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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 021 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Ceci sera donc la 21e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international ce mercredi 18 octobre. Conformément à l'article 108(2), nous poursuivons notre étude sur le développement démocratique.
    Il s'agit en l'occurence de la grande étude effectuée par le comité au sujet du rôle que joue le Canada dans l'appui au développement démocratique dans le monde. Nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui l'honorable Josée Verner, notre ministre de la Coopération internationale. C'est la seconde fois que madame la ministre comparaît devant le comité, et nous lui sommes reconnaissants d'avoir bien voulu encore une fois répondre à notre invitation et de nous offrir son temps. Aujourd'hui, elle va nous donner une somme considérable d'informations au sujet du travail que nous effectuons dans le cadre de cette étude sur le développement démocratique.
    Nous apprécions également tout le travail effectué par les témoins qui accompagnent le ministre et qui représentent l'Agence canadienne de développement international, en l'occurence son président, M. Robert Greenhill, et M. Stephen Wallace, le vice-président pour la Direction générale des politiques. Je pense également qu'il y a plusieurs autres fonctionnaires qui sont assis dans la salle, prêts à offrir leur concours.
    Madame la ministre, bienvenue au comité. Comme vous le savez, nous allons commencer par entendre votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons immédiatement au premier tour de questions, durant lequel les membres du comité aurons chacun 10 minutes pour vous interroger.
    Bienvenue donc encore une fois, madame la ministre, et je vous cède maintenant la parole.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Permettez-moi tout d'abord de remercier le comité de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui. Votre examen est intimement lié au travail que fait l'ACDI. Nous croyons tous que la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit sont essentiels au développement. Bref, les États responsables sont plus stables, donc, plus susceptibles d'obtenir des résultats pour leurs citoyens. Dans un récent ouvrage, l'expert américain Morton Halperin signalait que dans des démocraties, les gens vivent en moyenne une dizaine d'années de plus, les enfants courent deux fois moins de risques de mourir avant l'âge de 5 ans et deux fois plus d'enfants fréquentent l'école secondaire.
    Gouvernance démocratique veut dire élections justes et libres, mais c'est aussi bien plus que cela. Pour une agence de développement internationale comme l'ACDI, la gouvernance démocratique s'appuie sur quatre conditions essentielles. La première est l'existence de la liberté et de la démocratie, qui doivent être étayées par des institutions électorales et législatives et par des partis politiques forts. La liberté et la démocratie doivent être bien ancrées dans une culture démocratique favorisant l'émergence d'une société civile dynamique et de la liberté de la presse.
    La deuxième est la primauté du droit assorti de lois justes et efficaces, d'institutions juridiques également efficaces et accessibles et d'une magistrature impartiale.
    La troisième est la présence de pratiques et d'institutions qui respectent les droits de la personne, tant au sein de l'État que dans la société civile.
    Enfin, la quatrième est l'existence d'institutions publiques qui gèrent l'économie et les fonds publics avec efficacité et intégrité et qui garantissent aux citoyens la prestation de services sociaux fondamentaux, comme les soins de santé et l'éducation.
    C'est un programme ambitieux. Il nous tient à coeur, car nous savons que la gouvernance démocratique dans le monde contribue à notre propre sécurité et à notre prospérité. Nous nous y consacrons de plus en plus depuis la chute du mur de Berlin et nous enregistrons des progrès, comme vous pouvez le constater en consultant la trousse d'information que des employés de l'ACDI ont préparée pour vous. Vous pourrez également voir les progrès enregistrés dans l'index annuel publié par Freedom House. Cet organisme fait état d'une amélioration globale de l'ordre de 23 p. 100 en matière de pratique démocratique pour la période allant de 1975 à 2000.
(1540)
    Au début des années 1990, une vague d'améliorations a traversé l'Europe de l'Est. On sait moins qu'après des débuts post-coloniaux difficiles, l'Afrique connaît à son tour une nouvelle vague de démocratisation. Ainsi, Freedom House rapporte que 62 p. 100 des États africains ont enregistré des progrès en matière de liberté et de démocratie entre 1990 et 2005. Nous devons demeurer vigilants, car beaucoup de progrès restent à faire dans ce domaine. Nous devons aider les nouvelles démocraties à s'ancrer, pour qu'elles deviennent des démocraties dans le plein sens du terme, et nous devons les aider à perdurer en les aidant à générer les bénéfices économiques et sociaux qu'exigent leurs citoyens.
    Qu'avons-nous réalisé? De tous les organismes canadiens, l'ACDI est celui qui contribue le plus à la gouvernance démocratique dans le monde. L'année dernière, notre contribution s'est chiffrée à plus de 375 millions de dollars. Dans notre trousse d'information, vous trouverez de nombreux exemples de pays, de projets et de partenaires auxquels nous avons fourni un appui.
     Permettez-moi de souligner quelques-uns d'entre eux. Nous avons appuyé de nombreux processus électoraux, notamment en Afghanistan, en Haïti et en République démocratique du Congo. De plus, notre appui au Centre parlementaire nous a permis d'observer de près des processus électoraux et de contribuer à ériger des Parlements plus forts en Afrique, comme en Asie. Notre collègue John Williams a misé là-dessus dans ses efforts pour inviter les parlementaires à lutter contre la corruption. Notre travail auprès des administrateurs de tribunaux en Éthiopie, auprès des juges dans les Caraïbes, aux Philippines et en Chine nous a aidé à renforcer la primauté du droit. Nous avons contribué à renforcer des institutions publiques de défense des droits de la personne en Indonésie et en Bolivie. En Colombie, nous avons participé à la création d'organismes de la société civile qui, partout au pays, protègent les droits des enfants contre la violence. En Bolivie, nous avons appuyé des organismes protégeant les droits des femmes sur le marché du travail. Par l'intermédiaire de l'organisme Equitas, situé à Montréal, nous avons contribué à la formation des défenseurs des droits de la personne et à la création d'un réseau qui s'étend dans 75 pays.
    Notre appui aux organismes du secteur privé a permis de moderniser le régime fiscal de l'Inde, d'améliorer la coordination au sein de l'administration publique du Ghana et de faire en sorte que le Mali ait un vérificateur général doté d'une personnalité forte et bien affirmée.
    Dans certains pays, nous renforçons notre efficacité en ayant recours à de multiples projets pour atteindre un but ultime. Par exemple, en Ukraine, pour appuyer les réformes de la gouvernance, l'ACDI a donné son appui au secteur public pour qu'il renforce ses capacités en matière d'élaboration de politiques. Mais nous avons aussi participé à sensibiliser les jeunes, les fonctionnaires, les corps judiciaires et policiers aux fondements de la démocratie.
    L'ACDI a aidé la société civile d'Ukraine dans ses efforts pour assurer une couverture médiatique juste des élections et pour inciter les citoyens à voter en grand nombre. Toujours en Ukraine, comme vous le savez, nous avons appuyé la mission d'observateurs lors de la reprise charnière du second tour des élections présidentielles en 2004 et des élections parlementaires en 2006.
    Nous travaillons maintenant avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, en vue de consolider la Commission électorale centrale d'Ukraine. Nous devons relever des défis encore plus grands dans des États fragiles comme Haïti. En effet, les efforts de reconstruction échoueront si nous n'arrivons pas à établir des institutions démocratiques qui veilleront à la sécurité, à la primauté du droit et au respect des droits de la personne.
    De concert avec ses partenaires internationaux, le Canada aide la population haïtienne et ses institutions à relever des défis. Récemment, nous avons contribué à la tenue d'élections fiables; des millions de bulletins ont été distribués, parfois à dos de cheval, dans les quatre coins du pays. De plus, une mission réunissant des observateurs internationaux a été dépêchée en Haïti. On a également appuyé la formation d'observateurs locaux et envoyé 106 observateurs canadiens. Plus de 3 millions de cartes d'identité nationale ont été remises aux citoyens, ce qui marquait le début d'un registre national d'état civil, une mesure essentielle pour la stabilité à long terme du pays.
    Avant et après les élections, nous avons fourni au Bureau du Président et au Bureau du Premier Ministre d'Haïti des services-conseils techniques de haut niveau. Nous voulions ainsi veiller à ce que la transition soit harmonieuse et à ce que le nouveau gouvernement prenne un bon départ. Il reste beaucoup à faire et notre engagement envers Haïti va durer. Nous continuerons à investir dans des institutions publiques fortes et stables qui servent la population haïtienne. Ces dernières comprennent le Parlement et des ministères importants, comme ceux de la Planification, des Finances et de la Justice.
    Qu'avons-nous appris et qu'en faisons-nous? Je suis convaincue que nos investissements portent fruit et je vais vous faire part des grandes leçons que nous avons tirées, mais aussi des mesures que nous pouvons prendre pour améliorer notre action. En premier lieu, nous avons appris que la gouvernance démocratique est essentielle au développement dans son ensemble. Pour cette raison, nos efforts en faveur de la gouvernance démocratique vont se multiplier. À l'avenir, les grands programmes géographiques de l'ACDI permettront d'évaluer et d'appuyer la gouvernance démocratique.
    Nous avons également compris qu'instaurer la gouvernance démocratique est un processus complexe qui doit puiser dans un vaste éventail de connaissances. Ce processus doit être accompagné d'une stratégie et d'une vision globale. Il doit aussi faire l'objet d'efforts coordonnés tant à l'échelle nationale qu'internationale.
    Comme le ministre McKay l'a signalé lors de sa présentation, la gouvernance démocratique est une priorité de la politique étrangère du gouvernement du Canada. J'espère que les travaux que votre comité effectuera au cours des prochains mois viendront corroborer un certain nombre d'autres précieuses leçons. Nous devons garder à l'esprit que la même solution ne convient pas à tous et que le changement se produit graduellement, à long terme.
    Même si les principes propres à la démocratie sont universels, les institutions qui les mettent en application doivent être adaptées à chaque contexte. Autre leçon importante, les besoins des États fragiles sont différents de ceux des États stables ou à revenu moyen. Ces leçons ont aidé nos partenaires à façonner une approche canadienne unique du soutien à la démocratie. Cette approche nous a permis de gagner une reconnaissance internationale dans ce domaine. Elle est recherchée car flexible. Elle peut, en effet, être adaptée à différents contextes socioculturels et à différents moments du processus de démocratisation. Votre appui viendra renforcer la détermination de nos partenaires à poursuivre dans cette voie.
(1545)
    Il nous aidera aussi à cerner les lignes de force du Canada, celles-là même qui guideront notre travail à l'avenir.
    La gouvernance démocratique est essentielle au progrès des pays en développement. Elle est également essentielle si l'on veut mettre un terme à la pauvreté de façon durable. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de mettre en lumière les efforts que le Canada déploie, par l'intermédiaire de l'ACDI et de ses partenaires, pour contribuer à relever ce défi mondial. Je suis également heureuse que vous ayez entrepris cette étude. J'accueillerai avec plaisir les conclusions réfléchies que vous en tirerez et la perspective nouvelle sous laquelle vous envisagerez notre travail. Je vous souhaite bon courage dans votre parcours et j'attends avec impatience vos recommandations.
    Merci de votre attention.

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Nous commençons maintenant le premier tour.

