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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 010 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 23 mars 2009

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues.
    En ce lundi 23 mars 2009, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international tient sa dixième séance. Nous poursuivons notre étude des éléments clés de la politique étrangère canadienne.
    Aujourd'hui, nous nous pencherons sur le Sri Lanka.
    Au cours de la première heure, nos témoins seront Suzanne Johnson, directrice générale, Opérations internationales de la Croix-Rouge canadienne; et, de la Croix-Rouge également, Faisal Mahboob, gestionnaire de programmes, Pakistan et Sri Lanka, Opérations internationales.
    Bienvenue.
    De l'Association of Sri Lankan Graduates of Canada, nous recevons Yoga Arulnamby, président, et Raj Thavaratnasingham, membre du comité exécutif.
    Bienvenue à vous.
    Je vois, d'après votre hochement de tête, que je n'ai pas trop écorché votre nom. Si je l'ai fait, veuillez m'en excuser, monsieur.
    Notre comité alloue du temps à chacun des témoins pour faire une brève déclaration d'ouverture. Nous entamerons ensuite la première série de questions. Chaque parti disposera de sept minutes pour les questions et réponses.
    À titre d'information pour les membres, si cela vous convient, nous souhaiterions réserver de cinq à dix minutes aux affaires du comité. Notre sous-comité a présenté un budget qui doit simplement lui permettre de faire venir des témoins, alors nous voudrons l'étudier.
    Bienvenue à tous. Je vais commencer par demander à Mme Johnson de faire sa déclaration.

[Français]

    Monsieur le président, membres du comité, au nom de la Croix-Rouge canadienne, je tiens à vous remercier de nous permettre de comparaître devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Je m'appelle Susan Johnson et je suis directrice générale, Opérations internationales. Je suis accompagnée de mon collègue M. Faisal Mahboob, gestionnaire de programmes, Pakistan et Sri Lanka.
    La Croix-Rouge canadienne est opérationnelle au Sri Lanka depuis près de 20 ans. L'expérience que nous avons acquise pendant toutes ces années nous permet d'être présents aujourd'hui pour en témoigner. Mais avant de vous parler de nos activités au Sri Lanka, permettez-moi tout d'abord de vous parler brièvement de la Croix-Rouge canadienne et du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
    La Croix-Rouge canadienne est un organisme humanitaire à caractère bénévole, sans but lucratif, qui se consacre à améliorer la condition des plus vulnérables au Canada et partout dans le monde grâce à l'appui et au dévouement de plus de 30 000 bénévoles et membres ainsi que de ses 3 500 employés. La société est dotée d'un mandat unique, celui d'auxiliaire des pouvoirs publics à tous les échelons du Canada. La Croix-Rouge canadienne fait partie du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

[Traduction]

    Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est un réseau humanitaire international qui compte environ 100 millions de bénévoles partout dans le monde. Le mouvement consiste en plusieurs organismes distincts juridiquement autonomes, mais unis au sein du mouvement par des principes fondamentaux, objectifs, emblèmes, statuts et instances dirigeantes qu'ils ont en commun.
    Le mouvement comprend le Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, qui a été fondé en 1863. Il s'agit d'une institution humanitaire du secteur privé investie, en vertu du droit international humanitaire, du pouvoir unique de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés internes ou internationaux.
    La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ou la fédération, a été établie en 1919 et coordonne les activités de 186 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Sur le plan international, la fédération dirige et organise, en collaboration étroite avec ses sociétés nationales membres, des opérations de secours pour faire face à des situations d'urgence de grande ampleur.
    Les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge existent dans pratiquement tous les pays du monde. Comme je l'ai dit, il existe 186 sociétés nationales qui agissent toutes comme auxiliaires des pouvoirs publics de leurs pays respectifs.
    Je vais maintenant parler plus particulièrement du Sri Lanka. Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge assure depuis longtemps une aide humanitaire là-bas. Le mouvement place le Sri Lanka parmi ses 10 principales priorités à l'échelle planétaire. Depuis janvier dernier, le gouvernement canadien a répondu à cette préoccupation en contribuant, à hauteur de 1,75 million de dollars, au mouvement de la Croix-Rouge pour les opérations humanitaires de l'organisme dans ce pays.
    Compte tenu de la gravité de la situation, il serait approprié que le gouvernement fédéral envisage, à ce moment-ci, de doubler sa contribution. Depuis que le Comité international de la Croix-Rouge a commencé ses opérations au Sri Lanka, en 1989, la Croix-Rouge canadienne a déployé des Canadiens là-bas afin qu'ils oeuvrent auprès du comité. Alors que la nécessité d'aider la population civile sri-lankaise devenait de plus en plus évidente, le Comité international de la Croix-Rouge a mené ses activités humanitaires avec l'accord des deux parties au conflit. Ces interventions consistent notamment à offrir une aide humanitaire aux civils; à fournir des soins de santé de base dans des régions du pays qui se trouvent hors de portée du gouvernement; à assurer la présence de personnel aux points de passage pour permettre aux civils d'aller et venir entre les secteurs contrôlés par le gouvernement ou les TLET; et à visiter les personnes détenues relativement au conflit.
    En 1992, la Croix-Rouge canadienne a établi des relations directes avec sa société soeur, la Croix-Rouge sri-lankaise. Nos efforts là-bas sont axés sur la création d'une capacité, pour la Croix-Rouge sri-lankaise, de répondre aux besoins des communautés, et particulièrement de se préparer pour faire face aux désastres. Quoi qu'il en soit, rien n'aurait pu préparer la Croix-Rouge sri-lankaise au tsunami qui a frappé le pays en décembre 2004. La destruction a été massive et d'une ampleur considérable. Les trois quarts des côtes de l'île en ont subi l'impact. Plus de 35 000 personnes y ont perdu la vie, et des centaines de milliers d'autres se sont retrouvées sans abri ni source de revenu.
    En quelques jours, la Croix-Rouge canadienne, grâce à la vague de généreux dons provenant du public et du gouvernement du Canada, a été en mesure de mobiliser des ressources et de se joindre aux sociétés nationales de nombreux autres pays — la Fédération internationale et le Comité international de la Croix-Rouge — pour répondre aux besoins considérables. Au Sri Lanka, l'intervention de la Croix-Rouge canadienne s'est traduite par la distribution de 300 000 kilogrammes d'articles de secours. Ceux-ci comprenaient 17 000 nécessaires de cuisine, 430 000 trousses d'hygiène personnelle et des sachets pour la purification de l'eau qui ont permis de traiter plus de 15 millions de litres d'eau. Dans le nord du pays, la Croix-Rouge canadienne a réagi à la détérioration et à la destruction de plusieurs hôpitaux en apportant une aide médicale immédiate, en formant des médecins et du personnel infirmier de la région et en fournissant de l'équipement aux hôpitaux locaux.
    Compte tenu que les efforts de secours et de relèvement ont cédé la place au développement à long terme, la Croix-Rouge canadienne, en collaboration avec la Croix-Rouge sri-lankaise, a élargi son programme pour soutenir les communautés vulnérables.
    Jusqu'ici, 940 résidences permanentes ont été construites. Mais nous ne bâtissons pas seulement des maisons; nous reconstruisons aussi les communautés. Pour assurer la résilience future de ces dernières, des organisations communautaires ont été mises sur pied, et leurs membres ont reçu une formation en leadership. Au moyen de subventions administrées par ces organisations et à la suite de consultations auprès des résidants, des centres communautaires ont été construits, et les routes améliorées. La Croix-Rouge canadienne contribue également à l'amélioration des conditions de santé en appuyant la rénovation et l'agrandissement de 10 hôpitaux partout dans le pays. Jusqu'ici, huit hôpitaux ont été entièrement réhabilités, et deux sont toujours en cours de réhabilitation. Cela comprend la construction d'établissements de diagnostic et de consultation externe ainsi que de quartiers pour les infirmières et les docteurs, et l'installation d'équipement médical vital tel que des réservoirs d'oxygène et des lignes de distribution.

  (1535)  

    La Croix-Rouge canadienne est déterminée à entretenir des liens à long terme avec la Croix-Rouge sri-lankaise. Nous disposons actuellement d'un budget de 74 millions de dollars canadiens pour la période allant de 2005 à 2015.
    La Croix-Rouge canadienne a également à coeur d'aider la Croix-Rouge sri-lankaise à maintenir les connaissances et la capacité acquises lors des opérations à grande échelle ayant suivi le tsunami. Jusqu'ici, au nombre des importantes réalisations de notre organisme figurent la rénovation des installations des diverses directions et divisions de la société nationale, l'élaboration d'un plan stratégique pour 2005-2015 et l'amélioration des systèmes de gestion des finances et de l'information afin de faciliter la reddition de comptes et la transparence au sein de la société nationale.
    Compte tenu de notre présence dans ce pays, nous sommes très conscients du caractère changeant de l'environnement sécuritaire. Durant les deux dernières années, la Croix-Rouge canadienne, aux côtés de ses partenaires du mouvement, a effectué une mise en place préalable des stocks d'urgence et préparé des plans d'urgence afin de parer aux futurs besoins humanitaires. Ces plans prévoient notamment jusqu'à 100 tentes et 1 000 bâches. Nous sommes en bonne position pour répondre rapidement aux impératifs humanitaires.
    Néanmoins, à mesure que le conflit empirait à la fin de 2008 et au début de 2009, il est devenu de plus en plus difficile pour la Croix-Rouge de maintenir l'ensemble de ses interventions humanitaires. Actuellement, comme les membres du comité le savent certainement, environ 250 000 personnes sont coincées dans cette région de 250 kilomètres carrés qui est devenue le théâtre de combats intenses.
    Le Comité international de la Croix-Rouge est le seul organisme d'aide internationale à être demeuré en permanence dans le Vanni au cours des quatre derniers mois, et il mène ses activités dans un environnement très dangereux. Le personnel sur le terrain rapporte que la situation humanitaire se détériore de jour en jour.
    Néanmoins, lorsque l'accès le permet, le Comité international de la Croix-Rouge continue de collaborer avec la Croix-Rouge sri-lankaise pour porter secours aux personnes touchées par les combats. Ces efforts comprennent le maintien d'une présence continue à tous les points d'entrée; le suivi auprès des personnes déplacées à l'intérieur du pays qui sont en détention, comme les mineurs non accompagnés; l'apport d'une aide humanitaire; la distribution d'équipement médical et la dotation en personnel des équipes médicales, l'appui à l'équipe du ministère de la Santé; et l'évacuation des blessés de guerre. Jusqu'ici, 2 400 blessés de guerre ont été évacués.
    Les personnes malades et blessées continuent d'affluer dans des régions comme Puthumatalan, où les populations locales ont aidé à mettre sur pied une équipe médicale de fortune dans un centre communautaire et une école. Le personnel médical du ministère de la Santé fait de son mieux pour composer avec l'afflux constant de gens blessés par les combats, mais les fournitures médicales ne suffisent pas à répondre aux besoins.
    L'un des services essentiels de la Croix-Rouge internationale est celui de la distribution de messages aux familles. Dans le cadre de ce réseau planétaire, la Croix-Rouge canadienne et son Programme de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge aident des personnes résidant au Canada à renouer avec des membres de leur famille immédiate dont ils sont séparés à cause d'une guerre ou autre crise humanitaire.
    Dans le cas du Sri Lanka, nous avons reçu des demandes de personnes au Canada qui voulaient retrouver leurs familles dans la région du Vanni. Compte tenu de la gravité de la situation actuelle, le comité international ne peut, pour le moment, mener des recherches de personnes qui sont originaires du Vanni mais qui ont quitté la région. Jusqu'à maintenant, au Canada, nous avons reçu environ 150 requêtes. Chaque personne s'informait au sujet de membres de sa famille, à raison de 4 à 26 personnes par demande.
    En tant que gardien du droit humanitaire international, le Comité international de la Croix-Rouge continue de rappeler aux deux parties au conflit leurs obligations de respecter le droit international humanitaire, en insistant sur le fait que la loi exige de toutes les parties qu'elles évitent de blesser des civils, qu'elles les laissent recevoir de l'aide et qu'elles permettent aux organisations humanitaires de travailler en toute sécurité. À ce titre, les récentes déclarations du gouvernement canadien appelant au respect du droit international humanitaire ont été accueillies favorablement par la Croix-Rouge canadienne. Par ailleurs, nous apprécions le soutien financier accordé par le gouvernement canadien aux programmes d'aide humanitaire de la Croix-Rouge canadienne, ainsi qu'aux programmes du mouvement international de la Croix-Rouge.
    Comme je l'ai dit au début de ma déclaration, les besoins humanitaires sont élevés et continuent de croître. Le Sri Lanka doit demeurer une priorité au chapitre de l'aide humanitaire canadienne. Il serait souhaitable que le Canada contribue davantage aux interventions humanitaires du Mouvement international de la Croix-Rouge, qui demande actuellement un montant additionnel de 19 millions de dollars pour poursuivre ses opérations là-bas.

  (1540)  

    De plus, une observation complète des dispositions du droit international humanitaire, ou DIH, est essentielle afin de garantir aux organismes humanitaires les conditions adéquates pour pouvoir répondre aux besoins essentiels, face à la souffrance grandissante. À cet égard, il serait approprié que le gouvernement du Canada réitère ses préoccupations concernant cette question et affirme clairement qu'il s'attend à ce que le DIH soit pleinement respecté.

