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PACP Rapport du Comité

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CHAPITRE 5, LA GESTION DES PROGRAMMES DESTINÉS AUX PREMIÈRES NATIONS DU RAPPORT DE MAI 2006 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA

Introduction

Les collectivités des Premières nations du Canada font face à des difficultés persistantes, tels des taux de chômage élevés, la pauvreté et des problèmes de santé. Ainsi, l’espérance de vie des « Indiens inscrits » de sexe masculin est inférieure de 7,4 années à celle des autres Canadiens. Le gouvernement fédéral a l’obligation d’offrir aux collectivités des Premières nations des programmes sociaux et économiques qui influent directement sur le bien-être des Autochtones. Il a ainsi dépensé plus de huit milliards de dollars en 2004-2005 dans des programmes et services destinés aux Autochtones, mais les conditions de vie dans de nombreuses collectivités des Premières nations demeurent bien inférieures à la moyenne nationale.

Le chapitre « La gestion des programmes destinés aux Premières nations » fait partie du rapport annuel Le Point de mai 2006 de la vérificatrice générale, qui fait lui-même le suivi des efforts du gouvernement pour mettre en œuvre des recommandations antérieures. Cette vérification visait donc à étudier le sort réservé à 37 recommandations contenues dans sept chapitres publiés entre 2002 et 2003. Ces chapitres portaient sur le logement dans les réserves, le développement économique, le processus d’intervention de tiers administrateurs, les soins de santé, le programme Aliments-poste, les revendications territoriales globales et les rapports qui sont exigés des Premières nations. Il ressort en général de la vérification que les progrès pour donner suite aux 37 recommandations ont été insatisfaisants.

Par ailleurs, la vérificatrice générale a conclu que les progrès pour donner suite à 22 des 37 recommandations examinées ont été satisfaisants. Il s’agissait de recommandations de nature administrative ayant une incidence moindre sur les conditions de vie des Premières nations. Toutefois, seulement trois de ces recommandations ont été entièrement mises en œuvre. Des améliorations ont été apportées dans plusieurs domaines :

  • Santé Canada a fait des progrès dans la gestion des programmes financés par la voie d’accords. Les régimes de santé communautaire sont à jour, et les Premières nations effectuent des vérifications avant le renouvellement des accords de transfert.
  • Affaires indiennes et du Nord Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement ont amélioré l’intégration de leurs programmes de logement et renforcé la gestion de nombreux éléments des programmes.
  • D’autres mécanismes institutionnels de développement économique de certaines Premières nations ont été établis.

Toutefois, la vérification a révélé que les progrès ont été insuffisants dans plusieurs domaines : analyse de la consommation de médicaments sur ordonnance, moisissures dans les logements, ententes de règlement sur des revendications territoriales globales, élimination des rapports inutiles et lacunes dans le processus de gestion par des tiers administrateurs.

Comme le Comité s’intéresse de manière particulière aux questions qui touchent les Premières nations, il s’est réuni le 1er juin 2006 pour discuter des résultats de cette vérification de suivi avec des représentants du Bureau de la vérificatrice générale du Canada (BVG) et des ministères concernés. Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale, et M. Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, ont ainsi comparu au nom du BVG du Canada. Ils étaient accompagnés de M. Glenn Wheeler, directeur principal, et de M. Jim Quinn, directeur général (Direction générale des finances, Services ministériels). Mme Hélène Gosselin, sous-ministre déléguée, et M. Ian Potter, sous-ministre adjoint (Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits), représentaient Santé Canada. M. Paul LeBlanc, sous-ministre principal adjoint (Politiques socio-économiques et opérations régionales), a pour sa part témoigné au nom d’Affaires indiennes et du Nord Canada.

Le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, M. Michael Wernick, n’ayant pu être présent à la réunion précédente, le Comité l’a entendu le 13 juin.

Observations and Recommandations

1. Les médicaments sur ordonnance

Le Programme des services de santé non assurés de Santé Canada qui s’adresse aux Indiens et aux Inuits reconnus a été examiné de près par le Comité, lequel a publié, au cours de trois législatures différentes, trois rapports portant directement ou indirectement sur ce programme [1].

