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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 58e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Conformément à l'article 108(2) du règlement, nous poursuivons notre étude sur la contrefaçon et le piratage de la propriété intellectuelle.
    Nous accueillons aujourd'hui trois témoins. Il s'agit d'abord de Me Daniel Drapeau, du cabinet Ogilvy Renault; de M. Michael Geist, professeur de droit d'Internet à l'Université d'Ottawa, et enfin de M. Michael Erdle, président de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.
    Messieurs, le groupe devait compter cinq témoins et cinq minutes étaient prévues pour la déclaration liminaire de chacun. Comme vous n'êtes que trois je peux être un peu plus généreux. Nous avons ajouté cinq minutes. Si vous dépassez un peu le temps prévu, je ne vous en tiendrai pas rigueur, après quoi nous passerons aux questions des députés.
    Nous allons commencer par Me Drapeau.

[Français]

    Premièrement, j'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à témoigner et de me donner la chance de vous aider dans son travail.
    J'ai distribué un résumé d'une page de mes propos. Si jamais mes remarques introductives devaient être écourtées à cause d'un manque de temps, vous aurez au moins là l'essence des différents points que j'aimerais faire valoir. Évidemment, j'ai soumis ce document dans les deux langues officielles.

[Traduction]

    Je suis avocat associé au cabinet Ogilvy Renault. Je fais du travail de lutte contre la contrefaçon depuis dix ans. Je coordonne la lutte contre la contrefaçon au Canada et à l'étranger pour le fournisseur vestimentaire Parasuco. Je fais également de même au Canada pour plusieurs marques connues comme Chanel et Lacoste. C'est mon travail quotidien, quand je plaide au tribunal, j'effectue des saisies, je rédige des actes judiciaires ou je négocie avec des adversaires, des auteurs de contrefaçon.
    Je suis aussi l'auteur de plusieurs ouvrages, mais les ordonnances de type Anton Piller constituent plus précisément mon principal domaine d'intérêt. Il s'agit d'ordonnances de saisie rendues par les tribunaux canadiens, en particulier par la Cour fédérale du Canada, largement employées dans la lutte contre la contrefaçon.
    J'ai un article en anglais et un autre en français, dont j'ai donné des copies à M. Latimer, au cas où les membres du comité voudraient les consulter.

[Français]

    En terminant, je suis également le président du Comité anti-contrefaçon de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Cela ne surprendra donc sans doute personne de voir de quel côté je me situe sur cette question.

[Traduction]

    Je suis ici à titre de praticien juridique du secteur privé. Vous entendrez plus tard l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Vous entendrez aussi, à une autre occasion, le Canadian Anti-Counterfeiting Network. Même si j'appartiens à ces organisations, ce que je peux vous présenter, c'est le point de vue d'un praticien, un coordonnateur des efforts d'anticontrefaçon, et d'un observateur des décisions rendues dans le domaine par la Cour fédérale depuis 25 ans.
    Quand j'ai préparé mon témoignage il y a deux semaines, le principal propos que je voulais faire devant vous était de vous montrer les lacunes du droit canadien en matière de lutte contre la contrefaçon. J'étais peut-être en avance sur mon temps parce que quand j'ai lu le compte rendu des réunions du Comité sur la sécurité, je me suis rendu compte qu'avant de poursuivre sur le sujet, qui est résumé dans le document écrit que j'ai remis, il fallait sans doute que j'aborde d'autres questions plus fondamentales.
    D'aucuns vous diront peut-être que la contrefaçon, ce n'est pas une grosse affaire — que la contrefaçon ne touche pas les entreprises canadiennes ou ne touche pas sérieusement les entreprises canadiennes. J'ai aussi lu dans certains comptes rendus que personne n'est dupe, parce que les contrefaçons sont vendues à un prix si bas que l'acheteur sait qu'il achète un faux. Il faut que j'aborde ces points avant de pouvoir vous dire en quoi nos lois sont déficientes.
    Le pays a adopté des lois pour protéger la propriété intellectuelle, dont les bases sont le respect de la propriété et l'encouragement à innover. La contrefaçon est un type particulier d'infractions que les lois actuelles ne sont pas bien équipées pour combattre. La contrefaçon devrait-elle être considérée comme moins importante que d'autres types d'infractions à la propriété intellectuelle? Sachant que la contrefaçon cherche à reproduire exactement ce qui est protégé — c'est donc dire qu'il ne s'agit pas d'une infraction par inadvertance, parce que vous avez quelqu'un qui prend une marque et la reproduit à l'identique sur un produit qui n'a pas été fabriqué par le propriétaire de la marque — j'avancerais l'idée que la contrefaçon devrait se voir accorder un degré d'importance encore plus grand par le législateur.
    En ce qui concerne la contrefaçon visant les entreprises canadiennes, un des clients de notre cabinet est Parasuco, une compagnie qui dessine, fabrique et vend des vêtements de pointe au Canada depuis 1975. Salvatore Parasuco compte 250 employés répartis d'un bout à l'autre du Canada, mais surtout en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique. Il est le premier créateur canadien à avoir été mis en vedette à la semaine de la mode de Milan, en Italie, et je crois qu'il est une véritable source de fierté nationale.
    Parasuco est victime de la contrefaçon. La marque est un succès; de plus en plus de gens se l'arrachent et nous avons observé des cas de contrefaçon sur le marché canadien. Je ne vous mentionnerai même pas les cas de gens dans d'autres pays qui essaient d'enregistrer la marque Parasuco; le comité n'a évidemment aucune compétence en la matière.
    Le tort subi ici par Parasuco se décline en ventes perdues, mais ce n'est pas tout; il y a aussi la défection des clients, c'est-à-dire lorsque celui qui achète l'article authentique cesse de le faire parce que la marque a perdu de son cachet ou de son attrait à cause de sa distribution massive. Pour l'État, évidemment, il y a perte de recettes fiscales.
    Je voudrais vous signaler un autre préjudice venant de quelqu'un qui travaille dans le domaine des marques de commerce chaque jour, en tant que praticien. Quand un article contrefait est vendu, la marque Parasuco perd son caractère distinctif.
    Voici ce qui se passe. Notre Loi sur les marques de commerce prévoit que la marque de commerce a pour fonction d'identifier l'origine d'une produit. D'une certaine façon, il s'agissait sans doute de la première loi de protection du consommateur. La marque a pour but d'indiquer au consommateur qu'il peut se fier à la marque et qu'elle indique bien que le produit provient d'une source donnée. Eh bien, si une foule de gens se mettent à se servir de la même marque de commerce, elle ne remplit plus sa fonction distinctive. Elle n'établit pas que le produit provient d'une source donnée.

  (1535)  

[Français]

    Je peux vous donner un exemple. Pour les Montréalais ou pour les gens dans la salle qui connaissent Montréal, il y a là-bas un concessionnaire automobile qui s'appelle Decarie Motors. Or, la marque Decarie Motors a été radiée du registre des marques de commerce en 2000 en vertu d'une ordonnance de la Cour d'appel fédérale, justement parce que trop de gens se servaient de la marque Decarie. La marque avait donc perdu sa capacité de distinguer la source. Donc, en matière de contrefaçon, le fait que quelqu'un reproduise la marque de commerce de quelqu'un d'autre nuit aux droits mêmes du titulaire de la marque de commerce.

  (1540)  

[Traduction]

    Je parle du tort causé à un fabricant canadien. Des gens diront que nombre de ces marques de commerce célèbres sont également détenues par des étrangers, alors pourquoi est-ce si important et pourquoi devrions-nous être préoccupés? Eh bien, les détenteurs étrangers des droits embauchent souvent des Canadiens, à titre de distributeurs indépendants ou d'employés; ainsi la contrefaçon a également des répercussions à cet égard.
    J'aimerais soulever un dernier point avant de parler des changements de fond à apporter. Lorsque j'entends des gens dire que personne n'est dupe parce que les contrefaçons sont vendues à des prix tellement bas que l'acheteur doit savoir qu'il achète un faux, je réponds que quiconque travaille dans le domaine vous dira que le nombre d'articles contrefaits sur le marché augmente considérablement tout juste avant Noël. Pourquoi? Parce que les gens sont trop occupés à acheter des cadeaux de Noël pour leurs proches.
    Je propose que si l'acheteur n'est pas dupe — et j'en profite pour vous dire que je ne souscris pas à cette position; je crois que certaines personnes sont véritablement dupes. Mais supposons, aux fins de l'argument, que l'acheteur n'est pas dupe. Je peux vous assurer que lorsque l'acheteur offre ces faux en cadeau le matin de Noël, il ne dit pas : « Chérie, n'aimes-tu pas le faux maillot Lacoste que je t'ai acheté? » Je tiens à ajouter qu'en décembre dernier, j'ai dirigé à Montréal une saisie 10 jours avant Noël de plus de 700 articles de vêtements Lacoste contrefaits.
    Pour ce qui est d'être dupe, ce n'est pas seulement la personne qui reçoit le produit qui est dupe, mais bien le public dans l'ensemble. Quiconque voit des vêtements de qualité inférieure portant une marque de commerce croira que cette marque de commerce n'est plus synonyme de qualité. Au bout du compte, ce phénomène mène à la dépréciation du marché.
    Comme le temps qui m'est accordé est limité, mes propositions de réforme législative sont énoncées dans mon mémoire. En voici tout de même les points saillants.
    Pour ce qui est des poursuites au criminel, la GRC et les procureurs de la Couronne prennent des mesures seulement conformément à la Loi sur le droit d'auteur, et non conformément à la Loi sur les marques de commerce, parce qu'il n'y a pas de dispositions criminelles dans la Loi sur les marques de commerce. Il faut apporter des changements. La contrefaçon doit être criminalisée. Pourquoi? Parce que les contrefacteurs ne sont pas régulièrement parties à des litiges. Leurs opérations sont secrètes, et ils font disparaître les biens et les preuves. Ils ne sont pas des récidivistes dans le processus judiciaire, ce qui est un indicateur de bonne foi.
    Du point de vue de la collaboration, la GRC et les douanes doivent échanger davantage d'information. Nous avons besoin de mesures plus sévères à la frontière. Dans le cadre du système actuel, il faut cibler une cargaison et obtenir une ordonnance d'un tribunal pour pouvoir bloquer l'entrée des marchandises, ce qui ne fonctionne pas.
    Finalement, pour ce qui est de la dissuasion, nous avons besoin de peines plus sévères. Si j'ai du temps plus tard, je pourrai parler des dommages et intérêts accordés par la Cour fédérale, lesquels sont très limités.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Drapeau.
    Je suis certain qu'on vous posera des questions précises sur les mesures dont vous parlez durant la période de questions.
    Nous allons passer à M. Geist, pour sa présentation liminaire.
    Bonjour. Je m'appelle Michael Geist et je suis professeur de droit à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis également chroniqueur hebdomadaire affilié sur les questions de droit et de technologie pour le Toronto Star et le Ottawa Citizen.
    Comme je l'ai déclaré dans mon introduction lors de ma dernière comparution devant vous, dans le cadre de votre examen sur la réforme des télécommunications, je me présente devant le comité aujourd'hui à titre personnel afin d'exprimer mes propres opinions seulement.
    J'ai comparu la semaine dernière devant le Comité permanent de la protection civile et de la sécurité nationale au sujet de la contrefaçon. Plutôt que de simplement répéter les propos que j'ai tenus alors, j'ai fourni à votre comité une copie des commentaires que j'avais préparés, et la transcription complète de mon témoignage sera, je crois, bientôt disponible.
    J'aimerais toutefois réitérer brièvement quatre points dont j'ai parlé la semaine dernière, puis j'aborderai deux autres thèmes.
    Premièrement — et je reconnais qu'il s'agit d'une évidence —, la contrefaçon est une pratique que toute personne un tant soit peu crédible ne saurait appuyer. Alors que M. Drapeau évoque la possibilité d'être d'un côté ou de l'autre de la clôture, les gens sont, sur cette question, tous du même côté. Il n'y a pas un bon et un mauvais aspect de la contrefaçon; tout le monde reconnaît, à mon avis, qu'elle est inacceptable. Au pire, la contrefaçon peut poser un danger à la sécurité publique. Même présentée sous le jour le plus avantageux possible — lorsqu'elle peut sembler relativement inoffensive —, la contrefaçon est une pratique qu'on ne peut pas tolérer.
    Toutefois, il ne s'agit pas de déterminer si la contrefaçon est bonne ou mauvaise, mais si elle mérite une réponse législative forte. Pour moi, cela dépend de deux choses : premièrement, la situation de la contrefaçon au Canada; deuxièmement, I'état du droit canadien en matière de lutte à la contrefaçon. Sur ces deux points, j'allègue que la situation est loin d'être aussi évidente. En effet, une fois que I' on a mis de côté les accessoires accrocheurs pour plonger dans les détails, il devient évident, selon moi, qu'il y a beaucoup de choses que nous ignorons.
    Deuxièmement, j'estime que dans le dossier de la contrefaçon, c'est à la sécurité publique et à la question de la sécurité en général qu'il faudrait accorder la priorité. En tant que père de trois jeunes enfants, moi aussi je trouve très inquiétantes les histoires de batteries qui explosent et de médicaments contrefaits. Cela dit, je souligne que, selon la GRC, il est extrêmement rare que des produits de contrefaçon causent des dommages physiques importants. En fait, le cas soulevé récemment en Colombie-Britannique qui mettrait en cause de faux produits pharmaceutiques ayant supposément provoqué le décès d'une femme est la première affaire de cette nature jamais signalée au Canada.
    Troisièmement, même si je reconnais que l'on s'impatiente devant ce qu'on perçoit comme de l'inaction, je tiens à réitérer que le droit canadien ne laisse pas les services de police impuissants. Le Canada respecte les obligations internationales en matière de droits d'auteur. De plus, les affirmations selon lesquelles la police ne fait rien nuisent grandement au travail des agents chargés de l'application de la loi qui combattent activement le crime contre la propriété intellectuelle (PI) sur l'ensemble du territoire canadien.
    En effet, la GRC fait remarquer que, entre 2001 et 2004, elle a effectué plus de 1 800 enquêtes et porté des accusations contre 2 200 particuliers et plus de 100 entreprises. Selon une mise à jour obtenue la semaine dernière pour le comité, la GRC a porté en 2005 plus de 700 accusations. Avec, grosso modo, deux accusations par jour, le Canada a certainement des lois pour lutter contre la contrefaçon et des services de police déterminés à les appliquer.
    Quatrièmement, les partisans d'une réforme soutiennent qu'il est nécessaire de s'attaquer au problème de la contrefaçon au Canada, mais nous savons qu'il n'existe pas de remède universel. En fait, l'expérience de l'étranger montre que la plupart des mesures de lutte contre les contrefaçons sont remarquablement inefficaces. La preuve se trouve dans les données — la contrefaçon est largement perçue comme un phénomène international en pleine croissance, même dans les pays qui ont pris des mesures plus sévères aux frontières ou qui imposent des sanctions pénales. Il est vrai que malgré les mesures américaines, il est plus facile de se procurer des produits de contrefaçon à Manhattan qu'à Markham, où se trouve le fameux centre commercial Pacific Mall.
    Ce que nous savons, du moins, c'est que de nombreuses réformes législatives ne feront rien de plus que de donner l'illusion que l'on s'attaque au problème de la contrefaçon.
    Après cette mise en contexte, j'aimerais maintenant consacrer le reste de mon témoignage à deux autres points.
    Parlons tout d'abord des données incohérentes. À mon avis, le comité pourrait faire sérieusement progresser la lutte à la contrefaçon en préconisant la collecte de données plus exactes et indépendantes. Comme vous le savez sans doute, la GRC reconnaît qu'il n'existe aucune étude exhaustive et indépendante sur la contrefaçon.
    Même si nous savons que seule une infime partie des produits contrefaits sont fabriqués au Canada, que le crime organisé est impliqué dans certaines activités de contrefaçon — mais certainement pas toutes — et que les produits de contrefaçon ne sont pas des substituts parfaits aux originaux, mon opinion diffère de celle des autres membres du groupe. Je pense qu'il est assez évident qu'une personne qui achète une fausse montre Rolex à dix dollars sait bien qu'il ne s'agit pas de la Rolex authentique qui coûte 5 000 $ et ne s'attend pas à ce que les deux s'équivalent.
    Prenons, par exemple, la question des enregistrements vidéo dans les salles de cinéma canadiennes et les allégations selon lesquelles le Canada serait un chef de file mondial en matière de DVD piratés. Un peu plus tôt cette année, on a affirmé que le Canada était responsable de la moitié des films enregistrés dans les salles de cinéma qui étaient ensuite vendus dans le monde entier sous forme de DVD piratés. Dans les semaines qui ont suivi, des sources industrielles ont commencé à modifier cette proportion en disant qu'en fait, il s'agissait de 20 p. 100, ensuite de 23 p. 100, puis de 30 p. 100 ou 40 p. 100. Ce matin même, un rapport publié à New York indiquait que cette ville était à l'origine de 40 p. 100 de l'ensemble des films piratés vendus dans le monde entier.
    La réalité, à mon avis, c'est qu'on n'en sait rien. En fait, des données de l'industrie que j'ai consultées établiraient la proportion des contrefaçons à 3 p. 100 de l'ensemble des films vendus, et non pas à 50 p. 100 comme on l'a dit.