[Français]

    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre attention. Cela me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Johnson.
    Nous allons maintenant entendre M. Arulnamby.
    Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, c'est à la fois un honneur et un privilège pour notre association d’être invitée à vous faire cet exposé, et je vous en suis profondément reconnaissant.
    L’ Association of Sri Lankan Graduates of Canada, l’ASGC, a été formée en 1989. C’est une organisation apolitique et sans but lucratif dirigée par des diplômés universitaires d’origine sri-lankaise qui, au cours des vingt dernières années, s’est employée à élever le calibre d’instruction et de formation professionnelle des membres de notre collectivité, et aide ceux-ci à s’intégrer au Canada.
    Ayant observé les derniers événements survenus au Sri Lanka, l’association, pour la première fois, a décidé d’intervenir dans le conflit, car les membres de la communauté sri-lankaise du Canada sont touchés, de près ou de loin, par cette tragédie humaine qui se déroule dans leur mère patrie.
    Au cours d’une séance d’urgence, le comité exécutif de l’association a adopté trois résolutions formant l’Annexe A ci-jointe. Ces résolutions invitent les deux belligérants à lever l'embargo sur la nourriture, les médicaments et autres articles essentiels destinés aux secteurs touchés; à mettre fin aux bombardements au hasard des zones occupées par des civils; à faire cesser immédiatement les combats et à chercher une solution permanente et durable; à laisser les ONG locales et internationales et les groupes humanitaires apporter l’aide nécessaire aux civils coincés dans les secteurs déchirés par la guerre; à autoriser les médias indépendants à se rendre dans ces secteurs; et à permettre aux civils de se déplacer librement dans les secteurs de leur choix.
    Le Canada jouit d’une excellente réputation à l’échelle internationale en tant que gardien de la paix impartial dans les conflits qui font rage de par le monde. Étant donné que les membres de la diaspora tamoule originaire du Sri Lanka ont choisi en grande partie le Canada comme terre d’adoption, nous souhaitons sincèrement que le gouvernement canadien joue un rôle actif dans le dénouement de la crise sri-lankaise. Nous avons d’ailleurs fait des demandes en ce sens dans notre résolution.
    Pour vous aider à mieux comprendre la crise, je vous propose un bref survol historique. À l’époque où il s’appelait le Ceylan, le Sri Lanka était divisé en trois grands royaumes, deux cingalais et un tamoul. C’était avant l’arrivée des Britanniques, qui conquirent les trois royaumes et imposèrent une seule autorité administrative. Pendant la domination britannique, des Tamouls furent déplacés de l’Inde pour travailler dans les plantations. Quand les Britanniques lui ont accordé son indépendance, en 1948, l’île était un État laïque ayant l’anglais comme langue administrative. En 1956, le cingalais est devenu la seule langue officielle du pays et les différents gouvernements majoritaires cingalais qui se sont succédé depuis ont imposé des politiques discriminatoires à l’égard des Tamouls dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la représentation politique. Chaque fois qu’un parti cingalais a tenté de corriger certaines injustices, il s'est fait rabrouer par le parti d’opposition cingalais et par les prêtres bouddhistes et a fini par abroger les pactes signés.
    En 1972, le pays s’est érigé en république libre, souveraine et indépendante du Sri Lanka, et a pris un nouveau nom, Sri Lanka, en remplacement de Ceylan. Le bouddhisme ayant été proclamé la religion officielle de l’État, les hindous, les chrétiens et les musulmans devenaient des citoyens de deuxième classe. En plus de se doter d’une nouvelle constitution républicaine, de reconnaître le cingalais comme la seule langue officielle et le bouddhisme comme la religion d’État, de donner au pays le nom de Sri Lanka et d’orner son drapeau d’un lion armé d’un sabre, symbole des Cingalais, le gouvernement a favorisé l’établissement de colons cingalais dans des régions occupées traditionnellement par les Tamouls, si bien que l’on peut maintenant parler de ce pays comme d'un territoire cingalais. Des groupes armés soutenus par le gouvernement ont aussi rasé par le feu la plus grosse bibliothèque tamoule du Sri Lanka, qui contenait des oeuvres inestimables sur l’histoire des Tamouls.
    Les partis tamouls ont abordé les élections de 1977 avec une seule idée en tête : créer un État tamoul distinct au Sri Lanka. Même s’ils ont remporté 95 p. 100 des sièges dans les régions tamoules traditionnelles, leurs appels sont demeurés sans réponse. C’est alors qu’a débuté le combat armé des Tamouls, qui a mené à la situation que l’on connaît maintenant. Le militantisme tamoul, qui était l’affaire de plusieurs groupes au départ, ne se manifeste plus maintenant que par la voix des Tigres de libération de l’Eelam tamoul, ou TLET.

  (1545)  

    Depuis 1956, des milliers de Tamouls ont dû assister, impuissants, à la destruction par les flammes de leur maison, au pillage de leurs commerces et à l’immolation par le feu de leurs proches. Trois grandes émeutes ont éclaté en 1958, 1977 et 1983, accompagnées de nombreuses autres de moindre envergure, forçant les Tamouls à devenir des réfugiés dans leur propre pays, tout cela parce qu’ils parlent une langue différente.
    J’ai ajouté quelques détails historiques dans l’Annexe B.
    Depuis 1980, la violence s’est emparée de l’île. Sentant qu’aucune solution pacifique n’était envisagée pour régler leurs griefs, des groupes de militants tamouls se sont lancés dans la guérilla, souvent avec l’appui d’une puissance voisine dans la région. Cette guérilla s’est transformée en résistance armée, financée et soutenue par cette puissance. Malheureusement, cette ingérence de l’extérieur se manifeste de diverses façons encore aujourd’hui.
    Depuis 1983, même si des partis se sont fait élire avec la promesse de régler les problèmes, aucun n’est parvenu à imposer une solution réaliste. Mais les Tigres tamouls doivent partager le blâme avec les gouvernements successifs pour le statu quo qui perdure. La violence est venue des deux côtés, comme l’ont noté différentes organisations, et ce sont toujours des Tamouls innocents qui font les frais des brutalités commises de part et d’autre.
    Si les actes de violence perpétrés par les TLET sont souvent dénoncés en cette ère de l'après-11 septembre 2001, ceux qui sont commandés par l’État sont souvent passés sous silence ou justifiés par la lutte contre le terrorisme. Or, l’armée sri-lankaise, avant même l’avènement des TLET, avait recouru aux méthodes les plus violentes pour réprimer même les manifestations pacifiques des Tamouls et, depuis 1958, se comportait comme une armée d’occupation en territoire tamoul. Au cours des dernières années, afin de gruger du terrain sur les Tigres tamouls, les forces gouvernementales ont bombardé aveuglément des zones densément peuplées.
    En résumé, la violence est le fait des deux parties. En plus d’autoriser tacitement la brutalité employée par son armée dans les régions traditionnelles tamoules, le gouvernement cingalais en place a supprimé ou manipulé des politiciens tamouls, suspendu la liberté de presse, d’expression et d’assemblée, et interdit la présence de tiers, même d’ONG, de personnel humanitaire ou de journalistes impartiaux, dans les régions tamoules touchées par le conflit. Des rédacteurs en chef de journaux ont même été arrêtés ou abattus par balle dernièrement.
    Les choses en sont au point où la communauté internationale doit intervenir. Et qu’on le veuille ou non, la majorité des Tamouls pensent que les TLET, malgré la violence qu’on leur reproche, sont le seul groupe à avoir défendu obstinément leurs droits.
    Il y a bien eu d’autres groupes de militants à certaines époques, mais soit ils ont été éliminés par les TLET, soit il sont été amenés par la force ou la corruption à prendre la part du gouvernement. Nombre de Tamouls trouvent les actes des TLET justifiés, puisqu’ils pensent que sans eux, la population tamoule aurait été rayée de la carte ou aurait souffert encore plus aux mains des forces armées sri-lankaises.
    Vous conviendrez avec nous qu’il faut condamner la violence, quelle qu’en soit la source, à plus forte raison si elle provient d’un gouvernement élu. Le gouvernement sri-lankais a fait le nécessaire pour museler les politiciens tamouls élus qui n’adhéraient pas à sa ligne de pensée. Dans les deux dernières années, par exemple, deux de mes anciens camarades de classe élus au Parlement sous la bannière de deux partis différents ont été assassinés pour avoir soutenu la cause des Tamouls.
    Nous parlons des Tigres tamouls et du gouvernement, mais il y a un autre intervenant important dans le conflit au Sri Lanka. Il s’agit des prêtres bouddhistes, qui exercent leur autorité et leur influence sur les divers gouvernements cingalais placés à la tête du pays. Quand on regarde l’histoire et les pactes qui ont été signés avant que s’installe la violence, on s’aperçoit que ceux-ci ont toujours été abrogés à la suite de marches de protestation des prêtres bouddhistes contre les concessions prétendument excessives accordées aux Tamouls par le gouvernement.
    La constitution sri-lankaise prévoit que la République du Sri Lanka doit accorder une place prépondérante au bouddhisme, et qu’il est donc du devoir de l’État de protéger et d'entretenir la foi bouddhiste. Je cite ici un article du Centre Orient-Occident, aux États-Unis:
Un des principes fondamentaux de cette idéologie nationaliste est de concevoir le Sri Lanka comme l’île des Cingalais, ces nobles protecteurs et propagateurs du bouddhisme. L’idéologie privilégie la prépondérance du bouddhisme cingalais, justifie la soumission complète des minorités et affirme que les membres d’autres communautés ethnoreligieuses doivent leur présence au Sri Lanka à la tolérance du bouddhisme cingalais.

  (1550)  

    Pas plus tard qu’en février dernier, quatre motions ont été déposées au Parlement canadien contre un projet de loi « anticonversion » présenté au Sri Lanka.
    Compte tenu de tout ce qui précède, nous sommes d’avis, comme il est indiqué dans la résolution, que le Canada devrait montrer la voie et user de son influence pour amener les deux parties à trouver bientôt une solution pacifique à leur différend. Il devrait même, selon nous, songer à imposer des sanctions au besoin et à porter le dossier devant les Nations Unies. En termes simples, le Canada devrait forcer les intervenants à s’asseoir à la table de négociation pour en arriver à une solution durable. Nous pensons qu’aucun pays au monde n'est mieux placé que le Canada, ni ne jouit de la même crédibilité que lui, pour intercéder auprès des deux parties au conflit. Des milliers de Tamouls ont bravé les intempéries, au cours d’une manifestation, pour attirer l’attention des Canadiens et précipiter le dénouement de la crise. Nous croyons que le Canada représente le seul espoir d’éviter la catastrophe au Sri Lanka.
    L’histoire nous a appris que, nulle part au monde, il ne peut y avoir de solution militaire à long terme à un conflit ethnique. Les TLET ne sont pas la cause, mais une conséquence du problème; et si on veut résoudre ce problème, il faudra s’attaquer à sa cause profonde. Maintenant, si notre association ne peut se prononcer sur le genre de solution qui serait acceptable, au bout de presque 61 ans de souffrances, nous pouvons certes exprimer nos sentiments. Toute solution, selon nous, devra être acceptable pour les Tamouls et prendre essentiellement pour modèle le fédéralisme canadien où des pouvoirs sont dévolus aux provinces.
     Pour l’instant, notre principal souci est d'assister à la fin des combats et de voir les ONG comme nos amis ici présents, et d’autres organismes, dont tous les médias, obtenir un accès à tous les secteurs. Nous aurons certainement besoin de l’aide de toutes les ONG, puisque sans elles, nos compatriotes n’auraient pas survécu si longtemps. Lorsque les conditions seront favorables au Sri Lanka, ces organisations et d’autres organismes internationaux pourront aider à faire de ce pays un État prospère et paisible.
    En conclusion, nous prions le gouvernement canadien de faire tout en son pouvoir pour ramener la paix sur cette île connue comme la perle de l’océan Indien.
    Merci.

