Passer au contenu

PACP Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Le témoignage fait devant le Comité des Comptes publics par la sous-commissaire Barbara George

INTRODUCTION

Le 21 février 2007, le Comité des comptes publics a entrepris l’étude du chapitre 9 du rapport de novembre 2006 de la vérificatrice générale du Canada, intitulé L’administration des régimes de retraite et d’assurances – Gendarmerie royale du Canada. En plus de fonctionnaires du Bureau du vérificateur général, plusieurs officiers supérieurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont témoigné devant lui, dont la sous-commissaire Barbara George.

Lors de l’audition de son témoignage, plusieurs questions ont été posées à la sous-commissaire George au sujet du retrait d’un membre de la GRC de l’enquête menée par le Service de police d’Ottawa, sous le nom de « Projet Probité », relativement à des allégations de fraudes et d’abus dans la gestion des régimes de retraite et d’assurances de la GRC. La sous-commissaire George a nié toute participation et a déclaré qu’elle ne savait pas qui avait ordonné cette mesure. Toutefois, des questions ont tôt fait de surgir concernant la véracité du témoignage de la sous-commissaire George et celle-ci a été convoquée à nouveau devant le Comité à trois occasions, soit les 18 et 30 avril et le 11 décembre 2007; elle a alors maintenu que les réponses données dans son témoignage initial étaient « exactes et honnêtes ».

Le présent document est le compte rendu de l’étude du témoignage du 21 fé vrier 2007 de la sous-commissaire George et de l’évaluation faite par le Comité quant à savoir si la témoin a ou non sciemment induit le Comité en erreur à ce moment‑là, commettant du coup un outrage au Parlement [1].

CONTEXTE

Outrage au Parlement

« Même si elle ne porte atteinte à aucun privilège particulier, toute conduite qui cause préjudice à l’autorité ou à la dignité de la Chambre [2] » peut être considérée comme un outrage au Parlement.  Plus précisément, on peut dire que tout acte qui nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut fonctionnaire de la Chambre dans l’exercice de ses fonctions constitue un outrage au Parlement. Puisqu’il existe peut-être un nombre illimité de façons différentes de faire obstacle à la Chambre, on ne pourrait énumérer ou classifier tous les types d’outrages possibles.

La Chambre et ses comités devraient pouvoir se prémunir contre des actes susceptibles de leur nuire directement ou indirectement dans l’exercice de leurs fonctions. Pour qu’un comité puisse vaquer librement à ses occupations, il devrait y avoir des sanctions imposées aux personnes qui tentent de le gêner dans ses fonctions. Afin de préserver l’intégrité de ses travaux, la Chambre a le pouvoir de sanctionner les personnes ayant commis un outrage à son endroit ou à l’endroit d’un de ses comités. Bien qu’elle use rarement de ce pouvoir, il est important qu’elle le fasse lorsque cela s’impose de façon à marquer sa désapprobation devant ce genre de comportement. 

Une des principales fonctions du Parlement consiste à offrir une tribune pour débattre et approfondir des sujets qui intéressent la nation. Les propos tenus pendant les délibérations du Parlement, ceux des parlementaires comme ceux des personnes venues témoigner devant eux, sont protégés par le privilège parlementaire. Les uns comme les autres peuvent donc s’exprimer librement, sans crainte de voir leurs propos être retenus contre eux plus tard devant les tribunaux ou une autre instance. Si les personnes appelées à témoigner devant les comités jouissent elles aussi du privilège parlementaire, c’est parce que l’on veut qu’elles parlent le plus ouvertement et le plus franchement possible. Sans cette protection pour les témoins, les comités parlementaires auraient passablement plus de mal à mener leurs enquêtes et leurs études. Les témoins seraient plus circonspects et ne livreraient pas aux comités tout ce qu’ils savent ni tout le fond de leur pensée. On pourrait alors douter de la crédibilité de leurs témoignages.

S’ils jouissent de cette protection que leur procure le privilège parlementaire, les témoins doivent en retour donner des réponses véridiques, complètes et exactes aux questions qui leur sont posées pendant les audiences des comités. Les parlementaires s’attendent à des réponses claires, succinctes et conformes à l’esprit des questions qui ont été posées. Ils ne veulent pas voir un témoin attendre qu’on lui pose exactement la bonne question ou jouer sur des détails, un comportement qui serait beaucoup plus indiqué dans un autre cadre. Si une question n’est pas claire, le témoin peut demander des précisions, et s’il n’a pas tout de suite les informations nécessaires pour répondre à une question, il peut s’engager à revenir devant le comité dans un délai raisonnable. En outre, il n’est pas nécessaire pour témoigner de se savoir le dépositaire de la vérité absolue; on peut témoigner selon ses connaissances personnelles ou ses convictions sincères, pourvu que celles-ci s’appuient sur des informations dignes de foi.

