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PACP Rapport du Comité

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La protection des fonds publics - Bureau de l'enquêteur correctionnel

INTRODUCTION

Le Bureau de l’enquêteur correctionnel est un petit organisme indépendant chargé d’examiner les plaintes des délinquants sous responsabilité fédérale. L’enquêteur correctionnel fait office d’ombudsman et mène des enquêtes à la demande du ministre responsable ou de sa propre initiative. Il tâche de régler les plaintes en formulant des recommandations à l’intention du Service correctionnel du Canada. L’enquêteur correctionnel est nommé pour un mandat, renouvelable, d’une durée maximale de cinq ans. L’ancien enquêteur correctionnel, Ronald Stewart, a occupé ce poste pendant 26 ans, de novembre 1977 à octobre 2003.

Le Bureau du vérificateur général a réalisé une vérification du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) après avoir reçu des plaintes anonymes selon lesquelles des pratiques douteuses avaient cours au BEC. Cette vérification était axée sur les pratiques de gestion des ressources humaines ainsi que sur la possibilité de congés non déclarés, l’encaissement des crédits de congés annuels et les frais de voyage et d’accueil des cadres supérieurs du BEC et de l’ancien enquêteur correctionnel. La vérification a porté également sur certains des services financiers et des services de gestion des ressources humaines fournis par le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile[1] au BEC et à deux autres petits organismes indépendants.

Préoccupé par la possibilité d’abus de confiance et l’érosion des mesures de contrôle, le Comité a tenu une audience sur la vérification du Bureau de l’enquê teur correctionnel le 26 mars 2007. Il a alors entendu : Sheila Fraser, vérificatrice gén érale du Canada; Ron Stewart, ancien enquêteur correctionnel; Howard Sapers, enquêteur correctionnel actuel; Charles-Antoine St-Jean, contrôleur général du Canada; Marc O’ Sullivan, secrétaire adjoint du Cabinet, Secrétariat du personnel supérieur et des projets spéciaux, Bureau du conseil privé; de même que Suzanne Hurtubise, sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada.

CONTEXTE

Il ne s’agit pas de la première vérification d’un petit organisme. En 2003, le Bureau du vérificateur général a enquêté sur le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada[2]. Le Comité permanent des comptes publics a tenu trois audiences sur cette vérification-là en octobre 2003 et a publié son rapport en avril 2004[3]. Cette vérification a mis au jour de nombreuses irrégularités concernant les frais d’ accueil et de voyage de l’ancien commissaire à la protection de la vie privée, ainsi que dans les pratiques de ressources humaines du Commissariat. Le Comité a recommandé que la Commission de la fonction publique et le Secrétariat du Conseil du Trésor resserrent la surveillance des petits organismes.

Depuis, le Bureau du vérificateur général a créé de petites équipes chargées d’examiner plus en détail les pratiques des petits organismes. Bien que le montant des fonds publics en jeu soit faible, le risque d’abus de confiance demeure considérable. La vérificatrice générale a dit au Comité que son bureau avait l’intention de se pencher sur l’administration des petits organismes et de présenter un rapport à ce sujet au Parlement en 2008. Le Comité approuve la réalisation d’une vérification de ce genre, l’existence de nombreux cas d’actes répréhensibles dans les petits organismes lui laissant croire à des problèmes généralisés d’administration dans nombre de ceux-ci.

Au cours de l’audience, M. Stewart a remis en question les conclusions de la vérification. Toutefois, lorsqu’on l’a pressé de présenter des faits ou des détails en sa faveur, il a prétexté une mémoire défaillante, le défaut de conserver les documents ou l’impossibilité de consulter des documents. Le Comité approuve fortement les méthodes du Bureau du vérificateur général. Les vérificateurs reçoivent une solide formation et font preuve d’un grand professionnalisme et d’une rigoureuse objectivité. M. Stewart a eu amplement l’occasion de présenter sa version des faits et n’a soumis aucune preuve en sa faveur. Le Comité souscrit aux conclusions et recommandations des vérificateurs, lesquelles sont mesurées, adéquates et équitables. 