[Français]

    Monsieur Patry, vous avez 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mon collègue Martin.
    Merci, monsieur Greenhill et madame Verner. Comme le temps qui nous est alloué est très précieux, je vais passer immédiatement à mes questions.
    Madame la ministre, vous n'êtes pas sans savoir que la démocratie ne peut se développer que si tous les ingrédients pour son succès sont présents. Nos troupes à Kandahar peuvent très bien s'occuper du volet sécurité. Elles le font admirablement bien. Mais les autres volets essentiels au développement de base, entre autres l'accès à l'eau potable, l'électricité, les droits des femmes et de la personne, l'éducation et la santé doivent aussi être fournis. De façon pratique, que fait votre ministère pour que tous ces ingrédients du développement durable en Afghanistan ou à Kandahar soient présents?
    Par ailleurs, lundi dernier, lors de sa comparution devant un comité du Sénat, le général Howard a déclaré que les sommes destinées au développement de Kandahar n'y étaient pas acheminées et que nos forces armées devraient puiser dans leur propre budget pour aider la population. Comment se fait-il que l'argent destiné au développement de Kandahar ne se soit pas rendu? De quelle façon mesurez-vous les succès dans une région comme Kandahar?
    Merci.
    Merci, monsieur Patry.
    Madame Verner.
    Merci, monsieur Patry, de votre question.
    En fait, je vais répondre du même coup à vos deux questions.
    Aucune somme d'argent destinée à Kandahar n'est retenue. Je peux vous assurer que sur un budget de 100 millions de dollars, chacun des dollars est dépensé en Afghanistan. D'ici la fin de l'année, on prévoit avoir dépensé 15 millions de dollars à Kandahar.
    Comme vous le savez, la façon de faire de l'ACDI consiste à travailler en collaboration avec la population afghane. Cette façon de procéder a fait en sorte qu'à peine 1 p. 100 des projets réalisés ont fait l'objet d'une destruction de la part des talibans. Nous sommes convaincus que travailler avec la population est la meilleure façon de garantir aux projets une forme de sécurité.
    Comme vous le savez, Kandahar est une région plus difficile. On doit absolument y travailler en étroite collaboration avec la sécurité, la défense, pour permettre aux travailleurs humanitaires sur le terrain de progresser. De façon plus concrète, précisons qu'on construit des routes, des ponts et des puits, qu'on a donné des machines à coudre à des femmes pour leur permettre de mettre sur pied de petites entreprises et qu'on a dispensé de la formation à des groupes de femmes en collaboration avec le groupe Droits et Démocratie, de Montréal, un organisme que vous connaissez probablement. J'ai annoncé récemment l'octroi de 5 millions de dollars destiné à la vaccination de 7 millions d'enfants. Cela touche plus particulièrement Kandahar. Des écoles ont été construites.
    Le microcrédit est pour sa part un outil important. Il permet notamment aux femmes de prendre leur avenir en main. Sur les 193 000 Afghans qui ont bénéficié de microcrédit, environ 150 000 étaient des femmes. Elles ont mis sur pied des petites boulangeries, des boutiques d'artisanat ou des ateliers de couture, entre autres. C'est le genre d'aide qu'on offre partout, et je le répète encore une fois, aucune somme d'argent n'est retenue par l'ACDI.
    Il faut comprendre qu'on élabore les projets avec la population pour qu'ils soient durables et qu'ils obtiennent l'appui des gens. Nous ne sommes pas là pour imposer nos vues, mais bien pour aider la population afghane. Au fur et à mesure que les projets se dessinent et que la population les choisit, on les met de l'avant.
(1550)

[Traduction]

    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste cinq minutes.
    M. Martin va donc vous suivre.
    Merci beaucoup, madame Verner et vous aussi monsieur Greenhill, d'être venus aujourd'hui.
    Vos interventions, madame la ministre, me posent quelques problèmes. Vous avez déclaré que les financements offerts par le gouvernement via l'ACDI ne sont pas réservés à Kandahar. Vous nous avez également déclaré que le gouvernement était incapable de suivre l'acheminement de l'aide à l'Afghanistan, or, dans votre témoignage vous venez de dire que tout cet argent était dépensé à Kandahar.
    Comment pouvez-vous savoir que cet argent, qui passe par l'ACDI, arrive bien à Kandahar, alors que vous avez déclaré à plusieurs reprises publiquement qu'il vous était impossible de suivre l'acheminement de l'argent qui est destiné à l'Afghanistan, et que vous ignoriez où était cet argent?
    Je pense que la véritable tragédie que nous constatons ici, c'est que nos troupes sont déployées sur ce terrain au péril de leur vie — et vous savez fort bien, madame la ministre, que nos militaires mettent leur vie en jeu pour que le développement puisse suivre — mais à en croire notamment le général Howard, l'aide ne parvient pas à destination. Les talibans sont de plus en plus forts, la culture du pavot s'intensifie, de plus en plus, les talibans contrôlent le pays et l'aide ne parvient pas aux destinataires sur le terrain.
    Comment pouvez-vous savoir que tout l'argent est bien dépensé à Kandahar? Dites-nous donc combien d'écoles l'ACDI finance dans la province de Kandahar.
    Madame la ministre.

[Français]

    Vos affirmations renferment beaucoup d'éléments, cher collègue. Je vous rappelle qu'en 2004, si je ne m'abuse, vous aviez affirmé qu'il fallait soutenir à 110 p. 100 la mission en Afghanistan. Je pense qu'il serait approprié de se maintenir dans la même voie.

[Traduction]

    Excusez-moi de vous interrompre, mais je vous ai posé des questions très précises.
    Monsieur Martin, laissez au moins la ministre terminer sa réponse.

[Français]

    Monsieur le député, il y a un certain nombre de choses que j'aurais affirmées, mais je ne vous ai pas interrompu. Je vais donc terminer mon intervention, si vous le permettez.
    Dans le cadre d'une entrevue récente, un des directeurs français de la Banque mondiale a félicité l'ACDI de gérer et de bien suivre la trace de l'argent dépensé en Afghanistan. Ce n'est pas nous qui le disons mais un haut dirigeant de la Banque mondiale. Je pense que ça mérite d'être noté.
     Par ailleurs, je n'ai jamais dit ne pas être capable de suivre la trace de l'argent dépensé. Notre façon de faire consiste précisément à assurer notre gouvernement que l'argent est bien dépensé et qu'il se rend à destination après avoir quitté la poche des contribuables.
    Cela dit, comme on l'a annoncé, 100 millions de dollars seront dépensés en Afghanistan d'ici 2011. Au fur et à mesure que les projets sont choisis par la population afghane, on les met de l'avant. Nous estimons que d'ici la fin de l'année, nous aurons dépensé 15 millions de dollars dans la région de Kandahar seulement. Il est bien important de noter, je le répète...

[Traduction]

    Comment pouvez-vous le savoir? Le problème, madame la ministre, c'est que nous n'en savons rien.
    Monsieur Martin, laissez-la donc terminer.

[Français]

    Nous n'imposons pas nos vues à la population de l'Afghanistan. Nous permettons aux Afghans de décider eux-mêmes quels projets ils veulent mettre sur pied. Je vous signale entre autres que des femmes siègent aux conseils de district. Ça leur permet d'avoir leur mot à dire sur les projets de leur district auxquels on décide d'accorder la priorité.
    Cette façon de faire fonctionne si bien que la semaine dernière, l'octroi d'une somme supplémentaire de 2 millions de dollars a été annoncé en vue d'étendre ce mode de fonctionnement à deux autres districts de Kandahar.
(1555)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Martin, il vous reste à peu près 30 secondes.
    Madame la ministre, permettez-moi de citer ce que vous disiez dans une lettre adressée au comité de la Défense.
Les fonds que l'ACDI fournit aux programmes nationaux ne sont pas réservés à la province de Kandahar, comme nous appuyons le principe de l'aide... ce qui fait qu'il est difficile à l'ACDI de suivre leur acheminement au niveau provincial...
    La vérité, c'est que vous ignorez, tout comme le général qui se trouve sur le terrain, si les fonds en question arrivent bien à destination. En réalité, on sait fort bien que ce n'est pas le cas, et c'est d'ailleurs l'essentiel du problème. Le gouvernement finance des projets d'aide par l'entremise de l'ACDI, mais c'est un échec, et il faut pour nos soldats que les choses changent et changent immédiatement.
    Merci, monsieur Martin.
    Madame Verner, voulez-vous répondre à cela?

[Français]

    Oui.
    Il est carrément inacceptable que le député dise que le programme de l'ACDI en Afghanistan est un échec. Je lui rappelle que son gouvernement n'avait voté qu'une somme de 50 millions de dollars et qu'en principe, ça aurait pris fin. Son gouvernement n'avait voté qu'un montant de 100 millions de dollars, puis un budget décroissant. C'était là sa façon de soutenir l'Afghanistan. Il tenait un beau discours affirmant qu'il fallait soutenir la mission en Afghanistan, mais les sommes allouées décroissaient.
    Pour notre part, nous nous sommes assurés de maintenir les sommes et de prolonger l'octroi jusqu'en 2011.
    Quant aux détails techniques, je vais permettre à mon sous-ministre de répondre.

[Traduction]

    Très rapidement, parce que le temps imparti est déjà dépassé.
    Je voudrais faire valoir deux choses très rapidement.
    Il y a plusieurs projets spécifiques destinés exclusivement à Kandahar, par exemple la contribution de 18 millions de dollars pour la promotion d'autres moyens de subsistance, la contribution de 2 millions de dollars pour le programme à renforcer la solidarité nationale et à établir la confiance envers le gouvernement, et la contribution de 5 millions de dollars pour la lutte contre la polio.
    Par ailleurs, nous travaillons de concert ave le gouvernement afghan à plusieurs programmes nationaux afin de pouvoir les scinder par province. Les membres du comité seront heureux d'apprendre que dans le cadre du programme de solidarité nationale, par exemple, nous avons réussi à identifier sept districts sur dix-sept qui profitent de ce programme à Kandahar. Nous sommes donc désormais en mesure de ventiler les programmes nationaux au niveau provincial grâce à une étroite coopération avec le gouvernement afghan.
    Merci, monsieur Greenhill.

[Français]

    Madame Barbot, vous avez 10 minutes.
    Merci, madame la ministre.
     Comme vous le savez, de nombreux rapports indiquent que la communauté internationale fait face à de nombreux défis en Afghanistan, notamment en ce qui a trait au développement, au soulagement de la pauvreté et à la gouvernance. Dans le cadre de l'étude que nous faisons sur le développement démocratique, il m'apparaît urgent de vous poser quelques questions sur la stratégie de reconstruction et d'aide choisie par le Canada relativement à l'Afghanistan.
    Tout d'abord, on a un peu de difficulté à cerner les chiffres. Combien d'argent l'ACDI compte-t-elle dépenser en Afghanistan au chapitre de l'aide au développement pour la période 2001-2002?
    Vous avez dit 2001-2002?
    Pour la période 2001-2009, soit du début jusqu'à la fin de l'engagement du Canada, étant donné qu'on a voté...
    Il faut prendre les chiffres...
    J'aimerais continuer, si vous le voulez bien.
    Oui.
    Les communiqués officiels du ministère indiquent que l'aide serait de l'ordre de 800 millions de dollars. Or, lorsqu'on fait la somme des budgets des projets financés par l'ACDI en Afghanistan, on arrive à un total d'environ 255 millions de dollars.
    Nous aimerions donc savoir quel budget est accordé par l'ACDI aux projets concernant le Sud de l'Afghanistan, plus précisément la région de Kandahar.
    D'accord. Le budget de 2001 à 2011 pour l'Afghanistan sera de 1 milliard de dollars, à raison de 100 millions de dollars par année.
    On estime que sur ces 100 millions de dollars, on aura dépensé à la fin de l'année 15 millions de dollars dans la province de Kandahar.
    Et c'est depuis le début, donc depuis 2001?
    Non, c'est uniquement pour cette année, et ce, pour les raisons que j'aie mentionnées plus tôt à un autre collègue. Les projets doivent être choisis. Les sommes d'argent sont disponibles. Dès que la population afghane décide à quels projets elle veut accorder la priorité, on va de l'avant et on verse la sommes requises.
(1600)
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la plupart de l'aide canadienne en Afghanistan n'est pas gérée et distribuée directement par le gouvernement afghan?
     Comme je le disais plus tôt dans mon discours, lorsqu'on apporte de l'aide au développement, il ne faut pas s'attendre à pouvoir appliquer une mesure d'un bout à l'autre. Il faut considérer la capacité du gouvernement de recevoir les sommes d'argent des institutions. On appuie les divers programmes que le gouvernement met en oeuvre, mais pour des raisons d'imputabilité, en ce qui a trait au versement des sommes, on travaille beaucoup avec des partenaires comme la Banque mondiale, celle-là même qui félicite l'ACDI de la façon dont elle dépense son argent en Afghanistan.
    D'accord.
    On sait que l'aide humanitaire parvient difficilement aux gens à qui elle est destinée. Il semble que l'ACDI obtienne de bons résultats. Vous venez de faire allusion à des étrangers pour nous dire que l'ACDI va bien, et je l'apprécie.
     Il est évident que le Canada ne peut assumer seul la reconstruction de l'Afghanistan. C'est pourquoi j'aimerais savoir ce que fait le gouvernement, précisément pour voir à ce que l'aide humanitaire soit acheminée convenablement.
    On oeuvre avec les ONG canadiennes, bien sûr, et avec les ONG présentes sur place. Cependant, il faut comprendre que c'est essentiellement de l'aide au développement qu'on fait là-bas. Le gouvernement de ce pays a été élu démocratiquement. Il a demandé notre aide, nous avons accepté, et nous sommes là-bas avec 35 autres pays.
    Avez-vous dit que la majorité de l'aide canadienne allait au développement?
    Oui.
    On dit que la probité du gouvernement afghan est souvent pointée du doigt, à savoir qu'il y a des problèmes de corruption très grands.
    Le Canada a-t-il fait quelque chose à ce sujet, étant donné que vous êtes des partenaires de ce gouvernement?
    Notre façon de faire a été reconnue, comme je le disais précédemment, par un des administrateurs de la Banque mondiale, qui a dit qu'il fallait féliciter l'ACDI pour sa façon de gérer les fonds et de s'assurer qu'ils sont bien dépensés.
    Il existe différentes façons de faire. Si je ne m'abuse, la Banque mondiale a retenu les services d'une firme de vérificateurs externes qui s'assurent que toutes les sommes sont bien dépensées. Évidemment, pour le versement des sommes là-bas, nous nous assurons que la réalisation des projets a fait des progrès acceptables, avant de verser les sommes. Nous sommes très vigilants à cet égard. Je le répète, nous avons fait l'objet d'éloges d'un des dirigeants de la Banque mondiale à ce sujet.