Pour que les comités parlementaires soient vraiment efficaces, toutes ces conditions doivent être réunies. Le témoignage d’une personne qui ne répond pas ouvertement et honnêtement aux questions sera entaché, et un comité ne peut effectuer des études ou des examens approfondis en se fondant sur ce genre de témoignages. Donc, bien qu’on ne puisse énumérer tous les outrages possibles, il est généralement admis que le fait de fournir un témoignage mensonger ou de tenter d’induire en erreur la Chambre ou un de ses comités constitue un outrage[3]. La Chambre doit impérieusement reconnaître coupables d’outrage les personnes qui trahissent les faits ou qui mentent au cours de leur témoignage, afin de garantir l’intégrité des travaux de ses comités et des témoignages reçus par ces derniers.

L’enquête criminelle

En juin 2003, des irrégularités sont signalées dans l’administration des régimes de retraite et d’assurances de la GRC. L’enquête interne menée à l’automne 2003 n’ayant révélé aucune faute apparente, la GRC, en mars 2004, demande au Service de police d’Ottawa (SPO) d’ouvrir une enquête criminelle, connue par la suite sous le nom de « Projet Probité ».

La direction de l’enquête est confiée à l’inspecteur Paul Roy, du SPO, mais à mesure que l’enquête avance, de plus en plus de membres de la GRC se joignent au groupe d’enquêteurs. Le sergent d’état-major Mike Frizzell est l’un d’eux. Il s’intéresse aux questions d’assurances et d’adjudication de contrats. Le 20 juin 2005, il reçoit du surintendant principal Doug Lang, au nom du commissaire adjoint David Gork, l’ordre écrit de cesser toute activité dans le cadre de cette enquête.

Témoignage initiale

Lors des audiences du 21 février 2007 du Comité des comptes publics, un membre du Comité a posé une série de questions à la sous-commissaire George à propos du retrait du s.é.‑m. Frizzell de l’enquête. Ce sont les réponses qu’elle a fournies à ces questions qui ont jeté le doute sur la véracité de son témoignage.

M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.) :
Est-ce que M. Zaccardelli ou vous-même avez demandé que le sergent Frizzell soit prié de quitter son bureau et est-ce vous ou M. Zaccardelli qui avez ordonné que l’on mette fin à l’enquête?
S.-comm. Barbara George (sous-commissaire, Ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada) :
Je puis déclarer sans aucune hésitation que ni le commissaire Zaccardelli ni moi-même n’avons fait quoi que ce soit pour, comme vous dites, sortir le sergent Frizzell de son bureau.
M. Borys Wrzesnewskyj :
Pourriez-vous nous dire qui l’a fait?
S.-comm. Barbara George :
Non, je ne le sais pas. Tout ce que je puis dire c’est que lorsque le sergent Frizzell est parti, je crois qu’il est retourné à sa division, la division « A ». Je fais attention à mes mots par respect de sa vie privée mais j’ai cru comprendre que c’était pour des raisons de santé [4].

INDUIRE LE COMITÉ EN ERREUR

Il y a trois points à propos desquels le Comité pense que la sous-commissaire George, dans son témoignage du 21 février 2007, l’a induit en erreur ou, pire encore, lui a caché la vérité.

1. Retrait de Frizzell

Quand on a demandé à la s.-comm. George si elle-même ou l’ancien commissaire Zaccardelli avait ordonné que l’on retire le s.é.‑m. Frizzell de l’enquête, elle a répondu qu’elle n’avait fait « quoi que ce soit » dans ce sens. Le Comité juge cette réponse catégorique extrêmement trompeuse puisque la s.‑comm. George semble avoir oublié toutes ses actions concernant le s.é.‑m. Frizzell. Ainsi, après avoir reçu un courriel de Rosalie Burton, sa subordonnée, lui transcrivant un message téléphonique laissé par le s.é.‑m. Frizzell dans la boîte vocale de cette dernière, la s.-comm. George a cherché à prendre des mesures à l’endroit de celui-ci. Elle a communiqué avec plusieurs officiers supérieurs de la GRC pour savoir de qui il relevait au juste. Voici le relevé de ses actions qui ont mené à l’ordre de retrait signifié au s.é.‑m. Frizzell le 20 juin 2005 :