  (1545)  

    En outre, les films canadiens ne seraient guère touchés et le droit canadien en matière de droits d'auteur s'attaque déjà à la question. En effet, l'enregistrement par caméscope de films présentés dans les salles de cinéma constitue une infraction, tandis que l'enregistrement à des fins de distribution peut mener à de lourdes amendes ainsi qu'à des peines d'emprisonnement. Cela montre bien l'importance d'éviter d'adopter des lois par réflexe et de se concentrer plutôt sur la collecte de données indépendantes et fiables.
    Deuxièmement, j'aimerais parler un instant de l'absence de liens entre les traités Internet de l'OMPI et la contrefaçon. Je dois dire qu'on a établi un lien que je trouve plutôt surprenant entre la contrefaçon et le fait que le Canada n'a pas encore ratifié les traités Internet de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Pourtant, il n'y a aucun lien entre les deux. Au contraire, le fait d'avoir inclus les traités Internet de l'OMPI dans le débat nuit à la lutte à la contrefaçon. Je dis cela pour deux raisons.
    Premièrement, les traités Internet de l'OMPI sont principalement fondés sur des dispositions anti-contournement visant à protéger juridiquement les mesures de protection technologiques. De telles dispositions ne contribuent en rien à mettre un terme à la contrefaçon de produits pharmaceutiques, de vêtements, de sacs à main, de montres et des dizaines d'autres produits ciblés. Elles ne contribuent en rien à enrayer le piratage de DVD et de CD, puisque la contrefaçon commerciale n'est nullement abordée dans les traités.
    Ensuite, les traités Internet de l'OMPI sont extrêmement controversés. Ces derniers mois, les entreprises canadiennes de sécurité ont exprimé publiquement leur opposition; quatre commissaires canadiens à la protection de la vie privée ont exprimé leurs réserves; des consommateurs ont fait connaître leur profonde inquiétude quant aux conséquences potentielles de ces traités et, enfin, de nombreux groupes d'artistes se sont eux-mêmes inscrits en faux contre leur ratification. Même l'auteur américain des traités a admis qu'ils avaient échoué.
    En incluant les traités dans le débat sur la contrefaçon, on provoque une controverse inutile. Le comité aurait avantage à s'éloigner de cette voie en affirmant clairement que le problème de la contrefaçon doit être abordé de façon indépendante des traités Internet de l'OMPI et des questions générales de réforme du droit d'auteur.
    En conclusion, je dirais encore une fois que personne n'approuve la contrefaçon, mais j'estime qu'il faudrait favoriser une approche raisonnée et efficace fondée sur des données solides et des objectifs réalistes. Je crains qu'une partie des réformes envisageables au Canada ne fassent guère progresser la lutte contre les véritables problèmes posés par la contrefaçon dans notre pays.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup, monsieur Geist.
    Nous allons maintenant entendre M. Erdle, s'il vous plaît.
    Je m'appelle Michael Erdle et je suis l'associé directeur du cabinet d'avocats Deeth Williams Wall, à Toronto. Je suis également président de l'Institut canadien de la propriété intellectuelle.

[Français]

    Je suis très heureux d'avoir l'occasion d'être ici, devant le comité, aujourd'hui. J'aurais préféré m'adresser au comité en anglais et en français, mais mes filles, qui sont à l'aise en français, m'ont entendu parler en français et m'ont conseillé de faire ma présentation en anglais. Je suis certain que vous serez tous d'accord.

[Traduction]

    Je suis venu témoigner devant vous aujourd'hui pour vous expliquer les raisons pour lesquelles notre institut estime que la contrefaçon et le piratage de la propriété intellectuelle constituent un problème très grave. Nous croyons que le gouvernement du Canada devrait prendre des mesures pour corriger ce problème, dans l'intérêt de tous les Canadiens.
    Je suis accompagné aujourd'hui de Michel Gérin, qui est directeur exécutif de l'institut.
    J'ai trois arguments principaux à vous présenter aujourd'hui.
    Tout d'abord, il existe une différence fondamentale entre la violation de la propriété intellectuelle et la contrefaçon. Comme l'a dit M. Geist, nous sommes tous du même avis en ce qui concerne la contrefaçon, mais permettez-moi de vous l'expliquer un peu davantage.
    Deuxièmement, nous croyons que les lois du Canada sont généralement suffisantes pour les cas d'infractions ordinaires, mais pas pour les cas de contrefaçon.
    Troisièmement, il faut renforcer les contrôles à la frontière, infliger des peines criminelles efficaces et prévoir des recours juridiques plus efficaces pour lutter contre la contrefaçon et le piratage.
    Mais avant d'aller plus loin, permettez-moi de vous donner un bref aperçu de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Cet institut, également connu sous l'acronyme IPIC, est l'association nationale des professionnels de la propriété intellectuelle. L'IPIC compte environ 1 700 membres. M. Drapeau et M. Geist sont tous les deux membres de l'institut. Nous représentons la vaste majorité des agents de brevets, des agents de marques de commerce et des avocats du domaine de la propriété intellectuelle. Nos membres travaillent dans le secteur privé, au sein de cabinets d'avocats ou d'agences de toutes tailles. Ils travaillent également pour des entreprises, pour le gouvernement, pour des universités, pour des hôpitaux et pour une vaste gamme d'organisations. Pour ma part, j'ai exercé pendant presque 20 ans le droit, mais exclusivement dans le domaine de la technologie et de la propriété intellectuelle.
    Nos membres aident les titulaires de droits de propriété intellectuelle à obtenir des brevets et des marques de commerce, ainsi que d'autres droits en matière de propriété intellectuelle. Nous représentons les demandeurs devant les tribunaux — il s'agit généralement des titulaires de droits de propriété intellectuelle — de même que les accusés, contre qui des allégations d'infractions ont été faites. Nos membres se trouvent des deux côtés d'à peu près tous les dossiers de propriété intellectuelle au Canada. Je ne suis donc pas venu défendre les intérêts d'un groupe particulier de titulaires de droits de propriété intellectuelle. Je suis ici pour préconiser un cadre solide en matière de propriété intellectuelle, pour l'ensemble du Canada.
    Je vais maintenant aller à l'essentiel de mon propos, et j'aimerais pour commencer expliquer la différence entre la violation et la contrefaçon. Cette différence semble parfois se perdre dans le débat qui entoure le piratage et la contrefaçon.
    Dans une certaine mesure, la violation de la propriété intellectuelle est un élément relativement normal de la concurrence entre les entreprises. Les inventeurs demandent des brevets pour leurs inventions, et si le produit est une réussite, d'autres essaieront de l'imiter. Ils essaieront aussi d'améliorer le produit. S'ils peuvent y arriver sans violer le brevet, ils le feront. Mais il arrive parfois que certains concurrents vont trop loin, et ils sont alors poursuivis pour violation du brevet. Ce processus pourrait être long et onéreux, mais d'une façon générale, le système donne de bons résultats lorsque les protagonistes sont des concurrents légitimes.
    De même, en ce qui concerne les marques de commerce, une entreprise enregistre sa marque pour indiquer la source de ses produits ou de ses services, comme M. Drapeau l'a expliqué. Si ces produits ou ces services sont populaires sur le marché, d'autres essaieront de les imiter. Le titulaire de la marque de commerce peut poursuivre ses concurrents s'il estime que leurs imitations créent de la confusion sur le marché. C'est une sorte de jeu constant qui fait partie d'une concurrence normale.
    Dans le cas du droit d'auteur, les titulaires des droits et les utilisateurs essaient constamment de voir jusqu'où ils peuvent aller. Les règles qui régissent le droit d'auteur visent à trouver un juste milieu entre les droits des propriétaires et les droits des utilisateurs, c'est-à-dire les droits de la population, et les nouvelles technologies, les nouvelles utilisations des oeuvres, soulèvent toujours des questions. Ces questions peuvent être résolues par les voies judiciaires habituelles.
    Mais dans le cas de la contrefaçon et du piratage, il en va tout autrement. Ce sont tout simplement des formes de vol. Dans bien des cas, le crime organisé y est mêlé; à tout le moins, les criminels sont très organisés dans la façon dont ils effectuent la contrefaçon et le piratage.
    Malgré ce que vous avez pu entendre, ce n'est pas un problème qui touche uniquement les articles de luxe. Il ne s'agit pas de fausses montres et de faux sacs à main. Nos membres ont pris part à toutes sortes d'affaires au sujet de biens contrefaits. Vous avez déjà entendu parler du cas des médicaments — M. Geist a mentionné un dossier de ce genre en Colombie-Britannique — qui contiennent un ingrédient nuisible ou qui n'ont tout simplement aucun ingrédient actif. La contrefaçon touche également les pièces d'automobile, les pièces d'aéronef, d'autres produits industriels et des produits électriques. À peu près tous les produits peuvent être contrefaits si quelqu'un estime pouvoir réaliser ainsi un bénéfice, et ces bénéfices sont parfois énormes.

  (1555)  

    Il ne s'agit pas ici de ce qu'on appelle les produits du marché gris, qui sont des produits légitimes achetés à l'étranger et revendus au Canada. Ce dont nous parlons, ce sont de véritables contrefaçons.
    Les importations parallèles sont une autre histoire. Les grossistes et les détaillants qui vendent ces produits peuvent être persuadés de vendre des articles véritables — bien qu'ils devraient avoir des doutes, si ces produits se vendent pour une fraction du prix habituel, mais il est certain que les consommateurs sont trompés. Les consommateurs sont constamment trompés par ces produits.
    Dans certains cas, cela pose des problèmes de santé et de sécurité. Personne ne sait vraiment ce que contiennent ces produits. Mais dans tous les cas, il s'agit d'un problème de protection des consommateurs. C'est un problème qui nuit directement à l'innovation au Canada.
    Comme votre comité l'a lui-même fait remarquer dans son récent rapport sur le secteur manufacturier, un système solide de propriété intellectuelle est essentiel à notre économie. La contrefaçon et le piratage nuisent aux entreprises canadiennes. Elles font perdre des emplois au Canada — dans le secteur manufacturier, dans la recherche et le développement, et même dans le secteur de la vente au détail. La contrefaçon est un problème grave qui fait du tort au Canada.
    Mon deuxième argument, c'est que les recours privés d'exécution des droits de la propriété intellectuelle ne permettent pas de lutter contre la contrefaçon.
    Les propriétaires de la propriété intellectuelle ont quatre grands problèmes en matière d'exécution privée de leurs droits. Pour commencer, ils doivent trouver les contrefacteurs. Deuxièmement, ils doivent obtenir des injonctions pour que ces derniers mettent fin à leurs activités. Troisièmement, ils doivent saisir les produits contrefaits et les retirer du marché. Quatrièmement, ils doivent faire appliquer une ordonnance judiciaire et recouvrer les dommages et intérêts qui leur sont accordés.
    Les produits contrefaits ne portent pas le nom et l'adresse des contrefacteurs. Ceux-ci peuvent se trouver n'importe où. Les produits traversent la frontière par pleins conteneurs. Ils sont vendus très rapidement. Les logiciels, les films, les CD de musique et autres choses de ce genre peuvent être piratés et produits en grande quantité au moyen d'appareils que n'importe qui peut se procurer dans n'importe quel magasin d'appareils électroniques.
    Lorsqu'un propriétaire de propriété intellectuelle découvre les contrefaçons, il doit d'abord s'adresser au tribunal pour obtenir une injonction visant à mettre fin à l'activité de contrefaçon avant d'entamer un procès. Mais cela est très difficile. Le tribunal peut décider que le versement de dommages et intérêts pécuniaires suffit. Il faut ensuite entamer un procès. Le propriétaire de la propriété intellectuelle ne recouvre jamais tous les frais qu'il a dû payer, non plus que les dommages et intérêts.
    Les propriétaires doivent aussi obtenir des ordonnances judiciaires pour saisir les biens contrefaits. Pour cela, ils doivent savoir où ces biens se trouvent, mais ils ne peuvent obtenir d'ordonnance du tribunal tant qu'ils ne savent pas où les biens se trouvent et qu'ils ne peuvent prouver qu'il s'agit de contrefaçons. Et ils ne peuvent prouver que ces biens sont contrefaits sans obtenir d'abord une ordonnance judiciaire. C'est un cercle vicieux.
    Enfin, si le tribunal fait droit à la demande du propriétaire de la propriété intellectuelle et que celui-ci obtient des dommages et intérêts, parfois après des mois ou des années d'efforts, il lui est à peu près impossible de recouvrer ses dommages et intérêts. Dans la plupart des cas, le défendeur est une société fictive qui n'a aucun actif. Le contrefacteur peut créer une autre entreprise fictive et reprendre ses activités en moins de 24 heures.
    Permettez-moi de vous donner un exemple typique, à partir de ma propre expérience. Mon cabinet représente un grand fabricant canadien d'automobiles. L'année dernière, ce fabricant a découvert que quelqu'un vendait sur Internet des pièces de rechange contrefaites. Il a fallu plus de six mois pour retracer le contrefacteur. Son adresse Web et les documents d'enregistrement de l'entreprise en Ontario étaient faux. Il a fallu ensuite signifier une déclaration. Enfin, nous avons dû retenir les services d'un détective privé pour découvrir où habitait le propriétaire de l'entreprise. Nous avons dû nous contenter d'un jugement par défaut, puisque l'accusé n'a jamais déposé de défense.
    En fin de compte, nous avons réussi à faire fermer le site Web. Mais il n'y a eu aucune indemnisation financière au titre des biens qui avaient été vendus, à peine deux ou trois mille dollars en frais juridiques, ce qui n'a pas réussi à payer ces frais. Le coupable dit maintenant que son entreprise n'a aucun actif et qu'il est dans l'impossibilité de payer.
    Demander à des entreprises privées de faire tout cela par elles-mêmes, c'est un peu comme demander au propriétaire d'une maison de poursuivre en justice un voleur pour récupérer les bijoux ou le stéréo qu'il lui a volés, ou de demander au propriétaire d'une voiture de retrouver la voiture volée et d'obtenir une ordonnance judiciaire pour la récupérer. Nous acceptons tous dans une certaine mesure notre responsabilité personnelle de protéger notre propriété. Nous achetons des verrous pour éviter le vol et nous nous procurons des assurances pour remplacer les articles volés. Par contre, nous nous attendons à ce qu'il y ait des lois contre le vol et à ce que les policiers appliquent ces lois, surtout lorsque le crime organisé est en cause.
    Que nous faudrait-il? Eh bien, il nous faut trois choses. Il faut resserrer les contrôles aux frontières. Il faut que les peines infligées en droit pénal soient rigoureuses. Et il nous faut des recours civils plus efficaces.
    Je me ferai un plaisir de vous expliquer tout cela plus en détail. Je crois que mon temps est écoulé, mais je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
    Merci.