[Traduction]

    Madame Barbot, il vous reste quatre minutes.

[Français]

    En ce qui concerne l'aide canadienne et les équipes provinciales de reconstruction, au Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense, le lundi 16 octobre, le brigadier-général Howard a affirmé que plusieurs projets des équipes provinciales de reconstruction étaient en attente de financement parce que l'ACDI hésitait à le leur accorder.
    Pourquoi l'ACDI hésite-t-elle à accorder cette aide aux projets des équipes provinciales de reconstruction? Le Canada craint-il que l'aide accordée ne serve à des objectifs militaires et politiques plutôt qu'à des objectifs de développement?

[Traduction]

    Merci, madame Barbot.
    Madame Verner.

[Français]

    Pour faire du développement à Kandahar, il faut de la sécurité, et nous travaillons en partenariat avec les officiers de la Défense nationale. Il est bien certain, je le réaffirme, que l'ACDI ne fait aucune retenue de financement. Une série de projets à action rapide ont déjà été mis sur pied afin de créer un effet positif pour la population là-bas. Je le répète, la situation est plus difficile à Kandahar. Il faut assurer la sécurité, mais nous avons quand même des projets là-bas. J'en ai annoncé quelques-uns récemment. Il n'y a pas de retenue d'argent de l'ACDI à cet effet.
(1605)

[Traduction]

    Merci, Madame Barbot.
    Monsieur Obhrai.
    Merci, monsieur le président.
    Madame la ministre, je vous remercie également pour votre présence.
    Je voudrais vous dire, madame la ministre, qu'on ne se lasse pas de s'étonner que le député d'en face passe ainsi à l'offensive en déclarant que la politique d'aide à l'Afghanistan était un échec, alors que nous nous souvenons fort bien que c'est son gouvernement qui a envoyé nos gens là-bas et qui a engagé de l'argent dans ce pays. Mieux encore, il a dit l'autre jour à la Chambre des communes qu'il ne voulait pas venir en aide au peuple afghan — aux pauvres, aux femmes — ni aider le travail de reconstruction qui y a déjà été effectué. Il a même pris la parole à la Chambre pour dire qu'il voulait que nous envahissions le Soudan. Imaginez-vous un peu. Nous sommes au XXIe siècle et il veut que nous envahissions le Soudan. L'ère du colonialisme est révolue, c'est cela que je voudrais dire à mon bon collègue.
    Mais ce que je voudrais vous dire moi, madame la ministre, c'est que je reviens tout juste de la région des Grands Lacs en Afrique. J'y étais au mois d'août. Vous venez de parler de la République démocratique du Congo. Lorsque j'étais là-bas, j'ai pu rencontrer les représentants de plus de trente ONG qui étaient venus nous dire que le Canada et l'ACDI faisaient un merveilleux travail pour rétablir la paix et la stabilité dans cette région du monde. Je reviens tout juste de voyage avec le Comité des affaires étrangères qui a tenu des réunions en Europe et là-bas, tous les pays — les pays scandinaves manifestent à l'endroit de l'ACDI, à l'endroit du Canada, un très grand respect pour le travail humanitaire que nous faisons dans cette région. L'ACDI est fort bien considérée. Les pays qui bénéficient de notre aide attendent de nous que nous apportions la sécurité et que nous leur fournissions ce dont ils ont vraiment besoin. Et pourtant, ces bons messieurs en face moi...
    Une voix: Il y a des gens très bien à l'ACDI.
    M. Deepak Obhrai: Mais comme ce n'est plus au goût du jour, voilà qu'il s'en prend à l'Afghanistan. Je voudrais dire à ce bon collègue que c'est pour reconstruire que nous sommes en Afghanistan. Cela demeure l'objectif numéro un, si nous voulons vraiment nous battre pour la sécurité.
    Ce que je voudrais vous dire, madame la ministre, c'est que l'ACDI a fait du bon travail et que partout où nous allons, on nous respecte énormément.
    Merci, monsieur Obhrai, pour cette excellente question. 
    Madame Verner, vous voudrez peut-être dire un mot en réponse à cet élogieux témoignage que vient de nous livrer monsieur Obhrai.

[Français]

    Je tiens à répondre au commentaire extrêmement éclairé et constructif de mon collègue. Il a raison, c'est assez difficile de suivre. Les deux collègues libéraux ont partagé leur temps plus tôt, et l'un m'a demandé de manière très intéressée ce que nous faisions de façon plus précise pour les femmes là-bas. L'autre a proposé que nous nous retirions, maintenant que la soupe est chaude, et que nous disions aux femmes de ce pays de retourner dans la noirceur, et aux petites filles de ne plus aller à l'école et de se soumettre au régime des talibans.
    Or, je suis d'accord avec mon collègue, cette position est difficile. C'étaient deux périodes de cinq minutes très différentes. Je suis d'accord pour que mon collègue soulève le sujet pour lequel je suis ici, c'est-à-dire la démocratie. La façon de faire de l'ACDI est reconnue partout. Nous recevons d'excellents commentaires sur notre approche dans les pays. Nous obtenons de bons résultats.
    Moi-même, j'ai eu la chance d'aller au Mali cet été. J'ai y rencontré le vérificateur général du seul pays africain francophone qui ait un bureau du vérificateur général. Il m'a dit travailler en étroite collaboration avec Mme Sheila Fraser. Je pense que c'est bon signe. Nous avons d'excellentes méthodes. Au Canada, nous savons très bien à quel point Mme Sheila Fraser fait un excellent travail. Elle a accepté d'aider le vérificateur général du Mali. Il avait déjà produit un premier rapport et s'apprêtait à en produire un deuxième. Très franchement, nous pouvons être fiers de notre façon d'agir dans les pays en développement.

[Traduction]

    Merci, madame Verner.
    Monsieur Van Loan, vous avez cinq minutes.
(1610)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais vous entretenir de l'essentiel de ce que nous faisons dans le cadre de notre étude, c'est-à-dire la promotion de la démocratie.
    À l'heure actuelle, la promotion de la démocratie fait l'objet d'un véritable choc en retour dans toute une série de pays. Au début de l'année, la Russie a adopté une loi contre les organisations de la société civile, une loi qui les limite considérablement et qui les empêche de faire leur travail. En effet, la Russie a muselé les médias indépendants, à tout le moins les médias électroniques. Au Bélarus, la société civile est elle aussi complètement immobilisée. Elle est devenue pratiquement non opérante, si ce n'est dans la clandestinité. Dans un même ordre d'idée, tous les médias sont virtuellement contrôlés par l'État. En Chine, les fournisseurs d'Internet ont dû accepter de bloquer le mot « démocratie » et ainsi de suite. En Corée du Nord et à Cuba, il n'y a même pas de choc en retour, étant donné que la promotion de la démocratie n'a jamais décollée. À Shangai, certains de ces mouvements se regroupent actuellement en coopération afin d'arrêter la démocratie.
    Pour moi, c'est quelque chose qu'un gouvernement aurait du mal à admettre. Nous trouvons aussi difficile d'appuyer des partis politiques et le développement des partis politiques à l'étranger. Nous avons entendu Tom Axworthy, ancien chef de cabinet de Pierre Trudeau, chez les libéraux, et personnage fort respecté — et nous en avons entendu d'autres aussi — nous dire que que la meilleure façon de procéder serait de créer un genre d'organisme indépendant, qui pourrait peut-être être calqué sur le modèle de la British Westminster Foundation for Democracy ou de la National Endowment for Democracy au Royaume-Uni.
    En lisant votre sommaire, je constate par exemple, à la rubrique des programmes témoins, que le mot « Russie » n'apparaît jamais, pas plus que le mot « Bélarus », ou le mot « Cuba ». Cela illustre en partie ce que je disais au sujet des obstacles que nous rencontrons dans les efforts pourtant dynamiques que nous déployons afin de promouvoir le volet liberté de ce programme.
    Ainsi, en Chine, nous avons un peu travaillé dans le dossier de la primauté du droit, nous avons essayé de former des juges par exemple. D'aucuns pourraient critiquer ce genre de choses en disant qu'en réalité, nous aidons ainsi les régimes en place. Nous espérons que certains des éléments de notre travail dans le domaine de la primauté du droit finiront par prendre racine, mais on peut craindre aussi le contraire.
    J'aimerais donc vous demander ceci: aurions-nous intérêt à envisager une approche un peu plus indépendante pour ce genre de travail, une approche calquée sur le modèle que nous avons pu voir aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne ou encore aux États-Unis, une formule de financement indépendant qui permettrait néanmoins l'intervention des partis politiques et des parlementaires, mais qui permettrait aussi d'intervenir dans certains dossiers plus délicats dans lesquels le gouvernement a du mal à agir?
    Merci, monsieur Van Loan.
    Madame la ministre.

[Français]

    Merci. Vous me semblez faire allusion aux organismes qui auraient pour mission d'appuyer le renforcement des partis politiques à l'étranger. L'appui efficace au renforcement de partis politiques est compatible avec notre démarche générale visant à favoriser la démocratie et la liberté.
    La question qui se pose, c'est si le Canada devrait se doter d'un institut comme le NDI, le National Democratic Institute, ou comme l'IMD, le Institute for Multiparty Democracy aux Pays-Bas, ou encore s'inspirer d'un autre modèle. Les valeurs de démocratie en politique étant de plus en plus reconnues, il devient plus facile pour les organismes oeuvrant dans le domaine du développement de promouvoir tous les aspects de la démocratie, y compris le rôle vital que jouent les partis comme instruments de concurrence politique.
    Il nous apparaît utile d'évaluer la meilleure façon de faire ce travail, y compris la possibilité de confier ce travail à des organisations existantes. Mais nous allons nous montrer très sensibles au point de vue du comité à cet égard et c'est avec plaisir que nous tiendrons compte de vos recommandations.

[Traduction]

    Monsieur Van Loan, il vous reste deux minutes.
    Vous avez parlé des partis politiques, mais le premier élément dont j'ai parlé, ce que j'ai appelé les pays difficiles, ceux qui résistent purement et simplement et qui agissent plutôt de manière à empêcher toute aide au développement démocratique... sur le plan diplomatique, il y a d'excellentes raisons pour lesquelles, alors même que notre gouvernement a bien d'autres dossiers en tête, dans le cas de la Russie par exemple, nous préférons peut-être ne pas vouloir qu'un organisme officiel intervienne directement dans ce genre d'activité. Il en irait de même sans doute pour Cuba, pour la Chine, ou que sais-je encore. Cela ne veut pas dire pour autant que nous voulons abandonner nos valeurs et notre engagement à l'endroit de la liberté et de la démocratie, que nous ne voulons pas que ces valeurs se propagent et soient mises de l'avant, mais je pense plutôt que le monde entier, nous en convenons tous, serait beaucoup plus sûr si c'était le cas.
    Je cite le cas de ces pays — la Russie, le Bélarus et bien d'autres encore — parce que c'est précisément dans ces pays-là que l'expérience nous a montré... Dans votre exposé vous nous avez expliqué comment Freedom House mesurait le progrès vers la démocratie. Les pays qui ont le mieux réussi sont les pays de l'Europe de l'Est, les voisins immédiats du Bélarus et de la Russie qui ont véritablement embrassé la cause de la démocratie. En toute bonne logique, donc, on pourrait penser que la vague suivante pourrait se manifester dans des pays similaires — sur le plan culturel, historique et ainsi de suite — des pays qui ont le même genre de rapports avec la population. Je vois là également un rôle pour le genre d'intervention indépendante qu'un organisme officiel ne voudrait pas assumer directement.
(1615)
    Merci, monsieur Van Loan.
    Madame Verner, vous avez une dizaine de secondes.

[Français]

    Prenons l'exemple de la Russie, cher collègue. On fait du développement dans le domaine de la réforme des lois civiles. On travaille beaucoup avec le Centre parlementaire canadien aussi. Il est certain que c'est à force d'investir — c'est la direction qu'on veut prendre — et de prôner la gouvernance démocratique qu'on espère obtenir des résultats. Il y a encore des défis à relever, mais il y a surtout de bons exemples où cela a bien fonctionné. Je pense au Ghana, qui a mis fin à une longue histoire de manquement à la démocratie et qui, maintenant, est un bel exemple à mentionner.

