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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er juin 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Il est 15 h 30 et j'aimerais déclarer ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. À l'ordre du jour d'aujourd'hui, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 25 avril 2006, nous avons la revue des articles 25.1 à 25.4 du Code criminel.
    Le comité reçoit aujourd'hui comme témoin un représentant de la Criminal Lawyers' Association, M. Peter Copeland. Monsieur Copeland, la parole est à vous, nous avons environ une heure, nous vous poserons quelques questions après votre exposé.
    Merci beaucoup. Au nom de la Criminal Lawyers' Association, j'aimerais remercier le comité de nous donner l'occasion de comparaître devant lui cet après-midi dans le cadre de la revue des dispositions du Code criminel sur l'exécution de la loi.
    Notre organisme a eu la chance de s'exprimer devant le comité lorsque ces dispositions ont été examinées la première fois. M. Koziebrocki et M. Lomer ont comparu et en gros...
    Excusez-moi, monsieur Copeland, il y a un problème à la traduction.
    Voulez-vous réessayer?
    Lorsque ces dispositions ont été examinées pour la première fois, avant leur adoption par ce comité, notre organisme a eu la chance...
    [Note de la rédaction—Difficultés techniques]
    D'accord, je crois que tout est rentré dans l'ordre. Je vous remercie de votre patience, monsieur Copeland. Vous pouvez continuer.
    Merci.
    Lorsque ces dispositions ont été examinées pour la première fois par ce comité, avant leur adoption, notre organisme a eu la chance de comparaître et en gros, il s'est opposé à l'adoption de ce nouveau régime de justification par l'exécution de la loi parce qu'il n'était pas nécessaire, qu'il était beaucoup trop vaste et qu'il avait pour effet général de mettre les policiers au-dessus de la loi. Cette position demeure la position de notre organisme, qui estime que ces dispositions créent ces grands risques.
    Évidemment, ces dispositions elles-mêmes sont légales, donc sur le plan technique, les policiers qui agissent conformément à ces dispositions agissent de façon légale, mais nous sommes d'avis que les policiers sont placés au-dessus de la loi dans ce régime, en ce sens que ce sont eux qui déterminent quand les intérêts d'exécution de la loi de l'État sont plus forts que les droits des autres personnes dans la société. Leurs actions dépassent alors les dispositions générales du concept de la primauté du droit.
    L'une des notions fondamentales de notre système judiciaire, c'est que ce sont les tribunaux et non les personnes qui déterminent où doit se trouver l'équilibre entre des droits et des intérêts concurrents. Lorsque l'État veut porter atteinte aux droits d'une personne ou à sa ses biens, la formule idéale prévue dans notre système est un régime d'autorisation judiciaire préalable, et lorsqu'il lui est impossible de demander une autorisation préalable en raison de circonstances exigeantes, sa conduite doit faire l'objet d'une surveillance judiciaire subséquente.
    Ce qui est troublant dans ces dispositions, c'est que les policiers, qu'il s'agisse de fonctionnaires publics ou de fonctionnaires supérieurs, décident quel est le comportement approprié à adopter et le décident de leur point de vue, pendant qu'ils mènent enquête, sans la surveillance d'un organisme indépendant et sans système de révision approprié, à notre avis.

  (1535)  

    Je m'excuse, monsieur Copeland, il semble y avoir beaucoup d'activité parmi les membres du comité. Je vous prierais d'être patient quelques minutes, le temps que tout le monde se trouve un siège.
    Merci, monsieur Copeland. Allez-y.
    À notre avis, il manque un système de révision approprié pour vérifier si l'équilibre visé par les policiers en vertu de ce régime est convenable et qu'il est dans l'intérêt du public.
    Pour comparer le système le plus répandu d'autorisation judiciaire préalable — les dispositions sur les mandats de perquisition prévues à l'article 47 du Code criminel — et le pouvoir de justification par l'exécution de la loi, les mandats de perquisition doivent préalablement avoir été autorisés par un fonctionnaire judiciaire indépendant. Dans le régime de la justification par l'exécution de la loi, ce sont les policiers qui jugent de la situation et leur conduite n'est pas préalablement documentée, sauf dans des circonstances exceptionnelles, où un fonctionnaire supérieur doit l'autoriser par écrit à l'avance. À la place, il existe un système de rapport ultérieur.
    Dans le régime des mandats de perquisition, la justification se fonde sur des dénonciations faites sous serment. La justification des actes est divulguée à l'avance. La mesure dans laquelle l'État prévoit porter atteinte aux droits des personnes est caractérisée à l'avance, et des limites claires sont établies entourant la conduite de l'État, en fonction de l'équilibre qu'un fonctionnaire indépendant estime justifié.
    Après l'exécution du mandat de perquisition, les tribunaux continuent de régir et de superviser la perquisition. Le système en place dicte que des rapports doivent être préparés rapidement après une perquisition, que les biens saisis doivent être déclarés à un fonctionnaire judiciaire et que les tribunaux restent les maîtres de la perquisition.
    Dans le système de justification par l'exécution de la loi, la justification n'est pas établie à l'avance. En effet, selon les exigences de rapport prévues à l'article 25.2, le fonctionnaire public qui commet un acte ou une omission qui constitue par ailleurs une infraction doit présenter à un fonctionnaire supérieur un rapport décrivant l'acte ou l'omission, mais n'est pas tenu de le justifier. Concernant la documentation des raisons qui ont poussé l'État à porter atteinte à des personnes, le régime de justification par l'exécution de la loi ne prescrit que des obligations de rapport très minimes.
    L'une des différences les plus importantes sur le plan de la responsabilité entre le régime des mandats de perquisition et le régime de justification par l'exécution de la loi, c'est que les mandats de perquisition finissent par devenir des documents publics. Les dénonciations faites sous serment qui justifient un mandat de perquisition constituent des documents publics. Il peut y avoir des ordonnances de mise sous scellés, et certains renseignements peuvent être supprimés pour protéger une enquête en cours ou l'identité d'informateurs confidentiels, mais en règle générale, ces renseignements deviennent publics lorsque ces intérêts n'ont plus besoin d'être protégés ou que certains renseignements peuvent être supprimés du document.
    Le régime de justification par l'exécution de la loi prévoit une surveillance publique minimale. La presse n'a généralement pas accès à l'information, à moins qu'elle ne soit divulguée pendant la poursuite criminelle et qu'elle devienne un élément de preuve pendant le procès criminel, parfois des années plus tard.
    Toute personne touchée par un mandat de perquisition est avisée d'une façon ou d'une autre que l'État porte atteinte à ses droits. Généralement, les gens ont droit de voir une copie du mandat avant que les policiers n'entrent chez eux. Dans le cas de l'interception de communications privées, les personnes sont avisées quelque temps après la cessation des interceptions.
    Selon le régime de justification par l'exécution de la loi, le seul cas où les personnes touchées sont avisées, c'est lorsque l'acte cause une perte de biens ou des dommages graves à des biens. Si les policiers agressent une personne pendant une enquête ou commettent d'autres infractions, la personne (une personne innocente, une personne du public), peut ne jamais savoir que c'est l'État qui a commis cette infraction contre elle.

