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FAAE Rapport du Comité

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Chapitre 6 Faire du développement
démocratique une des grandes priorités de
la politique internationale du Canada

Le monde a besoin que le Canada assure non pas moins, mais plus de leadership, et que le Canada agisse davantage au chapitre des efforts internationaux déployés pour développer la démocratie.

Grant Kippen, ancien directeur du NDI pour l’Afghanistan[259]

Pourquoi les démocraties devraient-elles se soucier de promouvoir leur type de gouvernement dans d’autres régions du monde? La réponse n’est pas que cela correspond simplement à nos idéaux les plus élevés en matière de gouvernement, mais que c’est également dans notre intérêt national. Les pays démocratiques sont des pays paisibles. Ils gouvernent mieux leur économie et ce sont de meilleurs partenaires commerciaux.

Jeffrey Kopstein[260]

[…] quel est le dossier des gouvernements occidentaux et des institutions internationales? En dépit de toutes les déclarations officielles et de tous les énoncés de principe, à quel point sont-ils sérieux à l’égard de la promotion de la démocratie?[…] il y a des preuves considérables que la rhétorique de la promotion de la démocratie ne concorde pas avec la réalité du soutien réel.

Gordon Crawford[261]

Le Canada a toujours reconnu en paroles l’importance de la promotion de la démocratie — y a-t-il un pays démocratique qui ne l’a pas fait? — mais à la différence de la promotion du commerce ou du principe de la responsabilité de protéger, cela n’a jamais été un des éléments essentiels de la politique étrangère du Canada […] Comme dans de nombreux autres secteurs de la politique internationale, nous parlons très bien de la démocratie mais le gouvernement du Canada s’est donné des moyens très limités pour en faire la promotion.

Thomas Axworthy, président,
Centre for the Study of Democracy, Université Queen’s
[262]

Comme le Comité l’a dit dans les premiers chapitres du présent rapport, la promotion de la démocratie n’est pas un objectif incontesté de la politique étrangère, si l’on en juge par les controverses et problèmes qu’elle suscite, notamment au Moyen-Orient. Si le ministre des Affaires étrangères Peter MacKay est d’avis que la « grande majorité des Canadiens accepteront que la démocratie devrait jouer un rôle clé dans notre politique étrangère[263] », Jeffrey Kopstein pense pour sa part que « de nombreux Canadiens se méfient de la promotion de la démocratie[264] ». Le comité estime que le fait de soutenir le développement démocratique à l’échelle internationale sur la base d’une démarche reposant sur les droits universels de la personne comme il l’a définie à la recommandation 1 permettra d’atténuer ces préoccupations. Dans ce contexte, il est possible d’affirmer de manière irréfutable que la promotion de la démocratie est dans l’intérêt du Canada et dans celui du monde entier.

En outre, presque tous les témoins que le Comité a entendus voient d’un bon œil l’action du Canada en faveur du développement démocratique; aucun n’a dit que le Canada devrait faire moins à ce sujet. En fait, beaucoup soutiennent que le Canada devrait faire bien davantage, et le Comité examinera leurs propositions à cet égard dans les prochains chapitres, en y ajoutant ses propres idées.

Premièrement, le Comité pense qu’il faut un leadership politique et une orientation politique claire et cohérente dans l’ensemble de l’administration fédérale. Compte tenu de la réflexion de M. Crawford citée plus haut, il importe que, au-delà des mots, cette orientation se concrétise dans des actions à l’appui de ses objectifs déclarés.

Le Comité est d’accord avec le ministre MacKay quand il dit que « l’attachement du Canada à la démocratie va bien au-delà des politiciens, des diplomates et des spécialistes du développement. La démocratie est l’affaire de toute la société canadienne, de nos universités à nos lieux de culte, de nos associations professionnelles à nos partis politiques. Nous devrions mobiliser la société canadienne pour promouvoir la démocratie[265] ». Il importe cependant que le gouvernement fasse preuve de leadership, car le gros des fonds qui financent l’appui à la démocratie provient de sources publiques. Il est en outre essentiel que le gouvernement du Canada se donne une voix unique et transmette des messages cohérents relativement au développement démocratique, car des actions mal coordonnées ou contradictoires ne peuvent que miner l’appui du Canada à la démocratie à l’étranger.