[Traduction]

    Merci, madame.
    Madame McDonough, vous avez dix minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord remercier la ministre et son sous-ministre qui sont venus témoigner devant nous aujourd'hui.
    Madame la ministre, vous nous avez dit que l'ACDI travaillait en partenariat avec les gens de la défense en Afghanistan. D'après ce que nous savons, nous avons essayé de calculer la configuration de la chose, ce qui nous a mené à conclure que pour chaque tranche de neuf dollars dépensés pour la défense en Afghanistan, un dollar seulement va au développement international, à la diplomatie et au maintien de la paix. Pouvez-vous nous dire si nos calculs, que nous avons effectués à partir des renseignements que nous avions, sont bien exacts?
    En second lieu, vous avez dit hier à la Chambre, en réponse à une question de ma collègue Dawn Black, la porte-parole de notre parti en matière de défense, que ce que nous faisions à Kandahar était fait avec la plus grande transparence, et vous avez à ce sujet parlé des séances d'information technique offertes par les gens du ministère. Je me demande si vous accepteriez de fournir au comité la documentation en question, les documents détaillés, à partir desquels ces séances d'information technique transparentes, comme vous dites, ont été préparées. En d'autres termes, pouvez-vous nous faire part de cela?
    En troisième lieu, vous savez sans aucun doute que la militarisation de plus en plus grande de l'aide est un sujet d'inquiétude de plus en plus marqué. Nous savons que le gouvernement précédent avait commencé à faire valoir, à l'OCDE, qu'il était favorable à une nouvelle définition de ce qu'il est convenu d'appeler l'aide publique au développement, une définition qui comprenne également les dépenses militaires. Pouvez-vous nous donner la position de votre gouvernement à ce sujet? J'aimerais en particulier savoir combien de membres des EPR travaillent sur le terrain à Kandahar et combien d'entre eux sont des employés de l'ACDI et combien sont des employés de la défense.
    Je vous remercie, madame McDonough.
    Madame la ministre.

[Français]

    En ce qui concerne les dépenses militaires, il faudra s'adresser à mon collègue le ministre de la Défense nationale. Les dépenses pour l'aide à la reconstruction se chiffrent à 100 millions de dollars, dont 15 millions de dollars d'ici la fin de l'année, lesquels auront été dépensés dans la région de Kandahar selon nos prévisions.
    Pour ce qui est des détails techniques, il nous fera plaisir de vous faire parvenir les informations qui ont été données lors de la séance de la semaine dernière. Cela me fait un peu sourire. Vous voulez dire que votre collègue m'a interrogée sur des détails techniques qu'il ne connaissait pas. Il les aura lus et il verra que nous agissons en toute transparence dans ce dossier.
    Madame, il ne s'agit pas de militariser notre aide au développement. Je sais que votre parti ne soutient pas notre mission en Afghanistan. Je sais que votre parti est venu tenir son congrès dans la région de Québec. Comme vous le savez, il y a des milliers de militaires qui habitent la région de Québec avec leur famille et leurs amis. Le NPD est venu dire qu'il ne croyait pas du tout en ce que ces gens étaient en train de faire là-bas.
    Moi-même, non seulement j'habite la région, mais je me suis donné la peine d'aller écouter ce que les gens avaient à dire à ce sujet. On m'a donné des exemples très précis de la confiance qui est à gagner là-bas. Toutefois, les résultats sont là. La reconstruction se fait. La situation est difficile. Ce n'est pas facile de travailler dans un contexte comme celui-là. L'aide humanitaire peut se faire uniquement lorsqu'on est capable d'assurer la sécurité. On le dit partout. Je ne comprends pas pourquoi vous n'êtes pas encore au courant.
    Pour que nos travailleurs humanitaires, et surtout les travailleurs humanitaires locaux, parce que c'est notre façon de faire...
    Nous n'arrivons pas sur place en imposant nos vues. Nous arrivons là et nous nous assurons que tout le monde, les communautés, les conseils de villages composés des sages et des femmes, qui ont maintenant des droits, a participé à l'établissement des priorités des projets. Il y a maintenant une constitution dans ce pays. Une fois que les gens nous ont dit ce qu'ils veulent avoir, nous travaillons à concrétiser ce projet. Pour y arriver, il faut de la sécurité. Nous avons besoin de la sécurité que nous procurent les soldats canadiens là-bas.
(1620)

[Traduction]

    Merci, madame Verner.
    Madame McDonough.
    Monsieur le président, je dois vous dire en toute honnêteté que j'ai rarement été autant sermonnée par un témoin devant ce comité, et surtout par un ministre.
    J'ai posé une question très précise: pour chaque tranche de neuf dollars de dépenses militaires, un dollar est consacré au développement international, à la diplomatie et au maintien de la paix. Ce ratio est-il exact? C'est cela que j'ai demandé, mais je n'ai eu aucune réponse, de sorte que je repose la même question.
    Vous nous avez dit, je le sais bien, que nous pourrions obtenir tous les détails nécessaires au sujet des dépenses militaires en interrogeant les représentants du ministère de la Défense, mais je ne crois pas un seul instant que, sachant que cette question revient sans cesse, vous n'êtes pas en mesure d'y répondre. Si vous ne pouvez le faire ici, je vous demanderais de le faire par écrit.
    En second lieu, je vous ai posé une question très précise au sujet de la composition des EPR à Kandahar. Combien d'employés d'ACDI en font partie, et je m'empresserais de compléter ma question en vous demandant s'il y a, dans ces équipes, des gens d'autres ministères?
    Madame McDonough, je voudrais simplement vous signaler que nous entendrons le ministre de la Défense, M. O'Connor, la semaine prochaine et nous vous incitons dès lors à lui poser directement ce genre de questions concernant les dépenses militaires.
    Vous pouvez être sûr que je vais lui poser les mêmes questions.
    Je pense que Mme Verner a indiqué très clairement ce qui a été dépensé à Kandahar et en Afghanistan.
    Mais si vous voulez, madame la ministre, vous pouvez compléter un peu votre réponse.

[Français]

    Bien sûr.
    Si mon collègue le ministre de la Défense nationale comparaît ici, il parlera de ses budgets. Pour ma part, je vous parle des budgets de l'ACDI. L'investissement s'élève à 100 millions de dollars jusqu'en 2011, madame, que votre formation politique donne son accord ou non.
    Nous avons l'intention d'aider les gens là-bas à prendre leur avenir en main, à leur propre demande. Nous estimons que 15 millions de dollars auront été dépensés à Kandahar cette année dans divers projets. L'ACDI a quatre employés là-bas. Ils travaillent avec la population afghane pour s'assurer que la population afghane est bien écoutée dans l'exercice de reconstruction et de l'établissement des priorités de ses propres projets.

[Traduction]

    J'ai une dernière courte question à poser.
    Il y a quatre fonctionnaires de l'ACDI et vous ne pouvez pas nous dire combien il y a de représentants de la Défense dans les EPR. Je vais donc poser la question au ministre de la Défense la semaine prochaine.
    Deuxièmement, vous avez dit que vous collaborez sur place avec des ONG à Kandahar. Pouvez-vous nous dire de quelles ONG il s'agit et combien de travailleurs de développement international travaillent en partenariat avec l'ACDI sur place à Kandahar?
    J'y suis allée, mais hormis ce genre de généralités, je n'ai pas eu de réponses à ces questions. Je n'ai toujours pas la moindre idée de ce dont vous parlez quand vous dites que tous ces fonctionnaires de l'ACDI et les ONG font du travail de développement international à Kandahar.
    Pourriez-vous répondre à ma question?
(1625)
    Madame Verner.

[Français]

    De façon générale, nous travaillons avec plusieurs groupes en Afghanistan, comme CARE Canada.

[Traduction]

    Ma question, c'était « à Kandahar« .

[Français]

    Pour ce qui concerne Kandahar, je laisse M. Greenhill compléter.

[Traduction]

    De fait, avec le système des EPR, avec les quatre employés que nous avons dans l'EPR de Kandahar — ce qui est plus que la moyenne dans les EPR, dans lesquels nous avons entre un et deux agents de développement — nous travaillons de près avec la population locale, avec les comités du développement local. Nous passons par elles pour faire notre travail et aussi soit par les ONG soit par les organisations multilatérales.
    Dans le cas de Kandahar à l'heure actuelle, ONU-HABITAT est un de nos principaux partenaires. Pour ce qui est de l'annonce de 5 millions de dollars au sujet de la poliomyélite qui a été faite récemment, pour vacciner sept millions d'enfants de la région, cela se fait avec l'OMS. Les responsables des programmes nationaux travaillent avec les organisations multilatérales ou avec les ONG, selon ce qui convient le mieux dans un district donné.
    Est-ce que les deux seules ONG avec lesquelles vous travaillez en partenariat à Kandahar...
    Madame McDonough.
    Je vous en prie, laissez M. Greenhill terminer.
    En ce qui concerne les organisations avec lesquelles nous travaillons, dans la province de Kandahar, si nous prenons, par exemple, un programme en particulier, le programme de solidarité nationale, il y a plusieurs centaines de projets en cours actuellement par l'intermédiaire du PNUD et de ONU-HABITAT, en collaboration avec le gouvernement afghan.
    Dans ce cas-là, il s'agit en fait des comités de développement local eux-mêmes, les villageois, qui choisissent leurs propres projets. Ils fixent les priorités et ce sont les organisations locales qui les réalisent. Dans certains cas, CARE et d'autres ONG y participent aussi, mais en fait, si le projet peut être assuré directement par les gens de l'endroit, on estime que c'est préférable, et c'est la démarche suivie dans sept des 17 districts de Kandahar. À la suite de l'annonce récente des 2 millions de dollars, il y aura deux autres districts. Cela va couvrir plus de la moitié de la province du Kandahar.
    Merci, monsieur Greenhill.
    Pour la deuxième série de questions, il ne nous reste pour ainsi dire plus de temps. À peine trois minutes.
    Monsieur Goldring, vous avez droit à cinq minutes, mais je vais vous en accorder une seule, si vous voulez dire quelque chose.
    Madame la ministre, d'après ce que vous avez dit, il est évident qu'il y a eu des progrès notamment dans la réforme électorale à Haïti, et pour y être allé pendant la dernière élection, j'ai bien vu que la toute première élection s'est déroulée très très paisiblement... Mais parmi les inquiétudes qui persistent, il y a le taux de participation de 30 p. 100 et l'autre dimension du problème, à savoir que le taux de participation de 30 p. 100 indique que les citoyens comprennent mal ce que les parlementaires peuvent faire et ce qu'est leur rôle.
    En ce qui concerne le Centre parlementaire et son travail là-bas, que va-t-il faire pour corriger certains de ces problèmes et va-t-il pouvoir s'occuper de ces problèmes sans faire participer le processus des partis politiques et peut-être d'autres députés?
    Merci, monsieur Goldring. En fait, je veux vous remercier de cette question.
    Concentrons-nous toutefois sur le développement démocratique; c'est l'objet de notre étude et de la réunion d'aujourd'hui.
    Madame Verner.

[Français]

    Merci, cher collègue. Je sais que vous êtes allé à Haïti. Nous avons eu l'occasion d'en parler.
    Si je ne m'abuse, le taux de participation au deuxième tour était beaucoup plus élevé, n'est-ce pas?
    M. Robert Greenhill: Oui.
    L'hon. Josée Verner: De combien?
    Pour le premier tour, c'était...