Ce programme a aussi fait l’objet de vérifications par le vérificateur général en 1997 et en 2000, ainsi que d’une vérification des programmes fédéraux de prestations pharmaceutiques dont les résultats ont été rendus publics en 2004 [2]. Chaque fois que le Comité a examiné les résultats de ces vérifications, le Ministère n’a pu convaincre le Comité qu’il gérait le programme avec compétence ou qu’il tenait suffisamment compte des besoins réels de santé des Premières nations. Il s’est montré en particulier très réticent à intervenir proactivement afin de limiter l’abus de médicaments sur ordonnance fournis dans le cadre du programme grâce à des échanges de renseignements sur les clients avec les fournisseurs de soins de première ligne. Le Ministère a systématiquement invoqué la protection des renseignements personnels comme principal motif pour abandonner un premier effort (fructueux) dans le but d’échanger des renseignements sur la consommation de médicaments sur ordonnance des clients avec des médecins, des infirmières, des pharmaciens et d’autres intervenants dans la prestation des soins aux membres des Premières nations.

Deux solutions à ce problème ont été proposées. La première — prônée par le Comité — consiste à inscrire le programme dans une loi qui accorderait au ministre le pouvoir, ainsi que l’obligation, de recueillir des données essentielles et de les échanger avec les fournisseurs de services de santé. La deuxième — que préfère Santé Canada — consiste à demander l’autorisation des bénéficiaires pour échanger des renseignements avec les fournisseurs. Le Ministère a mis à l’essai cette dernière solution qui s’est avérée coûteuse et qui s’est soldée par un échec.

Les activités de Santé Canada visant à obtenir le consentement de ses clients ont coûté 5,6 millions de dollars et se sont étalées sur une période de quatre ans se terminant le 31 mars 2004. Dans son Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2004, Santé Canada a indiqué que son initiative de consentement avait été menée à terme, et a offert l’explication suivante :

À la suite de l'évolution du contexte de la protection des renseignements personnels et des leçons tirées au cours des trois dernières années, le Programme des services de santé non assurés (SSNA) a pu adopter une nouvelle approche pour l'initiative de consentement de février 2004. Cela signifie que la date limite du 1er mars 2004 pour la soumission des formulaires de consentement par les clients des Premières nations et des Inuits ne s'applique plus. Le Programme des SSNA n'exige plus un formulaire de consentement signé pour les activités de traitement quotidiennes et l'administration du programme [3].

Voyant que cet effort n’avait pas produit le résultat escompté, le Comité a voulu entendre Mme Hélène Gosselin, sous-ministre déléguée de Santé Canada, qui a affirmé clairement au début de 2005 que « nous examinerons à nouveau les options législatives qui pourraient apporter réponse aux questions de collecte et de communication de renseignements sur la santé » [4]. Encouragé par cette déclaration, le Comité a recommandé :

Que Santé Canada complète son examen des possibilités législatives, y compris la possibilité de faire adopter une loi habilitante spécifique au Programme des services de santé non assurés, qui permettrait la collecte de renseignements sur la santé des clients et leur partage avec les professionnels de la santé, et rende compte des conclusions au Comité au plus tard le 31 décembre 2005 [5].

Le gouvernement, dans sa réponse présentée à la Chambre le 27 septembre 2005, a indiqué que :

Le portefeuille de la santé étudie des options législatives possibles touchant certains aspects de la protection de la santé pour répondre à un ensemble d'enjeux portant sur la collecte et la divulgation de renseignements sur la santé, notamment leurs applications au Programme des SSNA. Santé Canada fournira au Comité permanent des comptes publics un rapport d'étape sur ce travail avant le 31 décembre 2005 [6].

Le Comité a maintenant appris dans les résultats de la vérification de suivi contenue dans le chapitre 5 du rapport Le Point de la vérificatrice générale que Santé Canada ne recueille toujours pas de données sur les décès liés aux médicaments sur ordonnance, pas plus qu’il n’a cherché à inscrire son programme de services de santé non assurés dans une loi, laissant ainsi indéfinis les droits et obligations du Ministère et de ses clients. L’approche du Ministère pour l’analyse de la consommation inappropriée de médicaments sur ordonnance est limitée par son désir de solliciter le consentement individuel des clients avant d’informer les fournisseurs de services de santé ou les pharmaciens des problèmes liés à la consommation de médicaments.

