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FINA Rapport du Comité

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L’imposition des fiducies de revennu : Des divergences de vues irréductibles?

NEUTRALITÉ FISCALE

  1. Observations des témoins sur les investisseurs imposables

    On a rappelé au Comité que le gouvernement fédéral avait annoncé dans son Budget 2006 un mécanisme amélioré de majoration et de crédits d’impôt pour dividendes afin d’éliminer la double imposition des dividendes des grandes entreprises au niveau fédéral. Cette mesure ne touche toutefois pas les investisseurs non résidents ou ceux qui bénéficient d’un report de l’impôt qui, pour des raisons fiscales, continuent de préférer la structure des fiducies de revenu.

  2. Observations des témoins sur les investisseurs bénéficiant d’un report de l’impôt

    Des témoins ont signalé au Comité que les investisseurs détenant des placements à imposition différée n’ont pas droit aux crédits d’impôt pour dividendes dont peuvent se prévaloir ceux qui investissent dans des instruments imposables. Selon M. Dirk Lever, il pourrait en résulter une forme de double imposition, que l’investissement dans des fiducies de revenu permet d’éviter. On a dit au Comité que l’imposition proposée des fiducies de revenu aboutirait à une double imposition des placements à impôt différé.

    Pour M. Don Francis, on cherche à tuer les fiducies de revenu par la double imposition de leurs distributions dans les comptes de retraite.

    De l’avis de M. Gordon Tait, avec le régime d’imposition des fiducies de revenu proposé, un retraité ou un détenteur de FERR dont une partie est investie dans une fiducie de revenu verrait ses distributions en espèces imposées au taux de 31,5 % au niveau de la fiducie; comme le revenu est versé au bénéficiaire du fonds de pension ou au détenteur de parts de la fiducie, d’autres impôts seraient perçus. Certains détenteurs de parts pourraient être imposés à un taux effectif allant jusqu’à 58,5 %, si bien que, sur chaque dollar de distribution en espèces, ils ne recevraient que 41,5 cents. M. Tait estime que l’impôt sur les distributions proposé ne devrait pas s’appliquer aux parts de fiducie détenues dans un REER, un FERR et un régime de retraite.

    Pour sa part, Mme Diane Urquhart estime qu’il n’y a pas de double imposition nette dans les REER et les fonds de pension du fait des avantages structurels que présentent les REER et les fonds de pension, puisqu’il y a une déduction initiale et un report de l’impôt sur les revenus de placement.

    M. Tait a également remis en question le fait que seules les fiducies cotées en bourse seraient assujetties à l’impôt sur les distributions proposé de 31,5 %. Il estime que cela reviendrait à n’imposer que les petits épargnants canadiens — qui investissent dans des fiducies cotées en bourse en raison du peu de capital dont ils disposent — , tandis que les régimes de pension publics, les grands fonds de placement privés canadiens et les investisseurs privés et publics américains seraient exemptés. D’après lui, l’imposition proposée des fiducies de revenu créerait un milieu de l’investissement à deux vitesses.

    Pour M. Cameron Renkas, il faut aussi égaliser les règles du jeu — sur le plan fiscal — non seulement entre les sociétés et les fiducies, mais également entre les détenteurs de parts de fiducie cotées en bourse et les détenteurs de parts de fiducie non cotées en bourse.

    L’Association canadienne des fonds de revenu a fait valoir le même argument, en soulignant que l’annonce du gouvernement fédéral du 31 octobre 2006 ne visait pas les fiducies privées et autres sociétés non publiques.

  3. Observations des témoins sur les investisseurs étrangers

    Dans son témoignage devant le Comité, le ministre des Finances a fait savoir que les distributions des fiducies de revenu vont surtout à des investisseurs étrangers qui, à son avis, ont trouvé une manne. Il a souligné que la retenue d’impôt de 15 % perçue auprès de ces investisseurs étrangers est bien inférieure au taux d’imposition qui s’applique aux détenteurs de parts de fiducie canadiens.

    Au sujet des investisseurs étrangers, M. Yves Fortin a laissé entendre que l’impôt sur les distributions proposé mènerait à un dessaisissement quasi total des parts de fiducie; il est peu probable que ces investisseurs réinvestiraient dans d’autres instruments canadiens, dont le rendement est inférieur. Il a également fait valoir que le gouvernement perdrait les retenues d’impôt qu’il perçoit actuellement, ce qui réduirait ses revenus fiscaux.

  4. Observations des témoins sur quelques répercussions du régime proposé d’imposition des fiducies de revenu

    1. Sur un pied d’égalité avec d’autres pays?

      D’après un certain nombre de témoins, il n’est pas tout à fait vrai que, comme on l’a prétendu, d’autres pays, en particulier les États-Unis et l’Australie, auraient fait en sorte d’éliminer les structures d’entités intermédiaires analogues aux fiducies de revenu canadiennes. D’après M. Cameron Renkas, les entités intermédiaires américaines — soit quelque 214 entités intermédiaires cotées en bourse ayant une capitalisation boursière de plus de 465 milliards de dollars — sont quasiment identiques aux fiducies de revenu canadiennes. À l’instar du représentant de l’Association canadienne d’investissement dans des fiducies de revenu, il a fait observer que, contrairement au Canada, les États-Unis semblent avoir tendance à appuyer encore plus les entités intermédiaires. Il a en outre fait remarquer que, aux États-Unis, les secteurs du pétrole et du gaz, de la production, des transports, du raffinage, des mines, des engrais, de la distribution du propane, du bois d’œuvre et de l’immobilier bénéficient d’exemptions.

      L’Association canadienne d’investissement dans des fiducies de revenu a également fait remarquer que la simple adoption des politiques économiques étrangères est simpliste et dangereuse, si l’on ne comprend pas parfaitement le contexte plus large dans lequel ces politiques s’inscrivent. De plus, toujours d’après cette association, on ne peut supposer que les pays ont été bien servis par ces politiques, que ce soit au moment où elles ont été élaborées ou depuis. Enfin, elle a expliqué au Comité qu’il est difficile de croire qu’une politique adoptée aux États-Unis en 1987 soit la meilleure politique pour le Canada en 2007.