  (1600)  

    Merci, monsieur Erdle.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés.
    Commençons par M. Thibault, qui a six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présentation et de votre présence.

[Traduction]

    Monsieur Geist, j'ai été un peu étonné par votre observation au sujet des produits pharmaceutiques. Vous avez dit que le problème n'est peut-être pas énorme — bien que vous soyez entièrement opposé à la contrefaçon — parce qu'il n'y a eu qu'un décès connu. Ce que l'on ignore cependant, c'est combien de personnes n'ont pas obtenu les résultats qu'elles attendaient de ces produits. Certains ont peut-être acheté ces produits pharmaceutiques contrefaits et ont été ainsi privés du traitement auquel ils s'attendaient. C'est l'un des autres domaines qui nous inquiètent. À notre dernière réunion, nos témoins nous ont parlé d'équipement électrique qui était vendu, de l'équipement électrique de sécurité que les consommateurs achètent pour se protéger, mais il s'agit d'appareils contrefaits et de qualité inférieure aux normes. À première vue, les consommateurs peuvent s'y tromper.
    Mais ma question porte sur l'exécution des lois. J'ai de la difficulté à comprendre. Je suis d'accord pour qu'on rende plus rigoureuses les lois et les amendes, entre autres, mais une solution qui ne nous est pas suggérée, c'est que nous prenions à partie les revendeurs, parce que bon nombre de ces marchandises, surtout de grandes quantités de produits importés, sont vendues par le truchement de nos grandes chaînes commerciales, probablement par inadvertance. À mon avis, la responsabilité devrait revenir à celui qui vend le produit aux consommateurs; le vendeur doit accepter une part de responsabilité. Quelque part dans la chaîne, quelqu'un réalise de trop grands bénéfices. Quelque part dans la chaîne, quelqu'un fait plus d'argent en vendant ces marchandises que ce n'aurait été le cas s'il s'était agi de marchandises légitimes.
    C'est donc une idée dont nous devrions peut-être tenir compte. Je vous pose la question. Devrions-nous recommander l'inclusion d'une telle mesure dans les recommandations que nous ferons au sujet des lois ou d'un ajout au Code criminel?
    La question m'est-elle posée à moi ou à M. Geist?
    À l'un ou à l'autre, comme vous le voulez. Vous n'avez probablement que deux minutes. Quatre minutes —
    Je voudrais répondre au moins à votre première observation au sujet des produits pharmaceutiques contrefaits, simplement pour préciser ce que j'ai dit.
    J'ai d'abord fait remarquer qu'à mon avis, la santé et la sécurité étaient des priorités absolues dans ce dossier. Quand j'ai dit qu'il n'y avait eu qu'un seul incident, je citais des données de la GRC. Ce sont nos services policiers eux-mêmes qui ont indiqué que nous n'avons pas d'autres renseignements. Je suis cependant d'accord avec vous sur le fait que ces produits ont probablement porté préjudice à d'autres personnes, mais il faut situer ce problème dans son contexte. D'après certaines recherches que j'ai effectuées à partir des données de l'Association médicale canadienne, plus de 10 000 Canadiens par année meurent en raison des effets nocifs de l'interaction de deux médicaments qui leur ont été prescrits. C'est aussi bien sûr un problème énorme.
    Mais effectivement, il est possible que d'autres personnes aient été touchées par ce problème, et pour moi, la santé et la sécurité devraient être des priorités absolues dans le dossier des produits contrefaits. Par contre, si l'on regarde le tableau d'ensemble des conséquences de l'utilisation des produits pharmaceutiques, les données à notre disposition montrent que pour le moment, du moins, il s'agit d'un problème relativement mineur.
    Je vais vous répondre à partir de ce que je sais. Je ne traiterai pas des produits pharmaceutiques.
    Comme vous avez pu le voir dans mon exposé, je suis d'avis que toutes les formes de contrefaçon sont mauvaises. Évidemment, les produits pharmaceutiques qui sont nocifs ou qui tuent sont encore pire, mais le fait que ces produits soient pires ne diminue en rien le fait que la contrefaçon elle-même est une mauvaise chose.
    Pourquoi est-ce une mauvaise chose? Je crois que nous avons l'obligation, mais aussi la possibilité, de réfléchir à la société que nous voulons avoir au Canada. Les pères fondateurs de notre pays nous ont donné la paix, l'ordre et la bonne gouvernance, et j'estime que la règle de droit fait partie intégrante de notre culture. Voulons-nous donner le message que la contrefaçon est acceptable dans certains cas et que nous nous contenterons de donner aux contrefacteurs une tape sur la main, alors que la contrefaçon d'autres produits serait beaucoup plus grave? Lorsque vous vendez un produit contrefait, vous mentez, et c'est inacceptable, quel que soit le produit.
    Mais pour répondre à votre question, au sujet des détaillants, vous avez raison. Un certain nombre de détaillants vendent des produits contrefaits. Dans mon métier, nous appelons cela de la vente à faible risque.
    J'ai trouvé très intéressantes vos observations au sujet des bénéfices réalisés par ces détaillants, car c'est l'un des arguments que je fais valoir quand je dois faire face aux détaillants. Voici comment cela fonctionne. On a dit précédemment que lorsqu'un consommateur achète un produit à bas prix, il sait probablement qu'il s'agit d'une contrefaçon. Je ne suis pas d'accord, car les consommateurs sont une race bien spéciale. Ce sont des gens qui ont parfois besoin d'être protégés.

  (1605)  

    Mais il se peut que le consommateur paie le plein prix.
    Bien sûr.
    Mais pour répondre à l'argument du prix, je dirais que c'est la raison pour laquelle nous avons des lois pour protéger les consommateurs, puisque le législateur a supposé que les consommateurs ont besoin d'une protection spéciale.
    Par contre, le détaillant sait ce qui se passe sur le marché. Il sait que s'il achète des produits à un prix déraisonnablement bas, il y a anguille sous roche. Vous avez raison de dire que la vente de ces produits permet de réaliser des bénéfices importants, surtout si le produit est vendu à un prix semblable à celui des marchandises légitimes.
    Il vous reste 30 secondes, si vous avez une petite question à poser.
    J'ai bien de la difficulté à voir comment nos agents à la frontière, même si nous en augmentions le nombre, pourraient savoir, sans l'aide de l'industrie, si un chargement de rallonges électriques ou de chandails est authentique ou non. Pour lutter contre ce problème, il faut avoir la collaboration de l'industrie, c'est-à-dire des gens qui sont victimes de tels actes.
    Monsieur, je suis ici à titre personnel. Je ne suis pas ici pour représenter une industrie, quoi que je compte un certain nombre de clients qui travaillent dans l'industrie.
    Je ne pense pas que quiconque dans l'industrie dise ne pas vouloir participer, ne pas vouloir aider. En fait, l'industrie a assumé une grande partie de la responsabilité de la lutte contre les contrefaçons. D'après ce que j'ai pu constater, l'industrie est tout à fait prête à collaborer avec les agents à la frontière.
    J'ai préparé des documents pour les douanes canadiennes, pour le compte de divers clients, dans lesquels je montre clairement comment reconnaître une contrefaçon à certains indices : les marchandises authentiques passent en général par certains endroits et sont présentées d'une certaine manière. En fait, c'est un signal d'alarme pour les autorités frontalières. Lorsqu'elles constatent que quelque chose n'est pas conforme à ceci ou cela, elles peuvent se dire qu'il s'agit peut-être d'une contrefaçon et elles peuvent alors communiquer avec le détenteur des droits, ou son représentant canadien, pour vérifier s'il s'agit d'une livraison de contrefaçons. Ça se fait déjà dans une certaine mesure, mais cela devrait se faire beaucoup plus souvent avec de meilleures communications, notamment, l'identité de l'importateur, ce que nous ne pouvons pas obtenir à l'heure actuelle.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai été agréablement surpris — agréable est un grand mot, mais surpris, oui — par ce que nous a dit M. Geist un peu plus tôt, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de remède international concernant la propriété intellectuelle.
    On a tout un problème. Je ne sais pas de quelle façon nous pourrons le régler. Je vous ai écouté parler tous les trois. On a peut-être des cadres législatifs, des mesures d'urgence, des mesures plus musclées aux douanes, des brevets, etc.
    Vous parlez aussi d'un « Seuil minimum obligatoire avec discrétion judiciaire pour augmenter Ie montant des dommages pré-établis ».
    Que peut-on faire vraiment pour aider ces gens? Selon vous, les copies de propriété intellectuelle engendrent combien de pertes financières au Canada chaque année? Combien d'argent les entreprises perdent-elles au pays?
    Ensuite, quelle est la meilleure chose que l'on pourrait faire pour protéger ces industries? Faut-il aller à la source? Doit-on s'adresser aux entreprises ou aux magasins qui vendent ces produits? Où peut-on trouver une solution?
    J'ai compris, d'après vos propos, qu'il n'y a pas de façon probante d'agir, mais où peut-on débuter pour donner un coup de barre. On ne va peut-être pas enrayer le problème, car j'ai pu comprendre qu'il est assez irritant, en ce sens qu'on ne peut pas trouver un coupable. Je me demande où on pourrait commencer pour aider ces entreprises à garder leur propriété intellectuelle.
    J'aimerais vous entendre tous les trois à ce sujet. Quelle est la meilleure piste? Quelle est la meilleure direction à suivre pour arrêter ce phénomène ou, à tout le moins, pour le modérer?

  (1610)  

[Traduction]

    Y a-t-il un ordre dans lequel vous souhaitez que nous répondions?
    Non, que celui qui souhaite répondre en premier le fasse.
    Ce sera donc M. Erdle.
    Je pense que la meilleure chose à faire serait d'améliorer les outils dont disposent les douanes pour intercepter et saisir des produits et de donner davantage de ressources aux forces policières. Ils prennent des mesures maintenant. Mais j'ai parlé à un certain nombre de policiers au cours des dernières années et ils m'ont dit que leur plus grand problème c'est l'insuffisance des ressources et des effectifs. Ils ont mis l'accent uniquement sur les questions touchant à la santé et à la sécurité. Ils n'ont ni le temps ni les ressources pour s'occuper des autres problèmes. Ils sont tout simplement incapables de faire face, même lorsqu'il y a une plainte, même lorsque les détenteurs de la propriété intellectuelle leur disent ce qui se passe et où trouver les responsables. Ils agissent s'ils le peuvent, mais ils sont débordés.
    Je pense donc que la première chose à faire est de leur fournir les ressources dont ils ont besoin. La deuxième chose qu'il importe de faire est de prévoir des peines plus sévères, car à l'heure actuelle si l'amende n'est que de quelque milliers de dollars, et peut-être même moins que cela, c'est insuffisant pour dissuader qui que ce soit de vendre des contrefaçons. On peut saisir les articles, mais il y aura rapidement une autre livraison et ils pourront récupérer leur argent rapidement. Il faut donc qu'il y ait une peine assez sévère pour avoir un effet dissuasif.
    Monsieur Geist.
    Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelques éléments. Vous avez tout d'abord demandé quelle est l'ampleur du problème et, comme je l'ai mentionné dans mon exposé préliminaire, nous ne le savons pas. Vous entendrez de nombreuses histoires d'horreur classiques au sujet des problèmes liés à la contrefaçon, mais nous n'avons pas au Canada de données indépendantes produites par quelqu'un de vraiment fiable dans le domaine et qui pourrait nous donner une idée de l'ampleur du problème.
    Cela dit, nous savons que même s'il n'y a qu'un seul incident, disons de faux produits pharmaceutiques, c'est un problème qu'il faut trouver le moyen de régler. Je crois que vous avez reçu un représentant de Santé Canada qui vous a dit que la réglementation est périmée depuis 50 ans. Cela semble le point de départ idéal pour lutter contre ce problème, sur le plan de la santé et de la sécurité, car, à mon avis, il s'agit certainement d'un énorme problème.
    En ce qui concerne les peines plus sévères, on imagine que c'est le remède miracle, si seulement nous avions des peines plus sévères, cette activité cesserait tout à coup à cause de leur effet dissuasif. Or, d'après ce que disait M. Erdle lui-même, il semble assez clair que les peines sévères sont inefficaces, car il nous a bien dit qu'au bout du processus, les accusés prétendent que leur société n'est qu'une coquille vide sans actif.
    Je ne suis donc pas convaincu que des peines plus sévères seraient efficaces. En fait, dans d'autres pays où les peines sont parfois plus sévères que les nôtres, le problème de la contrefaçon est également plus grave qu'ici.
    Merci.
    Enfin, monsieur Drapeau.
    Merci beaucoup.
    Je ne vais pas répondre à la partie de votre question portant sur l'ampleur du problème. Le fait est que j'ai un problème que je dois régler. À lui seul, le problème de la contrefaçon m'occupe pratiquement à plein temps. Si j'en juge simplement par le temps que je dois y consacrer, je pense que ça donne une indication de la gravité du problème. Cependant, je ne peux pas vous en dire davantage, ni vous citer de chiffres.
    Cependant, en ce qui concerne

[Français]

ce qu'il faut faire pour ouvrir le bal afin d'enrayer ce problème ou, à tout le moins, pour le contrôler, je vais vous faire quelques suggestions.
    La première concerne les mesures aux douanes. Ces produits, en règle générale, ne sont pas fabriqués au Canada, mais à l'extérieur du pays. Les douanes jouent donc un rôle crucial. Dans ce contexte, comme je l'ai déjà dit, il faut une plus grande communication entre les titulaires de droits et les douanes.
    Deuxièmement, en ce qui a trait au cadre législatif,

  (1615)  