15 juin 2005

La s.-comm. George écrit au comm. adj. Darrell Lafosse, et l’appelle ensuite. Le comm. adj. Lafosse devait plus tard déclarer au Comité : « J’ai tout de suite compris qu’elle était très mécontente des actions du sergent Frizzell et qu’elle tenait en fait à ce qu’il soit relevé de ses fonctions[5]. »

15 et 16 juin 2005

La s.-comm. George écrit au comm. adj. Bruce Rogerson, qu’elle appelle plus tard. Au dire de ce dernier, « [e]lle souhaitait qu’il soit retiré de son poste parce qu’il avait laissé un message de harcèlement peu professionnel dans la boîte vocale de sa subordonnée[6] ».

17 juin 2005

La s.-comm. George appelle le surint. pr. Doug Lang. Celui-ci a déclaré : «  Elle voulait que quelque chose soit fait, elle voulait qu’on examine la question. Mais pendant notre conversation, elle ne m’a pas ordonné quoi que ce soit [7]. »

18 juin 2005

La s.-comm. George appelle le comm. adj. David Gork, l’agent de liaison de la GRC pour le Projet Probité, qui se trouve alors en France, en détachement à INTERPOL, pour discuter du comportement du s.é.‑m. Frizzell[8] .

20 juin 2005

La s.-comm. George envoie un courriel au comm. adj. Rogerson et trois courriels au comm. adj. Lang. Dans le dernier de ces courriels, elle écrit : « Je vous saurais gré de me faire connaître les mesures prises pour retourner ce membre à son lieu de travail original et de m’indiquer si des mesures de suivi sont envisagées. »

Le surint. pr. Lang lui envoie plus tard un courriel l’avisant qu’il a remis au s.é. ‑m. Frizzell une ordonnance écrite de cessation et d’abstention de ses activités.

La s.-comm. George lui répond : « Doug : Je vous félicite d’avoir agi si rapidement. »

La question de savoir si le s.é.‑m. Frizzell a ou non été relevé de ses fonctions au cours de l’enquête criminelle ou s’il a tout simplement été renvoyé à son unité d’origine[9] a fait l’objet de discussions entre les témoins devant le Comité. Cependant, il n’est pas nécessaire de savoir si le s.é.‑m. Frizzell a vraiment été relevé de ses fonctions. Aux yeux du Comité, le simple fait que le s.é.‑m. se soit vu signifier un ordre écrit extrêmement inhabituel l’enjoignant à mettre fin à ses activités dans le cadre de l’enquête constitue une mesure de renvoi.

Le 11 décembre 2007, la s.-comm. George a déclaré ceci au Comité : « […] je n’ai pas ordonné et je ne souhaitais pas que le sergent Frizzell soit retiré de l’enquête du SPO amorcée 15 mois plus tôt [10]. » Pourtant, dans son courriel du 20 juin 2005 au comm. adj. Rogerson, elle dit souhaiter que des mesures soient prises pour retourner ce dernier à son lieu de travail original, c’est-à-dire pour le retirer de l’enquête. D’ailleurs, ses nombreux appels téléphoniques et courriels ne laissent aucun doute sur ses efforts en vue d’infléchir les décisions concernant le s.é.‑m. Frizzell. Elle a communiqué avec plusieurs officiers supérieurs de la GRC, dont celui qui a signifié l’ordre écrit. Elle a aussi fourni de l’information sur le présumé comportement inapproprié, souhaité que des mesures soient prises à l’égard du s.é.‑m. Frizzell et demandé qu’on fasse le nécessaire pour retourner ce dernier à son service original. Elle a été prévenue quand l’ordre a été signifié et elle s’est dite heureuse que l’on ait agi promptement dans cette affaire. Elle n’a peut-être pas signé elle-même l’ordre de renvoi reçu par le s.é.‑m. Frizzell, mais il serait certainement faux d’affirmer « sans hésitation », comme elle l’a fait, qu’elle n’avait « fait quoi que ce soit » pour que ce dernier soit relevé de ses fonctions. Elle devait savoir qu’elle faisait un faux témoignage en disant cela.

