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CIIT Rapport du Comité

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Ouvert au commerce, mais pas n’importe comment

Opinion complémentaire du Bloc Québécois

C’est un bien étrange rapport que celui-ci, qui traite tout à la fois des relations commerciales avec l’Union européenne, avec la région du Golfe et avec l’Asie du Sud-est.  Il présuppose que la réponse à tout est une plus grande libéralisation des échanges commerciaux, peu importe les conditions, sans analyse des implications et sans faire de distinction entre une relation commerciale profitable et une autre qui est susceptible de nous appauvrir.

Malgré tout, le Bloc Québécois a choisi de ne pas s’y opposer parce qu’il contient un élément qui nous tient à cœur : il affirme son appui pour la conclusion d’une entente de libre-échange avec l’Union européenne. 

Comme on le sait, le pétrodollar canadien a beaucoup monté face au dollar américain, ce qui provoque une véritable crise dans le secteur de la fabrication, colonne vertébrale de notre économie.  Ce qu’on sait moins, c’est qu’il a beaucoup moins monté face à l’Euro. 

Si nos échanges commerciaux étaient plus diversifiés et que nous étions moins dépendants des États-Unis, notre secteur manufacturier serait beaucoup moins secoué par les aléas du pétrodollar canadien.  Dans cet esprit, l’Union européenne est un partenaire tout naturel.

De plus, un accord de libre-échange avec l’Union européenne comporterait des avantages au chapitre des investissements.  Avec un tel accord, couplé à l’ALÉNA, les entreprises européennes jouiraient de conditions les incitant à faire du Canada leur porte d’entrée vers le marché nord-américain et donc à y effectuer une partie de leur production. 

Le Québec, où se trouvent déjà près de 40% des investissements européens au Canada, serait une destination naturelle pour les entreprises européennes qui désirent prendre pied en Amérique du Nord. 

En effet, comme les partenariats entre l’entreprise, l’État et les travailleurs sont monnaie courante en Europe où ils sont vus comme une forme de partage de risque assurant plus de sécurité aux entreprises, les investisseurs européens peuvent retrouver au Québec un environnement d’affaire avec lequel ils sont familiers.  Il y a fort à parier que le Québec recevrait la part du lion des investissements européens au Canada.

Finalement, l’Europe est un continent où la population jouit d’un niveau de vie élevé, qui est doté de règles strictes en matière de droits de la personne et de protection de l’environnement et jouit d’une couverture sociale étendue.  La conclusion d’un accord de libre-échange ne viendrait pas encourager les délocalisations à rabais, source de dumping social et environnemental.

Quant au reste, le Bloc Québécois se dissocie du présent rapport parce qu’il ne vise pas principalement à augmenter les exportations québécoises et canadiennes, gages de prospérité et d’emploi.  Il vise plutôt à faciliter les activités des entreprises canadiennes à l’étranger, voire à encourager les délocalisations, par la multiplication d’accords de coopération économique et de protection des investissements. 

Cette orientation pose problème au Bloc Québécois pour deux raisons. 

D’une part, nous n’approuvons pas le modèle d’accord relatif à la protection des investissements que le Canada conclut et dont le comité recommande la multiplication .  Ces accords, qui donnent aux sociétés multinationales le droit de poursuivre directement un État étranger s’’il adopte une mesure, même une mesure de nature sociale ou environnementale, dès lors qu’elle a pour effet de diminuer le rendement sur leur investissement, nous apparaissent abusifs. 

Une entreprise multinationale ne devrait pas avoir le pouvoir de provoquer elle-même un conflit commercial.  Cette prérogative appartient aux États.  Il faut amender les traités de protection des investissements de manière à remettre les entreprises sous l’autorité de l’État avant d’en conclure de nouveaux.

D’autre part, et plus globalement, le Bloc Québécois a abondamment exposé ses priorités en matière de politique commerciale dans l’opinion dissidente qu’il a rédigée en réaction au 7e rapport du Comité permanent du commerce international, adopté en mars dernier.

Comme nous le mentionnions, l’environnement commercial s’est considérablement dégradé ces dernières années.  En seulement quatre ans, le Québec est passé d’un surplus commercial de 7 milliards $ en 2003 à un déficit commercial prévu de 15 milliards $ cette année.  La grande priorité du Bloc Québécois consiste à rétablir de l’équilibre dans les échanges. 

Le commerce d’un produit fabriqué au mépris des principaux accords internationaux sur le travail, l’environnement ou les droits de la personne est une forme de concurrence déloyale. Il exerce d’énormes pressions sur notre industrie, donne un avantage aux délinquants sur les pays qui respectent leurs engagements internationaux et favorise l’exploitation des travailleurs étrangers et la détérioration de l’environnement. Ce modèle de développement est insoutenable à long terme. 

Et comme ce n’est qu’en contexte multilatéral qu’on pourra le baliser, le Bloc Québécois déplore que le gouvernement mette toutes ses énergies à sortir de ce cadre et à multiplier les accords bilatéraux.

Pour avoir accès aux marchés étrangers, les pays devraient en contrepartie respecter certaines règles.   Le Bloc Québécois estime que ce chantier doit devenir la grande priorité commerciale du Québec et du Canada et déplore vivement que le Comité du commerce passe à côté de cette question qui risque de devenir l’un des principaux enjeux internationaux dans les années à venir.  

Ces considérations, qui auraient pour effet de rétablir l’équilibre des échanges commerciaux, sont absentes dans le présent rapport.  L’appui du comité en faveur de la libéralisation du commerce avec le Vietnam est révélatrice à cet égard.

Autre exemple, le comité recommande que le Canada conclue un accord de libre-échange et un accord de protection des investissements avec Singapour.  Le comité semble avoir approuvé cette recommandation sans se préoccuper des conséquences. 

Actuellement, plusieurs entreprises délocalisent leur production, soit en Chine ou ailleurs, pour y produire à moindre coût sans se soucier de protéger l’environnement ou de respecter les droits des travailleurs.  Le seul gain que le Canada tire de ces pratiques, c’est l’impôt qu’il lève sur les profits de ces entreprises canadiennes qui produisent à l’étranger. 

Un accord avec Singapour, en permettant aux entreprises canadiennes d’y établir un bureau d’affaire chargé de coordonner leurs activités de production en Asie, ferait en sorte que dorénavant les profits que les entreprises canadiennes tirent de leur production à l’étranger ne seraient même plus imposables ici. 

En bref, le Comité cherche à faciliter les délocalisations à rabais et le déménagement des activités de production.  Cette orientation, susceptible de plaire à quelques multinationales, est absolument contraire à nos intérêts et le Bloc Québécois n’y souscrit pas.

Le Québec est une société commerçante et a besoin d’avoir accès au monde pour assurer sa prospérité.  Aussi, le Bloc est en faveur de la libéralisation des échanges mais pas n’importe comment et pas à n’importe quelle condition.  Loin d’être doctrinaires, nous posons nos jugements sur la base du seul intérêt du Québec. 

Aussi, nous disons oui au libre-échange avec des pays où les activités de production se font dans le respect des personnes, de l’environnement et des travailleurs, comme l’Union européenne, et c’est pourquoi nous ne nous sommes pas opposés au présent rapport.

Mais nous disons non aux accords mal conçus, comme les accords de protection des investissements tels qu’ils sont rédigés actuellement, ou aux accords qui auront pour effet de favoriser les délocalisations, l’effondrement de notre secteur de la fabrication, voire d’encourager le dumping social et environnemental.  D’où cette opinion complémentaire.