Si j'ai bien compris, il n'existe, entre le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence, aucun lien. Est-ce exact?
    Les deux travaillent en totale indépendance et le tribunal est, effectivement, parfaitement autonome par rapport au bureau.
    Deuxièmement, dans le cadre de l'examen de ce dossier auquel va se livrer le Tribunal de la concurrence, vous allez intervenir, si je puis dire, en tant que témoin. Vous pourriez faire valoir que l'ordonnance par consentement que sollicité Interac aurait un effet néfaste sur la concurrence, mais cela n'empêche nullement Interac de solliciter une telle mesure, et même de l'obtenir. Est-ce exact?
    C'est tout à fait exact. Chacun peu faire valoir ses arguments devant le Tribunal de la concurrence — la FCEI, le Conseil canadien du commerce de détail ou tout autre organisme. Il suffit que l'organisme qui demande à intervenir soit affecté ou susceptible d'être affecté par le changement en question.
    Je dois dire en toute franchise que je connais mal la genèse de ce dossier, mais j'aimerais savoir s'il est arrivé au bureau de contester une demande portée devant le Tribunal de la concurrence et de ne pas obtenir gain de cause?
    Oui, cela nous est déjà arrivé, mais il nous arrive aussi d'obtenir gain de cause. Je ne peux pas vous dire quelle est la proportion d'affaires que nous avons remportées, car je n'ai pas les chiffres en tête.
    Bon, mais cela veut dire qu'il s'agit d'une procédure relativement courante.
    Dois-je retenir de votre exposé que vous vous livrez actuellement à deux examens distincts, l'un portant sur les cartes de crédit et l'autre sur les cartes de débit? Peut-on, en fait, séparer ces deux dossiers? Dans l'un des dossiers se pose la question des frais supportés par les commerçants, mais ce qui nous préoccupe, c'est la question de savoir dans quelle mesure les frais prélevés peuvent être étendus aux transactions sur carte de débit.
    Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard?
    Il y a, effectivement, deux enquêtes en cours. Ça, je puis vous le confirmer. J'ajoute que ces enquêtes sont régies par le paragraphe 10(3) de la loi. Cette précision est importante, car je ne voudrais pas qu'on pense que je tente de noyer le poisson. C'est un fait cependant que l'article 29 et le paragraphe 10(3) nous interdisent de communiquer les renseignements obtenus dans le cadre d'une enquête. La raison est d'ailleurs évidente, mais je pense qu'elle mérite d'être rappelée afin que personne ne pense que je cherche à me soustraire à vos questions. Nous ne voulons effectivement pas que l'on sache dans quelle direction nous orientons nos recherches et nous ne voulons pas que la partie adverse soit au courant de nos contacts, par exemple.
    Mais, monsieur le président, pour en revenir à votre question, c'est un fait que nous procédons actuellement à deux enquêtes distinctes. Il s'agit de deux enquêtes séparées mais, bien sûr, il peut exister entre les deux des concordances qui pourraient nous porter à entamer une troisième enquête.
(1620)
    Nos collègues de l'autre bord ont évoqué la possibilité de vous inviter à comparaître à nouveau, mais disons, simplement à titre d'exemple que...
    Supposons qu'il me paraisse souhaitable qu'Interac soit en mesure d'affronter la concurrence et de renoncer, pour cela, à son statut d'association sans but lucratif. Supposons, aussi, que votre examen de la question vous amène à la même conclusion et qu'Interac obtient son changement de statut. Dans cette hypothèse, il n'y aurait pas lieu de vous inviter de nouveau à comparaître. Mais dans l'hypothèse inverse, allez-vous faire connaître publiquement les renseignements que vous avez recueillis dans le cadre de votre étude? Pourrions-nous alors vous inviter à nouveau et vous demander de nous expliquer sur la foi de quels éléments vous êtes parvenu à telle ou telle décision? Dans quelle mesure ces éléments peuvent-ils être communiqués afin que nous puissions en débattre?
    Monsieur le président, on nous demande dans quelle mesure nous pouvons communiquer les éléments nous portant à contester la demande en question. Si nous contestons cette demande, et que le tribunal procède à l'audition de l'affaire, tous les renseignements en question seront connus publiquement, sauf ceux qui, selon le tribunal, constituent des données commerciales confidentielles. Ces renseignements seront, effectivement, retranchés de la transcription officielle des débats.
    Quelle est la date prévue pour l'audience? La connaissez-vous?
    La demande n'a pas encore été déposée et la date n'a donc pas encore été fixée.
    Est-ce à dire, par conséquent, qu'on ne peut pas vraiment vous demander de nous expliquer les motifs de votre opposition tant que la date d'audience n'aura pas été fixée et que les divers arguments auront été rendus publics. Est-ce exact?
    Oui. Si nous décidons de nous opposer à la demande, il nous sera, je pense, très difficile de communiquer autre chose que des observations de caractère général, car nous tiendrons à réserver au tribunal la primeur de nos arguments et éviter qu'ils soient connus d'avance par la partie adverse. Si, en effet, nous lui laissions connaître les résultats de nos expertises, les données et les analyses économétriques auxquelles nous nous livrons, la partie adverse pourrait... Devant le tribunal, les faits et les arguments sont communiqués en vertu d'une procédure très précise. Vous faites valoir vos arguments, mais c'est au tribunal qu'il appartient de décider de ce qui va être rendu public.
    Je dois dire, pour répondre à votre question, qu'une grande partie de ces données seront effectivement rendues publiques, mais certaines ne le seront pas, car il peut s'agir de renseignements commerciaux confidentiels que la partie adverse ne souhaitera pas voir divulguer.
    Permettez-moi une dernière question, très rapide. Pensez-vous achever vos deux enquêtes à peu près à la même date?
    Non. L'enquête sur Interac devrait aboutir dans les semaines qui suivent. Nous allons en effet bientôt parvenir à une décision. En ce qui concerne les cartes de crédit, cependant, nous allons dans les semaines qui suivent, décider de la manière dont nous entendons procéder.
    Je vous remercie.
    Il y a donc, je le précise, deux enquêtes. Une concerne la volonté qu'Interac a manifestée d'obtenir le statut d'entreprise à but lucratif. En fait, il s'agit davantage d'une sorte de négociation concernant les mesures qu'Interac souhaite pouvoir prendre, le bureau faisant valoir ses arguments quant aux répercussions éventuelles d'un tel changement de statut. L'autre enquête, par contre, est effectivement une enquête devant permettre de dire si l'on a pu ou non relever, sur le marché des cartes de crédit, des agissements anti-concurrentiels.
    Monsieur le président, c'est effectivement cela.
    Permettez-moi d'ajouter que, en ce qui concerne Interac, il s'agit surtout de cerner les répercussions d'une éventuelle modification de l'ordonnance par consentement et de savoir si un tel changement nuirait à l'efficacité de l'ordonnance initiale et aurait tendance à diminuer la concurrence. L'ordonnance a, jusqu'ici, donné les résultats voulus. D'après nous, ce ne sont pas là des décisions qui doivent être prises à la légère. Ce n'est pas le bureau, mais le tribunal qui décide s'il y a lieu ou non de modifier l'ordonnance. Il s'agit en effet d'une ordonnance du tribunal. Aux termes d'une des dispositions de la loi, toute violation de cette ordonnance constitue une infraction pénale. C'est dire que l'ordonnance doit être prise au sérieux. Il nous appartient à nous de faire notre travail et de faire état des résultats de nos recherches. Il nous faut procéder en connaissance de cause. Nous ne pouvons pas nous laisser influencer par ce qui se dit dans la presse. Il nous faut présenter un dossier solide qui repose sur des faits.