  (1540)  

    Toutes les protections que j'ai décrites relativement aux mandats de perquisition sont là pour protéger une catégorie très limitée de droits : les droits de propriété et le droit à la protection des renseignements personnels. À mon avis, ce qui est dérangeant des justifications par l'exécution de la loi, c'est qu'il y a incroyablement beaucoup d'actes qui peuvent être justifiés aux termes de ces dispositions.
    Les limites aux justifications permises sont décrites au paragraphe 25.1(11) :
Le présent article n'a pas pour effet de justifier une personne :
a) de causer, volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles à une autre personne ou la mort de celle-ci;
b) de tenter volontairement de quelque manière d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice;
c) de commettre un acte qui porte atteinte à l'intégrité sexuelle d'une personne.
    Qu'est-ce qui serait permis si ce sont-là les seules exceptions? Le vol serait permis. L'extorsion, les menaces de mort, l'enlèvement ou la séquestration seraient permis. L'infliction de douleurs outre les lésions corporelles intentionnelles serait permise, et malgré le fait que l'alinéa 25.1(11)a) interdise de causer, volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles ou la mort, une conduite provoquant la mort ou des lésions corporelles pourrait être justifiée. Les voies de fait causant des lésions corporelles et les voies de fait graves ne doivent pas nécessairement être le résultat d'un acte volontaire. Donc si les policiers se comportent d'une façon dont on peut objectivement prévoir qu'il y ait un risque de lésions corporelles ou même de mort, cette conduite pourrait être justifiée selon ces dispositions, dans la mesure où les policiers n'ont pas fait preuve de négligence criminelle en ce sens qu'ils n'ont pas gratuitement et négligemment fait fi du risque pour le public.
    Lorsque je me suis préparé en vue d'aujourd'hui, je n'ai pas eu la chance d'examiner la déclaration des témoins qui ont comparu mardi. J'espère que le comité a reçu des renseignements de ces témoins sur le fonctionnement concret de ces dispositions dans la vie de tous les jours.
    J'ai toutefois pu examiner certains rapports publics, du moins en ligne, qui ont été produits par le gouvernement fédéral sur le recours à ces dispositions par la GRC, ainsi que les rapports de la Colombie-Britannique pour certaines années. À la lumière de ces rapports, au moins, il semble qu'on ait eu peu recours à ces dispositions, ce qui est réconfortant compte tenu des inquiétudes qui ont été soulevées sur l'importance et la portée excessive de ces dispositions. En même temps, il y a lieu de s'interroger sur la présumée nécessité de ces dispositions. En 2002 et en 2004, par exemple, la Colombie-Britannique signale n'avoir pas recouru à ces dispositions.
    Pour ce qui est de la GRC, on fait état pour l'année 2003 de cinq fois où pendant des enquêtes dans le contexte de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, on a autorisé la possession et l'achat de documents d'identité. On signale également des infractions à la Loi sur les douanes pour l'achat, la possession et la fabrication de fausses déclarations en douane et un cas où on a autorisé la possession d'une arme à feu qui aurait par ailleurs constitué une infraction au Code criminel.
    Je m'arrête un instant pour souligner qu'avant l'adoption de ce projet de loi, on avait exprimé une réserve selon laquelle il n'était pas nécessaire de créer un pouvoir de justification si vaste et qu'en réponse à l'arrêt Campbell et Shirose de la Cour suprême du Canada, par exemple, on avait déjà promulgué un règlement connexe à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour autoriser la vente de substances par un agent d'infiltration, de sorte qu'on pourrait créer des dispositions de justification plus restreintes qui ne permettraient pas un recours si vaste à des comportements par ailleurs criminels.
    Il y a toutefois une chose intéressante et plutôt réconfortante qui se dégage du rapport de 2002 sur la GRC, c'est que les actes qui ont été justifiés et autorisés concernent des crimes ne faisant aucune victime au sens général, qu'il s'agit de cas où des agents d'exécution de la loi ont été autorisés à posséder en cours d'enquête des choses qui n'ont jamais été possédées à des fins inadéquates.

  (1545)  

    Ainsi, lorsque des agents de l'autorité achètent des documents d'identité, possèdent de faux documents d'identité ou possèdent de l'alcool ou des produits du tabac de contrebande, aucun citoyen n'est vraiment victime de ces infractions. Lorsque l'État se ment à lui-même en faisant une fausse déclaration en douane, c'est un crime sans victime à mon avis.
    De même, selon le rapport de 2003 sur la GRC, il y a eu deux cas de justification de possession de faux passeports; deux infractions à la Loi sur l'accise pour la possession de tabac ne portant pas les autorisations requises; un cas d'achat et de réception de documents contrefaits et d'émission de documents contrefaits; un cas de possession de biens volés, un vol de plus de 5 000 $ (il y a peut-être une victime du vol qui serait une personne du public, mais ce n'est pas clair dans le rapport); enfin, un complot pour commettre une infraction punissable par mise en accusation, bien que cette infraction ne soit pas précisée dans le rapport.
    D'après les renseignements que j'ai pu examiner avant aujourd'hui, il n'est pas clair combien d'autres provinces recourent à ces dispositions et si le recours limité à celles-ci dont fait état le rapport de la GRC est représentatif de ce qui se passe ailleurs au pays.
    Puis-je vous interrompre à l'instant?
    Pourriez-vous conclure votre exposé?
    De plus, je sais que vous avez fait mention de diverses incidences d'utilisation de cet article ou d'application de la loi. Vous rappelez-vous ou pouvez-vous dire au comité s'il y a eu des infractions ou des plaintes qui ont été déposées contre la GRC ou les corps policiers sur la base des dispositions qu'ils ont violée?
    La réponse à votre deuxième question, c'est que je ne suis au courant d'aucune plainte du genre.
    Voici peut-être la conclusion à ma déclaration préliminaire. L'un des véritables problèmes est la structure même de ces dispositions, la façon dont l'autorisation est accordée et la façon limitée dont les bureaux publics créent des rapports et des rapports annuels, parce qu'elle empêche une véritable surveillance de la conduite des policiers.
    Les personnes victimes de « crimes » justifiés de la police peuvent ne jamais savoir qu'elles devraient se plaindre de la conduite de policiers. Si une personne subit une agression ou des menaces dans le contexte de ces dispositions, elle peut avoir l'impression d'avoir été victime d'un véritable criminel plutôt que d'un criminel justifié.
    Les médias ne peuvent pas surveiller la conduite des policiers de façon significative. En effet, d'après les renseignements qu'on trouve dans les rapports annuels (c'est-à-dire les renseignements limités qui doivent obligatoirement être déclarés selon la loi), à mon avis, ces rapports ne fournissent pas suffisamment d'information au Parlement pour qu'il puisse revoir en profondeur l'utilité de ces dispositions, déterminer si le recours à ces dispositions se fait de façon appropriée ou déterminer quel est l'effet de ces crimes justifiés sur le public.
    En ce sens, notre organisme demeure convaincu que ces dispositions placent de façon inacceptable les policiers hors du modèle habituel de la primauté du droit.