La s.-comm. George soutient qu’elle ne connaissait pas tous les faits entourant le retrait du s.é. ‑m. Frizzell lorsqu’elle a témoigné le 21 février 2007. Elle aurait cependant pu dire ce qu’elle savait et ce qu’elle avait fait. Or, elle n’a même pas pris la peine d’apporter par la suite des éclaircissements à son té moignage. L’ex‑commissaire Beverley Busson a entrepris de fournir au Comité un compte rendu des circonstances entourant le retrait du s.é.‑m. Frizzell et elle a confié à la s.-comm. George le soin de rédiger sa réponse. Après plusieurs demandes de précisions et d’information supplémentaire, une lettre portant la signature de la commissaire Busson a été envoyée au Comité des comptes publics. La commissaire Busson a plus tard déclaré au Comité : « Je sais que ma lettre du 1er mars n’était pas un résumé complet des détails entourant le relèvement du sergent d’état-major Frizzell de ses fonctions [11]. » Il a fallu que d’autres personnes viennent témoigner pour que la s.-comm. George se décide enfin à fournir plus de détails sur ses actions.  

2. Savoir qui a donné l’ordre

Le 21 février 2007, quand on lui a demandé qui avait donné l’ordre en question, la s.‑comm. George a dit ne pas le savoir. Toutefois, dans sa déclaration préliminaire au Comité le 18 avril 2007, elle a indiqué : « Le surintendant principal Lang m’a informée plus tard qu’il avait remis au sergent Frizzell un ordre du commissaire adjoint Gork lui intimant de reprendre ses fonctions habituelles [12]. » Elle faisait alors mention d’un courriel que lui avait envoyé le surint. pr. Lang le 20 juin 2005, où il précisait notamment lui avoir « remis l’« ordonnance écrite » ci‑jointe l’intimant de se retirer de l’enquête ». Voilà qui démontre clairement que la s.‑comm. George avait reçu avis de l’ordre qui avait été donné et savait qui l’avait donné. Elle était au courant de la situation et d’accord avec les mesures prises comme en témoigne sa réponse par courriel au surint. pr. Lang : « Doug : Je vous félicite d’avoir agi si rapidement. » Elle avait donc menti, le 21 février 2007, en disant ne pas savoir qui avait donné l’ordre.

La s.-comm. George a tenté de se justifier en disant que le président du Comité des comptes publics lui avait demandé de ne pas essayer de deviner. Le président lui a bel et bien dit cela, mais seulement après que la s.-comm. George eut refusé par deux fois de répondre. De toute manière, celle-ci n’avait pas besoin de deviner, car elle savait manifestement qui avait donné l’ordre.

3. Raisons de santé

Tout de suite après avoir assuré ne pas savoir qui avait donné au s.é.‑m.  Frizzell l’ordre de se retirer de l’enquête, la s.-comm George a dit que, selon elle, ce dernier était retourné à sa division d’attache pour des raisons de santé. Il est vrai que le s.é.‑m. a pris un congé de maladie, mais c’était après avoir reçu l’ordre écrit de se retirer de l’enquête. Il est important de faire cette mise au point parce que la réponse de la s.-comm. George laisse croire que le retour du s.é.‑m. Frizell à sa division d’attache était parfaitement normal et volontaire et qu’il n’avait aucun lien avec le Projet Probité. La s.-comm. George savait qu’un ordre écrit avait été signifié au s.é.‑m. Frizzell, mais elle s’est bien gardée d’en faire part au Comité le 21 février  2007. En taisant ce fait et en évoquant des raisons de santé, elle a induit le Comité en erreur. Si le Comité avait prêté foi à cette réponse, il n’aurait peut- être jamais eu vent de la troublante possibilité que l’enquête sur l’administration du régime d’assurances de la GRC ait été interrompue prématurément.

CONSTAT D’OUTRAGE

En ne disant pas toute la vérité et en négligeant de fournir des détails ou de raconter certains faits le 21 février 2007, la s.‑comm. George a nui à l’étude menée par le Comité des comptes publics. Elle l’a même induit en erreur en occultant le rôle qu’elle a joué dans le renvoi du s.é.‑m.  Frizzell à son unité originale et en taisant certaines informations au sujet de l’ordre de renvoi signifié à ce dernier, préférant évoquer à la place des raisons de santé. Elle a attendu que d’autres personnes viennent témoigner devant le Comité avant d’informer celui-ci de ses actions.  Il était très important à ce moment- là que le Comité dispose de témoignages complets et exacts, puisqu’il devait décider s’il allait ou non approfondir son étude. La s.‑comm. George a joué un rôle central dans la question à l’étude et son témoignage était indispensable pour établir les faits. Si le Comité s’était fié à son témoignage, il n’aurait peut-être jamais entendu parler du s.é.‑m. Frizzell, devenu par la suite un témoin-clé lors de l’étude plus poussée qu’il a menée.