      De même, M. Renkas a estimé qu’il est difficile de faire des comparaisons pour un petit aspect de la politique fiscale d’un pays sans tenir compte du régime plus global dans lequel il s’insère.

      Les mémoires que le Comité a reçus d’investisseurs canadiens remettaient en question les raisons pour lesquelles le Canada doit s’aligner sur d’autres pays s’il est doté d’un type d’investissements unique qui est bénéfique pour les marchés et les investisseurs canadiens et qui attire les capitaux étrangers. On a posé la question à savoir si le gouvernement fédéral envisageait d’éliminer le crédit d’impôt pour dividendes pour la simple raison que ce crédit n’existe pas aux États-Unis.

    2. Propriété et contrôle étrangers?

      M. Cameron Renkas a fait savoir au Comité qu’à son avis les entités intermédiaires américaines pourraient à l’avenir acquérir des actifs canadiens de fiducies, en raison de l’avantage appréciable qu’ils présentent sur le plan du coût du capital et du fait que ces actifs conviennent bien à leur structure. À son avis, de telles acquisitions se produiraient le plus probablement dans le domaine des fiducies de redevances et autres fiducies liées aux ressources naturelles.

      L’Association canadienne d’investissement dans des fiducies de revenu a dit de l’annonce du gouvernement fédéral du 31 octobre 2006 qu’elle avait déclenché la tempête parfaite pour les sociétés privées à capital-risque étrangères, qui pourraient vouloir procéder à des achats opportunistes et appliquer des techniques de maximisation de la valeur et de réduction des revenus. Selon elle, des intérêts étrangers pourraient ainsi prendre le contrôle de secteurs de l’économie canadienne, et les décisions seraient prises au siège social, donc à l’étranger.

      De même, l’Association canadienne des fonds de revenu a fait savoir au Comité que, compte tenu de leur dépréciation, bon nombre de fiducies de revenu pourraient être achetées par des fonds de placement en actions ordinaires privés ou des investisseurs privés.

      De l’avis de la Coalition des fiducies de l’énergie du Canada, si une portion importante de l’actif des fiducies tombait dans des mains étrangères, le Canada perdrait des revenus fiscaux — les intérêts déductibles qui auraient été assujettis à une retenue d’impôt de 0 à 10 % et les gains en capital qui seraient imposés à l’étranger. Il a aussi été question des éventuelles acquisitions par emprunt des sociétés canadiennes, de la suppression d’emplois aux sièges et du rapatriement de 10 milliards de dollars d’actifs, auparavant contrôlés par des intérêts étrangers, par le secteur des fiducies.

      Pour ce qui est de la retenue d’impôt actuelle de 15 à 25 % sur les distributions aux investisseurs non résidents et des revenus fiscaux prélevés en conséquence, des témoins ont souligné que les investisseurs étrangers n’utilisent pas les services ni l’infrastructure au Canada même s’ils y paient des impôts. De ce point de vue, M. Tait a souligné que les retenues d’impôt n’ont pas à être aussi élevées que les impôts canadiens, étant donné que les investisseurs étrangers n’utilisent pas les systèmes canadiens de santé, d’éducation ou de sécurité sociale et leur infrastructure.

      Dans son mémoire, Swank Capital, LLC. a affirmé que le régime proposé d’imposition des fiducies de revenu nuirait à la production canadienne de gaz naturel et de pétrole classique et que les entreprises œuvrant aux États-Unis dans le domaine de l’énergie deviendraient des acquéreurs beaucoup plus déterminés, et que le Canada perdrait en partie le contrôle du bassin sédimentaire de l’Ouest canadien. Ce mémoire axé essentiellement sur le pétrole et le gaz laissait cependant entendre que l’application du régime d’imposition des fiducies de revenu proposé aboutirait à la disparition des fiducies.

    3. Pertes pour les investisseurs et répercussions sur la sécurité du revenu?

      Des témoins ont expliqué au Comité que les personnes âgées au Canada ont assumé de façon disproportionnée la perte de valeur des fiducies de revenu, chiffrée à un montant variant entre 30 et 35 milliards de dollars, ayant fait suite à l’annonce du 31 octobre 2006. Le Comité a reçu des mémoires d’investisseurs canadiens qui lui signalaient notamment des cas où des gens avaient investi dans des fiducies de revenu après qu’on leur a affirmé que celles-ci ne seraient pas imposées et d’autres où des gens ont dû revoir leurs projets de retraite et parfois même retourner travailler en raison de la dépréciation de leurs parts de fiducie. D’autres mémoires faisaient état des conséquences fâcheuses pour la prospérité économique du fait que beaucoup de personnes âgées seront peut-être forcées de limiter leurs achats de biens et de services faute de moyens.

      La Coalition des fiducies de l’énergie du Canada a également expliqué les répercussions des pertes de revenus et de capital pour les investisseurs — et des pertes connexes de revenus fiscaux — ainsi que les conséquences de ces pertes, notamment pour les organismes caritatifs. L’Association canadienne d’investissement des fiducies de revenu a déclaré que l’annonce fédérale du 31 octobre 2006 avait causé un effondrement des placements des épargnants se chiffrant à plusieurs milliards de dollars, et sonné le glas des fiducies de revenu.

      M. Yves Fortin pense que, à cause de la quasi double imposition des distributions, les détenteurs de REER et de FERR et les fonds de pension devront réviser leur portefeuille de placements et choisir des placements à moindre rendement, ce qui se traduira par un moindre revenu de retraite annuel en sus des fortes pertes en capital subies. À son avis, la baisse des revenus de retraite fera diminuer les recettes fiscales et accentuera la pression sur le système de sécurité sociale. Disant du ministre des Finances qu’il se montre insensible, il soutient qu’il faut adopter des mesures pour indemniser les personnes qui ont perdu une portion non négligeable de leur épargne-retraite.

      Qualifiant l’annonce du 31 octobre 2006 du ministre des Finances d’irréfléchie et irresponsable et l’appelant le massacre de l’Halloween, M. Barrowclough a signalé que certains retraités vont sans doute voir leurs revenus diminuer, alors que les retraités ont grand besoin de rentrées d’argent régulières. Il estime en outre que cette épée de Damoclès, comme il l’appelle, va limiter la remontée de valeur des fiducies de revenu, ce qui aura des conséquences sur les capitaux détenus dans celles-ci.