M. Potter a affirmé dans son témoignage que le Ministère a pris des mesures pour analyser la consommation inadéquate de médicaments sur ordonnance par les clients du Programme des services de santé non assurés [7]. Ces mesures sont les suivantes :

  • Mise en œuvre d’un régime d’examen de l’utilisation des médicaments;
  • Identification des médicaments présentant des risques et retrait de ceux-ci de la liste des médicaments payés par le programme ou désignation de ceux-ci comme médicaments qui ne peuvent être prescrits qu’avec la permission spéciale du médecin du client;
  • Limitation du nombre de médicaments, tels la benzodiazépine et les opiacés, que les clients peuvent obtenir sur ordonnance jusqu’à ce que leur médecin en informe le Ministère ou que leur pharmacien fournisse des explications;
  • Mise en place d’un nouveau code dans le système électronique utilisé par les pharmaciens pour les aviser, au moment de remplir une ordonnance, si un patient a déjà obtenu plusieurs ordonnances de benzodiazépine ou d’opiacés;
  • Mise en place d’un système d’analyse rétrospective, six fois par an, pour savoir si les gens ont consulté plusieurs médecins et faire le suivi des personnes concernées.

Le Comité est d’accord avec la conclusion de la vérificatrice générale selon laquelle ces mesures qu’entend prendre le Ministère sont appropriées. Toutefois, pour bien évaluer ces mesures et l’usage qu’en fait le Ministère, il importe de déterminer si elles réduisent les méfaits découlant d’une utilisation inappropriée de médicaments sur ordonnance visés par le Programme des services de santé non assurés. Pour l’instant, une telle évaluation n’est pas possible parce que le Ministère n’a pas encore réussi, après plus de cinq ans d’efforts (selon ses propres dires) à s’entendre avec les médecins légistes et les bureaux de la statistique sur les décès des provinces pour que soient enregistrées les statistiques pertinentes.

Le Comité est très préoccupé par cette question et poursuivra ses efforts dans ce dossier jusqu’à ce qu’il soit satisfait des résultats. Pour s’assurer que l’abus et la mauvaise utilisation des médicaments sur ordonnance visés par le Programme des services de santé non assurés soient réduits à un minimum absolu et que cela contribue à améliorer la santé et la sécurité des membres et des collectivités des Premières nations, le Comité recommande que :

Recommandation 1
Santé Canada termine son étude d’une option législative concernant le Programme des services de santé non assurés, en consultation avec les Premières nations, et la présente au Comité au plus tard le 30 juin 2006.
Recommandation 2
Santé Canada complète ses discussions avec les médecins légistes et les bureaux de la statistique sur les décès des provinces, et élabore d’ici le 31 mars 2007 un protocole concernant la collecte et la communication de données sur les décès et les lésions causés par une utilisation inappropriée de médicaments sur ordonnance payés par le Programme des services de santé non assurés. Une fois le protocole au point, Santé Canada devra, d’ici le 30 septembre 2007, fournir au Comité un plan d’action détaillée pour sa mise en œuvre .
Recommandation 3
Santé Canada fasse rapport annuellement à la Chambre des communes, dans son Rapport ministériel sur le rendement, sur les résultats de chacune de ses mesures visant à réduire l’utilisation inappropriée de médicaments sur ordonnance payés par le Programme des services de santé non assurés, en commençant par le Rapport pour la période se terminant le 31 mars 2006 et en précisant aussi le coût de chaque initiative.
2. Les moisissures

Pendant plusieurs années, la contamination par les moisissures a été reconnue comme un problème de santé et de sécurité grave et grandissant dans les collectivités des Premières nations. En 2003, la vérificatrice générale a constaté que les trois instances fédérales responsables, Affaires indiennes et du Nord Canada, Santé Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, malgré leur participation à un comité chargé d’étudier la question, n’avaient élaboré aucune stratégie ni plan d’action d’ensemble, pas plus qu’ils n’avaient évalué pleinement l’ampleur de la contamination par les moisissures dans les réserves et qu’ils ne savaient combien ils dépensent pour régler le problème des moisissures.

La vérificatrice générale a recommandé que les trois instances fédérales élaborent une stratégie et un plan d’action d’ensemble pour régler le problème des moisissures dans les logements des réserves. Les trois instances fédérales se sont dites d’accord avec la recommandation. Pourtant, le suivi effectué en 2006 a révélé qu’aucune d’entre elles n’avait entrepris d’élaborer un plan d’ensemble pour coordonner leurs efforts ou pour suivre l’ensemble des progrès accomplis.