  (1550)  

    Merci, monsieur Copeland.
    Nous allons maintenant vous poser des questions.
    Madame Barnes, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup d'être venu, monsieur Copeland.
    Concernant les mécanismes de rapport prescrit par la loi, la raison pour laquelle les renseignements divulgués sont si limités et on en a si peu, c'est que ces rapports ne sont pas censés contenir des renseignements qui compromettraient des enquêtes ou divulgueraient l'identité confidentielle d'agents d'application de la loi, parce qu'on tient compte de la vie et de la sécurité des personnes touchées et que l'on se demande si la divulgation de renseignements peut nuire à un procès en cours ou aller à l'encontre de l'intérêt public.
    Je comprends ce que vous nous dites sur les limites de l'information dont on dispose. Considérant l'objectif de cet article, comment proposeriez-vous qu'on divulgue davantage d'information compte tenu des problème qu'on veut éviter? C'est très bien de dire que vous n'avez pas assez d'information, mais si vous ne nous proposez pas une quelconque forme de solution qui ne compromettrait pas les raisons très valables pour lesquelles ce mécanisme de rapport a été établi de cette façon, vous ne nous aidez pas.
    Avez-vous des propositions sur ce que nous devrions essayer de faire pour aller plus loin ou nous concédez-vous que le motif de base découlait d'une bonne intention et qu'il est probablement juste compte tenu de l'objectif?
    Je peux peut-être dire ceci pour commencer. Je reconnais la nécessité de protéger les enquêtes policières en cours et l'identité des informateurs. Ce ne sont pas de nouvelles inquiétudes propres aux dispositions du Code criminel sur la justification. On y revient jour après jour dans les cours pénales, pour l'obtention de mandats de perquisition; pour la mise aux scellés de renseignements justifiant la délivrance d'un mandat de perquisition; pour la suppression de certains renseignements de documents par l'État, sous surveillance judiciaire, afin de protéger des enquêtes en cours et l'identité des informateurs.
    Il ressort des examens de renseignements pour l'obtention de mandats de perquisition, même relativement en début d'enquête criminelle, que les renseignements qui deviennent publics vont bien au-delà de ceux contenus dans ces rapports. Le simple fait de dire que telles infractions à telles lois ont été commises sans fournir de contexte concret ne donne pas de base adéquate, à mon avis, pour évaluer la justification du recours à ces dispositions. Donc bien que les dispositions de rapport comprennent des règles visant à protéger certains renseignements, ce qui reste constitue un rapport complètement inutile.
    Je vous remercie beaucoup pour cette réponse.
    Nous prévoyons une disposition de révision dans une loi que nous adoptons, surtout lorsque des organismes comme le vôtre ont exprimé des préoccupations jugées réalistes, parce que nous voulons évaluer la loi quelques années après son entrée en vigueur, et ces dispositions sont en vigueur depuis quatre ans.
    Ma question va dans le même sens que celle de M. Hanger, notre président. Vous avez répondu qu'aucun État n'a officiellement exprimé de préoccupations à l'égard de cet article, à votre connaissance. Avez-vous entendu des commentaires à cet effet, ou est-ce qu'on s'inquiète seulement du fait qu'on pourrait avoir recours à cet article de façon abusive?
    Je n'ai entendu aucun commentaire; et je n'ai entendu aucune préoccupation exprimée officiellement. Pour autant que je sache, aucune décision judiciaire n'a été rendue jusqu'à maintenant liée à l'incidence de ces dispositions.
    C'est ce que je me demandais principalement. Parfois, les avocats sont au courant de certains cas qui ne sont pas encore du domaine public. C'est essentiellement ce qui me préoccupait.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci, madame Barnes.
    Monsieur Ménard, la parole est à vous.

[Français]

    Si je comprends bien votre témoignage, votre opposition en est une de principe, puisque vous admettez que vous n'avez aucun exemple précis de cas où il y a eu des abus. Aucune cour de justice ne s'est prononcée sur l'inconstitutionnalité de telles dispositions. Je peux très bien comprendre que pour les avocats en droit criminel, tout régime de justification qui permet à des gens de commettre des actes qui, en apparence, seraient des infractions au Code criminel est inacceptable.
    Cependant, lorsqu'on a rencontré les hauts fonctionnaires des organismes responsables de l'application de la loi, ils nous ont bien fait comprendre que ce régime de justification avait surtout servi dans le cadre d'enquêtes conduisant à des mécanismes d'infiltration, pas exclusivement mais particulièrement dans des scénarios de lutte contre le crime organisé.
    Au fond, c'est un peu comme les délateurs. Sur le plan démocratique et sur le plan d'une saine administration de la justice, cela peut poser un certain problème, même en matière d'éthique. On peut aussi penser que sans la présence de délateurs ou d'un régime de justification, certaines enquêtes policières n'auraient pas trouvé leur aboutissement.
    Iriez-vous jusqu'à recommander que l'on ne reconduise pas ces articles, ou êtes-vous prêt à vous réconcilier, même si c'est probablement pour vous un mal nécessaire, avec l'idée que, dans le cadre des méthodes d'enquête, ces articles peuvent être réputés utiles?

