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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 février 2008

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd'hui notre étude du règlement de l'entente Mulroney Airbus.
    Notre premier témoin est M. Norman Spector, qui a occupé le poste de secrétaire du Cabinet fédéral pour les relations fédérales-provinciales de août 1986 à 1990, date à laquelle il a été nommé directeur de cabinet du premier ministre Brian Mulroney. En 1992, il a été nommé ambassadeur du Canada en Israël et haut-commissaire à Chypre. Il est revenu au Canada au mois d'août 1995, au moment où le premier ministre Jean Chrétien l'a nommé à la présidence de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique.
    Bonjour, monsieur Spector.
    Le 15 décembre 2007, le comité m'a remis la liste des principaux témoins à convoquer dans le cadre de notre étude. Votre nom y figurait et nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation de venir aujourd'hui.
    Je demanderais à la greffière adjointe d'assermenter le témoin.
    Dans mon témoignage, je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Que Dieu me soit en aide.
    Merci, monsieur.
    Comme vous le savez, l'affaire dont nous traitons est très sérieuse et j'espère que vous ne sentirez pas de pression injustifiée au moment de communiquer aux membres du comité les éléments d'information que vous jugez pertinents et essentiels. Nous nous attendons à ce que vous clarifiez certaines questions soulevées devant le comité pour nous aider à mieux les comprendre. Vous ne pouvez pas refuser de répondre aux questions. Toutefois, si vous estimez ne pas devoir répondre à une question pour des raisons valables, vous pourrez m'expliquer vos motifs et je prendrai une décision.
    Pour faciliter la tâche des interprètes, je vous prierais de ne pas parler trop vite. Je vous accorderai tout le temps qu'il vous faudra pour faire votre déclaration, avant que nous passions aux questions des membres du comité.
    Avez-vous des questions?
    Non. Tout est clair.
    Merci beaucoup. Je vous invite à présent à faire votre déclaration.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Comme vous le savez, je ne suis pas ravi d'être à Ottawa aujourd'hui. C'est une question de neige et de météo, oui, mais c'est aussi une question de climat. J'ai quitté cette ville en 1996 à la suite de ma démission de la fonction publique du Canada.

[Traduction]

    J'ai démissionné de la fonction publique dans des circonstances étrangement semblables à celles qui ont entouré ma rencontre brève mais mémorable avec Karlheinz Schreiber, à une différence près. Quand on lui a expliqué les faits, M. Mulroney n'a pas hésité à faire ce qu'il fallait et à enterrer le projet Bear Head.
    En 1996, si mon collègue le sous-ministre de Travaux publics avait tenu tête au ministre qui exerçait des pressions sur nous à l'APECA, il aurait pu tuer dans l'oeuf ce qui est devenu le scandale des commandites.
    Malheureusement, les efforts que votre comité déploie pour prévenir des situations de ce genre à l'avenir sont entravés par le gouvernement, comme nous l'a rappelé le juge Gomery lors du deuxième anniversaire de la parution de son rapport et de notre gouvernement qui n'est plus tout à fait nouveau quoi qu'il en dise.
    Les Canadiens qui ont suivi l'affaire Mulroney-Schreiber ont vu comment le Canada fonctionne vraiment. C'est une affaire de lobbyistes et de jeu de pouvoir de la part du premier ministre et de son cabinet. Mais c'est aussi une affaire qui a trait aux médias.
    Je me demande si vous auriez tenu ces audiences en 2001, alors que Frank Moores était toujours vivant et pouvait témoigner, si le National Post n'avait pas refusé de publier l'article sur les paiements en espèces versés par M. Schreiber — article qui contredisait tout ce que nous pensions savoir au moment où le gouvernement a versé une indemnité de 2,1 millions de dollars à M. Mulroney pour régler sa poursuite en diffamation — ou si William Kaplan avait été interviewé il y a trois ans et non trois mois à l'émission L'heure politique ou La Chambre des communes ou à n'importe quelle autre émission qui présente régulièrement des ouvrages beaucoup moins importants que A Secret Trial.
    Il est presque inimaginable qu'un journal canadien ait refusé de publier un tel scoop, à propos des agissements d'un ancien premier ministre dont tout le monde parle aujourd'hui? Honnêtement, c'est presque impossible à comprendre.
    Ne me posez pas la question sur le journalisme car je vous préviens, je serai intarissable. Je passe l'essentiel de mon temps ces jours-ci à commenter les journaux sur mon site Web et ce que j'en dis n'est pas toujours flatteur.
    Je suis venu aujourd'hui pour vous renseigner sur deux sujets précis, dont le premier est le projet Bear Head. Je crois du reste que c'est pour cette raison que vous m'avez convoqué.

[Français]

    En 1995, j'ai remis à la GRC, à sa demande, une déclaration assermentée sur ce que je savais de ce projet de M. Schreiber.

[Traduction]

    Comme vous le savez, pendant les années 1980, Ottawa grouillait de lobbyistes, dont certains ont fait beaucoup d'argent. L'un d'eux, Fred Doucet, avait un accès extraordinaire au cabinet du premier ministre. Même après avoir cessé d'y travailler, il amenait encore des visiteurs au bureau du premier ministre sur la Colline. Ces rendez-vous n'étaient pas inscrits dans notre agenda et je n'en savais rien, sauf si je tombais par hasard sur certains de ces visiteurs. Cet accès peu commun au cabinet du premier ministre explique peut-être, du moins en partie, pourquoi le projet Bear Head n'est pas disparu pour de bon même après que M. Mulroney l'eût enterré.
(1535)

[Français]

    Comme je l'ai écrit récemment dans Le Devoir, je peux aussi vous aider à identifier la source de grandes quantités d'argent comptant rapportées au 24, promenade Sussex.

[Traduction]

    Très franchement, certains de mes voisins sont restés perplexes quand ils ont appris que vous aviez invité l'ancien cuisinier de M. Mulroney à témoigner, mais je suppose que c'est compréhensible puisque les potins colportés par François Martin au fil des ans ne pouvaient que piquer la curiosité.
    Ces documents que je vous ai apportés aujourd'hui, dont deux sont inédits, font état d'une source d'argent plus prosaïque. Comme ces documents en témoignent, M. Mulroney et sa famille menaient un grand train de vie. On peut comprendre qu'il était préoccupé par son avenir après son départ de la vie politique, et c'est peut-être ce qui explique son empressement à servir les intérêts des riches et des puissants. Dans la postface de l'ouvrage de Kaplan, j'ai illustré cette attitude à l'aide d' anecdotes, dont l'une n'a jamais été rapportée.
    Toutefois, je vous prie instamment de rester vigilants et de ne pas vous laissez distraire par des ragots dignes du magazine Frank.
    Vers la fin du deuxième mandat de M. Mulroney, l'organisme Transparency International plaçait le Canada au cinquième rang des pays les moins corrompus du monde. Quand M. Chrétien a quitté la politique, nous étions tombés au douzième rang. Et à la fin du règne de M. Martin, nous étions au quatorzième rang, ce qui montre bien que la corruption n'est pas le fait d'un seul des deux grands partis politiques.
    Si on regarde les choses sous un jour plus positif, cela veut aussi dire que la solution réside elle aussi dans les deux partis qui, n'ayant jamais été au pouvoir, ne sont pas lourdement impliqués dans le problème. Depuis 2006, le Canada est remonté au neuvième rang, mais comme en témoignent certains faits rapportés par Travaux publics la semaine dernière, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire en sorte que le meilleur pays du monde soit également le moins corrompu au monde.
    Contrairement à Paul Martin qui est intervenu résolument quand le scandale des commandites a éclaté, je doute grandement que M. Harper veuille vraiment faire la lumière sur l'affaire Airbus. Je doute aussi que l'enquête publique proposée permettra de savoir dans quelles poches sont allés les 10 millions de dollars distribués par M. Schreiber.
    Un ministre de Mulroney a évoqué des possibilités plus sinistres lorsqu'il a visité la magnifique nouvelle demeure du PDG d'Earnscliffe, à l'époque une firme de lobbyistes conservateurs, ce qui pourrait étonner certains d'entre vous. Il s'est demandé pourquoi est-il tellement plus lucratif de connaître Harvey André que d'être Harvey André?
    Si vous êtes ici aujourd'hui et si moi, je ne suis pas en train de promener mon chien tout en admirant les premières fleurs du printemps, c'est parce que la GRC a bousillé l'enquête Airbus. J'espère qu'au moment de rédiger votre rapport final, vous vous pencherez sur le système de procureur spécial mis au point par votre ancien collègue l'honorable Stephen Owen en Colombie-Britannique. Mais pour le moment, ce processus bancal est le seul espoir pour les Canadiens de découvrir le fin mot de l'affaire, une affaire dont les députés se sont désintéressés et à propos de laquelle une grande partie des médias a gardé le silence pendant très longtemps.
    En tant que fonctionnaire semi-retraité, j'aurais très bien pu refuser d'écrire la postface de l'ouvrage de M. Kaplan, A Secret Trial, Brian Mulroney, Stevie Cameron and The Public Trust, et continuer à vivre tranquillement à Victoria. Vous avez mis du temps à vous pencher sur cette affaire, mais mieux vaut tard que jamais, à moins que l'exercice ne soit motivé que par des considérations partisanes.

[Français]

    Vous détenez tous les pouvoirs nécessaires, et MM. Ménard et Comartin ont montré le chemin.
(1540)

[Traduction]

    Si vous voulez vraiment faire toute la lumière sur cette affaire, vous n'hésiterez pas à réquisitionner des états bancaires ou les relevés fiscaux. Vous presserez le gouvernement de conclure une entente avec M. Schreiber pour l'inciter à se mettre à table, s'il a des révélations dignes d'intérêt à faire.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant aux questions.
    À vous, monsieur Thibault.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Spector, d'être présent. Je sais que vous vous êtes déplacé de très loin pour venir ici afin d'informer le public canadien par l'entremise du comité de la Chambre.
    J'ai de la difficulté à entendre. Puis-je mettre l'appareil? Allez-y.
    Vous avez dit dans votre chronique publiée dans le journal Le Devoir, tout comme dans celle parue dans The Globe and Mail, que vous pouviez informer le comité des sources de fonds qui ont transité par le 24, promenade Sussex. Vous avez dit que vous pouviez indiquer leur provenance.
    Puis-je vous inviter à le faire maintenant?
    Tout à fait. Je veux apporter une précision. J'ai dit que je serais en mesure de vous aider à identifier les sources d'argent en espèces rapportées au 24, promenade Sussex. « Rapportées » était le mot utilisé dans Le Devoir.
    J'ai trois documents, dont un paquet et deux documents précis. Je vais vous expliquer ce que j'ai et je vais remettre ces papiers à votre greffier.

[Traduction]

    La première série de documents que je vous soumets aujourd'hui montre que M. Mulroney était remboursé à raison de quelque 5 000 $ par mois par le Fonds PC du Canada pour « des dépenses engagées en tant que chef de parti ». Nous remettions parfois cet argent en espèces à Mme Mulroney; parfois nous envoyions un chèque à Alain Paris,

[Français]

le comptable de M. Mulroney à Montréal.

[Traduction]