      Dans la même veine, M. Dave Marshall a dit que l’annonce du 31 octobre 2006 revenait à démolir à la masse l’épargne et les revenus futurs des retraités, et M. Jean-Marie Lapointe a présenté la liste des pertes qu’il a subies depuis cette annonce.

      La Canada’s Association for the Fifty-Plus estime que la mise en application des propositions du gouvernement fédéral telles quelles entraînera d’autres pertes de revenu régulières après quatre ans.

      Dans le mémoire qu’il a remis au Comité, l’iTrust Institute se demande comment le fait de récupérer environ 500 millions de dollars par an en impôts auprès de contribuables existants justifie de supprimer d’un coup 20 milliards de dollars de l’assiette fiscale et de faire reculer la valeur relative du dollar canadien.

      Pour un certain nombre de témoins qu’a entendus le Comité et de particuliers et groupes qui lui ont envoyé un mémoire, le plan d’équité fiscale annoncé le 31 octobre 2006 forcera un nombre accru d’aînés au Canada à dépendre du système de sécurité sociale. M. Gordon Tait s’est interrogé sur les répercussions à plus long terme du fait de ne pas fournir aux retraités des choix suffisants quant à leurs sources de revenus et sur le fardeau additionnel qui incombera aux pouvoirs publics.

  5. Observations des témoins sur les autres options

    1. Observations générales des témoins sur les autres options

      Les témoins qui ont comparu devant le Comité sont d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’anéantir le secteur des fiducies de revenu pour limiter la prolifération indésirable des conversions en fiducie de revenu. Selon l’Association canadienne des fonds de revenu, on a frappé à la masse sur le secteur des fiducies de revenu alors que le problème venait seulement des groupes exonérés d’impôt et des investisseurs étrangers; on a utilisé une tronçonneuse plutôt qu’un bistouri.

      Selon M. Gordon Tait, il faudrait un système permettant la coexistence des sociétés traditionnelles et des fiducies de revenu, reconnaissant que certaines industries ou grandes entreprises ne peuvent pas devenir des fiducies, ce qui va de pair avec le concept de limitation du niveau de propriété étrangère qui est actuellement imposé aux principales industries canadiennes. Il croit qu’il y a d’autres solutions au nouveau traitement fiscal des fiducies de revenu qui seraient plus avantageuses pour le gouvernement fédéral, les entreprises et les investisseurs, et demande instamment aux députés d’envisager d’autres politiques.

      Selon l’Institut canadien des comptables agréés, avant l’annonce du 31 octobre 2006 du gouvernement fédéral, l’imposition des fiducies de revenu ne répondait pas aux critères jugés souhaitables pour un régime fiscal : la stimulation de la croissance économique et de la compétitivité par une large assiette fiscale et de faibles taux d’imposition, la neutralité et l’équité. De l’avis de l’Institut, la neutralité n’existait pas puisque le régime encourageait la constitution de certaines entreprises en fiducie de revenu plutôt qu’en société classique, et les parts détenues par des investisseurs exonérés et des investisseurs étrangers entraînaient des pertes fiscales croissantes. De ces deux facteurs, l’Institut soutient que l’absence de neutralité était le plus important.

      M. Finn Poschmann a fait valoir des arguments semblables, rappelant que le Comité technique de la fiscalité des entreprises avait principalement recommandé une politique fiscale neutre vis-à-vis de la structure des sociétés. Comme l’a signalé M. Poschmann, l’objectif de neutralité est atteint par un impôt sur les distributions des sociétés qui serait selon lui similaire — en ce qui concerne les fiducies de revenu — au mécanisme proposé par le gouvernement fédéral le 31 octobre 2006. Il estime que le gouvernement a pris une bonne décision, mais pense qu’il est possible de procéder à une plus grande réforme du régime fiscal.

    2. Observations des témoins sur les investisseurs bénéficiant d’un report de l’impôt

      Dans le contexte des conversions possibles en fiducie de revenu qui ont provoqué l’annonce du 31 octobre 2006 du fédéral, M. Gordon Tait a dit qu’une bonne partie du problème vient du fait que le régime fiscal n’est pas pleinement intégré. En outre, il a souligné le peu de considération accordée aux politiques fiscales alternatives ainsi que l’absence de débat et de consultation auprès des décideurs. M. Tait a laissé entendre que le traitement fiscal proposé pour les fiducies de revenu va plus loin que nécessaire pour atteindre les objectifs du gouvernement fédéral, et qu’il nuit inutilement aux personnes âgées et aux retraités. Cependant, il croit que le traitement proposé ferait plus qu’uniformiser les règles et qu’en réalité, il découragerait ou empêcherait la conversion d’entreprises en fiducies de revenu.

      M. Tait a indiqué qu’en éliminant la double imposition des comptes imposables et non imposables, et en imposant le revenu des sociétés et les dividendes au même taux que les intérêts, plus rien n’inciterait une entreprise à devenir une fiducie de revenu. Il appuie les mesures proposées et celles qui ont été prises concernant l’impôt sur le revenu des sociétés et le crédit d’impôt pour dividendes, qui uniformiseraient les règles d’imposition des fiducies et des entreprises pour les investisseurs canadiens, mais croit qu’il faut éviter un système d’imposition à deux vitesses, qui est plus avantageux pour les grands investisseurs, les personnes qui investissent sur le marché des actions privées et les grandes caisses de retraite que pour les petits investisseurs. Selon lui, la partie remboursable du crédit d’impôt pour dividendes devrait s’appliquer aussi aux dividendes sur les titres détenus dans des comptes de retraite.

      Dans le cas des dividendes payés aux Canadiens, M. Cameron Renkas recommande de leur accorder un crédit d’impôt pour dividendes remboursable en fonction de l’impôt sur le revenu des sociétés réellement payé. Cette mesure éliminerait la double imposition des dividendes et ne devrait plus inciter les entreprises à devenir des fiducies de revenu à des fins fiscales seulement. Il croit que la décision de devenir une fiducie de revenu devrait se fonder sur le mérite de l’entreprise et sur la pertinence de sa conversion.