  (1555)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la première série de questions, et chacun disposera de sept minutes.
    Monsieur Rae.
    Je tiens à remercier nos témoins.
    Pour entrer dans le vif du sujet, j'aimerais savoir, Susan, à quelle fréquence vous recevez les rapports du CICR. Est-ce quotidiennement?
    Oui.
    Ces rapports font-ils état d'une situation qui empire? Que se passe-t-il à l'heure actuelle? Comment décririez-vous la situation en ce moment même?
    La situation continue absolument de se détériorer. On s'inquiète de l'accès aux populations touchées. Aujourd'hui, il y a eu une nouvelle encourageante, selon laquelle le Comité international était autorisé à fournir une aide médicale au poste médical, mais la situation globale se détériore. C'est très difficile pour les civils coincés dans le secteur. Pour l'unique organisme humanitaire international qui tente de faire face à la situation, les conditions sont extrêmement difficiles.
    Je m'adresse à Yoga ou à Raj: pourriez-vous nous dire ce que vous entendez tous les jours sur de ce qui se passe là-bas?
    Étant donné que les journalistes et les membres de la presse ne sont pas admis, nous obtenons l'information de beaucoup de personnes vivant au Canada. Il y a eu une grande quantité de décès, et la liste est très longue, mais on n'en fait jamais état. Vous pouvez entendre la version sri-lankaise qu'on nous vend, et selon laquelle il y aurait seulement une centaine de décès. Mais d'après l'information que nous obtenons au sujet de nos proches morts là-bas, ils se comptent plutôt par milliers.
    Meurt-on à cause des bombardements, des maladies, ou les deux?
    Ils décèdent principalement à cause des bombardements. C'est ce que nous ont dit des gens de Mullaittivu, de Putukkudiyirippu et d'autres régions. Je travaille pour un fabricant, et nous avons environ 35 employés — beaucoup de Sri Lankais. Chaque jour, deux ou trois personnes meurent. Mes cousins sont décédés. C'est très difficile. Les bombardements sont la principale cause de décès, et les maladies viennent ensuite. On ne dispose pas de bonnes installations dans les camps. Ma parenté se trouve encore à Vavuniya. Vous pouvez vous y rendre pour le constater. On n'a pas d'installations sanitaires dignes de ce nom, et on meurt de maladie parce qu'on n'est jamais autorisé à quitter le camp. Les gens sont très malades. Même des femmes enceintes sont mortes dans ces camps, d'après certains rapports des ONG.
    Susan ou Faisal, pourriez-vous nous donner une idée des conditions de vie dans les camps? Ce sont des camps où les gens se sont rendus ou ont été transportés, et qui sont censés être des zones sécuritaires échappant au contrôle des TLET, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Voudriez-vous faire quelques remarques sur les conditions dans les camps?
    En ce qui concerne les camps que l'on gère et auxquels le CICR s'est vu accorder l'accès, tous les gens déplacés y vont par eux-mêmes. Personne ne les y transporte. Ceux qui arrivent à s'y rendre le font par leurs propres moyens. Pour le moment, le CICR, avec le soutien des autres partenaires du mouvement ainsi que de la Société de la Croix-Rouge du Sri Lanka, fournit des services essentiels sur place. Nous ignorons cependant combien de personnes supplémentaires arriveront et quelle sera la situation dans quelques mois. Pour le moment, j'estime que nous sommes très bien positionnés pour répondre aux besoins à l'intérieur des camps uniquement. Nous n'avons pas accès à la zone de conflit.
    Je suis navré d'accuser un certain retard, mais il y a deux semaines, sur le site Internet du CICR, on a publié un rapport indiquant qu'il y avait des bombardements sur la plage où l'on tentait d'embarquer des gens pour les transporter par bateau à Trincomalee. Est-ce que cela se produit encore?

  (1600)  

    Je crois qu'il serait utile de caractériser trois différents domaines d'intervention, si vous voulez. Premièrement, nous avons pu fournir de l'aide médicale au poste sanitaire où l'on s'efforce de soigner les blessés de guerre et autres dans le secteur. Deuxièmement, il y a eu l'évacuation des blessés du secteur, ce à quoi vous faites allusion, en raison de l'attaque d'il y a deux semaines. Troisièmement, il y a eu l'aide apportée aux personnes ayant réussi à quitter le secteur — la distribution de secours humanitaires aux gens à l'extérieur du secteur.
    Je dirais qu'il s'agit là de trois domaines d'intervention.
    Il vous reste encore deux minutes.
    J'aimerais clarifier le montant d'argent que vous demandez. Il y a eu un certain débat. On a dit que le CICR demandait 19 millions de dollars, en plus de l'argent déjà accordé. Le ministre nous a indiqué que l'argent était allé à Vision mondiale — Jim, vous vous en souviendrez —, à la Croix-Rouge...
    Deepak, vous souvenez-vous des autres?
    Il s'agissait de Vision mondiale, de la Croix-Rouge, d'Oxfam et de CARE International.
    Est-ce que cela arrive à bon port? Ces autres organismes sont-ils capables de recevoir le matériel, ou non?
    Je ne suis pas en mesure de me prononcer pour les autres organisations humanitaires, mais je puis vous parler du travail de la Croix-Rouge internationale. Je précise qu'à la demande du comité international, le gouvernement du Canada a versé une contribution aux fins des activités humanitaires de cette organisation au Sri Lanka. Le budget total du comité international prévu pour 2009 s'élève à 27 millions de francs suisses, une devise dont la valeur se rapproche de celle du dollar canadien. Le gouvernement canadien a répondu à l'appel en octroyant jusqu'ici 1,75 million de dollars. Aujourd'hui, le comité international est toujours à la recherche de fonds pour combler un manque à gagner de 19 millions de dollars relativement à sa demande initiale. On songe par ailleurs à augmenter le montant demandé en fonction de l'accès, des types de besoins qu'il y aura et de la marge de manoeuvre dont on disposera là-bas pour mener les opérations. Cela concerne le comité international.
    Ce que j'ai dit dans mes remarques, c'est qu'étant donné la gravité de la situation, et compte tenu du fait que le comité international est la seule organisation d'aide humanitaire bénéficiant d'un accès à la zone de conflit, il serait approprié, pour le gouvernement canadien, d'envisager de doubler maintenant les fonds qu'il accorde à la Croix-Rouge internationale. Je suis certaine que d'autres organisations humanitaires interviennent du mieux qu'elles peuvent dans les régions qu'elles arrivent à atteindre.
    Je devrais ajouter que l'aide apportée au nord du Sri Lanka par le Programme alimentaire mondial, par exemple, est assurée par le Comité international. Il est donc important d'appuyer le Programme alimentaire mondial et de comprendre que l'accès dont il dispose réellement est limité. Le véritable accès à la région et l'aide humanitaire fournie dans le secteur ont lieu par l'entremise de la Croix-Rouge internationale.
    Merci.
    Nous allons entendre M. Dorion.

[Français]

    Votre organisation, qui s'appelle Association of Sri Lankan Graduates of Canada, comprend-elle des Sri Lankais de toutes les origines ethniques, par exemple des Cinghalais, ou comprend-elle essentiellement des Tamouls?

[Traduction]

    Notre organisme n'est limité à aucune race. Il est ouvert à tous. Mais il compte en majorité des Tamouls. Dans le cadre de nos programmes, les deux ethnies se prévalent de consultations en orientation professionnelle. Nous invitons les deux communautés, qu'il s'agisse de counseling ou de programmes. Toutes les communautés viennent à nous, même les musulmans. Notre association est à majorité tamoule, mais nous n'imposons aucune limite d'accueil à l'égard des Cingalais.

[Français]

    D'accord. Vous comptez une très grande majorité de Tamouls.

[Traduction]

    Autour de 90 personnes.

[Français]

    Vous avez mentionné que le bouddhisme a été proclamé religion officielle en 1972. Est-ce toujours la situation qui prévaut actuellement en vertu de la Constitution du Sri Lanka?

[Traduction]

    Oui, c'est le cas. L'article 9 de la constitution du Sri Lanka stipule mot pour mot ce que vient de lire notre président. C'est la responsabilité de l'État de protéger et d'entretenir la foi bouddhiste. C'est défini très nettement, même maintenant, dans la constitution.
    Je pense que c'est l'un des problèmes qui n'ont pas été mis en lumière. En 1957, 1965 et 1972, alors que le processus de paix suivait son cours, chaque fois que les politiciens se sont rendu compte qu'ils faisaient erreur et tentaient de négocier un règlement avec les partis tamouls, le parti d'opposition, de concert avec les prêtres bouddhistes, s'est mis à protester, et on a dû abroger le pacte. Le premier ministre, M. S.W.R.D. Bandaranaike, qui avait présenté la seule loi uniquement cingalaise en 1956, avait en fait signé le pacte avec le leader tamoul de l'époque, Chelvanayakam. Néanmoins, lorsque les prêtres bouddhistes ont marché jusqu'à sa maison, il a apporté le pacte à l'extérieur et l'a déchiré sous leurs yeux. Et c'est ainsi qu'en 1957, pour la toute première fois, le processus de paix prenait fin sur-le-champ. Certes, encore aujourd'hui, l'État doit d'abord et avant tout protéger la foi bouddhiste. Bien entendu, on accorde des droits égaux à tout le reste de la population, mais une fois qu'on donne à l'État la responsabilité de protéger le bouddhisme et ses pratiquants, tous les autres viennent en deuxième.
    Dans ce processus, et même durant cette difficile période en février, on a présenté au Parlement un projet de loi appelé « anti-conversion ». Si l'on tente, consciemment ou non, de convertir quelqu'un à une autre religion — cette pratique a principalement lieu à l'encontre des missionnaires qui oeuvrent dans le Sud — on aura droit à sept ans de prison ou à une amende de 50 000 roupies sri lankaises. Je pense qu'on a soulevé le problème au Parlement canadien. On en a avisé le haut-commissaire au Sri Lanka, je crois, et pour une raison ou pour une autre, la question a été mise de côté là-bas. Ce projet de loi a déjà fait l'objet de trois lectures.
    Oui, c'est l'un des problèmes.

  (1605)  

    Pour compléter ce que vous disait Raj, des rapports récents nous apprennent qu'ils s'emploient à propager le bouddhisme. Ils détruisent des temples hindous et installent des statues bouddhistes. Même les jeunes Shins de la région occupée s'en prennent aux statues hindoues et les remplacent par celles de leur culte. Cela s'inscrit dans toute cette vague de violence, mais c'est bien ce que nous indiquent les plus récentes nouvelles: même les temples sont détruits et on érige des statues bouddhistes.

[Français]

    Madame Johnson, quelle est l'attitude des Tigres Tamouls vis-à-vis de la Croix-Rouge? La coopération est-elle bonne ou éprouvez-vous des difficultés à apporter à la population l'aide que vous souhaitez lui apporter?
    On connaît un peu l'attitude du gouvernement, mais qu'en est-il de l'autre coté?

[Traduction]

    Je crois que la Croix-Rouge internationale et la Croix-Rouge sri-lankaise de même que les partenaires du mouvement sont les mieux placés pour avoir accès à la population civile touchée par ce conflit au Sri Lanka. Le Comité international est actif dans la partie nord du pays depuis 1989. La Croix-Rouge sri-lankaise est présente à l'échelle nationale et l'ensemble des intervenants du mouvement multiplient les efforts pour rejoindre tous les civils et toutes les personnes vulnérables.
    Parmi les principes fondamentaux qui sous-tendent le mouvement de la Croix-Rouge internationale, il y a la ferme volonté de répondre aux besoins des gens, sans égard à leurs allégeances ou à leur identité. Il est assurément fondamental pour la Croix-Rouge que les intervenants humanitaires soient là pour répondre aux besoins qui se manifestent.
    Notre expérience au Sri Lanka s'apparente à ce que nous pouvons connaître ailleurs dans le monde. Nous sommes bien acceptés par la population. Le Comité international maintient le dialogue avec le gouvernement sri-lankais, bien évidemment, mais aussi avec les TLET. Le Comité international peut visiter les personnes détenues par les deux parties dans ce conflit. Je dirais qu'il y a un climat bien ancré de confiance qui est primordial si l'on souhaite avoir accès tant aux détenus qu'à la population civile, dans des circonstances normales. Il va de soi que les choses se sont compliquées un peu récemment en raison de la nature du conflit.
    Merci, madame Johnson.
    Merci, monsieur Dorion.
    Nous passons à M. Obhrai.
    Merci beaucoup.
    Et merci à vous deux pour votre présence.
    D'après ce que nous pouvons constater, il y a deux crises qui font rage simultanément. Une d'elles est la crise humanitaire attribuable à la guerre civile, une situation qui inquiète énormément le Canada, et qui nous amène à nous demander — et peut-être que les gens de la Croix-Rouge pourront nous répondre à ce sujet — dans quelle mesure l'aide peut être dispensée rapidement. Le Canada a réclamé un cessez-le-feu pour permettre l'accès à l'aide humanitaire. C'est donc un aspect très important à l'heure actuelle avec le conflit qui perdure. C'est notre préoccupation à court terme.
    Je dois dire que les gens de la Croix-Rouge font du bon travail. Selon moi, les membres de la communauté tamoule ne devraient pas se préoccuper de la recherche d'une solution politique à ce moment-ci, mais s'assurer avant tout que les médicaments et toute l'aide requise puissent se rendre rapidement aux gens qui sont touchés par ce conflit. C'est l'élément qui prime à l'heure où l'on se parle.
    Je n'ai pas vraiment de question à ce sujet. Je sais que la Croix-Rouge fait valoir qu'il lui faut plus d'argent — bien évidemment, il nous en faut toujours plus — mais je crois que de concert avec nos alliés, nous saurons faire le nécessaire pour avoir accès à ces personnes et pour que le Programme alimentaire mondial y ait également accès. Je tiens donc à profiter de l'occasion pour féliciter votre organisation et tous ses membres pour le travail formidable que vous accomplissez dans cette situation.
    Dans un deuxième temps — et j'aimerais savoir ce que vous en pensez — une solution politique devra sans l'ombre d'un doute être apportée. Vous nous avez parlé de la genèse du conflit, mais oublions le passé. L'histoire de ce pays est entachée d'erreurs et personne n'est vraiment sans faute. Mais considérons plutôt la situation actuelle. Il ne fait aucun doute que les Tigres tamouls se sont établis en tant qu'organisation terroriste en raison des tactiques qu'ils ont employées pour créer un nouvel état et donner une voix à la population tamoule. Nous ne pouvons être d'accord avec leur approche en raison de la façon dont ils ont procédé — attentats suicides, tueries de civils et agissements semblables.
    J'aimerais demander aux représentants de la communauté tamoule ici présents comment ils comptent s'y prendre pour exercer des pressions en vue d'une solution politique de telle sorte que le gouvernement du Sri Lanka et les leaders tamouls reprennent les pourparlers. J'estime que les TLET ne disposent plus du capital politique nécessaire pour représenter la communauté tamoule. L'occasion est belle pour une nouvelle génération de leaders émergeant de cette communauté qui pourraient interpeller le gouvernement sri-lankais en faisant valoir que le moment est venu d'en arriver à un règlement pacifique du conflit. Ils n'auraient pas à s'encombrer des bagages du passé que les Tigres tamouls, notamment, transportent encore avec eux. J'aimerais savoir si les membres de la communauté tamoule au Canada discutent entre eux pour voir comment ils pourraient profiter de l'occasion en proposant une solution nouvelle. Oubliez les legs du passé. Je veux que vous me disiez si les tamouls canadiens ont quelque chose à proposer pour régler ce différend.
    Vous venez tout juste de nous indiquer que la solution doit être acceptable pour les tamouls. Il y a deux parties en cause, le gouvernement sri-lankais et les Cingalais, ainsi que les musulmans et tous les autres. Une occasion se présente et je veux savoir si vous comptez en tirer parti.