Le Canada n’a pas pour le moment de cadre politique général sur l’aide à la démocratie. Le Comité espère que le présent rapport entraînera la formulation d’un tel cadre faisant du développement démocratique une des priorités de la politique internationale du Canada.

Recommandation 9

Le gouvernement devrait accompagner sa réponse aux recommandations contenues dans le présent rapport d’un aperçu d’un projet de cadre stratégique pancanadien et pangouvernemental sur l’aide du Canada au développement démocratique à l’échelle internationale dans lequel, au minimum :

·        il s’engage à faire de l’aide au développement démocratique une des grandes priorités de la politique internationale globale du Canada;

·        il brosse les grandes lignes du concept de développement démocratique et des objectifs stratégiques du Canada à cet égard;

·        il s’engage à prévoir une dotation pluriannuelle suffisante pour financer les mécanismes choisis pour atteindre ces objectifs stratégiques.

Au niveau de ses politiques et programmes, le gouvernement devrait voir à se donner les moyens de répondre de manière efficace et cohérente aux problèmes changeants que pose le développement démocratique. Il dispose actuellement d’un petit service de promotion de la démocratie créé en 2006 au MAECI. Compte tenu de l’importance de l’aide à la démocratie en tant que politique publique, nous pensons que ce service pourrait grossir et être placé à un niveau plus élevé dans la structure de planification politique du MAECI. (Il pourrait être par ailleurs souhaitable de créer, au sein du Bureau du Conseil privé (BCP), un mécanisme de coordination des politiques pour assurer la cohérence de toutes les activités du gouvernement du Canada dans le domaine de la promotion de la démocratie.)

Actuellement, la majeure partie des fonds fédéraux qui financent des programmes de gouvernance démocratique proviennent du budget de l’ACDI. Le Comité va proposer la création d’un important nouveau mécanisme indépendant de financement dans le prochain chapitre, mais l’ACDI demeurera quand même un joueur important en matière de programmes d’aide à la démocratie. Elle a institué un Bureau de la gouvernance démocratique en octobre 2006, dont les fonctions ont été décrites par le président de l’ACDI, Robert Greenhill, quand il a comparu devant le Comité en mars 2007 et dans le Rapport sur les plans et les priorités 2007-2008 de l’ACDI (Partie III du Budget des dépenses) comme nous l’avons vu à la partie II du présent rapport.

Le Comité note aussi que le projet de loi C‑293, Loi concernant l’aide au développement officielle fournie à l’étranger, a été adopté à la majorité des voix en comité en décembre 2006 et en troisième lecture à la Chambre des communes le 28 mars 2007. Si ce projet de loi devient loi, il conférera pour la première fois un mandat légiféré à l’ACDI. Le projet de loi C-293 fait de la réduction de la pauvreté une priorité de l’APD du Canada et prévoit des mécanismes de responsabilisation. Le Comité a fait valoir au chapitre 2 que le développement démocratique et le développement socio-économique, qui permet une réduction de la pauvreté, étaient inextricablement liés. Ainsi, quoi qu’il arrive, il n’envisage pas de cas où il serait inopportun que la gouvernance démocratique continue de figurer dans le mandat de l’ACDI.

En ce qui concerne le renforcement de la reddition de comptes au sujet de la totalité de l’aide du Canada, le Comité note que le gouvernement a souligné cet aspect quand il a relevé de 900 millions de dollars le budget de l’aide étrangère sur les deux prochaines années. Comme il est dit dans le Plan budgétaire diffusé le 19 mars 2007 :

[…] le gouvernement examinera des options pour s’assurer que notre programme d’aide fasse l’objet d’une évaluation indépendante, qui fournira aux parlementaires et à tous les Canadiens une évaluation objective des résultats obtenus en matière d’aide internationale. Cette évaluation indépendante permettra de mieux comprendre les résultats que nous obtenons, afin que le gouvernement puisse dépenser plus judicieusement l’argent consacré à l’aide internationale. Le gouvernement fournira aux Canadiens des bilans plus faciles à comprendre et plus fréquents, y compris des fiches de rendement sur l’efficacité de notre soutien dans [des] pays donnés[266].

