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JUST Rapport du Comité

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CHAPITRE UN : INTRODUCTION

A. L’APPROCHE DU SOUS-COMITÉ

La prostitution est un phénomène qui suscite de vifs débats. Les nombreux témoignages que nous avons recueillis dans l’ensemble du pays tout au long de notre examen des lois entourant la prostitution font foi d’une diversité d’opinions. Parler de prostitution, c’est lancer un débat sur la moralité, la sexualité, le crime organisé, la santé et la sécurité publiques, l’exploitation des femmes et des enfants, l’inégalité entre les hommes et les femmes et le respect des droits de la personne, pour ne nommer que ceux-là.

La prostitution adulte1 n’est pas illégale au Canada. Or, la plupart des activités qui l’entourent le sont, rendant sa pratique quasi impossible sans enfreindre une loi criminelle. Il s’ensuit donc que les personnes qui vendent leurs services sexuels2 ou sont forcées à se livrer à la prostitution adulte risquent des sanctions criminelles pour s’être adonnées à une activité par ailleurs légale. Les personnes les plus à risque d’être criminalisées, nous le verrons, sont majoritairement des femmes fragilisées par diverses problématiques dont la pauvreté, l’itinérance et la dépendance à la drogue. Elles se livrent par ailleurs à la forme de prostitution la plus vulnérable, la prostitution de rue.

Il convient de souligner d’entrée de jeu que notre rapport porte strictement sur la prostitution adulte. Les jeunes et les enfants qui se livrent à la prostitution3 sont victimes d’exploitation sexuelle et cette forme d’exploitation doit demeurer illégale et criminelle en tout temps. Le Sous-comité propose donc une politique de tolérance zéro dans ces cas et une application rigoureuse des lois en vigueur.

B. MANDAT ET PROCESSUS D’EXAMEN

Le 6 juin 2006, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a confié à notre Sous-comité le mandat de poursuivre le travail entamé par le Sous-comité des lois sur le racolage lors de la 38e législature, et de faire rapport au Comité permanent avant le 8 décembre 20064. La dissolution du Parlement, en novembre 2005, avait empêché le Sous-comité de finaliser son rapport et, par le fait même, de remplir le mandat que lui avait confié le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile, qui consistait à «  examiner les lois sur le racolage dans le but d’améliorer la sécurité des travailleuses et travailleurs du sexe et de la collectivité dans son ensemble, et de soumettre des recommandations visant à réduire l’exploitation et la violence dont les travailleuses et travailleurs du sexe sont souvent victimes  » .5

Cette étude était la deuxième tentative pour donner suite à une motion présentée à la Chambre des communes par Libby Davies, députée de Vancouver-Est, en février 2003 au cours de la 2e session de la 37législature et adoptée à l’unanimité. Le Sous-comité a décidé au départ d’adopter les témoignages entendus par son prédécesseur, dont les travaux avaient commencé le 2 octobre 2003 et pris fin après seulement cinq séances à cause de la prorogation du Parlement. La liste des témoins qui ont comparu au cours de cette session figure à l’annexe B.

Pour réaliser son mandat, le Sous-comité a examiné la documentation pertinente et entendu quelque 300 témoignages dans le cadre d’audiences publiques et privées et de visites à Ottawa, Toronto, Montréal, Halifax, Vancouver, Edmonton et Winnipeg, du 31 janvier au 30 mai 20056. Des dizaines de chercheurs, d’universitaires, d’experts en politique, de citoyens, d’intervenants des services sociaux et de la santé, d’avocats, de policiers ainsi que de personnes impliquées dans le milieu de la prostitution7 ont présenté des témoignages, certains à titre personnel, d’autres en tant que représentants de groupes de revendication, de regroupements associatifs, de services gouvernementaux et d’organisations non gouvernementales.

Lors de ses missions, le Sous-comité a aussi visité divers programmes et services destinés aux personnes qui vendent des services sexuels de même qu’aux enfants et aux jeunes victimes d’exploitation aux fins de la prostitution. Pendant ces visites, des témoins qui ont à cœur le bien-être des personnes qui offrent des services sexuels en échange de rémunération ont ainsi pu lui faire part de leurs diverses expériences.

Au moment de l’étude, le Sous-comité a également rencontré de façon informelle une centaine de personnes provenant de différentes régions du pays qui se livraient ou s’étaient déjà livrées à la prostitution par le passé, afin de recueillir leur témoignage en ce qui a trait à l’impact de la criminalisation des activités entourant la prostitution sur leur quotidien et leur qualité de vie. Les expériences de vie de ces personnes, les difficultés qu’elles ont éprouvées, de même que les solutions qu’elles ont préconisées pour réduire l’exploitation et la violence dans le milieu de la prostitution, se sont avérées des informations essentielles et instructives.