PAIEMENTS IRRÉGULIERS ET SUSPECTS

La vérification a permis de déterminer que l’ancien enquêteur correctionnel, Ron Stewart, a commis des abus et des actes répréhensibles graves, dont certains lui ont procuré des avantages personnels substantiels. Selon la vérification, l’ancien enquêteur correctionnel :

  • a touché un salaire non gagné – il a été absent 319 jours des locaux du BEC entre 1998-1999 et 2003-2004, mais a néanmoins été rémunéré (comme il avait droit à 157 jours de vacances payées, 162 jours lui ont été indûment payés);
  • a généré peu de produits de travail en six ans, par exemple, de rapports, de notes de service, de lettres, de courriels, d’appels téléphoniques, de décisions ou de commentaires;
  • s’est fait payer des crédits de congé annuel de manière irrégulière, puisqu’il n’a jamais déclaré les congés pris;
  • a réclamé et obtenu le remboursement de frais de voyage à des fins non professionnelles, comme des sorties pour assister aux parties de la Coupe Grey; 
  • a réclamé et obtenu le remboursement de frais d’accueil à des fins non professionnelles, pour recevoir des relations, des amis et des connaissances, par exemple;
  • a acheté du matériel informatique pour une utilisation non professionnelle;
  • a utilisé un véhicule de l’État à des fins personnelles.

La vérification a permis de relever des paiements irréguliers totalisant 198 000 $ et des paiements suspects d’un total de 127 000 $, tels que présentés dans le tableau suivant (pièce 11.1 de la vérification).

Type de paiement irrégulier, de 1998-1999 à 2003-2004

Montant approximatif

Salaire non gagné

83 000 $

Paiement des congés annuels accumulés

95 000  $

Remboursement de frais de voyage non liés aux affaires du Bureau de l’enquêteur correctionnel

7 000 $

Remboursement de frais d’accueil non liés aux affaires du Bureau

5 000 $

Achat de matériel informatique pour utilisation non liée aux affaires du Bureau

8 000 $

Total des paiements irréguliers

198 000 $

Type de paiement suspect, de 1990-1991 à 1997-1998

 

Paiement des congés annuels accumulés

127 000 $

Total des paiements

325 000 $

Le Comité est scandalisé de cet abus de confiance. Le simple fait que le BEC était un petit organisme ne possédant pas la capacité d’une grande organisation ne peut servir à justifier l’obtention d’avantages personnels injustifiés au détriment du Trésor public. Le Comité croit fermement que l’ancien enquêteur correctionnel doit être tenu responsable de ses actions et rembourser à la Couronne tout paiement irrégulier qu’il a reçu. Lors de son audience devant le Comité permanent des comptes publics, Ron Stewart s’y est engagé. « Je tiens à déclarer au comité et à la population canadienne que si j’ai reçu de l’argent ou des avantages auxquels je n’avais pas droit, j’ai l’intention de les rembourser au mieux de mes capacités. Je vous en fais la promesse [4]. »

La vérificatrice générale a recommandé la présentation au Parlement d’un rapport définissant les mesures à prendre afin de déterminer et de récupérer les sommes versées de manière irrégulière. Le 15 octobre 2007, le ministre de la Sé curité publique a présenté un tel rapport au Comité dans lequel il dit que le gouvernement a récupéré une bonne partie des sommes qui, selon la vérificatrice générale, auraient été touchées de manière irrégulière par l’ancien enquêteur correctionnel. Le rapport précise que : « Les fonds recouvrés incluent des sommes équivalentes aux paiements de congés annuels inappropri és versés au cours de la période visée par la vérification, aux frais de voyage non liés aux affaires du Bureau, aux frais d’accueil personnels et au prix d’un ordinateur acheté à des fins personnelles, dépenses dont la valeur avant impôts s’élève à 112 000 $. » On a joint au rapport une lettre adressée par Ron Stewart à l’enquêteur correctionnel actuel, Howard Sapers, dans laquelle M. Stewart écrit :

En aucun moment, je n’ai eu l’intention de faire quelque chose de répréhensible ou de prendre des mesures qui auraient pu me procurer un avantage personnel. Je regrette profondément toute procédure pouvant être considérée comme inappropriée ou trompeuse. Je vous assure que je suis prêt à rembourser aux Canadiens les montants que j’aurais pu recevoir par erreur. Aussi, sans hésitation, j’accepte de payer la totalité des montants qui sont réclamés par le gouvernement du Canada.