      M. Dirk Lever a présenté une proposition au Comité qui, à son avis, uniformiserait les règles tout en protégeant les principes commerciaux et en éliminant la double imposition. Selon cette proposition, les dividendes de sociétés canadiennes versés à des contribuables canadiens et à des bénéficiaires de pension seraient imposés une fois et donneraient droit au crédit d’impôt pour dividendes, alors que les investisseurs étrangers seraient soumis à l’impôt sur le revenu des sociétés et l’impôt sur les dividendes versés serait retenu à la source. Quant aux distributions des fiducies, les contribuables canadiens et les bénéficiaires de pensions seraient imposés une fois et admissibles à un crédit d’impôt pour distributions, alors que les investisseurs étrangers seraient assujettis à l’impôt sur le revenu des sociétés et une retenue fiscale sur les distributions qu’ils reçoivent. Quand il a comparu devant le Comité, M. Barrowclough a dit souscrire à l’idée d’un crédit d’impôt remboursable.

      M. Poschmann estime que les impôts payés en amont sur les distributions aux caisses de retraite et aux REER devraient être remboursés aux détenteurs de parts et aux actionnaires.

      Selon l’Institut canadien des comptables agréés, bien que l’annonce du 31 octobre dernier du fédéral ait été un pas dans la bonne direction en vue d’uniformiser les règles entre les sociétés classiques et les fiducies de revenu et de s’attaquer aux pertes fiscales, le ministère des Finances devrait examiner une autre modification pour assurer la neutralité et l’équité du régime fiscal : l’impôt sur les distributions proposé et le crédit d’impôt pour dividendes devraient être entièrement remboursables pour les investisseurs canadiens. De l’avis de l’Institut, cette modification ferait en sorte que le régime fiscal canadien serait pleinement intégré, sans aucune discrimination à l’endroit des divers types d’investisseurs canadiens. Néanmoins, il faudrait tenir compte des questions suivantes : les répercussions fiscales et interprovinciales, la nécessité de telles exonérations fiscales propres au secteur comme les sociétés de placement immobilier, et des sources de financement adéquates pour les petites et moyennes entreprises souhaitant être des sociétés ouvertes.

      Certaines des personnes qui nous ont envoyé un mémoire ont abordé la question de la double imposition et nous ont dit souscrire à un crédit d’impôt sur les distributions ou à l’élargissement du bénéfice du crédit d’impôt pour dividendes aux placements à impôt différé.

    3. Observations des témoins sur les investisseurs étrangers

      M. Cameron Renkas a dit au Comité que la classe d’actif des fiducies de revenu est maintenant bien établie et que certaines améliorations pourraient y être apportées. Il a aussi indiqué que, comme ailleurs, les fiducies de revenu jouent un rôle important sur les marchés financiers canadiens. Cela dit, pour régler la question des pertes fiscales liées aux investisseurs étrangers, il recommande l’une ou l’autre des solutions suivantes pour augmenter l’impôt perçu auprès des investisseurs étrangers sans nuire aux économies des Canadiens : augmenter directement l’impôt retenu à la source pour les investisseurs étrangers ou augmenter indirectement l’impôt retenu à la source par l’effet combiné d’un impôt sur les distributions à un faible taux de 5 à 10 % et d’un crédit d’impôt entièrement remboursable pour tous les investisseurs canadiens.

      M. Gordon Tait a également proposé, à titre de mesure nécessitant un examen plus approfondi, une augmentation mesurée de 5 à 15 % du montant de l’impôt payé par les investisseurs étrangers. À son avis, le traitement fiscal proposé pour les fiducies de revenu ferait passer le taux d’imposition d’une fiducie détenue par des investisseurs étrangers à un niveau qu’il considère inexplicablement élevé.

      M. Fortin nous a dit que, à son avis, à cause de l’alourdissement de la charge fiscale que représentent les nouvelles règles proposées, les investisseurs étrangers se départiront de leurs parts de fiducie de revenu et le gouvernement perdra du même coup la totalité des impôts retenus à la source qu’il touche actuellement.

      Pengrowth Energy Trust pense pour sa part que les capitaux propres, destinés à procurer le meilleur rendement possible au moindre risque, ne seront pas forcément investis au Canada.

MARCHÉS DES CAPITAUX ET STRUCTURES D’ENTREPRISE EFFICACES

  1. Observations des témoins sur la productivité des fiducies de revenu

    Quand il a comparu devant le Comité, le ministre des Finances a dit qu’on commence à voir des conversions en fiducies de revenu dans des secteurs de l’économie canadienne qui ont besoin d’investissements et de réinvestissements. Il trouve cette situation dangereuse pour la croissance économique et notre prospérité future. Il a parlé en particulier des industries du savoir.

    Les témoins ont fourni aux membres du Comité des points de vue divergents sur la mesure dans laquelle les fiducies de revenu permettent d’accroître la productivité des placements. Dans ses observations sur le potentiel de croissance des fiducies de revenu, l’Association canadienne d’investissement dans des fiducies de revenu a cité un article selon lequel les fiducies de revenu investissent leur argent et lancent leurs entreprises à un rythme impressionnant; cette affirmation se fonde sur un sondage réalisé par PricewaterhouseCoopers.

    M. Don Francis a dit au Comité que, à son avis, la structure des fiducies de revenu n’est pas associée à une réduction de la productivité et de la compétitivité.

    Dans le contexte des principes économiques généraux et d’après sa compréhension de la structure de l’économie, le gouverneur de la Banque du Canada a déclaré au Comité que les fiducies de revenu sont peut-être tout à fait appropriées dans les cas où les entreprises peuvent se contenter de gérer efficacement les avoirs existants, mais qu’elles ne se prêtent définitivement pas aux cas où l’innovation et les nouveaux investissements ont un rôle essentiel à jouer. D’après lui, lorsque l’on favorise les fiducies dans ces derniers cas, les mesures d’incitation à l’innovation et à l’investissement sont moins importantes, et il en est de même du potentiel de croissance de la productivité.

    M. Al Rosen pense que, dans certaines fiducies de revenu, les liquidités ne sont pas réinvesties.

    D’après M. Finn Poschmann, comme une fiducie de revenu ne peut pas croître de manière organique par la voie des bénéfices non répartis, elle doit pour ce faire soit émettre des titres de créance, une solution coûteuse qui augmente le degré total de risque et réduit les distributions aux détenteurs de parts, soit émettre de nouvelles parts, ce qui a pour effet de diluer la valeur des parts des investisseurs courants.