  (1555)  

[Traduction]

    Je dirais que ces dispositions ne devraient pas être renouvelées dans cette forme-là. Même si je reconnais que des enquêtes délicates peuvent susciter des inquiétudes et des besoins précis, surtout dans le cadre d'opérations d'infiltration d'organisations criminelles, ces dispositions confèrent un très large pouvoir qui ne se limite pas aux opérations d'infiltration, ni aux enquêtes sur des organisations criminelles et elles ne restreignent pas non plus les types d'infractions qui peuvent être commises. Seul le paragraphe 25.1(11) énonce des réserves très précises.
    Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la première partie de votre question, mais pour ce qui est de permettre un acte qui constituerait par ailleurs un acte criminel, nous ne sommes pas d'avis que tout acte qui constituerait une infraction ne peut être justifié et que les personnes chargées de l'exécution de la loi ne devraient pas poser ces actes. Prenons l'exemple des mandats de perquisition. Des policiers qui ne détiennent pas de mandat de perquisition commettraient une infraction s'ils entraient dans une résidence privée pour y saisir des biens. Cela se produit...

[Français]

    Vous conviendrez quand même que c'est un peu différent des mandats de perquisition. Si un tel mandat est exercé dans des conditions ne respectant pas les exigences d'un juge de paix, l'article 24 permet d'exclure des éléments de preuve, et cela peut même conduire à l'arrêt des procédures. En jurisprudence, il y a des exemples de cas où des éléments de preuve ont été exclus parce que des mandats de perquisition avaient été utilisés à mauvais escient. À mon avis, la comparaison entre la mauvaise utilisation d'un mandat de perquisition et un régime de justification autorisé par le législateur ne m'apparaît pas être une comparaison valable.
    Je vais dès maintenant vous poser une deuxième question, puisque le temps fuit et que notre président est très rigoureux à cet égard.
    Quelle balises additionnelles souhaitez-vous voir? Partons du principe qu'on ne recommandera pas l'abolition de ces dispositions parce qu'elles sont utiles dans le cadre de l'administration de la justice. Quelles balises additionnelles recommanderiez-vous? Vous savez qu'il y a des agents désignés et que cela doit être autorisé par un supérieur. Vous savez également que le ministre doit les autoriser, sauf dans des cas d'urgence pour 24 heures. Quelles balises additionnelles souhaitez-vous voir sur le plan de l'exécution du procédé?

[Traduction]

    Selon nous — et c'est la raison pour laquelle je reviens toujours à l'exemple des mandats de perquisition — ce qui suscite des préoccupations, c'est la façon dont la justification est donnée, la raison et l'intention pour lesquelles l'acte a été posé et l'examen approfondi qu'effectuera le public au bout du compte du recours à ces dispositions.
    Le régime doit faire l'objet d'une surveillance judiciaire. Par exemple, au cours d'une vaste enquête sur une organisation criminelle, bien que l'exemple du mandat de perquisition ne soit pas l'exemple parfait, il se pourrait qu'à une certaine étape durant l'enquête, on explique à un juge de paix ou à un juge d'une cour provinciale la nature de l'enquête et la raison pour laquelle, c'est-à-dire afin de progresser au sein de l'organisation, un agent doit infiltrer cette organisation en se faisant passer pour un membre du groupe ou un individu issu du monde interlope, bref, quelqu'un qui, afin d'avoir de la crédibilité, doit être autorisé à adopter certains comportements.

  (1600)  

[Français]

    Ai-je encore un peu de temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste du temps pour une très brève question.

[Français]

    Pourriez-vous être plus explicite quant à la façon de concilier cela? L'idée d'un contrôle judiciaire me plaît. En même temps, on doit garder à l'esprit l'idée de la confidentialité de certaines données. Comment pouvez-vous concilier cela? Je trouve l'idée intéressante.

[Traduction]

    La surveillance judiciaire n'empêche pas la confidentialité. Il arrive très souvent que dans le cadre d'enquêtes complexes et de grande envergure des mandats de perquisition soient obtenus et que les informations fournies en vue d'obtenir ces mandats demeurent secrètes pendant longtemps — jusqu'à ce que l'enquête soit terminée, que toutes les arrestations aient été effectuées, que tous les produits du crime aient été saisis et que toutes les preuves pertinentes aient été recueillies. Avoir recours tout simplement aux dispositions courantes du Code criminel sur les informations secrètes, la surveillance judiciaire relative à la divulgation de ces informations, de sorte qu'elles ne soient pas rendues publiques jusqu'au moment où elles ne risquent plus de compromettre l'enquête, est la façon de faire, à notre avis, qui permettrait d'établir un juste équilibre entre les intérêts des personnes chargées de l'exécution de la loi et le droit des citoyens d'avoir leurs intérêts protégés et de tenir l'État responsable de sa conduite, au bout du compte.
    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Comartin, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie, monsieur Copeland, d'être ici.
    Y a-t-il d'autres pays comparables au Canada, par exemple l'Angleterre, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, qui auraient modifié de la sorte leur Code criminel et les procédures suivies par les policiers? Si oui, ont-ils eu recours à la surveillance judiciaire?
    Je sais qu'il existe un régime similaire en Australie. Je n'en connais pas les détails et je ne suis pas au courant non plus des difficultés qui ont été éprouvées. Par contre, je ne pense pas qu'aux États-Unis un tel système soit en place.
    Merci, monsieur le président. C'est tout.
    Merci, monsieur Comartin.
    Monsieur Thompson, c'est à vous.
    Merci, et bienvenue.
    Je crois qu'il a fallu trois ans après la décision rendue en 1999 pour que cette loi autorise les opérations d'infiltration. Je crois savoir, d'après les témoignages que nous avons entendus, qu'au cours de cette période, aucune opération d'infiltration n'a été menée, ce qui a donné lieu à une hausse de la criminalité. Les criminels n'avaient pas à craindre l'infiltration; mais maintenant, la loi permet de nouveau les opérations d'infiltration.
    Je veux poursuivre dans le même ordre d'idée que M. Ménard. J'aimerais obtenir votre avis. Si les articles 25.1 à 25.4 étaient supprimés du Code criminel, comment proposez-vous que les agents d'infiltration travaillent?
    Si je me fie aux activités de la GRC en 2002 et 2003, il semblerait que des cas de faux passeports n'auraient pas fait l'objet d'une enquête et que des cas de contrebande d'alcool et de cigarettes et de documents falsifiés auraient fait l'objet d'une enquête incomplète. Étant donné le recours restreint à ces dispositions, du moins par la GRC, il est difficile à mon avis de voir le besoin urgent que ces dispositions devaient combler.
    Le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Campbell et Shirose posait un problème très précis pour la police sur le plan de la vente de stupéfiants par un agent d'infiltration dans les opérations liées à la drogue. Il fait référence à la définition très vaste énoncée dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances du terme trafic de stupéfiants, car non seulement la vente de drogues constitue une infraction, mais aussi le fait d'offrir d'en vendre. Avant que ces dispositions soient ajoutées au Code criminel, il s'agit d'un problème qui avait été réglé par l'entremise du règlement d'application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    Il semble, du moins d'après les actes posés par la GRC, que les circonstances donnant lieu à la justification sont des enquêtes sur des crimes sans victime, par exemple des cas de contrebande ou de falsification de documents, plutôt que des crimes qui ont généralement une incidence sur des tierces personnes, comme la plupart des infractions visées par le Code criminel.
    Je mets donc en doute la nécessité de ces dispositions. Étant donné les circonstances dans lesquelles on y a eu recours, il est difficile de constater qu'elles sont nécessaires à l'heure actuelle.