    Avant de vous laisser poursuivre, saviez-vous comment cet argent avait abouti dans le Fonds PC du Canada? Vous a-t-on déjà renseigné là-dessus?
    Non. Je n'avais rien à voir aux affaires du parti.
    Poursuivez, s'il vous plaît.
    J'ai expliqué tout cela dans la postface au livre de M. Kaplan, qui fait aussi comprendre pourquoi l'article que j'ai fait parvenir au journal Le Devoir n'a pas fait la une dans cette publication ni d'ailleurs dans le Globe and Mail, car les deux avaient le texte. Si l'article n'a pas fait les manchettes dans Le Devoir ni dans le Globe and Mail, contrairement à ce qui s'est passé à La Presse, c'est que les reporters tant du Devoir et du Globe and Mail avaient lu la postface et savaient donc que j'avais déjà rédigé quelque chose là-dessus.
    La première série de documents que j'ai apportés porte sur le remboursement des frais personnels. Un détail aidera peut-être à comprendre la situation; peu de temps avant que je ne quitte le bureau du premier ministre, on m'a avisé de l'existence d'une règle de l'ARC précisant que de tels remboursements ne sont pas imposables; cela signifie donc qu'ils ne constituent pas un revenu. Voilà donc la première série de documents.
    Outre cela, je n'ai appris que récemment que les remboursements accordés à M. Mulroney par le Fonds PC du Canada ne portaient que sur ses dépenses « personnelles ». J'ignore tout des arrangements relatifs à cela — vraiment tout. Toutefois, si j'en juge d'après le document lui-même, il a reçu un peu plus de 100 000 $ pour la période de neuf mois allant d'octobre 1986 à juin 1987.
    Encore une fois, en argent comptant?
    Ça n'est pas précisé. Rien n'indique qu'il s'agissait d'argent comptant, d'un chèque ou autre méthode.
    Sur une base annuelle, cela correspond à 135 000 $. Cela figure dans le deuxième document que j'ai apporté.
    Le troisième document est une feuille récapitulative de l'inventaire effectué par le Parti conservateur au 24 Sussex et au lac Harrington. On y voit que vers la fin du premier mandat de M. Mulroney, le parti ou le fonds — je n'en suis pas sûr, les deux sont peut-être la même chose — avait servi à dépenser 136 000 $ en ameublement général au 24 Sussex et 53 000 $ en ameublement au lac Harrington. Je dépose ce document-là aussi.
    Voilà les documents que j'ai en main, et auxquels je me reportais. Les deux derniers sont nouveaux; je n'étais pas au courant de leur existence. Mais ainsi que je l'ai décrit dans la postface, il existait un arrangement.
(1545)
    À l'époque où vous étiez chef de cabinet. à votre connaissance, est-ce que d'autres sommes quittaient le bureau du premier ministre à destination du 24 Sussex, comme l'a laissé entendre le chef cuisinier Martin?
    Pas du tout.
    C'est ce qu'on a laissé entendre.
    Pas du tout.
    Vous avez vous-même versé certains de ces fonds dans des comptes bancaires?
    Les chèques étaient faits au nom du chef de cabinet du premier ministre. Cet arrangement remontait au premier chef de cabinet et a été maintenu avec les chefs de cabinet suivants. À ma connaissance, cela s'est poursuivi après mon départ, mais je ne l'ai pas vérifié. Quoi qu'il en soit, l'arrangement a bel et bien existé sous le premier, le deuxième, le troisième et le quatrième chefs de cabinet, soit moi. Je suis donc bien placé pour savoir qu'un tel arrangement existait. Le chèque était libellé en fiducie, à mon nom ou au nom d'un de mes prédécesseurs. Il était déposé, encaissé ou que sais-je, puis était remis soit au comptable, soit à Mme Mulroney.
    Dans la postface du livre de Kaplan, vous dites que vos employés examinaient des reçus, des documents et des comptes de dépenses pour voir ce qui relevait des dépenses de bureau. Était-ce aux fins de remboursement par le parti ou de remboursement sur le budget du Bureau du premier ministre?
    Non, c'était associé à cette première série de documents. Il s'agissait du remboursement des dépenses engagées à titre de chef de parti. Le système fonctionnait ainsi: nous avions un employé — à mon époque, en fait, il s'agissait d'un fonctionnaire détaché par le ministère des Affaires extérieures — qui examinait ces documents pour voir, parmi les dépenses de M. Mulroney, lesquelles étaient associées à ses fonctions de chef de parti. Il s'agissait de factures présentées par Mme Mulroney. Ce fonctionnaire approuvait certaines dépenses, mais pas toutes, et lorsque la réconciliation définitive était faite, nous réclamions l'argent au fonds du Parti conservateur du Canada.
    Merci.
    Madame Lavallée, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie d'être ici, monsieur Spector.
     Si je comprends bien, vous êtes plutôt d'accord avec François Martin qui disait qu'au 24, promenade Sussex, l'argent comptant semblait tomber du ciel. Il y avait une culture d'argent comptant qui circulait.
     Pourquoi faisait-on les chèques à votre nom? Pourquoi ne les faisait-on pas à ceux de Mme Mulroney ou de M. Mulroney?
    C'est une très bonne question. Je ne peux pas répondre. Aujourd'hui, je poserais peut-être des questions. Je voudrais signaler deux choses. Premièrement, parlons de ma première rencontre avec le premier ministre Mulroney. Quand il m'a offert ce poste, il m'a expliqué comment fonctionnait le système. Il m'a expliqué que tous mes prédécesseurs s'étaient acquittés de cette tâche et que ce serait un de mes devoirs de chef de cabinet.
     Deuxièmement, cela me semblait assez normal parce que j'avais eu connaissance d'arrangements du même ordre. Je savais, d'après mes lectures de journaux, que M. Davis, quand il était premier ministre de l'Ontario, fonctionnait de façon semblable. Avant d'arriver à Ottawa, j'étais sous-ministre lors du règne de M. Bennett, le premier ministre de la Colombie-Britannique, et lui aussi recevait un supplément de son parti politique. Par conséquent, ça ne me semblait pas trop étrange.
    M. Bennett se faisait-il remettre directement un chèque émis par son parti?
    Je ne sais pas. Je n'étais pas impliqué dans ce processus en vigueur en Colombie-Britannique, je n'étais que sous-ministre. Il avait une secrétaire principale qui occupait des fonctions plutôt politiques.
    Je m'excuse de vous interrompre, mais mon temps est compté.
    Quand vous receviez vos chèques, aviez-vous à fournir des factures, des reçus, quelque chose?
(1550)
    Comme je l'ai dit en répondant à une question de M. Thibault, les factures ont été soumises par Mme Mulroney, et une personne de mon équipe les a scrutées pour déterminer lesquelles étaient des dépenses du parti, et non pas des dépenses personnelles.
    Les dépenses que vous avez vues étaient-elles essentiellement des dépenses personnelles de M. ou Mme Mulroney, ou en avez-vous vu d'autres natures?
    Franchement, je ne les ai pas examinées. J'avais confiance en cette personne de mon équipe. Il était fonctionnaire, il venait du ministère des Affaires extérieures. J'étais convaincu qu'il exécutait sa tâche avec une certaine rigueur.
    À l'époque, ne vous êtes-vous pas demandé pourquoi on ne le donnait pas directement à M. Mulroney?
    Je n'ai pas posé la question.
    Vous n'avez pas posé la question. Un homme intelligent comme vous ne s'est pas dit...
    Même un homme intelligent comme moi n'a pas posé la question.
    C'est étonnant.
    C'est vraiment frappant, oui.
    Mais essentiellement, cela servait à compenser le salaire de Brian Mulroney qui gagnait, à l'époque d'Iron Ore, 400 000 $, alors qu'il ne gagnait que 150 000 $ en tant que premier ministre.
    Je n'ai pas participé à la rencontre où le parti et M. Mulroney ont signé cet arrangement. Je ne sais donc pas quand, pourquoi, ni comment. Tout ce que je sais, c'est que cet arrangement existait.
    Dans La Presse du 14 novembre dernier, on vous a cité. Vous avez dit que l'affaire Mulroney-Schreiber « pourrait s'avérer un des pires scandales de l'histoire canadienne ». Vous reconnaissez-vous dans cette citation?
    Oui.
    Croyez-vous vraiment que le comportement des conservateurs, au moment où vous avez été en poste entre 1990 et 1992, était pire que le scandale des commandites?
    Je ne sais pas. C'est pourquoi je vous demande de poursuivre cette affaire. On ne sait pas dans quelles mains ont abouti au moins 10 millions de dollars. Alors, il se peut...
    Où sont passés les 10 millions de dollars, selon vous?
     Je ne le sais pas. Franchement, je n'exclus pas la possibilité que M. Schreiber ait gardé les 10 millions de dollars. Je ne le sais pas, mais je veux le savoir. Je pense que les Canadiennes et les Canadiens veulent savoir où sont passés ces 10 millions de dollars.
     Je vais donner la parole à mon collègue Serge Ménard.
    Je vous remercie, monsieur Spector, et j'accepte votre appréciation, mais je vous dirai immédiatement que je suis en désaccord avec vous. Ce genre de comité ne permet pas d'aller au fond des choses, à moins de prendre un temps absolument considérable, qui serait probablement supérieur au temps dont dispose un gouvernement. On a à peine quelques minutes pour poser des questions à chaque témoin. Ce n'est rien comparativement à une commission d'enquête.
    Je été plus impressionné par l'habileté que vous avez démontrée lors du témoignage de M. Mulroney. J'étais vraiment frappé par cette extraordinaire...
    Ne perdez pas de temps à me féliciter. Vous pourrez le faire plus tard. Allons tout de suite au fond des choses.
    Vous nous donnez des chiffres: 5 000 $ par mois, ce qui fait un total de 60 000 $ par année. En neuf mois, vous avez vu passer 100 000 $. Dois-je comprendre, selon votre témoignage, que tout cet argent destiné à payer les dépenses des Mulroney provenait de la même source, c'est-à-dire du PC Fund?
    Tout à fait.
    Vous avez commencé votre présentation en parlant de la culture de lobbyistes. Une personne qui voulait influencer le gouvernement dans un sens ou dans un autre ne pouvait pas donner d'argent au premier ministre, qui ne l'aurait jamais accepté, mais pouvait en donner au PC Fund, en supposant qu'une personne du PC Fund en parlerait au premier ministre.
    Peut-être.
    C'est donc ce que vous dénoncez essentiellement.
    Non, moi, je dénonce le système qui existait à Ottawa et qui existe toujours, il me semble.
    Lors de son témoignage, M. Schreiber, un homme d'affaires à l'échelle international, a dit que pour faire des affaires avec le gouvernement du Canada, il faut embaucher un lobbyiste.
(1555)
    C'est tout le temps qu'on m'accorde, mais cela suscite quand même une remarque: au Québec, tout le monde pense que cela ne serait jamais arrivé à René Lévesque.
    Mais vous avez aussi eu... Je me rappelle l'affaire de la firme Oxygène 9, par exemple. J'ai dit que c'est un problème bipartite ici, à Ottawa, car il y a deux partis, les néo-démocrates et le Bloc n'ayant jamais formé le gouvernement. Mais ce n'est pas le cas au Québec. Alors, il y a des histoires...

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Martin, s'il vous plaît.
    Monsieur Spector, merci d'être venu témoigner dans le cadre de ces audiences déplorables. Aussi déplorables qu'elles soient, c'est le seul mécanisme que nous avons actuellement, et nous ne savons pas dans quelle mesure la portée de l'enquête publique pourrait être limitée.
    Je suis d'accord avec vous.
    Je vais m'attaquer immédiatement à une personne qui nous préoccupe, monsieur Spector.
    M. Mulroney a répété à qui veut l'entendre, qu'il n'avait été mêlé en rien au choix d' Air Canada d'acheter le produit Airbus. Et pourtant, il a renvoyé en 1985 13 des 15 membres du conseil d'administration d'Air Canada, et vous étiez à ce moment-là chef de cabinet de...
    Non, je n'étais même pas à Ottawa à cette époque.
    Je suis arrivé à Ottawa en 1986. Par conséquent, je n'étais là que par accident lorsque la GRC est venue à l'APECA pour trouver copie de l'entente dans nos dossiers, puisque l'APECA était la principale organisation dans ce dossier. La GRC ne m'a pas demandé de témoigner au sujet de Bear Head. J'ai commencé à parler avec le sergent, j'ai mentionné que j'avais été au Bureau du premier ministre, et il m'a demandé si je savais quoi que ce soit au sujet d'Airbus. J'ai répondu que non, que c'était avant mon époque, mais que j'étais au courant du dossier Bear Head.
    Désolé.
    Très bien. Je vais donc passer à un autre sujet, celui de l'influence du lobbying des entreprises — c'est une question qui nous préoccupe grandement également — et la fréquence et la régularité des visites des lobbyistes au Bureau du premier ministre. Vous avez dit que certaines de ces réunions étaient imprévues; des gens comme Frank Moores allaient et venaient à leur guise.
    Pas Frank Moores?
    Dans le cas de Frank Moores, je n'ai pas... Je ne suis pas certain. Je parlais de M. Doucet.
    Avez-vous vu M. Schreiber aller et venir...
    J'ai rencontré M. Schreiber.
    ... régulièrement? À quelle fréquence?
    Je l'ai rencontré une fois après qu'on ait remis le dossier de Bear Head. Je l'ai rencontré pour connaître sa version de l'histoire. C'est ce qui m'a finalement amené à dire à M. Mulroney que...
    En quelle année était-ce?
    Ce devait être en 1990.
    Je vois, en 1990.
    Dans une attestation sous serment, M. Mulroney a déclaré qu'en 1996, M. Schreiber n'était qu'une vague connaissance avec qui il avait eu fort peu à faire. Êtes-vous en mesure d'attester de la véracité de cette déclaration?
    À cette époque, je n'étais pas au courant de ses transactions avec M. Schreiber. M. Mulroney m'a effectivement remis le dossier de Bear Head. Mais d'après ce que j'ai appris après 1996, il semble que M. Mulroney ait eu plus que des relations fortuites avec M. Schreiber.
    Merci.
    Je vais laisser la parole à M. Mulcair.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur une déclaration que M. Spector a faite plus tôt. Il a dit en anglais que la GRC botched, ce que je me permettrais de traduire par « avait complètement raté ou foiré dans » l'enquête sur l'affaire Airbus, parce qu'il y a des choses contenues dans le rapport de M. Johnston. Il y a deux choses assez étonnantes dans cela.
    Oui, très étonnantes. Well tilled ground.
    Oui, c'est ça, c'est du terrain bien labouré. Et pour démontrer qu'on n'a pas besoin d'enquêter sur l'affaire Airbus, il cite les deux livres de Stevie Cameron. C'est plutôt étonnant d'utiliser cela pour prouver qu'on n'a pas besoin d'enquêter sur l'affaire Airbus.
    La deuxième chose qui a un lien direct avec la question de la GRC m'inquiète un peu. En effet, depuis le début, il y a un certain flou artistique dans les déclarations de la GRC. Je me réfère à la page 20 de la version française, où M. Johnston dit ce qui suit :
Contrairement aux récentes déclarations de M. Schreiber devant le Comité de l’éthique, la GRC indique que M. Schreiber et son avocat ont été interrogés à plusieurs reprises durant l’enquête. Plusieurs fois, entre les mois d’août 1999 et de septembre 2004 [...]
    Ensuite, il donne d'autres dates, jusqu'en 2006.
     À moins d'une erreur de ma part, tout cela s'est passé après le règlement de l'affaire Airbus. Au cours de vos propres conversations avec la GRC, qui datent de 1995, vous a-t-elle dit qu'elle avait parlé avec M. Schreiber?
(1600)
    Je vais répondre principalement à la première partie de votre question.

[Traduction]

    La nouvelle déclaration de M. Johnston sur le fait que la GRC avait mené l'enquête — et c'est un sujet bien connu — est tout à fait fausse. J'irais même plus loin. Ce renseignement n'est peut-être pas connu de tous, mais je le tire du livre Secret Trial, de Bill Kaplan que vous pouvez vous procurer en librairie.

[Français]

    C'est très difficile.
    Oui, c'est très difficile, et c'était difficile dès le début, madame. Ce livre a presque été tué par le McGill-Queen's University Press.
    On aimerait quand même connaître la réponse.
    Presque tué.
     Excusez-moi.
    Non, non, je veux bien. Vous étiez en train de nous parler de l'enquête.
    Oui.