[Traduction]

    Les députés.
    Les législatives, pas la présidentielle.
    Pour les législatives, c'était beaucoup plus bas que pour la présidentielle, en partie à cause de l'importance relative perçue, qui on imagine va changer avec le temps au fur et à mesure que le rôle du Parlement deviendra clair et recevra plus d'appui de la population. Mais c'est une inquiétude légitime en ce qui concerne la participation au second tour.
    Et le Centre parlementaire?
    Merci beaucoup.
    Nous voulons remercier...
(1630)
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. M. Greenhill vient de mentionner — je vous remercie d'être venu, tout d'abord, tous les deux — pendant le débat qu'il y a beaucoup de projets précis. J'aimerais, si c'est possible, que vous déposiez la liste des projets.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Je voudrais que vous déposiez la liste de tous les projets auprès de la greffière pour que nous puissions en savoir davantage à propos des 15 millions. Je suis tout à fait en faveur des cinq millions pour les vaccins avec l'OMS, mais nous voudrions être renseignés au sujet de tous les projets, de toutes les communautés de développement, de toutes les organisations...
    Monsieur Patry, nous voulons...
    Non, monsieur le président...
    Vous pouvez présenter toutes ces...
    Permettez-moi de demander ceci par votre intermédiaire. Nous avons commencé avec cinq minutes de retard, monsieur le président.
    Nous avons deux autres invités.
    Nous avons maintenant d'autres invités, mais je ne lui demande pas de les donner maintenant, seulement de déposer la liste au comité, et c'est son...
    Nous allons faire la demande. M. Patry voudrait que certains de ces chiffres soient transmis au comité. Je pense que c'est admissible et que c'est possible. Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement; c'est une demande. On peut le faire.
    Nous tenons à vous remercier d'être venue aujourd'hui, madame la ministre. Nous voulons que le comité se concentre sur le développement démocratique et c'est ce que vous avez essayé de faire aujourd'hui. Nous vous applaudissons d'être venue. Merci.
    Nous allons suspendre la séance pendant à peu près deux minutes pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.
(1631)