    Le professeur Ramy Elitzur nous a dit que les entreprises qui sont naturellement des fiducies de revenu ne réinvestissent pas dans leur capital et donc ne grossissent pas. Pour lui, de là à en déduire que la situation risque d’avoir des conséquences fâcheuses sur l’économie à long terme, il n’y a qu’un pas.

    Selon Standard and Poors Canada, il est difficile de dire si les fiducies en général réinvestissent suffisamment dans les entreprises qu’elles administrent. On nous a informés que cette question nécessitait un examen fondamental, cas par cas, de chaque fiducie de revenu, y compris de ses signes de risques d’affaires et financiers; à cet égard, les fiducies de revenu se comportent comme les entreprises traditionnelles.

  2. Observations des témoins sur les choix de placements

    Selon quelques témoins, les investisseurs canadiens doivent disposer de choix de placements, en particulier pour les placements productifs. Selon le gouverneur de la Banque du Canada, les fiducies de revenu peuvent profiter aux investisseurs, car elles leur permettent de diversifier leur portefeuille puisqu’elles peuvent présenter des caractéristiques risque-rendement différentes de celles des actions et des obligations. Si cela se produit, on peut dire des fiducies de revenu qu’elles viennent compléter le marché et que, par conséquent, elles améliorent le rendement du système financier. Néanmoins, le gouverneur a aussi fait remarquer que des caractéristiques risque-rendement différentes peuvent ne pas venir compléter le marché si elles tiennent à des différences de traitement fiscal.

    Selon M. Cameron Renkas, les entités intermédiaires sont un moyen fiscal efficace de faire passer les surplus de trésorerie des entreprises mûres aux investisseurs, lesquels peuvent alors, à leur choix : réaffecter ce capital dans des placements à plus forte croissance; le dépenser, avec les retombées économiques que l’on connaît; utiliser le capital pour augmenter leur épargne. D’après M. Renkas, les entités intermédiaires satisfont aux besoins d’une population vieillissante en matière de placements à rendement élevé.

    M. Renkas a dit aussi au Comité que, si le marché américain des parts d’entités intermédiaires totalise 475 milliards de dollars, il ne représente qu’une petite proportion seulement du marché américain des placements à rendement élevé qui lui, atteint près de 6 billions de dollars. Le Canada présente des caractéristiques démographiques analogues à celles des États-Unis relativement au besoin de revenus de placements, mais le marché canadien des placements à rendement élevé, composé presque exclusivement de fiducies de revenu, représente environ 200 milliards de dollars. Suivant M. Renkas, compte tenu d’un rapport démographique de 10 pour 1, le marché canadien des instruments à rendement élevé devrait être de l’ordre de 500 à 600 milliards de dollars. M. Renkas se demande pourquoi le gouvernement fédéral chercherait à limiter les possibilités de placement des investisseurs et s’inquiète des conséquences à long terme de cette situation qui prive les retraités canadiens d’un nombre suffisant de possibilités de placements générateurs de revenus.

    En qualifiant les fiducies de revenu de choix d’investissement « canadien » important, l’Association canadienne d’investissement dans des fiducies de revenu a laissé entendre que, si les investisseurs canadiens sont privés de cette possibilité, les capitaux d’investissement canadiens passeront aux mains du marché mondial des capitaux. Si cela se produit, l’épargne-retraite des Canadiens financera la croissance et la prospérité des entreprises américaines, ce qui profitera à l’économie des États-Unis. L’Association est d’avis que les fiducies de revenu doivent demeurer un élément dynamique et durable des marchés financiers canadiens; le mode de vie et le niveau de vie des Canadiens en dépendent et il ne faut pas priver la population du seul instrument de placement qui peut encore procurer aux Canadiens des revenus suffisants pour maintenir leur train de vie quand ils seront à la retraite et ne toucheront plus de revenus d’emploi.

    M. Gordon Tait était d’avis que les fiducies de revenu atteignent les objectifs de placement et répondent aux profils de risque d’une grande partie des investisseurs; on ne peut tenir pour acquis que le capital investi dans les fiducies serait nécessairement investi dans des actions. Selon lui, les fiducies fournissent un plus fort rendement avec moins de risque que les actions et constituent le moyen d’investissement à rendement élevé de facto au Canada. Toujours selon lui, compte tenu du profil démographique des Canadiens, le fait que ceux-ci accordent la préférence aux fiducies de revenu plutôt qu’aux actions a très peu à voir avec les allégements fiscaux et beaucoup avec leur préférence pour les rendements axés sur le revenu plutôt que ceux axés sur la plus-value en capital. M. Tait a demandé pourquoi le gouvernement fédéral voudrait limiter les solutions de rechange en matière d’investissement pour les Canadiens et vers quoi les Canadiens qui ne font pas partie de régimes de retraite à prestations déterminées se tourneraient pour obtenir un rendement et un revenu.

    Selon M. Jeffrey Olin, les investisseurs, y compris les personnes âgées, disposent de solutions de rechange en matière d’investissement qui peuvent leur offrir des rendements prévisibles leur procurant des liquidités supérieures à celles qu’ils peuvent espérer avec des certificats de placement garanti et des obligations. Par exemple, il a mentionné les débentures convertibles, qui fournissent une distribution régulière des intérêts et qui, d’une façon générale, par comparaison aux fiducies de revenu, constituent un investissement moins risqué puisque les détenteurs d’obligations ont un droit préférentiel sur les liquidités d’une société, par rapport aux actionnaires.

    Selon M. Tait, le Canada a aussi besoin d’investissements étrangers pour développer pleinement son potentiel économique. En théorie, pense-t-il, les investisseurs étrangers qui sont découragés d’investir dans des fiducies de revenu canadiennes pourraient investir dans des obligations, des titres de créance obligataires ou des actions ordinaires ou pratiquer l’investissement direct; toutefois, dans la pratique, les obligations ou autres titres de créance obligataires ne constituent pas une très bonne solution de rechange aux fiducies du point de vue fiscal, l’Agence du revenu du Canada ne perçoit pas d’impôt sur les gains en capital réalisés par des investisseurs étrangers, et les répercussions fiscales de l’investissement direct ne sont pas claires. D’après M. Tait, cette question complexe nécessite des consultations et une analyse plus poussées.