  (1605)  

    De toute évidence, elles se sont révélées nécessaires à un moment donné puisque des opérations d'infiltration ont eu lieu pendant des années avant l'ajout de ces dispositions. C'est un jugement d'un tribunal qui est venu changer les choses. La situation n'est plus la même maintenant.
    Je ne suis pas certain que vous ayez répondu à ma question. Les opérations d'infiltration sont essentielles dans bien des cas; c'est ce qu'ont déclaré les témoins que nous avons reçus. La loi sur les drogues autorise ce genre d'opération, mais d'autres types d'opérations ne le sont pas, et c'est pourquoi ces dispositions ont été ajoutées. Vous n'avez pas vraiment expliqué comment vous envisagez que des agents d'infiltration puissent travailler si les dispositions en question étaient supprimées du Code criminel.
    Ces dispositions ne concernent pas les opérations d'infiltration, et je suis certain que, malgré l'absence de ces dispositions, durant la période allant de 1999 à 2002, des opérations d'infiltration ont eu lieu. Elles ne concernent pas les opérations d'infiltration, mais plutôt les actes justifiés qui constitueraient par ailleurs une infraction.
    N'avons-nous pas entendu un témoin dire que toutes les opérations d'infiltration avaient cessé? Vous dites que vous êtes certain qu'elles ont continué, mais je crois que nous avons entendu dire le contraire. Peut-être que je n'ai pas bien compris.
    Il y a un autre point que je veux faire valoir. Être un agent d'infiltration, ce n'est pas rien. Permettez-moi de vous donner un exemple.
    Disons qu'un agent doive infiltrer un gang afin d'être en mesure de contrer les activités de ce groupe. Supposons que ces activités ne concernent pas la drogue. Au terme de la période d'initiation, les membres expliquent à l'agent qu'il doit réussir une dernière épreuve pour faire partie de l'organisation, c'est-à dire cambrioler une petite épicerie de quartier.
    Que devrait faire l'agent selon vous?
    Premièrement, dans mes commentaires ou lorsque j'ai répondu à une question, j'ai reconnu que les enquêtes sur le crime organisé et les importantes organisations criminelles présentent des problèmes particuliers, mais ces dispositions ne concernent pas le crime organisé ni les opérations d'infiltration d'organisations criminelles. Je suis d'avis qu'une disposition visant les opérations de ce genre serait certes plus acceptable et elle pourrait être conciliée avec un système de surveillance judiciaire.
    Quant à la période d'initiation, et je ne veux pas paraître indélicat en disant cela, étant donné les réserves énoncées au paragraphe 25.1(11), les membres d'organisations criminelles, qui savent lire, je présume, n'auraient qu'à exiger, dans le cadre de l'initiation, que la personne en question commette une agression sexuelle mineure afin de découvrir s'il s'agit d'un agent d'infiltration, car conformément à l'alinéa 25.1(11)c), un agent ne serait pas justifié de commettre un tel acte.
    Je ne crois donc pas qu'il soit réaliste d'affirmer que ces dispositions visent uniquement la période d'initiation.
    Je ne le pense pas moi non plus, mais j'estime que les agents d'infiltration accomplissent un excellent travail, et je crois qu'ils savent comment faire face à ces situations. Ils sont apparemment très satisfaits de cette protection supplémentaire. C'est pourquoi j'appuie ces dispositions.
    Enfin, si je puis me permettre, rapidement...

  (1610)  