[Traduction]

    La GRC n'était pas au courant du paiement lorsqu'elle a mis fin à l'enquête en 2003.
    Vous dites qu'elle était au courant?
    La GRC n'était pas au courant du paiement lorsqu'elle a mis fin à son enquête.
    Je puis vous assurer que M. Kaplan — et je suis sûr que vous l'inviterez à témoigner — dispose de sources d'information irréprochables. La GRC n'était pas au courant. Elle avait entendu des rumeurs, ce qui rend la clôture de l'enquête encore plus extraordinaire. Enfin, on ne met pas fin à une enquête pour meurtre au Canada. Les enquêtes peuvent être mises sur la glace, mais il semble extraordinaire que la GRC ait mis fin à une enquête de ce genre, surtout après avoir entendu des rumeurs au sujet d'un paiement en espèces. Mais n'ayant pas confirmé que ce paiement avait eu lieu, elle a mis fin à l'enquête.
    Deuxièmement, pour ce qui est de savoir si elle était au courant ou non, je n'en sais rien. Il faudra poser la question à la GRC. Je soupçonne que dans ce cas-ci, les gens jouent sur les mots quand ils parlent d'Airbus. Bon nombre l'ont fait auparavant. Airbus, c'est d'abord un contrat, mais c'est aussi une transaction qui englobe trois propositions distinctes. Je soupçonne que certains jouent de ce terme pour fournir des réponses un peu évasives. L'exemple que vous avez mentionné en français le prouve.

[Français]

    Je peux vous dire que c'est moi qui ai posé les questions, et quand j'ai posé les questions à M. Schreiber, il était très clair que je voulais savoir si la GRC lui avait parlé avant de verser le règlement de 2,1 millions de dollars à M. Mulroney. Toutefois, ce n'est pas ce qui ressort du rapport de M. Johnston.
    J'avais l'impression, quand la GRC m'a interrogé en 1995, qu'elle était au tout début de son enquête. C'était ma perception, mais c'était une impression basée sur mon pif, et non sur des faits.
    D'accord. Merci beaucoup, monsieur Spector.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Heibert, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, il est du domaine public que la GRC a consacré huit ans et probablement des millions de dollars à une enquête sur des allégations au sujet de l'achat d'appareils Airbus par Air Canada et sur le projet Bear Head. Le fait est que la GRC a annoncé ce qui suit le 22 avril 2003 :
(Traduction) Après une enquête complète menée au Canada et à l'étranger, la GRC a terminé ses recherches relativement aux allégations d'irrégularités mettant en cause MBB Helicopters, Thyssen et Airbus... La GRC a maintenant conclu que les autres allégations ne peuvent être prouvées, et aucune accusation ne sera portée...
    Monsieur Spector, mes premières questions portent sur la pertinence de votre témoignage devant notre comité.
    Pour commencer, pouvez-vous prouver au comité qu'un fonctionnaire a commis quelque irrégularité en ce qui a trait à Airbus?
    Comme je l'ai dit, je n'étais pas à Ottawa lorsque le contrat Airbus a été octroyé.
    Vous n'avez donc aucune preuve que quelqu'un ait commis quelque irrégularité relativement à Airbus?
    Monsieur Hiebert, vous permettez, c'est votre comité qui m'a invité ici aujourd'hui. Votre comité savait que je n'étais pas à Ottawa en 1985. Donc je ne comprends pas pourquoi vous m'interrogez de cette façon. Vous m'avez sommé de venir à Ottawa. Sachant ce que j'ai écrit dans le Globe and Mail et ce que j'ai écrit dans la postface du livre de M. Kaplan, si vous avez lu ces choses, le comité était manifestement d'avis que je disposais d'informations qui étaient pertinentes. Donc, je ne comprends pas pourquoi vous me dites ces choses-là.
    Quant à la déclaration de la GRC que vous avez citée, je ne crois pas la GRC, et je ne crois pas que les Canadiens la croient non plus. Je pense que les Canadiens sont aujourd'hui très sceptiques à l'égard de la GRC. Je pense qu'ils le sont pour toute une série de raisons: à cause des événements qui se sont produits en Colombie-Britannique récemment, à cause aussi d'une certaine annonce qui a été faite au cours de la dernière campagne électorale. Je crois que les Canadiens sont très sceptiques à l'égard de la GRC, et moi, je ne la crois pas. Je pense que vous devriez faire témoigner la GRC sous serment ici, et je vais vous donner le nom de l'inspecteur à qui vous devriez demander si la GRC avait confirmé que ces paiements en liquide avaient eu lieu lorsqu'elle avait mis fin à l'enquête. Je crois que la GRC fait partie du problème ici.
    Vous êtes originaire de la Colombie-Britannique, donc vous savez ces choses. En Colombie-Britannique, deux premiers ministres ont fait l'objet d'une enquête de la part du procureur spécial, un de chaque parti, et des accusations au criminel ont été portées. Les deux ont été acquittés. Cela fait partie de notre système. Notre système judiciaire n'exige pas des condamnations; il exige une justice égale pour tous. Un troisième premier ministre a fait l'objet lui aussi d'une enquête, et le procureur spécial s'est opposé au dépôt d'accusations. Et les gens de la Colombie-Britannique étaient d'accord là aussi.
    À Ottawa, c'est zéro à tous les niveaux de l'exécutif. J'ai été sous-ministre aux niveaux provincial et fédéral. J'ai été sous-ministre à Victoria et à Ottawa. Et je peux vous dire qu'il n'y a pas plus de corruptions politiques à Victoria qu'à Ottawa. Il vous faut un processus transparent.
    Stephen Owen, dans sa recommandation, à l'époque où il était ombudsman de la Colombie-Britannique... se basait sur le raisonnement suivant: pour faire en sorte que la justice soit égale pour tous, et c'est le principe sur lequel notre système repose, il faut parfois avoir des dispositions spéciales en place lorsque des personnes éminentes sont visées, et particulièrement dans les cas politiques. Donc ce qui se passe en Colombie-Britannique, lorsque des allégations sont faites à l'égard d'une personnalité politique, le sous-procureur général adjoint, qui est fonctionnaire de carrière, nomme un avocat de l'extérieur à partir d'une liste établie par l'Association du Barreau et le ministère et c'est cette personne qui va faire enquête et décider si des accusations doivent être portées. C'est un système propre. C'est le système que nos cousins britanniques étudient en ce moment. C'est le système dont M. Harper a mentionné au cours de la dernière campagne électorale, lorsqu'il a parlé de nommer un directeur des poursuites publiques. Ce n'est pas tout à fait ce que nous avons eu, mais c'est le système dont nous avons besoin à Ottawa si nous voulons mettre fin à la descente de notre pays dans l'évaluation qu'en fait Transparency International.
(1605)
    Merci, monsieur Spector. Je suis heureux de voir que notre moyenne s'est améliorée ces dernières années, et j'apprécie la passion que vous portez à cette question. Mais je veux vous donner le loisir de faire part à notre comité de toute preuve que vous auriez sur des méfaits qui auraient été commis. Mes questions sont très sincères. Donc si vous avez la moindre preuve concernant des méfaits qui auraient été commis par des responsables publics, en ce qui concerne l'accord de consultation intervenu entre MM. Mulroney et Schreiber, ou en ce qui concerne la correspondance, ou en ce qui concerne Airbus, ce sont là des éléments qui entrent tous dans le mandat que nous nous sommes donnés, et je tiens à ce que nos échanges demeurent pertinents.
    Donc avez-vous la moindre preuve qu'un méfait aurait été commis dans ces dossiers, avant que je continue?
    Je n'ai aucune preuve dans un cas ou l'autre.
    Très bien.
    En ce qui concerne le projet Bear Head du Cap-Breton, quand le gouvernement a-t-il fini par le rejeter?
    Je ne savais pas qu'il avait été rejeté.
    Je croyais vous avoir entendu dire que M. Mulroney avait mis fin au projet.
    Il y a mis fin, mais il semble qu'il soit revenu. C'était comme le phoenix.
    Je vais vous mentionner deux anecdotes. La première est de Harry Swain, un sous-ministre qu'ont peut-être connu certains députés de l'opposition officielle à l'époque où ils étaient au gouvernement. Lors du premier briefing qu'il a donné à son ministre, John Manley, en 1993, M. Manley lui a demandé: Avez-vous un conseil à donner à un nouveau ministre? Swain lui a répondu qu'il en avait deux: Premièrement, vous devez lire Yes, Minister, deuxièmement, n'acceptez jamais de rencontrer Karlheinz Schreiber. C'était là ses deux conseils.
    La seconde anecdote traite d'une déclaration faite par Glen Shortliffe, qui a été greffier du Conseil privé, et qui parlait du projet Bear Head. Il a dit que c'était comme ce jeu de baraque foraine où il faut enfoncer la tête d'une marmotte avec un marteau: la marmotte revenait toujours. Pour moi, c'était comme le phoenix qui ne cessait de renaître de ses cendres. Et je veux savoir s'il y a plus que de la fumée ici. Ce projet refusait tout simplement de mourir.
(1610)
    Il vous reste une dernière question, monsieur Hiebert.
    Très bien. Mon temps de parole est limité.
    Vous avez dit que vous aviez rencontré la GRC. Pouvez-vous nous dire ce que vous lui avez dit à l'époque à propos de ce que vous saviez concernant le projet Bear Head et la situation d'Airbus?
    Je vais vous faire gagner du temps, tout est dans la déclaration que je leur ai remise et que votre comité peut avoir. C'était une déclaration assermentée, qui était signée. On s'y est référé dans la lettre qui a été adressée au gouvernement suisse. Donc tout est là, et je ne changerai pas un mot de ce que j'ai dit, particulièrement à propos d'une affaire qui s'est passée il y a 13 ans, et je suis sûr que j'avais meilleure mémoire à l'époque que maintenant...
    Avez-vous de nouvelles informations à ce sujet?
    Sur le projet Bear Head lui-même?
    Oui.
    Eh bien, je dispose de nouvelles informations que j'ai obtenues par la suite; par exemple, que le projet refusait de mourir. Quand j'ai quitté le cabinet du premier ministre, je pensais que c'était une affaire finie. J'ai été très surpris, à mon retour du Moyen-Orient, d'apprendre que non seulement le projet n'était pas mort, mais que Marc Lalonde y était mêlé d'une manière ou d'une autre. Je n'en revenais pas.
    Dernière question, avez-vous la moindre preuve d'un méfait qui aurait été commis relativement au projet Bear Head?
    Non, je n'en ai aucune.
    D'accord, merci.
    Merci.
    Monsieur Spector, concernant l'identité de l'enquêteur de la GRC que vous avez mentionné, s'agissait-il de l'inspecteur Al Matthews?
    Excusez-moi, je n'ai pas entendu la question.
    L'inspecteur de la GRC que vous avez mentionné et qui était au courant des trois paiements était-il l'inspecteur Al Matthews?
    Oui.
    Merci.
    En ce qui concerne le rapport de dépenses que vous avez parcouru, les 101 000 $ dépensés entre octobre 1986 et juin 1997, ce qui, annualisé, donnait à peu près 135 000 $, pouvez-vous confirmer au comité que ces dépenses remboursées, qui étaient qualifiées de dépenses personnelles — et elles comprenaient le salaire d'une personne pour leur propre usage, des voyages à Palm Beach, les services satellites de Rome, les billets pour le théâtre, les fleurs, les restaurants — étaient toutes des dépenses personnelles qui n'avaient rien à voir avec le fait d'être premier ministre?
    Je ne peux que confirmer ce qu'il y avait dans ce document. Je n'avais aucune connaissance de cela. Il y avait la mention « personnel », comme vous pouvez le voir vous-même, donc vous en savez autant à propos de ce document que moi.
    Vous avez dit que l'Agence du revenu du Canada avait décidé de ne pas imposer ces déboursements.
    Cela s'appliquait au premier arrangement. Je n'en sais rien, et je ne connais rien en matière d'impôt.
    Merci.
    Monsieur Dhaliwal, pour la deuxième série de questions, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue au comité, monsieur Spector.
    Lorsque vous étiez le trésorier du Parti conservateur au début des années 1990, est-ce que M. Jim Prentice était au courant des paiements faits à M. Mulroney et dont vous avez parlé?
    Je n'ai jamais connu Jim Prentice. Je ne le connais pas encore. Je ne l'ai jamais rencontré, ni à cette époque, ni aujourd'hui.
    D'après leur correspondance, et d'après ce que je connais de toutes ces relations, je crois comprendre que le sénateur Angus, qui siège actuellement au Sénat, jouait un rôle clé dans ces arrangements. Je n'avais jamais entendu le nom de Jim Prentice.
    Vous avez dit qu'à l'époque où M. Doucet travaillait comme lobbyiste, il amenait des gens voir M. Mulroney dans son bureau sur la Colline parlementaire, et que ces rendez-vous n'avaient pas été organisés par votre bureau. Pouvez-vous nous expliquer comment ces rendez-vous étaient organisés?
    Eh bien, la plupart d'entre vous, sinon tous, connaissiez le petit arrangement à l'étage, dans le Bureau du premier ministre qui est situé dans un coin et en face de la salle du Cabinet. D'un côté du premier ministre il y avait la secrétaire — je crois qu'elle est encore en poste aujourd'hui — et de l'autre côté il y a un petit bureau, et c'est là que je travaillais lorsque j'étais chef de cabinet. Mon bureau principal se situait dans l'édifice Langevin, mais je travaillais aussi dans le petit bureau. J'y étais surtout lorsque je me rendais sur la Colline pour rencontrer le premier ministre après la période des questions; j'y travaillais.
    Je voyais M. Doucet qui attendait la fin de la période des questions, puis il faisait entrer quelqu'un qui n'avait pas rendez-vous. Les gens qu'il faisait entrer ne ressemblaient en rien aux petites filles membres des Guides qui seraient venues pour se faire prendre en photo avec le premier ministre. Ces gens portaient des costumes.
    Merci.
    Monsieur Spector, avez-vous une copie — et seriez-vous prêt à la déposer auprès du comité — de la déclaration assermentée que vous avez faite pour la GRC en 1995 au sujet du projet Bear Head?
    À la GRC en 1995? Oui, j'en ai une copie ici. Je suis sûr que vous en avez une copie, mais si tel n'est pas le cas, je serais heureux de vous en remettre une.
    Pourriez-vous s'il vous plaît déposer ce document, monsieur?
    Bien sûr.
(1615)
    Merci.
    Était-ce Lowell Murray qui vous a d'abord informé que Hugh Segal avait pris en charge le projet Bear Head et que ce projet avait continué d'exister après votre départ du cabinet du premier ministre? Pouvez-vous nous expliquer comment cela s'est présenté?
    Oui. J'étais à l'étranger, et lorsque je suis rentré au pays — j'ai vu un article, je crois qu'il a paru dans le Globe and Mail, car c'est le journal offrant la couverture la plus compréhensive du pays, article indiquant que M. Lalonde et M. MacKay avaient cautionné M. Schreiber. Ce devrait être vers 1997 ou 1998.
    J'ai envoyé un courriel à Lowell Murray. J'avais déjà collaboré étroitement avec lui. Il avait été ministre d'État pour les Relations fédérales-provinciales pendant la période de l'Accord du Lac Meech, donc j'avais déjà travaillé avec Lowell Murray et j'éprouve énormément de respect à son égard. Je lui ai envoyé un courriel disant: « Que se passe-t-il? Je croyais que le projet était au point mort. » Il m'a répondu que non, non. J'imite presque Lowell Murray: Ceux d'entre vous qui le connaissaient peuvent l'entendre. « Oh, non, non. Le projet revient toujours. » Il a dit que même Hughie s'en était occupé.
    Lorsque j'ai dit que Hughie s'en était occupé, je ne suggère pas qu'il y ait de faute de la part de M. Segal. D'après ce que j'ai compris, le projet a été ressuscité et M. Segal l'a balayé du revers de la main, lui aussi. Et c'est là que M. Corbeil... mais c'était avant la visite de courtoisie de Karlheinz Schreiber au lac Harrington à la fin de l'époque Mulroney, donc le projet n'était même pas mort après que M. Segal s'en est débarrassé.
    Vous avez indiqué que Schreiber avait pensé à poursuivre le gouvernement pour ne pas avoir donné suite au protocole d'entente de 1988. Quand M. Schreiber a-t-il soulevé cette question auprès de vous et quand en avez-vous entendu parler pour la première fois?
    Il n'a jamais soulevé la question auprès de moi. Il n'était pas si agressif que ça. Lorsque j'avais affaire avec lui — et ce qui me répugnait le plus lorsque j'avais affaire avec lui, c'était qu'essentiellement il procédait à l'avilissement des fonctionnaires — il soutenait qu'il éprouvait des difficultés avec ce projet à cause de certains fonctionnaires à la solde de General Motors, le fournisseur de véhicules blindés légers aux Forces canadiennes.
    Les personnes dont il parlait étaient mes collègues. J'avais fait partie de la même communauté et je les connaissais, et je savais qu'elles n'étaient à la solde de personne.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Hiebert, à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Spector, vous nous avez décrit le système d'argent comptant utilisé au 24 Sussex. Pourriez-vous nous expliquer la pertinence de ce système dans le cas de notre étude.
    Je vous demanderais de vous poser vous-mêmes cette question. C'est vous qui avez demandé à un ex-chef de comparaître; c'est vous qui semblez être intrigué par cette histoire. Je suis venu ici surtout pour parler du projet Bear Head.
    Néanmoins, je crois qu'à titre de citoyen du Canada, je dois vous fournir des renseignements qui, à mon avis, pourront vous aider, et je vous recommande de ne pas donner libre cours à votre imagination. Nous sommes à la recherche de 10 millions de dollars. Nous ne cherchons pas à concilier quelque chose qui a paru dans le livre de Stevie Cameron sur ce que le chef a pu ou n'a pas pu voir au 24 Sussex. C'est une description vivante qui conviendrait bien à la télévision, mais je vous dis que d'après ce que je sais, ce n'est pas ce que vous voudriez faire. Vous devriez être en train de perquisitionner des documents, les écritures de la banque, proposer un marché.
    Le système de justice pénale est tel que ce genre de marché a lieu sur une base quotidienne. Allons savoir quels sont les renseignements détenus par Schreiber. Il se peut qu'il n'ait aucun renseignement. Il se peut qu'il soit en train de déchirer notre pays pour aucune raison. Par contre, il se peut qu'il ait des renseignements. Nous devons le savoir. Qu'attendons-nous. Proposez-lui un marché. S'il a vraiment des renseignements et si son témoignage s'avère être fiable, il restera au Canada, il n'aboutira pas en Allemagne.
    Nous devons faire toute la lumière sur cette histoire si nous voulons servir les intérêts du public. Nous ne réussirons pas à assainir notre système gouvernemental tant que nous ne serons pas allés au fond de cette histoire.
    Et je pense que la meilleure façon de faire cela, monsieur Spector, c'est par le biais d'une enquête publique.
    Mais je dois vous demander pourquoi vous avez soulevé la question des transactions en espèces si vous estimez que ces transactions ne sont pas pertinentes au travail du comité? Voulez-vous nous dire que ce système de remboursement était contraire à l'éthique, ou illégal?
    Je parle de cela dans la postface. Et vous m'avez invité à comparaître ici. Je parle de cela dans la...
    Monsieur Spector, ce n'est pas nous qui vous avons invité. Ce sont les membres de l'opposition qui vous ont invité.
(1620)
    C'était le comité. Vous faites tous partie d'un comité.
    Bon, si maintenant nous parlons du côté conservateur de ce comité...
    Monsieur Spector, je vous pose la question: Aviez-vous des préoccupations éthiques ou morales au sujet des paiements en argent comptant?
    Monsieur le président, j'aimerais...
    Je vous pose la question: Aviez-vous des préoccupations éthiques, morales ou juridiques au sujet du système de paiement en argent comptant?
    La parole est maintenant à M. Spector.
    Je trouve votre commentaire assez intéressant. Vous dites que l'enquête publique est la meilleure façon d'arriver à la vérité, même si votre premier ministre indiquait pendant l'entrevue à Noël que peut-être une telle enquête ne serait pas nécessaire, et quand nous avons reçu un rapport qui indique que cette enquête a un mandat très restreint.
    Donc, franchement, je n'estime pas que votre comité a tous les pouvoirs.
    J'accepte le déni de responsabilité de M. Ménard. Je pense que la règle de 10 minutes constitue un problème, mais il y a des façons de le contourner. Bill Kaplan a proposé un moyen qui vous permettrait de cibler vos questions.
    Monsieur Spector, étant donné que vous évitez de répondre à la question que j'ai posée, dois-je comprendre que vous ne voulez pas parler des transactions en argent comptant que vous avez soulevées à ce comité?
    Manifestement, je ne vois rien de répréhensible dans les opérations en liquide. J'en ai parlé dans la postface. J'en ai parlé sans hésitation et elles ne me posent pas problème. C'est sans doute surtout parce que l'on m'a dit que l'ADRC les avait approuvées. Donc, non, d'un point de vue éthique, non...
    Je vois mal ce que vous voulez suggérer ni pourquoi vous posez la question. C'est quelque chose que j'ai mentionné dans ce que j'ai écrit, des informations qui sont du domaine public depuis trois ans. Je n'ai pas caché cela.
    Puis-je vous poser une dernière question? Où avez-vous obtenu ces documents?
    Je les ai obtenus d'un dossier du cabinet du premier ministre, que j'ai demandé que l'on me constitue avant de quitter le bureau. Je croyais avoir demandé les documents qui avaient trait à ma participation à l'affaire, mais il semblerait que le dossier ait contenu plus d'information. Je l'ai découvert pour la première fois il y a deux semaines, quand je me préparais à ma comparution devant votre comité. C'était une grosse surprise.
    Merci beaucoup.
    Madame Lavallée, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vais partager mon temps avec Me Ménard.
    Diriez-vous, monsieur Spector, que la manipulation d'argent comptant est une pratique courante au 24, promenade Sussex?