Dans ce contexte, le Comité est d’avis que le Bureau de la gouvernance démocratique de l’ACDI doit fournir aux Canadiens le plus d’informations possible sur ce que les fonds accordés par l’ACDI permettent d’accomplir dans le domaine du développement démocratique. Le financement de ce que l’ACDI considère comme de la gouvernance démocratique devrait être pris en compte dans l’évaluation indépendante du programme d’aide publique au développement du Canada que le gouvernement s’est engagé à réaliser. Plus encore, les projets du gouvernement au sujet de cette évaluation indépendante devraient tenir compte des recommandations du Comité appelant une évaluation indépendante complète de toutes les formes d’aide du Canada au développement démocratique.

Recommandation 10

Le gouvernement devrait faire en sorte que toutes les activités gouvernementales touchant le développement démocratique à l’échelle internationale soient cohérentes.

Recommandation 11

Le gouvernement devrait voir à ce que l’ACDI, par le truchement de son Bureau de la gouvernance démocratique, offre aux Canadiens le plus d’informations possible sur ce que les fonds qu’elle accorde permettent d’accomplir dans le domaine du développement démocratique. De plus, les plans du gouvernement, relativement à l’évaluation indépendante du programme d’aide du Canada, devraient tenir compte des recommandations du Comité qui prônent une évaluation indépendante complète de toutes les formes d’aide du Canada au développement démocratique.

Reste enfin la question du rôle futur du Conseil de la démocratie, lequel réunit actuellement des cadres supérieurs du MAECI, de l’ACDI et de six organes indépendants, comme on l’a vu dans les chapitres précédents. Quelle doit être l’évolution future de ce qui est pour le moment une tribune limitée pour le partage d’informations et de pratiques exemplaires? Dans une note d’information préparée en vue du Dialogue sur l’approche canadienne en matière de développement démocratique du 15 février 2007 parrainé par le Conseil, on note à ce sujet :

Le Conseil examine actuellement la possibilité de se donner une structure plus permanente qui facilitera l’élargissement des échanges sur la gouvernance démocratique en vue d’harmoniser les pratiques dans ce domaine[267].

Sur la question de l’élargissement du volet consultatif du Conseil de la démocratie, un témoin, Fergus Watt du World Federalist Movement — Canada, a dit au Comité : « Nous estimons qu’il est déficient, car il n’englobe pas un nombre suffisant d’organisations de la société civile […] Pour obtenir de la rétroaction critique dans le cadre d’un processus consultatif, il vous faut consulter plus que simplement les organisations qui reçoivent elles aussi leur financement du gouvernement[268]. »

Dans un document datant de janvier 2007, le Centre parlementaire dit estimer que le Conseil de la démocratie pourrait utilement renforcer la voix du Canada et aider à la faire entendre au niveau international pour peu :

·        que l’adhésion au Conseil soit étendue à l’ensemble des organisations canadiennes engagées directement dans la promotion internationale de la démocratie;

·        que le Conseil organise des rencontres publiques entre universitaires, experts gouvernementaux et non gouvernementaux, politiciens et décideurs canadiens et leurs homologues étrangers, afin de favoriser la compréhension des défis liés au développement de la démocratie et de définir les champs d’action qui pourraient bénéficier du leadership canadien;

·        que soit confié au Conseil le mandat de soutenir l’engagement canadien, gouvernemental et non gouvernemental, dans les forums internationaux sur le développement de la démocratie, et de lui donner les ressources pour ce faire[269].