Tout au long de ce rapport, leurs propos sont rapportés de façon à protéger leur anonymat. La plupart ont en effet comparu devant le Sous-comité de façon anonyme et à huis clos, craignant les répercussions légales possibles entourant leur témoignage dans le contexte des lois actuelles. Ces personnes nous ont dit : «  Échanger du sexe contre de l’argent ou autre chose n’est pas un crime à nos yeux, ni aux yeux de la loi, pourtant comme travailleuses et travailleurs du sexe, nous sommes toujours considéré(e)s comme des criminel(le)s8.  »

Une autre part importante du travail du Sous-comité a été de discuter avec des résidants de quartier qui vivent les conséquences néfastes de la prostitution de rue. Dans tout le pays, de nombreux résidants ont fait part de leurs craintes et de leurs frustrations. Ils ont parlé, entre autres, des risques que présentent les seringues souillées et les condoms usagés qui jonchent les parcs et les terrains d’école de leur quartier, du climat d’insécurité causé par les guerres entre proxénètes et revendeurs de drogue, du harcèlement continuel que les clients leur font subir, de l’omniprésence du trafic de drogue et de la toxicomanie dans les rues et du comportement sexuel explicite de certaines personnes qui se livrent à la prostitution. Les témoignages des résidants ont équilibré les points de vue, ce qui était essentiel pour que le Sous-comité puisse s’acquitter de son mandat et, par le fait même, répondre aux besoins et aux préoccupations tant des personnes qui se livrent à la prostitution que des collectivités canadiennes.

C. ORGANISATION DU RAPPORT

L’organisation matérielle du rapport s’articule autour de sept chapitres, dont la présente introduction :

Chapitre deux : Portrait de la prostitution au Canada — Ce chapitre présente un aperçu des connaissances sur la prostitution en général et les personnes qui y participent, notamment les personnes qui vendent leurs services sexuels, les clients, les proxénètes et le crime organisé.

Chapitre trois : La prostitution et ses effets — Ce chapitre fait état de l’expérience de la prostitution au Canada et de ses répercussions sur la société, les femmes et les résidants des quartiers où la prostitution de rue est chose courante.

Chapitre quatre : La réaction juridique à la prostitution — Ce chapitre aborde l’historique de la criminalisation de la prostitution au Canada, le cadre législatif actuel et les problèmes associés à son application. Les articles du Code criminel directement reliés à la prostitution y sont discutés, de même que les articles d’application générale qui sont utilisés pour gérer ce phénomène, dont ceux qui ont trait à l’agression sexuelle, à l’extorsion, à l’intimidation, à la traite des personnes et au crime organisé.

Chapitre cinq : L’impact des lois criminelles associées à la pratique de la prostitution — Ce chapitre traite de l’impact positif et négatif de la criminalisation de certaines activités liées à la prostitution aux termes des articles 210 à 213 du Code criminel.

Chapitre six : Modèles de réforme — Expérience d’autres pays — Ce chapitre présente les avantages et les inconvénients, rapportés dans les témoignages, des différentes approches légales en matière de prostitution adoptées en Suède, en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas.

Chapitre sept : Difficultés à obtenir un consensus — Recommandations et conclusions — Ce chapitre présente les commentaires et les recommandations des membres du Sous-comité, à savoir les opinions consensuelles, majoritaires et minoritaires.



1Contrairement à la prostitution adulte, la prostitution juvénile est spécifiquement proscrite dans le Code criminel au paragraphe 212(4). Selon le libellé de cette loi : «  Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque, en quelque endroit que ce soit, obtient, moyennant rétribution, les services sexuels d’une personne âgée de moins de dix-huit ans ou communique avec quiconque en vue d’obtenir, moyennant rétribution, de tels services.  » Il en va de même pour le proxénétisme de personnes de moins de dix-huit ans. Cette infraction est punissable d’une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement. Le Code criminel fixe donc l’âge de consentement en matière de prostitution à 18 ans. L.R.C. (1985), ch. C-46.
2Les expressions «  personnes qui se livrent à la prostitution  », «  personne qui vend ses services sexuels  », «  personnes prostituées  » et «  travailleurs du sexe  » sont utilisées de façon interchangeable tout au long du rapport. 
3L’expression « exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales » sera souvent utilisée dans le présent rapport pour évoquer l’implication des mineurs dans la prostitution.
4Que, conformément à l’article 108 du Règlement, soit créé un Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage, composé de six (6) membres : (2 membres du Parti conservateur, 2 membres du Parti libéral, 1 membre du Bloc Québécois et 1 membre du Nouveau Parti démocratique) qui seront nommés par le Comité, en consultation avec les whips; que le Sous-comité s’assure que tous les témoignages publiés qui ont été faits devant le Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage au cours de la 38e législature soient pris en compte dans son rapport; que le Sous-comité détermine si d’autres audiences sont nécessaires pour clarifier les témoignages présentés durant la 38e législature; que le Sous-comité fasse rapport au Comité d’ici le 8 décembre 2006 et que le Sous-comité possède tous les pouvoirs conférés au Comité en application de l’alinéa 108(1)a) du Règlement, exception faite du pouvoir de faire rapport directement à la Chambre.
5Une copie de la lettre de l’honorable Irwin Cotler incitant le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile à créer un Sous-comité pour examiner les lois en matière de prostitution au Canada figure à l’annexe A.
6La liste des témoins qui ont comparu lors des audiences publiques du Sous-comité figure à l’annexe B.
7La plupart des personnes impliquées dans la prostitution rencontrées par le Sous-comité vendaient leurs services sexuels. Un petit nombre d’entre elles vendaient les services sexuels d’autres personnes (proxénètes) ou encore achetaient les services de personnes prostituées (clients).
8Témoignage à huis clos d’un regroupement de “travailleuses et travailleurs du sexe”, 2005.