    Très rapidement.
    Vous avez parlé d'« équilibre ». C'est un mot qui me préoccupe toujours quand il est question de la loi et de l'ordre. On se demande toujours quel est le juste équilibre à atteindre.
    Quel est cet équilibre, en fait? Est-ce 50-50? Je m'occupe depuis des années de crimes commis contre des enfants. Je vais vous dire quel est cet équilibre. Je crois que c'est 5-95. Je dois dire que 5 p. 100 des efforts sont consacrés aux criminels, essentiellement pour s'assurer que leurs droits sont respectés et qu'ils les connaissent; et 95 p. 100 des efforts sont consacrés aux victimes, aux victimes potentielles, aux enfants et à la protection de la société.
    Je ne sais même pas pourquoi on parle d'établir un juste équilibre. Je ne sais pas ce que cela signifie. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous vouliez dire quand vous avez parlé d'établir un équilibre?
    Je voulais parler du fait qu'un officier de justice indépendant doit évaluer les valeurs et les droits concurrents qui nous tiennent à coeur en tant que société démocratique.
    Il faudrait concilier le droit à la vie privée, le droit à l'intégrité physique et le droit de ne pas subir de menaces avec l'intérêt légitime de l'État à ce que la loi soit appliquée. Pour établir cet équilibre, un officier de justice indépendant doit examiner au préalable les preuves sur lesquelles la police veut s'appuyer pour justifier l'acte illégal qu'elle souhaite commettre.
    La police ne doit pas prendre la décision elle-même, car si l'affaire était portée à l'attention de quelqu'un, elle pourrait affirmer que l'acte était justifié en vertu du Code criminel. C'est par mesure de protection qu'il est exigé qu'un État demande au préalable la permission et justifie ce qu'il compte faire, car cela pourrait aller à l'encontre de valeurs importantes aux yeux de notre société.
    Merci, monsieur Copeland et monsieur Thompson.
    Monsieur Maloney, la parole est à vous.
    À quelle fréquence a-t-on recours à ces dispositions? Pouvez-vous me donner une idée?
    Il semble que la GRC y a recours environ une douzaine de fois par année, mais elle n'y a pas eu recours en Colombie-Britannique en 2002 et en 2004. Je n'ai pas été en mesure d'obtenir les rapports concernant les autres provinces.
    Vous préconisez la surveillance judiciaire, mais dans les cas où la situation est pressante -- par exemple une poursuite immédiate -- il est difficile d'exercer une surveillance judiciaire, n'est-ce pas?
    Si je me fie à l'information que contiennent les rapports annuels de la GRC, quoi qu'elle soit limitée, aux types d'enquêtes dans le cadre desquelles des actes ont été justifiés en vertu de ces dispositions et à ma propre expérience, il me semble qu'il ne s'agit pas de situations où un agent doit prendre une décision sur-le-champ parce qu'il se trouve tout d'un coup au beau milieu d'un complot.
    Dans des enquêtes sur des organisations criminelles, que ce soit dans le monde de la drogue, des migrations clandestines ou de la contrebande de tabac ou d'alcool, on parvient à obtenir de l'information, on forme des liens au fil d'une longue période, et il y a suffisamment de temps pour rédiger un court affidavit à l'intention d'un officier de justice visant à expliquer le type d'enquête en cours, les objectifs de cette enquête et la nature des infractions commises. Nous pourrions écrire ceci : « Nous proposons d'avoir recours à ces dispositions en vue de commettre les infractions suivantes : posséder des biens qu'il serait par ailleurs illégal de détenir et créer de faux passeports, et ce, dans la mesure dans laquelle cela semble s'être fait dans le cadre d'autres enquêtes. »
    Il se pourrait que dans le cadre d'une enquête, l'agent désigné ou la personne autorisée à la suite de l'autorisation judiciaire se retrouve dans une situation où un acte criminel doit être commis ou doive décider sur-le-champ si un tel acte doit être commis. Il pourrait se produire, après l'autorisation judiciaire préalable, une situation pressante -- et cela est prévu dans notre système d'autorisation judiciaire préalable -- qui fait en sorte que les policiers ne peuvent obtenir un mandat sans risquer de blesser des individus ou de perdre des preuves. Il peut arriver qu'ils agissent en premier lieu et qu'ils expliquent après coup les actes commis.

  (1615)  

    Devrait-on conserver les dispositions en vue de ce genre de situation ou devrait-on les restreindre en prévoyant une exception pour des situations pressantes?
    À mon avis, pour faciliter la reddition de compte et respecter les principes de la primauté du droit, il vaut mieux exiger que le plus possible de renseignements soient présentés au préalable quant à la nature de l'enquête et au type de conduite illégale envisagée, puisqu'on définit alors clairement les limites dans lesquelles l'État prévoit de violer les droits d'autrui ou encore de s'engager dans des crimes sans victime — comme cela semble être le cas dans certaines enquêtes.
    Alors, si quelque chose se produit au cours de cette enquête un jour ou dix jours plus tard, selon la nature de l'opération d'infiltration, la personne en fait rapport à un supérieur et informe la cour qu'en raison des circonstances, l'infraction a été commise. Les raisons sont alors données. Ce système faciliterait la reddition de compte ainsi qu'un examen approprié de la conduite policière. Le Parlement pourrait ainsi avoir la certitude que ces pouvoirs exceptionnels pourraient être examinés et seraient utilisés à bon escient.
    Si, en cours de route, ces pouvoirs doivent être modifiés — plus d'exceptions ou, pour prévenir les abus, une plus grande supervision —, le Parlement aurait l'information nécessaire pour prendre cette décision.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Maloney.
    Madame Freeman.

[Français]

    Cette semaine, nous avons reçu un groupe de gens qui nous ont fait part de la façon dont ils ont appliqué les articles 25.1 à 25.4. Nous avons été en mesure de constater qu'ils avaient fait un exercice assez judicieux et qu'il n'y avait pas eu d'abus. Vous avez vous-même constaté qu'on n'avait pas utilisé les articles 25.1 à 25.4 de façon abusive en Colombie-Britannique.
    Cela étant dit, même si jusqu'à présent l'exercice semble correct, il est vrai que son application est très large.
    M. Thompson disait qu'on s'en était servi beaucoup dans les cas d'infiltration des milieux du crime organisé. Si on faisait deux distinctions à propos des articles 25.1 à 25.4 — il y a les cas d'urgence, comme on le sait, et vous parliez de perquisitions tout à l'heure —, est-ce que cela pourrait vous satisfaire, puisqu'on utilise ces articles surtout à l'égard du crime organisé? On ne les utilise pas beaucoup à l'extérieur de ce contexte.

[Traduction]

    Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, si les dispositions visaient à combattre le crime organisé en donnant aux agents d'infiltration la crédibilité nécessaire pour infiltrer des organisations criminelles avec succès, le régime serait beaucoup plus centré, plus restreint et plus intéressant. En se concentrant sur un problème précis, la justification devient plus évidente.

[Français]

    Si je comprends bien, selon vous, ce serait correct en autant que ce soit relié au crime organisé.

[Traduction]

    Je dis qu'en principe, il n'y a rien de mal à s'attaquer à un problème précis, et on limite ainsi les effets négatifs que pourrait avoir une loi. On limite le pouvoir discrétionnaire des policiers dans d'autres enquêtes, des enquêtes dans lesquelles ce qui constituerait autrement une conduite criminelle ne serait pas justifiée aux yeux de la société. On réduit le recours aux activités criminelles dans ces circonstances.
    En même temps, même si cette disposition vise seulement l'infiltration d'organisations criminelles, il n'y a rien dans une telle disposition restrictive qui ne soit pas conciliable avec un contrôle judiciaire. La protection des informateurs et la confidentialité des enquêtes peuvent être facilement assurées, comme dans le cas des perquisitions et des écoutes électroniques.

  (1620)  

[Français]

    Vous proposez donc un contrôle judiciaire pour toutes les applications de ces dispositions.