  (1610)  

    Monsieur Arulnamby.
    Merci, monsieur Obhrai.
    Dans l'état actuel des choses, même les tamouls ne peuvent pas parler au gouvernement sri-lankais. Il en va de même pour la communauté internationale, car le gouvernement du Sri Lanka a mis fin à toutes les discussions. Il n'y a aucun pourparler en cours avec quelque groupe que ce soit à l'échelle internationale. C'est la raison pour laquelle nous nous adressons à vous pour demander au gouvernement qu'il arrête d'abord les combats, après quoi nous pourrons passer aux négociations. C'est ce que nous voulons demander. La communauté tamoule... quoi qu'ils en disent, ils ne nous demanderont pas notre avis.
    Je crois que vous avez perdu un peu le fil de ma question. Comme vous êtes de jeunes tamouls qui avez pris l'initiative d'intervenir dans ce dossier, je vous pose une question bien précise. Y a-t-il un débat au sein de votre communauté quant aux moyens politiques à mettre en oeuvre pour régler ce conflit? Je conviens avec vous que le gouvernement du Sri Lanka ne veut pas discuter pour l'instant, mais ne vous inquiétez pas, nous allons exercer des pressions.
    Je ne vous parle pas des Tigres tamouls et des points de vue qu'ils ont défendus par le passé, ou de la nature de ce mouvement et du bagage qu'il traîne avec lui. Je m'intéresse à la position de la communauté tamoule au Canada. Bob s'est déjà rendu là-bas pour soumettre les revendications du Canada. Je souhaite plutôt savoir si vous discutez actuellement entre vous pour profiter de la possibilité qui s'offre, compte tenu que l'héritage du passé, c'est-à-dire celui des TLET, est révolu et qu'il est possible pour votre organisation de proposer quelque chose. Est-ce qu'une solution a été mise de l'avant?
    Je sais ce qu'on retrouve dans votre mémoire, les addenda et toutes ces recommandations qui visent l'interruption...

  (1615)  

    C'est tout à fait exact. Nous en discutions entre nous tout récemment. Il y a un professeur, M. Sornarajah, qui est favorable à l'autorité autonome intérimaire, à l'ensemble de mesures établies avec le soutien des Tamouls. C'est ce qu'on appelle les normes de la confédération. C'est une forme de compromis pour les Tamouls. Les TLET demandaient au départ un pays distinct; ils ont ensuite revendiqué un état distinct; et ainsi de suite. Un important débat est en cours au sein de notre communauté. Nous désirions aller plus loin. Ils ne veulent pas de normes provinciales ou de système fédéral. Ils préconisaient l'autorité autonome intérimaire qui est actuellement en place.
    Peut-être puis-je ajouter quelque chose. Il y a deux parties dans ce conflit. Que vous le vouliez ou non, il y aura toujours le côté représenté par les Tigres tamouls et celui du gouvernement sri-lankais. Toutes les fois que le processus de paix a été enclenché, c'est le gouvernement qui a mis fin à l'entente. Depuis 1983, les deux parties ne cessent de s'accuser mutuellement d'avoir mis fin à l'entente ou de ne pas en avoir respecté les conditions.
    Le moment est venu d'agir. Il semblerait bien — tout au moins d'après ce que nous pouvons constater — que le Sri Lanka se retrouve maintenant dans une situation où il lui est possible d'éradiquer les TLET. Le moment est donc bien choisi pour que le gouvernement sri-lankais affirme: « Voici ce que nous avons à offrir. C'est semblable à ce que le Canada propose. » Il sera alors facile pour nous de partir de cette base pour amorcer un véritable débat, plutôt que de simplement discuter d'un incident qui est survenu dans le passé. Nous en convenons unanimement, mais rien ne pourra être réglé tant que les prêtres bouddhistes s'y opposeront, ou tant que le gouvernement sri-lankais ne sera pas d'accord. Le document stratégique qui est cité ici — le numéro 40 des Policy Studies réalisé par le East-West Center, dont Yoga vous a déjà parlé — est fort intéressant. Je peux bien faire toutes sortes de recommandations, mais rien ne va aboutir tant que le gouvernement sri-lankais ne va pas aller de l'avant et déclarer: « Voici une proposition que nous sommes disposés à soumettre aux Tamouls. » Il sera alors facile pour nous de nous adresser aux membres de notre communauté pour leur faire valoir que c'est une excellente proposition, que cela ressemble un peu à ce qui se passe au Canada ou ailleurs dans le monde et que nous devrions la mettre en oeuvre.
    Nous pouvons sans difficulté proposer une solution, mais en définitive, tant que le gouvernement du Sri Lanka ne donnera pas son accord, le problème ne sera pas réglé.
    Merci. Peut-être pourrons-nous y revenir plus tard.
    Monsieur Dewar.
    Merci à nos invités, et merci à vous, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à vous, madame Johnson, concernant la Croix-Rouge. Pour que les choses soient bien claires, vos demandes à ce moment-ci... Il vous manque encore 19 millions de dollars. Est-ce bien ce que vous nous dites? Est-ce le montant exact? Dans quelle mesure croyez-vous que le Canada devrait contribuer à ce chapitre?
    Le Canada a toujours été l'un des principaux contributeurs au mouvement de la Croix-Rouge internationale; il se situe assurément parmi les 10 premiers au monde. Compte tenu de l'ampleur de nos besoins actuels qui se chiffrent à 27 millions de dollars, avant même que nous procédions à l'augmentation à l'échelle, j'estime qu'il serait approprié pour le Canada d'envisager une contribution se situant entre 10 et 15 p. 100 de ce total. Cela serait conforme aux façons de faire habituelles du Canada en matière d'aide internationale.
    Parlez-vous de 10 à 15 p. 100 de 27 millions de dollars ou de 19 millions de dollars?
    Par exemple, il serait apprécié que le Canada puisse doubler la valeur de son aide au comité international pour le Sri Lanka.
    Pour ce qui est de s'assurer que l'aide arrive à destination, ce qui est manifestement difficile, est-ce que les corridors humanitaires auxquels vous avez fait référence sont actuellement en place? Je suppose que la situation change au jour le jour, mais pouvez-vous nous dire, surtout pour la région du Nord-Est, si ces corridors tiennent le coup? Êtes-vous en mesure d'apporter des secours aux gens qui en ont besoin?
    Pour ce qui est du travail de la Croix-Rouge, je crois qu'il est important de souligner ou peut-être de reformuler ce que j'essayais de décrire tout à l'heure. Le Comité international et le mouvement international ont déjà déployé dans le pays des approvisionnements considérables en articles de secours et sont ainsi en mesure de livrer de l'aide médicale et des fournitures à la clinique de fortune qui a été installée sur place. Nous participons en outre à l'évacuation de personnes hors de ce secteur en plus de fournir notre soutien aux gens déplacés dans des camps à l'intérieur du pays ainsi qu'au reste de la population civile.
    Nous avons effectivement accès aux citoyens dans la plus grande partie du pays. Notre capacité d'accès n'est toutefois pas suffisante dans la région touchée par le conflit. Nous ne sommes donc pas en mesure d'offrir une aide suffisante compte tenu des obstacles auxquels nous nous heurtons. Alors, si vous voulez que nous disions les choses très clairement, nous demandons davantage de fonds pour notre action humanitaire.
    Nous souhaiterions également que le gouvernement du Canada précise aux autorités sri-lankaises qu'on s'attend à ce que les principes fondamentaux du droit humanitaire international soient respectés, c'est-à-dire que les civils devraient avoir accès à l'aide humanitaire. Les personnes habilitées à offrir cette aide devraient donc avoir accès en toute sécurité à la population civile. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent actuellement.

  (1620)  

    Merci. C'est très clair. Nous devrions être mieux en mesure de faire valoir ce point au gouvernement.
    Je m'adresse maintenant à nos autres invités. Nous avons entendu des commentaires — et je crois que M. Rae en a parlé — à l'effet que l'approche gouvernementale semblait consister à isoler toujours davantage la région touchée. Ici, on croit pouvoir être capable d'éradiquer complètement la menace dans cette petite bande de terre du Nord-Est du pays. C'est ce qui ressort clairement de ce que nous avons pu lire et entendre . Le gouvernement essaie d'anéantir complètement les rebelles.
    Le sénateur Kerry a déclaré aujourd'hui que si le gouvernement du Sri Lanka ne changeait pas son approche, c'est sa réputation au sein de la communauté mondiale qui en souffrira. Il s'agit là de conséquences très graves. J'aimerais savoir si nos témoins voient dans les efforts déployés une tentative pour enrayer toute résistance envers le gouvernement.
    C'est très certainement ce qu'ils croient être en train de faire. C'est comme si vous aviez une grosse plaie purulente sur la jambe et que vous preniez des médicaments pour essayer de faire baisser la forte fièvre. Ils seront peut-être en mesure d'éradiquer cette section dans la région où se trouve actuellement les Tigres tamouls, mais je pense que tant que vous ne traiterez pas la plaie sur votre jambe, elle ne va pas partir toute seule. En fait, il est possible que le mouvement ressurgisse sous un nom différent. Si les TLET sont maintenant sous le coup d'une interdiction, il pourrait bien y avoir un mouvement ABCD pour prendre la relève, car c'est la violence du gouvernement sri-lankais qui est à l'origine du problème. De nos jours, la règle veut en effet que l'on combatte la violence par la violence. C'est dans cette optique que les Tigres tamouls ont vu le jour.
    Voilà maintenant 21 ans que j'habite dans ce pays magnifique. Lorsque j'ai séjourné dans un camp de réfugiés en 1983, j'ai pu quitter à destination de Singapour pour y travailler pendant un mois à l'emploi d'une entreprise pétrolière américaine. Lors de mon séjour dans ce camp, soit du 25 juillet 1983 jusqu'au 6 ou 7 août, il ne s'est pas passé une seule journée sans que je songe à la possibilité de devenir moi-même un Tigre tamoul. À l'époque, ce mouvement n'était pas très violent; on livrait seulement quelques combats même si, bien évidemment, on possédait des armes.
    Ce sont tous les actes de violence commis à notre endroit qui ont rendu la situation particulièrement difficile; c'est pour faire opposition à cette violence que les TLET ont été mis sur pied. Il m'est arrivé de me dire que j'avais peut-être un petit tigre dans le coeur — je vous livre ici mes états d'âme bien personnels.
    C'est donc le problème auquel on est confronté là-bas. Il est possible que le gouvernement puisse éradiquer la section visée, mais le mouvement continuera d'exister sous une forme différente.
    Comme il ne me reste sans doute que très peu de temps, j'aimerais vous poser une question à laquelle vous pourrez répondre par un oui ou un non.
    En définitive, je vous répondrais que oui, car ils ne veulent pas seulement tuer les Tigres déployés à cet endroit; ils souhaitent éliminer des communautés tamoules tout entière. C'est ce qu'ils ont décidé de faire.
    Voici ma question. Serait-il utile que l'un de nos ministres se rende sur place, comme l'a fait le sénateur Kerry, pour transmettre directement un message au gouvernement?
    Oui, ce serait une très bonne chose.
    Merci.
    Madame Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Johnson.
    J'ai dans ma circonscription une communauté sri-lankaise qui prend de l'expansion, ce qui fait que j'ai pu rencontrer des gens des deux parties pour entendre leurs préoccupations. Pour ma part, je m'inquiète plus particulièrement pour l'instant de l'accès à l'aide humanitaire. Vous nous avez parlé de ces hôpitaux qui sont reconstruits et de ces cliniques.
    Est-ce qu'il y a du personnel médical disponible en nombre suffisant? Je n'ai aucune idée de l'ampleur des déplacements de personnes dans ce pays actuellement. J'aimerais que vous puissiez nous donner plus de détails sur les besoins en matière de personnel et de fournitures médicales dans ce secteur.