[Traduction]

    Je l'ignore.

[Français]

    Tout ce que je sais, c'est ce que je lis dans les quotidiens.
    Est-ce que c'était un système organisé?
    Je n'ai aucune information sur cette question.
    Concernant GCI et Fred Doucet, qui était lobbyiste au moment où vous étiez chef de cabinet...
    Il avait sa propre boîte.
    Il avait sa propre boîte, mais il était très lié avec...
    Son frère, etc.
    En effet, il était lié avec les autres membres de GCI. Avez-vous vu d'autres personnes avoir aussi facilement accès au premier ministre Mulroney que M. Doucet, ou était-il le lobbyiste en chef?
    À mon époque, personne n'avait accès comme lui au bureau du premier ministre.
    Avez-vous reconnu des gens qu'il amenait à l'occasion et qui ne ressemblaient pas à des scouts?
    Non.
    Croyez-vous que les 300 000 $ ou les 225 000 $ que M. Mulroney a obtenus de M. Schreiber après 1993 sont liés à l'affaire Airbus?
    Je ne sais pas.
    Je vais vous poser une question très précise. De quel compte provenaient les chèques que vous receviez?
    Du PC Canada Fund.
    Stevie Cameron explique dans son livre qu'un fonds secret avait été constitué par Guy Charbonneau, un ancien sénateur, afin de subvenir aux besoins de Brian Mulroney. Elle a même indiqué l'institution financière et le numéro de compte. Il s'agirait du Montreal Trust et du numéro de compte 830.
    Vous verrez dans ces documents ce qui est relié à cette question. Je ne pense pas que ça corresponde avec la version de Mme Cameron, mais vous verrez par vous-même.
    Je laisse la parole à Me Ménard.
    Monsieur Spector, vous avez écrit ce qui suit dans Le Devoir: « J'espère également aider le comité à comprendre les motivations et le comportement de mon ancien patron en citant d’autres dossiers. »
    Pouvez-vous citer d'autres dossiers?
    J'ai toujours eu l'impression que M. Mulroney avait un oeil sur sa vie après la politique et qu'il courtisait ceux qui avaient du pouvoir, de l'argent.
(1625)
     Qu'entendez-vous par « courtisait »?
    Je parle de traitements spéciaux. Je vais vous donner deux exemples. Le premier est lié à la décision du National Post de tuer dans l'oeuf cette histoire. M. Mulroney a nommé Conrad Black, quelqu'un de l'extérieur, au Conseil privé. La famille Asper était très reconnaissante envers M. Mulroney d'être intervenu dans le dossier Milgaard. Il était extraordinaire que le premier ministre du Canada intervienne dans un dossier comme celui de David Milgaard.
     Ce n'est pas ce qui va nous convaincre qu'il recevait beaucoup d'argent.
     Vous acceptiez au départ, monsieur Spector, de transporter de l'argent qui servait à compenser les dépenses personnelles, etc.
    C'était les dépenses du parti.
    À ce moment-là, vous n'aviez pas d'objection morale. Mais vu les dimensions que cette situation a prises, les quantités d'argent et la nature de certaines dépenses, n'avez-vous pas senti, à un moment donné, qu'il y avait là-dedans quelque chose d'illégal ou à tout le moins quelque chose de carrément immoral qui devait être changé?
    Non, car pendant la période où j'ai travaillé au bureau du premier ministre, le système qui était en vigueur remboursait environ 5 000 $ par mois au premier ministre. C'est tout ce qui était en place, à mon époque et à ma connaissance. Ce n'est pas une somme extraordinaire.
    Une voix: Ça dépend pour qui.