    Cependant, les témoins n’étaient pas tous convaincus que les investissements dans des fiducies de revenu conviennent à tous les investisseurs. Mme Diane Urquhart a qualifié ces investissements de trop risqués pour les personnes âgées et autres investisseurs prudents parce que le modèle de gestion des fiducies de revenu est mal conçu, que la déclaration des données financières des fiducies de revenu suscite des préoccupations et que la commercialisation des parts des fiducies de revenu repose sur des évaluations de leur rendement comptant qui, la plupart du temps, sont inexactes, tendancieuses et gonflées. Elle est d’avis que la vente des parts dans des fiducies de revenu profite surtout aux vendeurs et aux promoteurs des fiducies.

    Mme Urquhart a aussi affirmé que la plupart des fiducies de revenu versaient des distributions qui dépassent leurs revenus, sans départager revenu et rendement du capital. Elle a cité des faits qui sembleraient montrer que les remboursements de capital sont financés par des sommes que l’on économise en n’entretenant pas et en ne remplaçant pas les biens d’équipement qui se déprécient, ce qui réduira la valeur capitalisée de l’entreprise et, à la limite, entraînera une diminution des distributions ou une hausse des fonds propres, et par un recours anticipé au crédit. Selon elle, certaines fiducies financent des distributions excédentaires par la voie du financement par emprunt, de réserves de trésorerie découlant d’émissions antérieures d’actions et de bénéfices non répartis, de variations des fonds de roulement et d’autres mesures encore.

    Dans le même ordre d’idées, TAMRIS Consultancy est d’avis que de nombreuses fiducies de revenu distribuent une partie de leur capital en plus du rendement de celui-ci. D’après eux, nombre de fiducies ont aussi recours au crédit et à de nouvelles émissions pour financer des remboursements qui dépassent leurs liquidités. À leur avis, on fait croire aux investisseurs que les fiducies de revenu fournissent à la fois un haut rendement et des taux supérieurs de croissance du capital à long terme, ce qui est faux; les fiducies de revenu ont un objectif de placement à court terme.

    M. Jeffrey Olin a aussi déclaré au Comité que de nombreuses fiducies de rendement versaient des distributions qui dépassent la valeur de leur revenu imposable pour annoncer un rendement concurrentiel.

    Dans le même ordre d’idées, M. Al Rosen a dit au Comité qu’il est fréquent que les fiducies de revenu distribuent le rendement du capital. À son avis, il n’y a rien de mal à cela à la condition que les détenteurs de parts sachent que les distributions qu’ils touchent incluent une partie de rendement du capital. Dans la mesure où les détenteurs de parts n’étaient pas toujours bien informés sur la composition des distributions, il pense que l’annonce faite par le gouvernement fédéral tombait à point nommé et qu’il était plus que temps d’intervenir.

    D’après l’Association canadienne des fonds de revenu, le terme « remboursement de capital » induit les gens en erreur et les porte à croire que c’est leur argent qu’on leur remet, ce qui est faux. L’Association a précisé que ce qu’on appelle un remboursement de capital est en fait l’impôt différé de la société qui est transféré aux détenteurs de parts.

    TAMRIS Consultancy aussi a abordé la question de la déclaration de l’information financière portée à l’attention du Comité par Mme Urquhart et a mis en évidence le caractère asymétrique de l’information : les détenteurs de parts ignorent qu’une partie de leur rendement est un rendement de leur capital et qu’une partie de leur rendement récent vient pour l’essentiel du cycle économique et de la demande de fiducies. En outre, ce témoin était d’avis que les fiducies de revenu ont pris de l’expansion grâce à un premier appel public à l’épargne (PAPE) et à des acquisitions ultérieures, et qu’une bonne partie du gain provient de transferts de capital d’autres structures commerciales, secteurs économiques et classes d’actif; les fiducies de revenu se concentrent sur les acquisitions qui fournissent des liquidités et ont tendance à ne pas être exploitées dans les secteurs en croissance. En dernier lieu, ils ont déclaré que l’on n’avait pas vendu les fiducies de revenu pour aider à satisfaire aux besoins de revenu des retraités, mais plutôt à cause des recettes que celles-ci génèrent pour les institutions financières et pour les investisseurs en actions privées et les investisseurs institutionnels, qui s’en sont servi comme portes de sortie.

    Dans le même ordre d’idées, la Small Investor Protection Association a indiqué, dans ses observations écrites au Comité, que les fiducies de revenu d’entreprise pouvaient constituer des investissements risqués et que nombre d’entre eux n’étaient pas des investissements convenables pour des personnes âgées. La Fédération nationale des retraités et citoyens âgés a fait des observations semblables en demandant qu’un organisme de réglementation donne suite aux préoccupations liées aux pertes consécutives aux conseils inappropriés des professionnels en matière de placements.

  3. Observations des témoins sur les choix de structure des entreprises

    Quand il a comparu devant le Comité, le gouverneur de la Banque du Canada a fait observer que, pour certaines entreprises, la structure des fiducies de revenu semble améliorer l’accès au financement sur le marché. Parallèlement aux avantages de la diversification pour les investisseurs, le meilleur accès au capital de ces entreprises contribue à la complétude des marchés et à l’efficacité du système financier. Toutefois, il signale aussi que de puissants incitatifs fiscaux favorisent la structure de fiducie de revenu dans des situations où elle ne constitue pas la forme adéquate d’organisation de l’entreprise du point de vue de l’efficacité commerciale. En offrant des incitatifs qui ont entraîné une utilisation inappropriée de la structure des fiducies de revenu, le régime fiscal a nui à l’efficacité des marchés financiers, et, avec le temps, a contribué à une diminution de l’investissement, de la production et de la productivité.

    Le gouverneur a dit aussi que les nouvelles dispositions fiscales fédérales envisagées égaliseraient considérablement les règles. À son avis, si l’on veut que les fiducies de revenu viennent compléter de manière efficace l’offre du marché, il importe que le système fiscal égalise les règles. Selon lui, les modifications de l’imposition des fiducies de revenu envisagées rendront le régime fiscal plus neutre et plus propice à un accroissement de la production et du rendement.