  (1625)  

    Je n'ai pas de détails sur les capacités actuelles en matière de personnel médical au Sri Lanka. Je peux vous dire que la Croix-Rouge internationale a du personnel médical en place dans le pays et je sais également que nous fournissons tout le nécessaire aux cliniques.
    Nous ne demandons pas au Canada de fournir de l'aide médicale ou du personnel médical. Nous pouvons déjà compter sur un système raisonnablement efficace pour le déploiement du matériel et des gens. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est un accès plus facile. Nous nous inquiétons surtout de ne pas pouvoir livrer régulièrement les fournitures médicales à notre disposition à la clinique qui s'occupe des victimes du conflit armé et nous souhaitons donc bénéficier d'un accès amélioré. Nous avons déjà tout ce qu'il faut au Sri Lanka et nous avons mis en place une chaîne d'approvisionnement adéquate.
    J'ai ainsi appris aujourd'hui que nous étions parvenus à procéder au premier envoi de médicaments en deux semaines à l'hôpital situé dans la zone de conflit. Plus d'une cinquantaine d'articles médicaux essentiels, y compris des vaccins pour les enfants, ont pu être livrés à l'hôpital. Les responsables régionaux de la santé se sont dit très heureux d'avoir reçu ces fournitures qui les aideront à assurer le bon fonctionnement de l'hôpital pendant quelques semaines encore, mais regrettent que malgré leurs demandes répétées, nous n'ayons pas été en mesure de leur fournir l'équipement d'anesthésie et les sacs de sang nécessaires pour les chirurgies. Ce n'est pas parce que nous ne voulions pas livrer ces articles; c'est parce qu'on nous a empêchés de le faire.
    Nous nous préoccupons donc surtout du respect des lois internationales quant à l'accès des organisations humanitaires pour offrir l'aide requise aux personnes affectées par ce conflit.
    Avons-nous cette information? Je veux savoir si l'on peut faire usage des fournitures livrées. Y a-t-il du personnel médical en place pour offrir le service?
    Je pense qu'il s'agit d'une installation très rudimentaire — il ne s'agit pas ici d'un hôpital à part entière. C'est simplement une clinique de fortune où l'on s'efforce de dispenser des soins aux personnes touchées par le conflit. Il y a une équipe médicale en mesure d'offrir les services requis et elle aimerait pouvoir compter sur davantage de fournitures pour pouvoir accomplir son travail.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Brown.
    Je vais seulement permettre à M. Patry d'y aller très rapidement avec la question qu'il a essayé de poser tout à l'heure.
    Allez-y, monsieur Patry.
    Ma question s'adresse à M. Arulnamby.
    Le gouvernement sri-lankais a demandé récemment un prêt au FMI. Il s'agit d'un prêt d'un montant assez substantiel. Croyez-vous que tous ces prêts demandés à des institutions internationales comme le FMI devraient être conditionnels, tout au moins, à la levée de l'embargo sur les médicaments, l'aide alimentaire et les produits essentiels?
    Je ne crois pas qu'il soit très recommandable ou approprié pour quelque gouvernement que ce soit d'aider actuellement le Sri Lanka. Si des conditions préalables étaient fixées, comme la levée de l'embargo et l'acceptation d'un cessez-le-feu, ce serait une autre histoire, mais si vous offrez de l'aide actuellement, elle ne se rendra pas jusqu'aux gens touchés. L'aide va être détournée.
    Je pense que c'est un point important. Le gouvernement a demandé 1,9 milliard de dollars en prêt au FMI. Le Canada pourrait donc interpeller immédiatement les hautes instances du FMI pour que des conditions soient rattachées à ce prêt consenti au gouvernement sri-lankais. Parallèlement à cela, si un représentant canadien se rend sur place — comme le suggérait l'honorable Paul Dewar — et si certaines de ces mesures sont prises, il est possible que les instances gouvernementales commencent à prêter une oreille plus attentive. Si de telles conditions sont posées, ils vont commencer à écouter. Il va de soi que nous serions très heureux que le gouvernement canadien intervienne de cette façon pour nous.
    Merci.

  (1630)  

    C'est une excellente idée. C'est une démarche minimale que nous serions disposés à approuver.
    Un grand merci à nos invités. Cette heure en votre compagnie s'est déroulée trop rapidement, mais nous vous sommes reconnaissants pour votre comparution et pour les informations que vous nous avez transmises concernant la situation au Sri Lanka. Nous remercions également la Croix-Rouge pour l'excellent travail accompli.
    Nous allons suspendre la séance pendant un moment, le temps que nos témoins suivants prennent place.
    Merci.
    Au cours de cette deuxième heure de réunion, nous allons poursuivre l'étude des mêmes questions en nous penchant sur certains événements récents qui ont eu lieu au Sri Lanka.
    Nous recevons comme témoins, de l'Université Saint-Paul, Kenneth Bush, professeur adjoint, programme Études de conflits; et de l'Université Carleton, Elliot Tepper, agrégé supérieur de recherche et chargé d'étude principal de la Norman Paterson School of International Affairs Centre for Security and Defence Studies.
    Messieurs, comme vous avez pu assister à la comparution des témoins qui vous ont précédé, vous savez que vous avez droit à une brève déclaration préliminaire, après quoi nous passerons rapidement aux questions des membres du comité.
    Monsieur Tepper, nous commençons avec vous. Bienvenue au Comité des affaires étrangères.
    Je dois vous dire que c'est un grand honneur pour moi d'être invité à prendre la parole devant ce comité. Je tiens à préciser dès le départ que je parle aujourd'hui en mon nom personnel et en ma qualité de professeur. Mes commentaires ne traduisent d'aucune manière les politiques ou les vues des différentes organisations auxquelles je suis affilié — c'est la mise en garde habituelle — notamment en tant que membre du conseil d'administration de Droits et Démocratie et président des Canadian Friends of Sri Lanka. Alors, c'est seulement moi qui s'adresse à vous aujourd'hui.
    Il serait peut-être bon de prendre un instant pour donner un aperçu de la genèse de la situation actuelle. J'utiliserai ensuite le reste du temps à ma disposition pour exposer quelques pistes de solution.
    J'aimerais vous fournir quelques indications sur le contexte politique et historique — un des témoins précédents vous a donné des informations à ce sujet, mais je veux vous présenter mon propre point de vue. Deux éléments particuliers de la longue histoire du Sri Lanka pourraient vous aider à mieux comprendre où nous en sommes rendus aujourd'hui.
    Je sais que certains d'entre vous connaissez très bien le Sri Lanka. J'aimerais exposer ma propre interprétation du contexte politico-historique en m'inspirant d'une très vaste expérience de l'Asie du Sud. Il pourrait être utile de synthétiser deux aspects importants du conflit qui touche actuellement le Sri Lanka.
    Il y a tout d'abord ce que j'appelle le double complexe de minorité. Cette magnifique petite île que certains d'entre vous ont eu le plaisir de visiter ne compte que 20 millions d'habitants, mais est divisée en de nombreuses communautés. Comme vous le savez, la majorité cingalaise forme environ 74 p. 100 de la population. Elle est principalement, mais pas exclusivement, de religion bouddhiste, alors que les Tamouls sri-lankais forment environ 12 p. 100 de la population du pays et sont pour la plupart de religion hindoue. Il y a une autre tranche de 7 p. 100 formée par ceux qu'on appelle les Tamouls indiens que l'on a fait venir sur l'île par la suite pour travailler dans les plantations de thé.
    La division entre bouddhistes et hindous, entre Tamouls et Cingalais, doit absolument être prise en compte pour bien comprendre le conflit. Les deux populations habitent l'île depuis l'antiquité. La population cingalaise, majoritaire sur l'île, s'identifie fortement à la religion bouddhiste, comme on vous l'a indiqué tout à l'heure. Les Cingalais se perçoivent comme une minorité dans la grande région de l'Asie du Sud. Ils se voient comme des Cingalais au coeur d'une mer tamoule, car il suffit de traverser le détroit de Palk, cette très étroite bande d'eau qui sépare le Sri Lanka de l'Inde, pour se retrouver dans l'État indien du Tamil Nadu. On y retrouve maintenant près de 70 millions de Tamouls. C'est donc une présence bien sentie pour la population cingalaise. Pour sa part, la population tamoule du Sri Lanka se voit à juste titre comme une minorité sur l'île, ce qui nous permet d'affirmer que les deux communautés souffrent d'un complexe de minorité. Elles ressentent la nécessité de défendre leurs droits collectifs et se comportent en conséquence. Je crois que les causes sous-jacentes de la situation actuelle puisent en grande partie leur origine dans cette perception de menace.
    Pour le second aspect historique sur lequel je souhaiterais attirer brièvement votre attention, je parlerais de mouvement anticolonialiste à retardement. Le Sri Lanka a accédé tout doucement à l'indépendance en 1948 sans qu'il n'y ait d'action anticolonialiste de masse ni de manifestation nationaliste comme on a pu en voir, par exemple, dans le cas de l'Inde et d'autres anciennes colonies du monde.
    Il y avait toutefois de la turbulence sous cette surface en apparence calme. Au fil de la présence prolongée des Britanniques, les deux principales communautés de l'île, que ce soit en raison des intentions colonialistes britanniques de diviser pour régner ou peut-être par pure commodité, ont réagi très différemment au règne britannique. La talentueuse minorité tamoule s'est mise très rapidement à l'apprentissage de l'anglais de manière à profiter de toutes les avenues qui s'ouvraient grâce à la présence britannique sous le régime colonial. Il va de soi que la majorité cingalaise voyait le tout d'un mauvais oeil.
    En 1956, soit plusieurs années après l'accession à l'indépendance, un politicien s'est dissocié du parti au pouvoir, de ce qu'on aurait pu appeler un parti de « gentilshommes » qui était aux commandes depuis un bon moment. Il s'agit de S.W.R.D. Bandaranaike, dont on vous a parlé tout à l'heure. Il a formé son propre parti et a pris le pouvoir en misant sur le nationaliste bouddhiste et la supériorité de la langue cingalaise.

  (1635)  

    Son gouvernement a ensuite pris toutes ces mesures dont vous avez un peu entendu parler. Il a imposé différentes conditions qui favorisaient la majorité au détriment de ce qu'il considérait être une minorité privilégiée. Il croyait ainsi redresser les torts causés lors de la période coloniale.
    Sous l'effet du double complexe de minorité, chacune des communautés a produit des leaders pour défendre ses intérêts. Nous constatons aujourd'hui les résultats à long terme de ces antécédents politiques: un mouvement de défense de la population tamoule pour surmonter la discrimination, un mouvement qui a maintenant renoncé aux moyens modérés et constitutionnels pour adopter une approche séparatiste et terroriste fondée sur la violence sous l'égide des Tigres tamouls.
    Pour sa part, le gouvernement du Sri Lanka a réagi au nom de l'ensemble des communautés pour préserver l'unité de l'île. Il a utilisé pour ce faire des moyens qui l'ont exposé à la critique, ce qui est le cas partout dans le monde lorsqu'un gouvernement se livre à une guerre asymétrique.
    Vous connaissez tous les résultats de leur longue guerre civile, l'échec des pourparlers de paix, les nombreux décès qui ont mené à la solution militaire finale, et la catastrophe humanitaire dont vous avez déjà entendu parler aujourd'hui, notamment par la représentante de la Croix-Rouge.
    Il convient maintenant de se demander ce qu'il est possible de faire. Quel rôle le Canada peut-il jouer pour dénouer la crise politique et humanitaire actuelle?
    Tout le monde convient qu'il devrait y avoir un cessez-le-feu, des secours humanitaires immédiats pour la population civile touchée et un retour des belligérants à la table de négociation. L'objectif est d'en arriver à une solution politique équitable et d'application obligatoire fondée sur une formule de partage des pouvoirs. Plusieurs obstacles se dressent toutefois devant la concrétisation de ce consensus global. Ces obstacles découlent principalement du double complexe de minorité dont je vous ai parlé — de ce sentiment mutuel d'être victime de discrimination de la part de la majorité — et s'articulent tout particulièrement autour des personnalités, des tactiques et des intérêts qui entrent en jeu au Sri Lanka comme à l'étranger.
    Comme je dispose de peu de temps, je vais passer directement à quelques hypothèses, puis à quelques recommandations pour l'avenir à court et à long terme du Sri Lanka.
    Voici mes hypothèses concernant la situation à court terme.
    Premièrement, une solution militaire, assortie d'une dimension territoriale, pourrait donner des résultats à court terme. Autrement dit, on s'approche peut-être de l'issue finale quant au territoire occupé par les Tigres tamouls. Si l'on réussit à les extirper de leur dernier enclave, il y aura sans doute des répercussions et des possibilités qui se présenteront.
    Nous reconnaissons que la situation humanitaire risque de se détériorer à court terme, mais que les choses devraient pouvoir s'améliorer par la suite. Tout le monde sait que les Tigres tamouls ont forcé des populations civiles à se retrancher avec eux lorsqu'ils devaient céder des territoires pour ensuite empêcher ces gens de s'enfuir vers des endroits plus sûrs. Pour leur part, les forces gouvernementales sont accusées de bombardements contre des civils, et ce même dans des zones protégées qui leur ont été réservées.
    À court terme, un cessez-le-feu ou une victoire militaire offrira la possibilité d'offrir des secours humanitaires immédiats. Le Canada fait partie des pays qui se sont déjà engagés à offrir cette aide. Il y aura tout lieu de s'en réjouir le cas échéant, mais il ne faudrait pas considérer que tout sera réglé.
    Voici ma deuxième hypothèse. La reprise de la dernière enclave territoriale aux mains des Tigres tamouls ne mettra pas fin à la violence en cours au Sri Lanka. Les TLET forment l'un des groupes terroristes les plus résilients et les mieux organisés au monde. Ce sont notamment eux qui ont été les précurseurs des attentats suicides et qui ont malheureusement fait des bombes artisanales un produit d'exportation; ils ont fait subir d'importants dégâts à une force militaire indienne bien nantie; et ils ont combattu sans relâche le gouvernement sri-lankais jusqu'à paralyser le pays, tout au moins jusqu'à la scission interne de 2004. Il semblerait que le groupe soit beaucoup mieux organisé au sein de ces différentes diasporas étrangères que toute entité similaire. Il faut donc prévoir un retour de la guerre asymétrique au Sri Lanka, avec toutes les victimes que cela entraîne.
    Voici maintenant la troisième hypothèse. Une solution politique est peu probable sous la direction du leader charismatique des Tigres tamouls, Velupillai Prabhakaran. Comme le notait récemment le très respecté International Crisis Group, le leadership des Tigres tamouls, qui est devenu davantage un culte qu'une force rationnelle de guérilla, s'opposera fermement à toute forme de reddition. On n' a malheureusement jamais eu aucun signe tangible d'une possibilité que la direction du groupe en vienne à accepter une solution autre que l'indépendance totale. Il semblerait bien que cette situation ne risque pas de changer tant que le charismatique M. Prabhakaran demeurera aux commandes des Tigres tamouls.