Le Comité apprécie les expressions de regret de M. Stewart et les efforts que celui-ci a faits pour rembourser le gouvernement. Il remarque cependant que M. Stewart est loin d’avoir rembours é la totalité des paiements irréguliers et suspects signalés par la vérificatrice générale dans le tableau précité. En fait, M. Stewart ne semble pas avoir rembours é au gouvernement le « salaire non gagné » et le « paiement des congés annuels accumulés » de 1990-1991 à 1997-1998. Le Comité constate avec inquiétude que les personnes coupables d’abus de confiance peuvent éviter de rembourser intégralement les sommes mal acquises. Il voudrait savoir pourquoi le gouvernement a accepté un remboursement inférieur au montant dû et recommande en conséquence :

RECOMMANDATION 1
Que le gouvernement explique au Comité des comptes publics d’ici le 30 juin 2008 pourquoi il n’a pas cherché à se faire rembourser par Ronald Stewart les sommes que celui-ci a touchées de manière irrégulière en salaire non gagné et en paiement de congés annuels accumulés entre 1990-1991 et 1997-1998 et qui ont été signalées par le Bureau du vérificateur général.

Les pratiques problématiques au BEC touchent également les ressources humaines. La vérification a permis de constater qu’un certain nombre de pratiques en ressources humaines ne respectaient pas les politiques et les pratiques du Conseil du Trésor. Par exemple :

  • sur une courte période, la moitié des employés ont été reclassés ou promus;
  • les concours de dotation n’étaient ni équitables ni publics;
  • trois postes de direction ont été rétroactivement reclassés et dotés.

De plus, des crédits excédentaires du BEC afférents aux exercices 1999-2000, 2000-2001 et 2001-2002 ont été versés à titre de prime aux employés n’appartenant pas à la catégorie de la gestion. Les agents du BEC ont dû manipuler les chiffres pour que tous les employés reçoivent approximativement le même montant, malgré les diffé rences d’échelles salariales. Selon la vérification, ces paiements constituent une infraction à la Loi sur la gestion des finances publiques

Ces pratiques au BEC sont en elles-mêmes inquiétantes, mais le plus troublant demeure que les freins et contrepoids semblent insuffisants pour assurer la conformité des pratiques en matière financi ère et en matière de gestion des ressources humaines aux politiques du Conseil du Trésor, de même qu’aux valeurs et à l’éthique de la fonction publique.

FREINS ET CONTREPOIDS

Si l’ancien enquêteur correctionnel a pu recevoir des paiements irréguliers, c’est principalement parce que le BEC et le fournisseur de services, Sécurité publique et Protection civile Canada (SPPCC), ne possèdent pas de freins et de contrepoids adéquats. Selon la Politique sur les responsabilités et l’organisation de la fonction de contrôleur du Conseil du Trésor, les administrateurs généraux sont tenus de nommer un agent financier supérieur. Il est de la responsabilité de cet agent de veiller à ce que les transactions et les paiements respectent la Loi sur la gestion des finances publiques et soient effectués avec prudence et probité. Si l’agent financier supérieur estime qu’une démarche de l’administrateur général est impropre, il doit tenter de persuader celui-ci d’adopter un autre plan d’action, et s’il échoue, demander conseil au sous-contrôleur général[5].