    M. Jeffrey Olin aussi souscrit à l’égalisation par le gouvernement des règles qui visent les fiducies et les sociétés de type classique.

    M. Gordon Tait a dit au Comité que la structure des fiducies de revenu convenait bien à de nombreuses entreprises et aux industries auxquelles elles appartiennent. À son avis, maintes fiducies se sont montrées capables de bien fonctionner en tant que fiducies, tout en continuant de croître. Il estime qu’il n’existe aucun principe ni aucune loi économique prescrivant une forme unique d’organisation pour chaque type d’entreprise ou chaque industrie.

    L’Institut canadien des comptables agréés est d’avis que les fiducies de revenu ont leur place sur les marchés financiers canadiens et conviennent à certains types d’entreprises puisqu’elles offrent une source de financement qui n’existerait peut-être pas autrement, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Il estime cependant qu’il fallait intervenir et loue le gouvernement fédéral pour l’avoir fait.

    De même, M. Dirk Lever a dit au Comité que les fiducies de revenu constituent une bonne source de capital pour beaucoup de petites et moyennes entreprises. Il estime qu’elles ont leur place parallèlement aux sociétés classiques.

    De l’avis de M. Cameron Renkas, les structures d’entité intermédiaire encouragent l’investissement dans des entreprises ou industries parvenues à maturité qui, en l’absence de choix intéressants en matière de réinvestissement, verraient leur capital bloqué et sans utilisation efficace. Il croit que la structure d’entité intermédiaire constitue un moyen efficace de transférer aux investisseurs les excédents de trésorerie d’entreprises à maturité.

    D’après la Coalition of Canadian Energy Trusts, la structure des fiducies de revenu représente le modèle idéal pour l’industrie bien établie des bassins d’hydrocarbures du pays, ayant joué — depuis sa mise en place, en 1986 — un rôle unique dans la maximisation de la production du pétrole et du gaz ainsi que du rendement des réserves, et pour ce qui est de procurer du capital essentiel à l’industrie de l’énergie. Selon la Coalition, l’optimisation des gisements de pétrole et de gaz classiques prolonge leur durée d’utilisation, avec les avantages économiques directs et indirects qui en découlent, et crée une nouvelle productivité dans certains secteurs. De l’avis de la Coalition, la structure d’entreprise classique est moins efficace pour les actifs du pétrole et du gaz bien établis et donnerait lieu à des revenus fiscaux moindres pour les provinces et le fédéral. Elle croit que l’imposition envisagée des fiducies de revenu pourrait avoir des conséquences imprévues, comme une réduction de l’approvisionnement énergétique et des impacts environnementaux, car les fiducies sont les principales entités s’attachant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays par le truchement de projets de piégeage du dioxyde de carbone et de récupération assistée du pétrole.

    Dans son mémoire au Comité, le Canadian Energy Infrastructure Group fait valoir que la structure des fiducies de revenu est idéale pour l’infrastructure énergétique canadienne. Il croit que, dans ce secteur, la structure des fiducies a été un catalyseur pour la croissance et l’investissement dans des actifs physiques de longue durée, d’une importance cruciale pour l’exploitation des nouveaux approvisionnements énergétiques et l’établissement du Canada en tant que superpuissance mondiale de l’énergie; de même, la structure en question préserve la propriété canadienne de l’infrastructure critique de l’énergie.

    En évoquant la situation qui règne aux États-Unis, le Canadian Energy Infrastructure Group a signalé le précédent créé pour le traitement particulier de l’infrastructure énergétique. Il a également établi un parallèle avec les sociétés de placement immobilier, faisant observer que les fiducies d’infrastructure énergétique — comme les sociétés de placement immobilier — représentent des actifs solides et stables, à longue durée de vie. À son avis, l’imposition envisagée des fiducies de revenu accentue les possibilités d’acquisition d’éléments critiques de l’infrastructure énergétique canadienne; il est peu probable que ces actifs demeureraient la propriété d’entreprises canadiennes cotées en bourse.

    Selon M. Jeffrey Olin, des décisions aussi cruciales que celles qui portent sur les structures d’organisation ou de propriété, ou sur l’investissement, ne devraient pas être déterminées exclusivement — ou même principalement — par des considérations d’ordre fiscal. Il fait observer que la structure d’entreprise classique donne au conseil d’administration et à l’équipe de gestion une plus grande souplesse pour gérer les affaires de l’entité que ne le permet la structure de la fiducie de revenu; cela dit, des conversions peuvent avoir lieu afin de profiter des avantages fiscaux, même si la structure de fiducie n’est pas la mieux adaptée au modèle d’affaires. Selon lui, il peut en résulter qu’une fiducie dispose de moins de capital interne pour réaliser des projets de croissance ou réinvestir dans des biens d’équipement, ce qui pourrait compromettre ses perspectives à long terme ou l’économie en général.

    M. Finn Poschmann est d’avis que la gouvernance des fiducies de revenu ne les rend pas plus sensibles aux intérêts des détenteurs de parts et ne les amène pas non plus forcément à tenir davantage les gestionnaires responsables des résultats financiers. Il estime en outre que les risques et les actifs que les fiducies de revenu apportent sur le marché ne diffèrent pas de ceux qui sont associés aux sociétés classiques.

    D’après la Compagnie d’assurance-vie Manulife, le secteur canadien des fiducies de revenu est de plus en plus occupé par des entreprises autres que celles dont la principale activité est la gestion de l’immobilier ou d’actifs produisant des redevances; elle indique qu’il serait bon de se rappeler que l’actuel régime des fiducies de revenu a d’abord été conçu pour ces entreprises. Elle avance en outre que la structure des fiducies de revenu n’est peut-être pas appropriée pour certaines entreprises qui s’y sont converties, et remet en question le caractère souhaitable d’un régime fiscal décourageant l’accumulation d’un niveau approprié de bénéfices non répartis par le secteur des entreprises. Manulife pense en outre que, en l’absence d’intervention, les fiducies de revenu risquent de se répandre au cœur de l’économie canadienne, ce qui ne serait pas bon pour le pays.