[Traduction]

au Canada, nous avons un système très bizarre. Nous avons, d'une part, les marques de commerce et, d'autre part, le droit d'auteur. Lorsqu'on les considère séparément, on peut comprendre pourquoi les deux systèmes ne sont pas identiques. Mais lorsqu'on est en présence de contrefaçons, les deux devraient s'appliquer également.
    Voici certaines des différences entre la marque de commerce et le droit d'auteur. Afin que chacun sache de quoi je parle, une marque de commerce c'est, par exemple, Lacoste, Chanel. Ce sont des marques de commerce. Un droit d'auteur s'applique à une oeuvre d'art, à une oeuvre de création qui est protégée par le droit d'auteur. Par exemple, l'alligator que l'on voit sur les polos Lacoste est protégé par le droit d'auteur. Il se trouve également que c'est une marque de commerce.
    Idéalement, bien sûr, les deux protections devraient s'appliquer en même temps. Toutefois, s'il n'y a qu'une protection qui s'applique, la Loi sur le droit d'auteur admet que l'accusé plaide la bonne foi, il peut donc dire qu'il n'avait aucun moyen de savoir qu'il s'agissait d'une contrefaçon et se tirer d'affaire. En vertu de la Loi sur les marques de commerce, il n'y a pas de dommages préétablis. Lorsqu'une personne est reconnue coupable d'une infraction à la Loi sur le droit d'auteur, le tribunal peut accorder des dommages-intérêts sans qu'il soit nécessaire de prouver que le propriétaire légitime a véritablement subi des dommages. C'est le concept des dommages préétablis. Cela n'existe pas dans la Loi sur les marques de commerce. C'est une restriction très importante.
    En outre, comme je l'ai déjà mentionné, la GRC et la Couronne n'intenteront pas de poursuites dans des affaires de marques de commerce, mais le feront pour des affaires touchant le droit d'auteur. Je pense que cette différence entre les deux lois constitue un grave problème.
    Très bien.
    Puis-je ajouter deux choses très rapidement?
    Pour ce qui est des moyens de dissuasion, il y a la dissuasion civile. Par exemple, infligez des peines plus sévères. Pour ce qui est de la dissuasion criminelle, il s'agit de criminaliser le processus ou l'acte. Prenons l'exemple des caméscopes. Si quelqu'un entre dans un cinéma et enregistre le film au moyen d'un caméscope, même si c'est une infraction à la Loi sur le droit d'auteur, il est impossible d'intenter une poursuite contre cette personne à moins d'obtenir son nom. Si l'enregistrement au moyen d'un caméscope est considéré comme un acte criminel, on peut demander à un policier d'arrêter cette personne et on peut ainsi obtenir l'identité de la personne, ce qui n'est pas possible en droit civil. Même sous le coup d'une ordonnance Anton Piller, une personne peut refuser de s'identifier.
    Enfin, en ce qui concerne l'efficacité, lorsque vous obtenez un recours contre une coquille vide, comme M. Geist le disait, il ne suffit pas que les peines soient plus sévères. Il faut non seulement rendre les peines plus sévères, il faut encore qu'il y ait quelqu'un qui paie l'amende, il faut que la responsabilité personnelle des administrateurs et des dirigeants des entreprises soit engagée et pourvoir percer le voile derrière lequel ils se cachent dans des affaires de contrefaçon.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    C'est maintenant le tour de M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être ici.
    Nous venons de terminer une étude du secteur manufacturier. Nous avons eu l'occasion et le privilège de nous déplacer d'un bout à l'autre du Canada. Nous n'avons pas beaucoup entendu parler de Rolex, mais lorsque nous sommes allés à Québec, nous avons parlé aux représentants de l'industrie du textile. Lorsque nous sommes allés à Windsor, nous avons eu une rencontre très intéressante avec les constructeurs automobiles et les fabricants de pièces d'automobile; de même à Oshawa.
    J'ai visité des foires commerciales où des associations de plombiers et d'électriciens ont dit, « Il faut faire quelque chose. Ces contrefaçons sont tellement bien faites que nous n'arrivons même pas à voir la différence ».
    Ce qui me préoccupe, c'est que ces pièces contrefaites existent. Qui profite financièrement de ces contrefaçons et aussi où se trouvent ces pièces contrefaites? Où se trouvent les disjoncteurs qui sont défectueux? Se trouvent-ils dans des hôpitaux? Dans des écoles? C'est un aspect qui me préoccupe beaucoup.
    M. Geist a soulevé un point intéressant, à savoir que d'autres pays ont une protection plus solide en matière de droit d'auteur et de TI que le Canada. Je vais me faire l'avocat du diable parce qu'il semble que le gouvernement canadien respecte à l'heure actuelle les normes internationales et travaille en collaboration avec les milieux internationaux d'application de la loi. Pourquoi devrions-nous faire quoi que ce soit, mis à part le fait de prendre des mesures pour être retiré de la liste américaine des pays fautifs?
    Monsieur Drapeau, devrions-nous agir et que devrions-nous faire?
    Vous avez soulevé un certain nombre de points.
    J'ignore où se trouvent tous les articles contrefaits. Je peux vous dire qu'il y en a pas mal dans mon bureau; ils sont vendus sur le marché.
    Pourquoi devrions-nous avoir une protection plus solide? Parlons des autres pays. Pour ceux d'entre vous qui ont été à l'aéroport Charles De Gaulle à Paris, il y a effectivement des panneaux à l'aéroport Charles De Gaulle qui indiquent que si vous arrivez au pays avec un sac à main contrefait — non seulement à des fins d'importation ou de revente, mais à des fins d'utilisation personnelle, les douaniers sont autorisés à le confisquer.
    Je ne considère pas que le problème soit tout aussi grave dans d'autres pays. Tout d'abord, il faut examiner la situation de chaque pays. Il y a des pays qui comptent des populations plus importantes. Il y a des pays qui font l'objet d'une demande plus importante. Je pense qu'il est très difficile de comparer la situation d'un pays à l'autre. Ce que je sais, c'est qu'au Canada, nous avons un problème en ce qui concerne la contrefaçon.
    Vous m'avez demandé pourquoi devrions-nous agir pour régler ce problème? Est-ce uniquement pour qu'on nous retire de la liste des États-Unis? Et pour ceux qui ne sont pas au courant de la situation, les États-Unis ont dressé une liste des pays qu'ils considèrent insuffisamment proactifs en matière de propriété intellectuelle. Nous figurons sur la liste en question.
    Je n'ai pas abordé cet aspect dans mon témoignage pour une raison précise: nous considérons que nous devons prendre des mesures fermes de lutte contre la contrefaçon pas parce qu'un autre pays nous dit de le faire; nous devons le faire en fonction de nos propres valeurs. Nous ne voulons pas vivre dans une société qui accepte la tricherie, qui accepte le mensonge, qui accepte que l'on vende des produits contrefaits. Ce n'est pas la façon dont j'ai été élevé, et je suis sûr que ce n'est pas la façon dont la grande majorité des personnes ici présentes ont été élevées.
    Il vous incombe, en tant que législateurs, de vous assurer de préserver l'intégrité de cette culture. J'ignore comment se développe une culture dans un pays, mais cela en représente probablement un aspect.

  (1620)  

    Pour la gouverne du comité, chacun d'entre vous pourrait-il nous donner une définition de la contrefaçon et de ses répercussions sur l'économie canadienne? Je sais que la réponse pourrait être longue, mais si vous arrivez à répondre vraiment brièvement, nous pourrions tous vous entendre.
    Donc, donnez-nous votre définition de la contrefaçon et indiquez-nous ses répercussions sur l'économie canadienne, aussi brièvement que possible.
    Pourquoi ne commençons-nous pas par M. Erdle.
    Bien sûr.
    Pour nous, un produit de contrefaçon est un produit délibérément trompeur, qui porte délibérément la marque de commerce et d'autres marques d'un autre produit, un produit qui est une copie éhontée. C'est notre définition de la contrefaçon.
    Il existe des zones grises. Il existe certains produits électroniques de la marque Sony, où la marque est épelée avec deux n « Sonny ». S'agit-il de produits de contrefaçon ou non? Je crois que oui. Car l'objectif ici c'est de tromper le consommateur.
    Quelles en sont selon vous les répercussions sur l'économie canadienne?
    Cela est impossible à chiffrer en dollars, mais les répercussions se font sentir sur l'intégrité du marché. Il existe des lois qui sont appliquées contre la fausse publicité, contre les pratiques commerciales trompeuses, etc. Cela ne représente qu'un élément, et il faut que les lois y donnent suite. On trompe les gens.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais j'espérais obtenir une réponse de tous les témoins à ce sujet.
    Monsieur Geist.
    Moi aussi je mettrais l'accent sur les copies non autorisées qui visent clairement à tromper le consommateur, surtout lorsque nous parlons de santé et de sécurité publiques. J'indiquerais que bien que vous ayez peut-être vu, lorsque vous avez visité différentes régions du pays, des contrefaçons de pièces d'automobile entre autres, les propres données de la GRC semblent indiquer que les principaux produits de contrefaçon sont en fait des montres, des sacs à main et des articles de ce genre. D'après nos propres organisations d'application de la loi, ce sont les produits de contrefaçon les plus répandus. Bien entendu, nous avons entendu parler de Lacoste et d'autres produits.
    Pour ce qui est des répercussions — et j'ai l'impression de me répéter — le fait est que nous ne le savons pas. Nous entendons beaucoup d'histoires d'horreur. Je pense que la plupart des gens peuvent se rendre compte qu'une bonne partie de ces produits de contrefaçon sont loin d'être des copies parfaites. La personne qui achète un produit contrefait dans un marché aux puces sait fort bien qu'elle achète un produit de contrefaçon dans un marché aux puces et elle ne pense pas que pour dix dollars elle a acheté un sac à main qui en vaut 2 000.
    La contrefaçon se trouve en fait à acculer des entreprises canadiennes à la faillite.
    Voulez-vous que tous les membres du groupe répondent à votre question?
    Si possible, rapidement.
    La contrefaçon, conformément à nos lois actuelles concernant les marques de commerce, c'est la reproduction d'une marque de commerce sur des produits qui sont visés par l'enregistrement d'une marque de commerce. J'étendrais cette définition aux produits de la même catégorie. Si j'ai enregistré une marque de commerce pour une chemise et que quelqu'un reproduit ma marque de commerce sur une casquette de baseball, je considérerais qu'il s'agit d'un produit de contrefaçon. Pour ce qui est du droit d'auteur, c'est la reproduction de l'oeuvre qui est protégée par le droit d'auteur.
    En passant, M. Geist mentionne des copies non autorisées, et il existe une distinction très importante à faire concernant la distribution de produits du marché gris. Au cours de l'année, la Cour suprême rendra une décision dans l'affaire Euro-Excellence. C'est un cas portant sur le chocolat Toblerone et la décision qui sera rendue nous permettra de savoir si les produits du marché gris, qui sont légitimes mais importés au Canada en violation des droits du distributeur local, représentent une violation du droit d'auteur ou non.
    Lorsqu'il s'agit d'un produit non autorisé, il faut être prudent parce que certains produits non autorisés peuvent être des produits de contrefaçon et certains peuvent simplement être des produits du marché gris. Ma définition de contrefaçon exclut les produits du marché gris.
    Quelles en sont les répercussions sur l'économie canadienne? On peut avoir tout à fait raison de dire que nous en ignorons toutes les répercussions. La raison, c'est qu'il s'agit d'activités illégales. Les personnes qui se livrent à des activités illégales ne tiennent pas des dossiers détaillés. Je le sais; c'est ce à quoi je fais face chaque jour. C'est ma première réponse.
    Au lieu de s'interroger sur les répercussions de la contrefaçon sur l'économie canadienne, pourquoi ne pas nous interroger sur l'avantage que présente, sur le plan social, la contrefaçon?
    Contrairement à ce que j'ai lu dans le compte rendu du comité de la sécurité, je peux vous assurer que la contrefaçon ne favorise pas l'innovation. Il ne s'agit pas de concurrence loyale; c'est de la concurrence déloyale. La contrefaçon n'a rien à voir avec la concurrence que se livrent deux produits novateurs mis en même temps sur le marché, ni avec les efforts déployés par deux entreprises pour se damer le pion afin de trouver une idée nouvelle. Cela n'a rien à voir. Dans un cas vous avez une personne qui fait preuve d'innovation et qui trouve une idée nouvelle, et dans l'autre cas il s'agit d'une personne qui profite de l'innovation ou du succès d'une autre.

  (1625)  

    Je suis désolé, nous prenons beaucoup trop de temps.
    Je donne la parole à M. Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre comparution aujourd'hui.
    Je m'excuse à l'avance car je dois partir après ma question, mais je reviendrai peut-être. Je recevrai les bleus plus tard et je ferai un suivi.
    J'aurais quelques questions à vous poser à tous les trois.
    M. Geist a mentionné l'accumulation des données. Je pense que c'est une bonne suggestion, car nous avons vu de nombreux cas sans connaître les détails. Nous avons des exemples et toute une série de choses. À votre avis, comment pourrions-nous nous y prendre pour recueillir des données et mettre en place une bonne base de données et ensuite un modèle, non seulement à court terme mais aussi à long terme, en ce qui a trait à cette question?
    Je pense qu'il est important de faire la distinction entre les différents types de questions, car selon le type de produit, il y a peut-être une façon différente d'obtenir les données. Par exemple, en ce qui concerne les enregistrements sur caméscope, les chiffres sont tout à fait aberrants en ce sens que cela voudrait dire qu'il y aurait environ 500 p. 100 de tous les enregistrements sur caméscope qui seraient attribués à une série d'endroits. Il y a quelque chose qui cloche avec ces chiffres.
    Une étude indépendante sur les enregistrements sur caméscope qui a été effectuée par AT&T Labs Inc. il y a plusieurs années révèle que 80 p. 100 de tous les DVD piratés proviennent en fait d'une source interne. Ils proviennent en fait de l'industrie comme telle, ayant été égarés lors d'un visionnement, quelqu'un à l'interne les a publiés, ils ont ensuite été diffusés sur Internet ou ailleurs, de sorte qu'en fait, l'enregistrement sur caméscope ne représente qu'une petite fraction de toutes les sources. Ils ont pu le faire en regardant directement en ligne car il est possible de dire la différence entre l'exemplaire du visionneur et la version enregistrée sur caméscope.
    Dans certains domaines, je pense qu'il est possible de recueillir d'assez bonnes données si nous pouvons faire faire le travail par des chercheurs indépendants. Dans d'autres domaines — disons dans la contrefaçon des produits pharmaceutiques et ce genre de choses -— je dirais que nous pourrions avoir un assez bon échantillonnage, tant pour l'industrie pharmaceutique en ligne que pour certaines entreprises pharmaceutiques hors ligne. Nous pourrions tenter d'obtenir un échantillon. Je présume que certains produits pharmaceutiques risquent davantage que d'autres d'être contrefaits, de sorte que nous pouvons sans doute avoir une assez bonne idée et à partir de là regarder ce que cela rapporte en général, et ce genre de choses.
    Mais rien de tout cela ne s'est produit jusqu'à présent. Nous n'avons que ces histoires d'horreur qui attirent certainement notre attention.
    À bien des égards, il ne s'agit pas de savoir si la contrefaçon est un avantage pour la société. Soyons clairs : je ne pense pas que la contrefaçon présente un avantage pour la société, mais lorsqu'on a des gens qui viennent vous dire que vous devez consacrer davantage de ressources pour faire respecter la loi ou pour prendre des mesures coercitives à la frontière, cela veut dire qu'il faut aller chercher des ressources qui autrement seraient consacrées à autre chose. Je pense que nous devons être bien certains que le problème est suffisamment sérieux pour justifier l'allocation de ces ressources publiques qui profitent essentiellement au secteur privé, dans bien des cas, aux sociétés qui sont touchées par ce problème du fait que l'on copie les vêtements qu'elles fabriquent.