Le Comité craint fort que les gens qui vivent dans les collectivités des Premières nations ne voient leur logement se détériorer prématurément et leur santé compromise parce que les instances fédérales sont incapables de coordonner suffisamment leurs activités pour mettre au point une stratégie ou un plan. Malgré les quelques progrès réalisés, Paul LeBlanc, sous-ministre principal adjoint à Affaires indiennes et du Nord Canada, a déclaré ce qui suit devant le Comité :

[…] nous procédons actuellement à l'élaboration d'une stratégie exhaustive et intégrée qui mobilisera encore mieux les efforts collectifs du gouvernement fédéral.] [8]

Puis, il a ajouté :

Notre objectif est de fusionner les trois ministères en question avec le plan stratégique amélioré ou la stratégie recommandée par la vérificatrice générale d'ici à l'automne de 2006. Je n'ai pas de date plus précise mais ce sera cet automne. Les ministères continuent à vouloir travailler ensemble [9].

Pour que cet engagement se concrétise, le Comité recommande que :

Recommandation 4
Affaires indiennes et du Nord Canada, Santé Canada, et la Société canadienne d’hypothèques et de logement élaborent ensemble, sous la direction d’Affaires indiennes et du Nord Canada, un plan stratégique pour régler le problème des moisissures dans les logements des réserves des Premières nations. Ce plan stratégique devrait prévoir des mesures et responsabilités spécifiques pour chaque organisation, un échéancier, des indicateurs de rendement, des objectifs et un rapport sur les progrès réalisés. Ce rapport devrait être soumis au Comité permanent des comptes publics au plus tard le 30 novembre 2006.
3. Les rapports

En 2002, la vérificatrice générale s’est penchée sur la relation redditionnelle entre les Premières nations et les organismes fédéraux. Elle a constaté que quatre organismes fédéraux exigeaient au moins 168 rapports annuellement des collectivités des Premières nations examinées, et elle a découvert des chevauchements et des répétitions dans les rapports exigés. De plus, à l'exception de certains rapports financiers, elle s’est aperçue que ces organismes fédéraux se servaient peu de ces rapports. C’est là un problème, car les ressources utilisées pour produire ces rapports pourraient plutôt servir à fournir un soutien direct à la collectivité.

Le BVG avait recommandé que les organismes fédéraux revoient leurs exigences en matière de rapports afin d'établir leurs besoins réels et qu’ils laissent tomber ceux qui se révèlent inutiles ou font double emploi; qu’ils se servent de procédures plus efficaces pour la présentation et le traitement des rapports; et qu’ils entreprennent un examen des autorisations de programmes en vue de les simplifier et de mieux distribuer les responsabilités. Le gouvernement a répondu en reconnaissant qu’il fallait alléger le fardeau en matière de rapports et s’est engagé à revoir les exigences dans ce domaine. Un comité directeur de sous-ministres adjoints a été créé afin d'établir un cadre redditionnel pour tous les programmes fédéraux destinés aux Autochtones.

Au cours de la vérification de suivi, des fonctionnaires ont souligné au BVG qu’à lui seul, Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC) reçoit plus de 60 000 rapports préparés par plus de 600 Premières nations. La vérification a permis de constater que le Secrétariat du Conseil du Trésor avait déterminé l’ampleur des engagements du gouvernement fédéral envers les Premières nations (34 organisations fédérales assurent la prestation de 360 programmes et services), mais qu’aucune mesure concrète n’a encore été prise pour réduire le nombre de rapports inutiles qui sont exigés.

Le Comité est très préoccupé par ces rapports inutiles exigés des Premières nations, car ces dernières n’ont pas de ressources à perdre à produire des rapports pour des organismes fédéraux qui souvent ne s’en servent même pas. Comme le gouvernement s’est déjà engagé à prendre des mesures, le Comité recommande que :

Recommandation 5
Affaires indiennes et du Nord Canada fasse rapport au Comité permanent des comptes publics d’ici le 31 octobre 2006 des progrès réalisés à l’égard de la réduction des rapports exigés des Premières nations et des autres mesures qu’il entend prendre dans ce dossier.
4. Les revendications territoriales globales

Les revendications territoriales globales visent le titre ancestral et les droits sur des terres qui n'ont pas été réglés par des traités ou par d'autres moyens légaux. Pour régler ces revendications territoriales globales, il faut négocier et mettre en œuvre des traités complexes. Dans sa vérification de 1998, le BVG avait constaté que les plans de mise en œuvre élaborés par Affaires indiennes et du Nord Canada étaient inadéquats ou inexistants. De plus, le Ministère tenait compte seulement des activités et des processus, et non pas des résultats obtenus et des frais engagés.