[Traduction]

    Monsieur Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Faisons le point, monsieur Spector. Nous avons conclu que vous n'aviez pas de nouvelle preuve de méfaits et que vous ne voyiez rien de contraire à l'éthique ou à la loi dans le système de paiements en place pour l'ancien premier ministre. Par contre, vous avez exprimé un désir passionné d'éviter que se reproduise ce type de choses à l'avenir.
    Avez-vous conscience de l'existence de notre Loi fédérale sur la responsabilité, qui comporte des mesures pour renforcer les procédures d'enregistrement des lobbyistes, pour renforcer la capacité du vérificateur général à effectuer un suivi des deniers des contribuables et pour assurer la protection des dénonciateurs qui vendent la mèche en cas de comportement répréhensible? En avez-vous conscience? Et quelles autres suggestions auriez-vous pour notre comité, pour éviter que n'ait lieu à l'avenir cette activité contraire à l'éthique ou peut-être douteuse — personne n'ayant encore dit qu'elle était contraire à l'éthique ou illégale?
    Premièrement, en réponse au préambule de votre question, si, j'ai présenté une nouvelle preuve devant vous.
    De quoi?
    J'ai présenté une nouvelle preuve de systèmes de remboursement dont je n'avais pas conscience quand j'ai rédigé la postface du livre de Kaplan. Ce que j'ai écrit dans Le Devoir et le Globe and Mail est une nouvelle preuve. Quelque chose qui n'avait pas été dit auparavant. J'ai répondu à votre président que je n'avais pas de renseignements là-dessus. Je ne suis pas en mesure de vous dire comment vous devriez trancher, quant à savoir si c'était approprié ou pas. N'essayez pas de me faire dire des choses que je n'ai pas dites; telle est la preuve que j'ai apportée.
    Mais je vous ai entendu dire il y a un moment que, selon vous, il n'y avait rien de contraire à l'éthique ou d'illégal.
    Pour ce qui est de la seconde partie de votre question, j'ai connaissance des réformes et j'estime qu'une partie du chemin a été parcourue. Mais je sais également que le premier ministre avait déclaré qu'il rendrait les sous-ministres responsables devant le Parlement, ce qu'il n'a pas fait, et qu'il y a un affrontement quant aux protocoles à appliquer, entre le Comité des comptes publics et le Bureau du Conseil privé, qui, je le suppose, a l'appui du premier ministre. Je sais aussi que les règles d'enregistrement des lobbyistes ne sont pas exactement ce que le premier ministre avait promis.
    Cela dit, vous me demandez ce qui serait utile, selon moi. Je vais vous le dire: empêcher des lobbyistes de jouer un rôle politique quel qu'il soit à Ottawa. Nous avons déjà abordé la question des financements de campagnes électorales. J'estime qu'ils devraient être exclus de tout rôle politique, y compris un rôle dans les médias.
    Je pense qu'aucune personne enregistrée comme lobbyiste ne devrait être en mesure de dire qu'elle a un accès privilégié ou une influence spéciale auprès du parti au pouvoir, ni que ce parti lui doit quelque chose. On ne devrait pas être en mesure de dire que, avec les conservateurs au pouvoir, on sait quelle société de lobbying il faut engager. Je pense que le secteur peut jouer un rôle légitime, axé sur l'expertise, la connaissance des rouages du gouvernement et la détention de toute une pléiade de contacts au gouvernement. Cela ne devrait pas être axé sur le fait qu'un tel était dans le centre de crise ou qu'un tel faisait fonctionner les autocars de la campagne. À mon sens, ce serait utile, en plus du nettoyage du système.
(1630)
    Eh bien, monsieur Spector, j'apprécie votre contribution à la discussion, mais je reste un peu perplexe quant à votre témoignage. Vous avez dit il y a une minute qu'il n'y a rien de contraire à l'éthique ou à la loi dans le système de paiements. Je vous ai donné l'occasion de fournir une preuve complémentaire sur Bear Head, sur Airbus, sur les accords d'experts-conseils entre M. Schreiber et M. Mulroney, sans entendre de nouvelles preuves. C'est pourquoi je suis un peu perplexe quand vous dites maintenant qu'il y a une nouvelle preuve. Si vous parlez de ce système de paiements pour lequel vous avez des documents... Je ne sais pas pendant combien d'années, je ne vois pas quel est le rapport avec la question que le comité s'efforce de régler.
    Peut-être le rapport deviendra-t-il clair quand vous lirez la transcription et peut-être devriez-vous lire la transcription avant que François Martin ne vienne témoigner.
    Monsieur Mulcair.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mon temps est limité; je vous demanderai donc d'être très bref. Pourriez-vous nous donner le nom de l'enquêteur?

[Traduction]

    Le nom de l'inspecteur de la GRC dont vous avez parlé?

[Français]

    Je l'ai dit à votre président, c'était M. Matthews.
    Plus tôt, vous avez répondu que vous aviez un autre exemple à fournir. Quel est-il?
    J'ai écrit sur cette question dans la postface du livre de Kaplan. Il s'agissait du...
    D'accord. C'est quelque chose qui a été publié. Ce n'est pas grave.
    Cela n'a jamais été rapporté.
    Mais c'est publié.
    Oui. Il s'agit aussi de Winnipeg.
    Y a-t-il de l'inédit? Y a-t-il autre chose que vous n'avez pas dit aujourd'hui?
    Non.
    J'ai une dernière question à vous poser, étant donné les contraintes de temps.
    Plus tôt, vous avez fait référence au mandat qui a été donné à la commission d'enquête éventuelle. Vous avez dit, avec raison, que le premier ministre avait promis une enquête publique complète. Après ces péroraisons du des Fêtes, où on disait qu'on n'en avait peut-être pas besoin, voilà que M. Johnston déclare qu'on n'en a plus besoin, que c'est, après tout, du terrain bien labouré, en citant en guise preuve, en note en bas de page, Stevie Cameron.
    Compte tenu de ce que vous avez dit plus tôt sur la nécessité de suivre l'argent, notamment les 10 millions de dollars, le mandat que M. Johnston propose pour la commission d'enquête est-il suffisamment large pour nous permettre de suivre l'argent? Croyez-vous toujours que ce comité devrait, par exemple, demander qu'on produise des documents, des registres d'impôt et des documents bancaires? Serait-il préférable que nous poursuivions nos travaux ou croyez-vous que le mandat soit suffisamment large?
    Je suis tout à fait convaincu que votre comité a tous les pouvoirs nécessaires pour poursuivre l'étude de ces questions et qu'il doit le faire.
    Et le mandat de M. Johnston?
    Il n'est pas suffisant.
    Il n'est pas suffisamment large?
    Je ne crois pas.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Hubbard, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur Spector. Votre témoignage, en tant que fonctionnaire de carrière ayant participé, est très large... Vous avez dû vous sentir très mal à l'aise quand vous travailliez au cabinet du premier ministre. Vous avez vu des transferts d'argent. Vous avez vu des gens aller et venir et de l'argent changer de mains. Apparemment, à votre départ, vous avez enregistré ce qui se passait, parce que beaucoup des chèques étaient faits à votre nom comme si vous travailliez... comme salaire, sur ces chèques.
    On constate également que, plus tard, quand vous êtes retourné à... cela devait être en Colombie-Britannique, lors de la fusion des deux partis, le Parti réformiste et le Parti progressiste-conservateur. Vous avez alors eu une brève conversation avec le premier ministre actuel, lors de laquelle vous auriez apparemment discuté avec M. Harper de la situation, vu sans doute la fusion des deux partis, et abordé, si l'on en croit ce que vous avez écrit, les rapports que M. Harper pourrait avoir avec M. Mulroney. Lors de cette conversation, que vous relatez dans la presse, vous auriez fait certaines recommandations à M. Harper sur les rapports qu'il devrait avoir avec M. Mulroney.
    Comme vous le savez, votre suggestion n'a pas été retenue, vu que, en 2006 encore, les liens entre M. Mulroney et M. Harper étaient étroits. Le premier ministre actuel a même été heureux de reconnaître en M. Mulroney l'un des architectes de sa victoire aux élections de 2006.
    Après vous avoir entendu témoigner devant notre comité aujourd'hui, parler de votre travail dans le cabinet du premier ministre — celui de M. Mulroney — des conseils que vous avez formulés et de la situation telle qu'elle était, puis-je vous demander, vu la succession de personnes en complets sombres et cravates noires qui allaient et venaient sans raison apparente voir M. Mulroney, si vous seriez disposé à fournir à notre comité le nom de certaines de ces personnes.
(1635)
    Non, monsieur Hubbard, comme je l'ai dit me semble-t-il à Mme Lavallée, je ne reconnaissais aucun de ces individus.
    Mais je dois apporter des précisions à certaines choses que vous avez dites; j'ai bel et bien rencontré M. Harper en 2003, quelques jours après la parution de l'article dans le Globe and Mail, le premier article qui portait sur les versements en espèces. M. Harper avait une expression peinée et m'a demandé ce qu'il devait dire. Ce n'était pas la raison pour laquelle nous nous étions rencontrés. Il a dit: « Que devrais-je dire si on me pose des questions à ce sujet? » Je ne lui ai pas donné de conseil. À ce moment-là, j'écrivais pour le Globe and Mail...
    J'aimerais finir, parce que vous m'avez fait dire des choses que je préfère ne pas voir dans les transcriptions.
    Je ne lui ai donné aucun conseil, parce que je pensais qu'étant donné la situation dans laquelle je me trouvais, j'étais bien mal placé pour donner des conseils politiques.
    Je lui aurais dit d'être prudent, et je pense qu'il a fait une erreur en n'étant pas prudent. Toutefois, je pense que c'est une erreur que de nombreuses personnes commettent dans ce pays. Ne pensons qu'à la présentation spéciale de deux heures diffusée par CTV en septembre; il s'agissait d'un exercice de relations publiques authentique réalisé par le chef d'antenne au sujet de M. Mulroney. À la dernière minute, une question inattendue a été posée à M. Mulroney au sujet de l'argent. Si toute l'équipe de journalistes de CTV à Ottawa, tous ces journalistes qualifiés et bien payés de CTV, n'avaient pas senti qu'il fallait être prudent, si le chef d'antenne, le journaliste le plus expérimenté au Canada, Lloyd Robertson, n'avait pas eu l'impression qu'il fallait être très prudent, pourquoi Stephen Harper, le pauvre Stephen Harper, a-t-il dit « Soyons prudents »?
    Je pense que ça répond probablement à votre question.
    Très bien, monsieur Spector, nous allons nous détendre un peu, et j'ai quelques questions à vous poser moi-même.
    Vous avez commencé... peut-être pourrais-je décrire une partie de votre témoignage. Vous nous avez fourni ce que vous croyez être des pièces d'un casse-tête et vous nous avez mis au défi de réussir à rassembler les différentes pièces.
    C'est un très bon résumé.
    Vous avez parlé des 10 millions de dollars et de leur utilisation. Insinuez-vous ou pouvez-vous prouver que ces 10 millions de dollars dont vous parlez proviennent de Thyssen AG, de M. Schreiber ou de l'une ou l'autre de ces entreprises?
    Les 10 millions de dollars dont j'ai parlé proviennent du système de justice allemand dans le cas de Karlheinz Schreiber. Les meilleurs renseignements dont nous disposons indiquent que M. Schreiber avait 10 millions de dollars à distribuer au Canada; soit il les a gardés, soit il en a gardé une partie, ou il les a distribués. Je pense qu'il faudrait trouver ce qui est arrivé.
    Très bien.
    Insinuez-vous, ou pouvez-vous prouver que de l'argent provenant de Thyssen AG ou de Karlheinz Schreiber ou l'une ou l'autre de ces entreprises a été déposé dans le Fonds PC du Canada et mis de côté pour M. Mulroney?
    Je n'ai absolument aucune preuve de cela.
    Au sujet du projet Bear Head, en Nouvelle-Écosse, vous le connaissez très bien. Vous saviez qu'il avait été aboli par M. Mulroney en 1990. Par la suite, il y a eu des discussions au sujet de la possibilité de relocaliser ce projet dans la région de Montréal. Je pense que M. Benoît Bouchard était impliqué à l'époque. M. Elmer MacKay était impliqué à l'époque.
    Une voix: Monsieur Corbeil...
    Le président: Comment pouvez-vous expliquer aux Canadiens qu'après l'abolition du projet par le premier ministre et son cabinet, en raison des coûts qui seraient d'au moins 100 millions de dollars, selon certaines hypothèses, le projet était toujours en vie? M. Mulroney était-il au courant et souhaitait-il maintenir cette impression que le projet était vivant alors qu'en fait ce n'était pas le cas?
(1640)
    Voilà ce qui n'est pas clair dans toute cette affaire.
    Écoutez, Peter Lougheed, un conservateur, avait ordonné aux membres de son cabinet de ne jamais discuter avec Karlheinz Schreiber.
    Le président: Oui, nous le savons.
    M. Norman Spector: John  Crosbie n'a jamais rencontré Karlheinz Schreiber. Je vous ai dit ce que Harry Swain avait raconté au sujet de Karlheinz. Et pourtant, Karlheinz Schreiber avait accès au cabinet du premier ministre lorsque je l'ai rencontré, et il avait accès au Bureau du Conseil privé lorsque Paul Tellier l'a rencontré. Il n'y a pas eu beaucoup de Canadiens qui ont fait une visite de courtoisie au lac Harrington lorsque M. Mulroney a quitté le gouvernement.
    Non. Je comprends.
    Puisque vous connaissez le projet Bear Head, vous connaissez les VBL ainsi que ce qui était offert et ce que Thyssen et M. Schreiber avaient en tête. Pouvez-vous nous expliquer, de façon plausible, pourquoi quelqu'un aurait pu penser que cela aurait pu être mis en marché à l'échelle internationale en Russie, en Chine, en France et dans d'autres pays? Y a-t-il de l'expertise là-bas?
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. M. Rock a quitté la salle.
    Oui, il est ici.
    Mais il est presque 16 h 45 et vous continuez de parler.
    Oui.
    Eh bien non, pas « oui »; nous allons entendre M. Rock ou non.
    Oui, je comprends. Nous allons entendre ce qu'il a à dire.
    Nous avons 15 minutes de retard.
    Merci, monsieur Tilson.
    Comme nous en avons discuté, nous aurions préféré... nous ne nous attendons pas à autant de questions pour M. Rock et nous nous attendons à ce que...
    Eh bien, comment pouvez-vous le savoir? Vous avez pris le contrôle de la réunion. M. Rock devait commencer son témoignage à 16 h 30. Il est maintenant 16 h 45.
    Merci.
    Non, pas « merci ». Mettons fin à tout cela.
    Monsieur Spector, avez-vous quelque chose à ajouter pour conclure?
    Je vous souhaite tout simplement bonne chance. Je pense que vous réalisez un travail très important et que vous fournissez un service très important.
    Pour terminer, j'ai l'impression que personne n'allait les acheter au Canada. Le ministère de la Défense nationale n'allait pas acheter ces trucs. À tous les niveaux, les opinions étaient arrêtées. Et la seule façon possible aurait été de trouver un pays étranger pour les acheter.
    Monsieur Spector, merci d'avoir eu la gentillesse de comparaître devant nous.
    Je vais suspendre la séance pendant cinq minutes pour permettre à notre prochain témoin de s'installer.