(1636)
    La séance reprend.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur le développement démocratique. Il s'agit de la séance numéro 21.
    Nous avons encore une fois le plaisir de voir comparaître devant nous, à titre personnel, M. Ed Broadbent. M. Ed Broadbent a de longs antécédents auprès des groupes de développement démocratique. Il a été le premier président du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique et il est aussi coprésident de la Commission sur la démocratie canadienne et la responsabilisation des entreprises.
    C'est toujours un plaisir de le voir hanter les couloirs du Parlement et nous sommes très heureux de le recevoir aujourd'hui pour entendre ce qu'il a à nous dire.
    Pendant la même heure, nous recevons également M. Gerry Barr, président-directeur général du Conseil canadien pour la coopération internationale. Il s'agit d'une coalition d'organisations du secteur bénévole canadien qui travaillent partout dans le monde pour favoriser le développement humain durable. Le CCCI cherche à mettre fin à la pauvreté mondiale et à promouvoir la justice sociale et la dignité humaine. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir.
    Ce n'est pas votre première fois ici. C'est avec plaisir que nous vous accueillons à nouveau tous les deux.
    Monsieur Broadbent, nous allons commencer par vous. Bon retour parmi nous. Nous avons hâte de vous entendre.
     Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être de retour parmi d'anciennes collègues de tous les partis de la Chambre.
    Dans ma courte allocution, j'aimerais faire quelques observations sur le développement démocratique ou, autrement dit, sur le cadre d'un État démocratique moderne: ce que nous devrions faire, étant l'un de ces États démocratiques modernes, pour faciliter le développement de la démocratie.
    Je vais commencer par une série d'assertions, pour ainsi dire, et je m'en excuse, par opposition à des arguments structurés. J'espère que nous pourrons ensuite discuter de ces points.
    Pour moi, au cours des 50 dernières années, il y a eu deux points tournants dans le monde démocratique et, en fait, dans le monde. Le premier se situe dans la période postérieure à 1945, quand les dirigeants pendant la guerre, Churchill, Roosevelt et Attlee, ont mis en place un cadre pour le développement mondial devant avoir lieu après la Seconde Guerre mondiale, ont pris les grandes décisions pendant la guerre et ont créé la structure institutionnelle de base qui a duré pendant des décennies. Cela comportait la création de l'ONU, les accords de Bretton Woods qui devaient en partie favoriser l'équité financière mondiale et, troisièmement, la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée en 1948. Tout cela faisait partie d'un tout dans la période d'après-guerre après la Seconde Guerre mondiale, qui devait, espérait-on, éviter la tragédie des années 30 et mettre en place, en quelque sorte, un cadre pour ce que l'on appellerait aujourd'hui le développement démocratique mondial.
    L'autre point tournant, je dirais, a vraiment eu lieu à la fin de la guerre froide, et nous vivons toujours dans cette période. Je veux faire mes suggestions précises basées sur l'expérience depuis le début de la fin de la guerre froide, à savoir à partir des années 90.
    Je me souviens nettement des années qui ont immédiatement suivi l'effondrement du mur de Berlin et la fin de la guerre froide. Les chefs de la quasi-totalité des gouvernements démocratiques ont annoncé à l'époque que la prochaine décennie serait marquée par la multiplication des régimes démocratiques et des économies de marché.
     Or, par contraste avec les dirigeants démocratiques au pouvoir pendant la Seconde Guerre mondiale, ils se sont souciés presqu'uniquement de la mondialisation des marchés. Ils ne se sont pas souciés des autres grandes institutions dont j'ai parlé et qui avaient été mises en place par les dirigeants du temps de la guerre — à savoir, la grande dimension politique. De fait, beaucoup des dirigeants démocratiques du début des années 90, qui auraient dû être plus avertis, et certains autres qui l'étaient, ont allègrement affirmé que les droits de l'homme, les valeurs fondamentales d'une société civile démocratique allaient bon gré mal gré émerger toutes seules une fois mises en place les institutions centrales de l'économie de marché.
    Fort de mes six années d'expérience à la tête de Droits et démocratie, et une longue période — d'aucuns diront trop longue — en politique fédérale, j'aimerais maintenant formuler quelques suggestions au sujet de ce qui peut et doit être fait pour favoriser le développement démocratique dans un monde où la majorité vivent toujours dans des sociétés autoritaires.
    Premièrement, outre la protection de nos intérêts nationaux étroitement définis, notre politique étrangère doit contribuer à favoriser le développement de la démocratie au moyen de la persuasion, du commerce et de l'aide et du développement du droit international des droits de la personne applicables à l'échelle de la planète.
    Deuxièmement, ceci peut le mieux se réaliser au moyen du renforcement bilatéral et multilatéral d'État à État des institutions démocratiques, et en particulier en aidant les ONG de défense des droits de la personne dans les pays où elles ont le droit d'exister. En 1970, il n'y avait que 55 ONG internationales à une conférence parrainée par l'ONU à Téhéran. Aujourd'hui, il y a plus de 2 000 organisations de ce genre. De préférence, l'aide aux ONG dans un pays en développement devrait passer par d'autres ONG internationales indépendantes de tout gouvernement.
    Troisièmement, l'aide au développement pacifique de la démocratie dans un État par des étrangers ne peut être fournie que lorsque le gouvernement de cet État l'autorise. Cela est arrivé ces dernières années dans un certain nombre de pays très différents. Je ne vais vous donner que des exemples auxquels j'ai été directement mêlé à titre de président de Droits et démocratie et non comme politicien: la Corée du Sud, la Thaïlande, la Tanzanie, le Pakistan, le Guatemala et le Mexique.
    Quatrièmement, la priorité des programmes d'action, quels qu'ils soient, de mise en application des droits par un pays en développement ne doit jamais être fixée par des entités extérieures, qu'il s'agisse d'autres ONG ou de gouvernements démocratiques établis.
(1640)
    Dans les années 90, nous de Droits et démocratie avec, j'insiste là-dessus, des fonds fournis par le gouvernement du Canada et avec l'appui de tous les partis représentés alors à la Chambre des communes, avons travaillé dans des pays en développement avec d'autres ONG de la Suède, de l'Allemagne, de la Norvège et des États-Unis et avons contribué à faire appliquer les droits des femmes, des populations autochtones, des travailleurs et des organisations de défense des droits de la personne en Thaïlande, au Guatemala, au Mexique, au Salvador, en Tanzanie, au Pakistan, en Égypte et en Indonésie. En tout temps, les droits en question, les priorités et les programmes de travail pour ces pays ont été fixés par les ONG locales ou les gouvernements eux-mêmes et non par nous.
    Par exemple, quand nous avons soutenu les droits des femmes au Pakistan, nous et nos partenaires internationaux n'avons pas proposé un programme d'action qui aurait convenu aux femmes du Canada ou d'Europe. Nous avons plutôt soutenu les priorités fixées par les principales réformatrices du pays, comme Asma Jahangir. En passant, cette femme courageuse se décrit comme une musulmane, une femme, une avocate et une militante des droits de la personne.
    De même, des travaux faits ces dernières années auprès d'ONG mexicaines — puis du gouvernement — au sujet des droits électoraux ont été effectués en fonction de leurs priorités, encore une fois, et non des nôtres. C'est ce qui a contribué à la tenue d'élections libres et justes il y a quelques années et à la transition légitime du pouvoir plus tôt cette année.
    Nous avons travaillé pendant des années en Tanzanie et finalement en partenariat, dans ce cas, avec le haut-commissaire du Canada. Notre haut-commissaire à l'époque était une femme remarquable, pleine d'imagination. Nous avons collaboré avec le régime à parti unique de l'époque, d'autres ONG, d'autres partis émergents et des organes de presse nouvellement indépendants pour créer un programme d'action pratique qui a conduit sans violence à une transition vers la démocratie multipartite en Tanzanie.
    Le cinquième point porte sur ce qu'il faut éviter.
    Il n'y a qu'un seul pays dont je veux parler pour illustrer ce qu'il ne faut pas faire.
    M. Chrétien avait raison à propos de l'Irak. L'arrogance impériale des dirigeants actuels à Washington et à Londres était peut-être assortie d'un plan d'action sincère en faveur de la réforme démocratique. Même si cela était le cas, une invasion militaire, ici ou ailleurs, dans le but de la mettre en oeuvre, est une grossière erreur. Par suite de cette atteinte au droit international par l'Occident, des milliers de vies ont été perdues, les infrastructures d'un pays ont été ruinées, le terrorisme a augmenté et les conflits religieux régionaux et internationaux se sont aggravés. Paradoxalement, le principal bénéficiaire en a été l'Iran.
    Si une prétendue démocratie parlementaire voit le jour en Irak dans les mois prochains, elle sera caractérisée par une profonde méfiance et de vives tensions religieuses et régionales. Quand il s'agit de tolérance et de stabilité, la République allemande de Weimar apparaît rétrospectivement comme un modèle de courtoisie et de bonne volonté en comparaison. On ne peut guère douter que la guerre en Irak, menée en grande partie par des chrétiens de race blanche au nom de la démocratie et des droits de la personne, a discrédité l'un et l'autre aux yeux de millions de musulmans et d'autres dans le monde.
    Je passe à mon sixième point.
    Nous, des démocraties avancées, devons nous rappeler les racines multidimensionnelles et multipartites de nos propres droits. Comme je l'ai dit, dans la foulée de l'une des décisions du cabinet de coalition de Churchill dans les années 40, après la guerre, lui et Roosevelt ont veillé à ce qu'un large éventail de droits trouvent leur place dans le nouvel ordre d'après-guerre. Ces droits ont fini par faire partie intégrante de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Rédigés à l'origine par un Canadien, John Humphrey, ces droits ont fini par devenir la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948.
    Ce qui est crucial ici, c'est que combinés aux droits civils et politiques, les nouveaux droits socioéconomiques ont formé le noyau des États providences modernes qui se sont épanouis dans les démocraties de l'Atlantique Nord, pendant des dizaines d'années après la guerre. Comme Tony Judt, l'un des grands historiens du monde, l'a soutenu récemment et avec brio dans son ouvrage Postwar, ces États providences, avec leur dosage de droits politiques et sociaux, sont en grande partie responsables de la disparition des partis d'extrême gauche et d'extrême droite et pour le sentiment croissant de justice sociale et de stabilité qui a fini par caractériser la plupart des démocraties avancées.
(1645)
    C'est donc notre propre histoire contemporaine qui devrait nous aider à comprendre pourquoi la mondialisation économique est à la fois un bien et un mal pour la démocratie. Comme le signalait récemment la Banque mondiale, alors même que la prospérité s'accroît pour bien des gens, il y a quand même des millions de personnes qui vivent dans une pauvreté abjecte en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique. Ils sont très nombreux à croire que les démocraties existantes ne se soucient plus du tout de justice sociale. Ils considèrent que nos gouvernements et les élites agissent trop souvent en collusion avec les leurs et qu'ils s'intéressent davantage à leurs ressources naturelles et aux droits de propriété qu'aux droits civils et sociaux de la majorité.
    Le fait que le président du Venezuela a pu être applaudi par tant de gens lors de l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre, lorsqu'il a dit que le président Bush était le diable, doit être considéré en partie comme le symptôme d'un sentiment d'injustice fort répandu, plutôt que comme une simple condamnation de l'invasion américaine en Irak.
    L'ampleur de l'inégalité et l'absence de réforme sociale dans un si grand nombre de pays peuvent avoir pour effet, et c'est d'ailleurs le cas, de produire des mouvements religieux et laïques romantiques, extrémistes et intolérants. Cela a été le cas récemment en Europe. Ce genre de phénomène pourrait resurgir, mais cette fois-ci au niveau planétaire.
    Je pense que je vais terminer là-dessus, monsieur le président, et je vous remercie.
    Merci, monsieur Broadbent.
    Monsieur Barr.
    Je suis très heureux d'être à nouveau ici, car c'est toujours un plaisir de venir entretenir un comité du genre de dossier qui appelle souvent votre attention.
    Comme vous le savez pour la plupart, le Conseil est une coalition de 100 organisations non gouvernementales vouées à la lutte contre la pauvreté et à la promotion du développement durable dans le monde.
    Les membres du comité savent bien sûr qu'il y en aurait long à dire sur le développement démocratique. On pourrait parler de politique électorale et de scrutins, de l'appareil judiciaire, de la reconnaissance et du respect des droits des citoyens. On pourrait aborder la question aussi sous ses aspects économiques, sociaux et culturels. Elle comporte de nombreuses facettes.
    Pour nous qui travaillons dans le domaine de la coopération au développement international et qui sommes préoccupés par les questions de pauvreté à l'échelle mondiale, la question du développement démocratique est très souvent liée au rôle des organisations populaires et des mouvements sociaux dans la lutte contre la pauvreté. Et c'est un rôle crucial. Il y a dans le monde plus d'un milliard de personnes qui vivent dans un dénuement absolu, et 1,5 milliard qui sont désespérément pauvres, gagnant moins de 2 $ par jour, ce qui représente près de la moitié de la population de la planète.
    Le problème avec une telle pauvreté, c'est qu'elle est fatale. Chaque jour qui passe, 50 000 personnes meurent de causes liées à la pauvreté et donc facilement évitables, et plus de 800 millions de gens ont le ventre vide jour après jour. Ainsi, les ressources dont on dispose pour lutter contre la pauvreté dans le monde, l'aide internationale, les accords de commerce équitable, la radiation de la dette des pays les plus pauvres, revêtent une importance extrême. Et l'attitude des pays donateurs comme des pays en développement eux-mêmes vis-à-vis du développement démocratique et des droits humains est tout aussi importante.
    La lauréate du Prix Nobel, Amartya Sen, économiste spécialiste du développement, a montré de manière assez irréfutable qu'on réussira à vaincre la pauvreté quand on affirmera les droits des populations vulnérables et des pauvres, en dépit de pouvoirs très inégaux sur les plans culturel, social, économique et politique. Et comme les femmes forment le gros des populations pauvres et vulnérables, la question de l'égalité des sexes et les processus permettant aux femmes de faire respecter leurs droits, jouent un rôle de premier plan, absolument fondamental, dans la lutte contre la pauvreté. Si nous n'intervenons pas sur ces plans, nous perdrons la bataille.
    Les objectifs du millénaire pour le développement se présentent sous la forme d'une liste de cibles, issues d'une série de rencontres internationales qui ont été tenues par les Nations Unies dans les années 90 pour établir des objectifs sociaux pour la planète. Cette liste réunit certains des objectifs les plus réalisables sur lesquels on s'était entendu lors de ces rencontres pour continuer un programme d'action pour ce début de siècle. Mais lorsqu'on parle de lutte contre la faim, d'eau potable, d'accès à l'enseignement primaire, ou encore du traitement des malades atteints du VIH/sida, de la tuberculose ou du paludisme, on retrouve au coeur de toutes ces préoccupations la question des droits de la personne et des conditions de vie des hommes et des femmes à qui on refuse l'exercice de ces droits.
    C'est pour cette raison que certains appellent parfois par dérision les objectifs du millénaire pour le développement les objectifs du moindre effort pour le développement, pour bien marquer que, s'il est important de se donner des objectifs, il n'est pas de liste qui puisse vraiment faire le tour du phénomène de la pauvreté. Si l'on se place du point de vue des droits de la personne, il n'y a pas d'ensemble fini de besoins qui, une fois satisfaits, régleraient une fois pour toutes la question de la pauvreté. L'inégalité et l'exclusion sont les deux moteurs de la pauvreté et, si nous voulons lutter contre celle-ci, nous devons militer pour l'égalité et l'inclusion.
    Les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine des droits humains savent qu'il n'y a pas de développement efficace et durable sans une mobilisation des citoyens. C'est là le principal ingrédient. Sans elle, point de réussite. Et comme les membres du Comité le savent fort bien, au Canada comme ailleurs, la lutte contre la pauvreté est essentiellement un processus politique.
(1650)
    Si l'action gouvernementale, la volonté politique au niveau national et la capacité des pouvoirs publics sont importantes, elles sont en soi insuffisantes pour aboutir à un développement durable soutenu. Il ne peut y avoir d'action complète qu'avec l'organisation des mouvements politiques et sociaux et la participation directe des personnes pauvres ou autrement exclues ou marginalisées par leur propre société. C'est là l'autre volet essentiel du développement démocratique.
    Durant votre étude sur le développement démocratique, vous avez certainement parlé de la Déclaration de Paris de mars 2005, déclaration dans laquelle les pays donateurs s'étaient entendus sur des approches conçues pour promouvoir la prise en charge des programmes de développement par les pays en développement et non par les pays donateurs, et dans lesquels les donateurs adaptent leur démarche aux stratégies des pays partenaires. Ainsi, donateurs et bénéficiaires se sont-ils entendus pour harmoniser leur action, se donner des objectifs mesurables et se rendre des comptes mutuellement.
    Aussi importantes soient-elles, ces nouvelles stratégies des pays donateurs mettent résolument l'accent sur les relations avec les gouvernements donateur et visent à obtenir des réformes institutionnelles à la fois dans le pays donateurs et dans le pays bénéficiaire, des réformes propres à améliorer l'efficacité et l'efficience des systèmes d'aide.
    Pour les organisations de la société civile, la question ultime est celle de savoir quelle partie de l'aide arrive effectivement entre les mains des pauvres et leur donne la volonté et les moyens de régler eux-mêmes leurs problèmes. En fait, c'est la seule manière de mesurer l'efficacité de l'aide internationale, et les engagements de Paris ne font rien en ce sens. Donc, la Déclaration de Paris n'est pas sans valeur en ce qui concerne les pratiques des donateurs, mais elle concerne davantage l'aide internationale que le développement.
    C'est quand on aborde le volet développement du problème que les questions comme le rôle des citoyens et de leurs mouvements sociaux, et la manière dont on peut employer l'aide internationale pour mobiliser les gens prennent le devant de la scène. C'est donc fort heureux que les États donateurs se préparent à une importante rencontre qui doit avoir lieu au Ghana en 2008, rencontre où l'on passera tout particulièrement à la loupe le rôle des acteurs de la société civile et où l'on parlera d'intégrer en ce puzzle cette pièce importante.
    À cet égard, il importe de signaler que votre comité a abouti à d'intéressantes conclusions sur l'efficacité des mesures de développement dans son douzième Rapport à la Chambre des communes déposé durant la dernière législature. Le Comité a réclamé non seulement l'augmentation des budgets d'aide au développement et le respect de l'objectif de 0,7 p. 100 du RNB, mais aussi que des mesures soient prises pour améliorer la reddition de comptes et l'efficacité de l'aide du Canada à l'étranger. Ce rapport a été accepté par tous les partis représentés à la Chambre. Le comité a prôné l'adoption d'un projet de loi qui, abstraction faite de l'aide humanitaire, ferait de la pauvreté une priorité de l'aide publique au développement, suivant en cela une démarche conforme aux obligations du Canada au chapitre des droits humains et respectueuse du point de vue des personnes qui vivent dans la pauvreté.
    Le comité a également demandé que l'ACDI tienne compte de l'apport des organisations de la société civile au Canada comme à l'étranger pour améliorer l'efficacité de l'aide à l'étranger.
    Le rapport du comité au Parlement, auquel ont souscrit tous les partis représentés à la Chambre des communes, place donc le développement démocratique et une approche fondée sur les droits au centre du paradigme du développement.
    Je tiens donc à vous féliciter pour avoir mis dans le mille l'année dernière et à vous encourager à poursuivre sur cette voie dans votre étude du développement démocratique, si important dans la lutte contre la pauvreté.
(1655)
    Je vous remercie monsieur Barr.
    Nous allons commencer par un premier tour de questions, à concurrence de sept minutes de temps d'intervention par député. Nous allons commencer par M. Wilfert, puis passer ensuite à M. Alghabra, qui se partageront la première période d'intervention, peu importe la façon dont ils voudront s'y prendre, mais en tout état de cause c'est M. Wilfert qui va commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Broadbent, la Commission des droits de l'homme des Nations unies, qui s'appelle maintenant le Conseil des droits de l'homme, a adopté en 1999 une résolution pour promouvoir le droit à la démocratie. Comme vous le savez, au Sommet du millénaire de 2000, les Nations Unies ont déclaré qu'il ne fallait ménager aucun effort pour promouvoir la démocratie et renforcer la primauté du droit.
    J'ai généralement toujours été favorable aux projets conduits par l'ACDI, et je vais vous donner un exemple sur lequel j'aimerais avoir votre opinion.
    À mon avis, la meilleure façon de promouvoir la démocratie consiste à travailler sur le terrain pour commencer, surtout dans les pays d'Asie comme le Cambodge. Comme vous le savez, le Canada a participé de près à la surveillance des élections communales. Or, l'approche que nous avons adoptée a été jugée un peu diffuse parce que nous étions sur place, certes, nous avons facilité le processus, certes, mais l'attention a fini par se dissiper. Ce qui se passe à l'heure actuelle, c'est qu'au Cambodge, le gouvernement de Hun Sen a littéralement muselé ses opposants et malmené les droits humains.
    À votre avis, que devrions-nous faire pour continuer à intervenir à long terme? Quelles sont les formules que nous devrions envisager pour assurer le contrôle du développement durable des droits humains dans les pays où nous sommes prêts à dépenser de l'argent dans ce but?
    Vous avez je crois, non sans éloquence, signalé qu'en Irak, l'action entreprise du haut vers le bas ne marche pas et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1700)
    Merci beaucoup.
    C'est une excellente question, monsieur Wilfert.
    Monsieur Broadbent.
    Vous n'auriez pas plutôt une autre question?
    Certainement, monsieur Broadbent, mais pour l'instant ce sera celle-là.
    Monsieur Broadbent, cela ressemble un peu à la période des questions, n'est-ce pas?
    C'est une question parfaitement raisonnable, et je répondrai à cela qu'il n'y a pas de réponse simple, ou il n'y a aucune garantie.
    Comme je l'ai déjà dit, nous avons beaucoup travaillé, nous s'entendant de l'organisme Droits et Démocratie. C'est un modèle de financement public fort intéressant, mais également un institut indépendant financé, comme je l'ai dit, par toutes les parties. Nous travaillons surtout avec les ONG dans les pays en développement. Nous avons un peu travaillé avec des gouvernements, mais l'essentiel de ce travail-là est fait par l'ACDI et non pas par nous. Nous avons travaillé en Thaïlande. Nous y avons beaucoup travaillé, et la Thaïlande a fait énormément de progrès, mais comme nous le savons, il y a eu un coup d'État militaire. C'est donc un travail, un projet d'une durée encore indéterminée.
    On trouve dans l'histoire deux grands noms qui ont beaucoup écrit sur la démocratie: il s'agit d'Alexis de Tocqueville et de John Stuart Mill. Personne n'a fait mieux que ce qu'ils ont fait au XIXe siècle. La chose fondamentale dont ils parlaient, et dont a parlé également Gerry Barr dans un contexte contemporain, c'est le rôle crucial d'une société civile démocratique, toute la palette des libertés qui deviennent profondément intégrées dans les pratiques et les institutions, si vous me permettez l'expression, sous la superstructure des élections. Et pour cela, il faut du temps, il faut vraiment beaucoup de temps.
    Je lisais dernièrement un article sur les croisades, et cela m'a rappelé avec horreur l'extermination systématique des Juifs, l'extermination des Musulmans, et ainsi de suite, tout cela au nom de la chrétienté. Nous mêmes, nous sommes passés par une longue période du même genre. Nous autres, dont l'origine est chrétienne, blanche et anglo-saxonne, nous avons connu une longue évolution pendant laquelle nous avons été des barbares au sens moderne du terme. Pour arriver à faire évoluer ces groupes jusqu'à ce qu'ils deviennent tolérants, civils et respectueux des droits individuels et des droits sociaux aussi, il faut du temps, et il n'y a pas de solution magique.
    Une partie de ce que Gerry Barr et la ministre ont dit au sujet des principes généraux et du rôle de l'ACDI, ce que Gerry Barr a dit à propos de l'importance de la société civile, et ce que j'ai dit moi, tout cela à mon sens finit par s'imbriquer si cela vient à être concrétisé. Ce qu'il ne faut pas, c'est adopter une approche du haut vers le bas en utilisant la force, la force militaire à tout le moins, ou en imposant notre façon de promouvoir les droits. Ce sont eux qui doivent y arriver, les groupes qui existent au sein de leur société, là où ils sont libres d'agir. Quelqu'un a parlé de Cuba, de la Chine et de tous ces autres pays dans lesquels nous sommes actifs. Nous n'y faisons rien parce que ces pays ne nous permettent pas de faire quoi que ce soit. Ils ne permettent pas aux organismes comme le nôtre, Droits et Démocratie, d'y travailler.
    J'ai pris mon temps pour répondre à la question simplement pour dire qu'il n'y a pas de solution parfaite. La démocratie est un processus évolutif et fort important, mais ce qui est crucial toutefois, c'est la structure de la société civile. Il ne s'agit pas simplement de faire des campagnes électorales ou de tenir des élections à intervalles réguliers, il faut arriver à ce que les institutions en place permettent dans la société l'exercice libre des droits.
    C'est le vieux dilemme du beurre ou des canons; c'est une question de choix. Quoi qu'il en soit, je vais céder la parole à mon collègue.
    Monsieur Alghabra, vous avez une minute et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Broadbent, grand merci à vous d'être venu.
     J'ai deux questions et j'essaierai d'être le plus concis possible. Premièrement, comme le premier ministre Harper a déclaré que l'Afghanistan est la pièce maîtresse de notre aide au développement et de notre politique étrangère, comment, fort de votre expérience, évaluez-vous notre performance là-bas, compte tenu du fait que vous avez aussi parlé des risques que comporte le recours à des moyens militaires pour apporter l'aide?
    Ma deuxième question est de portée plus large: comment peut-on éviter le risque des deux poids deux mesures quand nous apportons de l'aide ou que nous la préconisons? Lors de notre voyage en Europe la semaine dernière, on nous a dit que certains pays savent qu'ils appliquent deux poids deux mesures. Comment pouvons-nous l'éviter?
(1705)
    Je veux me frotter à ce problème: une autre « question facile ». Qu'entendez-vous ici quand vous parlez de deux poids deux mesures? À quoi pensez-vous?
    Le fait que nous choisissons un pays pour y apporter de l'aide tandis que d'autres, dont les besoins sont plus grands, ne reçoivent absolument rien.
    D'accord. Je n'ai pas de réponse toute faite à cette question. Encore une fois, l'organisme de Gerry Barr pourrait sans doute vous donner une meilleure... Je veux dire, on pourrait faire comme font d'autres pays, réserver la totalité de notre aide aux pays les plus pauvres. Je n'ai pas de réponse toute faite.
    Il y a des raisons, je pense, pour lesquelles... Nous allons vers les pays avec lesquels nous avons des rapports historiques — certains francophones, d'autres anglophones — et il y a certains courants commerciaux. Il se peut que nous ayons des contacts et des liens historiques avec certains pays plutôt que d'autres et il est peut-être sensé pour nous de les préférer à d'autres. Mais essentiellement, en gros, mon critère c'est que ceux où le besoin est le plus grand devraient être prioritaires.
    Au sujet de l'Afghanistan, je suis plutôt de votre avis. Je suis heureux de ne pas être en politique aujourd'hui et de ne pas être tenu de donner des réponses.
    Au début, j'étais en faveur de l'intervention dans une situation tout à fait différente de celle de l'Irak: tout à fait différente. Nous étions en présence d'un gouvernement barbare qui soutenait un mouvement terroriste international barbare. C'était en réaction à cela — une intervention, je le répète, que, personnellement, j'ai jugé appropriée.
    Puis vous avez soulevé la question de notre présence là-bas aujourd'hui et ce ce qu'il faut faire face à ce terrible dilemme. Mon amie et collègue Alexa a demandé quel était le ratio entre les dépenses d'aide et les dépenses militaires. Je ne connais pas la réponse et, pour être honnête, je ne sais pas ce qu'il devrait être parce que le volet de l'aide dépend du volet de la sécurité.
     Ce que le cas de l'Afghanistan montre, si je peux m'exprimer ainsi, avec l'avantage que donne le recul, c'est la sagesse de George Bush père pendant la guerre du Golfe. À ce moment-là, M. Bush père était exhorté par un certain nombre de ses collègues conservateurs américains, certains va-t-en guerre, à pousser jusqu'à Bagdad après avoir expulsé les forces de Saddam Hussein du Koweït. Il a posé la bonne question: « Et je fais quoi quand j'y serai? » — une question très importante. Et il n'y est pas allé, parce que s'il l'avait fait, c'est sous la présidence de Bush père que nous aurions eu la chienlit qui existe aujourd'hui en Irak.
    Le Canada est là, avec ses partenaires de l'OTAN et la sanction de l'ONU pour faire la quadrature du cercle: sécuriser pour pouvoir aider. Et cela dans un pays qui, du point de vue de l'histoire — et je ne veux pas que l'on méprenne le sens de mes paroles — et du point de vue du développement démocratique, est encore plus en retard que ne l'était l'Irak. Les structures de l'Afghanistan sont beaucoup plus complexes et de type médiéval.
    C'est un problème pour lequel il n'y a pas de solution toute faite.
    Merci, monsieur Broadbent. Nous n'essaierons pas d'en trouver une.
    Madame Barbot, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, messieurs Broadbent et Barr, d'être venus nous rencontrer. Après la rencontre avec la ministre, il est quelque peu rafraîchissant d'avoir affaire à des gens qui répondent aux questions pour améliorer notre compréhension des choses et essaient de trouver des solutions avec nous. Poser des questions pour arriver à faire avancer les choses fait en quelque sorte partie du travail du comité. Selon moi, notre rôle n'est pas de juger négativement les actions du Canada, mais de vraiment comprendre les faits. C'est pourquoi je trouve votre présence ici très intéressante.
    Vous avez tous deux parlé de la société civile comme d'un élément clé de l'aide internationale qui pourrait mener à une certaine réussite. À cet égard, je voudrais poser une question sur un aspect précis de la société civile sur laquelle le Canada semble vouloir insister davantage, en particulier dans le contexte haïtien. On nous dit en effet, en ce qui concerne l'aide à Haïti, qu'on veut avoir recours à la diaspora. Vous avez mentionné que la société civile était importante et qu'il ne fallait pas faire les choses à la place des gens. Cette « utilisation » de la diaspora semble être fondée sur le fait que des gens ayant quitté le pays, maintenu des liens et développé de nouvelles compétences peuvent éventuellement, s'ils retournent au pays, faire profiter la communauté de leurs acquis et de cette sensibilité particulière qui est la leur.
    Ce que je comprends, dans le cas particulier d'Haïti, c'est que les gens de la diaspora vivent à l'extérieur du pays depuis si longtemps et leur expérience est si différente de ce qu'ils ont vécu en Haïti qu'en fin de compte, ils ne sont pas très bien vus. Par ailleurs, dans des États où il y a autant de problèmes, les gens de la diaspora font malgré eux partie du problème.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur le recours aux gens de la diaspora, leurs liens avec les gens du pays, le genre de prise en charge qu'ils doivent assumer en matière d'aide internationale et la façon dont les pays donateurs pourraient s'appuyer sur eux pour faciliter le travail.
(1710)