  (1640)  

    Enfin, la quatrième hypothèse est qu'il est essentiel à des fins stratégiques de dissocier clairement le soutien offert à la population tamoule de celui consenti à l'organisation qui prétend parler en leur nom. La tendance à brouiller cette distinction, de façon peut-être délibérément encouragée, fait obstacle à l'établissement d'une orientation stratégique claire.
    Sur la base de ces hypothèses, j'aimerais soumettre les recommandations suivantes aux membres du comité. Elles vont des interventions requises de toute urgence jusqu'aux considérations à plus long terme. Elles traitent des aspects humanitaires, politiques et développementaux de la situation. En outre, elles sont suggérées en tenant compte du fait que l'étude d'aujourd'hui sur le Sri Lanka s'inscrit dans un vaste processus d'examen de la politique étrangère canadienne que mène votre comité.

  (1645)  

    Puis-je vous interrompre un instant?
    Certainement.
    Vous en avez pour environ combien de temps encore?
    J'ai seulement trois brèves suggestions. Ai-je épuisé le temps qui m'était alloué? Je suis désolé.
    Je vous prie de conclure très rapidement. Nous avons déjà dépassé les 11 minutes.
    Désolé. Je croyais avoir mieux planifié le temps à ma disposition, mais il faut dire que l'on ma demandé de parler lentement pour faciliter la tâche aux interprètes. C'est ce que j'ai fait, mais maintenant je vais accélérer un peu.
    Mes excuses aux interprètes et aux membres du comité.
    Ma première recommandation est d'ordre humanitaire. Un membre du comité y a déjà fait allusion. Il faut effectivement que le soutien du FMI au gouvernement du Sri Lanka soit assorti de conditions, mais celles que je propose sont différentes de ce qui a déjà été mentionné ici. Le Canada a maintenant la possibilité de faire pression sur le gouvernement sri-lankais en faveur d'un cessez-le-feu humanitaire. L'administration sri-lankaise a besoin immédiatement de l'aide demandée. On peut s'en servir à la fois comme de la carotte et du bâton.
    Comme je l'ai laissé entendre, l'aide offerte pourrait s'accompagner d'efforts pour le soutien de la population tamoule, que l'on dissocierait du soutien aux Tigres tamouls. Je crois qu'il y a là une possibilité qui s'ouvre pour le Canada. La plus grande partie de l'aide financière demandée doit appuyer les efforts de reconstruction dans le Nord du pays. Nous pouvons agir en montrant de façon concrète sur le terrain que les fonds ne sont destinés à aucune des deux parties belligérantes, mais vont servir à la population tamoule. Cette aide viendra s'ajouter au montant spécial de 3 millions de dollars ainsi qu'aux engagements pris antérieurement par le Canada à la suite du tsunami.
    À ce sujet, je concluerais en disant que le Sri Lanka peut être un bon exemple du rôle bénéfique que peut jouer le soutien humanitaire dans des situations de transition ou d'après-conflit.
    Ma deuxième recommandation est d'ordre politique. Le soutien régional et multilatéral offert par le Canada est nécessaire aux fins de la transition. Avons-nous des plans de transformation politique à long terme au Sri Lanka à l'issue de cette crise humanitaire? De toute évidence, la solution à long terme s'inscrit dans la droite ligne de nos engagements antérieurs, auxquels l'un des membres a beaucoup contribué, en faveur du partage des pouvoirs et de mesures d'accommodement. Mais nous n'arriverons pas à nous seuls à créer les conditions nécessaires. Il faudra que la communauté internationale conjugue ses efforts sur différents aspects de telle sorte qu'une intervention concertée puisse mener à une formule d'accommodement et de partage des pouvoirs. Je crois que le Canada pourrait agir comme chef de file dans le cadre d'une démarche internationale en ce sens.
    Enfin, j'estime que le redéveloppement équitable est possible dans ce dossier. Cela exigera une approche pangouvernementale qui diffère de notre façon actuelle de procéder. D'une manière générale, le Sri Lanka peut servir d'exemple pour l'application d'une stratégie différente, fondée sur les programmes, parce qu'il y a encore à régler dans ce pays des conflits et des problèmes d'égalité et de dignité.
    Si nous voulons jouer un rôle significatif dans les situations de transition faisant suite au conflit, il y a des possibilités qui s'offrent à nous. Nous avons besoin d'un ensemble intégré de mesures pour pouvoir agir de façon appropriée. Certains disent que c'est une occasion que nous ne devrions pas manquer. Des conjonctures comme celles qui prévalent au Sri Lanka et au Pakistan sont autant de possibilités pour le Canada de concevoir un train de mesures efficaces et d'assumer pleinement son rôle au sein d'un environnement mondial en pleine évolution. Cette crise est donc l'occasion de concevoir et de mettre en oeuvre un programme adapté à la situation sri-lankaise.
    Je crois que nous allons devoir en rester là, monsieur Tepper.
    C'était justement mon dernier commentaire.
    Merci.
    Monsieur Bush.
    Je vais m'efforcer d'être bref. Je crois que je serai plus utile en répondant aux questions des membres du comité.
    J'ai un peu honte de vous avouer que ma relation avec le Sri Lanka remonte à près de 29 ans. Je m'y suis rendu pour la première fois en 1980. Bien des choses se sont produites depuis.
    Je suis actuellement professeur en études de conflits à l'Université Saint-Paul. Au cours des 15 dernières années, j'ai fait la navette entre le Sri Lanka et le Canada et, depuis cinq ans, j'y vais probablement trois ou quatre fois par année. Je fais ces voyages aux fins de différents types de recherches sur les politiques. Je travaille avec diverses organisations de développement international, ainsi qu'avec des organismes bilatéraux.
    Je serai donc bref.
    Nul besoin pour moi de vous répéter certains des excellents comptes rendus qui ont été faits de la situation au Sri Lanka. Je vais me contenter de vous inviter à consulter différents rapports dont j'ai pris connaissance au cours des six derniers mois. Il y a d'abord le rapport de Human Rights Watch intitulé War on the Displaced, un document très détaillé et empirique qui débouche sur un ensemble fort utile de recommandations méritant, à mon avis, toute notre attention.
    Si cela n'est pas déjà fait, je vous incite également à lire deux documents émanant du Conseil des droits de l'homme. Il y a premièrement le rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui a été rendu public en février 2008. Le rapport de Human Rights Watch a été publié plus récemment, soit en février 2009. Le dernier document officiel auquel je vous renvoie est le rapport du représentant spécial du Secrétaire général pour les droits humains et les déplacés.
    Après avoir entendu les témoignages des représentants de la Croix-Rouge, j'estime que vous devriez avoir maintenant une idée assez nette de la situation actuelle sur le terrain. Tout cela est très clair.
    Je vais commencer par vous esquisser le contexte, comme je le vois actuellement, quant aux efforts déployés par le Canada et d'autres intervenants internationaux en vue d'améliorer les choses sur le terrain aux fins de la protection des civils et de la sauvegarde et de la promotion des droits de la personne.
    Je dois d'abord vous dire que je n'ai jamais vu la situation s'aggraver à ce point au Sri Lanka au cours des 29 dernières années pour ce qui est du nombre de disparitions, des abus systématiques à l'encontre des droits de la personne et de la rage que nourrit le régime à l'endroit de la communauté internationale. Nous voyons des spécialistes du développement faisant partie d'organisations internationales qui sont expulsés du pays; nous voyons des ONG internationales accusées injustement de sympathiser avec les Tigres tamouls; nous voyons des travailleurs des ONG être tués sur le terrain; et nous voyons assurément l'accès à certaines régions du nord et de l'est qui est bloqué aux médias et à l'aide humanitaire.
    L'un des facteurs contextuels très importants que nous devons garder à l'esprit dans notre réflexion sur les différents rôles que le Canada pourrait jouer au Sri Lanka est un phénomène que j'ai commencé à observer là-bas au cours des deux dernières années. J'ai en effet pu constater que l'aide publique au développement n'a plus l'influence politique qu'elle exerçait autrefois. Il fut un temps où l'aide au développement en provenance de l'étranger pouvait être assortie de conditions en vue de jouer un rôle incitatif ou contre-incitatif auprès des décideurs sri-lankais, comme nous avons pu l'observer lors du changement de politique intervenu en 1990.
    Nous voyons plutôt maintenant un régime qui ne se préoccupe pas de l'aide internationale au développement ou qui y accorde moins d'importance, car il voit des ressources beaucoup plus considérables être rapatriées au pays. Il y a également des investissements en provenance de l'Asie de l'Est, à un point tel que l'aide étrangère n'a plus l'influence qu'elle a déjà eue.

  (1650)  

    M. Tepper a proposé que l'on dissocie l'aide au développement qui est versée pour s'assurer qu'elle va directement aux Tamouls. C'est une excellente idée. En fait, il faudrait examiner toute l'aide au développement qui est allouée au Sri Lanka afin de voir si elle contribue, ou non, à rassembler les communautés ou à les éloigner l'une de l'autre.
    Il y a 25 ans, nous parlions de l'impact qu'un projet pourrait avoir sur l'environnement ou sur les relations hommes-femmes. Aujourd'hui, nous parlons des diverses façons dont l'aide au développement à l'étranger, l'aide accordée aux victimes du tsunami, a contribué de manière directe à renforcer les capacités de combat des deux camps. Toutefois, nous n'avons pas les moyens, ou nous commençons à peine à les élaborer, d'évaluer l'efficacité de l'aide au développement que nous accordons dans un contexte de paix et de guerre. Il est donc essentiel que nous examinions non seulement le rôle ouvertement politique que pourrait jouer le Canada au Sri Lanka, mais également la façon dont l'aide humanitaire et l'aide au développement pourraient mener à un rapprochement entre les communautés. J'ai plusieurs exemples à vous fournir dans le cas du Sri Lanka, mais je vais m'arrêter ici pour que les membres du comité puissent poser des questions.

  (1655)  

    Merci beaucoup, monsieur Bush.
    Nous passons à la première série de questions. Monsieur Patry.
    Je n'ai qu'une seule question à poser. Je vais partager mon temps de parole avec M. Pearson et M. Rae.
    Ma question s'adresse à monsieur Tepper.
    Au début de votre exposé, vous avez dit que les Cingalais, les Bouddhistes, se considèrent comme une minorité à cause, notamment, du rôle joué par l'Inde et de tous ces autres facteurs. Sachant que la religion de l'État est le bouddhisme et que tous les projets de loi adoptés par le gouvernement doivent, dans un sens, être approuvés par les autorités religieuses, pourrait-on qualifier ce conflit de guerre de religion? Selon vous, les représentants des confessions religieuses devraient-ils se regrouper dans le but d'essayer d'y trouver une solution?
    Vous posez là une excellente question qui touche à un point essentiel. La religion, dans ce cas-ci, semble être associée de près à l'identité. Les guerres religieuses en Europe n'ont rien à voir avec celles du Sri Lanka. Voilà ce que je pense. L'identité des populations individuelles semble être façonnée par la religion, mais aussi par la culture. N'oublions pas aussi qu'il y a une importante minorité musulmane qui parle le tamoul, ce qui complique les choses. Il est difficile de déterminer qui fait partie de la population tamoule dans le pays.
    L'Église catholique est là depuis très longtemps, et elle compte des membres et des fidèles de part et d'autre de cette division communale. J'ai réussi, à Jaffna, à obtenir une entrevue avec l'archevêque. On disait de lui qu'il connaissait le schème de pensée des Tigres tamouls. Il était lui-même un Tamoul. Nous nous sommes rencontrés dans le cloître où il habitait. Nous parlions déjà depuis un bon moment quand je lui ai rappelé que je pensais m'entretenir avec un archevêque catholique et non un porte-parole tamoul. Je lui ai demandé s'il pouvait dissocier sa religion du conflit. Il m'a répondu, clairement, non. Donc, même s'il y a des catholiques dans les deux camps, l'ethnicité et la culture semblent être les sources de division les plus importantes.
    Monsieur Tepper, brièvement, vous avez évoqué le concept du redéveloppement équitable. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Cela faisait partie de ma conclusion finale. La mise en place de programmes, par le Canada, dans certains États clés comme le Pakistan ou le Sri Lanka serait peut-être plus efficace que l'approche sectorielle individuelle adoptée par l'ACDI, le ministère des Affaires étrangères et d'autres organismes.
    Le redéveloppement équitable signifie que les deux parties au conflit doivent participer au processus et en retirer quelque chose. Il doit apporter dignité et justice, et  — si je peux m'exprimer ainsi — prévoir un contenu canadien clair défini par une approche qui est axée sur les mesures dl'accommodement, l'inclusion, le partage des pouvoirs. Cette crise particulière peut ouvrir la voie à l'élaboration d'une politique étrangère canadienne à la fois distincte, dynamique et efficace. Toutefois, il faudra déployer certains efforts pour y arriver.
    Merci, monsieur Tepper.
    Monsieur Rae.
    Merci.
    Je tiens à féliciter les témoins que nous accueillons aujourd'hui. Cette discussion est fort stimulante.
    Monsieur Tepper, je voudrais revenir sur un point que vous avez mentionné, non pas pour le contester, mais pour en discuter plus à fond.