(1645)
    Nous reprenons nos travaux.
    Notre prochain témoin est l'honorable Allan Rock, membre du Conseil privé et ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada à l'époque de l'entente Mulroney Airbus. Il a également servi à titre de ministre de la Santé et de ministre de la Justice pendant ses 10 ans au Parlement; par la suite, il a été ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies.
    Bon après-midi, monsieur Rock. Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Monsieur Rock, j'imagine que vous vous souvenez des règles, des procédures et des traditions de la Chambre des communes. Vous vous souviendrez sans doute en particulier que l'on s'attend en général à ce que les témoins qui comparaissent devant un comité le fassent de façon honnête et complète. Souhaitez-vous procéder ainsi, ou seriez-vous plus à l'aise si le greffier du comité vous faisait officiellement prêter serment?
    Je suis heureux de prêter serment, monsieur le président.
    Très bien.
    Je demanderais au greffier de bien vouloir faire prêter serment au témoin.
(1650)
    Je jure de dire, dans mon témoignage, la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, ainsi Dieu me soit en aide.
    Merci monsieur.
    Avez-vous des questions avant que nous débutions?
    Non, monsieur le président.
    À ce que je comprends, vous avez une déclaration préliminaire, que je vous inviterais à présenter maintenant.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je suis conscient que nous avons seulement 45 minutes avant le vote, alors je lirai ma déclaration d'ouverture.

[Traduction]

    Je m'efforcerai toutefois d'être bref, parce que je sais qu'il y aura des questions et le temps file.
    Je crois que la déclaration préliminaire a été distribuée aux membres du comité, qui devraient donc l'avoir. Je l'ai préparée pour fournir un cadre vous permettant de poser des questions sur l'affaire Airbus.
    Dans la déclaration préliminaire, monsieur le président, je rappelle que j'ai été ministre de la Justice et procureur général du Canada de novembre 1993 à juin 1997. Je rappelle aussi qu'il existait alors dans le ministère de la Justice, et je crois que c'est encore le cas maintenant, un Groupe consultatif international, composé d'un certain nombre d'avocats s'occupant de questions liées aux aspects juridiques des relations du gouvernement fédéral avec des gouvernements étrangers, notamment en matière d'extradition ou dans les cas où des services de police canadiens coopèrent avec des services de police étrangers.
    Le groupe est aussi chargé de transmettre à des autorités étrangères les demandes adressées par des services de police canadiens qui ont besoin d'aide pour mener à bien des enquêtes. Il était courant, du moins dans les années 1990 où je travaillais au ministère, qu'un service de police canadien rédige une demande de collaboration à l'intention d'autorités étrangères, l'apporte au groupe, où les avocats veillaient à ce que la lettre soit conforme aux exigences du gouvernement étranger. Le gouvernement fédéral envoyait ensuite une demande de collaboration officielle au gouvernement étranger visé.
    D'après les informations fournies par le ministère de la Justice, à partir de 1995, le ministère envoyait chaque année de 100 à 150 lettres de ce genre au nom des services de police de toutes les régions du Canada.

[Français]

    Monsieur le président, ces demandes étaient toujours traitées par le ministère de la Justice et le service de police demandeur dans la plus grande confidentialité, parce qu'il s'agissait d'enquêtes en cours sur les activités des intéressés. On m'a dit qu'il n'y a jamais eu, auparavant, de cas où le contenu d'une lettre de ce genre ait été rendu public, bien que certaines d'entre elles, paraît-il, concernaient d'autres personnages fort connus.

[Traduction]

    Je dois également ajouter que la politique et la pratique du ministère de la Justice dans chaque cas n'étaient pas d'informer ou de faire participer le ministre ou son cabinet de quelque manière que ce soit avant l'envoi de la demande. Comme ces lettres demandent de l'aide dans le cadre d'enquêtes policières en cours, le ministre n'a aucun rôle à y jouer et ne pourrait à bon droit ni les approuver ni les rejeter. La décision d'envoyer la demande appartient au service de police: il ne serait pas correct que le ministre de la Justice et procureur général du Canada décide s'il y a lieu de mener une enquête et comment.
    Comme nous le savons tous, monsieur le président, le 29 septembre 1995, le groupe a adressé aux autorités suisses une demande au nom de la GRC concernant, entre autres, le très honorable Brian Mulroney. Cette lettre demandait aux autorités suisses de faciliter une enquête de la GRC. Conformément à la pratique en cours au ministère de la Justice, je n'ai pas été informé ou consulté avant que la lettre soit envoyée.
    En fait, j'ai découvert l'existence de la lettre le samedi 4 novembre 1995 lorsque Me Roger Tassé, l'un des avocats de M. Mulroney, m'a téléphoné chez moi. Après qu'il m'a brièvement expliqué l'objet de son appel, je lui ai conseillé de s'adresser à mon sous-ministre et c'est ce qu'il a fait.
    Le lundi suivant, le 6 novembre, j'ai pris connaissance du contenu de la lettre pour la première fois. Des fonctionnaires du ministère de la Justice ont recommandé que la question soit transférée à la GRC, au nom de laquelle la lettre avait été envoyée. Les avocats de M. Mulroney ont commencé par demander que cette lettre soit « retirée », mais j'ai appris par des fonctionnaires du ministère et de la GRC que ce n'était pas possible, puisqu'on y avait déjà donné suite. Elle avait été envoyée à l'étranger. L'ambassade du Canada l'avait remise à la Banque suisse, et en effet, des copies de la lettre avaient été remises aux détenteurs des comptes, MM. Schreiber et Moores.
    On craignait aussi que tout effort pour retirer la lettre en fasse un point de mire particulier. Rappelez-vous qu'à cette époque, la lettre n'avait pas encore été publiée dans le Financial Post.
    Le ministère de la Justice a cependant envoyé une lettre de suivi, rappelant les faits suivants aux mêmes autorités suisses: tout d'abord, que la demande ne contenait que des allégations non prouvées — il n'y avait pas eu de constatations, seulement une enquête — et qu'il fallait garder cela à l'esprit en lisant la lettre; et, deuxièmement, qu'il était absolument indispensable que les règles habituelles liées au respect de la confidentialité soient scrupuleusement appliquées. Cette lettre a été envoyée aux autorités suisses le 14 novembre.
    Monsieur le président, le 18 novembre 1995, le Financial Post a publié un article sur la demande en question, en citant de larges extraits de la lettre. Jusqu'ici — et sous réserve de ce que je dirai dans un moment au sujet d'un avis d'expert obtenu par le gouvernement à ce sujet —, on ne s'explique pas comment le journal a obtenu cette lettre.
(1655)

[Français]

    Monsieur le président, ce même 18 novembre 1995, les avocats de M. Mulroney ont convoqué une conférence de presse à Montréal pour annoncer qu'ils intenteraient une action pour libelle contre le gouvernement du Canada et la GRC et demanderaient des dommages-intérêts de 50 millions de dollars.
    Le gouvernement et la GRC ont contesté cette action et, de temps à autre, les parties ont tenté de régler la question hors cour. Dans le cadre de la procédure, M. Mulroney a témoigné sous serment, et des questions lui ont été posées sur divers sujets utiles. Ses réponses ont incité le gouvernement à conclure qu'il n'avait pas eu affaire à M. Schreiber.

[Traduction]

    Au moment où le gouvernement et la GRC se préparaient au procès, nous nous sommes fiés à deux moyens de défense pour réagir à la poursuite.
    Premièrement, que toutes les communications rédigées de bonne foi et dans un but avoué par ou pour le gouvernement du Canada étaient protégées par une immunité absolue ou relative, de sorte qu'aucune action civile ne pouvait être intentée à cet égard. Et nous avions des témoignages d'experts pour appuyer cette position.
    Deuxièmement, qu'aucun des défenseurs n'avait en fait publié de libelle. Ce moyen de défense s'appuyait sur le fait que la lettre notifiée à M. Schreiber était en allemand. Dans les jours suivants la notification à M. Schreiber, quelqu'un s'est occupé, pour les avocats suisses, de faire traduire la lettre en anglais. Nous l'avons appelée la traduction Blum.
    Nous avons demandé l'avis d'une spécialiste, qui a rendu un rapport sur lequel nous avions l'intention de nous appuyer au procès pour prouver que la version publiée dans le Financial Post était la traduction Blum. Notre spécialiste a identifié ce qu'elle a appelé une empreinte linguistique démontrant le lien entre les deux. Si nous avions pu prouver au tribunal que le journaliste s'inspirait de la traduction Blum, nous aurions pu affirmer que d'autres que les défendeurs avaient publié le libelle.
    Peu avant le procès, le ministère de la Justice a appris qu'un membre de la GRC avait, vers la fin de 1995, révélé à un tiers que la demande adressée aux autorités suisses contenait le nom de M. Mulroney. Les avocats m'ont informé que si cette divulgation non autorisée était produite en preuve au procès, elle détruirait notre premier moyen de défense — celui de l'immunité — et affaiblirait le second, lié à la publication. J'ai donc demandé aux avocats de rouvrir les négociations pour obtenir un règlement hors cour. Ces négociations ont donné lieu au règlement hors cour que le solliciteur général Herb Gray et moi-même avons annoncé le 7 janvier 1997.
    Dès le début, certains ont prétendu que l'enquête de la GRC en la matière a été entamée par moi-même ou d'autres personnalités politiques dans un esprit vindicatif ou pour des raisons partisanes. Le règlement hors cour, signé personnellement par Brian Mulroney, précise la position de celui-ci à cet égard. Au paragraphe 8, les parties au règlement reconnaissent que la procédure employée pour envoyer la demande aux autorités suisses était identique à celle qui avait été appliquée en de nombreuses occasions sous les gouvernements Chrétien et Mulroney. Au paragraphe 9 du règlement, les parties reconnaissent que la GRC avait entamé l'enquête sur l'affaire Airbus de son propre chef, que je n'avais rien à voir avec la décision de procéder à cette enquête et que je ne connaissais pas l'existence de la lettre avant le 4 novembre 1995.
    Enfin, j'aimerais simplement ajouter que bien que le ministère de la Justice ait adressé pendant longtemps des lettres de ce genre dans un langage semblable, je pense que nous avons tous tiré des leçons de cet incident, et je crois certainement que le fait de tirer des conclusions alors qu'en réalité, on parle vraiment d'allégations, est répréhensible. J'ai donc ordonné que cette pratique au ministère de la Justice soit modifiée après avoir pris connaissance de la demande qui nous occupe. Par ailleurs, j'ai invité l'honorable Allan Goodman, juge retraité de la Cour d'appel de l'Ontario, à examiner toute la procédure relative à ce genre de demande et à recommander des mesures pour l'améliorer. Le juge Goodman a rédigé un rapport et formulé des recommandations au début de 1997. J'ai accepté et mis en oeuvre toutes ses recommandations.
(1700)

[Français]