[Traduction]

    Monsieur Barr.

[Français]

    J'aimerais simplement dire que la diaspora, particulièrement au Canada, est de toute évidence un des avantages du pays. Celui-ci est vraiment multiculturel et bien branché sur le reste du monde, particulièrement sur les pays du tiers monde. Évidemment, ça aide fortement la société civile du Canada à établir des liens avec d'autres pays.
    On peut constater qu'au Canada, l'engagement des organismes de la société civile au sein de la diaspora est relativement récent en ce qui concerne le dossier du développement démocratique. En effet, en tant que groupes non gouvernementaux, leur apport est assez nouveau, même si le lien entre les communautés est très étroit, très constant et très fort. On peut cependant imaginer qu'il s'agira de plus en plus d'un élément clé en ce qui a trait aux liens unissant la société civile du Canada et d'autres pays.

[Traduction]

    Merci, monsieur Barr.
    Monsieur Broadbent.

[Français]

     Je crois que c'est en général une bonne idée de travailler avec les membres de la diaspora, mais je dois dire que dans certains pays, j'ai eu des difficultés par le passé. Il s'agit d'un cas où, dans le cadre d'un conflit sévissant dans leur pays d'origine, les membres de la diaspora s'étaient rangés d'un côté. Dans une telle situation, avoir recours aux membres de la diaspora se trouvant au Canada n'était vraiment pas une bonne idée. Il faut prendre très au sérieux ce genre de situation. Nous avons commis cette erreur une fois seulement.
    Par la suite, nous avons étudié la situation plus prudemment afin d'éviter ce problème. Toutefois, comme je l'ai dit plus tôt, c'est en général une bonne idée d'avoir recours aux suggestions des membres de la diaspora du Canada concernant leur pays d'origine.
(1715)

[Traduction]

    Merci, monsieur Broadbent.
    Madame Barbot, il vous reste à peu près 30 secondes si vous voulez continuer.

[Français]

    On nous dit qu'en Afghanistan, par exemple, la corruption atteint des sommets très élevés. Comment pensez-vous que l'aide puisse parvenir à la population dans un tel contexte?

[Traduction]