[Traduction]

    Le contrôle judiciaire, l'autorisation judiciaire préalable, est une préférence constitutionnelle, et lorsque cette autorisation préalable ne peut être obtenue en raison de l'urgence de la situation, il faut alors prévoir un contrôle judiciaire subséquent en exigeant qu'un rapport soit présenté à la cour en temps opportun. La conduite policière peut ainsi être soumise à un examen minutieux.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, madame Freeman.
    Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Copeland, de comparaître devant nous.
    Selon les témoignages que nous avons entendus au sujet des restrictions, les gens disent parfois qu'il s'agit d'un permis d'enfreindre la loi, mais comme vous le dites très justement, les policiers qui agissent dans le cadre de cette disposition respectent la loi que nous, les parlementaires, avons adoptée. Nous adoptons ces articles du Code criminel pour leur permettre de faire leur travail.
    À la lumière de ce que vous avez dit sur l'étude de la GRC, je vois là une lame à deux tranchants. D'une part, la plupart des infractions que vous avez énumérées sont des crimes sans victime — mauvais étiquetage du tabac, infractions relatives aux passeports, etc. Vous dites que l'article ne doit pas exister à cause de cela et je dis qu'au contraire, l'article doit être maintenu justement pour cette raison; si les crimes ne font pas de victime, alors je ne vois pas où est le problème. D'autre part, je constate en lisant la loi qu'il ne s'agit pas ici de donner un permis de tuer à un agent secret. Il y a des limites à respecter relativement aux blessures corporelles ou à l'intégrité sexuelle d'une autre personne. Quand on pense à certaines enquêtes et aux témoignages que nous avons entendus sur la pornographie infantile, le trafic humain, les bandes de motards, le crime organisé — des crimes de cette nature — il est facile d'envisager des situations où un agent aurait besoin de recourir à l'application de cet article, et peut-être d'y recourir en temps opportun.
    Je sais que vous en avez parlé. Toutefois, si cette disposition doit être restreinte, qu'est-ce que vous envisagez? Comme M. Thompson l'a dit, nous parlons parfois d'équilibre, et nous voulons vraiment que des enquêtes puissent être menées dans ces cas très graves. Que proposez-vous?
    J'ai dit que, dans le cadre de ces dispositions, les agents de police agissent conformément à la loi, mais j'aimerais préciser que techniquement, ils agissent conformément à une disposition légale, mais ce sont dans une large mesure des acteurs autonomes qui ne sont pas assujettis à un examen judicieux ou à une obligation stricte de rendre des comptes, compte tenu de la structure du système.
    Pour ce qui est du recours passé à ces dispositions, si l'on cherche ici à permettre à des organismes d'application de la loi de s'engager dans une conduite criminelle sans victime — posséder des marchandises de contrebande, falsifier des documents, ce genre de choses — on pourrait le faire en restreignant les dispositions au paragraphe 25.1(11) et on éliminerait ainsi la justification d'une conduite qui pourrait entraîner des lésions corporelles graves. Comme je l'ai dit plus tôt, l'alinéa 11a) interdit « de causer, volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles à une autre personne ou la mort de celle-ci ». Il n'élimine pas la mort ou les lésions corporelles du régime de justification.
    L'homicide involontaire coupable, par exemple, est un crime pour lequel on n'a pas à démontrer que la mort a été causée volontairement ou par négligence criminelle. Si les policiers sont autorisés à menacer des personnes, à faire usage de la force à leur endroit et qu'il s'ensuit une conséquence imprévue — ils séquestrent une personne de force ou la frappent sans vouloir causer des lésions corporelles et la personne subit un arrêt cardiaque — il s'agit d'un homicide involontaire coupable si l'acte sous-jacent est une agression. Et ces dispositions, à cause des restrictions de l'alinéa 11a), justifieraient pareille conduite.

  (1625)  

    Merci pour cette précision, mais nos propos ne sont-ils que théoriques? Ce que l'on sait, c'est que les mesures que la police a prises et qui ont été divulguées n'ont pas créé de victimes, comme vous le dites, et ces dispositions n'ont pas vraiment été contestées, sur le plan constitutionnel ou autrement. Nous n'avons aucune preuve que des torts semblables ont été causés. Alors, je me demande quel tort nous essayons de prévenir. Bien sûr, nous voulons empêcher que des torts soient causés. Toutefois, quel tort essayons-nous de prévenir et à l'égard de qui? Dans certains cas — le trafic humain, les bandes de motards, le crime organisé, la pornographie infantile — nous savons, du point de vue de l'enquête criminelle, le tort que nous voulons prévenir. Où est la preuve que cette disposition comporte une lacune que les parlementaires doivent corriger?
    Tout d'abord, je dirais plutôt qu'avant de créer une exception au principe voulant que chaque personne est assujettie à la primauté du droit — il s'agit d'une exception remarquable — le Parlement doit avoir la preuve péremptoire qu'un organisme d'application de la loi doit nécessairement recourir à une conduite extrême — commettre des agressions, s'engager dans une conduite menaçante, séquestrer des personnes de force ou commettre des infractions mettant en cause des armes à feu — qui pourrait poser un risque réel à des personnes, bien qu'il n'ait pas d'intention de causer des lésions corporelles.
    Un autre tort serait causé au concept même de la primauté du droit, en ce sens que l'État doit donner l'exemple aux citoyens. Lorsque l'État s'engage dans une conduite illégale ou dans une conduite que la société juge moralement répréhensible, il compromet de façon fondamentale le respect de la société envers ces normes.
    Merci, monsieur Moore.
    Monsieur Copeland, merci.
    Monsieur Lee — oh, M. Lee n'est pas prêt.
    Attendez, attendez. Ce n'est pas que je ne suis pas prêt; je n'ai tout simplement pas de question.
    Excusez-moi, je vais corriger mon erreur.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Bonjour, monsieur Copeland.
    Vous suggérez que les articles 25.1 à 25.4 soient différents. Aux alinéas 25(1)a) et 25(1)c), on parle bien d'un citoyen qui aide un policier, et non pas uniquement des policiers. Vous ramenez toujours la conversation vers les policiers. Or, les alinéas 25(1)a) et 25(1)c) stipulent bien, et je cite:
    