  (1700)  

    D'accord.
    Il est vrai que Prabhakaran est devenu un personnage culte. Il n'y a aucun doute là-dessus. Or, vous dites qu'aucune solution ne pourra être trouvée tant qu'il restera chef ou qu'il occupera un poste d'autorité — et M. Bush pourrait peut-être intervenir dans le débat en raison de son expérience. J'ai l'impression qu'au cours des deux ou trois dernières années, nous avons assisté à une sorte de repli au sein de la communauté cingalaise, alors que pendant dix ans environ, elle a affiché une grande ouverture sur divers fronts.
    Je ne dis pas qu'il s'est passé quelque chose. Je dis tout simplement qu'elle affichait une grande ouverture. Nous pourrions promouvoir le fédéralisme, entreprendre toutes sortes de démarches, et entamer un dialogue intéressant. Toutefois, les frères Rajapaksa ne veulent rien savoir de tout cela. Je me demande s'il n'y a pas eu, à tout le moins, un durcissement radical des positions de part et d'autre, durcissement qui constitue le véritable défi auquel nous sommes confrontés depuis quelque temps.
    Comme vous le savez, je respecte beaucoup votre opinion en la matière. Il y a deux facteurs qui doivent être pris en compte. Il y a d'abord le rôle de M. Prabhakaran. Je constate, après avoir longuement observé la situation, qu'il demeure fidèle à ses objectifs et que la population continue de lui témoigner sa loyauté. Tant qu'il exerce un contrôle opérationnel... s'il devenait une figure emblématique, était envoyé à l'étranger où il rédigerait de savants ouvrages sur la tactique ou était mis à l'écart d'une autre façon, l'équation ne serait plus la même, car aucun autre dirigeant dans ce mouvement n'exerce le même attrait que lui.
    Ensuite, nous avons peut-être un rôle à jouer dans ce que l'on appelle — si je peux m'exprimer ainsi — le triomphalisme cingalais. La communauté cingalaise a évolué au fil des ans. J'ai moi aussi parlé du fédéralisme. En 1983, j'ai été appelé — ce qui est absurde — à faire partie d'un groupe de sages. Nous étions trois, et nous avions pour mandat de nous rendre au Sri Lanka pour parler du Canada. On m'avait averti de ne pas prononcer le mot « fédéralisme », mais uniquement d'en parler. Ce n'était pas évident.
    Il est vrai — et Ken Bush peut en témoigner  — que la communauté cingalaise, pour l'instant, ressent un élan triomphaliste, sauf que tout le monde est las de cette guerre. Les gens veulent la paix. Si nous arrivons à mettre de l'avant des propositions qui comportent, comme je l'ai déjà mentionné, des éléments équitables, les dirigeants vont être obligés de conclure une entente.
    Merci, monsieur Tepper.
    Monsieur Bush.
    La situation est encore plus compliquée que ne le laisse entendre Elliot. Il n'est pas uniquement question ici d'un double complexe de minorité, mais d'un triple complexe de minorité, si nous incluons les musulmans de l'Est. Il faut tenir compte de l'hétérogénéité qui existe au sein des communautés tamoules et cingalaises.
    Si Prabhakaran a été perçu comme le grand chef du mouvement des Tigres de l'Eelam, son rôle, après 2004, a été affaibli par suite de la création d'un groupe dissident, soit les paramilitaires tamouls pro-gouvernementaux dans l'Est. Le mécontentement observé chez les Tamouls de cette région est attribuable à l'existence de castes sociales. Quand nous faisons allusion aux Tamouls du Sri Lanka, nous devons parler des Tamouls de Jaffna, des Tamouls de la côte Est, des Tamouls des plantations, des Tamouls qui vivent à Colombo depuis des générations. C'est très compliqué.
    Lorsque nous évoquons les diverses possibilités et conditions qui doivent servir de base à un scénario d'après conflit, nous devons aborder les questions de gouvernance et de leadership. Le fait de concentrer tous nos efforts sur un seul personnage ne peut que nous nuire.
    Pour ce qui est des investissements et du développement équitable, nous devons utiliser comme point de départ le contexte actuel. Les structures de gouvernance, sur les plans économique et politique, ont été décimées. Toutefois, nous devons tenir compte du fait que l'économie sri-lankaise dépend pour beaucoup de ce conflit. D'après les données économiques de 2000-2001, 31 p. 100 de l'économie du Sud dépendait de l'envoi d'argent des militaires. Les soldats — les hommes, les femmes, les enfants — envoyaient de l'argent aux villages de cette région. Ce pourcentage est trois fois plus élevé que les sommes allouées au plus important programme de réduction de la pauvreté qu'ait connu le Sri Lanka. La guerre est devenue une activité commerciale qui se perpétue. Si la paix était conclue d'un coup de baguette magique, de graves problèmes économiques surgiraient. C'est un facteur qu'il faut garder en tête.
    Merci, monsieur Bush.
    Monsieur Dorion.

[Français]

    Ma question s'adresse aux deux témoins.
    Jusqu'ici, on n'a pas beaucoup parlé du rôle de l'Inde dans tout ce contexte. L'Inde compte une très grande communauté de Tamouls; en fait, elle comprend un État tamoul. L'Inde est-elle intéressée à continuer à jouer un rôle au Sri Lanka pour essayer de rapprocher les parties ou, au contraire, a-t-elle été dégoûtée des résultats de ses interventions précédentes? Pourriez-vous nous en parler un peu?

  (1705)  

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que la région dans son ensemble est indocentrique. L'Inde s'est brûlé les doigts au Sri Lanka. L'entente signée en 1987 a entraîné l'envoi de près de 100 000 soldats de la paix indiens dans l'île. Quelques semaines après leur arrivée et la mise en oeuvre du cessez-le-feu, les troupes indiennes se sont retrouvées en conflit direct avec les TLET.
    Il y a un point important qui n'a pas été mentionné. C'est entre 1987 et 1990 que le Sri Lanka a connu les pires violences. Entre 60 000 et 80 000 personnes ont été tuées. Des corps gisaient au coin des rues, étaient charriés par les eaux des rivières. Il ne s'agissait pas d'un conflit qui opposait les Tamouls aux Cingalais, mais d'une guerre civile cingalaise.
    Le conflit a été précipité par l'arrivée des troupes indiennes dans l'île. Le milieu politique sri-lankais est très sensible à toute forme d'influence indienne. Le régime Rajapaksa et les gouvernements antérieurs ont très bien su exploiter cette crainte. Ils ont réussi à mobiliser le soutien politique dont ils avaient besoin en évoquant la menace venant de l'Inde.
    Cela dit, rien ne se fera à l'échelle internationale sans la participation de l'Inde. Elle joue un rôle sur divers fronts. Au début des années 1980, c'est elle qui armait et formait les cinq ou six grandes factions tamoules qui existaient à l'époque. L'Inde doit être considérée comme un joueur. Le fait d'avoir perdu un premier ministre aux mains des TLET et un grand nombre de soldats lors de la mission de maintien de la paix la rend hésitante. Mais elle doit être prise en considération, et tout effort concerté doit l'inclure.

[Français]

    D'un autre côté, si un jour il y a un État tamoul au nord du Sri Lanka, cela pourra-t-il encourager le mouvement pour l'indépendance du Tamil Nadu en Inde?

[Traduction]

    Absolument. Nous l'avons vu par le passé. Des Tamouls ont franchi le détroit de Palk qui sépare le Sri Lanka de la région Sud de l'Inde.
    Nous avons été témoins, au début et au milieu des années 1980, des contrecoups de l'entraînement et de la formation aux explosifs reçus au Sri Lanka dans le Sud de l'Inde, qui doit composer avec ses propres mouvements nationalistes tamouls. L'État fédéral doit composer avec les tensions qui existent entre la province indienne de Tamil Nadu, au Sud, et Delhi, au ord.
    La situation est donc très délicate, comme nous avons pu le constater.
    Nous avons plus ou moins fait le tour de la question. La veuve de Rajiv Gandhi est devenue, après l'assassinat de ce dernier, le politicien le plus important en Inde. M. Prabhakaran fait l'objet d'un mandat de condamnation à mort, comme ils l'appellent, mais on doit d'abord le capturer.
    Toutefois, l'Inde a changé de position. À l'heure actuelle, le parti...
    C'est très compliqué, comme je l'ai déjà mentionné. Lorsque nous commençons à entrer dans les détails, nous sommes obligés de parler des personnalités, des groupes d'intérêt. La province de Tamil Nadu compte deux partis politiques. Il n'y en avait qu'un seul, mais il s'est scindé en deux. Le représentant qui avait l'habitude d'appuyer les Tigres fait maintenant parti du cabinet fédéral. Un autre parti les oppose maintenant. Il est davantage pro-TLET.
    L'Inde vit une véritable dynamique. Vous avez tout à fait raison de dire que l'Inde n'est pas un joueur indifférent. Elle n'est pas qu'un simple spectateur.

[Français]

    Il n'y a pas d'autres questions?
    Monsieur Obhrai.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour cette analyse. Les renseignements que j'ai recueillis cadrent, à toutes fins pratiques, avec ce que vous dites.
    Vos commentaires, vos propos, sont pertinents. Les défis sont énormes, trop nombreux et très sérieux. Toutefois, la communauté internationale est fatiguée de cette guerre sans fin. Même l'Inde, j'en suis sûr, en a assez de cette constante apparition de crises humanitaires.
    Il existe, au Canada, une forte communauté ou diaspora tamoule. C'est la plus importante, si je ne m'abuse, en dehors du Sri Lanka et de l'Inde. Concernant le rôle de cette diaspora, pour revenir à ma dernière question, il y a de nouveaux joueurs qui se manifestent. Les TLET sont, probablement, sur leur déclin. Ils ont un passé trop lourd. Je ne conteste pas ce que le dernier intervenant a dit, à savoir qu'ils n'ont plus d'influence et que si la situation politique ne s'améliore pas, quelqu'un d'autre va les remplacer.
    Il faut résoudre le problème politique. Autrement, quelqu'un d'autre va prendre la place des TLET et poursuivre le combat. La communauté jeune et dynamique qui vit à l'extérieur du Sri Lanka a un rôle majeur, déterminant à jouer. Plusieurs ont évoqué l'idée de transplanter le système fédéraliste canadien là-bas. Vous en avez fait allusion.
    Il est vrai que le gouvernement sri-lankais actuel est un tenant de la ligne dure, ce qui n'était pas le cas du gouvernement antérieur. Je ne sais pas pourquoi il agit ainsi, mais la communauté internationale doit exercer des pressions sur lui, que ce soit par l'entremise de l'APD ou par un autre moyen. Cela dit, nous devons, collectivement parlant, utiliser la diaspora. Nous devons solliciter sa participation, mais nous devons trouver une approche nouvelle. Nous devons agir sans délai. Je pense que vous avez dit quelques mots à ce sujet
    La question que je voudrais vous poser, et que j'ai posée à la communauté tamoule, est la suivante: la communauté a-t-elle entrepris un débat sur les objectifs à atteindre, la quasi-disparition des TLET, la ligne dure adoptée par le gouvernement, la marche à suivre?