  (1630)  

    Y a-t-il quelqu'un d'autre?
    Je pense que l'un des avantages de consacrer davantage de ressources à cette question consiste à recueillir l'information dont le professeur Geist a dit que nous avions besoin. Je suis d'accord pour dire que ce serait une bonne chose d'avoir plus d'information; je ne suis pas d'accord pour que nous ne fassions tout simplement rien du tout parce que nous n'avons pas de données définitives.
    En ce qui concerne les enregistrements sur caméscope, je crois comprendre que tous les films qui sont édités aujourd'hui sont maintenant filigranés. La source des copies peut être déterminée, de sorte que je pense que les données doivent être disponibles. L'Association canadienne des distributeurs de films doit certainement en avoir. Ils ne sont pas indépendants et ils ont un intérêt acquis, mais je suis certain qu'ils ont ces données, et s'ils peuvent les étayer, c'est de ce côté que nous devrions regarder.
    D'autres industries ont également des données. L'industrie de l'automobile en a certainement. L'industrie aérospatiale a de l'information, et il serait très utile de l'avoir.
    Je ne crois pas cependant que cela justifie de ne prendre aucune mesure. Nous devons aller de l'avant et prendre des mesures.
    Je vais vous donner une façon très simple de vous y prendre. Allez à la Cour fédérale du Canada et demandez au greffier de sortir toutes les ordonnances Unetelle qui ont été prises par la Cour fédérale. Une ordonnance Unetelle est une ordonnance qui est prise par la Cour fédérale du Canada et qui ordonne aux contrefacteurs de rendre les produits de contrefaçon.
    Au fait, il s'agit d'un recours unique au Canada, un recours pour lequel nous sommes connus. Son origine remonte à une décision qui a été rendue par la Chambre des lords en Grande-Bretagne, mais ce recours a été importé au Canada. Ce qui est unique, c'est qu'une ordonnance Unetelle peut être appliquée partout au pays. Dans aucun autre pays de common law il est possible d'avoir une ordonnance qui s'applique à tout un pays, habituellement l'ordonnance se limite à un territoire.
    Vous allez donc à la Cour fédérale et vous obtenez la liste de toutes les ordonnances Unetelle qui ont été accordées par la Cour fédérale. La première a été accordée en 1982. Cela remonte à assez longtemps. Ensuite, pour chacune de ces ordonnances, vous regardez combien d'articles de contrefaçon ont été saisis chaque année. Je vous dis que cela représente déjà un travail considérable. Je suis responsable de ces ordonnances Unetelle au sein de mon cabinet, Ogilvy Renault, depuis 1997, et je garde ce type de dossier. En 1982, je n'étais même pas encore à la faculté de droit.
    Ce serait pour vous une façon de savoir combien de contrefaçons ont été découvertes sur le marché au cours d'une période donnée.
    Ce sera un processus très long. Vous n'allez découvrir que la partie émergée de l'iceberg. Lorsque l'on saisit un contrefacteur, ce dernier cache habituellement la majeure partie de son stock; on n'en récupère qu'une toute petite partie. Donc, selon le chiffre que vous allez obtenir, il faut le multiplier par un facteur que je ne peux pas quantifier, mais qui serait à mon avis considérable.
    J'ai une autre petite question.
    À Windsor, des témoins nous ont dit que des pièces d'automobile étaient copiées. En fait, l'industrie des moules d'outils perd certains de ses modèles du fait que les trois grandes sociétés et d'autres — en fait, les cinq grandes sociétés — prennent ces modèles et vont les acheter en Chine et ailleurs. C'est vraiment un problème. Cela fait perdre des emplois. Nous perdons beaucoup d'emplois à l'heure actuelle, et c'est considérable.
    Il y a également d'autres problèmes, notamment celui du cordon électrique dont on a parlé, et un certain nombre d'autres exemples. Étant moi-même un jeune parent, si quelqu'un en fait se blesse avec ce...
    Je serais curieux de connaître votre position. Qui à votre avis est responsable? Croyez-vous que ce sont les détaillants? Ont-ils un certain élément de responsabilité pour s'assurer que le produit qu'ils ont sur leurs tablettes a été acheté selon les procédures de comptabilité adéquates et qu'ils ne l'ont pas acheté sachant...? Ensuite, remonteriez-vous aussi la filière jusqu'au fabricant?
    À votre avis, qui est responsable si un produit a causé un décès ou une blessure? Qui est ultimement responsable?
    Soyez très brefs.
    Je pense que tout le monde a une certaine responsabilité. Le détaillant doit être responsable de savoir de qui il achète un produit et quel produit il achète exactement. Je pense que les distributeurs et les importateurs doivent être responsables et savoir quels produits ils distribuent ou importent. Les fabricants, s'ils déterminent la source des approvisionnements ou les distributeurs, s'ils trouvent leur produit à l'extérieur du Canada, doivent savoir qui le fabrique et comment le produit est fabriqué et où il est fabriqué. Ils sont tous responsables.
    Monsieur Geist.
    Je crois que je suis d'accord avec cela, et j'irais même plus loin. Si vous achetez un produit qui coûte cher dans un magasin tout à un dollar, ou dans un magasin de discompte, par exemple, en tant que consommateur, vous devez savoir, quelque part, qu'il y a des chances pour que ce produit soit une copie.
    Ça ne veut pas dire que c'est une bonne chose lorsque surviennent des incidents. C'est très inquiétant. Cependant, je crois que souvent, les consommateurs savent quand une bonne affaire semble être une trop bonne affaire. Dans beaucoup de cas, ils sont conscients que le produit n'est pas forcément... qu'ils n'achètent pas forcément ce qu'ils pensaient acheter.

  (1635)  

    D'accord.
    Monsieur Drapeau.
    Tout le monde a une responsabilité, mais c'est le détaillant qui est le principal responsable. Pourquoi? Pas forcément parce que le détaillant est au courant, mais parce que le consommateur ne peut exercer de recours que contre lui. La source de la contrefaçon n'est peut-être même pas canadienne.
    En ce qui concerne la conscience du consommateur, qui voit qu'il fait une bonne affaire, dans un magasin tout à un dollar, il s'agit peut-être de personnes qui ne peuvent pas se permettre d'aller ailleurs. Pensez-vous que cette personne soit assez sophistiquée pour se rendre compte que le produit véritable doit coûter beaucoup plus cher et que celui qu'elle achète doit être un faux? Peut-être que cette personne ne sait même pas qu'il existe des contrefaçons. Tout ce que cette personne se dit, c'est que c'est une aubaine. Ce client se fie sur le propriétaire du magasin.
    En fait, votre question porte sur la responsabilité associée au produit, et si je ne m'abuse — je ne suis pas un expert en la matière — le détaillant est responsable, en vertu du droit sur la responsabilité associée aux produits.
    Merci.
    Monsieur St. Denis, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup. Cette discussion est fort intéressante.
    Sur le plan philosophique, lorsqu'on parle de contrefaçon, comment est-ce que l'on qualifie ce crime? Est-ce que c'est du vol? L'un d'entre vous a parlé d'une personne qui entre dans une maison par effraction. Nous savons quoi faire lorsqu'on attrape quelqu'un qui vend des articles interdits. Est-ce que ça s'apparente au crime lié à la drogue? Est-ce que c'est de la fraude? Dans le sens philosophique, comment traite-t-on en général ce type de criminalité? Est-ce que ça appartient à une autre catégorie? J'aimerais bien savoir dans quelle catégorie notre pays va mettre cette criminalité. Après votre réponse, je vous poserai la deuxième partie de ma question.
    Je m'adresse à vous tous.
    À mon avis, l'important, c'est de commencer à faire ces analogies. Actuellement, on ne traite pas la contrefaçon comme un crime. On tape sur les doigts des responsables ou on ferme les yeux. L'important, c'est de prendre conscience qu'il y a un élément criminel dans cet acte et, pour les mêmes raisons, que les gens font beaucoup d'argent avec la contrefaçon. Dans certains cas, les personnes qui importent et qui vendent des stupéfiants, parce qu'ils font beaucoup d'argent, peuvent importer et vendre des contrefaçons. En fait, il est plus intéressant de vendre des contrefaçons, parce que les chances de payer une amende ou d'aller en prison sont pratiquement nulles. Si vous vous faites prendre pour trafic de drogue, vous irez sans doute en prison. Si vous vous faites prendre pour trafic de contrefaçons de sacs à main ou de montres, voire de pièces électriques — des piles qui explosent — vous avez très peu de risques d'être puni.
    J'ai siégé au groupe de travail sur le multipostage abusif du ministre de l'Industrie et nous avons passé beaucoup de temps cette année-là à travailler avec les services de maintien de l'ordre du ministère de la Justice ainsi qu'avec la GRC pour combattre le phénomène. J'ai fini par mesurer combien il était difficile d'obtenir des moyens de la GRC, de la Justice et des corps policiers pour qu'ils se penchent sur certains de ces problèmes. La GRC a placé la criminalité contre la propriété intellectuelle parmi ses cinq priorités et augmenté le nombre d'accusations portées ces dernières années; il y en a maintenant des milliers — et je ne parle que de la GRC, pas des corps policiers locaux — et c'est ternir la réputation des forces policières du pays de dire qu'il ne s'agit pas d'une priorité : ça l'est très nettement.
    Soyons honnêtes. Le vrai problème, c'est que les corps policiers ont décidé que dans ce domaine, la priorité serait donnée à l'hygiène et à la sécurité. Pour celui qui vend le petit crocodile sur sa chemise, ce n'est pas cela la priorité. Mais il faut reconnaître que la police en a fait une priorité et a été très active, a retiré des moyens — dans notre cas, nous n'avons pas réussi à les convaincre de s'attaquer aux pourriels, aux logiciels espions et à l'usurpation d'identité — parce qu'elle se concentrait sur certains des autres problèmes.
    La question qui a été posée était, philosophiquement, comment décrivez-vous ceci? Je trouve ça très intéressant parce que c'est le processus de réflexion auquel nous nous livrons. Je dirais qu'il s'agit de trois genres d'infractions.
    D'abord, il y a le vol commis contre le détenteur du droit. Il y a la reproduction de la marque ou la reproduction de l'ouvrage protégé par le droit d'auteur. C'est le vol de la propriété intellectuelle.
    Deuxièmement, il s'agit de voies de fait. Je n'ai pas le mot en anglais; je décrirais cela comme une agression contre le caractère distinct de la marque, à distinguer du vol de la marque elle-même. C'est une dépréciation de la marque.
    Troisièmement, c'est une tromperie et une fraude contre le consommateur et le grand public.
    Même si ce n'est pas la réponse à votre question, le problème de la proactivité de la police en matière d'hygiène et de sécurité, Dieu merci. Pour les choses qui ne relèvent pas de la santé et de la sécurité, créez plus de communications avec la police. Donnez des droits aux propriétaires, de meilleurs outils pour combattre le problème. Dans le même souffle. soyez conscients que les propriétaires de droits ne sont pas là pour contrôler les valeurs qui nous tiennent à coeur, comme société.

  (1640)  

    Monsieur St. Denis.
    Très rapidement, il semble qu'en général on ne considère pas cela comme un crime, si c'est bien ce que vous dites, et c'est pourquoi les médicaments contrefaits sont traités de la même façon que les sacs à main contrefaits. Le risque de préjudice est très différent dans chaque cas. Si vous aviez donc 100 $ à dépenser en amont — et j'entends par là la frontière — ou en aval, c'est-à-dire la rue ou le magasin ou Internet, où mettriez-vous vos 100 $? Toute la somme au même endroit ou moitié-moitié?
    Monsieur Erdle, rapidement.
    Je dépenserais l'argent de deux façons. J'améliorerais les contrôles à la frontière et je ferais des saisies et je poursuivrais les gens qui le font. Faute de —
    Je veux une réponse courte.
    Oui. Je me concentrerais sûrement sur l'hygiène et la sécurité, mais je n'écarterais pas le reste.
    Rapidement, monsieur Geist. 
    Comme nos lois sur le droit d'auteur prévoient des réparations légales de 20 000 $ par infraction, ces 100 $ ne vont pas nous mener très loin. J'affecterais une plus grande partie de la somme en aval, en particulier pour sensibiliser les forces policières à la dimension hygiène et santé. Pour moi, c'est le principal sujet d'inquiétude.
    Maître Drapeau.
    Au sujet des réparations légales de 20 000 $, elles n'ont été accordées qu'une seule fois; c'était en décembre dernier, par la Cour fédérale dans un jugement en faveur de Microsoft. Ce n'est donc pas courant.
    Comment répartir la somme? Comme vous voudrez : 50-50, 75-25. Je dirais sans doute 50-50, mais ajoutez une plus-value en modifiant les lois pour que, en plus de vos 100 $, vous aurez de l'argent dépensé par d'autres.
    Désolé, c'est quelque chose que j'aurais dû expliquer au début de la réunion. Les députés ont très peu de temps pour poser leurs questions et veulent entendre tous les membres du groupe vu l'intérêt de la discussion, mais chacun dépasse largement son temps et je dois m'assurer que tous les députés ont l'occasion de poser des questions. C'est mon rôle de président: je ne suis qu'un vulgaire chronométreur.
    Il faut donc que la question et la réponse soient courtes, sans quoi les députés ne pourront pas poser de questions.
    Voilà, c'est fait, telles sont les règles.
    Nous allons maintenant passer à M. Shipley — cinq minutes.
    Sachez que quelqu'un vient de prendre une grande partie de mon temps.
    Non, pas la moindre seconde.
    Je vous en sais gré.
    Nous comprenons tout le problème. Je ne veux pas parler de montres Gucci. Je veux vous parler, par exemple, des disjoncteurs que nous avions devant nous l'autre jour qui ont été installés dans des hôpitaux, dans des salles de soins intensifs. Ce sont des cordons électriques que votre famille et la mienne auraient pu acheter qui ont fondu. Ils portaient l'estampille de la CSA et la marque de la compagnie. Ce sont des cordons qui mettent le feu à votre maison quand vous êtes absent, avec vos enfants à l'intérieur. C'est cela qui m'inquiète.
    Tout le monde est-il d'accord pour dire que nous sommes face au crime organisé?
    Eh bien, d'après les renseignements de la GRC, le crime organisé est impliqué dans la contrefaçon mais il n'en est pas le seul auteur. Dans l'étude la plus récente de la GRC sur le problème, intitulée Project Sham, elle déclare que selon la région du pays dans laquelle vous vous trouvez, il s'agit parfois d'entreprises artisanales et dans d'autres cas effectivement de crime organisé.
    Vous avez parfaitement raison. L'exemple que vous avez donné constitue bien le problème et c'est pourquoi je pense qu'il faut écarter d'emblée certaines choses.
    La question n'est pas d'avoir des lois plus sévères en matière de droit d'auteur; le problème, ce n'est pas les caméscopes: il s'agit de la sécurité de nos hôpitaux et de nos maisons, et cela, ce n'est pas un problème de droit d'auteur.