La proposition la plus complète sur l’avenir du Conseil de la démocratie a été soumise par Droits et Démocratie, une organisation indépendante créée par le Parlement en 1988 :

Entre le statu quo et la création d’un système centralisé, nous proposons qu’un espace de dialogue et de convergence soit aménagé entre le gouvernement du Canada et un regroupement d’institutions indépendantes ou autonomes qui se consacrent au développement démocratique sur la scène internationale. Depuis un an, une telle initiative a été mise de l’avant, le Conseil démocratique. On peut imaginer que dans le temps, ce conseil approfondisse son travail et se développe comme suit :

1.       Un consortium d’institutions canadiennes indépendantes ou autonomes qui ont été créées par le Parlement se réunirait deux fois par an avec les objectifs suivants :

·        échanger de l’information sur leurs plans d’action, les besoins en recherche, les pratiques exemplaires en création et transfert de connaissances, l’élaboration des politiques et le développement institutionnel afin de consolider davantage une base de connaissances commune, de former des partenariats stratégiques et de mener des actions convergentes;

·        définir, lorsque cela est politiquement souhaitable et faisable, des programmes convergents ou conjoints pour un pays ou une région donné;

·        échanger de l’information au sujet du développement national, régional et international susceptible d’avoir une incidence sur les institutions canadiennes ou d’orienter leurs activités;

·        se pencher sur les politiques, les objectifs et les priorités du Canada dans le secteur du développement démocratique sur la scène internationale et présenter des propositions conjointes au gouvernement du Canada.

2.       Nous proposons que, deux fois par an, le consortium d’institutions indépendantes ou autonomes rencontre les autorités canadiennes (comité interministériel ou toute autre formule) avec les objectifs suivants :

·        faire connaître les résultats de leur travail et leurs recommandations aux autorités gouvernementales;

·        être informé des politiques, des objectifs et des priorités prévus par le gouvernement;

·        déterminer les initiatives précises qui nécessitent une intervention urgente;

·        contribuer à l’harmonisation des politiques[270].

Le Comité convient que l’élargissement du volet consultatif du Conseil de la démocratie pourrait être utile et contribuer à harmoniser les activités des organisations canadiennes en matière d’aide à la démocratie et à leur donner un plus grand impact international. Il pense cependant que cette évolution doit s’inscrire dans le contexte de la création d’un nouveau mécanisme indépendant de soutien de la démocratie, sujet qui sera abordé maintenant.


[259]     Mémoire au Comité, 9 octobre 2006, p. 1.

[260]     Témoignages, réunion 19, 4 octobre, p. 3.

[261]     Gordon Crawford, « Réunir les conditions propices aux réformes démocratiques : tirer des enseignements des principes démocratiques », communication sommaire au Dialogue sur l’approche canadienne en matière de développement démocratique, 15 février 2007, p. 5-6.

[262]     Témoignages, réunion 19, 4 octobre 2006, p. 10.

[263]     Témoignages, réunion 17, 27 septembre 2006, p. 3.

[264]     Témoignages, réunion 9, 4 octobre 2006, p. 3.

[265]     Témoignages, réunion 17, 27 septembre 2006, p. 3.

[266]     Gouvernement du Canada, Plan budgétaire 2007, p. 286, http://www.budget.gc.ca/2007/pdf/bp2007f.pdf.

[267]     « The Democracy Council », note d’information distribuée à l’occasion du Dialogue sur l’approche canadienne en matière de développement démocratique du 15 février 2007, p. 1. [traduction]

[268]     Témoignages, réunion 40, 13 février 2006, p. 16.

[269]     « Renforcer le rôle du Canada comme chef de file dans la promotion de la démocratie », Centre parlementaire, Robert Miller, président, 11 janvier 2007, p. 4.

[270]     « Promotion et protection de la démocratie et des droits humains : Politiques et perspectives pour le 21ième siècle », présentation de Jean-Louis Roy, président, 2 octobre 2006, p. 33‑4; c’est l’auteur qui souligne.