[Français]

    Monsieur Vincent.
(1625)
    Merci, monsieur le président.
    J'ai bien écouté vos interventions. Quelque chose m'étonne. Dans votre document, il est mentionné qu'aux États-Unis, le taux est de 1,9 p. 100. Supposons que toutes les cartes ont le même taux de 1,9 p. 100, soit MasterCard, Visa et les cartes de débit, et qu'un an plus tard il y a une hausse à 2,5 p. 100 pour les trois et que je vous appelle pour vous dire que les trois ont profité de leur position dominante pour hausser leur taux au même moment. Selon le Bureau de la concurrence, il doit y avoir une certaine concurrence, ce qui veut dire qu'on joue avec les taux. Cependant, si les taux sont toujours égaux, il n'y a pas de concurrence.
    À qui, dans un tel cas, dois-je me référer? À qui dois-je parler pour qu'il y ait une enquête de la part du Bureau de la concurrence afin qu'il n'y ait pas toujours une hausse systématique ou une baisse systématique? Que dois-je faire pour déclencher une enquête?
    Vous pouvez me téléphoner au 819-997-2209.
    J'aime bien votre réponse, monsieur Taylor, parce que je l'ai fait dans le cas de l'essence. J'ai téléphoné au Bureau de la concurrence justement pour lui demander de faire une enquête. On m'a répondu en me demandant si j'avais des preuves probantes, significatives pour que bureau puisse faire une enquête. Non. Si j'avais des preuves significatives, je n'irais pas au Bureau de la concurrence, j'irais au poste de police, monsieur.
    J'aimerais donc savoir quel pouvoir concret vous avez, au Bureau de la concurrence, pour déclencher une enquête. Avez-vous besoin de quelque chose de probant ou pouvez-vous faire une enquête simplement sur une plainte?
    Dans mon comté, j'ai demandé à une dizaine de commettants de téléphoner au Bureau de la concurrence pour qu'il fasse une enquête sur le prix de l'essence. Or, les réponses que j'ai reçues de mes commettants à la suite de ces appels étaient que le bureau ne pouvait pas faire une enquête parce qu'il n'y avait pas de preuve.
    Pourriez-vous me dire comment on peut déclencher une enquête si on n'a pas de preuve? On pense, comme citoyens, qu'il revient au Bureau de la concurrence de faire ces enquêtes, et non pas à nous.
    Nous faisons des enquêtes tout le temps et nous examinons toutes les plaintes. Mais en vertu de l'article 10 de la Loi sur la concurrence, nous devons avoir des raisons de croire que, par exemple dans le domaine de l'essence, les prix sont les mêmes.
    Dans le domaine de l'essence, il s'agit d'un produit identique. Donc, si les prix sont les mêmes dans un marché, cela ne suffit pas pour nous permettre d'obtenir une autorisation de faire une perquisition. Mais dans les cas où nous avons enquêté, nous avons trouvé des témoignages qui confirmaient que les prix étaient les mêmes et que leur augmentation avait été causée par un complot.
    Merci, monsieur Vincent.

[Traduction]

    M. Taylor, Mme Dagenais, je tiens à vous remercier de votre témoignage. Nous attendons avec impatience les décisions que vous allez, au cours des semaines à venir, prendre, à la fois dans le cadre du dossier Interac et dans le dossier des cartes de crédit. Nous vous remercions de vous être rendus à notre invitation.
    La séance est levée.
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