  (1645)  

    Maître Drapeau.
    Qu'il s'agisse ou non de crime organisé, ça ne fait pas partie de mon témoignage. Vous pourrez poser la question à la GRC.
    Monsieur Erdle.
    Je suis d'accord. La GRC sait beaucoup mieux qui est impliqué là-dedans.
    Contrairement à ce qu'affirme le professeur Geist quand il dit qu'il s'agit uniquement d'une question d'hygiène et de sécurité et non de droit d'auteur ou de loi sur les marques de commerce, je pense que c'est les deux.
    Pour y mettre fin, nous avons besoin de tous les outils. La police a besoin d'outils plus forts et ils ne les trouvent pas actuellement dans la Loi sur les marques de commerce ou la Loi sur le droit d'auteur. Chaque compagnie et association industrielle ont aussi besoin de ces outils.
    Une des choses que nous avons lues, que nous avons vues, et qu'on a entendues plusieurs fois, c'est combien cette activité est lucrative et en fait lucrative sans grandes conséquences. Est-ce vrai?
    Deuxièmement, pensez-vous que la loi devrait ou pourrait être modifiée pour conférer aux fonctionnaires de l'Agence canadienne des services frontaliers le pouvoir net de cibler, détenir, saisir et détruire des biens contrefaits et piratés, soit de leur propre chef soit à la demande d'un propriétaire de propriété intellectuelle? Si vous ne pensez pas que ça devrait être modifié, pourquoi pas? J'aimerais entendre votre réponse.
    Je vais commencer par Me Drapeau.
    Est-ce que c'est lucratif? Et comment donc — quand je regarde la différence entre le coût de ces produits et le prix auquel ils sont offerts à la vente, quand j'arrive à mettre la main sur l'information.
    Quelles sont les conséquences? Elles sont tout à fait minimes. Dans mon mémoire, il y a ce que l'on appelle les dommages-intérêts compensatoires conventionnels fixés par la Cour fédérale. C'est en réalité une évaluation par le tribunal du montant qu'il accorde quand aucun montant ne peut être calculé. La somme est de 3 000 $ pour un vendeur ambulant, 6 000 $ pour un détaillant et 24 000 $ pour un fabricant. Ce n'est rien et les conséquences sont minimes.
    Un douanier devrait-il être autorisé à combattre les contrefaçons de sa propre initiative? Évidemment, sur confirmation que les produits sont bien des contrefaçons, tout à fait. Est-ce que ça pourrait se faire à la demande du propriétaire des droits si celui-ci prouve que les produits sont contrefaits? Oui, absolument.
    Nous avons tout lieu de croire que des gens tirent des revenus de cette activité, mais il faut aussi examiner nos lois et faire remarquer qu'il y a de lourdes pénalités. Je pense que 20 000 $ par infraction, qu'on peut utiliser pour forcer un règlement, c'est fort. Du côté pénal, dans la Loi sur le droit d'auteur, il y a l'éventualité d'une peine d'emprisonnement et de pénalités d'une valeur de centaines de milliers de dollars. Ce sont là de lourdes pénalités.
    Évidemment, vous pouvez les alourdir, mais ça ne signifie pas qu'un juge va forcément suivre ça. On voit souvent une loi alourdir une pénalité, mais les juges regardent les gens qui sont devant eux et décident comme ils l'entendent. Il n'y a pas de garantie qu'un châtiment sera infligé, même si vous augmentez les pénalités qui y sont associées.
    Pour ce qui est de la frontière, je pense qu'il y a une possibilité de loi, mais il faut être prudent à cause du problème des marchés gris et des importations parallèles. Il y a la possibilité de saisir des produits parfaitement légitimes simplement parce que quelqu'un au Canada ne veut pas que ces produits légitimes entrent au pays parce que cela représente pour eux une véritable concurrence.
    Brièvement, monsieur Erdle.
    Je conviens qu'il faut contrôler la frontière et que l'Agence des services frontaliers doit avoir le pouvoir de faire des saisies. Il doit y avoir un organisme en place pour s'assurer qu'elle saisit effectivement des biens contrefaits et non des biens légitimes, mais cela peut se faire.
    Pour ce qui est des autres pénalités, je pense qu'il faut faire davantage pour appliquer les pénalités qui existent, mais au même moment, il y a beaucoup d'activités pour lesquelles il n'y a actuellement aucune pénalité et ça devrait être changé.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, bonjour.
    Tout à l'heure, on a posé une question au sujet de l'impact financier de la contrefaçon. L'Association canadienne des importateurs et exportateurs a établi à 20 ou 30 milliards de dollars par année l'impact de la contrefaçon et du vol d'identité des produits intellectuels.
    Vous avez dit aussi que tout ce qui est contrefait vient principalement de l'étranger et qu'il n'y en a pas beaucoup sur notre territoire. Pouvez-vous le confirmer?

  (1650)  

    Je parle de mon expérience. Quand j'ai fait des saisies ou quand j'ai utilisé d'autres moyens pour enrayer la contrefaçon, je n'ai vu que très rarement un manufacturier situé au Canada. En règle générale, les manufacturiers sont situés à l'extérieur du Canada. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il n'y en a jamais eu, mais je n'ai vu de la manufacture de contrefaçon au Canada que dans de très rares cas.
    J'imagine que lorsque les gens du Canada et du Québec commandent des produits, peu importe lesquels, ils font affaire avec des fournisseurs qui normalement certifient la marchandise ou dans lesquels ils ont facilement confiance.
    Comme vous l'avez dit plus tôt, c'est du vol. Si ces produits viennent principalement de l'étranger, les frontières sont effectivement l'endroit rêvé pour exercer un contrôle.
     Plus tôt, on a fait allusion à la drogue. Dieu sait qu'il en passe pas mal quand même aux frontières. À cet égard, il y a un manque de ressources, c'est bien évident. Je ne veux abaisser personne, mais s'il ne s'agissait que des vêtements Lacoste, il n'y aurait pas de danger comme tel au niveau de la sécurité.
    De plus, la population est indirectement complice parce qu'elle connaît ces produits et elle les achète. Est-ce que ce sont des fournisseurs reconnus et connus que l'on croit honnêtes qui les vendent? Les marchés aux puces se sont développés. C'est possiblement un endroit où on écoule beaucoup de tels produits.
    J'ai trouvé de la contrefaçon non seulement dans des marchés aux puces, dans des parties privées, mais également dans des grands magasins, des chaînes et des boutiques spécialisées. Il y a de la contrefaçon n'importe où. Bien sûr, on en trouve souvent dans des endroits où les gens peuvent disparaître rapidement, par exemple dans des marchés aux puces. Plusieurs sont des vendeurs de rue.
    Ce qui me préoccupe dans votre question, c'est la notion du fournisseur auquel on peut faire confiance. Peut-être que l'acheteur fait confiance au fournisseur, mais ça ne veut pas dire que le fournisseur est digne de confiance.
    En ce qui a trait à la sécurité, par exemple, les acheteurs des grandes institutions ont-ils déjà acheté des produits contrefaits qui venaient d'ailleurs? La même chose vaut pour le domaine de la médecine. Les chances que ça se produise sont moins grandes, j'imagine, parce que la vérification des systèmes d'approvisionnement des acheteurs spécialisés doit être plus importante de ce côté.
    Je n'ai pas vérifié la contrefaçon dans le domaine médical. Donc, je ne peux pas répondre à votre question. Cependant, je peux vous dire que dans ce domaine, c'est comme dans n'importe quel autre domaine, c'est-à-dire qu'il y a de la contrefaçon de mauvaise qualité et de la contrefaçon de très bonne qualité.
    Je ne serais pas surpris de voir une contrefaçon qui puisse déjouer un connaisseur, à moins qu'il ne sache quels sont les indicateurs secrets pouvant révéler qu'un produit est contrefait.
    Au fond, cela touche tous les domaines, autant les vêtements Lacoste que le milieu médical, les médicaments.
    On sait qu'il y a eu une vague de sollicitation sur Internet à un certain moment. C'étaient des médicaments que les gens pouvaient commander à l'étranger et qui venaient probablement de l'étranger aussi.
    C'est votre dernière question, monsieur
    Ces médicaments pouvaient aussi être contrefaits. Il n'y a donc quasiment pas de limite. On en retrouve dans tous les secteurs et, parce que c'est criminel, évidemment, les moyens sont aussi très limités.

[Traduction]

    Mais ils disent que les moyens sont limités. En renforçant les lois, on peut s'adjoindre l'aide du secteur privé. Et ce que M. Cardin a dit, que la contrefaçon est très étendue et touche tous les secteurs, c'est une des raisons pour lesquelles il faut agir.

  (1655)  

    Mais cela montre aussi qu'il faut établir des priorités. Donc la mesure dans laquelle il s'agit d'un problème généralisé qui a infiltré tant de secteurs signifie qu'il faut faire un tri. Je veux dire qu'il faut s'assurer, d'abord et avant tout, que les vrais problèmes, la santé et la sécurité, ceux qui touchent directement les fabricants canadiens, sont bien ceux qui reçoivent la priorité, parce que si le problème est aussi important et si planétaire, il est bien évident que nous n'allons pas le régler autour de cette table. Voyons à ce que les solutions que nous proposons touchent les secteurs qui subissent le plus grand préjudice.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    En vous écoutant, ainsi que ceux qui vous ont précédés, je me suis dit que, quand on vole une banque, on s'en tire avec une courte peine de prison. C'est un peu comme dire que cela ne fait de mal à personne, que ce n'est pas bien grave de voler quelques dollars, même quelques milliers de dollars, que personne n'en meurt. Or, notre société a reconnu que nos institutions bancaires constituent un élément fondamental de notre système de marché et, à mon sens, quand on travaille fort, quand on a de bonnes idées et qu'on les met en oeuvre de la bonne façon — La publicité représente un élément important de notre système de marché, tout comme les marques de commerce. À mes yeux, c'est tout aussi grave que de braquer une banque.
    Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il faut établir des priorités. Cela, c'est prioritaire et cela doit cesser.
    Ma question à M. Drapeau : Devrions-nous ériger en infraction criminelle grave la fabrication, la reproduction, l'importation et la distribution de produits contrefaits ou piratés à des fins commerciales?
    Oui, absolument.
    Permettez-moi de vous dire ce qui me déplaît dans l'approche à deux niveaux. Si on adopte une telle approche, si on cible d'abord les biens qui touchent la sécurité, cela signifie que le vol, l'agression et la tromperie sont graves dans certains cas mais pas dans d'autres. Où doit-on fixer la limite?
    Pour ma part, je suis tout à fait d'accord avec votre position, monsieur.
    Je sais que vous avez une position bien arrêtée, monsieur Geist. J'aimerais d'abord savoir ce que M. Erdle en pense.
    Je suis aussi d'accord. Je vois le même problème que mon collègue dans cette approche à deux niveaux qui veut que la contrefaçon est nuisible dans certains cas mais pas dans d'autres. J'estime que la contrefaçon est toujours nuisible.
    Et vous avez raison de comparer cela à un vol de banque; c'est comme dire que si vous volez une banque, c'est une crime, mais que si vous volez un dépanneur et que personne n'est blessé, ce n'est pas grave. Ce n'est pas vrai. Il en va de même pour la contrefaçon.
    Par conséquent, oui, j'estime que ce devrait être une infraction criminelle.
    J'ai une autre question à vous poser. Quand on parle d'infractions criminelles, il m'apparaît évident que le crime organisé y est mêlé. Dans quelle mesure croyez-vous que les États sont aussi mêlés à la contrefaçon? Avons-nous aussi du sang sur les mains? J'ai entendu dire que les Américains affirment que c'est aussi un fléau aux États-Unis. Le crime organisé y est impliqué, mais les États ferment-ils les yeux, ont-ils déjà renoncé à s'attaquer à ce fléau?
    Nous venons d'entendre que, selon la GRC, 90 p. 100 des biens contrefaits proviennent de l'extérieur du pays.
    Dans un rapport qui a été publié cette semaine, le rapport « Special 301 », les États-Unis dressent la liste d'une douzaine de pays qui seraient les principales sources de contrefaçon; cette liste exclut le Canada, en dépit de tous ceux qui prétendent que le Canada est une des sources de ce problème. Le bureau du représentant américain au commerce a jugé qu'au Canada, comme dans des douzaines d'autres pays, la contrefaçon est davantage un irritant qu'autre chose.
    Nous ne sommes donc pas dans la même catégorie que ces autres pays. Quand nous sommes allés en Chine, on nous a dit que c'était un véritable problème dans ce pays et qu'on commençait à lutter contre la contrefaçon qui a des effets sur le commerce là-bas.
    Pourrait-on dégager un consensus ou conclure un accord prévoyant que, quand on se décidera à lancer la lutte à la contrefaçon, tous apporteront leur contribution? Devrions-nous nous efforcer d'en venir à un accord international?
    Ma question s'adresse aux trois témoins.

  (1700)  

    Monsieur Erdle.
    Je crois que les accords internationaux sont importants.
    La situation est très intéressante en ce qui concerne la Chine. Une bonne partie de notre travail actuel relatif aux brevets porte sur des inventions faites en Chine. Les Chinois sont devenus des innovateurs et ils commencent à s'intéresser au respect de la propriété intellectuelle. Ils se rendent compte qu'ils doivent dorénavant protéger leurs inventions. Ils ne voudront plus fermer les yeux sur la fabrication de produits contrefaits en Chine.
    Le même raisonnement s'applique au Canada. Nous devons sévir contre les contrefacteurs. Comme notre prospérité est fortement liée à l'innovation, nous devons la protéger et montrer au monde entier que nous la protégeons.
    Très bien.
    Rapidement, s'il vous plaît, monsieur Geist.
    Et le Canada l'a fait. L'Organisation mondiale du commerce est évidemment l'organisme mondial du commerce. Vous savez sans doute que le Canada s'est joint à titre de tierce partie. Les États-Unis ont porté plainte contre la Chine, qu'ils considèrent avec la Russie comme les pires délinquants, avec près d'une douzaine d'autres pays. Le Canada a joué un rôle à l'échelle internationale, particulièrement au cours des dernières semaines, pour combattre la contrefaçon.
    Monsieur Drapeau.
    En janvier, j'ai assisté au troisième sommet mondial de lutte contre la contrefaçon et j'ai pu constater une réelle volonté internationale d'instaurer ce traité. Toutefois, n'attendez pas la signature d'un traité international pour agir. Dans la lutte contre les produits contrefaits, nous ne pouvons pas nous attaquer à la source d'approvisionnement, qui se trouve à l'extérieur du Canada. Nous ne pouvons pas intervenir à ce niveau-là, mais nous pouvons le faire à nos frontières. Nous pouvons sévir contre ceux qui vendent ces produits au Canada mais nous pouvons aussi, en adoptant des lois plus sévères, changer les mentalités au Canada. En montrant qu'il est dommageable d'acheter des produits contrefaits, en stigmatisant cette pratique, on découragera les gens de s'y adonner.
    Merci.
    Merci, monsieur Van Kesteren.
    Monsieur Byrne, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai une question très brève à vous poser, monsieur Drapeau, parce que j'ai d'autres questions pour M. Geist. Vous avez mentionné le rapport 301 des États-Unis.
    Non. J'ai mentionné expressément que je n'avais pas fait référence au rapport 301 des États-Unis.
    Entendu.
    Si je crois que nous devons adopter des lois plus sévères, ce n'est pas parce que c'est l'avis des États-Unis.
    D'après les critères établis dans ce domaine, les États-Unis devraient-ils eux-mêmes figurer sur la liste des États-Unis? Sont-ils —

  (1705)  