a) soit à titre de particulier;
et
    
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix [...]
    Donc, les articles 25.1 à 25.4 pourraient s'appliquer à moi, un citoyen ordinaire, parce que j'ai participé. Les articles 25.1 à 25.4 protègent M. et Mme Tout-le-Monde qui ont l'obligation, en tout temps, d'empêcher un acte criminel de se produire. Par exemple, si quelqu'un entre par effraction dans ma maison et que je suis obligé de me battre avec lui, je risque de l'amocher avec un bâton de baseball. Je voudrais avoir une protection dans ces circonstances. C'est la première des choses.
    Deuxièmement, avez-vous envisagé de faire comme au Québec où, lorsque nous ne sommes pas satisfaits du comportement d'un policier, nous pouvons déposer contre lui ce qu'on appelle une plainte en déontologie? C'est beaucoup sévère que les dispositions des articles 25.1 à 25.4. On règle le problème au moyen du code de déontologie qui existe au Québec depuis une bonne vingtaine d'années. On n'a même pas besoin de se servir du Code criminel. Cette façon de faire est directe, facile et rapide, et les décisions sont beaucoup plus intéressantes que celles rendues en vertu du Code criminel. Comme vous l'avez expliqué plus tôt, à peine une dizaine de décisions ont été rendues en vertu du Code criminel, cela pour des raisons un peu particulières.
    Voulez-vous qu'il y ait un amendement strictement à cause des policiers ou pour empêcher tout ceux qui sont témoins d'un acte criminel de bénéficier des articles 25.1 à 25.4?

  (1630)  

[Traduction]

    En guise de précision, les articles 25.1 à 25.4 ne s'appliquent pas, selon moi, aux individus, sauf dans la mesure où le paragraphe 25.1(8) prévoit qu'un individu — par exemple, un agent de police — peut être justifié et recevoir l'ordre de commettre un acte qui constituerait par ailleurs une infraction criminelle. Dans ces circonstances, un agent supérieur doit donner son autorisation préalable par écrit.
    Concernant la justification et la légitime défense, et les citoyens qui veulent empêcher une infraction, même si les articles 25.1 à 25.4 étaient entièrement éliminés du Code criminel, le droit à la légitime défense existerait toujours. Le droit d'utiliser la force pour expulser un intrus de votre propriété existerait toujours. Le droit d'utiliser la force pour empêcher la poursuite d'une infraction ou la perturbation de l'ordre public existerait toujours. Ces dispositions s'appliquent sous diverses formes aux agents de la paix et aux individus. Alors ce n'est vraiment pas une question de nécessité en matière de légitime défense.
    Ces dispositions traitent d'un problème très différent qui, dans certaines circonstances, peut avoir trait simplement à la possession illégale de marchandises de contrebande. Dans les circonstances particulières des enquêtes sur le crime organisé, il peut s'agir d'assurer une certaine crédibilité à une personne qui tente d'infiltrer l'organisation. Toutefois, elles n'ont rien à voir avec les dispositions générales du Code criminel qui portent sur la légitime défense.

[Français]

    Lorsque des policiers posent des gestes graves envers des citoyens, n'est-il pas plus facile de porter plainte en vertu du code de déontologie, comme cela se fait au Québec? C'est une façon de procéder beaucoup plus rapide, beaucoup plus facile et les résultats sont beaucoup plus concrets. Avez-vous étudié cet aspect de ma question pour les provinces qui ont beaucoup de cas reliés à la déontologie, basés sur les articles 25.1 à 25.4?

[Traduction]

    Je crois que la surveillance civile des forces policières et le traitement des cas d'abus de pouvoir dans un contexte de discipline et d'examen éthique sont des mesures fort louables, que j'appuie certainement.
    Je ne suis pas certain que cela règle la question que nous avons ici au sujet des articles 25.1 à 25.4, parce que les citoyens concernés — les gens qui s'adresseraient aux commissions chargées des plaintes contre la police et aux organismes semblables dans l'ensemble du pays — ignoreraient probablement qu'elles ont eu affaire à la police, sauf dans les circonstances particulières où des biens auraient été perdus ou détruits.
    Il se pourrait très bien que la victime de ce crime justifié soit l'une des cibles de l'organisation criminelle. Ce pourrait être aussi une personne tout à fait innocente, qui ignore complètement que la police s'est engagée dans ce qui serait par ailleurs une conduite illégale.
    Puisque les dispositions ne prévoient pas de contrôle judiciaire ni, par conséquent, un examen public subséquent, puisque les dispositions concernant les rapports sont si restrictives que le fonctionnaire public n'a pas à donner de justification dans le rapport qu'il fournit conformément à l'article 25.2, et puisque le rapport annuel contient si peu de renseignements qu'on ne peut déterminer si la conduite était justifié par les circonstances, les personnes auraient du mal, à mon avis, à savoir sur qui et sur quoi leurs plaintes devraient porter.
    Merci, monsieur Copeland.
    Le temps est maintenant écoulé pour le témoin. Nous vous remercions de nous avoir fait part de votre point de vue. Il est intéressant de connaître la position d'un criminaliste. Évidemment, nous avons entendu des agents de police, et nous entendrons d'autres policiers et d'autres avocats au cours des prochaines réunions.
    Dans le contexte dans lequel nous abordons cette question, comme le crime organisé — et je sais que des questions ont été soulevées à ce sujet — ces dispositions facilitent vraiment ces enquêtes plus que toutes autres. Malgré ce que vous pouvez voir dans vos rapports, ce n'est qu'une petite partie d'un plus grand ensemble. On nous a dit que les choses fonctionnent ainsi. Cela ne reflète pas nécessairement l'ensemble du tableau, mais bien une partie du tableau, ou une partie très essentielle.
    Comme on nous l'a fait remarquer, les agents de police ont eu recours à cette activité particulière par le passé en la justifiant par la jurisprudence. C'était acceptable jusqu'à la plus récente affaire judiciaire, et c'est maintenant dans la loi, et c'est là où nous en sommes.
    Voilà donc ce qui a été présenté au comité jusqu'à maintenant. Nous examinons donc la situation non seulement du point de vue de la Criminal Lawyers' Association ou d'un criminaliste, dont l'examen de la situation peut aussi être restrictif; toutefois, le comité doit examiner cette question dans un contexte beaucoup plus large.
    Je vous remercie. Ce fut une discussion très intéressante.

  (1635)  

    Merci beaucoup.
    Je demanderais aux membres du comité de rester ici. Nous allons discuter de certaines questions à huis clos. Nous allons suspendre nos travaux pour une minute et nous reprendrons notre séance à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]