Le BVG avait recommandé au Ministère de renforcer ses plans de mise en œuvre, d'améliorer ses rapports et d'évaluer la mise en œuvre des ententes de règlement des revendications territoriales. Dans sa réponse, le Ministère précise qu’il fournit tous les rapports et renseignements requis, mais que la publication de données financières exhaustives sur les règlements n’est pas une mince tâche.

Après s’être penché sur la vérification, le Comité a recommandé qu’AINC établisse des indicateurs sur les avantages économiques des règlements des revendications territoriales globales, évalue tous les règlements, et fournisse des données sur les résultats obtenus grâce à ces règlements [10]. Le Ministère a répondu qu’il élaborerait un cadre d’évaluation des avantages socioéconomiques des ententes sur les revendications territoriales et qu'il s'attendait à avoir en grande partie terminé un plan pluriannuel destiné à évaluer la mise en œuvre de ces ententes en décembre 1999.

La vérification de suivi incluse dans le rapport Le Point de mai 2006 a permis de constater qu’AINC avait publié des lignes directrices pour renforcer la mise en œuvre des ententes de règlement des revendications territoriales, améliorer ses rapports et évaluer les répercussions. Toutefois, trois ententes signées en 2005 n’énoncent pas d’objectifs, mais précisent des activités que le gouvernement s’engage à mener. La vérificatrice générale a expliqué pourquoi de tels objectifs sont importants et à quoi ils pourraient ressembler :

Je vais vous donner un exemple de ce que nous avons examiné quand nous avons fait la vérification. L'une des revendications territoriales avait pour objectif d'accroître l'emploi des Inuits du Nord, si je me souviens bien. C'était l'objectif global. On parlait ensuite d'un certain nombre d'actions concrètes, l'une d'entre elles étant de tenir une réunion une fois par an avec les parties intéressées. Pendant la vérification, nous avons demandé si l'emploi des Inuits du Nord avait augmenté. Le Ministère nous a répondu que la réunion s'était tenue et qu'il avait donc respecté son obligation. Nous avons dit que ça ne suffisait pas et qu'il fallait savoir si l'on faisait des progrès à l'égard de l'objectif global, et si les actions concrètes énumérées contribuaient au succès de cet objectif. Il ne faut pas se limiter à une mesure concrète, il faut pouvoir juger les résultats par rapport à l'objectif global [11].

La vérification de suivi a aussi permis de constater qu’AINC n’avait pas évalué la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales comme l’avaient recommandé en 1998 le vérificateur général et le Comité, et comme il s’y était lui-même engagé. Le Ministère a depuis élaboré une ébauche de plan d’évaluation et prévoit avoir terminé l’évaluation pilote d'une première entente d'ici à février 2007, soit neuf ans après la première recommandation de la vérificatrice générale à ce sujet. Étant donné la lenteur du Ministère à respecter ses engagements, le Comité recommande de nouveau que :

Recommandation 6
Affaires indiennes et du Nord Canada termine son plan d’évaluation d’ici le 31 octobre 2006 et évalue les répercussions des ententes sur les revendications territoriales globales d’ici le 31 octobre 2007.
Recommandation 7
Affaires indiennes et du Nord Canada établisse des indicateurs et des objectifs et fournisse des données sur les résultats obtenus grâce aux ententes sur les revendications territoriales globales dans ses rapports annuels sur le rendement , en commençant par le rapport pour la période se terminant le 31 mars 2007.
5. Gestion par des tiers administrateurs

Si une collectivité des Premières nations manque à ses obligations alors qu'elle assure la prestation d'un programme ou d'un service conformément à une entente de financement conclue avec Affaires indiennes et du Nord Canada, le ministre a le droit d'intervenir. Si la situation le justifie, il peut nommer un tiers chargé d'administrer l'entente de financement jusqu'à ce que les problèmes soient réglés. Dans une note de vérification datant de 2003, la vérificatrice générale avait relevé diverses lacunes dans l'administration du processus de gestion par des tiers administrateurs, notamment l'absence d'une stratégie pour renforcer les capacités de gestion des Premières nations en vue de mettre fin à l'intervention d'un tiers administrateur.