Le directeur exécutif du Bureau de l’enquêteur correctionnel a signé pendant de nombreuses années à titre d’agent financier supérieur du BEC, mais il croyait que cette fonction était remplie par un fonctionnaire de SPPCC. Il était donc difficile de savoir qui assumait le poste et les attributions d’agent financier supérieur au BEC, et les dépenses irrégulières de l’ancien enquêteur correctionnel n’étaient pas contestées. M. Sapers a dit au Comité que le BEC a retenu les services d’un agent financier supérieur intérimaire afin d’améliorer les politiques et les procédures de gestion du BEC.

Le manque de mécanismes de surveillance efficaces ne concernait pas seulement le BEC. Le BEC étant un petit organisme, il ne possède pas la capacité nécessaire pour mener ses propres activit és de gestion financière et de ressources humaines. Par conséquent, le ministère chargé de la supervision, Sécurité publique et Protection civile Canada (SPPCC), fournissait ces services au BEC. Pourtant, la vérification a permis de constater que les fonctionnaires de SPPCC n’ ont pas contesté ces dépenses et ces pratiques irrégulières en gestion des ressources humaines, et croyaient plutôt que leur rôle se bornait à fournir des services au BEC. Pourtant, comme ils autorisaient les paiements au nom du BEC en vertu de l’article 33 de la Loi sur la gestion des finances publiques, il entrait dans le cadre de leurs fonctions de contester les pratiques irrégulières du BEC.

La sous-ministre actuelle de SPPCC, Suzanne Hurtubise, n’a pas hésité à admettre que son ministère n’a pas rempli comme il se devait son rôle de vérificateur de la conformit é aux règles et aux lignes directrices du Conseil du Trésor. Elle en a également assum é la responsabilité. Elle a déclaré : « À titre d’agente comptable du ministère de la Sécurité publique, c’est moi qui suis responsable de la qualité des services fournis par les agents du ministère aux organismes qui font partie du portefeuille[6]. » Bien qu’elle n’ occupait pas le poste de sous-ministre à l’époque où se sont passés les faits incriminés, Mme Hurtubise a dit que son ministère a formulé un plan de travail afin de mettre en œuvre les recommandations et de régler les problèmes.

Le Comité croit que le BEC et SPPCC sont sincères dans leur volonté d’améliorer la surveillance de la gestion financière et des ressources humaines. Cependant, une récente vé rification des pratiques du BEC en matière de ressources humaines effectuée par la Commission de la fonction publique a permis de constater que les problèmes persistent. Sur dix nominations étudié es, neuf contrevenaient à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, aux politiques applicables ou aux valeurs de nomination. Si le BEC s’est doté d’un plan de ressources humaines et d’un modèle de contrôle des nominations, la mise en œuvre de ces outils tarde. En revanche, il semblerait que la fonction de contestation du fournisseur de services, SPPCC, ait été améliorée.

Soucieux de s’assurer que le BCE et SPPCC font de vrais progrès vers le règlement des probl èmes mis au jour par le Bureau du vérificateur général, le Comité aimerait obtenir des informations précises et détaillées sur les mesures déjà prises par ces organismes pour améliorer la gestion financière et la gestion des ressources humaines et sur celles qu’il leur reste à prendre, de même que sur leur date d’exécution prévue. Le Comité formule la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 2
Que le Bureau de l’enquêteur correctionnel et Sécurité publique et Protection civile Canada présentent au Comité permanent des comptes publics d’ici le 30 juin 2008 des plans d’action détaillés sur la manière dont ils comptent mettre en œuvre les recommandations de la vérificatrice générale.
[1]
Ce ministère porte maintenant le nom de « Sécurité publique Canada », mais le Comité utilisera dans ce rapport son ancienne appellation, compte tenu qu’il s’agit de celui employé dans le rapport de vérification.
[2]
Vérificatrice générale du Canada, Rapport sur le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, septembre 2003.
[3]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Quatrième rapport – Rapport de la vérificatrice générale du Canada sur le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, 37e législature, 3e  session, avril 2004.
[4]
Réunion 45, 1535.
[5]
Conseil du Trésor du Canada, Politique sur les responsabilités et l’organisation de la fonction de contrôleur, 1996, article 7.
[6]
Réunion 45, 1540.