    Monsieur le président, j'espère que cet aperçu sera utile aux membres du comité et je serai très heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci.
    Chers collègues, nous avons environ une demi-heure. Nous avons donc assez de temps pour un premier tour. Nous allons entendre M. Murphy, Mme Lavallée, M. Martin et M. Van Kesteren.
    Monsieur Murphy, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Rock, de votre présence.
    Monsieur Rock, vous avez mentionné que le solliciteur général Herb Gray et vous-même avez annoncé l'intention du gouvernement de régler cette affaire le 6 janvier 1997. Je vais vous donner des dates. Ce n'est que le 6 octobre 1997, par l'intermédiaire du juge Gold, qu'une entente finale accordant plus de 2 millions de dollars à M. Mulroney — 1,4 million de dollars en frais juridiques et 587 000 $ en frais de relations publiques — a en fait été conclue.
    Voici ma question. Étiez-vous au courant des paiements de 225 000 $ à 300 000 $ en comptant à M. Mulroney au moment de la conférence de presse de janvier, lors du règlement en octobre ou lors du versement des paiements en 1997?
    Non.
    Monsieur Rock, à titre d'ancien trésorier et conseiller du Barreau du Haut-Canada, vous connaissez bien les tribunaux et la procédure. Vous êtes très respecté à Toronto et en Ontario. Vous savez ce qu'est un plaidoyer.
    Oui, monsieur.
    Dans le plaidoyer de M. Mulroney, son avocat a dit en son nom — vous savez comment cela fonctionne — qu'il n'avait jamais, directement ou indirectement, eu un compte de banque en Suisse ou dans n'importe quel autre pays étranger. Il a admis depuis qu'il avait des coffres bancaires à divers endroits. Mais plus important encore, il dit qu'il n'a jamais reçu aucun des soi-disant paiements sous toute forme que ce soit et de quiconque est nommé dans la demande d'aide. Je n'ai pas à vous rappeler que le nom de M. Schreiber figure à plusieurs reprises dans la demande d'aide.
     Lors de la communication préalable, où les avocats du gouvernement du Canada ont conclu que M. Mulroney n'avait pas fait affaire avec M. Schreiber, M. Mulroney a dit qu'il n'avait en fait jamais fait affaire avec M. Schreiber. M. Mulroney l'a affirmé sous serment lors de la communication préalable relativement à ses plaidoyers. Cette communication préalable a eu lieu en avril 1996.
    La communication préalable brosse ensuite un portrait de la relation entre M. Schreiber et M. Mulroney, soit une relation passagère. Il avait un intérêt pour l'unification de l'Allemagne. C'est un homme d'affaires allemand, et il a pris le café avec M. Mulroney à quelques occasions à divers endroits. Voilà le thème et la teneur des transcriptions de la communication préalable.
    Avez-vous examiné les transcriptions de la communication préalable ou avez-vous été entièrement mis au courant de ce qui est arrivé lors de la communication préalable d'avril 1996?
    Je crois qu'il y a eu des reportages dans les médias, au quotidien, à mesure que les procédures avançaient, et j'étais mis au courant des principaux points de la communication préalable par nos avocats. J'étais donc généralement au courant des questions posées et des réponses données.
    Nous venons d'entendre M. Spector — une citation intéressante — dire qu'il avait l'impression que MM. Schreiber et Mulroney entretenaient une relation plus que passagère. Il a aussi dit que certaines personnes s'étaient servies du dossier Airbus pour donner des réponses vagues.
    Sachant aujourd'hui que M. Mulroney a accepté entre 225 000 $ et 300 000 $ de M. Schreiber, trouvez-vous vague la déclaration selon laquelle M. Mulroney n'a jamais fait affaire avec M. Schreiber?
    Monsieur le président, je crois que les transcriptions parlent d'elles-mêmes. Je ne vais pas interpréter ce que M. Mulroney a dit à ce moment-là.
    Je vous dirai deux choses. D'abord, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, le gouvernement a certainement conclu à partir des témoignages de M. Mulroney que celui-ci n'avait pas fait affaire avec M. Schreiber, point à la ligne. Deuxièmement, comme beaucoup de Canadiens, j'ai été très surpris d'apprendre par la suite, je crois en 2003, que M. Schreiber avait versé de l'argent à M. Mulroney.
(1705)
    Sachant ce que vous savez maintenant, si vous étiez dans la même position aujourd'hui — et j'imagine que vous êtes ravi de ne pas l'être — recommanderiez-vous toujours au gouvernement de conclure un règlement de plus de 2 millions de dollars avec M. Mulroney?
    Monsieur le président, il est difficile d'être catégorique lorsqu'on retourne 10 ans en arrière et qu'on suppose que les faits d'une affaire sont différents et qu'on spécule sur le résultat.
    Je peux vous dire que s'il y avait eu divulgation à l'époque des paiements en espèces versés par M. Schreiber à M. Mulroney dans les circonstances telles qu'elles ont été décrites, cela aurait eu une incidence dramatique sur l'affaire. Une incidence profonde. Des questions auraient été posées pour assurer un suivi, des documents auraient été exigés, y compris des relevés bancaires, les fiches qui accompagnent les coffres bancaires, peut-être même des déclarations de revenus.
    Pour résumer, vous n'auriez pas autorisé le règlement du 6 janvier si vous aviez eu connaissance des paiements totalisant 225 000 $?
    Je vais tout simplement dire que si les paiements en espèces avaient été divulgués, je ne crois pas que l'on ait recommandé le règlement qui a été offert. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas eu un autre type de règlement, mais je ne crois pas l'on aurait recommandé le règlement qui a été offert à la lumière des faits que nous connaissons maintenant.
    Croyez-vous que la GRC ignorait l'existence des paiements en espèces au moment où les négociations visant le règlement ont commencé? M. Spector est certainement convaincu que la GRC ignorait l'existence des paiements en espèces lorsque elle a bouclé l'enquête.
    Je n'ai aucune idée de ce que savait la GRC. Ce qui est sûr, c'est que M. Gray n'a jamais soulevé la question auprès de moi-même.
    En ce qui concerne l'enquête de la GRC, à votre connaissance, la GRC a-t-elle continué son enquête après que le règlement a été conclu?
    Oui, je crois que oui. En fait, l'une des clauses du règlement hors cour stipulait qu'il n'aurait aucune incidence sur la décision prise par la GRC ni sur la discrétion de la GRC quant à sa capacité de continuer l'enquête jusqu'à sa conclusion.
    En dernier lieu, monsieur Rock, des notes de service laissent entendre, et il s'agit de notes de service récentes émanant du ministère de la Justice, que le ministère a songé à recouvrer l'argent versé à titre de règlement lorsqu'il a appris l'existence de ces paiements.
    À titre d'ancien ministre de la Justice, et j'ajoute que vous étiez fort compétent, ne trouvez-vous pas cela étonnant que des séances d'information n'ont pas été offertes au ministre de la Justice sous le régime actuel, soit les ministres Nicholson ou Toews? N'est-ce pas surprenant que ces personnes n'ont pas été renseignées sur cette tentative de recouvrer l'argent versé à titre de règlement?
    Je regrette, je ne sais pas ce qui s'est passé, ni quels renseignements ont été transmis ou n'ont pas été transmis, mais je sais qu'il existe une procédure permettant à une partie de demander à la cour d'invalider une entente, en particulier un règlement hors cour, si on est d'avis que l'entente a été conclue après communication d'une preuve incomplète. Mais je ne suis pas ici pour offrir des conseils juridiques au ministère de la Justice, il n'en a aucunement besoin, ni pour offrir des conseils politiques au gouvernement au pouvoir, conseils qui ne seraient pas acceptés de toute façon.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

    Madame Lavallée, s'il vous plaît.
    Je vais partager le temps dont je dispose avec Me Ménard.
    Monsieur Rock, je vous remercie d'être ici et de répondre à nos questions. Certaines de mes questions vous paraîtront peut-être répétitives, mais je vous les pose en français et je veux vraiment entendre vos réponses en français. Je veux être bien certaine de ce que j'entends.
    Vous dites, au paragraphe 12 de votre présentation, que :
Dans le cadre de la procédure [d'enquête de la GRC], M. Mulroney a témoigné sous serment, et des questions lui ont été posées sur divers sujets utiles. Ses réponses ont incité le gouvernement à conclure qu’il n’avait pas eu affaire à M. Schreiber.
     Je trouve un peu faible le verbe « inciter ». Après avoir vu le mot utilisé en anglais, je me serais attendue au verbe « convaincre ». Les réponses de M. Mulroney ont convaincu la GRC. Je me demande pourquoi elle a mis fin à l'enquête à ce moment-là.
    Comment expliquez-vous une conclusion aussi erronée, avec les informations que nous avons maintenant à savoir qu'il y avait effectivement eu trois paiements de M. Schreiber au moment où la GRC a cessé son enquête?
    Madame, ce que j'ai dit dans la déclaration, c'est qu'à l'époque, étant donné les réponses fournies par M. Mulroney, en tant que participants dans les litiges civils, nous avons conclu une entente. Il a dit qu'il n'y avait pas eu d'ententes avec M. Schreiber. Nous avons accepté le témoignage de M. Mulroney. C'est un ancien premier ministre du Canada, il a passé neuf ans derrière le bureau du premier ministre et il était assermenté, alors nous avons tenu pour acquis qu'il avait bien répondu aux questions. C'est ce qui explique que j'aie dit dans ma déclaration aujourdhui:
(1710)

[Traduction]

    « ce qui nous a menés à la conclusion »

[Français]

« [...] incité le gouvernement à conclure qu’il n’avait pas eu affaire à M. Schreiber. »
    C'est ce que nous avons conclu à la suite des réponses de M. Mulroney en avril 1996.
    Croyez-vous que la GRC aurait dû aller au-delà du témoignage de M. Mulroney et enquêter vraiment sur le terrain sur ce qui s'était vraiment passé?
    Ce n'est pas à moi de dire ce que la GRC doit faire. C'était M. Herb Gray, solliciteur général du Canada, qui était responsable de la GRC devant la Chambre des communes.
     Je sais que la GRC a poursuivi l'enquête après le règlement de notre procès civil. Elle a continué jusqu'en 2003, je crois, puis elle a annoncé qu'elle allait clore le dossier. Elle a continué, nonobstant le règlement.
    Regrettez-vous maintenant le règlement de 2,1 millions de dollars?
    Permettez-moi seulement de vous dire qu'il est difficile, en 2008, d'imaginer ce qu'on aurait fait si on avait eu l'information disponible aujourd'hui. Comme je l'ai dit à M. Murphy, je suis convaincu que si l'information sur les paiements de M. Schreiber à M. Mulroney avait été connue à l'époque, cela aurait eu un effet énorme sur les litiges civils. À mon avis, on se serait fait recommander d'offrir un règlement en fonction de cette information.
    Je vais céder la parole à M. Ménard.
    Monsieur Rock, je comprends que ce genre de demande doive rester loin du ministre et qu'il n'ait pas à être informé — je dirais même qu'il ne doit pas être informé — de ces informations policières.
    Est-ce exact?
    Oui, monsieur.
    Depuis, vous avez sûrement lu cette lettre au gouvernement Suisse. Avez-vous été frappé par le fait que, dans la suite des choses, les individus sur qui la police avait des doutes ont été parmi les premiers à en être informés, et qu'on leur a mis la lettre dans les mains?
    À l'époque, on m'a expliqué qu'il faut informer les propriétaires des comptes de banque en Suisse. Si la GRC, par l'entremise du gouvernement, a demandé d'avoir accès aux documents liés à tel ou tel compte de banque en Suisse, il faut en informer le propriétaire et lui transmettre une copie de la lettre de demande d'accès. C'est pour cette raison que MM. Schreiber et Moores ont reçu une copie de la lettre.
    Tous ces gens étaient avertis de l'enquête. Ils avaient donc tout le temps voulu pour faire disparaître quelque comptabilité, surtout quand il s'agit d'argent comptant.
    Ils ont certainement reçu un avis, mais je n'ai aucune information sur ce qu'ils ont fait par la suite.
(1715)

[Traduction]

    Monsieur Martin, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Rock.
    Monsieur Rock, je pense m'exprimer au nom de nombreux Canadiens lorsque je dis que nous voulons récupérer notre argent; il s'agit manifestement de l'une des raisons pour lesquelles nous faisons actuellement pression, étant donné que Brian Mulroney a poursuivi le gouvernement du Canada pour obtenir 50 millions de dollars parce que nous avons laissé sous-entendre qu'il avait accepté de l'argent de Karlheinz Schreiber. Nous savons maintenant qu'il a bel et bien accepté de l'argent de Karlheinz Schreiber, et comme vous l'avez dit vous-même, vous n'auriez probablement pas recommandé un règlement si vous l'aviez su à ce moment-là.
    Ce que je ne comprends pas, toutefois, et peut-être pourrez-vous m'aider à comprendre, c'est pourquoi nous avons envoyé des lettres d'excuses à Schreiber, à Moores ainsi qu'à Brian Mulroney. Cette disposition ne faisait pas partie du règlement hors cour, que j'ai lu très attentivement, mais le gouvernement du Canada a cru nécessaire de s'excuser auprès de Schreiber, de Frank Moores, de la même manière qu'il s'est excusé auprès de M. Mulroney.
    Je vous demanderais de répondre à cette observation, mais puisque nous avons si peu de temps, j'aimerais tout d'abord vous dire que de nombreuses personnes ont l'impression que vous avez baissé les bras trop tôt. De nombreuses personnes pensent que les libéraux étaient impatients de se débarrasser de cette enquête, parce que si on creusait trop, on aurait appris que Schreiber rencontrait André Ouellet, Doug Young ainsi qu'Allan J. MacEachen. Schreiber s'était immiscé dans le Parti libéral, tout comme il s'était immiscé dans le Parti conservateur à ce moment-là. Peut-être pourriez-vous répondre à cela, pour ceux qui pensent, en général, que vous avez baissé les bras trop tôt et que c'était en partie pour que le Parti libéral ne souffre pas d'une enquête en bonne et due forme.
    Laissez-moi répondre à vos deux questions.
    Premièrement, les lettres envoyées à Schreiber et Moores étaient une question de logique et de loi. Selon les conseils du ministère, avec lesquels j'étais d'accord, la raison principale pour laquelle nous nous sommes excusés auprès de M. Mulroney était la formulation de la lettre de demande d'aide; si vous lisez la lettre, vous verrez qu'elle est catégorique. On voit souvent des lettres où il est écrit que l'on présume que quelqu'un a fait quelque chose, ou l'on présume que quelque chose a eu lieu; la lettre dont il est question ici disait cela à quelques reprises, mais allait beaucoup plus loin. Elle affirme comme une question de fait qu'il y a eu des activités criminelles. C'est pourquoi nous avons présenté nos excuses.
    Aux yeux des Canadiens, il est un peu irritant de devoir s'excuser auprès de Karlheinz Schreiber pour les inconvénients qui lui ont été causés, et croyez-moi, c'est...
    Si vous me permettez de terminer ma réponse, monsieur Martin, je vous dirai que les mêmes formulations avaient été utilisées dans les deux autres lettres également. Je pense que l'une d'entre elles a même mené à des poursuites, à cette époque. Nous pensions donc qu'il était dans le meilleur intérêt du public d'éviter d'avoir à verser des sommes supplémentaires dans ce dossier.
    Permettez-moi de répondre à votre deuxième question. Le 2 janvier 1997, nous étions prêts à intenter un procès. Nous avions trouvé des témoins experts; nous avions donné avis des rapports produits par les experts; nous avions trois ou quatre avocats à notre disposition; nous avions trouvé tous les documents; nous avions assigné les témoins à comparaître; nous pensions que nous avions une bonne défense — je vous l'ai décrit. Ce soir-là, j'ai appris qu'à l'automne 1995, un membre de la GRC avait dévoilé à une tierce partie que le nom de M. Mulroney figurait dans la lettre de demande. Selon les conseils de notre avocat, avec qui j'étais d'accord, lorsque ce fait serait rendu public pendant le procès, il affaiblirait considérablement notre défense. J'étais prêt à entreprendre le procès, et nous étions prêts à nous fier à cette défense, jusqu'à ce qu'elle nous soit retirée. Dans ces circonstances, nous sommes retournés à la table de négociation pour conclure la meilleure entente possible.
    Je comprends.
    Lorsque vous étiez ministre, avez-vous déjà rencontré Karlheinz Schreiber?
    Non. Je n'ai jamais rencontré cet homme.
    Marc Lalonde a-t-il déjà parlé, à vous ou à d'autres membres de votre cabinet, de M. Schreiber; à votre connaissance, a-t-il fait du lobbying au nom de M. Schreiber?
    Non.
    Merci.
    M. Mulcair a une question pour vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Le temps presse, je vais donc aller directement au but.
     Vous avez dit tout à l'heure que vous ne saviez pas si la GRC était au fait des paiements de centaines de milliers de dollars comptant par M. Schreiber à M. Mulroney. Vous avez ajouté que M. Gray n'a jamais soulevé cette question devant vous, mais c'était vous qui deviez prendre la décision de régler ou non l'affaire Schreiber-Mulroney.
    Qu'avez-vous fait, concrètement, pour connaître l'état du dossier? Qu'avez-vous fait pour vous enquérir de l'état du dossier? Avez-vous demandé ce qu'on savait, avant de décider de donner 2,1 millions de dollars de l'argent des contribuables?
    La décision de régler ainsi était une décision du gouvernement. M. Gray, qui était solliciteur général du Canada, et moi avons partagé la responsabilité de répondre en cour à cette poursuite. Avons-nous fait des enquêtes nous-mêmes? Non. Nous avons demandé aux avocats de nous représenter devant la cour, de poser les questions...
(1720)
    On s'éloigne un peu, monsieur Rock. Je vais revenir à ma question. Vous êtes le représentant responsable de l'administration de la justice pour tout le Canada. Vous vous apprêtez à faire un chèque de 2,1 millions de dollars à un ancien premier ministre pour la peine que lui a causé le fait qu'on l'ait associé à M. Schreiber. On connaît la vérité, maintenant.
    Qu'avez-vous fait, concrètement, pour connaître l'état du dossier avant de faire cette recommandation? Vous avez l'air de vouloir reculer en disant maintenant que c'était une décision du gouvernement. C'était votre décision.
    C'était ma recommandation au gouvernement, après avoir reçu l'analyse des avocats impliqués dans le dossier. Qu'avons-nous fait? Nous nous sommes occupés de cette poursuite, nous avons posé des questions à M. Mulroney et nous avons accepté son témoignage à titre d'ancien premier ministre du Canada.
    Que vous a dit la GRC? Avez-vous posé des questions à la GRC?
    Je suis certain que M. Gray, comme moi, a examiné les faits présentés devant la cour pour déterminer si oui ou non on pouvait réussir. Une fois, on m'a dit qu'un membre de la GRC a divulgué...
    C'est une allégation non prouvée. Je veux revenir à ce que vous savez.
    Non, c'est une réalité devant la cour.
    Non, je veux savoir ceci. Vous étiez ministre, vous avez fait une recommandation, mais avez-vous posé, oui ou non, cette simple question: que connaît la GRC de ce dossier?
    Monsieur Mulcair, ma préoccupation, comme procureur général du Canada et ministre de la Justice responsable, avec M. Gray, de l'intérêt du gouvernement dans ce litige civil, était de bien répondre à cette poursuite, conformément à l'opinion de nos avocats. Jusqu'au 2 janvier, les avocats m'ont dit oui. Après avoir découvert que l'officier de la GRC avait divulgué cette information à une troisième partie, ils m'ont dit non. C'est pour cette raison que nous avons réglé comme nous l'avons fait.
    Monsieur Mulcair, je suis désolé.