    De l’avis du professeur Ramy Elitzur, qui a dit considérer le traitement fiscal envisagé pour les fiducies de revenu comme un pas dans la bonne direction, de nombreuses fiducies de revenu existantes ne devraient pas avoir cette structure d’entreprise. À son avis, une entreprise désireuse de se convertir en fiducie de revenu devrait satisfaire à certaines conditions : la maturité, l’épreuve du temps pour y parvenir et s’y maintenir, et la stabilité de ses revenus et dépenses.

  4. Observations des témoins sur la comptabilité

    Selon plusieurs témoins, certaines fiducies de revenu présentent malheureusement des renseignements incomplets ou inexacts. D’après Mme Diane Urquhart, le Conseil des normes comptables du Canada devrait obliger les fiducies de revenu à faire rapport des sommes distribuées, qu’il s’agisse de revenus ou de rendement du capital. Elle estime aussi que les lois provinciales sur les fiducies devraient obliger ses dernières à ne distribuer que les revenus et prévoir des mesures transparentes pour le transfert à intervalles réguliers du rendement du capital. De l’avis de Mme Urquhart, les commissions des valeurs mobilières provinciales ou territoriales devraient exiger que les fiducies de revenu publient des prospectus et d’autres documents de communication publique. Pour sa part, M. Dave Marshall estime qu’il faut réviser les normes de déclaration financière des fiducies de revenu actuelles.

    Lorsqu’il a comparu devant le Comité, le gouverneur de la Banque du Canada a nommé deux secteurs où les normes applicables aux fiducies de revenu diffèrent de celles s’appliquant aux entreprises et où des améliorations s’imposent, soit la comptabilité et la distribution des revenus, et la gouvernance.

    Standard and Poors Canada a déclaré au Comité qu’une étude sur la cohérence et la justesse des rapports financiers publiés par les fiducies de revenu a permis de relever plusieurs incohérences dans les pratiques de communication des fiducies qui, dans certains cas, entraînent d’importantes surévaluations des possibilités de distribution. Le Comité a aussi été informé toutefois qu’au cours des derniers mois, les normes de divulgation établies par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières et l’Institut canadien des comptables agréés ont incité les acteurs du marché à améliorer la qualité et la cohérence des rapports et de la divulgation de la part des fiducies.

    L’Institut canadien des comptables agréés a dit au Comité qu’il avait publié à l’intention des fiducies de revenu des directives qui recommandent la normalisation des rapports concernant les liquidités distribuables et la plus ample divulgation des stratégies employées par la direction pour déterminer le pourcentage des liquidités de la fiducie pouvant être versées aux investisseurs. L’accent est mis sur la source des liquidités et sur la viabilité des flux de trésorerie.

    Dans le mémoire qu’elle a remis au Comité, la Small Investor Protection Association souligne que les irrégularités, voire les actes carrément répréhensibles, qui entachent l’industrie du placement font perdre leurs économies aux personnes âgées. Elle souligne l’absence d’autorités fédérales chargées de protéger les placements ou d’empêcher l’exploitation financière des personnes âgées. Le mémoire abordait aussi des questions de comptabilité. M. Al Rosen aussi a fait remarquer que, au Canada, personne n’est chargé de protéger les intérêts des investisseurs.

    Aux yeux de M. Don Francis, les méthodes comptables des fiducies de revenu ne sont pas pires que celle des sociétés.

CONCLUSION

Le Comité est d’accord avec ceux qui préconisent un régime fiscal neutre et équitable qui favorise la croissance et la compétitivité de l’économie canadienne grâce à une large assiette fiscale.

Le Comité pense que certains éléments du traitement fiscal des fiducies de revenu annoncé le 31 octobre 2006 pourraient contribuer à la réalisation de ces objectifs, mais il estime que des mesures supplémentaires s’imposent.

De plus, le Comité exhorte tous les ministères et organismes fédéraux, mais tout particulièrement le ministère des Finances, à être aussi complets et transparents que possibles lorsqu’ils expliquent et justifient les changements proposés en matière d’impôt et de dépenses. À notre avis, les diverses parties concernées par le traitement fiscal des fiducies de revenu auraient été bien servies si les renseignements qui nous ont été présentés par le ministre des Finances au moment de son exposé avaient été offerts au moment le plus approprié.

Dans le contexte de ses audiences sur le traitement fiscal proposé des fiducies de revenu, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 1
Un gouvernement démocratique doit absolument faire preuve de la plus grande transparence possible quand il lève un nouvel impôt de manière que les citoyens puissent lui demander des comptes. En conséquence, le Comité recommande que le gouvernement fédéral publie la méthodologie et les chiffres sur lesquels il s’est fondé pour estimer les pertes fiscales fédérales imputables aux fiducies de revenu.
Recommandation 2
Le projet d’imposition des fiducies de revenu est tellement lourd de conséquences et a déjà eu des répercussions si dévastatrices sur les investisseurs canadiens que les députés doivent avoir la possibilité de se prononcer à son sujet dans un vote clair tenant compte des intérêts de leurs électeurs. En conséquence, le gouvernement fédéral devrait séparer les dispositions qui le concernent du reste de la motion des voies et moyens et en faire un projet de loi distinct. Le fractionnement du revenu de pension, la réduction de 0,5 % du taux d’imposition des sociétés en 2011 et la majoration du montant qui sert au calcul du crédit en raison de l’âge devraient faire l’objet d’un autre projet de loi déposé le plus rapidement possible.
Recommandation 3
Des informations incontestables montrent que des solutions supérieures et bien moins pernicieuses s’offraient au gouvernement fédéral. Le Comité presse le gouvernement d’envisager la mise en œuvre de l’une des deux solutions suivantes :
  1. ramener de 31,5 à 10 % le taux de l’impôt sur les distributions proposé à l’égard des fiducies de revenu. Ce prélèvement devrait être institué immédiatement et prendre la forme d’un impôt remboursable pour tous les investisseurs canadiens. Le gouvernement devrait en outre maintenir le moratoire sur les conversions en fiducie de revenu tout en recevant les représentations des secteurs d’activité qui estiment que la structure de la fiducie de revenu leur convient; ou
  2. le gouvernement fédéral devrait porter de quatre à dix ans la période de transition envisagée.