  (1710)  

    Monsieur Bush.
    Au cours des deux dernières années et demie, plusieurs projets de recherche ont été lancés en Grande-Bretagne, en Suède, en Australie, sur la participation de la diaspora au processus de consolidation de la paix.
    Tout le monde sait que la diaspora est perçue de manière négative. Je fais allusion à la diaspora dans son ensemble, et pas uniquement à la diaspora tamoule, érythréenne. Je parle en termes généraux. Toutefois, on accorde de plus en plus d'attention aux rôles qu'elle peut jouer au chapitre de la consolidation de la paix.
    Pour ce qui est du contexte canadien, et plus précisément de la communauté tamoule au Canada, il est important que l'on tienne compte des jeunes tamouls qui font partie des première, deuxième et troisième générations. Toutefois, notre situation est un peu bizarre. Les TLET exercent à Toronto une influence énorme. C'est plutôt étrange. Je m'explique. J'ai rencontré des gens qui ont fui le Sri Lanka en raison de l'intimidation exercée par les TLET, les meurtres commis par ces derniers. Ces gens sont venus ici dans le but d'échapper à cette situation. Or, voilà que j'entends une étudiante à l'université dire qu'elle adhère à la cause du mouvement des TLET, qui ont tué son oncle.
    La diaspora a un rôle à jouer au chapitre de la consolidation de la paix ici, au Canada, mais nous devons faire attention aux personnes avec qui nous faisons affaire, à la façon dont nous abordons la question. Le dossier est très ambigu, très difficile, très politique. Nous devons saisir l'occasion importante qui s'offre à nous, mais en agissant avec grande prudence.
    Merci beaucoup, monsieur Bush.
    Monsieur Tepper.
    Le député sait que j'ai réalisé quelques études — il y a plusieurs années de cela — sur le rôle de la diaspora au Canada. Comment faire en sorte que ces gens venus de partout deviennent un atout pour le Canada est une question beaucoup plus large. Pour ce qui est des conflits, Ken Bush a parlé du fait que les diasporas remplissent souvent un rôle négatif. Elles ont tendance à se croire supérieures aux autres, à avoir une vision dépassée de leur pays. Les jeunes à l'étranger qui se cherchent un objectif se font continuellement recruter, une fois qu'ils ont atteint la majorité, pour défendre les causes chères au peuple, même s'ils font maintenant partie de la troisième génération. Les diasporas ont peut-être un rôle à jouer, mais il faut aborder ce rôle de manière « prudente ».
    Permettez-moi de vous raconter quelques histoires, parce que c'est tout ce que nous avons. Je me suis fait un devoir, à Jaffna, de réaliser des entrevues. Il y avait, à l'époque, un gouvernement d'interrègne. Ils exerçaient un contrôle sur lui. Des Tigres tamouls connus parcouraient les rues. Des Tamouls m'ont dit, alors que j'étais sur place, et d'autres personnes ici m'ont fait le même commentaire, récemment, quand Amnistie internationale a organisé une conférence sur le Sri Lanka, et on m'a répété la même chose presque 10 ans plus tard, à la fois là-bas et ici, « Aidez-nous. Donnez-nous ce que nous vous demandons. Donnez-nous les pouvoirs dont nous avons besoin. Nous allons nous débarrasser des Tigres. » J'ai entendu ces paroles alors qu'il était dangereux de les prononcer. Je les ai entendues d'un rédacteur en chef, à Jaffna, et encore ici, récemment, dans la rue et dans une salle de conférence, à Ottawa.
    Encore une fois, peu importe ce que la diaspora au Canada peut penser, la population sri-lankaise en a assez de cette guerre, comme vous l'avez mentionné. Nous voulons nous aussi qu'elle prenne fin.
    Concernant le redéveloppement équitable, si le Canada peut jouer un rôle à cet égard, indiquer aux parties concernées... et elles sont nombreuses. Nous n'avons même pas parlé des Moors et des Burghers. Si nous sommes en mesure de leur dire: « Le Canada a une solution à proposer, et nous sommes prêts à vous aider », et que nous arrivons ensuite à trouver une façon de les appuyer, nous trouverons peut-être, parmi cette diaspora, l'équivalent d'un corps des volontaires de la paix, d'un corps de reconstruction. Qui sait ce que l'avenir nous réserve si nous arrivons à passer d'un cycle négatif à un cycle positif?
     Voilà où nous en sommes à l'heure actuelle. Voilà l'occasion et le défi qui s'offrent à nous.

  (1715)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la question suivante.
    Monsieur Dewar.
    Je veux poursuivre sur cette lancée et aborder un point déjà mentionné par M. Bush — je pense que vous étiez tous les deux d'accord —, soit la structure de l'économie. C'est la première fois que j'en entends parler. Comment peut-on retourner vers un cycle positif quand l'économie s'appuie sur l'argent envoyé par les militaires? Je ne vois pas comment on peut y arriver. Je suis peut-être...
    Pour ce qui est de fournir de l'aide humanitaire et des logements, je ne suis pas contre. Il faudrait absolument qu'il y ait un cessez-le-feu. Mais ce que vous dites, ici, c'est qu'il sera très difficile de faire quoi que ce soit tant que ce problème plus vaste ne sera pas réglé.
    Que proposez-vous?
    C'est à cela que je faisais allusion, plus tôt, quand je parlais des mesures de soutien. Nous devons changer l'équation. Les jeunes doivent avoir l'occasion de poursuivre une carrière pour éviter d'être recrutés comme soldats, parfois par la force.
    Le Canada va-t-il agir de façon unilatérale plutôt que multilatérale et s'assurer que l'économie sri-lankaise offre des possibilités? Qu'en est-il des tarifs? Que faisons-nous pour promouvoir l'établissement de liens positifs avec la diaspora? Nous évitons le sujet. Nous ne parlons que de la guerre. Discutons plutôt des moyens de bâtir l'économie, de la façon dont les jeunes peuvent occuper leur temps au lieu de s'entraîner pour la guerre.
    Monsieur Bush.
    Il y a une ONG canadienne qui est présente au Sri Lanka depuis près de 20 ans. Il s'agit de l'EUMC, l'Entraide universitaire mondiale du Canada. Elle offre des programmes de formation très techniques dans l'Est. Elle est restée sur place, beau temps mauvais temps. Les projets de développement ont ceci d'intéressant qu'ils permettent aux jeunes d'acquérir une formation professionnelle qui permet d'ouvrir la porte à des solutions de rechange.
    J'ai parlé, plus tôt, de la nécessité d'examiner l'aide au développement que nous allouons dans un contexte de paix et de conflit. Montrer à quelqu'un comment utiliser des blocs de béton pour construire des latrines est une bonne chose. Toutefois, cette personne pourra également utiliser ces connaissances pour construire des repaires fortifiés.
    Si je le sais, c'est parce que j'ai mené des études dans l'Est, notamment avec l'EUMC. L'organisme sait exactement qui participe à un programme et ce que fait ensuite la personne. Il ne veut absolument pas perdre de vue les personnes qu'il forme, car il veut éviter que l'autre camp tire parti de l'apprentissage acquis. Les compétences électroniques sont elles aussi facilement transférables. Donc, au niveau local, il est possible de créer des solutions de rechange. Toutefois, je pense que vous avez bien cerné le dilemme qui se pose: comment régler les problèmes structurels aux niveaux macroéconomique et microéconomique. Pour l'instant, l'approche adoptée à l'égard de la résolution des conflits est complètement militarisée. Les enjeux sociaux, politiques et économiques sont tous définis dans un contexte militaire. Or, si un enjeu est perçu comme un problème militaire, la solution, elle, va être militaire. Comment briser ce cycle? Je ne le sais pas.

  (1720)  

    J'aimerais ajouter un commentaire. Ken Bush a parlé, plus tôt, de la complexité de la situation. Nous ne faisons qu'effleurer la surface du problème. Il y a eu, à un moment donné, un soulèvement organisé par des jeunes Cingalais, les JVP. Il s'agissait d'une organisation marxiste composée de jeunes dont les frères et soeurs plus âgés ne pouvaient trouver un emploi. Ils étaient brillamment organisés. Leur objectif était de mener une révolution de 24 heures. En fait, ils se sont presque emparés, une nuit, du pouvoir. Ils font maintenant partie des forces réactionnaires au sein du gouvernement et s'opposent à toute concession concernant la minorité tamoule.
    Ils n'avaient pas de possibilités d'emploi, pas de carrière qui s'offraient à eux. Ils n'avaient rien. Ils ont donc volé les armes de leur père et se sont presque emparés, une nuit, du pouvoir.
    Monsieur Bush.
    Puis-je ajouter quelques mots rapidement? Nous devrions peut-être également concentrer notre attention sur la diaspora. Quand nous jetons un coup d'oeil aux diverses conflits qui existent de par le monde — je songe aux Balkans et à ce qui s'est passé là-bas —, nous constatons que, une fois l'entente signée, les réfugiés reviennent. Je pense qu'il faudrait développer les compétences en gestion d'entreprise des Cingalais et des Tamouls qui vivent à l'étranger. Il s'agit là d'une véritable ressource.
    C'est ce qu'il faut faire.
    Permettez-moi de vous donner un exemple bien concret. Je m'occupe de faire venir des étudiants sri-lankais pour qu'ils participent à notre programme. Nous pourrions envisager de mettre sur pied le même genre de programmes que ceux offerts par Jeunesse Canada Monde, et de les adapter aux besoins des membres de la deuxième et de la troisième générations de la diaspora qui viennent de toutes les zones de conflit et qui retournent dans leur pays ou ailleurs après le conflit. La signature du cessez-le-feu, en 2002, a été suivie du retour spontané de jeunes Tamouls et de jeunes Cingalais dans leur pays.
    Il est vrai que les conditions politiques ne sont pas encore réunies, mais nous pouvons les préparer de façon concrète. C'est un domaine où le Canada possède de l'expérience, et ce, grâce à Jeunesse Canada Monde et à l'EUMC.
    Merci, monsieur Bush.
    La dernière question sera posée par M. Goldring.
    Merci, monsieur le président.
    Pour revenir à la diaspora, il semblerait que le groupe qui a rencontré les diplômés sri-lankais provenait surtout de la diaspora tamoule. Nous avons l'impression, par le fait même, que la diaspora sri-lankaise est composée de nombreuses factions, de nombreux groupes différents. Il serait difficile de les rassembler. Je ne sais même pas si c'est possible ou faisable.
    J'aimerais que l'on fasse un petit retour en arrière, pour mieux comprendre la problématique. Quand les Britanniques étaient au pouvoir, quel était le pourcentage de Tamouls dans la population à l'époque? A-t-il évolué? On a dit que les Tamouls représentent aujourd'hui environ 12 p. 100 de la population. Quels étaient les pourcentages à ce moment-là? Quels problèmes les Britanniques ont-ils rencontrés? Comment se fait-il que leur système de gouvernance, à toutes fins pratiques, n'était pas confronté à toutes ces difficultés? Avaient-ils, pour politique, de n'exclure aucun sous-groupe? Ils devaient avoir une telle politique pour jouir d'une paix relative. Jouissaient-ils, dans les faits, d'une paix relative?
    Vous pourriez peut-être nous expliquer, monsieur Bush, ce qui s'est passé sous les Britanniques, et nous dire quelles leçons ont été tirées de cette expérience, leçons que nous devrions peut-être examiner de nouveau.
    Vous posez là une excellente question qui n'est pas aussi théorique qu'elle en a l'air à première vue. Nous sommes ici dans le domaine de la sociologie politique, domaine qui consiste à voir comment certains traits d'identité, comme la religion, la langue, l'ethnicité, deviennent politisés au fil du temps.
    Ce qui est intéressant, c'est que les tensions qui ont marqué la période coloniale britannique au début du siècle dernier étaient le fait d'émeutes musulmanes. Il y avait des tensions entre les chrétiens et les musulmans, mais pas vraiment avec les bouddhistes. Il s'agissait surtout de tensions à caractère religieux.
    Après l'indépendance en 1948, comme M. Tepper l'a mentionné, nous avons assisté à la politisation de l'ethnicité, parce qu'il était politiquement utile, pour un parti, de mobiliser les votes en évoquant l'argument de l'identité, une notion qui, bien entendu, n'existe pas au Canada. Pour ce qui est des leçons qu'il faudrait tirer de la période coloniale britannique et de la période d'indépendance, je mentionnerais la politisation, par l'État, de certains traits identitaires. Lorsque des fonds publics sont alloués en fonction de la religion, de la langue, de la couleur ou d'un autre facteur, les groupes commencent à se diviser le long de ces lignes.
    Quel impact cette façon de procéder a-t-elle sur la résolution et la gestion des conflits, le processus de transformation? Qualifier le Sri Lanka de « conflit identitaire » est inapproprié. Il n'y a rien dans le bouddhisme, et nous pouvons en discuter, qui mène forcément au conflit. Ce qui est important, c'est que les allégeances politiques ont été définies. Il existe de nombreux exemples qui montrent que les incitatifs — économiques, communs, qui portent sur la santé des enfants — au sein de différentes communautés rivales peuvent contribuer à les rassembler. Si nous arrivons à trouver des moyens d'accroître les incitatifs qui, d'une part, encouragent la collaboration et la communication et, d'autre part, découragent les conflits, nous allons être sur la bonne voie, que ces incitatifs se présentent sous forme d'investissements économiques ou sociaux.

  (1725)  

    Dans les nombreux pays aux prises avec des difficultés et des problèmes sociaux, il y a un dénominateur commun qui semble se dégager: le régime politique se base sur les divisions ethniques. Cela crée beaucoup de problèmes, de sorte qu'il est difficile d'obtenir des résultats raisonnables. À long terme, le Canada pourrait exercer une influence en faisant la promotion du développement de la démocratie dans les régions comme celle-ci, pour aider à cicatriser les plaies du passé et à emprunter une nouvelle voie.
    Merci, monsieur Goldring.
    Monsieur Bush, vous avez une trentaine de secondes pour répondre.
    Je tiens tout simplement à dire qu'au moment de l'indépendance, les partis politiques n'étaient pas divisés selon les lignes ethniques. Cette division s'est produite quand ils ont eu accès à des incitatifs politiques leur permettant de le faire. Ce n'est pas ce qui s'est produit en Malaisie, par exemple. L'ethnicisation des partis politiques prend naissance de cette façon. Elle dépend des avantages politiques qui en découlent.
    Merci beaucoup, monsieur Bush.
    Monsieur Tepper, je vous remercie encore une fois pour vos commentaires, votre description de l'historique du conflit, et les suggestions que vous avez formulées concernant la contribution et le rôle du Canada.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant une trentaine de secondes, le temps que nos invités quittent la salle. Nous allons ensuite aborder d'autres points.
    Vous avez devant vous un budget qui a été proposé par le Sous-comité des droits de la personne. Le sous-comité souhaite faire approuver ce budget pour convoquer des témoins. Il poursuit son étude sur les droits de la personne en Iran. Le budget totalise 34 550 $.
    Est-ce que quelqu'un peut proposer l'adoption du budget qui a été présenté? Mme Brown en fait la proposition. M. Patry appuie la motion.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci beaucoup, chers collègues.
    La séance est levée.
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