Elle avait recommandé qu’AINC ajoute certains éléments à la politique sur les séquestres-administrateurs (ou tiers administrateurs) — notamment pour permettre aux Premières nations d’avoir voix au chapitre, pour renforcer les compétences en gestion du chef et du conseil et pour mettre en place un processus de règlement des différends. Dans sa réponse, le Ministère n’a toutefois pas semblé souscrire à cette recommandation. La vérificatrice générale avait aussi recommandé qu’AINC évalue l’intervention des tiers administrateurs. Le Ministère a convenu de le faire une fois que sa politique allait être pleinement en vigueur.

La vérification de suivi a permis de constater que les éléments jugés manquants en 2003 dans la politique sur les séquestres-administrateurs n’ont toujours pas été ajoutés, même si AINC propose d'intégrer ces éléments à sa nouvelle politique, attendue en avril 2006. De même, le Ministère n’a toujours pas évalué l'efficacité de l’intervention des tiers administrateurs. Le Comité estime que la gestion par des tiers administrateurs devrait servir à rectifier la situation, et non à la perpétuer. Afin que le Ministère respecte ses engagements et prenne des mesures propres à minimiser l’intervention de tiers administrateurs, le Comité recommande que :

Recommandation 8
Affaires indiennes et du Nord Canada s’assure que les collectivités des Premières nations possèdent des capacités suffisantes en matière d’administration financière et leur offre la formation voulue si nécessaire.
Recommandation 9
Lorsqu’on a recours à la gestion par des tiers administrateurs, Affaires indiennes et du Nord Canada dresse un plan clair en vue d’y mettre fin.
Recommandation 10
Affaires indiennes et du Nord Canada évalue l’efficacité de l’intervention des tiers administrateurs d’ici le 31 décembre 2006.
6. Intérêt de la direction

La vérificatrice générale dresse la liste de sept facteurs essentiels susceptibles de contribuer à la mise en œuvre réussie de ses recommandations ou, par leur absence, d’y faire obstacle. Le premier, et sans doute ce qui fait le plus défaut à AINC, réside dans l’intérêt soutenu de la haute direction. Si le Ministère veut arriver à résoudre les épineux problèmes qui perdurent depuis des années au sujet des Premières nations, il faudra que ses hauts fonctionnaires leur portent un intérêt soutenu, fassent preuve de leadership et s'engagent à intervenir de manière continue.

Le Comité avait examiné cette question de façon générale dans son 10e rapport de la 38e législature, et en était arrivé à la conclusion que le constant roulement aux postes de sous-ministres rendait difficile pour les titulaires la maîtrise des complexités de leurs ministères et grevait leur capacité de rendre des comptes sur leur rendement. Le Comité avait recommandé que les sous-ministres soient nommés pour une période d’au moins trois ans [12].

Dans son enquête sur le programme des commandites, le juge John Gomery a lui aussi constaté que le taux de roulement des hauts fonctionnaires posait un problème. Il a recommandé que les sous-ministres et les hauts fonctionnaires soient nommés pour un minimum de trois ans, la durée normale de leur mandat devant être de cinq ans [13].

Une étude menée pour le compte du gouvernement a permis de constater qu’au cours des dix dernières années, les sous-ministres sont restés en poste en moyenne trois ans et demi par affectation. Pourtant, le Comité constate qu’au cours des sept dernières années, cinq sous-ministres différents se sont succédé au ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Le Comité a soulevé cette question au cours de la dernière législature, dans son 17e rapport où il recommande que « le gouvernement prenne immédiatement des mesures pour garder les sous-ministres d’Affaires indiennes et du Nord canadien pendant au moins trois ans pour assurer une continuité et une cohérence d’orientation » [14]. Chose étonnante, le Comité vient d’apprendre qu’un nouveau sous-ministre avait été nommé au Ministère le 5 mai [15]. Le sous-ministre n’est pas le seul à être remplacé fréquemment à AINC; c’est également le cas d’autres hauts fonctionnaires. Le Comité a appris que M. Leblanc, sous-ministre adjoint principal, n’avait exercé ses fonctions que pendant 18 mois.

Le Comité s’inquiète vivement du constant roulement de sous-ministres et d’autres hauts fonctionnaires à AINC, qui semble être devenu une habitude à ce ministère et qui explique en partie le peu de progrès accomplis en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations de la vérificatrice générale. Ce fort taux de roulement fait qu’il est difficile de garder une continuité d’orientation et de donner suite aux promesses faites par les anciens sous-ministres. En outre, il faut énormément de temps à un nouveau sous-ministre pour comprendre les préoccupations des Premières nations et établir une relation et un climat de confiance avec elles. Afin de contribuer au maintien d’un intérêt soutenu de la part de la haute direction, le Comité recommande que :

Recommandation 11
Les hauts fonctionnaires à Affaires indiennes et du Nord Canada, en particulier le sous-ministre, soient nommés pour une période d’au moins trois ans, comme l’a recommandé le Comité dans ses 10e et 17e rapports lors de la 38e législature.