Lors de sa dernière comparution devant le Comité le 11 décembre 2007, la s.-comm. George a soutenu que les questions qui lui avaient été posées au départ à propos du renvoi du s.é.‑m. Frizzell l’avaient « prise totalement au dépourvu[13] ». Pourtant, le 12 février 2007, au cours d’une séance préparatoire à sa comparution du 21 février 2007, on lui avait bien dit de se préparer à répondre à des questions visant à connaître les responsables du retrait du s.é.‑m. Frizzell de l’enquête appelée Projet Probité [14]. En outre, une motion de convocation du s.é.‑m. Frizzell à comparaître devant le Comité avait déjà été déposée le 14 février 2007. La s.‑comm. George aurait donc dû se rafraîchir la mémoire à propos du s.é.‑m. Frizzell avant de se présenter devant le Comité et être prête à répondre aux questions à son sujet aux audiences du Comité. 

La s-comm. George étant un officier supérieur en uniforme de la GRC, le Comité s’ attendait à plus de sa part comme témoin. Elle est une professionnelle à qui on a enseign é les règles de la preuve et appris à mener une enquête, à recueillir des preuves et à soupeser des témoignages. Elle aurait dû dévoiler au Comité tout ce qu’elle savait à l’époque. Le problème, c’est qu’elle avait une raison de tromper le Comité : le s.é.‑m. Frizzell commençait à remettre en question ses actions et celles de ses subordonnés et il aurait été gênant pour elle, sur le plan professionnel, d’avouer publiquement son rôle dans le retrait de ce dernier.

Le Comité des comptes publics est profondément convaincu de la nécessité de protéger l’intégrité des témoignages faits devant les comités en s’assurant que les témoins fournissent des réponses honnêtes, complètes et exactes aux questions qui leur sont posées. Il est donc absolument essentiel de reconnaître et de sanctionner les personnes qui ont livré un témoignage mensonger ou trompeur. La présente analyse ayant démontré le caractère trompeur du témoignage de la s.-comm. George, un officier supérieur de la GRC qui a comparu en uniforme et qui aurait dû dire la vérité, le Comité recommande :

RECOMMANDATION

Que la Chambre des communes reconnaisse que la sous-commissaire Barbara George a commis un outrage à son endroit en présentant un faux témoignage et en l’induisant en erreur, lors de son témoignage devant le Comité permanent des comptes publics le 21 février 2007. Le Comité également recommande que la  Chambre des communes ne prenne aucune mesure supplémentaire, ce verdict d’outrage constituant à lui seul une très lourde sanction.

CONCLUSION

Tout au long de son étude sur les problèmes d’administration des régimes de retraite et d’assurances de la GRC, le Comité était consterné par le nombre de contradictions dans les témoignages de nombreux témoins et par l’incapacité de bon nombre d’entre eux de fournir des réponses claires à des questions simples. Il est possible que d’autres témoins aient induit le Comité en erreur, mais le caractère trompeur du témoignage de la s.‑comm. George était particulièrement évident.

Le comportement de la s.‑comm. George lors de sa dernière comparution, le 11 décembre 2007, a aussi beaucoup déçu le Comité. La s.-comm. George aurait pu tout simplement s’excuser et reconnaître qu’elle n’avait pas dit toute la vérité. Au lieu de cela, elle a critiqué le Comité, son président et l’ex-commissaire Beverley Busson. Elle a reproché au Comité d’avoir préjugé de son témoignage, son comportement l’obligeant à conclure qu’il n’était pas « vraiment intéressé à entendre [15] » ce qu’elle allait lui dire; elle a affirmé que le président avait dit à l’émission CBC Newsworld « que [son] témoignage n'était pas parfaitement véridique [16] », et que l’enquête lancée contre elle en vertu du Code de déontologie découlait « directement de la réaction de panique de la commissaire par intérim Busson à la frénésie provoquée par les médias lorsque M. Wrzesnewskyj [l’avait] publiquement accusée de parjure[17 ] ». Elle a aussi donné à entendre qu’elle allait poursuivre le surint. pr. Macauley et entreprendre une action en justice contre un membre du Comité. Elle a dit « j’ai l’intention de poursuivre mes démarches [concernant le surintendant principal Macaulay] par les voies appropriées au cours des jours et des semaines à venir [18] » et « [i]l va sans dire que M. Wrzesnewskyj et moi-même sommes opposés de longue date par des conflits qui vont bien au-delà du mandat de ce comité, et je demande qu’ils puissent être résolus devant les instances judiciaires compétentes [19] ». Le Comité juge extrêmement inopportuns ces menaces de représailles et comportements outrageux à son endroit.