    La réponse courte, c'est que dans les cas où il n'est pas possible de fournir de l'aide comme il se doit en passant par la filière gouvernementale, on peut passer par des organisations non gouvernementales capables de gérer de manière responsable. C'est souvent le cas lorsque la reddition de compte n'est plus possible. Il faut cependant du temps avant de tomber aussi bas — et c'est tant mieux — mais c'est la stratégie classique.
    Merci, monsieur Barr.
    Monsieur Casey.
    Monsieur Broadbent, cela fait certainement plaisir de vous revoir. J'ai regardé votre curriculum vitae et il est dit, notamment: « Au cours de son dernier mandat à titre de député, il était responsable... de la pauvreté infantile ». Je ne crois pas que l'accusation soit fondée.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Bill Casey: J'ai eu une discussion fort intéressante avec un représentant de haut rang du gouvernement iranien l'autre jour. Nous nous sommes lancés dans une discussion sur les droits de la personne et nous avons comparé le Canada et l'Iran. Il a dit que l'on ne pouvait pas les comparer parce que l'Iran a une culture et une religion différentes et que son gouvernement est basé sur la religion. Cela m'a fait saisir combien il est difficile de défendre les causes des droits de la personne, de l'égalité des femmes, de la primauté du droit et de la société civile quand le pays ne croit pas qu'il y a là un problème.
    Le débat a été fascinant et je me demande justement ce que l'on peut faire pour établir la distinction dans des pays comme l'Iran, qui n'acceptent tout simplement pas ces choses.
    C'est une question très difficile. Il faut répondre honnêtement qu'il y a effectivement des cultures, des valeurs et des religions différentes. Toutefois, tous les membres des Nations Unies ont souscrit à la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ses auteurs ne sont pas seulement des Chrétiens et des Juifs, mais aussi des Musulmans et des dirigeants musulmans de la communauté islamique mondiale de l'époque. Toutes les religions et tous les groupes non religieux ont été pris en compte au moment de la rédaction de la déclaration universelle.
    Il faut le rappeler aux dirigeants des États autoritaires et brutaux comme l'Iran l'est, en particulier dans son traitement des femmes, mais pas uniquement des femmes. Oui la culture et la religion sont différentes, mais lorsqu'il y a heurt entre la pratique culturelle et un droit ancré dans le système de l'ONU, la pratique doit céder.
    Une merveilleuse déclaration des droits de l'homme a été préparée par des ONG asiatiques en 1993 — je pense ne pas me tromper. Cela vaut la peine de la retrouver. C'est une magnifique déclaration des droits de l'homme préparée, je le répète, par des Asiatiques et non des Occidentaux et qui rappelle cet argument souvent avancé par, par exemple, des citoyens iraniens ordinaires — et je sais qu'il en est ainsi dans le cas de l'Iran. Dans toutes ces sociétés autoritaires, ce sont les dirigeants qui aiment invoquer la tradition autoritaire comme prétexte pour ne pas se conformer aux droits élémentaires que souhaitent leurs citoyens.
    Quant à savoir si ces citoyens ordinaires emploient la langue des droits, c'est une autre question. Les fillettes veulent fréquenter l'école tout comme les garçonnets, que les fillettes iraniennes disent que c'est un droit ou pas. Elles veulent avoir le droit de faire leur barda et d'aller s'établir dans la ville voisine, si elles le veulent. Elles veulent donc les droits de mobilité, qu'elles emploient ces termes ou pas.
    Mais ces droits, je le répète, sont dans la déclaration universelle. Chaque membre de l'ONU est tenu de s'y conformer. Enfin, quand culture et droit s'affrontent, à un moment donné, c'est la culture qui doit céder.
    Merci, monsieur Broadbent.
    Monsieur Van Loan, il vous reste à peu près deux minutes.
    Monsieur Broadbent, dans votre exposé, vous avez mentionné, comme d'autres témoins, de l'importance de la société civile et de la démocratisation et du fait que la promotion de la démocratie doit avoir ses racines dans la société. Vous avez dit que ces genres de groupes ont vu leur nombre exploser sur le front des droits de la personne en tout cas et peut-être aussi sur d'autres fronts ces dernières années.
    Vous nous avez aussi parlé, entre autres, de la nécessité du financement, de la mesure où nous le fournissons, de la nécessité d'être indépendant. À quoi attribuez-vous cette explosion dans le financement venant des organisations? Que cela passe par Droits et Démocratie ou par l'Institut néerlandais pour la démocratie multipartite, ou toute autre organisation de ce genre, est-ce une des causes de cette explosion? Est-ce que ça a aidé?
(1720)
    Ce serait un signe de vanité de notre part, en Occident, de dire que nous sommes l'une des causes. Ce n'est pas de la vanité de dire que nous avons fait oeuvre de facilitateur ou que nous avons aidé. Beaucoup de ceux avec qui j'ai travaillé dans les années 90 ont mis leur vie en péril au Guatemala, au Salvador et en Indonésie. Ils ont couru des risques. Moi, jamais. En voyage, j'étais munis d'un passeport diplomatique.
    Quand nous sommes allés aider, c'est parce qu'on nous l'avait demandé. Ils essayaient, au sein de leur propre société, de bâtir ce que l'on appelle une société fondée de droit, une société civile. Ce n'est donc pas nous qui sommes à l'origine de cet essor. Il est certain que nous, des pays démocratiques, avons aidé. Mais comme cela a toujours été le cas dans le passé, le mouvement initial est venu des populations de ces pays qui ont insisté et pris des risques pour exiger la liberté, en quelque sorte. Nous avons seulement aidé à en faire une réalité.
    J'ai entendu votre question de tout à l'heure au sujet de l'indépendance des institutions. Je me permettrai de dire puisque je n'y suis pas — le jour viendra peut-être — que nous avons ici une institution indépendante appelée Droits et Démocratie créée à la suite d'une recommandation unanime d'un comité composé de tous les partis. Il n'y avait que trois partis à la Chambre à cette époque. Son mandat est extraordinaire. Ce n'est pas un mandat canadien; c'est le mandat de toute la famille des droits de l'ONU en vue de bâtir la démocratie.
    Je n'y suis pas — ce n'est donc pas intéressé de ma part — mais, personnellement, j'aimerais voir cette institution prendre beaucoup d'expansion. Elle pourrait faire certaines des choses pour lesquelles elle n'a pas disposé des moyens nécessaires, comme observer des élections et renforcer les partis, outre le travail de renforcement de la société civile.
    Je dirais donc en réponse à ce que vous avez dit tout à l'heure à propos des institutions indépendantes qu'elles sont effectivement importantes. Il en existe une sans pareil au Canada, Droits et Démocratie, et l'essentiel de son financement vient du Parlement, sans ingérence politique de l'un ou l'autre parti. Je pense qu'elle fait du bon travail à l'étranger.
    Monsieur Barr, un professeur de l'Université de Toronto, que vous n'avez évidemment pas entendu, est venu témoigner ici. Son témoignage était très convaincant. Entre autres, il nous a dit qu'un revenu par habitant de 6 000 $US est le strict minimum si l'on veut qu'un pays ait une démocratie durable et si l'on veut pouvoir y faire la promotion de la démocratie. Il a dit que cela devrait être notre objectif. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord.
    En 30 secondes ou moins, monsieur Barr.
    Répondez par oui ou par non.
    Nous savons que la sonnerie va se faire entendre et je veux que Mme McDonough puisse...
    C'est une question empirique à laquelle il est très difficile de répondre. En fait, je n'ai pas de bonne réponse à vous offrir, mais j'ai clairement entendu le doute dans votre voix lorsque vous avez décrit la situation. Les faiblesses institutionnelles sont justement le genre de faiblesses sur lesquelles on se pencherait, plutôt que sur le PNB ou le revenu moyen.
    J'aimerais profiter de l'occasion — et je serai bref, et je crois que les commentaires éclaireront le comité — et j'aimerais signaler qu'il y a eu beaucoup d'interventions un peu plus tôt sur l'Afghanistan. Évidemment, il y a déjà eu d'importantes discussions entre les ministères sur ce sujet depuis plus d'un an. Il s'agit d'une discussion à plusieurs volets sur la politique du Canada à l'égard des États défaillants et en déroute. Ce qui sous-tend cette discussion sont des facteurs comme les droits de la personne, le devoir d'ingérence humanitaire et le droit humanitaire. Les ministères ont, en collaboration, déjà amorcé depuis un bon moment des travaux dans ce dossier. Dans le cadre de votre étude, vous voudrez probablement pouvoir consulter les documents déjà préparés ou tout au moins pouvoir rencontrer ceux qui sont responsables de la préparation de ces documents.
    Merci, monsieur Barr.
    Nous allons maintenant passer à Mme McDonough qui dispose de sept minutes. 
    Merci, monsieur le président. J'essaierai d'obtenir un autre compliment pour notre comité.
    Nous vous sommes reconnaissants des commentaires que vous avez faits tout à l'heure sur le travail que nous avons fait ensemble, car nous avons su collaborer en oubliant nos allégeances politiques. Nous en sommes venus à l'unanimité lorsque nous avons recommandé que le gouvernement passe à un niveau d'aide de 0,7 p. 100. J'espère que la fermeté qu'a alors démontré le comité ne disparaîtra pas parce que je dois avouer que c'était très humiliant d'être dans les pays nordiques et au Royaume-Uni la semaine dernière, lors des déplacements du comité, et de rencontrer des gouvernements qui atteignent entre 0,9 p. 100 et 1 p. 100 dans certains cas, car ils se sont engagés à dépasser le niveau de 0,7 p. 100.
    Il demeure — et je signale cela en réponse aux commentaires de M. Broadbent — que notre comité a encouragé le gouvernement à accroître le financement accordé à Droits et Démocratie et qui depuis les cinq ans dernières années a enregistré la diminution la plus marquée de ses ressources depuis sa création. En abordant la question vous m'avez fait oublier ce que je voulais demander.
    Vous savez peut-être que Tom Axworthy et Jeffrey Kopstein ont comparu devant notre comité il y a une quinzaine de jours et ont alors proposé une nouvelle structure, une nouvelle organisation, qui aurait pour mission d'oeuvrer dans le secteur de l'instauration de la démocratie à l'échelle internationale. Je veux faire ressortir l'importance du thème, souvent abordé, de l'instauration de la démocratie qui est possible simplement si l'on collabore étroitement avec les sociétés civiles des États défaillants et en déroute, et des pays en voie de développement qui, on l'espère, s'orientent vers la démocratie.
    Voici ma question: Si les ONG sont désespérément à court d'argent, si les groupes de la société civile dans ces pays n'ont pas suffisamment d'argent pour assurer l'instauration de la démocratie, nous faut-il une nouvelle organisation ou devons-nous plutôt affecter le plus rapidement possible 0,7 p. 100 du PNB à l'aide au développement, et assurer l'habilité de Droits et Démocratie de faire les choses qu'elle s'est donnée comme objectifs. Notre comité devrait-il continuer à essayer d'obtenir ces choses?
(1725)
    Madame McDonough, j'ai l'impression que M. Broadbent veut répondre à cette question.
    Oui, je veux y répondre.
    J'aimerais aussi entendre les commentaires de Gerry parce qu'on parle ici du financement de la société civile.
    Je veux insister sur ce que j'ai dit. Je ne pense pas qu'il nous faille une autre institution. Droits et Démocratie existe déjà. Elle a une excellente structure et est indépendante du gouvernement. Elle a un mandat universel qui englobe la famille des droits et libertés de l'ONU. Elle se consacre aux actions dont Gerry Barr a parlé, à savoir le renforcement de la société civile.
     Droits et Démocratie — aussi bien quand j'y étais que sous mes successeurs — a toujours travaillé auprès de groupes. Dans l'ensemble, nous avons laissé aux soins de l'ACDI ou d'Élections Canada une grande partie du travail électoral ou de renforcement des institutions afin de favoriser l'instauration d'un État de droit par exemple. Cette action doit être développée à l'aide d'un accroissement du budget de Droits et Démocratie grâce au soutien de tous les partis.
    Je vais faire un peu de politique pour insister sur ce point et donner une partie du mérite au premier ministre Mulroney. Quand je suis devenu le premier président de l'organisation, j'ai proposé que chacun des partis soit représenté au conseil d'administration. Pas quelqu'un en politique active, un député, mais quelqu'un qui l'aurait déjà été et qui s'intéresserait aux droits de la personne. La pratique a été maintenue pendant toutes les années où j'y étais. Il y avait quelqu'un de chacun des partis de la Chambre des communes qui à un moment ou à un autre avait été en politique active.
    Droits et Démocratie est donc une organisation politique mais jamais le conseil n'a pris de décision partisane et jamais on l'a accusé de faire preuve de partisanerie. L'institution existe déjà et j'encourage le comité à élargir son mandat un tant soit peu, même si je ne pense pas que ce soit nécessaire. L'organisation a besoin de plus de moyens mais on pourrait discuter de nouveaux secteurs d'activité avec le comité.
    Je vais me taire et laisser Gerry intervenir.
    Je sais que vous êtes pressés par le temps. Je dirai seulement que même si les racines d'une bonne culture politique sont dans une société civile robuste et dans une phase pré-parti, si je peux m'exprimer ainsi, il est évident que l'organisation de mouvements sociaux et de partis politiques est un élément important de l'équation. Dans la mesure où les gens soutiennent qu'il faut y accorder de l'attention, je pense que c'est une bonne chose.
    La question à propos des vecteurs ou des filières se résume à trouver ceux qui sont efficaces. S'il n'y en a pas actuellement, alors créons-en un. C'est un bon choix qui vient étayer ce qui se fait déjà.
    Si je me souviens bien de la genèse de la création du Centre international pour les droits de la personne et le développement démocratique, c'est justement la discussion qui a eu lieu. C'est le débat qui s'est tenu en grande partie au tout début. La conclusion a été de créer une entité dont le mandat serait plus vaste, sauf erreur. Je me trompe peut-être, mais je pense que c'est le cas.
(1730)
    Plusieurs fois durant nos déplacements la semaine dernière, certains d'entre nous ont pensé — je ne me souviens plus qui — même si on en a discuté à fond — que l'on pourrait peut-être confier un rôle plus robuste au Centre parlementaire, qui pourrait venir compléter d'autres travaux. Avez-vous un avis sur le sujet? Je n'y avais pas vraiment pensé avant notre voyage à l'étranger.
    Il peut en faire davantage, il devrait en faire davantage, et je suis certain qu'il est tout à fait prêt à en faire davantage. J'imagine que c'est simplement une question de financement. Je sais qu'il fait du bon travail.
    Mais pour revenir à ce que je disais, cette institution existe déjà. Il y a Droits et Démocratie. Je dois l'admettre, je n'ai pas entendu l'exposé de Tom Axworthy, mais j'ai déjà entendu l'argument. Je ne pense pas qu'il nous faille une nouvelle institution.
    Merci, monsieur Broadbent.
    Nous tenons à vous remercier tous deux d'être venus comparaître. Cela était un plaisir de vous avoir tous les deux. Nous allons assurément relire vos témoignages. À l'occasion de notre voyage, nous avons pu voir cinq pays qui, tous, travaillaient pour la promotion du développement démocratique. Je voudrais maintenant étudier davantage certains organismes avec lesquels vous avez été en rapport. Tous ces organismes oeuvrent pour le développement des partis politiques dans les pays où il n'était pas possible... Ils se faisaient élire, mais certains de ces nouveaux élus ne savaient même pas ce qu'étaient les responsabilités d'un député, ignorant même tout du fonctionnement d'un gouvernement. Pour eux, c'était un boulot comme un autre.
    Nous allons donc, je n'en doute pas, revoir vos témoignages. Nous allons également nous pencher sur le mandat de certains des organismes avec lesquels vous avez été en rapport, et nous sommes d'ailleurs impatients de le faire.
    La séance est levée.