[Traduction]

    M. Van Kesteren est le prochain à poser des questions, dans ce dernier tour de table.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Rock, de comparaître cet après-midi.
    Nous avons déjà prouvé tout ceci; lorsque vous étiez ministre de la Justice, vous avez entrepris une enquête sur l'acquisition des Airbus, Air Canada et la proposition de projet Bear Head au Cap-Breton. Il y a quelques minutes, vous avez dit que si vous aviez su à ce moment-là ce que vous savez aujourd'hui, vous n'auriez pas mis fin à l'enquête.
    Mais je désire vous rappeler que le 22 avril 2003, la GRC a admis qu'après avoir mené une enquête exhaustive, elle avait conclu qu'aucun acte répréhensible n'était lié à Airbus ou au projet Bear Head. Elle a indiqué, et je cite :
Après une enquête exhaustive au Canada et à l'étranger, la GRC a conclu son enquête sur les allégations d'actes répréhensibles au sujet de MBB Helicopters, Thyssen et Airbus... La GRC a maintenant conclu que les autres allégations ne peuvent pas être prouvées et aucune accusation ne sera portée.
    Je pense que c'est important, parce que je veux vous poser une série de questions qui portent sur le mandat de notre comité.
    Avez-vous des preuves à présenter au comité pour démontrer que des fonctionnaires ont commis des actes répréhensibles dans le cadre du projet Bear Head?
    Si vous me le permettez, je prendrai quelques instants pour réfuter vos affirmations. Je n'ai pas entrepris d'enquête; c'est la GRC qui l'a fait. Et nous n'avons pas mis un terme à l'enquête; nous avons réglé la poursuite.
    Maintenant que j'ai précisé les faits, ma réponse à vos questions...
    Je comprends bien ce que vous dites.
    Pouvez-vous prouver au comité que des fonctionnaires ont commis des actes répréhensibles concernant l'accord de consultation entre Brian Mulroney et Karlheinz Schreiber?
    Non.
    Pouvez-vous prouver au comité que des fonctionnaires ont commis des actes répréhensibles concernant la circulation de correspondance entre le Bureau du Conseil privé et le Bureau du premier ministre, et tout particulièrement la correspondance envoyée par Karlheinz Schreiber à l'actuel premier ministre?
    Non.
    Pouvez-vous prouver au comité que des fonctionnaires ont commis des actes répréhensibles concernant l'acquisition des Airbus par Air Canada?
    Non.
(1725)
    Le règlement conclu entre le gouvernement et M. Mulroney en 1997 était directement lié aux déclarations diffamatoires formulées à son sujet dans le cadre du scandale Airbus. J'imagine que cette question a déjà été posée, mais je veux la poser encore une fois; le fait, maintenant bien connu, que M. Mulroney et M. Schreiber avaient conclu un accord de consultation distinct, sans lien avec Airbus, vous aurait-il donné une raison de réévaluer le dossier à ce moment-là? Si oui, pourquoi?
    Comme je l'ai mentionné en réponse à une question précédente, si nous avions su au sujet de l'argent, je ne pense pas que nous aurions recommandé un tel règlement. Il aurait pu y avoir un règlement pour d'autres raisons, parce que, comme vous l'avez dit, le règlement portait sur le langage utilisé, ce qui n'a pas changé. Mais je pense qu'il s'agit d'une question liée aux modalités du règlement. Si nous avions su au sujet de l'argent et des circonstances dans lesquelles il a été versé, cela aurait eu des effets considérables sur le litige.
    Permettez-moi de souligner que toute cette affaire reposait sur la réputation. Selon M. Mulroney, le langage utilisé avait des conséquences sur sa réputation. Mais la divulgation des versements en espèces a également eu cet effet; si ces faits avaient été divulgués en 1996 ou en 1997, avant le règlement de l'affaire, nous aurions eu à traiter avec des faits complètement différents. Nous aurions tenté de trouver des réponses à des questions, comme le fait le comité, au sujet des documents, des dossiers et des témoins, afin de voir où mène cette piste; nous aurions également pu régler l'affaire parce que le langage utilisé était inapproprié. Mais comme je l'ai dit, ce règlement aurait pu comporter des modalités complètement différentes. Peut-être n'y aurait-il pas eu de remboursement des coûts. Peut-être qu'on ne se serait pas mis d'accord sur d'autres modalités.
    Ce ne sont que des hypothèses, mais j'essaie de répondre à votre question du mieux que je le peux.
    Merci.
    Je voudrais revenir à la lettre de demande d'aide envoyée par le ministère de la Justice le 25 septembre 1995. Quand avez-vous été informé pour la première fois de l'existence de la lettre adressée aux autorités suisses, celle qui a finalement coûté 2,1 millions de dollars?
    Le samedi 4 novembre 1995, quand maître Roger Tassé m'a téléphoné chez moi. C'est alors que j'ai appris l'existence de la lettre.
    Pourquoi n'avez-vous pas agi aussitôt pour étouffer la question, afin qu'il n'y ait pas de bruit? Pourquoi un délai?
    Nous nous sommes penchés sur la question. Je dis « nous », parce que j'ai rencontré le sous-ministre et les hauts fonctionnaires le lundi 6 novembre. J'ai lu la lettre moi-même. Les avocats de M. Mulroney souhaitaient qu'elle soit retirée. Quand je me suis renseigné sur cette possibilité, on m'a répondu qu'on lui avait déjà donné suite, qu'elle avait été remise à la banque et aux détenteurs de compte. N'oubliez pas que le 6 novembre, avant que le Financial Post ne publie son article, nous cherchions à faire en sorte que cela reste aussi confidentiel que possible. Nous craignions que toute tentative pour retirer la lettre, en repassant par les mêmes intermédiaires, attire plus d'attention que si nous nous contentions de garder le silence et d'envoyer plutôt une seconde lettre aux autorités suisses, ce que nous avons fait en précisant deux points: premièrement, qu'il s'agissait uniquement d'allégations et, deuxièmement, qu'elles étaient priées d'appliquer scrupuleusement les règles de confidentialité.
    Il y a une question que je dois vous poser. Le caucus a-t-il exercé des pressions en disant que, peut-être, c'était l'occasion de le pincer? Est-ce pour cette raison que la lettre n'a pas été retirée ou que l'on n'a pas agi rapidement?
    Non. Je ne me rappelle aucune discussion en caucus à ce sujet. De mon côté, en tout cas, ce que je tenais à faire, c'était de préserver l'intérêt de toutes les parties. Le gouvernement... Les avocats de M. Mulroney avaient une plainte quant aux termes utilisés. La GRC voulait poursuivre son enquête sans qu'on lui nuise. Nous nous efforcions donc de satisfaire aux deux exigences en envoyant des lettres de suivi aux autorités suisses et en envisageant les différentes démarches qu'il était possible d'entreprendre quand, le 18 novembre, tout a explosé, parce que le Financial Post a publié une bonne partie de la lettre et que les avocats de M. Mulroney ont annoncé qu'ils intentaient des poursuites.
    Dernière question.
    J'ai deux questions. Qui a divulgué la lettre aux autorités suisses? Et, lorsque vous étiez ministre de la Justice, qui avait la responsabilité ultime des 2,1 millions de dollars qui ont été facturés aux contribuables canadiens?
    Qui a divulgué la lettre aux autorités suisses? La lettre n'a pas été divulguée, elle leur a été envoyée. Conformément au protocole, le responsable consulaire canadien a fourni une copie de la lettre aux autorités suisses ainsi qu'à la banque et aux détenteurs de comptes. Ce n'était pas une fuite, tout simplement une livraison.
    Il reste à savoir qui a divulgué la lettre au Financial Post? Comme je l'ai mentionné, nous avions un témoin expert qui devait attester que la version à laquelle faisait référence le Financial Post était la version qui avait été traduite en Suisse pour quelqu'un après que nous l'ayons envoyée en allemand, donc nous allions démontrer que ce n'était pas le gouvernement qui avait divulgué la lettre au Financial Post.
    Pour répondre à votre deuxième question, quant à la responsabilité des 2,1 millions de dollars, le gouvernement a reconnu que la lettre aurait dû avoir été formulée autrement. Le gouvernement ne s'est pas excusé de l'enquête. Il n'y a rien de mal à faire enquête. C'est la police qui décide qui fera l'objet d'une enquête. Dans notre cas, c'était la formulation utilisée qui a causé le tort le plus important et c'est donc pour cette raison que nous nous sommes excusés et avons accepté de payer la note.
(1730)
    Chers collègues, la cloche sonne, nous allons donc nous arrêter.
    J'ai une question pour vous, monsieur Rock. À la page 116 de la première journée de témoignage de M. Mulroney dans le cadre de la communication préalable, ce dernier a dit: « Je n'ai jamais eu affaire à lui », lui étant M. Schreiber. Bien sûr, nous avons pris connaissance d'autres renseignements pendant ces audiences. Mais le 10 novembre dernier, le Globe and Mail a publié une entrevue avec M. Mulroney dans laquelle il a reconnu avoir reçu trois paiements totalisant 225 000 $ ou 300 000 $. Cette déclaration publique vient contredire son témoignage sous serment.
    Existe-t-il une possibilité de revenir sur le règlement, puisqu'il a volontairement révélé qu'il avait, en fait, eu affaire à M. Schreiber tandis qu'il l'avait nié dans le cadre de la communication préalable?
    Comme je l'ai indiqué, monsieur le président, les avocats peuvent se prévaloir d'une procédure leur permettant de déposer une requête visant à invalider une entente en raison d'une communication de la preuve incomplète. Dans le cas qui nous concerne, il revient au ministère de la Justice d'effectuer une analyse et, bien sûr, au gouvernement en place de prendre une décision.
    Je peux me prononcer sur la procédure légale, mais d'autres personnes pourront mieux vous répondre quant à l'avis du ministère de la Justice et à la volonté du gouvernement d'agir en ce sens.
    Merci beaucoup, monsieur Rock.
    Chers collègues, M. Rock a accepté de répondre par écrit à nos questions. Si vous avez d'autres questions pour M. Rock, veuillez les transmettre au greffier et nous les ferons suivre à M. Rock et...
    Ce n'est pas ce que nous avons décidé, monsieur le président.
    Non, c'est ce qu'a décidé le témoin.
    Mais nous ne lui avons jamais demandé de le faire.
    C'est moi qui l'ai fait.
    Et bien, vous n'en aviez pas le droit.
    Eh bien, merci.
    Et bien voilà. Non, ce n'est pas merci, monsieur le président. Vous ne pouvez pas tout simplement... Encore une fois, vous faites à votre guise. Que Dieu vous bénisse.
    Silence!
    Oui, merci à vous, monsieur Tilson.
    Monsieur Rock, je vous remercie encore une fois.
    Notre prochaine réunion aura lieu jeudi à 15 h 30. Nous accueillerons Luc Lavoie et François Martin.
    La séance est levée.