Il s’attend à ce que la GRC prenne en considération ses conclusions et sa recommandation, comme le commissaire Bill Elliott s’est engagé à le faire lorsqu’il a comparu devant lui le 11 décembre 2007.

[1]
À noter que les conclusions et les recommandations du présent rapport doivent être examinées séparément du rapport général du Comité des comptes publics sur les problèmes d’administration des régimes de retraite et d’assurances de la GRC (2e Rapport – Restaurer l’honneur de la GRC en réglant les problèmes que pose l’administration de ses régimes de retraite et d’assurances, 2e session, 39e législature). Dans ce rapport, le Comité recommande que la Chambre des communes dénonce le comportement de tous les hauts dirigeants de la Gendarmerie royale du Canada qui en ont miné la crédibilité par leur négligence, leur partialité ou leur malhonnêteté, dont fait partie Barbara George. S’il est fait mention de la sous-commissaire George dans cette recommandation, ce n’est pas en raison de ce qu’on lui reproche dans le présent rapport, mais parce qu’elle a contribué à la culture d’intimidation qui existait à la GRC en étant mêlée à la mutation, contre sa volonté, du surintendant principal Fraser Macauley (un des membres de la GRC ayant joué un rôle actif dans la dénonciation des actes répréhensibles) au ministère de la Défense nationale, et parce qu’elle lui avait dit qu’il était seul dans son camp et que personne n’allait dire la vérité.
[2]
Robert Marleau et Camille Monpetit, La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2000, p. 52.
[3]
Dans The Power of Parliamentary Houses to Send for Persons, Papers and Records, 1999, p. 180, Derek Lee dresse la liste des actions pour lesquelles des témoins ont été trouvés coupables d’outrage au Parlement. En voici quelques-unes : fournir un faux témoignage, taire intentionnellement la vérité et tromper un comité à répétition.
[4]
Comité des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 41, 15 h 45.
[5]
Réunion 52, 15 h 45.
[6]
Réunion 53, 16 h.
[7]
Réunion 53, 16 h 30.
[8]
Il semble que le comm. adj. Gork ait induit le Comité en erreur lorsque, quand on lui a demandé si Barbara George l’avait appelé, il a fait cette réponse : « Je vous dis qui a communiqué avec moi. C’était l’inspecteur Paul Roy, pas Barb George. » (Réunion 46, 16 h 50)
[9]
L’inspecteur Roy, qui dirigeait l’enquête menée par le Service de police d’Ottawa, s’est contredit sur ce point. Il a dit au départ : « Le terme «  retiré » n’est pas juste. Il n’a pas été retiré. Il a été ramené à son unité lorsque l’enquête criminelle a été finie. » Puis, lorsque pressé plus tard de questions, il a dé claré : « J’ai demandé à David Gork qu’il retire le sergent de l’enquête en raison de son comportement déplacé et aussi parce que l’enquête était terminée. » (Réunion 50, 17 h et 17 h 30)
[10]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, réunion 9, 9 h 15.
[11]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 52, 15 h 35.
[12]
Réunion 50, 15 h 35.
[13]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, réunion 9, 9 h 15.
[14]
D’après le rapport d’enquête préparé par le surint. pr. Bob Paulson de la GRC sur les présumées violations du Code de déontologie commises par la s.-comm. George, document intitulé « Rapport au président du Comité permanent des comptes publics sur les circonstances entourant le retrait du sergent d’état-major Mike Frizzell du projet d’enquête sur la probité », p. 75.
[15]
Réunion 9, 9 h 15.
[16]
Réunion 9, 9 h 40.
[17]
Réunion 9, 9 h 40.
[18]
Réunion 9, 9 h 35.
[19]
Réunion 9, 9 h 35.