    Je suis un avocat canadien et non américain. Je ne suis donc pas en mesure de répondre à votre question.
    Je comprends.
    Je tiens à poser des questions à M. Geist. Dans le domaine des valeurs — et je comprends sans peine que la santé et la sécurité soient prioritaires —, je me demande si mon raisonnement se tient. J'achète souvent à mon fils des pyjamas de Spider Man, mais ce n'est pas parce qu'il adore Spider Man. En fait, il est un peu plus difficile de le coucher maintenant qu'il porte des pyjamas Spider Man car il est un peu plus actif quand il les porte. Si j'achète des pyjamas Spider Man, c'est parce que je pense que pour obtenir de Walt Disney ou d'une autre entreprise l'autorisation d'apposer le logo Spider Man sur ces produits, le fabricant de pyjamas doit respecter certaines normes, par exemple, utiliser des tissus ignifuges. Autrement dit, le fait que le fabricant doive respecter les droits de propriété intellectuelle du titulaire de la licence, du droit d'auteur ou de la marque de commerce a pour effet de rehausser à mes yeux la qualité du produit que j'achète. En achetant une copie frauduleuse, dont le fabricant viole le droit d'auteur ou la marque de commerce, j'aurais l'impression de compromettre la santé et la sécurité de mon fils parce que je n'aurais plus l'impression que le tissu utilisé est ignifuge.
    Les décisions que je prends en tant que consommateur n'ont rien à voir avec les pilules ou l'équipement d'hôpital éventuellement défectueux, sur le fait que des biens de consommation médiocres et laids ne m'inspirent pas confiance, car je tiens à avoir l'assurance que les entreprises dont j'achète les produits n'exploitent pas des enfants. Toute violation des droits d'auteur ou d'une marque de commerce me porte à me méfier en tant que consommateur parce que je ne sais comment ces produits sont fabriqués.
    Enfin, vous dites que 90 p. 100 des produits contrefaits que l'on trouve au Canada viennent d'autres pays. L'industrie canadienne est réglementée à outrance. Les entreprises canadiennes se conforment volontairement à différentes normes de certification. Comment pourrais-je être en mesure de juger de ce qui devrait être prioritaire, même dans le cas des produits de consommation les plus médiocres?
    J'ai donné trois exemples où des questions de santé et de sécurité pourraient se poser, ce qui va à l'encontre de mon échelle de valeur sociale. De plus, en achetant un produit contrefait, je mine les efforts des entreprises de mon propre pays pour établir des normes plus rigoureuses et je me trouve à contribuer dans les faits à l'érosion de ces normes.
    Monsieur Geist, que répondez-vous aux observations que je viens de faire?
    Vous avez soulevé beaucoup d'aspects dans cette question.
    En ce qui concerne votre question relative au rapport spécial 301, je trouve que vous avez raison. Le fait est que les États-Unis ne respectent pas intégralement eux-mêmes leurs obligations internationales en matière de droit d'auteur; ainsi, si on dressait la liste des contrevenants, les États-Unis pourraient très bien y figurer. Cela dit, l'exercice aurait la même crédibilité que le fait pour les États-Unis de déclarer, après avoir étudié nos lois sur les armes à feu, que ces lois sont trop sévères et que nous devrions faciliter l'accès aux armes à feu. Ou le fait que les États-Unis trouvent nos lois sur la protection de l'environnement trop laxistes. Ce n'est rien de plus que l'opinion d'un pays sur un ensemble de lois car nous nous y conformons vraiment à l'échelle internationale.
    Quant aux questions précises que vous avez signalées, nous devrions être prudents et éviter d'associer le fait qu'un produit porte un logo au respect des normes de qualité ou d'une marque de commerce. En effet, dans certains cas l'entreprise qui autorise l'utilisation de son logo tiendra à s'assurer que le produit en question est d'une certaine qualité, mais ce n'est pas vrai dans tous les cas. Cette question n'a vraiment rien à voir avec la qualité.
    Il y a problème lorsque quelqu'un ne respecte pas, par exemple, les normes fondamentales de sécurité du Canada. À mon avis, cela devrait être considéré comme de la fraude, si ce n'est pas déjà le cas, et en pareil cas, les corps policiers devraient indéniablement intervenir pour faire cesser de telles pratiques. À mon avis, on aurait tort de penser que l'inscription d'une marque de commerce ou la cession d'un droit d'auteur est une garantie de qualité, car n'importe qui peut revendiquer des droits d'auteur pour tout ce qu'il écrit.
    En fait, quand un produit porte le logo de l'Association canadienne de normalisation, c'est un indice de qualité. Il est incontestable par ailleurs que lorsque ce logo est contrefait, il faut prendre des mesures pour corriger le problème.
    Ainsi, vous seriez en faveur de pénalités plus strictes pour les infractions liées aux marques de commerce et au droit d'auteur si les normes de la CSA sont appliquées et que des poursuites sont engagées en fonction de ces normes.
    Ce que j'ai dit, c'est que quelqu'un qui trompe la population en apposant un logo de la CSA tente en fait de dire à la population que le produit atteint un certain niveau de qualité, alors que ce n'est pas le cas. Encore une fois, il ne s'agit pas d'une question liée à la marque de commerce; la création de protections plus fermes pour les marques de commerce et le droit d'auteur amène d'autres conséquences, parce que la création d'une telle loi peut toucher, par exemple, les pyjamas de votre fils, mais elle peut aussi avoir des répercussions négatives sur une vaste gamme d'activités.
    Monsieur Drapeau.
    Une marque de commerce peut être liée à un certain niveau de qualité ou à l'absence de qualité, selon le produit.
    Le problème, ici, c'est que certaines marques de commerce ont acquis, au cours des années, la réputation de constituer des preuves de la qualité d'un produit, d'être un produit que tous souhaitent posséder, un produit de designer, un produit en demande. D'autres marques de commerce peuvent ne pas avoir bénéficié des mêmes investissements et, ainsi, ne pas avoir la même réputation pour ce qui est de la qualité. Ces marques de commerce ne sont pas contrefaites. Les marques de commerce contrefaites démontrent qu'un produit est à la mode, qu'un produit atteint un très haut niveau de qualité et qu'il s'agit d'un produit que les gens veulent. La contrefaçon n'existe que si le produit original est en demande.
    Merci.
    Merci, monsieur Byrne.
    J'essaie d'être strict pour ce qui est du temps de parole afin de pouvoir avoir la chance de poser des questions en ma qualité de président. Je parlerai donc au nom des conservateurs. J'ai trois questions.
    Premièrement, monsieur Geist, vous avez parlé plus tôt de données incohérentes. Je crois que vous avez sans doute raison, mais je ne sais pas si nous finirons un jour par avoir des données sûres, réelles ou valides, en raison de la nature même de ce que nous étudions: la contrefaçon et le piratage. Proposez-vous une méthode qui nous permettrait d'obtenir des données sûres et fiables, qui pourrait servir de fondement à nos politiques publiques.
    Je ne suis pas d'accord. Dans l'exemple que j'ai fourni dans ma déclaration préliminaire, au sujet de l'enregistrement par caméscope, je crois que l'on peut espérer obtenir des données très précises. Nous ne l'avons pas encore vu. Nous avons obtenu des chiffres qui, si on peut dire, vont dans tous les sens. Dans ce type de question, je crois que l'on peut espérer découvrir jusqu'à quel point le Canada fait partie du problème ou en est la source; il sera par la suite possible de déterminer si nous pouvons amorcer de nouvelles réformes législatives. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Il faut savoir ce qu'est le problème précis avant d'amorcer quelque réforme législative que ce soit.
    Dans les autres domaines, je suis d'accord. Je ne sais pas si nous finirons un jour par très bien comprendre le problème, mais je crois que si nous souhaitons établir un ordre de priorité, du point de vue de la législation et des ressources, il faudra en savoir plus qu'à l'heure actuelle.

  (1710)  

    Ma deuxième question porte sur votre observation, monsieur Erdle, selon laquelle la Loi sur le droit d'auteur comporte des dispositions relatives à la criminalité qui n'ont pas été appliquées efficacement. Pouvez-vous préciser votre pensée?
    Oui. Nous avons déjà parlé des pénalités de 20 000 $. En réalité, lorsque les cas se retrouvent devant les tribunaux, ces pénalités ne sont jamais infligées.
    Je suis toutefois d'accord pour dire qu'augmenter les pénalités ne signifie pas nécessairement qu'elles seraient davantage appliquées; il s'agit selon moi d'une question de perception selon laquelle il s'agit d'une infraction grave, ou non, et je pense qu'il faut changer cette perception. C'est grave, et les tribunaux doivent appliquer ces pénalités.
    Ma troisième question s'adresse à M. Drapeau. Vous mentionnez, dans vos solutions, qu'il faut prévoir des dommages-intérêts légaux, puis vous dites qu'aucune preuve des dommages réels n'est requise. Pouvez-vous préciser cette idée?
    Oui. C'est le montant de 20 000 $ prévu par la Loi sur le droit d'auteur, dont on a parlé auparavant; c'est la différence entre les marques de commerce et le droit d'auteur.
    La Loi sur le droit d'auteur prévoit ce que l'on appelle des dommages-intérêts préétablis. Cela signifie que si le tribunal conclut qu'il y a eu infraction, il peut ordonner le versement de dommages-intérêts dont le montant ne dépend pas des dommages encourus par le titulaire du droit d'auteur. Ces dommages-intérêts préétablis existent parce qu'il est parfois très difficile pour le titulaire d'un droit d'auteur de prouver les dommages réels qu'il a subis. Selon la loi, pour chaque oeuvre dont le droit d'auteur a été violé, le titulaire reçoit entre 200 et 20 000 $, sans avoir à prouver qu'il a réellement subi les dommages.
    Vous devez toutefois savoir que les dommages-intérêts préétablis ne figurent que dans la Loi sur le droit d'auteur. La Loi sur les marques de commerce ne comporte pas une telle disposition. Le montant de 20 000 $ ne s'applique donc qu'au droit d'auteur et la jurisprudence canadienne ne compte qu'un seul exemple, datant de décembre dernier. Avant cela, le montant versé était toujours de 10 000 $.
    Si vous me le permettez, je parlerai maintenant des pénalités plus strictes. La Cour fédérale a refusé d'ordonner l'emprisonnement, même dans les cas de récidive. La récidive peut être considérée comme un outrage au tribunal, et peut donc être passible d'une peine d'emprisonnement. La Cour fédérale a indiqué qu'elle n'allait pas imposer de peine d'emprisonnement pour une première récidive. L'idée derrière les changements apportés aux lois est également d'augmenter la sévérité des pénalités infligées par le tribunal.
    Il ne faut pas oublier que la plupart des jugements portant sur la contrefaçon à l'heure actuelle sont rendus sous l'égide des ordonnances Anton Piller et Unetelle, et se soldent en ordonnances de saisie. Ces ordonnances peuvent porter atteinte à la vie privée, et les tribunaux font preuve d'une extrême prudence lorsqu'ils y ont recours. On a tendance à ne pas trop y avoir recours, y compris, je crois, dans le cas de la contrefaçon et des punitions connexes.
    Très bien. Le greffier m'indique que je n'ai plus de temps, mais vouliez-vous répondre brièvement, monsieur Geist?
    Oui. J'ai une réponse très courte sur la question des dommages-intérêts préétablis. Ceux-ci démontrent que tenter de faire une bonne chose peut entraîner des conséquences négatives. Par exemple, nous lisons souvent des récits de grand-mères ou d'adolescents aux États-Unis qui font l'objet de poursuites pour partage de fichiers, dont la responsabilité peut atteindre des millions de dollars. C'est parce que si quelqu'un possède mille chansons sur son disque dur, il peut devoir verser des dommages-intérêts préétablis pour chaque chanson, ce qui peut donner littéralement des millions de dollars.
    Mais comment cela fonctionne? Les tribunaux n'accordent pas 20 000 dollars par infraction; les gens sont forcés d'accepter des règlements, n'ayant d'autre choix que de le faire en raison de la possibilité de se voir imposer des responsabilités si élevées. Nous voyons donc, dans des pays comme le Canada et les États-Unis, tout le potentiel de mauvaise utilisation que comportent ces types de dispositions.
    Souhaitez-vous réellement répondre à la question, monsieur Drapeau? Pouvez-vous le faire en dix secondes?
    On ne parle pas de partage de fichiers; on parle de produits qui comportent une marque de commerce ou un logo protégés par le droit d'auteur. C'est la définition initiale de la contrefaçon. Ça vient en premier.
    Ensuite, au sujet de ces règlements faramineux, si la contrefactrice est une pauvre grand-mère qui n'a simplement pas suffisamment d'argent, elle ne pourra payer personne, alors je doute qu'il y ait un règlement faramineux.
    Je crois que nous pourrions poursuivre cette discussion, mais je n'ai plus de temps.
    Poursuivons avec M. Scgrand-mèresott.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, vous avez dit que le président joue en quelque sorte le rôle de chronométreur. Nous avons de toute évidence un greffier très ambitieux. Faites-vous élire.
    Il me semble que nous sommes en train de créer des distinctions artificielles quant à la question de savoir s'il s'agit d'un problème répandu ou si c'est seulement la santé et la sécurité ou quelque chose de semblable qui est en cause. Il me semble que les infractions ont un effet composé.
    Par conséquent, c'est là un motif de défense quand on vole l'idée de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas inhabituel en droit, du moins je ne pense pas, que la loi prévoit d'autres répercussions et que la gravité de l'infraction augmente. Quand on vole la propriété intellectuelle de quelqu'un, quand on vole ce que quelqu'un d'autre a créé, on commet une infraction contre le créateur. S'il y a des dommages qui en résultent, il y a alors une autre victime. Est-il déraisonnable de penser que l'impact pour la victime, pour l'acheteur en l'occurrence, est moins grave, abstraction faite de la fraude commise à son endroit, dont il a déjà été question, que s'il y a un problème qui se pose sur le plan de la santé et de la sécurité, au quel cas il y aurait des dommages supplémentaires?
    J'essaye simplement d'imaginer comment les choses se passeraient dans la pratique. N'ai-je pas raison de penser que c'est ainsi qu'elles se passeraient — peu importe la sanction, on oublie cela — ou qu'elles pourraient se passer?

  (1715)  

    Les choses pourraient certainement se passer ainsi. Dans le cas des produits réglementés comme les produits pharmaceutiques ou électriques, il y a des violations de la loi. Santé Canada peut aussi appliquer certains règlements. Il y aurait certainement des recours de ce côté-là.
    Mais ce qui intéresse surtout l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada c'est de faire en sorte que nous ayons une bonne législation sur la propriété intellectuelle au Canada. C'est donc le tort causé à la propriété intellectuelle en soi, indépendamment des problèmes liés à la santé et à la sécurité, indépendamment de la fraude ou de la publicité trompeuse dont le consommateur peut être victime et qui pourraient aussi constituer des infractions, c'est le tort causé à la propriété intellectuelle, à la survaleur de l'entreprise qui a produit Spider-Man lorsque le pyjama ou quelque autre produit est défectueux et que la marque de commerce s'en trouve compromise, qui nous intéresse.
    De même, dans le cas du droit d'auteur, ce qui nous intéresse, c'est le tort causé au propriétaire du droit d'auteur, indépendamment du tort qui pourrait éventuellement être causé au détaillant qui n'arrive pas à vendre ces DVD parce que les DVD piratés se vendent pour la moitié du prix, qui nous intéresse.
    Il n'y a pas là d'incompatibilité. Voilà où je voulais en venir.
    Non, les deux ne sont pas incompatibles.
    Mais l'objet du droit de la propriété intellectuelle n'est pas l'application de ce droit. Il est plutôt de servir l'intérêt public en général en faisant comprendre que le droit d'auteur, comme l'a énoncé la Cour suprême, vise à protéger à la fois les droits des utilisateurs et ceux des créateurs, afin d'assurer l'équilibre entre les deux.
    Ce dont il est question ici finalement, c'est de servir l'intérêt public. Notre objectif ultime n'est donc pas d'exiger que la législation sur la propriété intellectuelle soit appliquée de la façon la plus rigoureuse possible. Notre objectif est plutôt de dire que c'est l'intérêt public, l'intérêt de la société, qui doit primer dans toute la mesure du possible.
    À mon avis, nous n'avons pas à nous demander si toutes les violations sont égales en ce sens qu'elles ont une incidence égale sur l'intérêt public dans notre société. Pour ma part, j'estime qu'elles ne sont pas égales, qu'il y a certaines infractions — soit de par leur portée, soit de par leur incidence dans un secteur particulier — qui compromettent de façon plus profonde l'intérêt public. C'est dans ces cas-là que nous aurions parfaitement raison d'exiger que les forces de l'ordre interviennent, que les ressources publiques aient un rôle à jouer, car l'intérêt public se trouve gravement compromis.
    Lorsque ce sont plutôt des intérêts privés qui sont touchés et que l'incidence sur la société ou sur l'intérêt public est moindre, il y a, bien sûr, violation de la loi, mais nos efforts ne doivent pas viser uniquement à faire respecter la loi, mais bien à protéger l'intérêt public et celui de la société dans son ensemble.
    Je comprends qu'il y aurait un ordre de priorité dans l'application de la loi, mais je dis simplement qu'il n'y a pas incompatibilité. C'est simplement qu'il y a une infraction qui est plus grave que l'autre.
    Faisons-nous assez de recherches? Nous avons affaire en grande partie à quelque chose de tout à fait nouveau. Si nous semblons être bien souvent à la traîne, c'est que nous élaborons nos règlements et nos lois et tout le reste à partir d'une approche historique, alors que cette approche ne nous permet pas de suivre le rythme de l'évolution. Faisons-nous assez de recherches indépendantes?
    Il y a un centre de commerce électronique à Fredericton, dans ma circonscription. Faisons-nous assez de recherches à cet égard? S'agissant de reconnaître l'activité commerciale qui est en cause ici finalement, il est dans l'intérêt du Canada de bien faire les choses, de comprendre le contexte et de mettre en place les mesures nécessaires. Y a-t-il assez de travail qui se fait pour nous aider en tant que gouvernement, en tant que pays, à composer avec le phénomène?