Conclusion

Le présent rapport traite des problèmes relevés par la vérificatrice générale dans son rapport de suivi de la gestion des programmes destinés aux Premières nations. Il y a eu effectivement des progrès à l’égard de la mise en œuvre par les ministères fédéraux de certaines recommandations de la vérificatrice générale; toutefois, ces progrès concernent principalement des questions administratives qui n’ont pas autant de répercussions directes sur le quotidien des membres des Premières nations. Le Comité est déçu de constater que les progrès ccomplis à l’égard des recommandations qui sont importantes pour le bien-être des membres des Premières nations ont été moins que satisfaisants. En fait, dans bon nombre de ces dossiers, les problèmes persistent année après année, vérification après vérification. Le Comité ne peut faire autrement que de se demander quand les ministères fédéraux vont enfin se décider à agir sérieusement pour remédier aux problèmes relevés dans leurs programmes. Ce qui est particulièrement dérangeant, c’est de constater que le ministère qui est le principal responsable de la mise en œuvre des programmes sociaux et économiques destinés aux Premières nations, en l’occurrence Affaires indiennes et du Nord Canada, joue à la chaise musicale avec ses sous-ministres. La réalisation de progrès significatifs à l’égard de bon nombre des problèmes auxquels sont confrontés les membres des Premières nations exigera un leadership de la part de la haute direction, et pour cela, il faudra qu’il y ait une certaine stabilité au sein du personnel œuvrant aux échelons supérieurs. Le Comité espère sincèrement que le gouvernement fera davantage de progrès dans l’avenir à l’égard de la mise en œuvre des recommandations de la vérificatrice générale au sujet des questions touchant les Premières nations. Le gouvernement peut commencer par donner suite aux recommandations du présent rapport, qui portent sur les aspects où le gouvernement n’a toujours pas fait de progrès satisfaisants.

[1]
Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, 5e rapport, 36e législature, 1re session; 10e rapport, 37e législature, 1re session; 11e rapport, 38e législature.
[2]
Bureau du vérificateur général du Canada, rapport du vérificateur général du Canada, avril et octobre 1997, chapitre 13 : Santé Canada — La santé des Premières nations; rapport du vérificateur général du Canada, octobre 2000, chapitre 15 : Santé Canada — La santé des Premières nations : suivi; rapport de la vérificatrice générale du Canada, novembre 2004, chapitre 4 : La gestion des programmes fédéraux de prestations pharmaceutiques.
[3]
Santé Canada, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2004, annexe B : Rapport d’étape sur les mesures à prendre conformément à la réponse du Rapport du vérificateur général de 2000 et au Rapport du Comité permanent des comptes publics de 2001 : Santé des Premières nations, juillet 2004.
[4]
Témoignages, 38e législature, 1re session, 2 février 2005, 15:45.
[5]
Comité permanent des comptes publics, 11e rapport, 38e législature, recommandation 6.
[6]
Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement au onzième rapport du Comité permanent des comptes publics, septembre 2005.
[7]
Témoignages, 39e législature, réunion no 6, 12:00.
[8]
Témoignages, 39e législature, réunion no 6, 12:15.
[9]
Témoignages, 39e législature, réunion no 6, 13:05.
[10]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 22e rapport — Affaires indiennes et du Nord Canada — Les revendications territoriales globales, 1999.
[11]
Témoignages, 39e législature, réunion no 6, 12:30.
[12]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 10e rapport — La gouvernance dans la fonction publique du Canada : Obligation ministérielle et sous-ministérielle de rendre des comptes, novembre 2005.
[13]
Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, Rétablir l’imputabilité — Recommandations, 2006, p. 121.
[14]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Chapitre 5, Affaires indiennes et du Nord Canada — Le programme d’enseignement et l’aide aux étudiants de niveau postsecondaire du Rapport de novembre 2004 de la vérificatrice générale du Canada, juin 2005, recommandation 16.
[15]
Voir http://pm.gc.ca/fra/media.asp?category=1&id=1154.