  (1720)  

    Monsieur Erdle.
    Nous n'avons pas vraiment affaire à quelque chose de nouveau à mon avis. C'est un phénomène avec lequel nous sommes aux prises depuis que le droit d'auteur et les marques de commerce existent. Ce qui est nouveau, c'est la technologie qui est utilisée, la technologie numérique qui permet d'obtenir un grand nombre de reproductions du jour au lendemain. Ainsi, le film qui sort en salle un vendredi peut être copié et des milliers de DVD sont prêts à être vendus dès le lendemain matin. C'est cela qui est nouveau. Ce qui est nouveau aussi, c'est la mondialisation et le commerce international, qui fait en sorte que des produits qui sont fabriqués à très bon marché dans d'autres pays peuvent être vendus ici.
    Ce sont là des éléments nouveaux, qui aggravent le problème et qui nous rendent plus sensibles au problème. Mais le problème en soi n'est pas nouveau. La violation du droit d'auteur, et dans certaines mesures la contrefaçon, existe depuis que les marques de commerce et le droit d'auteur existent.
    Merci.
    Monsieur Geist, vous voulez ajouter quelque chose brièvement?
    Je dirais que je suis d'accord avec vous. Je ne crois pas que le CNRC accorde assez d'attention à la contrefaçon. Je dirais que les chercheurs universitaires au Canada se sont beaucoup concentrés sur le droit d'auteur. Nous avons donc au Canada un grand nombre d'universitaires qui font des recherches indépendantes sur le régime de droit d'auteur qui serait optimal pour le Canada, et je dirais que la majorité d'entre eux rejetteraient les recommandations spéciales du type 301. Par contre, il n'y a pas vraiment beaucoup de recherche qui se fait sur la contrefaçon en tant que telle. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai dit d'entrée de jeu qu'il s'agissait là d'un domaine auquel il nous fallait nous intéresser.
    Merci.
    Monsieur Drapeau, brièvement.
    Je ne suis pas compétent pour me prononcer sur la question de la recherche, mais je tiens à dire une chose. Si l'objet de la PI n'est pas de faire respecter la loi, à quoi sert-il d'avoir la PI si elle n'est pas appliquée?
    Merci.
    Il me reste deux députés. J'ai M. Carrie, puis M. Vincent.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos témoins de l'échange très intéressant de cet après-midi.
    J'essaie de bien cerner ce dont il est question ici aujourd'hui, et je pense notamment aux principes. Comme l'a dit mon collègue libéral, ce qui compte, ce sont nos principes comme société. Je sais qu'un des principes que les Canadiens ont à coeur, du moins c'est ce que je pense, est celui du droit de propriété, qui comprend, bien sûr, le droit de propriété intellectuelle.
    Je m'inquiète, car si nous ne faisons rien, nous pourrions encourager le comportement illégal, non pas seulement ici au Canada, mais aussi à l'étranger. Mon collègue a parlé des ateliers clandestins, du fait que certains pourraient exploiter de jeunes enfants, de la criminalité — la criminalité est certainement en cause ici. Que devrions-nous faire?
    Monsieur Drapeau, vous y avez fait allusion, mais quel est, d'après vous, l'objet du droit de la propriété intellectuelle?
    Je crois que le droit de la propriété intellectuelle vise de nombreux objets. Tout d'abord, il vise à protéger et à stimuler l'innovation. Il s'agit de faire en sorte que les créateurs soient récompensés et qu'on encourage ainsi la création. Quand je pense à ce que je fais quotidiennement et à ma valeur sociale, c'est là ce que j'ai comme valeur sociale, il me semble. Je suis là pour protéger l'innovation. C'est à cela que se résume le droit sur la propriété intellectuelle à mon avis.
    Par ailleurs, la PI découle du respect du droit de propriété.
    Une des choses dont on peut évidemment discuter, c'est jusqu'où on peut aller. On nous a dit que c'était plus mauvais pour la société, d'autres nous ont dit que ça l'était moins. Que suggérez-vous au gouvernement canadien? Devrait-il y avoir des peines minimums pour ce genre de crime? Cela serait-il dissuasif, à votre avis?
    Le problème actuellement est que la Loi sur le droit d'auteur, par exemple, est la seule loi — entre les lois sur le droit d'auteur et sur les marques de commerce applicables dans ce cas — qui prévoit des dommages-intérêts préétablis. La cour, à sa discrétion, peut imposer des peines de 200 à 20 000 $. Étant donné que la contrefaçon n'est pas considérée comme un problème aussi grave qu'elle devrait l'être, la peine maximum n'a été appliquée qu'une fois. Je pense que l'on devrait associer une peine minimum à la contrefaçon et que l'on devrait laisser à la cour la possibilité d'accroître cette peine — selon les circonstances — si l'on veut que cela ait un effet.
    Maintenant, quant à la façon dont on évalue cette peine, on peut le faire de différentes façons. À l'heure actuelle, dans la Loi sur le droit d'auteur, les dommages-intérêts préétablis sont de 200 à 20 000 $ par oeuvre touchée. On pourrait aussi considérer la différence entre un contrefacteur qui a une quantité minimum et un autre qui en a une bien plus importante. Une autre mesure, comme les dommages-intérêts compensatoires conventionnels fixés par la Cour fédérale qui pourraient dépendre du niveau de la chaîne auquel le contrefacteur se situe. S'agit-il d'un vendeur de rue, d'un détaillant ou d'un fabricant? Ce sont des options à examiner.
    Je ne pense pas que nous aurons le temps aujourd'hui de trouver la meilleure option mais il y a différentes façons de le faire.

  (1725)  

    M. Geist a dit qu'il aimerait répondre. Puis, malheureusement, monsieur Carrie, il va nous falloir passer à quelqu'un d'autre. Ça va?
    D'accord.
    Monsieur Geist.
    Merci, monsieur le président.
    La question des peines minimum pour la contrefaçon peut sembler une bonne idée en théorie mais le problème est que la Loi sur le droit d'auteur ne fait pas de distinction entre la contrefaçon et une violation du droit d'auteur. La possibilité d'augmenter les peines minimum pourrait s'appliquer également à la grand-mère qui aurait utilisé son Wi-Fi pour échanger des dossiers un cas évident de contrefaçon.
    Je ferais également remarquer que si l'on parle de respect de la propriété, cela doit s'appliquer dans les deux sens. Les consommateurs s'inquiètent que l'on ne respecte pas la propriété qu'ils ont achetée: le DVD qui ne fonctionnera pas parce qu'il a été verrouillé. Ils craignent par ailleurs que les lois sur le droit d'auteur limitent encore davantage leurs droits; qu'il s'agisse de la chanson qu'ils téléchargent d'un magasin de musique autorisé comme iTunes ou Napster et qu'ils ne pourront entendre sur leur iPod.
    Donc, quand on parle de droits de propriété, il faut bien se rappeler que ce n'est pas à sens unique. Dans bien des cas, j'ai l'impression que l'industrie — et les défenseurs des droits d'auteur — ne tient pas suffisamment compte des biens qu'achètent les particuliers.
    Je suis désolé, il nous faut passer à M. Vincent.

[Français]

    Ma dernière question concerne un sujet que l'on n'a pas encore abordé, même pas lors des réunions précédentes. Des témoins nous ont dit qu'il y avait des coûts excessifs pour défendre leur brevet lorsque celui-ci faisait l'objet de contrefaçon. Ils laissaient souvent tomber les poursuites parce que les coûts étaient astronomiques.
    Pensez-vous qu'on pourrait simplifier le système juridique lorsqu'il y a des poursuites de ce genre? Il pourrait y avoir des délais raisonnables et on pourrait simplifier la preuve. D'après-vous, serait-ce une solution envisageable?
    Je peux bien comprendre qu'il peut y avoir des poursuites et que l'on trouve des gens qui copient nos produits, sauf que le processus judiciaire, comme on le sait, est très long. On pourrait possiblement trouver une façon de réduire le temps pour faire une poursuite dans ce domaine. Qu'en pensez-vous?
    Vous avez tout à fait raison. En anglais, on appellerait cela un rocket docket, c'est-à-dire une procédure simplifiée.
    Il faut bien comprendre que ce qui nous concerne, ce sont les produits contrefaits. Il est tout de même relativement simple de démontrer si un produit est contrefait ou non. Parfois, les indicateurs sont plus ou moins publics, mais ce n'est pas extrêmement difficile de démontrer qu'un produit est un faux. Il y aurait donc effectivement des possibilités de ce côté pour simplifier le processus dans des cas de contrefaçon. On ne parle pas de cas de violation, c'est-à-dire de quelque chose qui est semblable, mais qui n'est pas identique.
    Je suis un peu préoccupé par les témoignages d'aujourd'hui. Vous avez devant vous deux hommes qui représentent des points de vue différents, mais le problème est qu'on ne parle pas nécessairement des mêmes choses.
    Je parle des produits qui sont contrefaits et sur lesquels on met une marque de commerce; je ne parle pas de la grand-mère qui fait du Wi-Fi, etc. Lorsque vous considérerez vos témoignages, il faudra peut-être que vous teniez compte de cette différence.
    D'autre part, si le fait de traiter la contrefaçon implique d'amender des lois, cela n'implique pas nécessairement d'amender simplement la Loi sur le droit d'auteur. Il pourrait y avoir une loi différente qui traiterait uniquement de la contrefaçon. De cette manière, cela ne porterait pas atteinte à d'autres concepts.
    Même si c'est une contrefaçon d'une marque de commerce, il reste que c'est un produit copié. Par exemple, si un sac porte la marque de commerce Cartier ou une autre, il peut s'agir d'un produit qui a été copié et qui porte cette marque de commerce.

  (1730)  

    Tout à fait.
    À ce moment-là, on pourrait avoir un autre système juridique qui ne ferait que vérifier et confirmer la contrefaçon. On jugerait le cas et on le réglerait rapidement.
    Selon vous, combien en coûte-t-il pour défendre un brevet?
    Un représentant d'une entreprise de ma circonscription, à Granby, est venu témoigner devant nous pour nous dire que sa mousse isolante avait été copiée ici, au Canada. Il a abandonné les poursuites parce que cela lui aurait coûté près de 100 000 $ pour arriver à quelque chose de concret. Alors, si on réduit le système juridique, on pourrait réduire les coûts en même temps.
    Combien en coûterait-il à une entreprise d'intenter une poursuite aujourd'hui.
    Monsieur Vincent, vous avez soulevé quelque chose qui est probablement le rêve des avocats en contrefaçon, à savoir créer un tribunal de la contrefaçon. Je pense que nous devrions retenir cette idée. En fait, les coûts d'une poursuite, surtout quand on parle de brevet, sont très importants.
    Ne confondez pas la marque de commerce, le droit d'auteur et le brevet. Le brevet est probablement l'outil qui n'est pas dans le cadre des discussions que nous avons présentement. En contrefaçon, on se fie surtout à la marque de commerce et au droit d'auteur.
    En matière de brevet, il peut y avoir une copie identique d'un brevet, mais c'est plutôt rare. Habituellement, il s'agit de copies similaires, et c'est là où les litiges coûtent cher, parce qu'il faut démontrer si l'idée a vraiment été copiée. Je pense que les chiffres que vous avez avancés sont valables. C'est très dispendieux de faire une poursuite en brevet.

[Traduction]

    M. Geist, puis M. Erdle.
    Pour répondre à votre question, une chose que fait l'Institut de la propriété intellectuelle actuellement, c'est de collaborer avec la Cour fédérale pour essayer de simplifier certaines des méthodes, les rendre plus efficaces, réduire les coûts et permettre aux gens de faire respecter les brevets, en particulier. Cela coûte très cher et cela prend beaucoup de temps. Nous travaillons donc avec la Cour fédérale. Un de nos anciens présidents et juge de la Cour fédérale a demandé qu'un groupe travaille avec lui à simplifier le processus pour qu'il devienne plus efficace.
    Nous passons à M. Geist, brièvement.
    Tout ça est vrai mais, là encore, il faut tenir compte du contexte. Les coûts de poursuite au Canada sont très minimes comparés à ce qu'ils sont au sud de la frontière, aux États-Unis, qu'il s'agisse de contrefaçon, de brevet ou de droit d'auteur. En fait, c'est là-bas un coût d'entreprise qui dépasse de beaucoup ce que prévoient en général nos entreprises. Cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas améliorer les choses ici mais, quand on compare notre situation à celle de nos semblables dans d'autres pays, notre problème paraît bien minime. Quand on commence à parler de frais, c'est la raison pour laquelle on finit par s'entendre dans bien des cas sur un règlement parce que c'est une procédure trop coûteuse. Donc, lorsque les seuils sont élevés, cela incite en fait les gens à accepter un règlement à l'amiable, même si quelquefois, ce n'est pas forcément abordable.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    Nous avons des votes dans environ 10 minutes, et notamment sur un projet de loi important qui est le mien.
    M. Thibault a demandé si je pourrais vous demander de préciser ce que sont les ordonnances Anton Piller. Monsieur Drapeau, je ne sais pas si vous pourriez le faire rapidement ou si vous voulez envoyer une réponse au greffier.
    Je peux faire les deux.
    En deux mots, une ordonnance Anton Piller est une ordonnance d'une cour — fédérale ou provinciale — demandant à quelqu'un de laisser entrer un avocat sur les lieux pour saisir des éléments de preuve afin qu'ils soient préservés en attendant une procédure judiciaire. C'est un mécanisme de préservation des éléments de preuve. Comme vous pouvez imaginer, c'est utilisé très fréquemment dans la lutte contre la contrefaçon puisque cela permet de préserver les produits de contrefaçon.
    Monsieur Vincent.

[Français]

    Tout à l'heure, vous avez dit que depuis 1987, vous aviez des informations de la Cour fédérale indiquant combien d'argent avait été perdu. Pourrait-on obtenir ces données?
    Ce n'est pas tout à fait cela. En fait, j'ai dit que les ordonnances Anton Piller existent au Canada depuis 1982. Personnellement, je procède à des saisies depuis 1997. Il n'y a pas de données financières.
    Je disais que si on allait chercher chaque ordonnance qui a été accordée par la Cour fédérale, donc les ordonnances ordonnant à des contrefacteurs de laisser saisir leur marchandise contrefaite, on pourrait avoir le total des produits contrefaits qui ont été saisis sur le marché canadien pendant un certain nombre d'années. Cela étant dit, ce ne serait pas une sinécure que d'aller chercher cette information.

[Traduction]

    Merci.
    Je vous remercie infiniment. Je suis désolé de précipiter ainsi les choses mais nous devons aller voter. J'ai trouvé que cette séance était absolument fascinante. Merci à tous d'être venus.
    Si vous voulez communiquer d'autres choses aux membres du comité, veuillez le faire par l'intermédiaire du greffier qui se fera un plaisir de communiquer ces informations. Merci.
    La séance est levée.